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398 Novembre-Décembre 2008 – 6 numéro Environnement et santé : les risques perçus par la population Soutien à la parentalité : programme pilote en Ile-de-France La qualité des pratiques en éducation du patient Jeunes et alcool : quelle prévention ?

Novembre-Décembre 2008 – 6

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Page 1: Novembre-Décembre 2008 – 6

398Novembre-Décembre 2008 – 6 €

num

éro

Environnement et santé :les risques perçuspar la population

Soutien à la parentalité :programme pilote en Ile-de-France

La qualité des pratiques en éducation du patient

Jeunes et alcool : quelle prévention ?

Page 2: Novembre-Décembre 2008 – 6

SH39

8

est éditée par :L’Institut national de préventionet d’éducation pour la santé (INPES)42, boulevard de la Libération93203 Saint-Denis CedexTél. : 01 49 33 22 22Fax : 01 49 33 23 90http://www.inpes.sante.fr

Directrice de la publication : Thanh Le Luong

RÉDACTIONRédacteur en chef : Yves Géry Secrétaire de rédaction : Marie-Frédérique Cormand Assistante de rédaction : Danielle Belpaume

RESPONSABLES DES RUBRIQUES : Qualité de vie : Christine Ferron<[email protected]>La santé à l’école : Sandrine Broussouloux etNathalie Houzelle<[email protected]>Débats : Éric Le Grand <[email protected]>Aide à l’action : Florence Rostan <[email protected]>La santé en chiffres/enquête : ChristopheLéon <[email protected]>International : Jennifer Davies<[email protected]>Éducation du patient : Isabelle Vincent<[email protected]>Cinésanté : Michel Condé <[email protected]>et Alain Douiller <[email protected]>Lectures – Outils : Centre de documentation<[email protected]>

COMITÉ DE RÉDACTION : Élodie Aïna (INPES), Jean-Christophe Azorin(Épidaure, CRLC, Centre de ressources pré-vention santé), Dr Bernard Basset (INPES),Soraya Berichi (ministère de la Santé, de laJeunesse, des Sports et de la Vie associative),Dr Zinna Bessa (direction générale de laSanté), Mohammed Boussouar (Codes de laLoire), Dr Michel Dépinoy (InVS), AlainDouiller (Codes de Vaucluse), Annick Fayard(INPES), Christine Ferron (Cres de Bretagne),Laurence Fond-Harmant (CRP-Santé, Luxem-bourg), Jacques Fortin (professeur), ChristelFouache (Codes de la Mayenne), SylvieGiraudo (Fédération nationale de la Mutualitéfrançaise), Joëlle Kivits (SFSP), LaurenceKotobi (MCU-Université Bordeaux-3), Éric LeGrand (conseiller), Claire Méheust (INPES),Colette Ménard (INPES), Félicia Narboni(ministère de l'Éducation nationale), Dr Sté-phane Tessier (Regards).

Fondateur : Pr Pierre Delore

FABRICATION Création graphique : Frédéric VionImpression : Mame Imprimeurs – Tours ADMINISTRATIONDépartement logistique (Gestion des abonne-ments) : Manuela Teixeira (01 49 33 23 52)Commission paritaire : 0508 B 06495 – N° ISSN : 0151 1998. Dépôt légal : 4e trimestre 2008.Tirage : 6 000 exemplaires.

Les titres, intertitres et chapô sont de la responsabilité de la rédaction

397Septembre-Octobre 2008 – 6 €

num

éro

Travail : prévenir le stress

Suisse :la sexualité expliquéeaux écoliers

Enquête : les Français enmanque de sommeil

Comment réduire les inégalités sociales de santé ?Comment réduire les inégalités sociales de santé ?

Tous les deux mois• l’actualité• l’expertise• les pratiques• les méthodes d’intervention

dans les domaines de la prévention et de l’éducation pour la santé

Une revue de référence et un outil documentaire pour :• les professionnels de la santé,

du social et de l’éducation• les relais d’information• les décideurs

Rédigée par des professionnels• experts et praticiens• acteurs de terrain• responsables d’associations et de réseaux• journalistes

1 an 28 €2 ans 48 €Étudiants (1 an) 19 €Autres pays et outre-mer (1 an) 38 €

❏ Les ancrages théoriques de l’éducation pour la santé, n° 377.

❏ La santé à l’école, n° 380.❏ Mieux prévenir les chutes chez

les personnes âgées, n° 381.❏ Démarche participative et santé,

n° 382.❏ La promotion de la santé à l’épreuve

des territoires, n° 383.❏ Promotion de la santé des jeunes,

n° 384.❏ Ruralité et santé, n° 385.❏ Prévenir les consommations à risque

chez les jeunes, n° 386.❏ La santé… par l’activité pyshique !,

n° 387.

Je souhaite m’abonner pour :❏ 1an (6 numéros)❏ 2 ans (12 numéros)❏ Étudiants 1 an (6 numéros)Joindre copie R°/ V° de la carte d’étudiant

❏ Autres pays et outre-mer 1 an (6 numéros)

Soit un montant de €

Ci-joint mon règlement à l’ordre de l’INPES par ❏ chèque bancaire ❏ chèque postal

NomPrénomOrganismeFonctionAdresse

Date

Signature

La revue de la préventionet de l’éducation pour la santé

52 pages d’analyses et de témoignages

Institut national de prévention et d’éducation pour la santé42, bd de la Libération – 93203 Saint-Denis Cedex – France

Abonnez-vous ! 1 an = 28 €

Je recevrai un numéro gratuit parmiles numéros suivants (en fonction desstocks disponibles) :

Page 3: Novembre-Décembre 2008 – 6

sommaire

Illustrations : Véronique Joffre

398Novembre-Décembre 2008

num

éro

◗ La santé en chiffresSanté et environnement : commentles Français perçoivent les risquesChristophe Léon, Colette Ménard . . . . . . . . . . . . . 4

◗ Aide à l’actionIle-de-France : un programme de soutien à la parentalitéThomas Saïas, Anne Legge, Alice Thomas et le groupe de recherche CAPEDP . . . . . . . . . . . . 6

Former le personnel des écoles maternelles à l’équilibre alimentaireJean-Christophe Azorin, Delphine Le Gonidec, Latifa Ouldboukhitine, Laurent Vauclare, Dominique Foulquier-Gazagnes . . . . . . . . . . . . . . 8

Jeunes et alcool : quelle prévention ?IntroductionJuliette Guillemont, Alain Rigaud, Hélène David . . . 9

Alcool et jeunes : l’état des connaissances

La consommation d’alcool des jeunes :ce que nous apprennent les enquêtesJuliette Guillemont, François Beck . . . . . . . . . . . 10

Les jeunes et l’alcoolAlain Rigaud . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

« Il est très important de travailler sur la représentation du risque »Entretien avec Claudine Perez-Diaz . . . . . . . . . . . 16

Sorties festives, conduites d’excès, culture de la jeunesseVéronique Nahoum-Grappe . . . . . . . . . . . . . . . . 18

Producteurs d’alcool : un marketingsur mesure pour séduire les jeunesKarine Gallopel-Morvan . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

Alcool et jeunes : les grands principesde toute intervention de préventionHélène David . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

Les parents, premiers acteurs de la préventionPhilippe Jeammet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

« Repérer quand la consommationdevient problématique »Entretien avec Philippe Castera . . . . . . . . . . . . . 26

Prévention : focus sur cinq actions

La Roche-sur-Yon : prévention en amont à l’échelle d’une communePhilippe Zongo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

« Los Angels de la Nuèch » : une équipede prévention nocturne de MontpellierJulie Bouchard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

Changer les représentations que les jeunesont de l’alcoolMuriel Bousquet, Hélène Sancho-Garnier . . . . . . . 30

« La cuite, c’est pas automatique »Catherine Jouaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

Devant une discothèque : « Vas-y, souffle ! »René Fortes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

Ailleurs : quelles politiques de prévention ?

Les jeunes Européens et l’alcoolMichel Craplet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

Binge drinking chez les jeunes Européens :les programmes allemands et néerlandaisde préventionOlivier Phan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

L’organisation des services en alcoolisme et toxicomanie auprès des jeunes du QuébecJoël Tremblay, Natacha Brunelle, Michel Landry . . . 39

Pour en savoir plusSandra Kerzanet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

◗ Éducation du patientEn quoi nos pratiques en éducation pour la santé sont-elles utiles à l’éducationdu patient ?Florence Chauvin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

◗ Lectures-OutilsOlivier Delmer, Sandra Kerzanet, Céline Deroche . . . 48

Dossier

◗ Index 2008Encart central

Page 4: Novembre-Décembre 2008 – 6

la santé en chiffres

4 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 398 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008

Les Français s’estiment plutôt bien informés sur les risques sanitaires liés à l’environne-ments mais ils ne sont pas pour autant satisfaits de l’information dont ils disposent, selonla première enquête « Baromètre santé environnement » publiée en juillet 2008 parl’INPES. L’amiante est classée comme le risque environnemental le plus élevé et le cancercomme la première crainte de maladie liée à l’environnement.

Si les facteurs de vulnérabilité sontdifférents d’un individu à l’autre, il estaujourd’hui admis que de nombreuxfacteurs environnementaux tels que lapollution des sols, la qualité de l’air, laqualité des eaux distribuées ou le niveaude bruit peuvent avoir un rôle dans lasurvenue de pathologies telles que lescancers, les maladies cardio-vasculaires,l’asthme, les allergies ou les troublesneurologiques.

La prise en compte de ces facteursenvironnementaux sur la santé suscitedes attentes de plus en plus fortes dela population et s’impose comme unepréoccupation majeure des pouvoirspublics. Dans le cadre du Plan natio-nal santé environnement (PNSE) 2004-2008, l’INPES a lancé, en 2007, uneenquête sur les connaissances, les atti-tudes, les opinions et les comporte-ments des Français de 18 à 75 ans faceaux risques environnementaux et leursconséquences sur la santé. L’objectif decette enquête est de prendre en compteles perceptions sociales des risquessanitaires liés à l’environnement et laplace qu’ils occupent parmi la popula-tion et dans le débat public.

L’enquête s’est déroulée du 22 jan-vier au 21 mai 2007 par des entretienstéléphoniques : 6 007 individus, âgés de 18 à 75 ans, ont répondu à un ques-tionnaire centré sur leur cadre de vieet leur habitat. Les thèmes abordéssont : la pollution des sols, la pollutionatmosphérique, la pollution de l’air inté-rieur (dans le logement), les risques liésau monoxyde de carbone ou au radon1,la perception des risques liés à l’eau (du robinet ou de baignade), aux légio-nelles, au bruit ainsi que la probléma-tique de la téléphonie mobile.

Un fort intérêt de la populationSur une échelle allant de 1 à 10, 21 %

de la population se déclarent parti-culièrement sensibles à l’environnement(note de 9 à 10), 51,1 % expriment unesensibilité entre 7 et 8 points et 7,9 %situent leur sensibilité en dessous de7 points ; la note moyenne de sensibilitéà l’environnement est 7,3. Même s’il estdifficile de traduire précisément cettequantification, ces notes élevées sont lesigne d’un intérêt affiché de la popula-tion à l’égard de l’environnement.

En réponse à la question « Quand onparle d’environnement, à quoi pensez-vous en premier lieu ? », les deux pre-mières évocations privilégiées par lesenquêtés sont : « L’état de l’environne-ment dont nos enfants vont hériter » et« la protection de la nature » (48,4 % et42,6 %) (Figure 1).

Des Français plutôt bien informésDans l’ensemble, les personnes

interrogées s’estiment « plutôt bien »informées des effets sur la santé des fac-teurs environnementaux, à savoir : laqualité de l’eau du robinet (pour 71,3 %d’entre elles), la pollution de l’air exté-rieur (69,5 %), le bruit (66,1 %), le mono-xyde de carbone (65,1 %), et dans unemoindre mesure les risques liés à l’usagedes téléphones portables (60,7 %). Le sentiment d’information diminue dèslors qu’il s’agit de la légionellose (57,5 %),des risques liés à certaines peintures auplomb (54,7 %), des conséquences dela pollution de l’air intérieur (48,3 %)ou de la pollution des sols (44,4 %). Un thème se distingue très nettementdes autres : 61,9 % des enquêtés n’ontjamais entendu parler du radondans leshabitations. Ce pourcentage est ramenéà 49,1 % pour les habitants des trente

Santé et environnement : comment les Français perçoivent les risques

Figure 1. Comment les Français se représentent l’environnement : principaux thèmesmis en avant (en pourcentage, deux réponses possibles)

0 10 20 30 40 50

L’état de l’environnement dont nos enfant vont hériter 48,4

La protection de la nature 42,6

La responsabilité de chacunpour améliorer l’environnement 38,7

La qualité de vie, là où vous vivez 31,0

Des paysages agréables et verdoyants 17,2

L’air des villes 10,9

Des tremblements de terre, inondations… 7,8

Autres 2,3

Ne se prononce pas 1,1

Page 5: Novembre-Décembre 2008 – 6

5LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 398 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008

la santé en chiffres

et un départements2 classés prioritairesdans la gestion de ce risque sanitaire. Aubilan, si l’on exclut la thématique radon,sept personnes sur dix (67,2 %) ontentendu parler de tous les sujets, mais6,0 % « n’ont jamais entendu parler »d’au moins le tiers des sujets évoqués.

Bien que les Français se disent plu-tôt bien informés sur les risques sani-taires liés à l’environnement, ils ne sontpas pour autant satisfaits de l’informa-tion dont ils disposent. En effet, plusd’une personne sur deux (51,4 %) sedéclare insatisfaite de l’informationreçue. Si 60,4 % des insatisfaits jugentl’information insuffisante, 20 % consi-dèrent avant tout qu’elle est mal expli-quée et 17,7 % qu’elle n’est pas fiable.

La population se déclare plutôtconfiante à l’égard de l’expertise scien-tifique. L’amiante et la pollution de l’airextérieur sont les thèmes qui suscitentla plus grande confiance (73 % et72,3 %). En revanche, concernant lethème de la téléphonie mobile, 49,5 %des personnes interrogées déclarent nepas avoir confiance dans l’expertisescientifique (dont 15,6 % se disant « pasdu tout » confiants).

Risques perçus et effetséventuels sur la santé

Parmi une liste de quatorze facteursenvironnementaux, l’amiante est de

loin celui qui est considéré comme leplus à risques : 67,7 % estiment qu’ilprésente « un risque très élevé » pour lasanté des Français. Viennent ensuite lemonoxyde de carbone (48,5 %), lespeintures au plomb (43,1 %) et l’expo-sition solaire (42,8 %). L’importance desrisques liés à la pollution des sols, auxlégionelles, à l’utilisation des produitsménagers, de bricolage, de jardinage ouau bruit est, quant à elle, partagée parsept enquêtés sur dix (Figure 2).

La pollution à l’intérieur des habita-tions divise l’opinion : 48,2 % lui confè-rent des risques « plutôt » ou « très » éle-vés, et 48,2 % des risques « plutôtfaibles » ou « quasi nuls ». Les risquesliés à la téléphonie mobile partagentégalement les personnes interrogées :51,5 % pensent que les risques sont« plutôt » ou « très » élevés, 37,8 % qu’ilssont « plutôt faibles », et nombreux sontceux ne se prononçant pas (10,7 %)(Figure 2).

Cancer : première crainte demaladie liée à l’environnement

Interrogées sur leurs craintes d’êtreaffectées personnellement par unemaladie liée à l’environnement au coursde leur vie, plus de quatre personnessur dix (43,6 %) estiment courir unrisque « plutôt élevé » de développer uncancer, un tiers d’entre elles (34,9 %)évoque la probabilité de troubles tels

que l’anxiété, le stress ou les troubles dusommeil.

De même, 31,4 % déclarent pensercourir un risque élevé de contracter de l’asthme ou des allergies respiratoi-res, et près d’une personne sur troiscraint d’être affectée par une maladiecardiaque (29 %) ou une nouvelle épi-démie (28,7 %). Près d’une personnesur cinq (19,9 %) considère avoir unrisque élevé d’être victime d’une mala-die professionnelle.

Christophe Léon

Statisticien, chargé d’études et de recherche,

Colette Menard

Psychosociologue, expert en promotion

de la santé, direction des Affaires

scientifiques, INPES

1. Gaz radioactif d’origine naturelle retrouvé sur l’en-semble de la surface terrestre.2. Allier, Ardèche, Ariège, Aveyron, Calvados, Can-tal, Corrèze, Corse-du-Sud, Côtes-d’Armor, Creuse,Deux-Sèvres, Doubs, Finistère, Haute-Corse, Haute-Loire, Haute-Marne, Haute-Saône, Haute-Vienne,Hautes-Alpes, Hautes-Pyrénées, Indre, Loire, Lozère,Morbihan, Nièvre, Puy-de-Dôme, Rhône, Saône-et-Loire, Savoie, Territoire de Belfort, Vosges.

Menard C., Girard D., Léon C., Beck F (sousla dir.). Baromètre santé environnement2007. Saint-Denis : INPES, coll. Baromètressanté, 2007 : 410 p.

Figure 2. Perception des risques environnementaux pour la santé (en pourcentage)

0 20 40 60 80 100

L’amiante 67,6

48,5

43,1

42,8

33,0

29,4

25,8

21,0

21,0

20,0

14,0

12,4

11,0

7,4

21,8 7,6 1,6 1,4

39,4 9,2 0,8 2,1

34,9 13,6 2,8 5,6

43,8 11,3 0,51,6

51,4 13,6 1,2 0,8

40,8 23,5 3,92,4

45,1 20,6 5,62,9

49,2 26,3 2,5 1,0

48,2 27,0 3,6 0,9

40,4 24,9 5,0 9,7

37,5 30,9 6,9 10,7

26,7 41,9 17,8 1,2

37,2 42,6 5,6 3,6

27,9 46,0 10,6 8,1

Le monoxyde de carbone

Les peintures au plomb

L’exposition au soleil

La pollution à l’air à l’extérieur

Les légionelles ou la légionellose

La pollution des sols

Les produits ménagers, de bricolage, de jardinage

Le bruit

Les incinérateurs

Les antennes de téléphonie mobile

La qualité de l’eau du robinet

La pollution de l’air à l’intérieur

Les cosmétiques

Très élevé Plutôt élévé Plutôt faible Quasi nul NSP

Page 6: Novembre-Décembre 2008 – 6

Depuis 2006, dans le cadre du programme expérimental CAPEDP, des professionnelsrendent visite régulièrement à de jeunes mères en situation de vulnérabilité psychoso-ciale. L’objectif est de soutenir la parentalité, pour promouvoir la santé mentale de l’enfant. Deux cent vingt familles sont concernées par ce dispositif.

Depuis 2006, se déroule en Ile-de-France le programme CAPEDP(« Capeet d’épée »)1. Il s’agit d’une recherche-action de promotion de la santé men-tale de la petite enfance, réalisée par lesecteur de pédopsychiatrie de l’hôpitalBichat et le laboratoire de recherche del’Établissement public de santé Maison-Blanche. Le programme est financé parl’INPES et le Protocole hospitalier derecherche clinique. Il vise à évaluer l’ef-fet d’une intervention préventive, des-tinée à de jeunes parents en situation devulnérabilité psychosociale.

Les théories développementalesreconnaissent que l’environnementsocial et familial a des effets à longterme sur le fonctionnement psycholo-gique des individus (1-4). Le dévelop-pement de relations précoces de qua-lité permet à l’enfant d’explorer sonenvironnement en sécurité, et contribueà la mise en place d’un large éventail decompétences psychosociales. Parailleurs, les nourrissons sont particuliè-rement sensibles aux contextes précai-res, générant d’importants stress dansles familles ; la souffrance psycholo-gique des parents (notamment ladépression) et les contextes sociaux àvulnérabilités multiples peuvent ainsiavoir un impact délétère sur leur déve-loppement (5, 6).

Des programmes d’intervention des-tinés aux populations défavorisées sesont développés en Amérique du Nord,puis dans d’autres régions du mondedepuis les années 1960-1970 (7). EnFrance, il existe, depuis 1945, un sys-tème de prévention « universelle », via laProtection maternelle et infantile (PMI),proposant des services à l’ensemble desfemmes enceintes. Cependant, si ce sys-

tème de PMI a montré des effets desanté publique majeurs (notammentpar la réduction de la mortalité infan-tile de 80 % en cinquante ans), il estaujourd’hui limité en moyens pouraccomplir ses missions de préventionen santé mentale et notamment poursoutenir le développement de la paren-talité chez les familles en situation devulnérabilité psychosociale.

Visites à domicileL’objet du programme CAPEDP – en

s’appuyant sur les expériences d’autrescontextes culturels ayant montré leurefficacité – est de renforcer le systèmede prévention français, en mettant enplace un programme de visites à domi-cile dont l’objet est d’agir pour la pro-motion de la santé mentale et de laparentalité chez de jeunes mères atten-dant leur premier enfant. Autre objec-tif du programme : évaluer l’effet d’uneintervention préventive précoce.

Dans ce cadre, les familles sont recru-tées en maternité dès le 6e mois de gros-sesse. L’intervention des professionnels(voir ci-après) commence lors du 7e moiset se poursuit jusqu’aux 2 ans de l’enfant.Deux cent vingt familles sont ainsi recru-tées dans neuf maternités de l’Assistancepublique-Hôpitaux de Paris2. Ellesseront comparées avec un groupe iden-tique de deux cent vingt familles quibénéficient des services habituels(maternité, PMI, pédiatre, etc.). La com-paraison des groupes est réalisée sur labase d’un protocole d’évaluation ciblantles critères suivants : dépression pré etpost-natale ; sentiment de compétenceparentale ; stress parental ; développe-ment psychologique et psychomoteurde l’enfant ; attachement de l’enfant ;insertion sociale et médico-sociale.

Pour participer au projet, les jeunesfemmes rencontrées en maternité doi-vent répondre aux critères suivants :avoir moins de 26 ans ; attendre leurpremier enfant ; parler suffisammentle français pour donner un consente-ment éclairé. Elles doivent par ailleursêtre concernées par au moins un cri-tère de vulnérabilité psychosocialeparmi les trois suivants : se déclarersocialement isolée ; bénéficier de laCouverture maladie universelle (CMU)ou de l’Aide médicale de l’État (AME) ;avoir un niveau d’études inférieur aubaccalauréat.

Si aucun de ces critères ne constitueen soi un déterminant de la santé men-tale3, on sait désormais que l’accumu-lation de « facteurs de risque » engendredes vulnérabilités. En d’autres termes, ilest plus facile d’élever un enfant lors-qu’on est en bonne santé, entourée etque l’on peut subvenir à ses besoins.

Première visite au 7e mois de grossesse

Pour l’ensemble des familles parti-cipant à l’étude, le premier contact estréalisé par une psychologue évalua-trice4. Pour les familles bénéficiant del’intervention, une autre psychologue– formée spécifiquement aux interven-tions préventives à domicile – prendensuite contact avec elles en vue decommencer le suivi dès le 7e mois degrossesse. Les visites ont lieu environdeux fois par mois, leur fréquence dimi-nuant à partir du 12e mois de l’enfant,en vue de promouvoir l’autonomie desfamilles.

L’intervention est adaptée à chaquefamille. Un manuel de base a été éla-boré5, pour garantir l’homogénéité des

aide à l’action

6 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 398 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008

Ile-de-France : un programme de soutien à la parentalité

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7LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 398 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008

aide à l’action

thématiques abordées : santé de lamère et du bébé (développementpsychomoteur, sommeil, alimentation),compétences parentales (aider lesparents à reconnaître les signaux dubébé), relation mère-enfant (encoura-ger les interactions entre la mère et sonbébé), identification des besoins del’enfant (par exemple, comprendre lespleurs du nourrisson), appui sur l’en-vironnement social (encourager lesmères à s’adresser à la PMI pour êtreguidées dans les soins à apporter à leurenfant). Cette intervention comportedeux spécificités : l’anticipation de lademande et l’intervention à domicile.

• Anticipation de la demande :CAPEDP est une intervention préven-tive ; la question éthique sous-jacenteest donc celle de l’opportunité d’unetelle intervention auprès de familles quin’ont pas formulé de besoins spéci-fiques. Deux réponses sont proposées :– la première est fournie par les don-nées scientifiques suggérant que ce sontles personnes les plus en demande desoutien qui en bénéficient le moins (8),notamment par leur difficulté (maté-rielle ou psychologique) à accéder auxservices de droit commun. L’interven-tion préventive à domicile est aujour-d’hui reconnue comme le modèle leplus efficient pour répondre à cesbesoins ;– la seconde concerne le choix desmodèles d’intervention. CAPEDP reposesur le modèle de la promotion de lasanté et non sur un modèle psychopa-thologique : développer des compéten-ces, et non soigner. Notre expériencemontre ainsi que les familles ont puinvestir le projet à différents niveaux :sentiment d’aider en participant à unprojet de recherche, utilité de la pré-sence d’une intervenante pour répondreponctuellement aux difficultés du quo-tidien, utilité de la présence plus régu-lière d’une intervenante, dans les situa-tions les plus difficiles. Le risque étaitde générer une forme de « pathologisa-tion » des familles, lequel a pu êtrecontourné par le choix de modèles nonmédicaux de l’intervention et par unesupervision hebdomadaire des interve-nantes, réalisée par des professionnels« seniors » de la petite enfance.

• Intervention au domicile : la culturede l’intervention en santé mentale, enFrance, ne met pas l’accent sur les stra-

tégies prenant place dans le milieu devie des familles. Et plus particulièrementlorsqu’il s’agit d’actions de prévention.L’intervention dans l’environnement devie permet aux intervenantes de s’ap-puyer sur les ressources disponibles etde proposer des solutions adaptées enfonction d’un contexte qu’elles peuventappréhender directement. Ce type d’in-tervention questionne le cadre tradi-tionnel de l’intervention psychologiqueet permet de générer une réflexion surle rôle et la place des professionnels desanté mentale.

Premier bilanLes interventions ont commencé en

décembre 2006 et la fin des suivis estprévue pour mai 2011. Les premiersretours qualitatifs des familles6 sontpositifs, chacune des mères concernéess’étant saisie de l’intervention selon sesbesoins. Cependant, on constate quecertaines d’entre elles – généralementles plus en situation de précarité –demeurent difficiles à joindre, rendantplus difficile la poursuite de l’interven-tion (laquelle est maintenue autant quepossible). Les intervenants œuvrentalors pour restaurer la confiance de cesfamilles envers les professionnels de lapérinatalité et de la petite enfance etleur permettre de formaliser, le caséchéant, leurs besoins.

Les premières données seront dispo-nibles courant 2010. CAPEDP offriraalors des perspectives sur le systèmepréventif en santé mentale, ainsi quesur la possibilité de développer des for-

mations spécifiques sur le métier d’in-tervenant dans les projets de préventionprécoce et de promotion de la santémentale.

Thomas Saïas

Psychologue, chargé de recherche en santé

mentale communautaire, chef de projet

CAPEDP, Établissement public de santé

Maison-Blanche, Paris.

Anne Legge et Alice Thomas

Psychologues à domicile, projet CAPEDP,

hôpital Bichat-Claude-Bernard, Paris.

et le groupe de recherche CAPEDP(Pr Antoine Guédeney,

Dr Florence Tubach, Tim Greacen, Dr Romain Dugravier, Estelle Marcault,

Susana Tereno, Amel Bouchouchi, Cécile Glaude, Audrey Hauchecorne,

Gaëlle Hoisnard, Virginie Hok, Céline Ménard, Marion Milliex,

Eléonore Pintaux, Élodie Simon-Vernier, Joan Tissier, Alexandra Vargas).

1. Compétences parentales et Attachement dans laPetite Enfance : Diminution des risques liés aux trou-bles de santé mentale et Promotion de la résilience.2. Les maternités des hôpitaux de l’AP-HP : Louis-Mou-rier, Beaujon, Bichat-Claude-Bernard, Lariboisière,Robert-Debré, Saint-Antoine, Pitié-Salpêtrière, Trous-seau, Jean-Rostand.3. Nous réfutons ici l’idée d’une causalité entre descaractéristiques sociodémographiques et des critèresde santé mentale.4. Ces psychologues sont chargées d’initier le premierlien de la recherche avec ces familles. Elles se rendentau domicile lors de ce premier rendez-vous, puis, aprèsla naissance, aux 3e, 6e, 12e, 18e et 24e mois de l’enfantpour réaliser des visites d’observation permettant d’évaluer l’efficacité de l’intervention.5. Adaptation française par l’équipe CAPEDP dumanuel d’intervention précoce de l’équipe de M. Gra-ham, à Tallahassee (États-Unis).6. Les familles sont questionnées tous les trois moissur leur satisfaction par rapport à l’intervention, parun autoquestionnaire anonyme qu’elles renvoient parcourrier au chef de projet.

(1) Bronfenbrenner U. The ecology of humandevelopment: Experiments by nature anddesign. Cambridge, MA: Harvard UniversityPress, 1979: 348 p.(2) Bronfenbrenner U. Ecology of the family asa context for human development: Researchperspectives. Developmental Psychology1986; 22(6): 723-42.(3) Bowlby J. Attachment and loss. (vol. 3: Los:Sadness and depression). New York: BasicBooks, 1980: 427 p.(4) Brazelton T., Cramer B. The first rela-tionship. New York: Addison Wesley, 1990.

(5) Weinberg M., Tronick E. The impact ofmaternal psychiatric illness on infant deve-lopment. Journal of Clinical Psychiatry 1998;59 (suppl. 2) : 53-61.(6) Young children develop in an environmentof relationships. Waltham MA (Brandeis Uni-versity): National Scientific Council on theDeveloping Child, 2004.(7) Olds D. The nurse-family partnership: an evi-dence-based preventive intervention. InfantMental Health Journal 2006; 27(1): 5-25.(8) Hart J. The Inverse Care Law. The Lancet1971; 1(7696): 405-12.

◗ Références bibliographiques

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À Montpellier, les agents spécialisés des écoles maternelles bénéficient de sessionsd’information sur la prévention de l’obésité infantile dans le cadre du « bien manger » àl’école. L’objet est de diffuser une culture d’éducation pour la santé. Les agents appré-cient ces sessions et soulignent que leur travail devrait être davantage reconnu dansles établissements scolaires.

En milieu scolaire, les agents spé-cialisés des écoles maternelles (Atsem)sont des personnels clés dans la mise enœuvre d’une politique concertée depromotion de la santé. Agents de liai-son entre l’école et la famille, ils jouentun rôle déterminant auprès de l’écolier,de l’élève, du convive du restaurant sco-laire. Tout au long de la journée de l’en-fant, ils interagissent avec les diversescomposantes du milieu scolaire sur demultiples temps, espaces, enjeux édu-catifs. Agents à la double fonction, fonc-tionnaires territoriaux dépendant d’unemunicipalité mais mis à disposition del’Éducation nationale pour une partiede leur mission dans une école sous laresponsabilité du directeur, ils créent dulien entre l’école et la collectivité locale.

Dans le cadre d’un programme par-tenarial d’éducation à la santé en milieuscolaire sur le thème général de la pré-vention de l’obésité infantile, la ville deMontpellier, Épidaure (département deprévention du centre régional de luttecontre le cancer), l’inspection acadé-mique et le conseil général de l’Héraultont initié à l’intention de ces personnelsdes sessions d’« in-form-action » spéci-fiques afin de mieux les impliquer dansce projet.

Connaissances et échangesChaque session réunit une trentaine

d’agents d’un secteur scolaire et sedéroule en deux temps sur une matinée.Les partenaires porteurs du projet serépartissent les interventions en fonctionde leurs compétences légitimes.Premier temps : apport de connaissances.

– alimentation et santé : définition, cau-ses et chiffres de l’obésité infantile, parle médecin de PMI conseil général ;– équilibre alimentaire, restauration col-lective par la diététicienne de la Ville.Second temps : table ronde. Échangessur la question de la place de l’alimentà l’école. Réflexion sur les pratiquesprofessionnelles des agents. Quellescompétences à développer ? Animationpar un enseignant spécialisé.

À la fin de chaque session, un ques-tionnaire est distribué aux participantsafin de :– mesurer leur indice de satisfaction surle contenu et le déroulement de la mati-née ;– recueillir leurs remarques et proposi-tions concernant leur métier et identitéprofessionnelle.

Cent neuf agents formés en 2008Deux campagnes de sensibilisation

ont été organisées concernant quatre-vingt-quatre agents lors de trois sessionsen 2004, et cent neuf agents lors de qua-tre sessions en 2008. Les agents onttrouvé un intérêt aux informationsapportées lors de ces formations et ontapprécié l’interactivité avec l’équipe deformateurs et les échanges avec leurspairs.

Suite à ces formations, ils déclarentavoir développé des compétencesqu’ils aimeraient que les parents et lesenseignants puissent leur reconnaître etpartager avec eux avec une prise deconscience de leur place et de leur rôledans l’équipe éducative. Ils ont le sen-

timent d’avoir été écoutés et d’avoir pus’exprimer sur leurs pratiques, et ils onttrouvé une utilité professionnelle à cesrencontres.

Valoriser leur rôleLes Atsem sont, depuis 2000, recru-

tés par concours sur titres avec épreu-ves ; ils demeurent cependant encoretrop souvent prisonniers de représen-tations anciennes de la part du public etsouffrent d’un manque de reconnais-sance de leur métier au sein même par-fois de l’équipe éducative. Cependant,entre les sessions de 2004 et celles de2008, on constate un glissement de l’ex-pression de leurs revendications évo-luant de la plainte vers la propositionconstructive.

Au-delà des résultats obtenus auprèsdes personnels visés, cette aventure col-légiale a permis de développer chez lestrois co-porteurs du projet, issus decorps différents – deux collectivitéslocales, une institution nationale et uncentre de soins–, une culture communeet une « connivence » positive.

Jean-Christophe Azorin

Enseignant, Épidaure CRLC,

Centre Ressources promotion santé

de l’Inspection académique de l’Hérault.

Delphine Le Gonidec

Diététicienne,

Latifa Ouldboukhitine

Réussite Scolaire Ville de Montpellier,

Dr Laurent Vauclare

Dr Dominique Foulquier-Gazagnes

PMI conseil général de l’Hérault.

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Former le personnel des écolesmaternelles à l’équilibre alimentaire

aide à l’action

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Jeunes et alcool :quelle prévention ?

Illustrations : Véronique Joffre

Dossier coordonné par Hélène David, direc-trice d’Emergence (centre d’addictologie del’Institut mutualiste Montsouris), Paris, le doc-teur Alain Rigaud, psychiatre des hôpitaux,addictologue, chef de service Intersecteurd'alcoologie (EPSM Marne), président de l'Anpaa et Juliette Guillemont, chargée d’études, coordinatrice du programme Alcoolà l’INPES.

La consommation excessive d’alcoolchez les jeunes est de plus en plus sou-vent au cœur de l’actualité médiatique.Aux faits divers relatant les accidentsliés à cette consommation répondentcertains chiffres qui inquiètent : ainsi,entre 2004 et 2007, les hospitalisationspour ivresse chez les adolescents et lesmoins de 24 ans ont augmenté de 50 %.Plusieurs mesures figurant dans le pro-jet de loi « Hôpital, patients, santé, ter-ritoires » – interdiction de la vente d’al-cool aux mineurs, interdiction des openbars (vente d’alcool au forfait), etc. –font écho à cette préoccupation et attes-tent de la nécessité d'endiguer cetteévolution.

Alors que l’attention est concentréesur le phénomène spectaculaire dubinge drinking, cette partie émergée del’iceberg ne doit pas occulter la diversitédes modes d’alcoolisation des jeunes.De plus, si ce terme est apparu assezrécemment dans les colonnes des jour-naux, le rapport de l’homme à l’alcool età l’ivresse lors du passage de l’enfanceà l’âge adulte est, au contraire, une his-toire ancienne. La recherche d’expé-riences nouvelles et fortes à tendanceordalique est constitutive de l’adoles-cence ; et l’alcool, produit omniprésentdans notre société, fait naturellementpartie des champs d’expérimentationdes jeunes. Les ivresses dites initiatiqueset festives ne sont pas pour autantdénuées de risques, surtout lorsque l’al-coolisation est rapide et massive, et, parailleurs, certains jeunes développent

une relation réellement problématiqueà l’alcool.

Enfin, s’il est naturel et parfaitementjustifié de porter une attention particu-lière aux jeunes – l’ivresse peut être fatale,et les jeunes représentent « l’avenir de lasociété », selon l’expression consacrée –,un double écueil est à éviter. D’une part,l’arbre ne doit pas masquer la forêt : n’ou-blions pas que les principales victimesdes dommages liés à l’alcool restent lesbuveurs réguliers excessifs d’âge moyenà avancé, qui subissent les effets à longterme du produit. D’autre part, cette pré-occupation vis-à-vis des jeunes ne doitpas se muer en une stigmatisation deleurs comportements.

Quelle est la diversité des consom-mations d’alcool chez les jeunes ? Com-ment prévenir et prendre en charge lesalcoolisations à risque et/ou probléma-tiques ? Pour approfondir ces questions,le dossier s’articule autour de trois axes.Il s’agit dans un premier temps de dres-ser un état des lieux de la consomma-tion d’alcool chez les jeunes dans notrepays. La deuxième partie propose despistes pour l’action, à travers desapports théoriques et des exemplesconcrets. Enfin, la dernière partie dudossier vise à élargir la réflexion en pré-sentant des expériences d’Europe etd’ailleurs.

Juliette Guillemont,

Alain Rigaud

et Hélène David.

9LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 398 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008

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Où en sont les jeunes Français dans leur consommation d’alcool ? Si l’on observe unebaisse de la fréquence moyenne de la consommation, on constate une hausse des ivressesà 15 et à 17 ans. La sociabilité et le contexte socio-éco-familial influencent les com-portements d’alcoolisation. Présentation des résultats des enquêtes les plus récentes.

Plusieurs enquêtes permettent dedécrire la consommation d’alcool chezles jeunes de façon quantitative. Lesrésultats présentés ici sont issus de troisenquêtes :• le Baromètre santé, enquête quin-quennale réalisée par l’INPES et menéepar téléphone auprès de la populationgénérale ; lors de la dernière vague, en2005, 30 514 personnes âgées de 12 à 75 ans ont été interrogées (1, 2). L’ex-ploitation présentée ici concerne les 18-25 ans ;• Escapad (Enquête sur la santé et lesconsommations lors de la Journée d’ap-pel de préparation à la défense),enquête biennale réalisée par l’OFDT

auprès des jeunes de 17 ans ; en 2005,29 393 jeunes ont été interrogés parautoquestionnaire (2-4) ;• HBSC (Health Behaviour in School-aged Children), enquête quadriennaleinternationale menée en milieu scolaireet réalisée, en France, par le servicemédical du rectorat de Toulouse en collaboration avec l’Inserm : en 2006,7 154 élèves de 11, 13 et 15 ans ont étéinterrogés, par autoquestionnaire (5).

Ces enquêtes fournissent des indi-cateurs relatifs à divers aspects du phé-nomène : il s’agit principalement del’expérimentation, de la fréquence deconsommation et des ivresses, des

contextes de consommation, et des fac-teurs associés. La répétition des enquê-tes dans le temps permet de mesurerl’évolution de ces indicateurs.

Initiation à l’alcoolSelon Escapad, l’expérimentation

d’alcool concerne plus de neuf jeunesde 17 ans sur dix (92 %). D’après l’en-quête HBSC, à 11 ans, 59 % des élèvesdéclarent avoir déjà bu de l’alcool aucours de leur vie ; ils sont 72 % à l’âgede 13 ans et 84 % à 15 ans.

L’âge moyen lors de la premièreconsommation, pour les élèves de15 ans, est légèrement plus bas chez lesgarçons (13,3 ans) que chez les filles(13,5 ans).

Ces chiffres reflètent l’ancrage cultu-rel de l’alcool dans notre société. Nousne disposons pas de données en faveurd’une précocité plus grande desconsommations.

Fréquence de consommationÀ 15 ans, 58 % des élèves déclarent

avoir consommé de l’alcool au moinsune fois au cours du mois ; les jeunesde 17 ans sont 79 % à être dans ce cas.La consommation régulière (au moinsdix fois au cours des trente derniersjours) concerne 9 % des élèves de15 ans et 12 % des jeunes de 17 ans.Quel que soit l’âge, les garçons sontbeaucoup plus nombreux que les fillesà consommer régulièrement de l’alcool(deux fois plus nombreux à 15 ans ettrois fois à 17 ans).

IvressesLa proportion d’élèves déclarant

avoir déjà été ivres au cours de leur vie

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La consommation d’alcool des jeunes :ce que nous apprennent les enquêtes

Répartition géographique des ivresses alcooliques au cours des douze derniers mois, à 17 ans (en pourcentage)

Lecture : en région Centre, 46 % des jeunes de 17 ans ont déclaré au moins une ivresse au cours des douze moisprécédant l’enquête.

Sources : Beck F., Legleye S., Le Nézet O., Spilka S. Atlas régional des consommations d’alcool 2005.Données INPES/OFDT. Saint-Denis :INPES, coll. Études santé territoires, 2008 : 264 p.

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passe de 6 % parmi les élèves de 11 ans,à 16 % à l’âge de 13 ans et 41 % à 15 ans.

À 17 ans, plus d’un jeune sur deux(57 %) a déjà connu l’ivresse et prèsd’un sur deux (49 %) a été ivre dansl’année précédant l’enquête. L’ivresserégulière (au moins dix fois au coursdes douze derniers mois) concerne10 % des jeunes de cet âge.

Chez les 18-25 ans, 34 % ont été ivresdans l’année et 6 % l’ont été de façonrégulière. Là encore, l’ivresse est uncomportement très masculin : ainsi, lesgarçons de 17 ans sont 1,4 fois plusnombreux que les filles à avoir été ivresdans l’année, ce ratio s’élevant à 2,8pour les ivresses régulières.

L’âge moyen de la première ivresse,estimé par les jeunes de 17 ans, est de15,1 ans (15,0 ans chez les garçons et15,3 ans chez les filles).

Consommations ponctuellesimportantes1

Parmi les jeunes de 17 ans qui ont buau cours des trente derniers jours, 46 %disent avoir consommé cinq verres ouplus en une seule occasion, au moinsune fois dans le mois (56 % des garçons,36 % des filles). Ils sont 18 % à déclarer

l’avoir fait au moins trois fois et 2 % aumoins dix fois, l’écart entre les sexesétant d’autant plus marqué que la fré-quence de ce comportement est élevée.C’est surtout la répétition de ces consom-mations ponctuelles importantes quiconstitue un motif de préoccupation.

La consommation de cinq verres ouplus en une occasion est l’indicateurcommunément retenu pour approcherle phénomène du binge drinking.Cependant, le terme anglais impliqueune notion de temps (concentrationdes consommations sur une périodecourte) ainsi qu’une intention : attein-dre l’ivresse. Ces notions n’apparais-sent pas explicitement dans l’indicateurprésenté ici : ce dernier recouvre doncune réalité plus large que le seul bingedrinking.

Contextes de consommationÀ l’âge de 17 ans, la plupart des

consommations d’alcool ont lieu leweek-end, avec des amis. Les consom-mations solitaires ou en semaine s’avè-rent plutôt rares. En revanche, lesconsommations avec les parents sontassez communes.

Le domicile privé ou celui des amis,les débits de boissons (bars, pubs puis

discothèques) et le domicile parentalsont les lieux de consommation les pluscités, les lieux publics ouverts et l’écolearrivant ensuite. De plus, les propor-tions de consommateurs réguliers et dejeunes déclarant des ivresses répétéessont corrélées à la fréquence de sortiesdans les bars ou à celles des soiréesentre amis. Cela suggère que lesconsommations d’alcool des jeunes de17 ans ont lieu, la plupart du temps,dans un cadre festif et convivial.

Ce lien entre sociabilité et consom-mation est également retrouvé dansl’enquête HBSC : à l’âge de 15 ans, onobserve une corrélation entre la fré-quence des soirées entre amis et l’usagerégulier.

Facteurs sociodémographiquesassociés à l’alcoolisation

L’élévation du milieu social et éco-nomique de la famille est associée,dans Escapad, à une consommationrégulière croissante d’alcool et à desivresses répétées plus répandues chezles jeunes de 17 ans. Ce phénomènepeut s’expliquer notamment par les res-sources financières de la famille, laconsommation d’alcool étant ainsi pluslimitée pour les jeunes issus de milieuxplus modestes.

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12 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 398 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008

De même, la situation familialeapparaît elle aussi fortement associéeà la consommation d’alcool. Les jeunesdont les parents ne vivent pas ensem-ble, qui vivent en internat ou hors deleur foyer, s’avèrent plus fréquemmentconsommateurs réguliers d’alcool etdéclarent davantage d’ivresses répé-tées. Il est possible que l’absence del’un ou des deux parents entraîne uneaugmentation des opportunités deconsommer.

L’enquête HBSC montre des résultatssimilaires pour les élèves de 11 à 15 ans :milieu social favorisé et vie dans unefamille recomposée ou monoparentalesont associés à la consommation d’al-cool et à l’ivresse.

ÉvolutionsOn note, chez les jeunes, une baisse

globale de la fréquence de consomma-tion. Entre 2003 et 2005, Escapad mon-tre ainsi une diminution de l’usageactuel (au moins une fois au cours dumois : 79 % en 2005 versus 82 % en2003) et de la consommation régulière

(12 % versus 15 %). Cependant, enparallèle, on observe une augmentationdes ivresses : à 17 ans, la prévalence del’ivresse dans l’année est en effet passéede 46 % en 2003 à 49 %, et celle desivresses régulières de 7 % à 10 %. Demême, chez les élèves de 15 ans, l’ex-périmentation de l’ivresse est passée de30 % en 2002 à 41 % en 2006. L’âgemoyen de la première ivresse déclarépar les jeunes de 17 ans n’a, en revan-che, pas évolué. La baisse de la fré-quence de consommation et l’augmen-tation de celle des ivresses peuventsembler contradictoires à premièrevue ; elles ne sont pourtant pas incom-patibles, notamment en raison du carac-tère ponctuel des épisodes d’ivresse etdu côté subjectif de la notion même d’ivresse qui peut, elle aussi, évoluerdans le temps. Quant aux 18-25 ans, lesrésultats du Baromètre santé font étatd’une baisse de la fréquence deconsommation mais aussi des ivressesentre 2000 et 2005.

Ces résultats concernant l’alcoolisa-tion des jeunes permettent d’en dresser

un tableau plus nuancé que ne le sug-gèrent certains discours centrés sur larépétition de comportements tels quel’ivresse et les consommations exces-sives : sans nier leur caractère préoc-cupant, ces comportements apparais-sent ne concerner qu’une minorité dejeunes, tandis que les données relativesà l’évolution des consommations invi-tent à des conclusions mitigées.

Juliette Guillemont

Chargée d’études,

coordinatrice du programme Alcool,

François Beck

Chef du département Observation

et analyse des comportements de santé,

direction des Affaires scientifiques, INPES.

1. Alors que l’ivresse peut renvoyer à des perceptionsindividuelles très diverses, la notion de consommationponctuelle importante correspond ici à une définitionplus factuelle : cinq verres ou plus en une seule occa-sion. Bien que ces deux indicateurs soient traités icide façon indépendante, ivresse et consommationponctuelle importante représentent deux facettes d’unmême phénomène.

Les jeunes Français au sein de l’Union européenneAvec 7 % d’usagers réguliers d’alcool à 16 ans, la France se situe dans le dernier tiers despays européens, l’usage régulier d’alcool variant entre 25 % (Pays-Bas) et 3 % (Finlande).Concernant l’ivresse, la France est au 32e rang européen avec 43 % déclarant avoir déjà étéivres (le premier pays étant le Danemark avec 85 %). Pour les ivresses plus récentes, la pro-portion d’élèves âgés de 16 ans déclarant avoir été ivres au moins une fois au cours desdouze derniers mois est nettement plus faible que l’ensemble des pays européens (29 % contre53 % en moyenne).

Sources : Hibell B., Andersson B., Bjarnason T., Ahlström S., Balakireva O., Kokkevi A., Morgan M. The ESPADReport 2003. Alcohol and other drug use among students in 35 european countries. Stockholm : The Swe-dish Council for Information on Alcohol and Other Drugs, CAN, 2004 : 450 p.

Quels sont les risques ?Au regard de leurs modes de consommation d’alcool, les risques auxquels les jeunes s’expo-sent sont en premier lieu ceux qui sont liés aux effets immédiats du produit. L’alcool provoqueen effet une désinhibition, une diminution du contrôle de soi, une altération des réflexes et dela vigilance, une perturbation de la vision, une mauvaise coordination des mouvements, unesomnolence, etc. Les risques qui en découlent sont les accidents de la route ou domestiques,les violences – agies ou subies –, les rapports sexuels non voulus ou non protégés. En outre,l’ingestion de doses très élevées peut mener au coma éthylique, dont l’issue risque, faute desoins, d’être fatale.Mais la consommation d’alcool pendant l’adolescence comporte également des risques différés.Ainsi, l’alcool a un effet délétère sur le développement de certaines régions cérébrales ne ter-minant leur maturation qu’en fin d’adolescence ; plus la consommation d’alcool commence à unâge précoce, plus les dommages sont importants. Enfin, une initiation précoce à l’alcool etune consommation excessive à l’adolescence sont des facteurs de risque d’usages problé-matiques ultérieurs.

◗ Références bibliographiques

(1) Legleye S., Beck F. Alcool : une baissesensible des niveaux de consommation. In :Beck F., Guilbert P., Gautier A. (dir.) Baro-mètre santé 2005. Attitudes et comporte-ments de santé. Saint-Denis : INPES, coll.Baromètres santé, 2007 : 113-154.(2) Legleye S., Le Nézet O., Spilka S.,Beck F. Les usages de drogues des adoles-cents et des jeunes adultes entre 2000 et2005, France. BEH 2008 ; (13) : 89-92.(3) Legleye S., Beck F., Spilka S., LeNézet O. Drogues à l’adolescence en 2005.Niveaux, contextes d’usage et évolutions à17 ans en France. Résultats de la cinquièmeenquête nationale Escapad. Saint-Denis :OFDT, 2007 : 77 p.(4) Beck F., Legleye S., Spilka S. Les dro-gues à 17 ans. Évolutions, contextes d’usa-ges et prises de risque. Tendances, sep-tembre 2006 ; (49) : 4 p.(5) Legleye S., Le Nézet O., Spilka S., Jans-sen E., Godeau E., Beck F. Tabac, alcool,cannabis et autres drogues illicites. In :Godeau E., Arnaud C., Navarro F. (dir.). Lasanté des élèves de 11 à 15 ans enFrance/2006. Données françaises de l’en-quête internationale Health Behaviour inSchool-aged Children (HBSC). Saint-Denis :INPES, coll. Études santé, 2008 : 128-162.

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13LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 398 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008

La consommation d’alcool chez les jeunes peut traduire un besoin de réassurance iden-titaire et d’intégration par l’appartenance au groupe des pairs. Elle est fonction des vul-nérabilités individuelles, mais aussi de l’image sociale des boissons alcoolisées et desincertitudes auxquelles les adolescents sont confrontés concernant leur avenir. La pré-cocité de la consommation et la recherche de la défonce pour une minorité d’adolescentssont des phénomènes potentiellement dangereux qui doivent interpeller notre société.

L’attrait des jeunes pour l’alcool nedate pas d’aujourd’hui. C’est un phé-nomène intemporel qui s’actualise àchaque époque dans une diversité deconduites individuelles et collectives, et se présente comme un « fait socialtotal »1. Si ce phénomène ne peutqu’échapper à toute analyse exhaustive,il continue d’exiger que l’on porte lesregards les plus pertinents pour l’ap-préhender et mieux y répondre.

Du côté de l’intemporel• Les boissons alcooliques : elles sontomniprésentes dans notre culture etleur usage est licite et valorisé autourd’un certain nombre de valeurs : convi-vialité, plaisir, fête, et d’autres plus dis-cutables… qui entretiennent une inci-tation sociale à la consommation.L’offre est importante, l’accès aisé et laconsommation facile, si bien que la ren-contre avec le produit est inéluctable.Les premières « expérimentations »continuent d’ailleurs d’avoir lieu le plussouvent en famille.

• L’alcool, dont l’ingestion induit deseffets à la fois biologiques et compor-tementaux qui conjuguent psychoacti-vité, addictivité et toxicité. C’est l’effetpsychoactif qui soutient l’appétencepour l’alcool autour de trois ordres desatisfaction : plaisir hédonique, recher-che de sociabilité, et effet autothéra-peutique.

• Les jeunes et la jeunesse : chacun saitqu’il faut que jeunesse se passe, et sou-vent au travers de quelques déborde-ments que l’alcool pourra favoriser ;toutefois, il convient de prendre en

compte le fait que cette jeunesse estconstituée de plusieurs âges : préado-lescence, adolescence, postadoles-cence, jeunes majeurs. À chacun cor-respond une étape du développementdu sujet et de ses relations avec sonentourage (voir l’article de PhilippeJeammet). L’adolescence constitue iciun moment pivot : c’est un phénomènepsychosocial qui va obliger l’enfantdevenant adulte du fait de la puberté àreconsidérer l’image qu’il a de lui, àprendre une distance avec ses parentset ses objets d’attachement, et à faire lapreuve de ses capacités en s’appuyantsur sa confiance en lui et ses ressour-ces propres. Ce processus pourra leconduire à des prises de risques pours’affirmer face aux problèmes d’identitéet faire l’expérience de ses compéten-ces ; l’insuffisance – réelle ou imagi-née – de ces mêmes compétences leconduira au contraire à chercher desaides extérieures – également réelles ouimaginées – dont il craindra vite dedépendre. C’est là qu’un comportementaddictif peut s’installer en procurant lesentiment de surmonter l’épreuve etl’illusion de pouvoir contrôler la situationet les dangers que cette solution com-porte. Devenir jeune majeur mobilised’autres enjeux autour de la constructionde l’autonomie personnelle et financièreet de l’engagement dans des relationsaffectives stables. Les conduites d’alcoo-lisation comporteront de ce fait des signi-fications différentes et n’appellerontdonc pas les mêmes questions. On nepourra pas confondre, par exemple, lesivresses massives répétées d’un moinsde 15 ans avec celles occasionnelles d’un18-25 ans.

Du côté de l’époque• Les faits observés ces dernièresannées : précocité de l’âge des premiè-res consommations, qui reflète notreculture, et surtout des premières ivres-ses ; augmentation du nombre demineurs qui connaissent des ivressesoccasionnelles ou répétées ; augmen-tation de la fréquence de ces ivresses(1) (voir l’article de Juliette Guillemontet François Beck). On observe égale-ment une hausse des phénomènes d’al-coolisation en groupe dans un cadresouvent qualifié comme « convivial » ou« festif », autour d’un parcours ordonnéà partir de la « préchauffe » et accom-pagné d’autres substances (tabac, can-nabis, etc.). De même, la vitesse deconsommation et les quantités consom-mées par occasion augmentent, pourboire un maximum d’alcool en un mini-mum de temps dans le seul but de sesoûler (« se mettre à l’envers, se mettreminable, se déchirer »). Cette recherchede l’ivresse pour l’ivresse est qualifiéeaujourd’hui de « binge drinking »,« biture express » ou « défonce minute »,et présentée comme un nouveaumodèle anglo-saxon. Ses formes lesplus dures, les plus abrutissantes com-portent une destructivité telle que lesnotions même d’ivresse et de fête chan-gent de réalité et perdent la part positivede leur valeur comme composante de lavie sociale au profit d’une « culture de la défonce » accompagnée de son cor-tège de dégâts. Les consommationsrégulières d’alcool s’installent ensuiteavec l’entrée dans l’âge adulte. Quantaux polyconsommations, 11 % des 18-25 ans déclarent consommer de façonrégulière au moins deux produits parmi

Les jeunes et l’alcool

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14 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 398 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008

l’alcool, le tabac et le cannabis, tandisque 2 % cumulent un usage régulier destrois substances (2) ; la moitié d’entreeux seront probablement les tri-dépen-dants de demain et renouvelleront lafigure de l’alcoolo-tabagisme du XXe

siècle dans celle postmoderne de l’« alcoolo-cannabino-tabagisme ».

• La mondialisation des pratiques deconsommation : celles des adolescents(15-17 ans) avec d’abord la rechercheà la fois ludique des premières expéri-mentations et ordalique des premièresivresses, puis les soirée-fête-ivresse defin de semaine entre copains autour deboissons au « goût agréable » appréciéescomme très « rafraîchissantes » et « fun »(prémix, alcopops, RTD2) qu’ils s’ap-proprient d’autant mieux qu’elles sontconçues spécialement pour eux etqu’elles supportent de ce fait des phé-nomènes identificatoires et de recon-naissance mutuelle (voir l’article deKarine Gallopel-Morvan) ; celles desjeunes majeurs (18-25 ans et plus) quidans tous les milieux sociaux adoptentde manière ludique le modèle anglo-saxon et nord-européen de consom-mations importantes le week-end aux-quelles s’ajoutent celles des soirées desemaine ; celles d’une minorité plusvulnérable qui s’adonne à la destructi-vité de la défonce recherchée avec levéritable binge drinking.

• Ce que les adolescents et les jeunesmajeurs en disent : vouloir « retrouver

des copains », « faire des rencontres »,« aider à être bien », « s’amuser plus »,« rigoler et délirer », pour échapper à l’en-nui qui naît de l’uniformité, rire d’eux-mêmes et de leur condition, « décom-presser », se déstresser, aimer l’effetdésinhibiteur de l’alcool et « se lâcher »,« vivre une expérience », « se mettre àl’envers » pour « faire la fête », avec ducannabis « pour atteindre une bonnedéfonce, l’un ne va pas sans l’autre… »

• Les évolutions sociétales : on constated’abord que la période dite de « jeu-nesse » s’allonge en lien avec la lon-gueur des études et/ou les vicissitudesde l’entrée sur le marché du travail ; en découle une entrée plus tardive dansun âge adulte qui perd de son attrait etde sa stabilité du fait pour beaucoupd’une plus grande fragilité de l’emploiet d’une conjugalité vacillante. On ob-serve également que la jeunesse d’au-jourd’hui n’est pas joyeuse et qu’elle abesoin de décompresser, inquiète del’avenir économique et écologique dela planète et de son sort face auxcontraintes d’un système social et mon-dial perçu comme cynique et fermé.Plus directement, la jeunesse vit ses pré-occupations au présent et différemmentselon les catégories sociales :– du côté des collégiens-lycéens-étu-diants, sont particulièrement ressentiesl’angoisse de la première génération deparents qui ne sont pas certains queleurs enfants seront plus heureuxqu’eux, la pression scolaire qu’ils exer-

cent sur eux et qui se conjugue à lapression de la sélection universitaire etde la compétition sociale. Face aux exi-gences de performance, de sérieux etde conformisme que magnifient au plushaut point par exemple les week-endsd’intégration dans les grandes écoles,face également aux épreuves, à la déva-luation des diplômes et aux déceptions,la fête et l’ivresse assureront la conju-gaison des contraires : se retrouver pourpartager le même vécu et les mêmesinquiétudes en s’amusant et en oubliantles contraintes, et finalement resserrerles liens et s’intégrer en assumant latransmission de l’esprit et de la culturedu milieu ;– du côté des jeunes majeurs arrivantsur un marché du travail d’autant plustendu qu’il devient flexible, le diplômen’est plus le sésame des contrats à duréeindéterminée, les premiers salaires sontfaibles et les perspectives d’évolutionincertaines. La morosité et les senti-ments de déclassement règnent alors,d’autant plus que ces jeunes n’ont guèreles moyens d’aller dans les bars et lesdiscothèques, et qu’ils vivent en ban-lieue ou en milieu rural, loin de la villeet de ses lumières ; seules leur sontaccessibles la rue et/ou les réunionschez les copains où consommer lesboissons acquises en pack au meilleurmarché de la grande distribution, l’im-portant étant également de se retrouveret de boire et fumer pour partager,tromper l’ennui, s’amuser, rigoler, sesoûler, etc.

Présenter ce que l’on observe ducôté de l’époque – les pratiques deconsommation, les discours des jeunesmineurs et majeurs et les tendanceslourdes des évolutions sociétales – nousconduit au seuil des interprétations plusfines que chercheurs en scienceshumaines, intervenants socio-éducatifset cliniciens en viennent à formuler surdifférents plans qui s’intriquent : fairevaloir la liberté individuelle et le désirde la fête pour affirmer une autonomiedifficile à acquérir ; vouloir décom-presser, s’amuser, s’évader pour allégerle fardeau de cette morosité et profiterde l’instant présent en oubliant lesincertitudes de l’avenir jusqu’à l’oublide soi…

On lira également une réponse desjeunes à l’injonction sociétale de faire« toujours plus » en termes de perfor-mance et de réussite qui valorisent

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l’hyperindividualisme et mettent dumême coup l’estime de soi sans cesseà l’épreuve. On dénoncera une « sociétéaddictogène » qui ne cesse de pousserà la consommation par l’innovationtechnique et la pression publicitaire enexaltant la nouveauté, l’intensité, lajouissance (3) jusqu’à constituer uneoffre qui s’affranchit du besoin pour s’adresser au désir et ordonner lademande… Une lecture plus freu-dienne relèvera la faillite actuelle dupacte intergénérationnel : comment lesadultes d’aujourd’hui peuvent-ils com-mander aux jeunes de renoncer main-tenant aux satisfactions pulsionnellesles plus immédiates (« Passe ton bacd’abord ! ») pour jouir demain de satis-factions plus élevées quand ils crai-gnent que demain ne puisse plus tenirses promesses ? Enfin, qui n’a pas relevéque dans la « teuf » en groupe chacunest de plus en plus souvent isolé danssa bulle ? Ces moments festifs sontaujourd’hui partagés au sein d’unemême classe d’âge, à l’écart des adultes,tandis que les prises de diverses sub-stances avec l’alcool, et notamment decannabis, emportent chacun dans sonivresse. Cet isolement pose la questionde la rencontre entre les garçons et lesfilles qui n’est plus régulée sur la scènedu bal par les anciens codes sociaux(voir l’article de Véronique Nahoum-Grappe).

La fête qui s’avance comme unerecherche de sociabilité et de la relationaux autres dévoile son envers : unefuite de la réalité et de la différence,c’est-à-dire des questions et des incer-titudes d’autant plus inquiétantes et dif-

ficiles à assumer qu’elles confrontent lessujets à leurs vulnérabilités individuel-les et sociales réelles ou imaginées.

Les conduites d’alcoolisation des jeu-nes se développent en fin de compte,aujourd’hui comme hier, au carrefourde trois dimensions :– les effets biologiques et l’imagesociale des boissons alcooliques ;– les vulnérabilités individuelles en ter-mes d’histoire personnelle, de parcoursde formation et de compétences, d’es-time et d’estime de soi et ainsi deconfiance en soi et dans les autres ;– l’époque avec ses enjeux particuliersqui apparaissent aujourd’hui particuliè-rement incertains quant à la part de bon-heur à laquelle chacun peut prétendre,et par là même lourds d’inquiétude.

Les expérimentations des adoles-cents, souvent qualifiées d’ivresse « ini-tiatique », sont à comprendre dans leurdimension à la fois ludique et ordalique.Les fêtes et la recherche de sociabilitédes postadolescents et des jeunesmajeurs expriment un besoin de réas-surance identitaire et d’intégration parl’appartenance au groupe de pairs etl’identification mutuelle. Au-delà de ladétente, de la convivialité et du plaisir,la recherche pour 15 % (4) des uns etdes autres de l’ivresse jusqu’à ladéfonce, du binge drinking – et surtoutla précocité et la répétition de cesconduites ainsi que la consommationassociée d’autres produits – témoignentau cas par cas, par leur destructivité,que des vulnérabilités et une souffranceindividuelles se logent au cœur de cesconduites qui se présentent comme un

avatar du malaise de notre civilisationet qui doivent être entendues commeautant d’appels au secours à la canto-nade, en vérité aux proches et à lasociété.

Dr Alain Rigaud

Psychiatre des hôpitaux, addictologue,

chef de service Intersecteur d’alcoologie,

EPSM Marne, président de l’Anpaa.

1. Selon l’expression de Marcel Mauss. Il ne s’analysepas, ou plutôt toute analyse cherchant à le décrire, àle cerner ne peut rester que lacunaire.2. RTD : ready to drink, terme générique pour pré-mix, alcopops, vinipops (voir article de Michel Craplet).

◗ Références bibliographiques

(1) Legleye S., Le Nézet O., Spilka S., Beck F.Les usages de drogues des adolescents etdes jeunes adultes entre 2000 et 2005,France. BEH 2008 ; n° 13 : 89-92.(2) Beck F., Legleye S., Spilka S., Briffault X.,Gautier A., Lamboy B., et al. Les niveaux d’usage des drogues en France en 2005.Exploitation des données du Baromètre santé2005 relatives aux pratiques d’usage de sub-stances psychoactives en population adulte.Tendances n° 48, OFDT, mai 2006 : 6 p. http://www.ofdt.fr/ofdtdev/live/publi/tend/tend48.html(3) Couteron J.-P., Fouilland P. Comme unedéferlante, l’alcool défonce ! Saint-Denis :INPES, Alcool Actualités n° 36, décembre2007 : 8 p.(4) Fohr A. Les vérités de madame « Ado ».Entretien avec Marie Choquet. Le NouvelObservateur, 10 mai 2007 ; n° 2218.

Quelle attitude adopter face aux différents modes d’alcoolisation des jeunes, selon l’âge ?

Ivresses occasionnelles Ivresses répétéesIvresses régulières et/oumassives et binge drinking

Consommationrégulière

Ne pas banaliser.Rester vigilant.

Préados : moins de 15 ans

Ludique-ordaliqueNe pas banaliser.Réduction des risques etprévention des dommages

Ne pas banaliser. Alerte : usage problématique� Intervenir : médecin généraliste

� + pédopsychiatre si besoin pour évaluation

Ne pas banaliser.

Alerte

Ados : 14-17 ansAdos : 16-18 ans

Ne pas banaliser.

Réduction des risques etprévention des dommages

Usage à risqueou problématique� évaluation

Usage problématique� évaluation et soin

Ne pas banaliser.Démarche RPIB(Repérage précoce etintervention brève)

Jeunes majeurs : 18-27 ans

Jeunes adultes : plus de 26 ans

Ne pas banaliser. Alerte : usage problématique� intervenir : médecin généraliste + pédopsychiatre pour évaluation

NB : ces préconisations d’intervention proposées par l’auteur ne constituent pas des recommandations officielles mais elles reposent sur l’observation des pratiques professionnelles.

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Pourquoi et comment les jeunes se retrouvent-ils entre pairs pour consommer de l’alcool ? La sociologue Claudine Perez-Diaz distingue deux groupes dans la prise derisque : les « individualistes » vont montrer qu’ils savent boire, les « fatalistes » ont pourpréoccupation de se fondre dans le groupe. L’entraînement se situe dans le groupe,surtout si l’alcoolisation massive et rapide est le rituel d’adhésion.

La Santé de l’homme : Parmi les ten-dances de notre société, lesquellespeuvent influencer les comporte-ments d’alcoolisation des jeunes ?

Claudine Perez-Diaz : Le cadre demes observations concerne avant toutla prise de risque au sens général. L’al-cool est un produit dont l’usage, notam-ment abusif, entraîne des risques. Au-delà des comportements d’alcoolisation

des jeunes, élargissons le propos : pour-quoi dans toutes les sociétés modernesdes groupes prennent-ils plus derisques que d’autres ? Ces groupes plusou moins à risques sont classifiés selondes critères de normalisation psycho-logiques et socio-économiques. Ils sedifférencient selon une grille de valeursqui leur est propre. Leur comportementvis-à-vis de la prise de risque est diffé-rent. Précisons d’emblée que les jeu-

nes sont présents dans tous les grou-pes…, quitte d’ailleurs à passer de l’unà l’autre au rythme de l’histoire de la vie.Mon travail consiste d’abord à essayerde comprendre comment, dans cesgroupes, se façonne une décision.

S. H. : Vous évoquez deux groupesprincipaux. Quels sont-ils ?

Il y a d’abord celui des individua-listes. Ce groupe rassemble l’image del’aventurier, de l’entrepreneur. Les per-sonnes se reconnaissant dans cette atti-tude pensent qu’ils dominent le hasard,qu’ils maîtrisent le cours de la vie. Ilssont très sûrs de leur supériorité et ilsvivent avec l’idée que la chance est aveceux. Vous pouvez imaginer alors que,devant la prise de risque, certains dansle groupe ont une sorte de réflexeamusé. Au contraire, d’autres vontrechercher le risque car celui-ci a unegrande importance dans leur hiérarchiede valeur.

Le second groupe est celui des fata-listes. Il attire les personnes qui pensentqu’elles sont dominées par le monde.Elles ne maîtrisent pas ce qui leur arriveet elles attribuent le malheur à la mal-chance. Celles-là vont prendre desrisques sans penser aux conséquencescar elles pratiquent une sorte de négli-gence devant les effets ou dangers deleurs actes. Elles disent (que) « cela nesert à rien de se protéger… il vaut mieuxignorer. »

S. H. : Y a-t-il des différences dans les comportements à risque selon

Entretien avec Claudine Perez-Diaz, chercheur au CNRS/Cesames (Centre de recherchesur les psychotropes, la santé mentale et la société), université Paris-Descartes.

« Il est très important de travaillersur la représentation du risque »

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qu’un jeune appartient à l’un ou àl’autre des deux groupes ?

Nous observons incontestablementdes différences de comportement. Parexemple, alors que les individualistesvont vouloir montrer qu’ils savent boire,mieux que les autres, les fatalistes aurontune préoccupation majeure : se fondredans le groupe, exister et ainsi êtreaccepté. L’individualiste va chercher àmontrer qu’il est dominant. Cette atti-tude lui permet de se faire percevoir et accepter par le groupe comme unesorte de modèle. Ce constat est d’im-portance vis-à-vis du public jeune, dansdes groupes de pairs, où il y a toujoursdes phénomènes de bande plus mar-qués. Chez les fatalistes, nous allonstrouver une démarche similaire d’ac-ceptation, notamment chez le jeune.Être accepté par le groupe signifie pourlui qu’il va se plier aux normes dugroupe et qu’il va imiter le chef oumodèle. Si l’appartenance au groupe,c’est de boire, vite, trop, par exemple,il le fera.

S. H. : L’alcoolisation rapide et mas-sive est-elle un nouveau rituel ouune nouvelle forme de prise derisque ?

L’entraînement se situe d’abord dansle groupe. Si celui-ci a adopté commerituel d’adhésion l’alcoolisation mas-sive et rapide, la prise de risque est defait intégrée selon une classificationnormative appartenant à ce groupe.Cette classification se fera selon deslimites équivalant à une résistance pré-sumée à la boisson. L’alcool est nonseulement un produit légal – un jeuneadolescent n’a pas trop de mal à s’enprocurer –, mais facile. On n’a pasbesoin d’une compétence particulièrepour prétendre entrer dans un groupedont une des règles d’appartenance estl’alcoolisation. Il semblerait que l’al-coolisation rapide et massive touche deplus en plus de jeunes. L’enquête HBSC(voir l’article de Juliette Guillemont etFrançois Beck dans ce même dossier)montre, par exemple, qu’il y aurait16 % des jeunes de moins de 15 ans quiont eu une ivresse au cours du derniermois. Même si nous pouvons donnerdes représentations différentes au motivresse, ce chiffre est très important. On observe donc des phénomènesrépétitifs d’alcoolisation en groupe, à date fixe, le samedi soir, à lieu fixé à

l’avance, sur rendez-vous. Ce constatest préoccupant.

S. H. : Les pairs jouent-ils un rôleparticulier dans l’alcoolisation desjeunes ?

Oui, le groupe de pairs a uneinfluence sur les comportements desjeunes, en général, mais moins que lafamille. Toutes les enquêtes convergentsur ce point. Nous savons que, si lesdeux parents boivent régulièrement, lesenfants ont plus de risques de boired’une façon nocive pour la santé. Si unseul des parents boit, il y a moins derisques, mais plus que si aucun parentne s’adonne à la boisson. Le creuset oùse forge le rapport à l’alcool, son initia-tion, son accoutumance, c’est la familled’abord. L’influence des frères et dessœurs est parfois plus forte que celledes pairs.

S. H. : Alors, comment agir ? Le mes-sage de prévention est-il, selonvous, pertinent face à un public quia, vous le dites, « ses propres critè-res de normalisation » ?

C’est difficile. Ces groupes (indivi-dualistes/fatalistes) se sont organisés enfonction d’une hiérarchie de valeurs qui,d’après eux, va tracer la voie. Ce qu’ilsne veulent surtout pas, c’est être désta-bilisés. À partir de ce moment, ils vontécarter tout ce qui pourrait contrecarrerleurs croyances. Si la prévention essayed’intervenir par un message heurtantleur édifice, ils vont résister. Alors, com-ment agir ? Je me réfère à la théorie dela décision : elle met en relation les choixde comportements, c’est-à-dire des atti-tudes, des représentations, avec dessavoirs, soit l’ensemble des connaissan-ces, que celles-ci soient acceptées, inté-grées ou refusées. C’est comme cela quenous pouvons déterminer le chemine-ment d’une décision. C’est la façon d’ap-préhender l’ensemble des paramètresqui vont amener à choisir de prendre telou tel risque. Il est très important de tra-vailler sur la représentation du risque.Faire en sorte que le risque ne soit pasun élément flatteur, valoriser la respon-sabilité, discuter la règle d’adhésion, etc.Et surtout écouter pour mieux com-prendre. Il y a de nombreux écrits surce sujet (voir aussi l’article de PhilippeJeammet dans ce dossier).

Propos recueillis par Denis Dangaix

Une lettre d’information

mensuelle pour tout

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de la prévention

et de l’éducation

pour la santé

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Pour un jeune, entrer dans l’ivresse peut être un élément fondamental du processus dedésaffiliation, un oubli de soi provisoire pour faire la coupure avec le regard parental,décrypte Véronique Nahoum-Grappe. L’anthropologue explique comment la place de l’alcool au sein de l’espace festif a évolué dans la société, même si le binge drinkingd’aujourd’hui renvoie aux « compétitions à boire » d’antan.

Entre l’image que donnent des chif-fres de consommation issus des enquê-tes épidémiologiques – qui attestentd’un boire nocturne et festif accentuépour la jeunesse, par exemple – et celleque dessinera une enquête ethnolo-gique menée sur la scène même de ces« soirées » de jeunes et les formes deconsommations qui s’y organisent, il ya un écart de compréhension. Cet écartest le creuset de nombreux stéréotypeset clichés, irrésistibles, ni vrais ni faux,mais toujours partiaux et parfois sour-noisement stigmatisants. L’anthropolo-gue peut aider à les déconstruire en par-tie, même s’il ne peut offrir qu’unetentative de description et les quelqueshypothèses qui en sont issues. Ainsi, cetarticle propose quelques points deréflexion synthétiques qui découlent decette approche.

Les rituels festifsL’espace de la « fête » n’est pas homo-

gène, il évolue au cours de l’histoire etau sein d’une même société, il changede forme selon les lieux, les milieux etles moments. On peut néanmoins défi-nir quelques constantes.

La fête est souvent rythmée en deuxparties. Une première partie cérémo-nielle, plutôt diurne mais pas toujours,forme l’occasion de la fête : elle est mar-quée par une ritualisation parfois reli-gieuse des pratiques collectives – silencecollectif, discours officiel, déroulementdes codes cérémoniels pour un mariagepar exemple, remise d’une coupe, gestede trinquer, chant, musique, liturgie,usage de signes d’emblèmes collecti-vement reconnus, etc. Une secondepartie, plus « carnavalesque », souvent

nocturne mais pas seulement. Dans nossociétés européennes, de nombreuxtextes et travaux attestent de ce moment« débridé », où l’excès semble devenir lanorme et concerne les ingestions d’ali-ments et d’alcool.

Malgré les différences de forme et destatut de cette seconde séquence festive(du bal public à l’orgie privée, du car-naval en pleine ville aux champs d’unfestival, etc.), on peut constater queplus la fête s’accentue au fur et à mesureque la nuit avance, plus la jeunesse estprésente en tant que telle. Cetteséquence débridée peut être plus oumoins longue (quelques heures,quelques jours) et alcoolisée, plus oumoins ludique, inventive, esthétiqueet/ou agressive, comme par exemple,dans le cas des charivaris de l’ancienneFrance.

Les garçons : héros de l’excèsCe sont les jeunes garçons en majo-

rité qui le plus souvent sont les hérosimprovisés des conduites d’excès, desépreuves agonistiques, des compéti-tions à boire ou à manger – si les fillesaussi sont présentes, elles seront moins« actrices » des excès festifs. Le bingedrinking s’inscrit aussi dans une histoirelongue des compétitions à boire, le pluset le plus vite, dont témoignent de nom-breux chants et objets, comme parexemple, les verres sans pied. Ces jeu-nes gens qui prennent le plus souventla tête des opérations sont ceux quiveillent le plus tard la nuit et prendrontle plus d’initiatives. Lorsque les couplesse forment, lorsque la vie quotidienned’adulte s’installe, les conduites festivestendent à se calmer petit à petit : moins

Sorties festives, conduites d’excès,culture de la jeunesse

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tardives, moins « folles », et souvent cesont les filles qui, après minuit, tirentpar la manche les garçons, frères et par-tenaires : « Viens, on rentre… » On peutdéfinir anthropologiquement l’inven-tion de la fête comme une manière degestion collective de la rencontre entreles nouvelles générations, dont lesunions seront une des conditions de lareproduction de la société par elle-même.

Rompre le lien avec la familleL’accès à la nuit (sans les parents), à

l’alcool, au tabac, peuvent être perçuscomme autant de procédés de déliaisonvis-à-vis du milieu familial, de l’enfance,condition de la possibilité du « liensocial sexuel », c’est-à-dire de la ren-contre non seulement avec la sexualité,mais avec l’autre sexuel (la probléma-tique homosexuelle est la même : il s’agit toujours de l’autre au sens du par-tenaire potentiel, qui ne peut pas êtreun membre de la famille proche). Oncomprend alors pourquoi l’accès, à lafin de l’enfance, aux « sorties » festivesest un stade crucial de cette fin d’en-fance précisément. Ce qui ne veut pas dire qu’elle est un passage obligé,mais plutôt qu’elle forme un recourspossible quand le passage est difficile. L’ivresse alcoolique constitue parfois uncomble du processus de la désaffilia-tion, puisqu’elle implique un oubliidentitaire provisoire, et cet « oubli desoi » dans tous les sens du terme queconstitue l’ivresse permet la coupure duregard parental (ou de son absence).

Un espace festif à inventerNos sociétés contemporaines, de la

seconde moitié du XXe siècle au début

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19LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 398 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008

du XXIe siècle, voient évoluer les formesfestives de la jeunesse, surtout pour lesclasses moyennes urbaines « moder-nes », c’est-à-dire une grande majoritéde la population. Un aspect de cetteévolution trop complexe pour être iciabordée dans son ensemble, est le sui-vant : la « sortie festive » est de moins enmoins fixée et codée par des règles col-lectives. Un flou s’installe au fur et àmesure que s’accentue l’aléatoire deschoix : les horaires, les jours, les codesvestimentaires, le programme même dela fête s’inventent de plus en plus au caspar cas. Les situations sont aussi l’objetd’une déprogrammation potentielle,accentuée par les jeunes eux-mêmes àchaque stade du moment festif – « c’estnul, on se casse ! » Les déplacementsmotorisés, de boîte en boîte, de « boum »en « boum », émaillent toute la nuit etsont souvent l’objet en eux-mêmes d’uninvestissement spécifique – vitesseludique et risquée, arrêts imprévus dansdes lieux particuliers (la nuit, les cime-tières, les plages, les toits, etc., peuventêtre réoccupés lors de virées inédites).

L’ivresse : point d’acméL’espace festif contemporain de la

jeunesse tend à s’inventer lui-même aufur et à mesure qu’il s’expérimente. L’al-coolisation joue alors un rôle inédit en

rythmant cette aventure collective, mar-quée par l’aléa et le flou : l’enivrementcroissant devient le cadre structurelmajeur de toute la scène festive dont lescontours sont encore flous et le pro-gramme aléatoire. L’ivresse s’offre alorscomme une expérimentation évolutive,intérieure et collective cruciale, de toutela séquence, avec son point d’acmé,devenu le clou de la sortie ! La pro-gressive libération du statut de la sexua-lité (surtout pour celle des filles) est iciliée à la baisse des surveillances et inter-dits qui marquaient dans les sociétéstraditionnelles les rencontres entre « jeu-nes », mais aussi les possibilités tech-nologiques de mobilité accrues etmotorisées au sein de sociétés de plusen plus anonymes et urbanisées (mêmeen campagne) sont en jeu dans ce« décadrage » global de l’espace festifdes jeunes.

Quand l’alcool rythme la nuitLe boire est détaché du manger car

le repas ensemble n’est pas pensécomme central au sein de l’épisode fes-tif – il le redeviendra avec l’installationen couple et l’avancée en âge du jeune.Il est souvent consommé dans unensemble d’autres excès, comme cetexcès de décibels sonores en boîte denuit. Plus fondamental que les autres

consommations de produits moins lici-tes que l’alcool, il accompagne chaquestade de l’action festive : la bière, à basbruit, rythme les discussions program-matives dès six heures du soir (« Où onva ?), l’alcool plus fort une fois l’instal-lation dans un lieu choisi et aussi dansle creux de la nuit.

Dans ce décadrage du moment fes-tif ordinaire de la soirée, le rythme –repas, bal, plus parfois la virée au petitjour – se dilue. Les horaires de sorties’effondrent dans la nuit et quatre heu-res du matin n’est plus l’heure du retourmais d’heure du vrai début de la fête,horaires que les boîtes de nuit ont com-pris avant les sociologues. D’une cer-taine façon, les dernières frontièresinternes qui scandent cet espace festifdécadré sont celles de l’enivrement pro-gressif et de l’ivresse : cette dernièreimplique un rapport au temps, uneaventure intérieure obligée (être ivre) et une limite physique (vomir, tomber).Après coup, les exploits en termes d’ivresse formeront l’essentiel du récitde la fête passée : le buveur ivre fait rire– il faut se souvenir que le personnagedu clown au XVIIe siècle a été pensé surle modèle de l’ivrogne maladroit titu-bant et au nez rouge.

L’excès : norme et épreuve L’ingestion excessive d’alcool de la

part de la jeunesse dans ses « sorties »festives relève de deux injonctions :d’une part, l’excès est la norme dans cetespace, boire n’est pas seulement uneaddiction, une tentation dangereuse,c’est aussi une épreuve, voire une prou-esse dans laquelle s’affirment la ruptureavec l’enfance et le choix de la solitudeadulte en face de l’autre sexuel. Enoutre, dans nos sociétés contemporai-nes, l’alcoolisation semble occuper uneplace centrale et unique dans l’espacefestif juvénile souvent flou et décadré,comme justement celle du derniercadre. Une culture de la prévention,plutôt que d’interdiction d’emblée,devrait alors penser la question del’espace festif et la spécificité de ce quis’y propose. Comment enrichir soncadre pour enlever à l’alcool son rôlecrucial ? Comment aider à son inventionpermanente par une jeunesse qui, poursortir du nid et plonger dans le monde,commence par la nuit et l’ivresse ?

Véronique Nahoum-Grappe

Anthropologue.

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Pour séduire les jeunes, il faut bien connaître leurs attentes. Les producteurs d’alcooll’ont bien compris et développé une stratégie d’étude du marché et des goûts. Ainsi les« premix », boissons mélangeant alcool et jus de fruits, ont-ils été conçus pour attirerles jeunes consommateurs. Le phénomène de bars ouverts (open bars) leur permet devendre plus, à prix réduits. Éclairage sur les stratégies des alcooliers.

L’objectif de cette contribution est de présenter les stratégies marketing déployées auprès des jeunes par les alcooliers pourmaintenir et augmenter leur chiffre d’affaires. Le marketing consiste, d’une part, à étudier et à prendre en considération lesbesoins et les attentes des consommateurs et, d’autre part, à utiliser des outils sophistiqués qui génèrent une augmentationdes profits de l’entreprise. Ainsi, les différentes questions que se pose une firme productrice d’alcool qui met en place unedémarche marketing sont les suivantes :

Quelles sont les caractéristiques de mon marché ?

◗ LES ÉTUDES DE MARCHÉLe marché de l’alcool se caractérise de plusieurs manières : il est très concurrentiel, les consommateurs sont vieillissants, l’image de certainesboissons est vieillissante (en particulier les spiritueux) et, enfin, les consommateurs sont régulièrement incités à réduire leur consommation(sécurité routière). Pour pallier l’ensemble de ces freins à la consommation, il est essentiel d’avoir une connaissance précise des consommateursà qui l’on s’adresse pour être le plus proche possible de leurs attentes. C’est pourquoi les alcooliers sont nombreux à réaliser des études de mar-ché basées sur des entretiens de groupe, des questionnaires, des tests de goût des produits, des tests de nom, etc.

À qui vais-je m’adresser pour augmenter mon chiffre d’affaires ?

◗ LA SEGMENTATION ET LE CIBLAGEIl s’agit ici de réfléchir aux cibles de consommateurs, lucratives et prometteuses. Il est important pour les alcooliers d’assurer leur avenir en ter-mes de part de marché et de bénéfices. Pour cette raison, ils s’adressent très régulièrement aux jeunes et les incitent à consommer des bois-sons alcoolisées. Sur la cible des jeunes, des outils marketing variés sont mis au point.

Quel produit vais-je proposer pour attirer les cibles visées ?

◗ LA POLITIQUE DE PRODUITUne réflexion s’impose ici en termes de goût du produit, de nom de marque, de packaging, etc., car l’ensemble de ces éléments doit plaire à lacible visée pour inciter à l’achat. Les premix ont été imaginés par les alcooliers pour attirer les jeunes consommateurs. Il s’agit de boissons fai-blement alcoolisées et très sucrées qui ont un goût proche de celui des jus de fruits. Ils sont réalisés à partir de jus de fruits ou de sodas mélan-gés à des alcools forts (alcopops) ou à du vin (vinipops). Des noms exotiques ou anglo-saxons sont donnés à ces produits car ils plaisent aux jeu-nes. De plus, les couleurs et formes des packagings sont très réfléchies pour attirer l’œil sur le point de vente ou susciter des comportements decollection (éditions limitées pour des bouteilles…).

À quel prix vais-je proposer mon produit ?

◗ LA POLITIQUE DE PRIXLes prix des boissons alcoolisées sont bien évidemment fixés en fonction des budgets des consommateurs potentiels. C’est pourquoi il existeplusieurs gammes de produits qui correspondent au pouvoir d’achat varié des acheteurs. Sur les jeunes dont le budget est limité, les promotionssont fréquemment employées (un euro de réduction pour l’achat de tel produit, deux boissons offertes pour le prix d’une, un shaker à cocktailoffert pour l’achat de telle marque, etc.). Le phénomène des open bars est également un moyen de faire baisser le prix des consommations d’al-cool : il s’agit, pour les commerciaux des industriels de l’alcool, de vendre des bouteilles d’alcool à des associations d’étudiants (bureaux des élèvespar exemple) à des prix d’autant plus compétitifs que l’offre bénéficiera d’une exclusivité. Ensuite, des soirées sont organisées par les étudiants,qui proposent, moyennement le versement de quelques euros, l’accès à la soirée et une consommation d’alcool à volonté.

Producteurs d’alcool : un marketingsur mesure pour séduire les jeunes

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Comment rendre mon produit facilement accessible ?

◗ LA POLITIQUE DE DISTRIBUTIONPlus le produit sera facile à trouver dans différents points de vente, plus il sera acheté facilement. Les boissons alcoolisées sont disponibles dansde nombreux endroits, ce qui rend leur consommation très facile : les magasins alimentaires, les stations-service, les festivals de musique, lesdiscothèques, les sites web spécialisés, les bars, les soirées d’étudiants, etc. Une force de vente très active et très dynamique prospecte l’en-semble de ces établissements pour assurer la présence des produits et des marques auprès des consommateurs.

Comment rendre mon produit attractif ?

◗ LA POLITIQUE DE COMMUNICATIONIl s’agit ici d’utiliser les outils de la publicité pour faire aimer une marque, ancrer son nom dans l’esprit des consommateurs et susciter un désird’achat. Différents supports publicitaires sont utilisés par les alcooliers pour façonner une image positive autour de leur produit :– on trouve ainsi des supports publicitaires média classiques tels que l’affichage dans les rues, les gares et les aéroports, les insertions de messagesdans la presse ou dans des programmes de radio, etc. Avec l’affichage dans la rue, les jeunes sont exposés aux publicités pour des marquesd’alcool dès leur plus jeune âge ;– le hors-médias est également efficace, en particulier pour les jeunes consommateurs : sites Internet très attractifs (design travaillé, musiquemoderne, jeux proposés malgré une interdiction d’utiliser ce support à des fins publicitaires en l’état actuel de la loi) ; placement de produitsalcoolisés dans les films ; marketing direct (envoi d’e-mails personnalisés, par exemple) ; publicité sur les lieux de vente (affichettes, sous-bockdans les bars, etc.) ; création de magasins « vitrines » (un bar glacé à Paris pour consommer la vodka à la bonne température) ; foires aux vins ;sponsoring sportif (par exemple, une marque de bière célèbre qui sponsorise le rugby) ; mécénat, etc.Le contenu des messages publicitaires varie selon la cible visée et selon l’objectif de la marque. Les publicités de certains produits vantent lanuit, la fête, la musique, la fraîcheur ou encore la tradition, l’expertise, le terroir, le mystère (certains premix), etc.

Comme peut le constater le lecteur, et contrairement à une idée répandue, le marketing ne se limite pas à la publicité. C’esten réalité une démarche beaucoup plus vaste et complexe qui englobe la communication. Le marketing consiste à bien connaî-tre son marché et à développer des outils commerciaux (produit, prix, publicité, distribution, etc.) efficaces pour inciter lesconsommateurs à acheter et à consommer.

Karine Gallopel-Morvan

Maître de conférences en marketing,

habilitée à diriger des recherches,

IAE de Rennes, Institut de gestion de Rennes

(université de Rennes-1).

Les jeunes et l’alcool : ce que dit la loiPlusieurs dispositions visent spécifiquement à protéger les mineurs vis-à-vis de l’alcool :– faire boire un mineur jusqu’à l’ivresse est un délit ;– il est interdit de distribuer à des mineurs des objets nommant, représentant ou vantant les méri-tes d’une boisson alcoolisée ;– l’accès des mineurs à l’alcool est strictement réglementé. Actuellement, la réglementationprend en compte l’âge (16 ou 18 ans), la modalité d’achat (consommation sur place ou à empor-ter) et le type de boissons (vin, bière et cidre, d’une part ; boissons plus fortement alcoolisées,d’autre part). Cette réglementation devrait évoluer très prochainement.La protection de la jeunesse est également l’un des objectifs de l’encadrement de la publicité enfaveur de l’alcool. La loi du 10 janvier 1991, dite « loi Evin », définit les supports et contenusautorisés, tout ce qui n’est pas explicitement autorisé étant prohibé. Ainsi la publicité pour l’alcoolest-elle permise dans la presse écrite (sauf la presse destinée à la jeunesse), à la radio (dans cer-taines tranches horaires), par voie d’affichage, mais interdite à la télévision et au cinéma. Lalégislation actuelle ne prévoit pas la publicité sur Internet, ce support s’étant développé posté-rieurement à la loi : Internet est donc a priori exclu du champ de la publicité autorisée. Un débatest en cours sur les modalités de prise en compte de ce nouveau support dans la législation. Lesjeunes étant de grands utilisateurs d’Internet, cette question est particulièrement sensible.

Juliette Guillemont

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Comment sensibiliser les jeunes au risque d’une consommation excessive d’alcool ?Hélène David, directrice d’Emergence, pose les principes de toute intervention de pré-vention ou d’éducation pour la santé. Responsabiliser ne sert à rien si l’on ne prend pasen compte le contexte, l’âge. Elle rappelle l’importance de ne pas confondre préven-tion en amont et réduction des risques lorsque les jeunes ont déjà consommé. De poserenfin des objectifs réalistes : retarder l’expérimentation, éviter le passage d’une consom-mation occasionnelle à une consommation régulière.

Après plusieurs années de médiati-sation de la question du cannabis chezles adolescents, voici, avec le Bingedrinking, un nouveau coup de projec-teur sur l’usage de produits psychoac-tifs par les jeunes en France. Sur le ter-rain, les demandes de prévention alcoolsuivent le mouvement et sont enhausse. Avant de se lancer tels des pom-piers prêts à éteindre un feu qui vien-drait de s’embraser, la réflexion entre lesdifférents acteurs motivés par la santéet la citoyenneté des jeunes prévaut ici,comme en tout domaine de préventionsanté. L’action par produits est-elleadaptée ? La porte d’entrée à imaginerne se trouve-t-elle pas ailleurs ?

Cet article propose quelques princi-pes à interroger en amont d’une action« alcool jeunes » pour que l’énergiedéployée produise un peu des effetsattendus. Si tous les préalables ne peu-

vent être réunis, un minimum est néan-moins à exiger. Sans celui-ci, on est endroit de se demander si l’interventioninfléchit bien le comportement com-battu ou si, au contraire, elle risque dele promouvoir. Nous verrons l’utilité debien connaître les motivations et lespréoccupations du public et leur adé-quation avec les moyens et les objec-tifs fixés. La définition du message, dulieu et du moment les plus favorablesen découle.

Addiction et prévention…La toxicomanie, disait le professeur

Olievenstein1, c’est la rencontre d’unepersonne, d’un produit et d’un contextesocial. Responsabiliser la personne etoublier le contexte rend souvent le dis-cours insupportable pour les jeunes.Comprendre le dysfonctionnement indi-viduel sous-jacent à un abus de produitsaide à construire la prévention. Mais

comment ne pas interroger l’organisa-tion sociétale et ses dysfonctionne-ments ? Inviter les jeunes à remettre enquestion leurs habitudes et comporte-ments doit s’accompagner d’une démar-che identique envers les adultes et lasociété qu’ils ont construite.

Prenons deux illustrations : « L’alcool,ça aide à décompresser ! » et « L’alcool,c’est juste pour la fête ». Le stress nousconcerne tous. Les parents françaisseraient les Européens les plus angois-sés face aux études et à l’avenir profes-sionnel de leurs enfants, accentuantainsi la pression sociale. Quelle alter-native les adultes proposent-ils auremède usuel qu’est l’alcool ou le jointdu soir ? Si l’alcoolisation des jeunesn’est pas une nouveauté, la recherchede défonce rapide permettant de neplus penser l’est un peu plus. C’est de cecôté que doit porter notre interrogation,plus que sur la nature du produit.Apprendre la relaxation sans psycho-tropes devrait faire partie de l’arsenaléducatif. C’est une des réponses aux« beuveries », du week-end, « anti-stress »disent les uns, « anti-fête », répondent lesautres, pour qui la défonce est un freinà l’amusement et à la rencontre.

Car l’alcool est bien indissociable dela fête : réalité qui nécessite un appren-tissage, celui du contrôle de la consom-mation. Quel goût ont nos festivités ?Quels rôles y tiennent la danse, le jeu,le groupe et l’alcool ? Les réunions defamille ou de village, qui permettaientune transmission intergénérationnelle,se raréfient, ainsi que les lieux ouvertsaux rencontres entre jeunes. Les disco-

Alcool et jeunes : les grands principesde toute intervention de prévention

La réduction des risques liés à l’ivresse alcoolique

Au-delà des risques routiers, connus mais jamais suffisamment, les risques liés à la surcon-sommation d’alcool sont variés. La campagne de l’été 20081, avec un groupe de jeunes consom-mateurs sur une plage, en évoquait une bonne partie.Quand on interroge des publicitaires sur la prévention alcool, la proposition s’oriente à l’unis-son sur des messages ou images « chocs ». Suscitant l’émotion, ils ont de fait un impact, mêmesi celui-ci reste éphémère. Sur le long terme, on ne peut résumer l’éducation à la santé à cetusage des émotions mais l’effet choc sert bien la réduction des risques immédiats.Les actions, même de réduction des risques, doivent toujours tenter d’inverser les tendancesen valorisant d’autres jeux, d’autres défis et plaisirs. La fête, oui, les risques, non ! Au-delà desparoles, la remise de préservatifs peut être associée à un slogan sur la défonce et la sexua-lité. Ou, pour éviter le recours à un message rabat-joie, offrir à chaque alcool servi des verresd’eau étiquetés « L’eau… la vie ! », par exemple, invitera tout naturellement à réduire ou retar-der la prochaine prise d’alcool.

1. Il s’agit de la campagne « Boire trop : des sensations “trop” extrêmes », menée par l’INPES et le ministèrede la Santé, de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative.

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thèques s’en réjouissent et favorisentencore l’association d’idées « fête » et« alcool ». L’alcool n’est pourtant pasl’objectif d’une soirée réussie. Quandun enfant demande « on prend l’apéri-tif ? », son désir, ce sont les cacahouè-tes et la chaleur d’un moment où toutela famille se resserre et prend le tempsde s’écouter. Lui proposer parfois cetteconvivialité autour de jus de fruits per-mettra de déconnecter « fête » et « pro-duit ». Convivialité, rires, nouveauxamis, nouvelles amours sont depuistoujours au cœur de la fête, ruptured’avec le quotidien, dans laquelle l’al-cool n’est qu’un moyen.

Quelle adéquation entredemande et moyens investis ?

Dans les projets de préventionquelle ambition et quels moyens avons-nous ? Certaines villes ouvrent leurs sal-les le jeudi pour que les jeunes se ren-contrent, sans défonce, bien qu’avecalcool modéré. Des grandes écoles etleur bureau des étudiants l’expérimen-tent… La prévention santé, ce n’est nidu soin, ni de l’information médicale,mais bien de l’éducation et de la com-munication. Cela demande du temps,des étapes, de la répétition. Parleralcool, c’est revenir inévitablement àune culture, un « art de vivre ». À lamanière de l’anthropologue, il fautécouter le public visé et sa réalité. Lemessage central de prévention se cons-truit sur la base de ce qui habite la per-sonne et non de ce que l’on voudraitqu’elle entende, avec un maximum detrois idées pour être audibles. Les objec-tifs, réalistes, visent alors le renforce-ment des résistances individuelles, l’ac-quisition de nouveaux comportementsou l’aide au changement.

En ce sens, observer les techniquesmarketing – sans les imiter ! – peut aiderà clarifier ce que nous entendons par« prévention ». En 1960, les « réclames »offraient de l’information technique surle produit vanté. La « pub » d’aujourd’huine vise plus l’intellect du consomma-teur mais ses motivations sur lemoment. Un auditeur n’entend et neretient qu’une faible partie de ce qu’ilentend, surtout si le propos est étrangerà ce qui le mobilise sur l’instant. Créerde l’émotion est alors la parade dupublicitaire car elle favorise la mémo-risation et réduit le temps séparant désiret passage à l’acte d’achat. Les adoles-cents, cible marketing privilégiée, sont

ainsi très réactifs émotionnellement.Nos actions doivent en tenir compte.

Après visualisation du public ciblépar l’action de prévention, il convientde caler les attentes originelles descommanditaires sur cette réalité et nonl’inverse. Ces derniers (proviseurs, éluslocaux, directeurs de foyer, etc.) peu-vent rêver d’une séance magique qui,en une heure, balayerait risques, désirs,tradition. Or, une intervention courte,unique, coincée entre mathématiqueset éducation physique, a peu dechance d’être si efficace, à moins demiser sur un effet choc ou de prévoirune répétition du message, dans ladurée.

Quelle déclinaison selon l’âge du public ?

En entreprise, aucun préventeurn’imaginerait intervenir avant de quali-fier le public : âge, niveau de forma-tion et de responsabilité, emplois tenus,problèmes éventuels. De même, pourla nature des risques visés : baisse dela vigilance et accidents ou qualité dutravail, délais à respecter, dégradationdu matériel…. Cibler les « jeunes » engénéral, sans opérer le même travailpréalable, met en péril l’efficacité del’action.

Une règle d’or : respecter les tran-ches d’âges groupées sous le vocable« jeunesse », auxquelles correspondentdes spécificités et des expériences dif-férentes de l’alcool. Sauf cas isolés, les élèves de 6e-5e, quiprêtent encore une oreille attentive àl’intervenant adulte, n’ont pas encoreexpérimenté le produit (du moinsseuls…). En 4e-3e, classes difficiles pour l’acteurde prévention de passage, l’adolescentconteste l’adulte, sans toutefois oser l’au-tonomie. Bravades, rires, échanges fur-tifs avec le voisin rendent le dialogue en

groupe compliqué. Attention, un dis-cours proche d’émissions télévisées lais-sant imaginer que « les jeunes boiventbeaucoup aujourd’hui » est contre-productif. À cet âge, où se conformeraux pairs est vital, il inviterait à adopterle comportement supposé du groupe.La préférence doit aller aux actions quivalorisent la non-consommation et lesmodèles de jeunes « bien dans leur têteet dans la fête », sans défonce. Les lycéens eux, se détachent peu à peudu groupe. Ils recherchent même la dif-férence et se positionnent parfois ducôté de l’adulte, ce qui permet un dia-logue contradictoire avec le groupe.Plus tard, les jeunes majeurs, étudiantsou apprentis en entreprise, élargissentencore leurs centres d’intérêt. Ils s’ou-vrent au monde. Solliciter leur créativitéau service d’autres jeunes peut les aiderà sortir des clichés : réaliser un concoursd’affiches, de clips à diffuser auprès desamis sur Internet ou participer à latenue d’un stand de prévention lorsd’une soirée étudiante.

Prévention, une démarche interventionniste…L’acteur de prévention, quelle que soit sa formation de base (éducateur, psychologue, etc.)doit assumer sa démarche : elle est interventionniste, elle ne répond a priori à aucune demandedu public, contrairement à celle du thérapeute face à son patient. Si la frontière entre interventionet moralisation est claire en termes de déontologie, elle est parfois mince dans le ton et lemessage ! Ceux-ci doivent donc être vérifiés, testés, pour s’assurer de l’impact en fin de séanceet éviter la culpabilité, la dévalorisation. Avec cinq millions de personnes, en France, ayant unproblème avec l’alcool, l’acteur de prévention est sûr d’avoir en face de lui plusieurs enfantspar classe directement concernés en famille (parents, proches).

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Dans le même temps, l’usage d’al-cool se différencie. Plusieurs groupesapparaissent : certains l’expérimententseulement quand d’autres passent à uneconsommation festive de fin desemaine massive, cette fameuse « beu-verie express ». Le week-end s’allongeparfois, du jeudi soir au dimanchematin… L’illusion de n’être pas soumisau risque de dépendance est alorsmaintenue par un « C’est juste pour lafête », bien que cette consommationréponde déjà aux critères de l’usage« régulier » tel que le définissent lesenquêtes. Marginaux mais réels,quelques-uns passent de cet usage fes-tif à un usage quotidien. Leur accès ausoin ou à une intervention brève, sou-haitable, est souvent ralenti par des pré-jugés, tels que « Je gère », « J’arrêtequand je veux ». Surtout pour les gar-çons, arc-boutés sur une volonté toutepuissante : « Je m’en sortirai seul », affir-ment-ils par peur d’être perçus commefaibles.

Ainsi, une même action « alcool »doit-elle se décliner en permanenceselon l’âge du public, ses passions etpréoccupations, et bien sûr selon lesusages du produit dans le groupe.

« Casser » les représentationsDoit-on tout aborder lors d’une

séance ou sur un stand ? Impossible. Lesobjectifs sont donc dosés en fonction de la proportionnalité supposée dugroupe : expérimentateurs, usagers fes-tifs ou problématiques, consommateursréguliers ou indifférents. Chacun doit sesentir reconnu et concerné par le pro-pos, un peu bousculé mais jamais jugé.L’objectif général étant bien d’éveillerun désir de changement pour chacun :– éviter ou retarder l’expérimentation :un objectif prioritaire pour les plus jeu-nes ;– éviter le passage d’une consommationoccasionnelle à une consommationrégulière ou problématique. Ici, ilconvient de casser les représentations.Fête ou non, boire dix fois dans le moisqualifie une consommation d’alcool derégulière. De même, la vision d’unerasade d’alcool fort servie « à la mai-son », soit 8 cl le plus souvent (l’unité debase fait 3 cl à 40°), permet de prendreconscience qu’ils sont capables de boireplus qu’ils ne l’imaginent ;– réduire les risques. Le jour d’une fêteétudiante, par exemple, l’action ne peutavoir qu’un objectif : la réduction des

risques liés à l’ivresse. Imaginer ici uneéducation globale relève de la fiction !Avec les opérations « capitaine de soi-rée », il faut marteler le risque routiermais cela ne suffit pas, à deux titres…D’autres risques, liés à la désinhibitionet à l’ivresse, existent qu’il ne faut passous-estimer. De plus, le message « celuiqui conduit ne boit pas », invite certesle conducteur à la sobriété… mais auto-rise les quatre autres passagers à « selâcher » ;– favoriser l’accès au soin. Les consom-mateurs quotidiens et réguliers ainsique les adeptes de la « défonce rapide »sont concernés. Puisque quelques-unsseront présents dans tout groupe dejeunes majeurs, et lycéens déjà, uneinformation doit toujours être offerte surles lieux anonymes et gratuits où ilspourront faire le point. Mais des coor-données ne suffisent pas. Lever lesfreins qu’ils rencontrent pour demanderde l’aide est un objectif prioritaire. Àchercher du côté du fameux « J’arrêtequand je veux », remis en question parl’impact de l’éthanol sur les neurones(les garçons sont accessibles à uneexplication « mécanique » du processus,plus souvent qu’à une vision psycho-logisante) ;– éduquer… L’éducation d’un enfant nepeut se réduire à la mise à disposition

de moyens pour qu’il réussisse ses étu-des et décroche un bel emploi. Dansune société vieillissante, quelle placeet quelle confiance accordons-nous auxplus jeunes ? Quelle vision de l’avenir,du plaisir et de la fête ? Bien au-delà ducadre que les adultes doivent poser etexpliciter, la question de santé publique« alcool et jeunes » renvoie à ce travailde fond des acteurs sanitaires, sociauxet politiques : donner à l’adolescent lesmoyens de se construire et d’apprendreà assumer responsabilité, engagementet difficultés sans recourir à la défonce,quel que soit le produit.

Dans tous les cas, l’interventionmisera sur le potentiel des jeunes, leursvaleurs et leurs compétences, voie laplus sûre pour les mettre en marche etcréer une dynamique au service de leurenvie de vivre…

Hélène David

Directrice d’Emergence (centre d’addictologie

de l’Institut mutualiste Montsouris), Paris.

1. Claude Olievenstein, psychiatre, fut le patron deMarmottan, centre hospitalier pour toxicomanes, de1971 à 2001.

Le ton de l’action : quelques exemples

Le message ne peut être moralisateur et ne doit pas ignorer que la consommation d’alcool estd’abord source de plaisir, liée à la convivialité. Elle rend euphorique. Alcoolisé, on ose danser,parler, aimer ! Véritable psychotrope, l’alcool donne aussi l’impression de combattre, momen-tanément du moins, l’insomnie, la déprime ou l’angoisse. Lister les dangers de l’alcool sansévoquer le plaisir et les effets positifs attendus est intolérable car manichéen et culpabilisant.

Pour ceux qui consomment déjà, la peur de perdre ces bénéfices doit être levée grâce à dessolutions alternatives que l’on propose, pour déstresser ou s’endormir par exemple. Une cer-titude : le risque « cancer », dans trente ans, captive peu le jeune qui abuse d’alcool. Si l’onespère une interrogation du consommateur sur ses habitudes, le bénéfice au changementdoit apparaître. Et un bénéfice immédiat de préférence : l’impact sur le jeu de séduction, surla beauté ou le poids par exemple. Dans le même sens, mais à moyen terme, la perte de chan-ces liée à la consommation régulière ou problématique a également son effet : réussite scolaireou sportive, perspective d’emploi… En outre, la possibilité de ne pas voir ses frais rembour-sés par son assureur en cas d’accident sous l’emprise d’alcool surprend les jeunes en âge deconduire leur premier véhicule.

Le choix du titre d’une conférence ou du slogan sur un stand de prévention doit permettre aucurieux d’oser s’approcher, sans risque d’apparaître comme concerné par le problème alcool.Quand un titre caricatural « Vous buvez, parlons-en » ferait fuir tout passant, la porte d’entrée« Stress, insomnie… comment gérer sans produits ? » permet un dialogue aisé avec les étu-diants. D’autres pistes sont possibles, que l’on peut mixer sur une même année afin d’installerune dynamique : « Études, sport, faut-il se doper pour réussir ? », « La fête oui, la défonce non ».

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Les parents sont en toute première ligne pour prévenir les consommations excessivesde leurs enfants, rappelle Philippe Jeammet. Car, même s’ils disent le contraire, lesjeunes attendent de leurs parents qu’ils assument cette responsabilité éducative. La véri-table prévention se crée par la qualité des échanges entre l’enfant et sa famille.

Les parents sont les premiers acteurspotentiels de la prévention et ce, à dou-ble titre. Parce qu’ils sont les acteursessentiels de l’établissement des liensprimaires de confiance entre l’enfant etson environnement et, en miroir, de laconfiance de l’enfant en lui-même. Liende confiance fondateur de la qualité del’attachement et notamment de sadimension dite sécure. C’est l’intériori-sation de celle-ci par l’enfant qui sert desupport à la qualité du regard qu’il posesur lui-même, à son estime de lui-même, à sa confiance en lui, en un motà son narcissisme.

Ce soutien, par le regard parental, estnécessaire pendant tout le développe-ment de l’enfant et de l’adolescent etmême au-delà. Il le sera d’autant plusque cette base de confiance primaireet de sécurité interne sera plus fragiledu fait des vulnérabilités conjuguéesdes fragilités tempéramentales de l’en-fant et des aléas de ses liens relationnelsprécoces, de son éducation et des évé-nements qui auront jalonné sa vie.Encore faut-il que les parents soientconscients de l’importance de leur rôle.

Or, ce soutien que constituent lesadultes est devenu particulièrement fra-gile et peu sûr dans notre contexteactuel, où tout consensus éducatif adisparu et où l’autorité est souventvécue comme un abus de pouvoir. Deplus en plus de parents ne se sententplus légitimes d’imposer une exigenceéducative. C’est particulièrement le casen ce qui concerne l’usage des droguesdites licites : le tabac, l’alcool. À cettedisqualification de l’éducatif s’est sub-stituée une survalorisation de l’écoutedes enfants, certes indispensable, maisà condition qu’elle soit réciproque etque les adultes se sentent autorisés àêtre eux aussi écoutés. Mais qui peut

désormais les autoriser, sinon eux-mêmes ? Au nom de quoi les parentsd’aujourd’hui se sentiraient-ils justifiés à poser cette limite dont ont tant besoinnos adolescents et qui peut se formu-ler ainsi : « on ne s’abîme pas et on n’abîme pas les autres ; on se respecteet on respecte les autres » ? Mettre l’accent sur la responsabilisation desparents, c’est affirmer, à leurs yeux et àceux de leurs enfants, la réalité de leurimportance. C’est valider et soutenir l’ac-tion éducative des parents, c’est-à-direen reconnaître la valeur et la nécessité.Pour se sentir autorisé à prendre uneposition ferme et tranquille, il faut savoirpourquoi on le fait et dans quel but.

Les parents doivent comprendre quel’enfant comme l’adolescent sont avanttout en attente de liens qui les nourris-sent et les construisent. Ils sont dansune quête d’eux-mêmes qui passe parla rencontre avec les autres et dont l’issue dépendra de la qualité de pré-sence des adultes, de leur capacité àtransmettre et du contenu qu’ils ont àtransmettre. L’absence de réponse n’estpas la liberté, c’est l’abandon.

C’est l’attente des jeunes à l’égard desplus âgés qui confère à ceux-ci uneresponsabilité éducative et un rôle demodèle, quoi que puissent en dire cesjeunes et je dirais même surtout s’ils pré-tendent le contraire. L’opposition auxadultes et même leur rejet est la marquede la déception et, s’ils ont été déçus,c’est qu’ils avaient des attentes, et leurdéception est à la mesure de celles-ci.L’attente est toujours là derrière ladéception, mais il faudra que les adul-tes sachent persévérer dans leur posi-tion avant que les attentes des jeunesleur soient devenues tolérables et qu’ilspuissent accepter d’écouter et d’êtreréceptifs aux propos des adultes.

Les parents et les adultes en généralcomprendront d’autant mieux l’impor-tance d’être attentifs à leurs enfants etadolescents et de se sentir autorisés àposer des limites, qu’ils seront cons-cients que les troubles du comporte-ment, telle la prise d’alcool, par leurcaractère excessif, répétitif et potentiel-lement destructeur ne sont pas un choixpas plus que ne le sont les troublesmentaux de façon plus générale. Lestroubles du comportement et les trou-bles mentaux proprement dits s’impo-sent au sujet et relèvent du registre dela destructivité. Leur point commun,outre leur caractère stéréotypé, c’estl’amputation d’une partie des potentia-lités de l’individu et son appauvrisse-ment. C’est une contrainte qui s’imposepour des raisons émotionnelles liées àla peur et au sentiment de menace. Lesdésirs y sont finalement peu impliquéssi ce n’est par leur caractère menaçant.Mais, en s’imposant au « Moi », les trou-bles du comportement permettent àcelui-ci de retrouver une identité(NDLR : dans le sens d’une appropria-tion) : « Mon comportement, commemes émotions, comme mon caractère,c’est à moi. » Conviction d’autant plusforte que, par ses troubles, l’individu se différencie ainsi des autres, de cesautres dont il se sent dépendant. C’estun grand danger car, à défaut d’avoirchoisi ces troubles et ces comporte-ments, il peut être tenté de s’y enfermeret de s’affirmer ainsi dans sa différence.

Les parents seront d’autant plusconvaincants qu’ils seront eux-mêmesplus convaincus de la nécessité et dela légitimité de poser ces limites. S’ilsle font, ce n’est pas pour chercher àcontraindre leurs enfants, à leur impo-ser des règles arbitraires et de simpleconvenance sociale, c’est parce que nosenfants sont trop précieux, trop impor-

Les parents, premiers acteurs de la prévention

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Les médecins généralistes ne se sentent pas forcément compétents pour accompagnerdes jeunes ayant des consommations excessives d’alcool ou de cannabis. Pourtant, pourPhilippe Castera, le généraliste est le mieux placé pour sensibiliser ces jeunes, à condi-tion d’être formé, comme c’est le cas en Gironde. Avec des résultats incontestables.

Entretien avec Philippe Castera, médecin généraliste, coordinateur médical du réseau « Addictions Gironde » (Agir 33).

« Repérer quand la consommationdevient problématique »

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tants pour s’abîmer d’une façon oud’une autre. Que ce comportement vaà l’encontre de ce qu’ils souhaitent vrai-ment ; qu’il est la réponse à leur décep-tion. Mais ce n’est en aucun cas une rai-son pour devenir son propre bourreau.S’ils ont des choses à dire, de la colèreà exprimer, des rancœurs accumulées,ils ont d’autres moyens de les exprimerque de s’abîmer.

Mais concrètement comment assurercette vigilance et poser les limites ? Lavéritable prévention, nous l’avons dit,commence bien avant que la questionne se pose. Elle se crée par la qualité deséchanges entre l’enfant et sa famille :confiance partagée qui s’appuie sur desrègles et des limites clairement posées,évoluant avec l’âge, dont l’objectif, luiaussi clairement exprimé, est l’épa-

nouissement des potentialités de l’en-fant et le refus qu’il s’abîme ou qu’on l’abîme. Pas de diabolisation desconduites déviantes, mais saisir toutes lesoccasions d’en parler pour en montrer lecaractère destructeur, triste, appauvris-sant, subi plus que voulu, à la place derelations décevantes et de déceptions.Essayer que l’enfant participe activementà ce constat et puisse se faire une opi-nion sur ces comportements à proposd’autres que lui, ou d’un film, ou d’unincident à l’école ou ailleurs, avant qu’ilne soit lui-même concerné et doncimmédiatement placé dans un rapportde force avec ses parents. Il me paraîtimportant en particulier de bien com-prendre que l’objectif essentiel est laqualité du développement du jeune etqu’en tant que parent on ne sera jamaisd’accord ni complice avec le fait qu’il

puisse s’abîmer et se priver d’un épa-nouissement souhaité parce qu’il estdéçu ou a peur de ne pas l’atteindre. Etle fait pour les parents d’avoir étéconfrontés à des difficultés semblablesne doit pas rendre ces comportementsdestructeurs plus acceptables chez leurenfant. À partir de ce refus de toute com-plicité avec le fait que le jeune puisses’abîmer et de la limite posée au com-portement destructeur, s’ouvre l’espacedu soin qui suppose que les parents pas-sent la main aux soignants quels qu’ilssoient, mais en restant les gardiens del’obligation d’un abandon à terme ducomportement destructeur par le jeune.

Philippe Jeammet

Psychanalyste, professeur de psychiatrie

de l’enfant et de l’adolescent à l’université

René Descartes-Paris 5.

La Santé de l’homme : Vous êtesmédecin généraliste exerçant enville. À ce titre, quel bilan tirez-vousdes consultations cannabis ?

Philippe Castera : J’ai d’abord le regarddu médecin exerçant à Bordeaux, quiapprécie qu’une structure peu stigmati-sante existe, à laquelle les jeunes accè-dent sans rendez-vous et rencontrent desprofessionnels compétents. Je sais,ensuite, que l’accueil est apprécié desjeunes et que la consultation cannabis(cf. encadré) commence à être connuepar mes confrères généralistes, ce quiest, pour le coordinateur à mi-temps duréseau Addictions Gironde que je suis,une bonne chose. Je vois, enfin, qu’unestructure de ce type est pour nous, pro-fessionnels du soin, une solution acces-sible et simple, au moins sur la questiondu cannabis. Car il est vrai que la consul-tation cannabis ne va pas de soi. Les pro-

fessionnels sont relativement peu formésà ce type de prise en charge et ils sontrapidement perdus. Il se passe alorsqu’un patient, souvent adressé par sonentourage, se retrouve devant un méde-cin, qui, ne sachant pas trop quoi faire,va l’orienter rapidement vers ce genre destructure. Elle saura, d’ailleurs, en fonc-tion de la gravité du problème, prônerune réorientation vers une consultationencore plus spécialisée.

S. H. : On parle pourtant et ce, pourdes raisons de précocité dans l’in-tervention, de passer de la consulta-tion cannabis à une approche mul-tiproduit. Qu’en pensez-vous ?

C’est pour moi une évidence. Que sepasse-t-il d’une manière générale dansune consultation cannabis ? Dans la plu-part des cas, la consommation n’est pasle problème le plus aigu. Une première

approche du type consultation canna-bis s’avérera alors suffisante. Mais sou-vent cette consommation est un indica-teur de quelque chose qui peut révélerun profond mal-être. Et c’est la fré-quence de la consommation qui va sus-citer de la part des professionnels uneautre orientation plus lourde, plus com-plexe. Il existe pour autant une réalité :c’est que nous sommes progressivementen train de sortir d’une vision par pro-duits pour accéder à une vision plus glo-bale, au sens addictologique du terme.Cela paraît donc plus cohérent de par-ler d’une approche multiproduit. Selonmoi, ce qui est le plus important de repé-rer chez un jeune consommateur, c’estce qui fait problème dans sa consom-mation, quel que soit le produit. Pour-quoi est-il en difficulté ? La recherche dela réponse va sans doute nécessiter dela part du professionnel de santé de nepas se limiter à la seule consommation

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d’un produit, en l’occurrence du canna-bis. Nous savons fort bien maintenantque les consultations ciblées s’occupentde toutes les consommations probléma-tiques.

S. H. : C’est-à-dire ?

Essentiellement l’alcool, avec sesnouveaux modes de consommationmais aussi le tabac. Les prises en chargesont cumulées et la logique veut quenous nous orientions de plus en plusvers une prise en charge des consom-mations problématiques, y compris lesaddictions sans substances. Claude Olie-venstein soulignait qu’une addiction,c’est la rencontre d’une personnalité,d’un produit, et d’un moment sociocul-turel. En fait, à un moment donné, lejeune va basculer autant dans son mal-être que dans sa consommation du pro-duit, une consommation qui existaitdéjà. D’une consommation je dirais à fai-ble risque, il passe un jour à uneconsommation problématique. Le pro-duit, à la limite, compte peu. L’importantest le changement de comportement.

S. H. : Cette approche multiproduitnécessite-t-elle des compétences par-ticulières ?

Je pense qu’il serait important quenous développions les compétencesd’un maximum de professionnels bienau-delà des professionnels spécialisés.Parce que le moment où le jeune bas-cule dans un comportement inquiétantva être, très souvent, repéré par un obs-ervateur non conscient du danger. Jem’explique : il y a dans le changementcomportemental des signes. Et ceux-cisont bien souvent repérés par des per-sonnes de l’entourage. Ces signes sontun ensemble de choses, très global, quivont nécessiter un accompagnementassez précis. Dans ce domaine, celui dumal-être, une action préventive peutêtre pressentie mais elle dépasse laquasi-totalité des professionnels dusoin. On dit que les médecins généra-listes ne voient pas assez les jeunes. Jepeux dire, par mon expérience, quec’est faux. Nous voyons les filles pourla pilule, les vaccins contre le cancer ducol de l’utérus, les contre-indicationsaux sports, l’acné, les problèmes denutrition, etc. Nous voyons souvent lesjeunes quand ils ont une difficulté.Nous pouvons repérer une consom-mation. Mais nous ne savons pas repé-

rer le moment où la consommationdevient problématique.

S. H. : Quels professionnels et quelslieux seraient les plus concernéspour être efficaces dans le repéragedu mal-être du jeune ?

Pour être efficace, il faut savoir mobi-liser tous ceux qui entourent le jeune.Quand celui-ci est mal, il ne parlera pasde ses difficultés. Le premier signal d’alarme est souvent donné par sonentourage. Comme généraliste, jeconnais plus facilement les membresd’une même famille. Et ce qui peutparaître comme un atout – cetteconnaissance de l’environnement fami-lial – est aussi un inconvénient, dans lesens où cela peut davantage bloquer laparole. Beaucoup de jeunes qui vien-nent me voir pour ce type de problèmesont souvent envoyés par une copine,ou un ami. Je pense donc que nousavons, comme médecins, une place par-ticulière, mais nous avons besoin detous les professionnels qui œuvrentdans des structures que fréquentent lesjeunes. Et notamment tout profession-nel que le jeune va identifier commelégitime. Ce sont les professionnelsexerçant dans le cadre éducatif scolaire(collège, lycée, etc.). Ce peuvent être,par exemple, des éducateurs sportifs.Ces acteurs-là doivent être informés dessignes ou des marques d’un comporte-ment qui poserait quelques interroga-tions. Sans doute, des formations spé-cifiques sont à envisager, ne serait-ceque dans un parcours d’orientation.Nous avons besoin de tous ceux quiaccompagnent le jeune, notamment àl’adolescence.

S. H. : Cela veut-il dire qu’il manquedes outils de repérage, des forma-tions ?

Il y a probablement des outils àdévelopper pour améliorer la compé-tence des professionnels, y compris desmédecins, dans le repérage de ce quifait problème. Il y a sûrement des tech-niques d’intervention à inventer, quifaciliteraient l’appropriation par le jeunedu fait que sa consommation fait pro-blème. Je parle, par exemple, des entre-tiens motivationnels. Ce sont des outilssimples, relationnels, qu’il est néces-saire d’imaginer. Vous savez, il y a unefaible proportion de jeunes qui vontaller directement consulter, et notam-

ment parmi ceux qui en auraient le plusbesoin.

S. H. : Vous proposez des formations« addictologie » en direction desmédecins généralistes. Quels en sontles principaux enseignements ?

Dans un premier temps, les méde-cins généralistes sont assez réticents vis-à-vis des addictions en général. Ils ontconscience qu’ils manquent de compé-tences et ils pensent au départ que lespatients qui seraient concernés par cetype de mal-être seraient mieux pris en charge par d’autres professionnelsqu’eux. Mais, quand ils ont été formés,je peux dire qu’ils sont très satisfaits.Nous avons de la facilité à les formerautour du cannabis parce que lademande émerge de plus en plus etqu’ils ont le sentiment que le jeune parleassez facilement de sa consommation.C’est plus difficile concernant l’alcoolcar, sur ce sujet, il y a beaucoup de déni.En termes de formation, nous dévelop-pons des outils très pratiques de repé-rage et d’intervention. Nous restonsassez proches de leur quotidien et ils ontle sentiment d’avoir des outils facilementutilisables, aidant pour l’orientation parexemple. Nous travaillons avec 30 à40 % des médecins les plus motivés.Depuis quelques années, nous sentonsune évolution positive, sans doute dufait de la féminisation de la profession,d’un souci de travailler différemment,un peu plus lentement, un peu plushumainement. Les mentalités changent.

Propos recueillis par Denis Dangaix

Consultations cannabis…et autres substancesDepuis 2005, un réseau de consultations spé-cifiques a été mis en place dans l’ensemble desdépartements. Gratuites et anonymes, ellessont destinées aux jeunes consommateurs decannabis et autres substances psychoactives,et à leur famille. Ces consultations, menées pardes professionnels formés aux spécificités ducannabis, permettent :– d’effectuer un bilan des consommations ;– d’apporter une information et un conseil per-sonnalisé aux consommateurs et à leur famille ;– d’aider en quelques consultations à arrê-ter la consommation ;– de proposer une prise en charge à longterme lorsque la situation le justifie.

Extrait du site Internet de la MILDT : www.dro-gues.gouv.fr

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La ville de La Roche-sur-Yon a mis en placeun dispositif global pour prévenir l’hyper-alcoolisation des jeunes : formation deséducateurs et des enseignants, interven-tions de prévention sur les lieux de ras-semblement de la commune, sensibilisa-tion du public, des commerçants, desgérants des débits de boissons et des dis-cothèques. L’objectif est d’organiser laprévention au niveau du territoire.

La ville de La Roche-sur-Yon, dansle cadre d’une décision prise par leconseil local de sécurité et de préven-tion de la délinquance (CLSPD), fin2006, s’est engagée à lutter contre l’hyperalcoolisation des jeunes. Cetteaction est la résultante des observationsmenées, pendant un an, par les média-teurs sociaux sur le territoire commu-nal. Un groupe s’est constitué compre-nant les services de la Ville, de l’État, dela caisse primaire d’Assurance Maladie,de l’Inspection académique, de l’Asso-ciation nationale de prévention enalcoologie et addictologie (Anpaa 85)et de l’Association de coordination desassociations de quartiers pour réfléchirsur des propositions d’actions. Diffé-rentes actions proposées et validées enséance plénière du CLSPD ont étéengagées, depuis 2007, afin de sensi-biliser et informer le grand public, lesjeunes en particulier.

Dans un premier temps, une étudesociologique a été menée (NDLR : voirarticle page suivante) afin d’apporter unéclairage local sur ce phénomène, demieux connaître les modalités d’alcoo-lisation des jeunes, de mesurer aussi laperception en matière de prévention etde santé des jeunes consommateursd’alcool afin d’agir sur leur système devaleurs. Un bilan des actions réaliséespar les différents acteurs a été dressé,en préalable à la création d’un réseau età la mobilisation de ces acteurs dans lecadre de la coordination des actions.Dans un second temps, les personnesrelais (animateurs socioculturels,conseillers principaux d’éducation,éducateurs de prévention, médiateurssociaux) en contact avec des jeunes ontété formées. Plusieurs objectifs étaientvisés :– échanger autour des besoins et des

difficultés des personnes relais dansleur rôle, de leur place et de leurs mis-sions sur la problématique alcool ;– faire le point sur les conduites d’utili-sation des produits psychoactifs (alcoolet autres produits) ;– comprendre la place des conduites àrisque chez les jeunes, définir la placede l’adulte dans une démarche de pré-vention, d’accompagnement et d’aide.

Étape suivante, une campagne desensibilisation et de prévention de l’al-coolisation a été menée par le conseilmunicipal des jeunes. Des affiches etdes dépliants d’information ont étéréalisés. Parallèlement, une campagnerelative à la réglementation de la vented’alcool aux mineurs a été organiséedans les grandes surfaces commercia-les ; elle poursuivait deux objectifs :– faciliter l’application de la loi par lerappel aux commerçants et aux clientsde la réglementation spécifique à laprotection des mineurs ;– rappeler à l’ensemble de la popula-tion que l’alcool n’est pas un produitcomme les autres puisqu’il est en venteréglementée.

En complément, une charte a étésignée entre les gérants des grandes sur-faces, le préfet, le procureur et le maire.

Parallèlement à ce dispositif, des ani-mations ont été organisées dans lesgrandes surfaces yonnaises, à l’espaceJeunes1 et au forum des métiers et dela formation2. Ces animations de terrainont permis d’interpeller les citoyens surleur consommation d’alcool, par le biaisde questionnaires et d’un logiciel d’éva-luation. L’objectif était de pouvoir tou-cher le maximum de personnes en por-tant une attention particulière auxjeunes, sans se situer dans la répressionni la culpabilisation, et de proposerd’autres boissons, en particulier descocktails sans alcool.

Un groupe d’échanges de pratiques,placé au cœur de ce dispositif de pré-vention, est composé de différents pro-fessionnels en contact avec des jeunes :conseillers principaux d’éducation, poli-ciers municipaux, médiateurs sociaux,animateurs jeunesse, éducateurs de pré-vention, infirmières scolaires, gardiens

d’équipements sportifs, responsables decentres d’apprentissage, etc. Il est animépar une psychologue qui intervient dansdifférentes structures (centre hospitalierspécialisé, collectivités territoriales, asso-ciations, etc.) pour des supervisionset/ou des analyses de pratiques. Ceréseau a pu questionner les pratiquesdes professionnels, par exemple quellespostures adopter face aux comporte-ments à risques des jeunes. Cette miseen réseau a permis d’agir dans un cadrecohérent à l’échelle d’un territoire.

En complément de ce dispositif, leCLSPD de la Roche-sur-Yon a décidé des’inscrire dans la durée en organisant,fin 2008, puis fin 2009, une vaste cam-pagne d’information et de préventionalcool (affichages, presse, radio, etc.)destinée à l’ensemble de la population.Sous la houlette du maire avec le sou-tien du préfet, les Yonnais ont été invi-tés à modérer et doser leur consom-mation d’alcool lors de la période de find’année. Cette campagne, financéedans le cadre du Fonds interministérielde la délinquance, vise à interroger nosconsommations par un message quirésonne certes comme un mot d’ordre« DOSEZ » mais qui ne fait que suggé-rer sans jamais être moralisateur. Aufinal, il s’agit de favoriser une prise deconscience collective sur la consom-mation d’alcool et sur ses effets. Enamont, deux intervenants – un agentmunicipal et une animatrice de pré-vention en addictologie de l’Anpaa –ont mené une mission de sensibilisationauprès des gérants des débits de bois-sons, bars et discothèques. La moitiédes quatre-vingts établissements de laville, dont quatre bars de nuit ou dis-cothèques, se sont associés à la démar-che de prévention.

Philippe Zongo

Directeur,

Direction de la prévention

et de la tranquillité publique,

mairie de La Roche-sur-Yon.

1.Lieu d’accueil, d’expression, d’accompagnement deprojets, de valorisation de pratiques culturelles et d’in-formation, dédié aux 13-25 ans.2. C’est un forum annuel, ouvert pendant trois joursà tous les jeunes de Vendée et qui reçoit près de dixmille visiteurs.

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La Roche-sur-Yon : prévention en amont à l’échelle d’une commune

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À la suite d’une réunion du conseil local de laprévention de la délinquance (CLSPD) de LaRoche-Sur-Yon en décembre 2006, il a étédécidé de réaliser une enquête sociologiquerelative aux comportements à risques des jeu-nes, et plus précisément en matière d’alcooli-sation, sur le territoire communal. L’opportu-nité de cette étude reposait sur le constat émispar différents acteurs du champ éducatif, sani-taire et social, de la police et de la justice d’uneforte alcoolisation des jeunes, au regard d’uneoccupation des espaces publics de jeunesalcoolisés, du nombre d’états d’ivresse et d’ac-cidents dus à l’alcool.Entre janvier 2007 et novembre 2008, 90 jeu-nes de 13 à 18 ans ont été interviewés (52 jeu-nes en établissements scolaires, 28 dans lesparkings et espaces publics, et 10 dans lescours de collèges).Nous donnons ici quelques résultats1 issus desentretiens auprès des jeunes, qui ont volontai-rement accepté de répondre aux questionsposées dans un réel climat de confiance.Ainsi, les raisons de la consommation d’alcool

reposent selon eux surtout sur le plaisir de la fêteet la quête de l’ivresse. Toutefois, il apparaît quela consommation est liée aussi à l’ennui et repré-sente une aide pour faire passer le temps. Enoutre, pour les plus jeunes, la consommation d’al-cool permet de se donner plus de force, de sesentir « grand » et de se montrer.« L’alcool, c’est pour s’éclater mais aussi pourprouver qu’ils sont adultes. Les jeunes boiventparce qu’ils s’ennuient, ou qu’ils sont dépri-més »2. « Pour se la péter, pour se rendre inté-ressant ». « C’est aussi ce qu’on va boire aprèsles cours, parce qu’on n’a rien à faire. »Le regard sur la prévention. Sur l’ensembledes jeunes rencontrés, seulement un quart aassisté à des interventions de préventionconcernant la thématique de l’alcool. Pour eux,les messages fréquemment transmis par lesintervenants apparaissent encore trop « mora-lisateurs » et « culpabilisants ». Si ces points inci-tent à repenser à un plus fort développementd’actions de prévention, dont les modalitéspédagogiques restent à affiner, cette préventionne doit pas être axée uniquement sur les com-

portements individuels. Elle doit aussi interpel-ler, selon eux, les comportements des adultesévoluant dans leur environnement, car les jeu-nes ne manquent pas de souligner que de nom-breux adultes qui se disent « responsables »et qui leur « donnent des leçons » consomment.Si d’autres points – comme le rôle des parents,les raisons de l’occupation de l’espace public,l’alcool et le travail – furent abordés, il estapparu au cours des rencontres que répondreà l’alcoolisation des jeunes uniquement sous unangle sanitaire et/ou sécuritaire serait insuffi-sant. Il faut aussi et surtout s’interroger sur lerôle social du jeune et sur la place (actuelle etfuture) que la société, la cité lui accordent autravers des politiques publiques le concernant(emploi, jeunesse, sport, santé, etc.).

Éric Le GrandSociologue.

1. Le rapport peut être demandé auprès de l’auteur :[email protected]. Les extraits d’entretiens sont en italiques entre guille-mets.

Représentations de l’alcool et pratiques de consommationdes jeunes à La Roche-Sur-Yon

« Los Angels de la Nuèch » : une équipe de prévention nocturne de MontpellierÀ Montpellier, une équipe mobile de troisjeunes intervenants sillonne le centre-villela nuit pour porter un message de pré-vention. L’opération s’intègre à un dispo-sitif plus large, elle est portée par la muni-cipalité, la préfecture et l’associationAvenir Santé.

Le projet « Los Angels de la Nuèch »1

consiste à réaliser des rondes de pré-vention des risques liés à une hyper-consommation d’alcool sur l’espacepublic, aux abords des lieux festifs et deconvivialité (bars, restaurants, etc.) ducentre-ville de Montpellier. Et cela, enaxant sur la responsabilisation des per-sonnes vis-à-vis de leurs comporte-ments, de leurs consommations et deleurs amis.

À l’origine de ce projet, deux cons-tats. D’un côté, la ville de Montpellier etla préfecture de l’Hérault cherchent àrésoudre un problème de tranquillitépublique en centre-ville : bruit à la sor-

tie des lieux de convivialité, dégrada-tions de biens publics, violences duesaux consommations importantes d’al-cool et plaintes des riverains. De l’autre,l’association Avenir Santé enregistreune évolution du mode de consomma-tion d’alcool par les jeunes qui cher-chent à s’« hyperalcooliser ». Les inter-venants bénévoles de l’associationconstatent une avancée de l’heure de lapremière alcoolisation. Les jeunes par-ticipent à des « before », des soirées de« préchauffe » en centre-ville (l’alcool,dans les bars ou épiceries de nuit, yétant moins cher). À l’arrivée en boîte,où l’association met en place des opé-rations « anticartons » (prévention desaccidents de la route au cœur des soi-rées étudiantes), beaucoup de jeunessont déjà alcoolisés.

Le projet a été mis en place conjoin-tement par la Ville (conseil local de sécu-rité et de prévention de la délinquance– CLSPD, cohésion sociale), la préfecture

et Avenir Santé, à la suite de cet état deslieux. Un comité de pilotage tripartitedéfinit les objectifs généraux du projet,les modalités d’intervention et commu-nique pour la mise en place d’une col-laboration de terrain avec les autresacteurs impliqués sur les problématiquesde tranquillité publique (police munici-pale et nationale, brigade anti-crimina-lité, etc.) et de santé publique (Croix-Rouge, équipe mobile d’information etde prévention de santé (Émips), Sécuritéroutière, pompiers, etc.).

L’action consiste en une équipemobile constituée de trois jeunes inter-venants spécialement recrutés, forméset suivis par les professionnels d’Ave-nir Santé. Leur formation initiale estcomposée d’une partie théorique etd’un temps d’accompagnement sur leterrain durant un week-end. Puis, toutau long de l’année, des formations spé-cifiques sont mises en place (alcool,cannabis, écoute, gestes de premiers

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secours, présentation des partenaires etdes lieux d’orientation). Pour assurer un suivi régulier des actions, un bilan est demandé aux intervenants aprèschaque week-end de ronde. C’est ens’appuyant sur ce bilan, ainsi que sur lesrencontres organisées tout au long del’année, que l’équipe d’Avenir Santé per-met aux Angels d’avoir une réflexion surleurs pratiques et des compléments deformation selon les problématiques ren-contrées sur le terrain.

Munis d’outils de prévention (éthy-lotests, jeu cannabis, préservatifs, etc.),de cartes de présentation, de brochuresd’information et d’orientation, et d’eau,les Angels se déplacent en « pousse-pousse » de 20 heures à minuit sur lesdifférents lieux d’affluence du centre-ville, les vendredi et samedi. Leursobjectifs sont les suivants :– aller au devant des groupes le plusen amont de la soirée dans une logiquede dialogue ;– susciter l’échange autour des risquesimmédiats de l’hyperconsommationd’alcool et de la consommation de pro-duits stupéfiants ;– évaluer les consommations d’alcool,en priorité celle des conducteurs (avecdes outils de type éthylotest) ;– chercher avec eux des solutions pourque la suite de la soirée se déroule sansincidents ;– orienter les personnes rencontrées,

si besoin, auprès de structures locales(Anpaa, planning familial, CDAG, pointécoute, etc.) pour une prise en chargeet un suivi ;– être en lien avec les équipes opérantla nuit (police municipale, police natio-nale, associations de terrain, etc.).

Notre équipe de jeunes intervenantsa principalement un rôle de relais. L’ac-tion est complémentaire des autresdispositifs et initiatives mis en place surla ville, comme la « Maison de la pré-vention », où l’on peut orienter le publicrencontré (ateliers, permanences d’as-sociations et services y sont proposéstout au long de l’année2).

Depuis la mise en place du projet, enjuin 2008, onze « Angels » ont été forméset sont intervenus auprès de plus decinq mille personnes. L’entrée enmatière ne se fait pas toujours directe-ment sur les thématiques que nous sou-haitons aborder, mais rapidement l’é-change s’oriente sur des questions tellesque : « l’alcool sur la voie publique »,« qui prend le volant ce soir ? », « faut-iltotalement s’abstenir de boire ? », « à par-tir de quand doit-on se considérercomme alcoolique ? », « quels sont lesrisques des mélanges ? »

Ces éléments d’évaluation sont issusdes bilans hebdomadaires rendus parl’équipe mobile, dans lesquels il est

demandé de préciser à chaque étape dela ronde le nombre et le type de per-sonnes rencontrées, l’ambiance de laplace, les thématiques abordées, leséventuelles orientations et/ou le maté-riel utilisé. Ces bilans sont les supportsdes comités de pilotage trimestrielsdécidant des améliorations à apporterau projet. Pour compléter cette évalua-tion, une enquête auprès du public ren-contré et une autre auprès des établis-sements de nuit sont en préparation.

Julie Bouchard

Coordinatrice Prévention,

Avenir Santé, Montpellier.

1. « Les anges de la nuit » en occitan.2. La Maison de la prévention santé de la ville de Mont-pellier a ouvert en décembre 2007. Au travers de soncentre ressource, de sa salle de conférence, de l’espaceinteractif et des bureaux mis à disposition des asso-ciations pour des permanences ou des événementiels,la Maison de la prévention est un carrefour d’infor-mation et de rencontre entre les acteurs de la santéet le public montpelliérain.

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Changer les représentationsque les jeunes ont de l’alcoolÀ Épidaure, département de prévention ducentre de lutte contre le cancer de Mont-pellier, les jeunes sont reçus en groupes etateliers par des professionnels qui les aidentà « déconstruire » les représentations qu’ilsont de l’alcool. Une démarche éducativepour, par exemple, apprendre à savoir« dire non » sans perdre la face.

La fête est une composante de la viesociale plus ou moins importante selonles âges. Chez les adolescents, ellereprésente un élément déterminant deleur équilibre, c’est pourquoi elle s’im-pose comme un thème d’éducationpour la santé. Si la fête est associée prio-ritairement au plaisir, ses rituels susci-

tent des prises de risques diverses. Alorsque se multiplient les campagnes deprévention et d’information sur lesaddictions, il apparaît une augmenta-tion des ivresses et des polyconsom-mations de plus en plus précoces. Si la transmission de savoirs est relative-ment bien maîtrisée, l’influence sur les« savoir-faire » et « savoir-être » reste unterrain encore largement en friche. Pourfaire changer les habitudes nocives, ilest nécessaire d’identifier les freins auxmodifications de comportements et detrouver des leviers spécifiques qui nepourront être utilisés qu’à partir de l’in-tégration d’une base de connaissancesvalides. Dans le cadre d’un projet de

Pour en savoir plusJulie Bouchard, coordinatrice PréventionSud et Renaud Bouthier, directeurTél. : 04 67 61 23 21http://[email protected]

classe, une enseignante chargée de l’é-ducation pour la santé et une animatricesanté accueillent des jeunes de collègeset de lycées (de 13 à 20 ans) à Épidaure,le département de prévention du cen-tre de lutte contre le cancer de Mont-pellier. Épidaure est un musée interac-tif sur le thème de la santé. Nous yaccompagnons les jeunes dans la cons-truction de leurs repères de santé, à tra-vers des animations ludiques, des situa-tions proches de leur vécu, afin que cemoment soit fort en émotions et ne secantonne pas à de la théorie « scolaire ».

Une première étape consiste à aiderles jeunes à trier les informations qui

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leur parviennent des médias, descopains, des rumeurs et des profes-sionnels, en utilisant la technique desblasons, technique d’animation aveclaquelle on recueille par petits groupesles pensées, les représentations. Undébat permet ensuite de les confronteren groupe classe.

Vient ensuite un temps d’accompa-gnement dans la comparaison de cesavoir à leurs habitudes afin qu’ils cons-truisent leur savoir-être. On est alorsconfronté, entre autres, au sentimentd’invulnérabilité, au besoin de vivredans l’immédiateté, qui caractérisentl’adolescence et qui sont des freins auchangement, freins d’autant plus fortsque l’événement à craindre n’est queprobable. La rencontre avec les jeunesdevra donc s’appuyer sur une partici-pation active ancrée sur les représen-tations et les valeurs individuelles et col-lectives : apprendre à se connaître, àpositionner son comportement sur deséchelles risques/plaisir, à savoir dire« non » sans crainte de perdre la face, àrésister à une attitude grégaire, à recon-naître les manipulations publicitaires,etc. Le dispositif mis en place (voirencadré ci-contre) permet de construirel’intervention entre partenaires du pro-jets, puis entre adultes et jeunes, et del’adapter aux objectifs du groupe et àses connaissances, attitudes et compé-tences.

En vingt ans d’activité d’Épidaure,nous avons recueilli les attentes des jeu-nes, qui sont de trois types :– une information sur les risques ;– une écoute de la part des éducateurset des pairs ;– des images chocs, des émotions for-tes pour leur permettre d’imaginer que« cela » pourrait leur arriver lors de laprochaine fête.

Une partie du chemin est amorcée,reste à nous tous, parents, éducateurs,professionnels de santé, politiques,d’inscrire les actions avec les jeunesdans la durée et la cohérence afin quela fête rime plus avec plaisir qu’avecrisque.

Muriel Bousquet

Enseignante en éducation pour la santé,

Hélène Sancho-Garnier

Médecin de santé publique,

épidémiologiste,

Épidaure, Montpellier.

En pratique, pour venir à Épidaure avec une classe, un groupe de centre de loisirs,etc., il faut prendre rendez-vous et renseignerun document intitulé « Un projet, une aventuresanté avec Épidaure » en ligne (http://www.valdorel.fnclcc.fr/epi/pdf/secondaire/charte/charteVF.doc). Un dispositif pédagogique estalors élaboré par l’enseignant responsable, l’a-nimatrice et l’équipe pédagogique de l’éta-blissement pour répondre au mieux à lademande.

Lorsque l’animation est prévue autour duthème de la fête, les jeunes, à leur arrivée,s’installent « au bar », environnement péda-gogique destiné à ancrer la séance dans levécu. Les idées reçues et les représentationsde la fête sont recueillies, et des questionssont ainsi abordées telles que :– la fête, pourquoi ? Liberté individuelle, pres-sion sociale ou manipulation par les lobbies ;– les ingrédients de la fête, les incontourna-bles, les accessoires… ;– l’ivresse, l’alcoolique : comment les définir ? ;– les risques.

Ensuite, par petits groupes, les jeunes réali-sent trois ateliers interactifs d’une durée dedeux à trois heures. Le premier atelier com-mence par une situation « d’apéritif », chacunse servant un verre « comme on le ferait dansune fête » (d’eau bien évidemment). Les jeu-

nes confrontent ensuite leur dose aux dosesstandard. Ils sont nombreux à constater queleur verre correspond à deux, trois dosesstandard, voire plus… Le calcul du nombre deverres consommés permet une estimation dutaux d’alcoolémie, objet du deuxième atelier.La courbe de ce dernier apparaît alors sur lesimulateur d’alcoolémie. Chacun peut ainsiprendre conscience de la lenteur de l’élimi-nation de l’alcool dans le sang. Ils expéri-mentent, enfin, au cours du troisième atelier,un circuit psychomoteur, munis de lunettes quimodifient le champ visuel à l’image d’uneconcentration moyenne ou élevée d’alcooldans le sang. Chaque incident de parcours est analysé en projetant dans la réalité, lesdommages pour soi et pour les autres. Unéchange s’instaure sur les effets de laconsommation sur la santé, sur les risques àcourt et moyen termes mais aussi sur leregard que les autres portent sur la personnequi boit beaucoup en fête.

L’évaluation montre que ce dispositif « écor-che » le sentiment d’invulnérabilité des jeunes.Deux tiers d’entre eux pensent que « ça pour-rait leur arriver ». Ils sont alors nombreux àproposer de choisir « un capitaine de soirée »et un tiers envisage de diminuer leur consom-mation.

M. B., H. S.-G.

Une aventure santé sur mesure

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32 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 398 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008

« La cuite, c’est pas automatique »

À Paris, six structures de prévention sontréunies dans le projet « La cuite, c’est pasautomatique ». Elles travaillent avec lesjeunes pour mieux comprendre les pra-tiques d’alcoolisation excessive. Puis ellesles sensibilisent en les accompagnantdans la création de documents de pré-vention : films, photos, documents, textesde slam et rap.

Face à la montée en puissance despratiques d’alcoolisation excessive chezdes publics jeunes, dont celle du bingedrinking, la Ville de Paris a commencéà déployer, depuis 2007, une démarchede prévention spécifique : « La cuite,c’est pas automatique ». En effet, si,selon les derniers chiffres de l’OFDT (1),le pourcentage des jeunes Parisiens de17 ans ayant connu des ivresses répé-tées en 2005 est moins élevé que celuides jeunes de l’ensemble du territoirefrançais au cours de la même année(19 % contre 26 %), ces chiffres n’ensont pas moins préoccupants et mon-trent bien un phénomène en expansionégalement dans la capitale : 15 % en2002 pour Paris contre 20 % en 2002pour le national.

En s’appuyant sur six structures1 déjàengagées dans la prévention des

conduites à risques et, en particulier,des consommations abusives d’alcoolchez les jeunes, Paris développe unprojet qui, dans une première phase,vise deux objectifs :– travailler avec des groupes de jeunespour mieux comprendre ce que signi-fie la pratique du binge drinking ;– mener un travail de sensibilisationauprès de ces jeunes et de leurs pairsà travers la valorisation de leur expres-sion et de leur créativité autour de lathématique alcool.

Que disent les jeunes ?Le premier objectif peut surprendre

par sa « modestie » mais il est parti duconstat que l’on ne saisit pas encorepleinement ce qui motive des jeunes àconsommer un maximum d’alcooldans un minimum de temps pouratteindre rapidement un état d’ivresse.Certes, des hypothèses sont énoncées :cette défonce ne serait-elle pas laréponse de jeunes « à une injonction denotre société » : « Toujours plus vite,toujours plus intense, toujours plusnouveau » ? (2). Soumis à des pressionsde plus en plus grandes sur le plan sco-laire et sur celui de l’avenir profes-sionnel, les jeunes ne tenteraient-ils passimplement de « décompresser », de s’échapper… jusqu’à l’oubli ? Sanscompter que le contexte de « pressionà la consommation » favoriserait large-ment de tels comportements…

Il semblait que rencontrer les inté-ressés dans un climat de confiance, leslaisser émettre leurs propres hypothè-ses ou, pour certains, leurs propres rai-sons de s’alcooliser de façon massiveétait un préliminaire indispensable àune possible élaboration de messagesde prévention ultérieurs. À travers cesrencontres et ces échanges – instauréspar chacune des six structures avec desgroupes différents – qui permettent detravailler sur les représentations des jeu-nes, un travail de sensibilisation s’en-clenche déjà.

Monter des projets locauxLe deuxième objectif vise à ancrer

le processus de prévention : les jeunessont invités à travers des réalisationspersonnelles et/ou collectives (pièce dethéâtre, slam, clip, expo photos, etc.)et dans le plaisir de la création, à for-

maliser leurs idées, voire à transmettreun message à leurs pairs.

Sans aucun doute, cette approche nepeut valoir en termes de prévention quesi elle s’inscrit dans le quotidien des jeu-nes ou, plus modestement, dans leurslieux de fréquentation et de sociabilité ;si elle tient compte de ce que ces jeu-nes vivent par ailleurs, du contextesocial, culturel, économique qui est leleur. D’où le choix des structures deprévention, partenaires de la démarche« La cuite, c’est pas automatique », demettre en place dans cette premièrephase des projets locaux inscrits dansun territoire, à une échelle modeste (dedix à quinze jeunes pour chacun desprojets).

Tisser des liens de confianceNéanmoins, une des difficultés est

bien de mobiliser au départ des grou-pes de jeunes, la thématique de l’alcoolétant plutôt jugée rébarbative… ouappréhendée sur un mode défensif(« les problèmes avec l’alcool, c’est pourles autres, moi, je ne suis pas concerné,je gère »). Aussi, il s’agit pour chacunedes six structures de prévention quimontent ces projets locaux de s’ap-puyer sur leurs partenaires de terrain :clubs de prévention, centres d’anima-tion et antennes jeunes, centressociaux, espaces publics numériques,associations de quartiers, CHRS2… et,par leur intermédiaire, de rencontrerles jeunes qui fréquentent ces lieux, detisser avec eux un lien de confiance, departir de leurs attentes pour revenirensuite vers cette thématique. Mais,même dans ce cadre, l’engagement desjeunes n’est pas systématiquementacquis. En revanche, quand ils se mobi-lisent et réalisent, au final, une créationqui leur est propre, l’enthousiasme estau rendez-vous.

Valoriser et développerles créations

Ont ainsi été réalisés, dans le cadredes projets locaux, une pièce de théâ-tre qui a donné lieu à une représenta-tion publique, une plaquette Alcool encouleurs, proposant informations,conseil et orientation, deux clips vidéode prévention, des textes de slam, derap et une exposition photos, et sont encours de réalisation deux films vidéo. Le

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Devant une discothèque : « Vas-y, souffle ! »Tous les vendredis de minuit à six heures,une équipe de professionnels – médecin,pharmacien, infirmier et éducateur – sta-tionne sur le parking de deux discothèquesde l’Hérault. L’objectif est, par le dialogue,d’inciter les jeunes fortement alcoolisés àne pas prendre le volant. Ce dispositif a unimpact positif mais peine à trouver desfinancements pérennes.

Cette action, initiée à la demande dela caisse primaire d’Assurance Maladiede Montpellier, en 2000, et non inter-rompue depuis, repose sur une néces-sité : être auprès des jeunes au momentde la consommation. Quatre principessont mis en œuvre : indépendance parrapport aux établissements où sedéroule l’action ; unité de lieu : ce sonttoujours les mêmes établissementsconcernés ; répétitivité dans un laps detemps réduit ; privilégier le dialogue etla libre initiative du public.

Des intervenants du Comité d’éduca-tion pour la santé de l’Hérault – méde-cin, pharmacien, infirmier, éducateurs1–sont présents tous les vendredis deminuit à six heures, sur le parking dedeux discothèques choisies pour leurtaille (jauge de deux mille entrées) et leurpublic (18-25 ans). À bord d’un fourgon,ils peuvent accueillir les jeunes qui trans-itent sur le parking. Le contact est établipar la proposition d’un contrôle d’al-coolémie par éthylotest de type ballon,qui a l’avantage de permettre unéchange autour de la lecture du test.Lorsque les jeunes se sont déjà testésseuls avec un éthylomètre, ils viennentalors chercher une confirmation et sur-tout un échange sur leur état. Le véhiculestationné permet, en outre, la mise àdisposition de documents2.

Dans la pratique, dès la manipulationde l’éthylotest, un dialogue s’installeavec les jeunes conducteurs ; ils esti-ment eux-mêmes le nombre et le typede consommations qu’ils ont absorbésavant et dans la discothèque, ainsi que,selon des signes visibles (pupilles,contraction des mâchoires, etc.), leséventuels produits ingérés. En cas detest positif, les intervenants détaillent lefonctionnement du test, prolongent l’échange sur différentes idées reçues(effets « bénéfiques » des chewing-gums,café, respirations « savantes » pour trom-per le test, teneur en alcool moindre decertaines boissons, etc.) et, enfin, abor-dent les risques encourus tant physiquesque judiciaires, voire sociaux.

Ces outils ne sont en fait que le pré-texte à l’installation d’un dialogue per-mettant une évaluation de leur consom-mation. Plus important, une reconnais-sance d’une consommation abusive oude produits autres que l’alcool. Sontalors évoquées les conséquences sur laconduite d’un véhicule, mais aussi lesconséquences sociales, professionnel-les… Ces deux dernières le plus sou-vent à l’initiative du jeune. Enfin, nousenvisageons, en commun, les impéra-tifs immédiats : donner les clés du véhi-cule à un ami à jeun de produits, re-cours à un transport public, un taxi, ap-pel aux parents, attente sur le parking.

Il faut noter que les jeunes se pré-sentent au véhicule par groupes et qu’enconséquence, si environ cent éthylo-tests sont pratiqués, c’est au moins troisfois plus de jeunes qui sont concernéspar l’action. C’est donc, par soirée,quelque trois cents jeunes avec quis’instaure un dialogue. Au-delà de ce

bilan chiffré, l’intérêt est d’ordre quali-tatif : la pérennité de l’action fait quenous sommes intégrés et que notreacceptation par les jeunes est totale.

Cette action a fait l’objet d’une éva-luation extérieure, diligentée par la pré-fecture (PDASR). Elle fait apparaître que63,2 % des jeunes conducteurs testéssuivent les recommandations des inter-venants, formulées en fonction de leurétat. Une forme de reconnaissance dela méthodologie d’intervention mise enœuvre : des professionnels formés, pré-sents au moment et sur les lieux des pri-ses de risques, durant de longues pério-des et à une fréquence régulière.

Toutefois, l’action est confrontée àplusieurs difficultés : trouver, chaqueannée, les financements3, en sachantque sans pérennité de l’action, y a-t-ilvraiment éducation ? ; avoir des interve-nants qui acceptent de travailler une nuitpar semaine et essayer de les garder, envue de personnaliser les contacts ; avoiret entretenir deux véhicules.

René Fortes

Directeur du Comité départemental

d’éducation pour la santé de l’Hérault,

Montpellier.

1. Une équipe de sept vacataires est nécessaire pourassurer la présence de quatre personnes tous les ven-dredis soir.2. Essentiellement des documents de l’INPES (alcool,addictions, sexualité, etc.).3. CPAM de Montpellier : 57,5 % ; conseil général del’Hérault : 19,1 % ; PDASR : 15,6 % ; FondationNorauto : 7,8 %. Le coût d’une nuit est de 762 euros.Nous en effectuons quatre-vingt-quatre.

◗ Référencesbibliographiques

(1) Escapad 2005, Observatoire françaisdes drogues et des toxicomanies (OFDT).(2) Couteron J.-P., Fouilland P. Comme unedéferlante, l’alcool défonce ! Saint-Denis :INPES, Alcool Actualités n° 36, décembre2007 : 8 p.

27 novembre 2008, une soirée de valo-risation de ces « créations croisées » a étéorganisée à l’Acerma, espace d’expres-sion artistique également ouvert aupublic. Un buffet et… des cocktails sansalcool ponctuaient évidemment la soi-rée.

En termes de perspectives, unedeuxième phase du projet est à l’étude :envisager une action à l’échelle de lacapitale, destinée non seulement àmobiliser plus largement les jeunesParisiens, mais aussi à « faire parler » de

cette problématique alcool, en donnerune visibilité pour susciter auprès detous interrogations et réflexions…

Catherine Jouaux

Chef de projet, Mission de prévention des

toxicomanies, Direction de l’action sociale,

de l’enfance et de la santé (Dases), Paris.

1. Ces six structures sont : Acerma, Anpaa 75, Are-media, Espace Emergence Tolbiac, Fort de café, LeKiosque Info Sida Toxicomanie.2. CHRS situé dans le 11e arrondissement, Le Lieu-dit,qui reçoit exclusivement un public jeune.

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Le binge drinking en est l’illustration : les modes de consommation d’alcool convergentpeu à peu dans l’Union européenne. Voici le point de vue de Michel Craplet sur la poli-tique de prévention qui se met en place au niveau européen. Toutefois, les résultatssont modestes, la santé n’étant pas une compétence communautaire.

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Les jeunes Européens et l’alcool

Pendant longtemps, on a pu oppo-ser l’image du (jeune) Scandinave ivresur la voie publique, dangereux pourlui-même et pour autrui, au consom-mateur convivial et tranquille des tablesde la Méditerranée : le Nord contre leSud. Ce cliché reposait sur une réalitésociologique qui se traduisait par desdifférences entre les conséquences deces comportements, respectivementsociales lorsqu’elles étaient consécuti-ves aux troubles de l’ivresse et médi-cales dans le cadre d’une consomma-tion d’alcool permanente.

Une évolution déjà ancienneVoilà trente ans déjà que les spécia-

listes de la question alcool ont décrit deschangements de comportements surve-nant au sein des jeunes générations. À cette époque, les jeunes branchés (etfortunés) du nord de l’Europe ont com-mencé à boire du vin au cours des repaset les jeunes Italiens et Espagnols ontdécouvert la bière et les alcools distillés,refusant les boissons et les manières deboire de leurs parents : la « défonce »,aujourd’hui baptisée binge drinking,s’est déplacée vers le sud. Les Français– exception française toujours ? – ontrésisté un peu plus à ces nouveautés.Cependant, ils ne sont pas restés accrosaux crus et aux traditions ; ils ont aussichangé de comportement mais en sedémarquant un peu des autres Euro-péens. C’est ainsi, par exemple, que cer-taines études montrent que les garçonsconsomment plus de cannabis que leursvoisins, et les filles davantage de tabacet de médicaments psychoactifs. Nousassistons donc à une internationalisationdes modes de boire, même si les enquê-tes européennes montrent qu’il existeencore des différences non pas seule-ment entre le Nord et le Sud, mais aussientre les pays des rivages de l’Atlantiqueet les régions continentales. Ainsi, en

Irlande, en Grande-Bretagne et dans lesrégions de l’ouest de la France le bingedrinking est actuellement plus visibleque dans les autres pays d’Europe.

Les responsables politiques des payseuropéens réagissent avec plus oumoins de pertinence à ces phénomè-nes. Les institutions européennes lesont quelquefois devancés, poussées parle contexte international. Ce fut d’abordle fait de l’investissement du Bureaueuropéen de l’Organisation mondialede la santé dans les années 1990, quiorganisa des conférences à Paris, en1995, et à Stockholm, en 2001, et le tra-vail de lobby d’associations privées(Non-Governmental Organisations) enparticulier d’Eurocare à partir de 1990.

Mise en place d’une stratégieeuropéenne

En fait, les instances européennes sesont véritablement saisies de la problé-matique alcool lors de l’arrivée sur lemarché de nouvelles boissons ciblantles jeunes, appelées « premix » enFrance et « alcopops » dans le mondeanglo-saxon, ou plus généralement« Ready to drink (RTD) ». L’initiativerevient à une parlementaire, ErylMcNally, qui, en 1996, a fait rédiger unedéclaration sur les nouvelles boissonsattractives pour les jeunes et l’a faitesigner par deux cents parlementairesavant de l’envoyer à la Commission.

La Commission européenne a crééun groupe de travail « Alcool et santé »,puis a travaillé à une déclaration sur leproblème des jeunes et de l’alcool. Cetravail publié a été adapté pour aboutirà des textes présentables au Conseil desministres de la Santé, dont la « Recom-mandation du Conseil du 5 juin 2001concernant la consommation d’alcoolchez les jeunes, notamment les enfants

et les adolescents ». L’objectif avait étéélargi dans la conclusion du Conseil dumême jour « relative à une stratégiecommunautaire visant à réduire lesdommages liés à l’alcool ». Cette conclu-sion dut être renouvelée, en 2004, pourque la stratégie européenne soit définieet que soit mis en place un forumregroupant organisations non gouver-nementales, opérateurs économiques(producteurs, distributeurs, publicitai-res, etc.) avec des représentants desÉtats membres et des fonctionnaireseuropéens.

Dans ce forum, les associations desanté publique et les opérateurs écono-miques se sont engagés à « combattre laconsommation excessive d’alcool » pardes actions concrètes. Certains produc-teurs se sont engouffrés dans cette pro-cédure, voulant montrer leur bonnevolonté, d’autres ont été obligés de sui-vre. Ces engagements (« commitments »)seront évalués. Un comité scientifiquea été mis en place. Deux groupes (taskforces) ont été créés pour travailler, l’unsur les communications commercialesl’autre sur la jeunesse.

Limites des actionsde prévention européennes

Il existe donc une stratégie euro-péenne mais pas d’action européennepossible. Rappelons que les texteseuropéens ne sont que des incitations àdes actions nationales puisque la santéhumaine n’est pas compétence euro-péenne. Aucune loi (règlement oudirective) ne peut être votée sur lesquestions de santé ; ce thème ne peutêtre abordé qu’indirectement par desquestions appartenant aux domaineséconomiques. Nous savons que l’ob-jectif économique de l’Union euro-péenne peut être parfois contraire auxintérêts de la santé publique, comme

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l’est la mondialisation au-delà des fron-tières de l’Europe. Tant pis pour la santéet la sécurité des jeunes Européens,dont les discours officiels parlent tant.

Les actions acceptées sont essen-tiellement éducatives, alors que lesexperts anglo-saxons insistent sur laseule efficacité des méthodes decontrôle sur l’offre d’alcool. Les pro-ducteurs et les instances européennes,qui refusent ces contrôles, insistent surles actions d’éducation, moins effica-ces. L’objectif des actions mises envaleur est souvent limité sans visionglobale. C’est le cas de la promotion deprogrammes du type « conducteur dési-gné ». Ces programmes peuvent avoirdes effets pervers en encourageant laconsommation des autres (hypothèsedémontrée) et avec un déplacementdes manifestations de la violence, dela route au retour au domicile parexemple (hypothèse soutenable, sinondémontrable). Certes, personne ne peutcritiquer un programme assurant unemeilleure sécurité routière, mais cesactions ne doivent pas donner un alibipour ne pas envisager une politique deprévention plus globale.

En ce qui concerne l’offre et la valo-risation de l’alcool, les instances euro-péennes constatent sans réagir lagrande disponibilité des boissons et laséduction toujours plus grande exer-cée auprès des jeunes consommateurspar la publicité et le marketing. La loiEvin, qui a fait ses preuves en France,est simplement considérée comme unecuriosité. Le fait qu’elle a été jugéecompatible avec la législation euro-péenne n’incite pas à l’envisagercomme modèle. Dans le forum Alcoolet santé, on ne parle que de « self regu-lation » ou de « coregulation », en dépitde l’impossibilité à faire respecter cesattitudes par les opérateurs écono-miques en concurrence et maintenanten crise. On peut encore évoquer latentative manquée d’imposer un aver-tissement sanitaire concernant lerisque de la consommation d’alcoolpendant la grossesse. Il fut refusé auParlement européen.

La peur de l’alcoolisation des jeunesa fait mettre l’alcool sur l’agenda euro-péen. Aujourd’hui le binge drinking estun thème qui plait. Tous les médias trai-tent de ce sujet. Peut-être faut-il jouer ce

jeu, par stratégie politique, pour que laquestion alcool continue d’être prise enconsidération ? Mais il ne faudrait pasoublier les risques d’une politique sec-torielle où les adultes « s’occupent » desjeunes pour faire oublier leurs respon-sabilités ou leurs propres comporte-ments. Par ailleurs, éviter la stigmatisa-tion de ces jeunes sera bien difficile siles mesures sont ciblées uniquementsur eux : âge d’achat relevé, taux légauxd’alcoolémie abaissés.

Le travail européen de préventionest encore modeste, même en directiondes jeunes. Cependant, les associationsde santé publique manifestent souventune unité et un esprit européens. Lesévénements récents nous ont montréque les instances politiques et écono-miques n’y arrivent pas toujours facile-ment, même si elles veulent faire del’Europe ce grand marché économiquequi fait peu de cas de la santé des jeu-nes Européens.

Dr Michel Craplet

Psychiatre, alcoologue,

médecin délégué de l’Anpaa,

président d’Eurocare.

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En Allemagne et aux Pays-Bas, un nombre croissant de jeunes et très jeunes pratiquentl’alcoolisation massive. Frappés par la méconnaissance que ces jeunes ont des risques,les professionnels allemands sensibilisent et prennent en charge les jeunes accueillis auxurgences pour hyperalcoolisation. Même démarche d’aide à la prise de conscience auxPays-Bas, où ils vont vers les jeunes ; en effet, ces derniers ne demandent pas d’aide etune infime minorité franchit la porte d’un centre spécialisé de soins.

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Le Binge drinking touche l’ensem-ble des pays européens. Même s’il s’a-git du même phénomène, il existe desdéclinaisons nationales tant sur laconceptualisation que sur les modalitésde prise en charge. À travers la des-cription de la situation dans deux pays,l’Allemagne et les Pays-Bas, nousessayerons de dégager quelques pistespour l’action.

Les jeunes face à l’alcool en Allemagne

Dans les hôpitaux allemands, lenombre d’admissions pour intoxicationà l’alcool a plus que doublé entre lesannées 2000 et 2006, passant de 9 500à 19 500. Le pourcentage d’adolescentsayant expérimenté le binge drinkingdans le mois est passé de 20 % en 2005à 26 % en 2007. Cette augmentationbrutale a de regrettables conséquencessur la santé des adolescents. En plus destroubles du comportement connus liésà l’alcool (conduites automobile etsexuelles à risque), il faut y ajouter lesrisques dus au mode de consommation,c’est-à-dire l’intoxication massive avec,dans de nombreux cas, un coma éthy-lique (fausse route, étouffements voirearrêt cardiaque). En Europe, 10 % desaccidents mortels chez la jeune fille et25 % chez le jeune garçon sont liés àl’intoxication à l’alcool.

Une étude a été réalisée, en 2006,par le ministère fédéral sur cinq centsadolescents admis dans les servicesd’urgences. Celle-ci a pu mettre en évi-dence des motivations de consomma-tion très diverses. Dans certains cas, l’in-

gestion massive d’alcool sert commepasse-temps pour lutter contre l’ennui.Dans d’autres cas, la prise d’alcool s’ar-ticule autour de paris et de jeux ; ellepeut servir de rituel de passage pourappartenir au groupe. Enfin, il existeune alcoolisation pour oublier les pro-blèmes et notamment ceux en rapportavec la pression scolaire et le contextefamilial. Pour la grande majorité des jeu-nes, cette étude pointait une grande naï-veté et une inconscience des risquesliés à l’alcool.

Les alcoolisations massives ne sefont plus dans les bars et les disco-thèques, où le prix jouait un rôle de fac-teur limitant, mais dans la rue, les gareset les parcs. Les alcools forts sont ache-tés en grande surface et directementconsommés à la bouteille. Les « cuites »se font en dehors de tout contextesocial ou culturel. Seule compte ladynamique du groupe. Les produitsconsommés sont essentiellement desalcools forts, majoritairement de lavodka. Cette consommation chez lesadolescents n’est pas chronique, avecphénomène d’entraînement dans uncontexte socioculturel bien déterminé,mais bien une prise massive à visée dedéfonce. Elle se rapproche en cela dece qui peut s’observer chez les adultesgrands marginaux.

Face à cette situation, plusieurs pro-grammes de prévention et de repérageprécoce ont été mis en place. Parmiceux-ci, le programme HaLT : Hart amLimit (« Stop : c’est la limite ») s’est mon-tré particulièrement intéressant. Celui-

ci consiste en un repérage des consom-mateurs excessifs au moment del’hospitalisation dans le service desurgences. Le repérage se fait par lemédecin urgentiste ou une autre per-sonne des urgences qui, lorsqu’elleconstate une alcoolisation massive chezun adolescent, peut faire appel à unintervenant extérieur qui rencontre lejeune directement.

Une discussion sur les dangers de l’al-cool et ses risques est entamée avec l’a-dolescent. La famille est aussi rencontréepour évoquer l’épisode, le replacer dansle contexte, trouver des solutions pourque cela ne se reproduise pas. Une pro-position de réunion de groupe est aussifaite à l’adolescent. Celle-ci aura pourobjectif de responsabiliser le jeune, d’é-voquer les situations à risque. Les entre-tiens motivationnels sont utilisés lorsqu’ily a lieu, afin de questionner les com-portements à risque.

Le programme permet aussi derecueillir des informations sur les com-portements. Ainsi, il a pu mettre en évi-dence :– un âge de plus en plus précoce desconsommations ;– un phénomène qui touche l’ensem-ble de la population des jeunes qu’ilssoient diplômés ou non ;– des alcoolisations qui se font dans leslieux publics dans la moitié des cas, audomicile des parents dans un quart descas ;– dans une majorité des situations, lesjeunes ne sont pas issus de foyers oùpère et mère habitent ensemble.

Binge drinking chez les jeunes Européens : les programmes allemands et néerlandais de prévention

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Le travail avec les jeunes (partie réac-tive) s’articule avec un travail dans lacommune (partie proactive). Cette der-nière partie consiste en des actions avecdes experts de prévention, dans l’ob-jectif de former le personnel de ventedans les magasins, les responsables desfêtes dans les communes, etc. L’objec-tif est de faire respecter la loi de pro-tection des jeunes, comme par exemplel’interdiction de vente d’alcool auxmineurs. Cela souligne pour les tenantsdu programme l’importance de l’inter-vention auprès des familles, la nécessitéd’avoir une action sur les lieux publics,et l’importance de cibler le public jeune,voire très jeune.

Le programme de préventionnéerlandais

Les Pays-Bas se situent en tête despays d’Europe en matière debinge drin-king. Des années 1960 aux années 1980,la consommation d’alcool pur est pas-sée de 2,6 à 8,9 litres par an et par habi-tant. Actuellement, deux mille cinq centspersonnes (NDLR : pour 16 millionsd’habitants) décèdent directement ouindirectement des suites de la consom-mation d’alcool1. Dans le pays, les pro-blèmes dus à l’alcool sont majoritaire-ment le fait de prises aiguës ; de type

« scandinave », comme le disent lesNéerlandais (en France, nous les quali-fierions plutôt d’« anglo-saxon »).

L’alcoolisation nocive concerne sur-tout les jeunes : 34,1 % des hommesâgés entre 16 et 24 ans sont considé-rés comme des buveurs problématiquescontre 10 % chez les 16-69 ans. Beau-coup de ces jeunes arrêteront deconsommer une fois arrivés à l’âgeadulte. Cependant, prédire l’arrêt et lemoment de l’arrêt paraît aléatoire et nedoit en rien empêcher les mesures d’ur-gence. Pour les Néerlandais, les raisonsqui poussent un jeune à boire sont mul-tifactorielles, leur modèle de compré-hension du phénomène est intégratif,incluant plusieurs théories.

Selon ces modèles, les facteurs derisques conduisant à l’abus d’alcool sontà la fois individuels et liés à l’environ-nement.Sur le plan individuel : certains indivi-dus supportent moins bien l’alcoolpour des raisons génétiques, ce qui lesprotège d’ingestions « excessives ». Lescroyances dans les effets bénéfiques del’alcool jouent un rôle majeur dans ladécision de boire, surtout en « début decarrière ». La perception des risques, au

contraire, dissuadera l’adolescent d’en-trer dans cette « carrière ».Au niveau de l’environnement : la dif-férence entre garçons et filles peut s’ex-pliquer par les normes de consomma-tions différentes selon les sexes. Lesparents semblent être le déterminantmajeur, non pas sur l’expérimentationmais sur la pérennisation de la conduited’alcoolisation. C’est la cohérence deleurs pratiques parentales plus quel’exemplarité de leur comportement vis-à-vis de l’alcool qui sera le facteur pro-tecteur. Enfin, toute la culture liée à l’al-cool, à savoir celle des pairs, des prixet du groupe va jouer un rôle non négli-geable.

Les mesures vont être multifocales, àl’image de la représentation théoriquedes facteurs influençant la consomma-tion d’alcool. Ainsi, au niveau national,quatre actions vont être promues :– la législation et l’autorégulation. LesPays-Bas font la distinction entre les dif-férents alcools : ceux à moins de 15 %et ceux à plus de 15 %. Ainsi, il fautavoir plus de 16 ans pour acheter lespremiers, plus de 18 ans pour lesseconds ;– l’information et l’éducation au traversdes médias avec une campagne centrée

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sur les parents ;– les actions de prévention locales ;– la multiplication des interventionsprécoces et brèves.

Le programme Drank maakt meerkapot dan je lief is (« La boisson tedétruit plus que tu ne le crois ») est uneréponse à ce cahier des charges. Il vacibler trois populations : les adolescentsqui ne boivent pas encore, ceux quisont dans des conduites de binge drin-king, et les adultes jeunes en demanded’aide. Il se décline sur trois axes.1. La stratégie d’information auprès dugrand public : l’objectif est de fournirà l’ensemble de la population les don-nées acquises de la science en matièred’alcool et de facteurs de risques. Undes vecteurs utilisés est le site webwww.alcoholinfo.nl2. L’aide à la prise de conscience : ils’agit de sensibiliser le jeune et l’entou-rage (les parents et les intervenants deschamps sanitaire, social et politiquelocaux) aux problèmes liés à l’alcool.17 % seulement des jeunes ayant desconduites d’abus d’alcool demandent del’aide et ils ne sont que 3 % à franchirla porte d’un centre spécialisé. L’attitudedes parents est fondamentale. Ce sontsouvent eux qui fournissent les locauxoù les adolescents s’adonnent à desbeuveries, voire financent l’achat d’al-cool. Ils le font par méconnaissance duproduit et des effets chez le jeune, et pardifficulté à trouver des pratiques paren-tales adaptées. Plus que d’un jugement,c’est d’aide dont ils ont besoin. Cette

aide sera fournie au moyen de campa-gnes de sensibilisation et l’organisationde conférences-débats sur tout le terri-toire. Des stratégies d’interventions brè-ves auprès des jeunes binge drinkers,notamment via Internet, sont à l’étude.3. L’identification des groupes ciblespour cerner les objectifs à atteindre. Ils’agit de rencontrer les jeunes consom-mateurs par différents moyens, dontInternet, pour faciliter les discussions etles groupes de parole. L’objectif estd’acquérir une meilleure connaissancedes motivations de consommationsainsi que des trajectoires.

Établir le contact, très tôt…L’alcoolisation massive chez les jeu-

nes, voire les très jeunes, est un phé-nomène en pleine expansion. Ces pri-ses d’alcool semblent se faire hors descircuits traditionnels, c’est-à-dire endehors des bars et des discothèques.Les causes de ce phénomène sont mul-tifactorielles et sont à rechercher dansl’environnement écologique de l’ado-lescent. Une des difficultés premièresest de pouvoir accéder à ces jeunes. Ilsne sont demandeurs de rien et n’entrenten contact avec le système de soin quelors d’un accident grave.

Plusieurs pistes sont ainsi à l’étude.L’une consiste à entrer en contact aumoment d’une crise nécessitant un pas-sage aux urgences, l’autre s’attelle à uti-liser des relais comme Internet ou lesmédias pour sensibiliser non pas seu-lement le jeune mais surtout l’entou-

Pour en savoir plus• Barnes G.M., Farrell M.P., Banarjee S.Family influences on alcohol abuse and otherproblem behaviors among black and whiteadolescents in a general population sample.In : Boyd G.M., Howard J., Zucker R.A. (Eds).Alcohol problems among adolescents: Cur-rent directions in prevention research. Hills-dale, NJ: Erlbaum, 1995.• Bundesmodellprojekt « HaLT – Hart amLimit », Bericht zur Modellphase II. Basel :März 2007 : 188 p.En ligne : http://www.bmg.bund.de/nn_604240/DE/Themenschwerpunkte/Dro-gen-und-Sucht/Alkohol/HaLT.html• Cooper M.L. Motivations for alcohol useamong adolescents: development and vali-dation of a four-factor model. Psychologi-cal assessment 1994; 6: 117-28.• Holder H.., Treno A.J. Media advocacy incommunity prevention: news as means toadvance policy change. Addiction 1997; 92:189-99.• Smith G.T., Goldman M.S. Alcohol expec-tancy theory and the identification of high-risk adolescents. In : Boyd G.M., Howard J.,Zucker R.A. (Eds). Alcohol problems amongadolescents: Current directions in preven-tion research. Hillsdale, NJ: Erlbaum, 1995.

D’après les interviews de Madame Heidi Kutt-ler, directrice du centre de prévention VillaSchöpflin, dans le Land de Bade-Wurtem-berg, en Allemagne, et initiatrice du projet« HaLT : Hart am Limit », et de Monsieur Vic-tor Everhardt, responsable du départementrecherche et prévention sur l’alcool et lesdrogues au Trimbos Institute d’Utrecht, auxPays-Bas.

rage, qui pourra porter la demande.Tous sont d’accord sur la nécessité desoutien envers les parents. Ce sont euxles plus à même d’entrer en contact, deporter la demande d’aide, de trouver lessolutions adéquates avec leur enfant.

Dr Olivier Phan

Psychiatre addictologue, responsable médical

du centre Emergence,

Institut mutualiste Montsouris, Paris.

1. À titre de comparaison, en France, la consomma-tion moyenne annuelle d’alcool pur a diminué régu-lièrement depuis quarante ans, passant de 17,7 l en1961 à 9,3 l en 2003. La mortalité liée à l’alcool dansnotre pays est estimée à 37 000 décès annuels.

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L’intervention auprès des jeunesconsommateurs de substances psycho-actives au Québec doit être située dansle cadre d’un continuum de mesuresqui vont de la prévention primaire à l’in-tervention spécialisée avec héberge-ment. Ces mesures sont définies dans lePlan d’action interministériel en toxi-comanie (1), qui inclut un ensembled’objectifs et de stratégies portantnotamment sur la détection, l’interven-tion précoce, le traitement et la forma-tion. Elles sont par la suite précisées àl’intérieur d’une offre de service endépendances, qui vient définir les rôleset les responsabilités de chaque palierde service (services généraux versusservices spécialisés) mais aussi la tra-jectoire des usagers d’un palier de ser-vice à l’autre (2). Ces documents cadressont le reflet d’un développement deservices en toxicomanie au Québec.Mais ils veulent également donner desorientations claires quant à la nécessitéd’établir des niveaux d’intervention enplus d’opérationnaliser de façon fluidele mouvement des usagers d’un palierde service à l’autre.

Des centres dédiés à la dépendanceHistoriquement, ce sont principale-

ment les services spécialisés qui se sontdéveloppés, ciblant les jeunes présen-tant une gravité élevée de toxicomanie.Les services spécialisés sont des soinspsychosociaux et médicaux, donnéspar des centres dont la vocation est uni-quement dédiée à la dépendance(alcoolisme, toxicomanie, auxquelss’est ajouté récemment le jeu patholo-gique) et dont l’accès est réservé à desindividus dont la sévérité du problèmeest élevée. Ces services spécialisés pourles jeunes ont émergé au début desannées 1990, après qu’une commissiond’enquête sur les drogues, instituée par

le Premier Ministre Robert Bourassa eutdémontré la progression des problèmesd’alcool et d’autres drogues chez lesadolescents. Cette même commissiona recommandé la création de program-mes d’intervention adaptés à cettepopulation, dans l’ensemble du terri-toire québécois.

Quoique forts pertinents, ces servicesspécialisés se sont avérés insuffisants,particulièrement pour une partie de lajeunesse qui présente un abus de sub-stances psychoactives qualifié demodéré ou encore qui, malgré un por-trait clinique sévère, ne souhaite pas êtreorienté vers ces services dits spécialisés.C’est pourquoi ces dernières années ontpermis d’améliorer la prestation de ser-vices via l’élaboration d’une trajectoiretenant compte de la gravité de la pro-blématique d’abus de substances maisaussi des missions respectives des éta-blissements. Ainsi, le milieu scolaire aété rapidement identifié comme étantun lieu de premier plan dans le rôled’identification et d’intervention précoceauprès des jeunes surconsommateursde substances psychoactives. Dans cer-tains milieux scolaires, des intervenants(par exemple le psycho-éducateur1) ontété, en partie, dédiés à cette tâche deprévention des toxicomanies mais deplus amples développements de servi-ces seraient nécessaires.

Création d’un outil de repérageC’est dans le cadre de ce dévelop-

pement de services que l’équipe derecherche le RISQ2 a créé un outil dedétection des habitudes probléma-tiques de consommation de substancespsychoactives chez les jeunes, soit laDEP-ADO (3). Cet outil a été validéauprès d’une population francophonequébécoise (4) mais aussi en Suisse (5).

La DEP-ADO3 a été initialementconçue pour être administrée au coursd’une entrevue en face-à-face d’unedurée moyenne de dix minutes. Cepen-dant, elle peut être renseignée directe-ment par les jeunes, à condition qu’unencadrement minimal soit assuré parune personne qui connaît la grille. LaDEP-ADO tient en une page recto-verso. La grille est composée de dix-septquestions portant sur la fréquence deconsommation des substances psycho-actives au cours des douze derniersmois, la présence de régularité de laconsommation, d’injection, de précocitéde la consommation et de diversesconséquences. Le score total varie entre0 et 73, en plus de fournir des scores àtrois facteurs, soit : la consommationd’alcool/cannabis ; la consommation de drogues dites « dures » ; les consé-quences rapportées. La consommationde tabac est abordée mais n’est pas priseen compte dans le calcul du score.

Le score total permet d’identifier les« feux », qui sont une catégorisation del’importance de la consommation desubstances psychoactives chez les jeu-nes en fonction des trois niveaux degravité. Ces niveaux sont qualifiés parun code de couleur se référant aux feuxde circulation. Le « feu rouge » est attri-bué à la consommation problématique,le « feu jaune » pour celle à risque et le« feu vert » pour une consommation quine cause pas de préoccupations actuel-lement. Cette classification est associéeà des paliers de services. Les jeunesdont l’importance de la consommationde substances psychoactives est élevée– feu rouge – sont référés vers les cen-tres de réadaptation spécialisés en toxi-comanie. Les jeunes de niveau « feujaune » sont dirigés vers une interven-tion précoce, préventive, faite en

Le Québec a mis en place un dispositif de prévention « global », incluant l’ensemble dessubstances psychoactives et des dépendances, jeu pathologique inclus. Après avoir créédes services spécialisés pour prendre en charge les jeunes ayant les consommations les pluscritiques, il a développé un outil de détection des consommations problématiques, qui estglobalement utilisé dans le pays. Si le dépistage et la prise en charge ont été mis en placepour ces jeunes, beaucoup reste à faire pour ceux présentant des consommations à risque.

L’organisation des services en alcoolismeet toxicomanie auprès des jeunes du Québec

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milieu scolaire ou dans des centres desoins généraux de santé et de servicessociaux. Le « feu vert » ne nécessitantpas d’intervention. Cette détection peutêtre faite en milieu scolaire, mais aussiau sein des services sociaux générauxou des centres dédiés à la jeunesse(jeunes en besoin de protection et jeu-nes contrevenants). À l’aide de la DEP-ADO, l’intervenant obtient des indi-cations cliniques claires quant àl’orientation optimale du jeune. Il luireste à travailler à partir des intérêts dujeune, et l’art de l’entretien motivation-nel devient ici fort pertinent.

Trois niveaux de gravitéRevenons sur la trajectoire particu-

lière des jeunes identifiés « feu rouge ».Ils sont orientés vers un guichet uniqued’évaluation spécialisée. Ces guichets,nommés Mécanismes d’accès jeunesseen toxicomanie (MAJT), sont des équi-pes centralisées qui accueillent, dansune région donnée, toutes les demandesd’aide des jeunes identifiés comme ayantune consommation problématique. Ilsprocèdent à une évaluation plus pous-sée de la condition du jeune (à l’aide del’Indice de gravité de la toxicomanie –version adolescents) (6) et lui offrent unegamme de services adaptés à sa situa-tion. Ces guichets doivent permettre lejuste appariement entre les besoins desjeunes ayant une consommation pro-blématique et les services offerts pardivers établissements d’une région. C’està cette étape que sera décidé si un jeunedoit être orienté vers des services dedésintoxication, de réadaptation interneà long terme, court terme ou encore de

services externes plus ou moins inten-sifs. Ainsi, les évaluateurs des MAJT sontà la fois des spécialistes de l’interven-tion jeunesse en toxicomanie mais aussides personnes bien informées des res-sources de soins offertes dans tous lesétablissements du territoire desservi. Deplus, un processus de suivi du parcoursdu jeune dans les divers services a étémis sur pied dans certaines régions.Ainsi, la coordination du MAJT est infor-mée de la présence ou non du jeunedans l’établissement vers lequel il a étéorienté, de la durée de sa présence etdu motif de départ. Ces MAJT ne sontcependant pas déployés dans toutes lesrégions du Québec.

Pour les jeunes identifiés « feu jaune »,les services sont à développer. Desinitiatives intéressantes émergent maisaucun programme d’intervention n’apour le moment été adopté à grandeéchelle. Ces programmes semblent pro-metteurs mais devront être formelle-ment évalués. Des projets en ce senssont en cours de développement etnous pouvons penser que, dans quel-ques années, des programmes validesdont la pertinence et l’efficacité aurontété démontrées seront disponibles pourla francophonie.

Du dépistage à l’interventionPrévue au départ pour le dépistage

de la consommation problématiqued’alcool et des drogues, la DEP-ADO estrapidement devenue un outil de basedans le cadre d’études épidémiolo-giques, particulièrement en milieu sco-laire. L’instrument est utilisé par l’Insti-

tut de la statistique du Québec, quimène une enquête provinciale tous lesdeux ans depuis 1998, afin de docu-menter les taux de prévalence deconsommation de substances psycho-actives mais aussi les proportions dejeunes se classifiant dans chacun des« feux » (7-9).

En résumé, l’organisation des servi-ces concernant la consommation d’al-cool et de drogues chez les jeunes s’or-ganise autour des notions de niveaux degravité, appariés à des niveaux d’inter-vention. La DEP-ADO est un instrumentclé dans cette organisation de services, permettant l’adoption d’un lan-gage commun entre les intervenants dedivers établissements. Des mécanismesd’orientation des jeunes présentant uneproblématique plus importante sont enplace. Cependant, les services pour lesjeunes ayant une consommation àrisque sont moins bien développés.Pour conclure, il faut certainement sou-ligner le rôle joué par les autorités gou-vernementales qui exercent un leader-ship favorable dans la création de cestrajectoires de services, en ayant à cœurle déploiement de services optimaux.

Joël Tremblay, Ph.D.,

Natacha Brunelle, Ph.D.,

Université du Québec à Trois-Rivières,

Recherche et intervention sur les substances

psychoactives – Québec (RISQ),

Michel Landry, Ph.D.,

Directeur de la recherche

et du développement universitaire

du Centre Dollard-Cormier,

Institut universitaire sur les dépendances,

Montréal, codirecteur du RISQ, Québec.

1. La profession de psycho-éducateur est née, au Qué-bec, au milieu des années 1950. La nécessité d’in-tervenir de façon spécifique auprès d’enfants présen-tant des troubles affectifs graves, d’adolescentsdélinquants incarcérés jusque-là dans les prisons d’adultes, et d’enfants abandonnés en institutions,a favorisé l’émergence de la psycho-éducation. Lepsycho-éducateur s’occupe des personnes qui s’intè-grent mal à leur milieu social, qui ont des difficultésd’adaptation variées : délinquance, troubles du com-portement, agressivité, perte d’autonomie, etc. Bienqu’il travaille avec des adultes et des personnes âgées,le psycho-éducateur œuvre surtout avec des enfantset des adolescents.2. Recherche et intervention sur les substances psycho-actives – Québec ; www.risqtoxico.qc.ca3. NDLR : En France, le questionnaire Dep-Ado est uti-lisé dans le cadre de l'étude Roc-Ado, menée par l'Ins-titut de promotion de la prévention secondaire enaddictologie (Ippsa) : ce projet de prévention a pourobjectif de repérer et d’évaluer les consommations desubstances psychoactives (alcool, tabac, cannabis,cocaïne, opiacés, etc.) des jeunes âgés de 12 à 25 ans.Plus d'informations sur www.ippsa.asso.fr

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(1) Ministère de la Santé et des Servicessociaux. Plan d’action interministériel en toxi-comanie : 2006-2011. Québec, Qc, Canada :ministère de la Santé et des Services sociauxdu Québec, 2006.(2) Faulkner R., Paquet M.-C., Doré G. Orienta-tions relatives aux standards d’accès, de conti-nuité, de qualité, d’efficacité et d’efficience.Programme-services dépendances. Offre deservice 2007-2012. Québec, Qc, Canada :ministère de la Santé et des Services sociauxdu Québec, 2007.(3) Germain M., Guyon L., Landry M., Trem-blay J., Brunelle N., Bergeron J. La grille dedépistage de consommation problématiqued’alcool et de drogues chez les adolescentset les adolescentes (DEP-ADO). Montréal, Qc,Canada : RISQ, 2007.(4) Landry M., Tremblay J., Guyon L., Berge-ron J., Brunelle N. La grille de dépistage de laconsommation problématique d’alcool et dedrogues chez les adolescents et les adoles-centes (DEP-ADO) : développement et qualitésmétriques. Drogues, santé et société 2004 ;3 : 18-35.(5) Bernard M., Bolognini M., Plancherel B., Chi-net L., Laget J., Stephan P., et al. French vali-dity of two substance-use screening testsamong adolescents: A comparison of theCRAFFT and DEP-ADO. Journal of substanceuse 2005; 10: 385-95.(6) Landry M., Bergeron J., Provost G., Ger-main M., Guyon L., Desjardins L. Indice de gra-vité d’une toxicomanie (IGT) pour les adoles-cents et adolescentes : Étude des qualitéspsychométriques.Montréal, Québec, Canada :RISQ – Recherche et intervention sur les sub-stances psychoactives – Québec, 2000.(7) Guyon L., Desjardins L. La consommationd’alcool et de drogues. In : Loiselle J., Perron B.(Eds). L’alcool, les drogues, le jeu : les jeunessont-ils preneurs ? Enquête québécoise sur letabagisme chez les élèves du secondaire(2000). Québec : Institut de la statistique duQuébec, 2002 ; (2) : 35-62.(8) Pica L. Consommation d’alcool et de dro-gues. In : Dubé G. (Ed.). Enquête québécoisesur le tabac, l’alcool, la drogue et le jeu chez lesélèves du secondaire, 2004. Quoi de neufdepuis 2002 ? Québec, Qc, Canadan : Institutde la statistique du Québec, 2005 : 95-130.(9) Dubé G., Fournier C. Consommation d’al-cool et de drogues. In : Dubé G., Tremblay R.,Traoré I., Martin I. (Eds). Enquête québécoisesur le tabac, l’alcool, les drogues et le jeu chezles élèves du secondaire. Montréal, Québec,Canada : Institut de la statistique du Québec,2006 : 83-123.

Après quelques données épidémiologiques générales sur l’alcoolisation des jeunes,nous avons choisi des références liées aux sciences humaines et aux conséquencespour la santé de ces comportements. Quelques références traitent ensuite de la pré-vention dans ce champ. Enfin, une sélection de revues, d’organismes ressources, desites Internet et d’outils pédagogiques est proposée.Les adresses des sites Internet mentionnés ont été consultées et vérifiées le12/11/2008.

◗ Références bibliographiques

◗ BIBLIOGRAPHIE

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Pour en savoir plus

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• Craplet M. À consommer avec modération.Paris : Odile Jacob, 2005 : 352 p.

Prévention• Awidson P., Brodin M., Charles M.-A., et al.Santé des enfants et des adolescents : Propo-sitions pour la préserver. Paris : Éditions Inserm,coll. Expertise collective opérationnelle. De l’ex-pertise à l’action, 2003 : 560 p.• Bantuelle M., Demeulemeester R. (dir.). Com-portements à risque et santé : agir en milieuscolaire. Programmes et stratégies efficaces.Référentiel de bonnes pratiques. Saint-Denis :INPES, coll. Référentiels, 2008 : 132 p.En ligne : http://www.inpes.sante.fr/CFESBa-ses/catalogue/pdf/1086.pdf• Ceusters H. P. Jeunes et alcool : quand la prévention s’emmêle. Éducation Santé 2005 ;n° 197 : 6-10.• Dattu L. Prévention primaire du mésusaged’alcool chez les jeunes : quelle efficacité ? Unerevue systématique de la littérature. Swaps(santé, réduction des risques et usages de dro-gues) 2004 ; n° 34 : 7-8.• Mildt-Dgesco. Prévention des conduitesaddictives : guide d’intervention en milieu sco-laire. Paris : Mildt, 2005 : 124 p.En ligne : http://eduscol.education.fr/D0190/guide_intervention.pdf• Perrin-Escalon H., Hassoun J. Adolescence etsanté. Constats et propositions pour agirauprès des jeunes scolarisés. Saint-Denis : édi-tions INPES, 2004 : 114 p.• Reynaud M. Usages nocifs de substancespsychoactives : identification des usages àrisque, outils de repérage, conduites à tenir.Paris : La Documentation française, 2002 :278 p.En ligne : http://lesrapports.ladocumentation-francaise.fr/BRP/024000138/0000.pdf• Leselbaum N. Éducation à la santé et pré-vention des dépendances en milieu scolaire.Revue Toxibase 2003 ; n° 9 : 1-15.• Venisse J.-L., Bailly D., Reynaud M. Conduitesaddictives, conduites à risques : quels liens,quelle prévention ? Paris : Masson, coll. Méde-cine et psychothérapie, 2002 : 274 p.

◗ REVUES

• AddictionRevue mensuelle à comité de lecture publiée enGrande-Bretagne par la Society for the Study ofAddiction. Addiction publie des articles derecherche sur l’alcool, les drogues illicites ou letabac rassemblant des recherches conduitesdans diverses disciplines, de l’étude des com-portements de consommation à celle du méta-bolisme des produits. L’envoi automatique etgratuit des sommaires de la revue par courrielaprès enregistrement en tant qu’utilisateur estproposé sur le site Internet de l’éditeur.En ligne : http://www.blackwell-synergy.com/loi/add

• AddictionsRevue trimestrielle de l’Association nationale deprévention en alcoologie et addictologie(Anpaa), Addictions prend la suite de la revueAlcool ou Santé, dont les parutions se sontéchelonnées de 1951 à 2002. Le derniernuméro paru est téléchargeable sur le site del’association. Ce dernier offre la possibilité deréaliser une recherche thématique en ligne dansles articles parus depuis 1951 sur les thèmessuivants : famille, grossesse, jeunes, justice,maladie alcoolique, monde du travail, préven-tion, route, sport, thérapie de groupe.Anpaa20, rue Saint-Fiacre – 75002 ParisTél. : 01 42 33 51 04 – Fax : 01 45 08 17 02En ligne : http://www.anpaa.asso.fr/html-fr/fra-meset _sommaires.html

• Alcohol Research & HealthAlcohol Research & Health est une publicationtrimestrielle, éditée par le National institute onalcohol abuse and alcoholism (NIAAA). Elle estaccessible en ligne et fournit les articles entexte intégral. Chaque numéro est thématiqueet dresse un panorama des dernières recher-ches, découvertes et réflexions sur le champ.En ligne : http://www.niaaa.nih.gov/Publica-tions/AlcoholResearch/

• Alcoologie et addictologieRevue publiée par la Société française d’al-coologie (SFA), Alcoologie et addictologiepublie des textes concernant les addictionsdans toutes leurs dimensions. Il peut s’agirde mémoires, de mises au point, d’expérien-ces originales de terrain, de cas cliniques oude libres propos. Les sommaires ainsi que desrésumés d’articles récents figurent sur le sitede la SFA.Alcoologie et AddictologiePrinceps éditions – 64, avenue du Général-de-Gaulle – 92130 Issy-les-MoulineauxTél. : 01 46 38 24 14 – Fax : 01 40 95 72 15En ligne : http://www.sfalcoologie.asso.fr

• Les cahiers de l’IrebLes résultats des travaux scientifiques de l’Irebsont présentés tous les deux ans au cours de« Colloques de l’Ireb » auxquels participent sys-tématiquement les chercheurs contractualisésavec l’Ireb dans les différents thèmes des scien-ces biomédicales et des sciences humaines.Les interventions des chercheurs lors de ce col-loque sont publiées dans Les Cahiers de l’Ireb.Ireb19, avenue Trudaine – 75009 Paris.Tél. : 01 48 74 82 19 – Fax : 01 48 78 17 56En ligne : http://www.ireb.com

• Journal of Studies on AlcoholBimensuel publié aux États-Unis par the Centerof Alcohol Studies. C’est une revue de référencedans le champ de la recherche sur l’alcool etles dépendances. Les sujets abordés sont rela-tifs à l’utilisation et à l’abus de consommation.L’approche des articles est comportementale,biologique, médicale et socioculturelle.En ligne : http://www.jsad.com/

• PsychotropesOuverte à diverses approches autour desdépendances : clinique, épidémiologique, his-torique, sociologique, anthropologique, éco-nomique – la revue Psychotropes a néanmoinspour axe central l’étude de l’usage et de l’abusdes « drogues ». Elle rend compte des grandscourants de pensée mais également de l’ex-trême diversité des pratiques suscitées à tra-vers le monde par l’effort de recherche, de pré-vention et de soin.En ligne : http://universite.deboeck.com/revues/psychotropesTous les numéros, depuis 2001, sont en ligneen texte intégral sur http://www.cairn.info/revue.php ?ID_REVUE=PSYT

◗ ORGANISMES RESSOURCES ET SITES INTERNET

Indépendants ou publics

• Association nationale de prévention enalcoologie et addictologie (Anpaa)Riche d’une histoire de plus de cent vingt-cinq ans dans le domaine de la prévention dela consommation excessive d’alcool, l’Anpaa seveut, au travers d’une récente évolution, unacteur de prévention couvrant l’ensemble desconduites à risques dans une stratégie englo-bant la prévention, le soin et la réinsertionsociale. L’association vise à développer unestratégie globale de prévention des risques etconséquences liés à la consommation d’alcool,tabac et autres substances, basée sur le trip-tyque prévention, soins, intervention sociale.Elle privilégie l’information et la formation depersonnes et de groupes relais de prévention.

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Elle cherche aussi à favoriser l’accès aux soins,au suivi thérapeutique et à la réinsertion des per-sonnes en difficulté avec l’alcool, et veille à l’ap-plication et à l’amélioration de la législation, enparticulier sur la publicité. Notons, parmi lesréalisations de l’Anpaa, des actions de préven-tion vis-à-vis des conducteurs condamnés pourconduite en état alcoolique, des actions enmilieu carcéral ou encore des actions d’infor-mation auprès des femmes enceintes. L’Anpaaédite la revue Addictions.Anpaa20, rue Saint-Fiacre –75002 ParisTél. : 01 42 33 51 04 – Fax : 01 45 08 17 02En ligne : http://www.anpaa.asso.fr

• Fédération des acteurs de l’alcoologie etde l’addictologie (F3A)La F3A regroupe des personnes et structuresengagées dans la prise en compte des problè-mes associés à l’usage de produits psychoac-tifs, en premier lieu l’alcool. Elle a pour but depromouvoir les pratiques d’alcoologie et d’ad-dictologie centrées sur le patient, dans unedémarche comprenant la prévention, la réduc-tion des risques, l’écoute, l’aide, le soin et l’ac-compagnement des personnes en difficultéavec l’alcool ou d’autres substances psycho-actives. Force de propositions auprès desinstances décisionnaires, elle favorise le déve-loppement des équipes et structures de terrain.F3A154, rue Legendre – 75017 ParisTél. : 01 42 28 65 02 – Fax : 01 46 27 77 51En ligne : http://www.alcoologie.org

• Institut suisse de prévention de l’alcoo-lisme et autres toxicomanies (Ispa)Organisme à statut de fondation privée reconnucomme service de statistiques en matière dedrogues légales et illégales par les autoritésfédérales suisses, l’Ispa informe et sensibilisela population sur les risques liés à l’alcool, éla-bore du matériel pédagogique, édite des ouvra-ges spécialisés, développe une activité de for-mation et de conseil, mène des activités de

recherche en épidémiologie sociale en rapportavec l’usage de substances psychoactives.IspaAv. Louis-Ruchonnet 14, Lausanne (Suisse)Tél. : 021 / 321 29 11 – Fax : 021 / 321 29 40En ligne : http://www.sfa-ispa.ch

• Mission interministérielle de lutte contrela drogue et la toxicomanie (Mildt)La Mildt coordonne l’action du gouvernementfrançais dans le domaine de la prévention, laprise en charge sanitaire et sociale, la répres-sion, la formation, la communication, la recher-che et les échanges internationaux en matièrede drogue, et a étendu sa compétence à l’abus d’alcool, de tabac et de médicamentspsychotropes.Mildt7, rue Saint-Georges – 75009 ParisTél. : 01 44 63 20 50 – Fax : 01 44 63 21 00En ligne : http://www.drogues.gouv.fr

• Société française d’alcoologie (SFA)Organisme composé de médecins, psycholo-gues, infirmiers, travailleurs sociaux et mem-bres d’associations, la SFA est membre fonda-teur de la Fédération française d’addictologie.La société, créée en 1978, a pour but le déve-loppement de l’alcoologie par une démarchemultidisciplinaire de développement de l’infor-mation, de l’enseignement et de la recherchedans ce domaine, et en établissant des relationsavec tous les organismes concernés, publicsou privés, nationaux ou internationaux. La SFAorganise réunions et séminaires de mise encommun et de diffusion des connaissancesscientifiques dans les domaines de l’alcoolo-gie et de l’addictologie. Elle publie la revueAlcoologie et Addictologie.Société française d’alcoologieC/o Princeps Éditions – 64, av. du Général-de-Gaulle - 92130 Issy-les-MoulineauxTél. : 01 46 38 24 14 – Fax : 01 40 95 72 15En ligne : http://www.sfalcoologie.asso.fr/

Liés aux sociétés du secteur des boissons alcoolisées

• Institut de recherches scientifiques sur les boissons (Ireb)Créé en 1971, l’Ireb regroupe douze sociétésproductrices et distributrices de boissonsalcoolisées qui financent les recherches et lefonctionnement de l’Institut. Il subventionne etinitie des travaux de recherche biomédicale ouen sciences sociales relatifs à la consommationd’alcool dont les résultats sont publiés dans LesCahiers de l’Ireb. L’Institut organise périodi-quement des Matinées thématiques et publieune lettre d’information, Recherche & Alcoolo-gie, ainsi qu’une revue de vulgarisation scienti-

fique, Focus Alcoologie. Il dispose d’un centrede documentation et publie régulièrement desrapports d’études et d’enquêtes, informe lapresse des résultats de ses travaux et diffuseune revue de presse sur l’univers de l’alcool.Une base de données documentaire compor-tant plusieurs milliers de références est dispo-nible sur le site Internet de l’Ireb.Ireb19, avenue Trudaine – 75009 ParisTél. : 01 48 74 82 19 – Fax : 01 48 78 17 56En ligne : http://www.ireb.com

◗ OUTILS

Jeux• Dalto éditions. Edukta santé. Le tabac, l’al-cool, la drogue. Parlons-en avant qu’ils ne nousparlent.Edukta Santé est un jeu pédagogique qui s’adresse aux jeunes à partir de 9 ans et jus-qu’au collège. Il permet d’aborder un ensem-ble de questions relatives au tabac, à l’alcoolet aux drogues illicites.Cadenet : Dalto éditions, 2003.• PartagesCe jeu destiné à un public de 8 à 13 ans per-met de travailler sur le développement des com-pétences psychosociales en vue de prévenirdes comportements à risques.Reims : Association Partages 51.

Vidéo• Réponses d’adultes aux comportementsaddictifs des jeunes. Un échange entre PhilippeJeammet, professeur de psychiatrie de l’enfantet de l’adolescent, directeur du département depsychiatrie de l’adolescent et jeune adulte àl’Institut mutualiste Montsouris, et MichelDefrance, éducateur spécialisé sur les condui-tes addictives des jeunes.Anthea-Adsea Var, 2003, 40 min.

Sandra KerzanetDocumentaliste à l’INPES.

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éducation du patient

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Faire participer les patients, mobiliser les professionnels sur ce qu'ils peuvent réellementfaire : en Isère, un programme sur un meilleur usage des antibiotiques illustre cettedémarche avec, notamment, la création d'outils adaptés. À partir de cet exemple, uneréflexion sur l'utilité, en éducation du patient, des pratiques d'éducation pour la santé,est proposée par l'auteur, Florence Chauvin, investie dans ces deux champs.

En 2006, un article intitulé « À quoisert l’éducation pour la santé pour pra-tiquer l’éducation du patient ? » parais-sait dans cette rubrique (1). Brigitte Sandrin Berthon y expliquait en quoi« penser l’éducation du patient commeune forme particulière d’éducationpour la santé nous oblige à élargir notrepoint de vue, à agrandir le cadre denotre intervention et ce, dans plusieursdirections : de la maladie vers la santé,du patient vers la personne et vers lecitoyen, des soins vers la promotion dela santé ».

L’article proposé ici a pour objectifde compléter cette réflexion en sesituant au niveau des pratiques en édu-cation pour la santé : en quoi ces pra-tiques et les savoir-faire que nous déve-loppons en éducation pour la santésont-ils utiles pour l’éducation dupatient ? Pour apporter des éléments deréponse à cette question, nous nousappuierons sur l’exemple d’un pro-gramme situé à la lisière des champs del’éducation pour la santé et de l’éduca-tion du patient. Cet exemple permettrad’apporter des éléments de réponsepour ce qui concerne : – la participation des professionnels etdes usagers à la construction des pro-grammes ;– la démarche éducative ;– les « outils » ou supports en éducationpour la santé et éducation du patient.

Un programme comme base de réflexion

Le point de départ de la réflexion estle programme « Favoriser le dialogueentre parents de jeunes enfants et pro-

fessionnels de santé pour un meilleurusage des antibiotiques »1.

L’idée de ce projet est née : – d’une étude préalable à la campagne« Les antibiotiques, c’est pas automa-tique » (2), qui avait permis d’isoler lesdifficultés dans le dialogue patients/médecins comme un déterminantessentiel des prescriptions mal adaptéesd’antibiotiques ;– de la volonté de travailler avec lesdeux protagonistes de ce dialogue,parents et professionnels, dans uncontexte où les démarches et outilsexistant autour du dialogue se situaientjusque-là plutôt du côté des profes-sionnels2.

Nous avons proposé les objectifsspécifiques suivants : – donner les moyens aux parents d’êtredavantage partie prenante du dialogueavec le médecin et le pharmacien encas d’infection respiratoire de leurenfant, en particulier pour ce quiconcerne le traitement recommandé ;– proposer aux médecins et aux phar-maciens une réflexion sur leur pratiquede dialogue avec les parents de jeunesenfants atteints d’une infection respira-toire courante, en particulier autour dela prescription du traitement et de ladélivrance des médicaments.

Ce programme a notamment donnélieu aux actions suivantes : – la réalisation d’une étude-action asso-ciant des parents de jeunes enfants etdes médecins, puis des pharmaciens : ils’agissait de mieux comprendre les dif-ficultés rencontrées dans le dialogue

autour des infections respiratoires cou-rantes de l’enfant du point de vue desparents comme des professionnelspour ensuite construire, à partir desexpériences des uns et des autres, lessolutions possibles pour améliorer cedialogue et aboutir à la définition depriorités d’actions en direction desparents ;– l’élaboration et la diffusion, en Isère,du document « Poussin a la goutte aubec. Pense-bête à l’usage des parentspour la rencontre avec le médecin et lepharmacien » qui a pour objectifs d’ai-der les parents à percevoir l’utilité deleur point de vue dans la démarche dia-gnostique et thérapeutique et de lesaider à se préparer à la consultationavec le médecin et à la rencontre avecle pharmacien ;– l’évaluation de l’impact de ce docu-ment pour ce qui concerne la ren-contre avec le médecin généraliste.

Des savoir-faire pour favoriserla participation des patients et des professionnels

L’inscription de l’éducation pour lasanté dans la promotion de la santéconduit à faire de la participation auxactions de santé des usagers et des pro-fessionnels un enjeu central. De lamême manière, la participation despatients et des professionnels concer-nés à l’élaboration, la mise en œuvreet l’évaluation des programmes d’édu-cation du patient constitue un critèrede qualité (3) de ces programmes.Néanmoins, dans les faits, la réalité decette participation reste fragile, voireinsuffisante pour ce qui concerne lespatients (4). La pratique de l’éducation

En quoi nos pratiques en éducationpour la santé sont-elles utilesà l’éducation du patient ?

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éducation du patient

pour la santé permet de développer dessavoir-faire pour favoriser cette partici-pation à deux niveaux :

Du côté de la mobilisation des usagers et des professionnels

Prenons l’exemple de la mobilisationdes médecins dans le cadre de notreprogramme. Notre idée de départ étaitde proposer à plusieurs organismes deFormation médicale continue (FMC) dudépartement une formation permettantaux médecins de réfléchir sur leurs pra-tiques de dialogue avec les parents dejeunes enfants lors de la consultationpour une infection respiratoire cou-rante. Cette approche n’a pas fonc-tionné pour différentes raisons parmilesquelles l’absence d’indemnisation,des modalités de formation privilégiantl’analyse de la pratique trop différen-tes de la FMC habituelle, la probléma-tique des antibiotiques masquant celledu dialogue, ce dernier n’étant, de plus,pas perçu comme un sujet de préoc-cupation par les responsables de FMCcontactés. L’analyse de cet échec nousa conduits à mettre en place une stra-tégie différente : – s’adresser dans un premier temps àdes « groupes de pairs » déjà habitués à une analyse de leurs pratiques ;– construire avec un médecin actif dansce type de groupes une proposition detemps de travail calquée sur leur modede fonctionnement habituel et indem-niser les médecins ;– formuler une offre claire à l’aide d’unoutil de communication intitulé « Anti-biotiques : le dialogue est-il automa-tique ? ».

Cinq médecins sur quarante-huitsollicités (soit un sur dix) se sont fina-lement mobilisés dans cette démar-che. C’est peu, mais ces médecins sesont impliqués dans la durée pourtoute la suite du projet. Nous étionscependant soucieux de pouvoir élar-gir le groupe de professionnels impli-qués. C’est pourquoi nous avons, dansun deuxième temps, été à la rencon-tre de médecins et de pharmaciensexerçant dans le secteur géographiqueoù nous travaillions avec des parents.Pour ce faire, nous avons adopté unestratégie de « visiteur médical » qui nousa permis de rencontrer dix médecinsgénéralistes (sur vingt-huit contactés) etsept pharmaciens (sur dix contactés),l’idée étant de rendre compte des résul-tats du travail réalisé avec les parentset le premier groupe de médecins, de

les mettre en discussion avec les pro-fessionnels rencontrés et de tester lesidées d’actions élaborées. Cette façonde faire, bien que coûteuse en temps,nous a permis de toucher davantage deprofessionnels, avec une ouverture versdes personnes qui peut-être ne sedéplaceraient pas pour une soirée detravail. Nous avons à nouveau adoptécette stratégie pour la mise en place del’évaluation qui a suivi.

Cet exemple illustre la nécessitéd’imaginer des formes de participationacceptables pour les personnes concer-nées et compatibles avec leurs habi-tudes. Que l’on cherche à travailler avecdes patients ou avec des professionnels,leur mobilisation prend du temps et sup-pose de savoir s’adapter à leurs réalités.

Du côté de la réalité de laparticipation au processus deconstruction du programme

Si la mobilisation est une conditionnécessaire à la participation, elle n’estpas suffisante. Il s’agit de se mettre ensituation de vraiment construire avec lespersonnes le programme. Pas si simple !Nous prendrons ici comme illustrationl’élaboration du document « Poussin ala goutte au bec. Pense-bête à l’usage desparents pour la rencontre avec le méde-cin et le pharmacien ».

L’idée de créer ce document est néede la réflexion du groupe de parents leplus actif. À partir de leurs propositions,l’équipe d’Éducation santé Isère a cons-truit un premier jet de cahier des char-ges du document explicitant : – l’origine du projet ;

– les objectifs ;– le public destinataire et les lieux dediffusion envisagés initialement ;– les principes généraux (ex. : simpli-cité du document et accessibilité pourtous) ;– des pistes pour le contenu ;– des pistes pour la forme ;– les étapes de l’élaboration du supportet la place de chacun dans celle-ci.

Ce premier jet de cahier des char-ges a été utilisé comme un outil pourréfléchir avec parents et professionnelset se mettre d’accord sur toutes lesdimensions du projet. Le cahier descharges a ainsi été modifié et enrichi àl’occasion de rencontres collectives etindividuelles avec les parents, lesmédecins et les pharmaciens impli-qués. Une fois finalisé, il nous a per-mis d’amorcer le travail de réalisationdu document avec un cadre précis, par-tagé par tous, à la fois pour la rédactionet la conception graphique. Une pre-mière maquette du document, puis uneseconde ont été mises au travail lors derencontres séparées entre parents,médecins et pharmaciens puis d’unerencontre collective avec tous lesacteurs impliqués et le graphiste.

À noter que la version du documentà laquelle nous avons abouti a été sou-mise au regard critique de parents etprofessionnels de la petite enfancen’ayant pas participé à son élaboration,avec à la clé d’ultimes modifications dudocument.

L’élaboration partagée d’un cahierdes charges est un exemple d’outil sim-ple sur lequel s’appuyer pour favoriserune participation effective. Il peut êtreutilisé et adapté pour concevoir undocument pédagogique mais aussi uneenquête, un atelier d’éducation dupatient ou une formation dans cedomaine.

La démarche éducativeen pratique

Mener une démarche éducative,c’est aller à la rencontre des autres pourconstruire avec eux, à partir de ce qu’ilssont, de leurs compétences, de leursprojets mais aussi à partir de ce quenous sommes et de nos compétences,des réponses originales, uniques, quiconviennent aux uns et aux autres (5).S. Jacquemet précise ainsi : « En édu-cation thérapeutique, tout comme en

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éducation pour la santé, il est cruciald’aider le patient à se positionner dansses connaissances, dans ses comporte-ments actuels, dans ce qu’il est d’abord,afin d’envisager, éventuellement, unchangement qui pourra survenir parla suite. Accompagner quelqu’un, c’estdéjà le rencontrer, à partir d’une situa-tion arrêtée, et se mettre progressivementen route. » (6). Cette démarche supposede créer un cadre qui permette cetterencontre. Cela passe également par lamise à disposition d’outils de réflexionqui aident les personnes à se position-ner puis à avancer. C’est ce que nousessayons de mettre en œuvre tant avecles professionnels que nous accompa-gnons dans le développement de leurscompétences éducatives qu’avec lesusagers pour ce qui concerne leurscomportements de santé. Pour l’illus-trer, nous nous appuierons sur l’exem-ple de l’étude-action réalisée dans lecadre du programme.

Construire un cadre favorable à l’expression de chacun

Voyons ce qui peut être utile à par-tir de l’exemple de l’étude-action : – veiller aux modalités pratiques dela rencontre : il s’agit tout simplementde mettre les personnes en situationd’être disponibles à la réflexion. Dansnotre projet, cela s’est traduit par la pro-position d’un cadre horaire précis etconvenant aux uns et aux autres, en soi-rée dans les deux cas ;– expliciter clairement ce que l’on pro-pose, pourquoi on le propose et lamanière dont on va s’y prendre : c’est

d’autant plus important de le faire quela démarche d’analyse partagée de lasituation proposée n’est pas habituelle.Dans notre projet, la proposition avaitété formulée dans un premier tempssous la forme de plaquettes d’invita-tion écrites. Elle a bien entendu été ànouveau explicitée en démarrage desséances ;– favoriser une expression authentiquede chacun en posant un cadre sécuri-sant pour l’échange, en particulier :adopter et expliciter une posture de non-jugement et demander à l’ensemble dugroupe de l’adopter ; encourager l’ex-pression et l’écoute de tous ; se mettred’accord avec les personnes de ce quisera restitué à l’extérieur du groupe, etc.

À titre d’illustration, voici le point devue d’un médecin, exprimé sur le cadreproposé : « Par rapport au travail faitentre nous, on n’est pas dans le savoirmais dans le savoir-être. Transformernos pratiques, notre savoir-être avec lesgens et dans la relation ne peut se faireque dans un travail comme celui-ci.Cela demande d’avoir assez confiancepour dire les choses telles qu’on les faitet pas telles qu’on devrait les faire. »

Proposer des outils de réflexionpartagée

Pour aider les personnes à s’exprimeret approfondir leurs réflexions, il est inté-ressant de leur proposer des outils deréflexion. Dans l’étude-action, nousavons invité les parents et les profes-sionnels à réfléchir aux freins au dialo-gue, à partir de situations qu’ils avaient

rencontrées, en identifiant trois types defreins : les freins liés aux patients, lesfreins liés aux professionnels de santéet enfin les freins liés à l’environnement(en particulier, le contexte et le cadre dela rencontre). Les réflexions des parentsont été transmises aux médecins et misesen discussion avec eux, et vice et versa.Pour chacun des freins identifiés, nousavons demandé aux médecins et auxparents d’expliquer comment ils s’y pre-naient pour y faire face habituellementpuis nous avons réfléchi collectivementaux autres solutions possibles en sedemandant ce que les parents pou-vaient faire et ce que les médecins pou-vaient faire.

Au final, pour ce qui concerne lesmédecins, les solutions proposéesvisent à favoriser l’expression desparents sur leurs inquiétudes, leur per-ception de l’état de santé de leur enfant,leur compréhension du traitement etleurs questions. Du côté des parents,elles renvoient à l’idée d’un patient réel-lement acteur de sa prise en charge : ils’agit d’abord d’avoir conscience de l’uti-lité de ce qu’il pense, de se préparer àla consultation en réfléchissant à sesinquiétudes et en ayant les moyens dedécrire clairement la situation, d’oserexprimer son inquiétude et poser desquestions, y compris sur la justificationdes traitements, et de demander desrepères sur l’évolution de la maladie.

Une habitude d’utilisation et de questionnement des outils

En éducation pour la santé commeen éducation du patient, les « outils » ousupports sont très présents dans les pra-tiques, qu’il s’agisse de supports d’ani-mation, de supports de sensibilisation,d’information ou encore de supportsd’évaluation. Nous sommes non seule-ment utilisateurs mais aussi concepteursde ces supports. Nous souhaitons pro-poser ici plusieurs réflexions portant surdeux types de supports fréquemmentutilisés : – les questionnaires en tant que sup-ports d’évaluation ;– les supports pédagogiques remis auxpatients.

Pour illustrer ces réflexions, nousnous appuierons à la fois sur le pro-cessus et les résultats de l’évaluation dudocument « Poussin a la goutte au bec »réalisée dans le cadre du programme3.Il s’agissait de mesurer l’impact de la

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éducation du patient

lecture du document : – en termes de prise de conscience chezles parents de l’utilité d’être actif dans ledialogue avec le médecin ;– pour ce qui concerne l’échange d’in-formation, l’émergence et l’expressiondes questions, des attentes et d’uneéventuelle inquiétude ;– en termes de qualité et de confort rela-tionnel pour les protagonistes du dia-logue.

À propos des questionnairesIl s’agit d’une étude contrôlée de

type avant-après diffusion et lecture dudocument. Concrètement, les parentsinclus répondaient : – à un premier questionnaire à la suited’une première consultation médicalemais avant lecture du document ;– puis à un second questionnaire à la suite d’une seconde consultationmédicale, cette fois-ci après lecture dudocument.

Une série de questions fermées don-nant lieu à la construction de scoresnumériques étaient posées aux parentsdans le questionnaire « avant » et lequestionnaire « après », les analyses sta-tistiques devant nous permettre de voirs’il y avait ou non une évolution desscores traduisant une évolution chez lesparents.

Cette façon de faire nous a posébeaucoup de questions au regard de ladémarche éducative. En effet, elleconduit à observer ce qui se passe pourle patient (comment les scores évoluententre l’avant et l’après) mais cette obser-vation se fait en dehors du patient, sansqu’il ait la possibilité d’exprimer sonpoint de vue sur ce qui s’est passé. Onest ici, au regard de ce qui est conseilléen éducation pour la santé, en contra-diction avec la démarche éducative quise construit avec le patient, y comprispour ce qui concerne l’évaluation. C’estla raison pour laquelle, pour le secondquestionnaire, nous avons ajouté plu-sieurs questions (fermées et ouvertes)permettant aux parents d’exprimer leurpoint de vue sur l’utilité de l’outil poureux, pour ce qui concerne le dialogueet la préparation de celui-ci. Les répon-ses apportées par les parents à ces ques-tions ont d’ailleurs été tout à fait utilescar elles nous ont donné des clés decompréhension des résultats observés.En particulier, elles nous ont permis depointer l’utilité et l’impact plus important

du document « Poussin a la goutte aubec » pour les parents les moins expéri-mentés en tant que parents.

Enfin, les résultats de l’étude et notreexpérience du travail avec les parentsnous ont amenés à nous questionnersur la possibilité d’évaluer la réalité dudialogue entre parents et médecins etson éventuelle évolution à travers unsimple questionnaire.

À propos des supportspédagogiques remis au patient

Les résultats de l’évaluation montrentun impact positif de l’outil pour ce quiconcerne la prise de conscience desparents quant à l’utilité de leur parolepour la démarche diagnostique et théra-peutique du médecin, à l’intérêt d’êtreactif dans le dialogue et de s’y préparer.En revanche, il n’y a pas d’impact surle déroulement du dialogue lui-mêmeet la satisfaction vis-à-vis de celui-ci. Cerésultat n’est pas surprenant : si un sup-port peut permettre une prise de cons-cience, il ne peut à lui seul suffire à allerau-delà. En revanche, un supportcomme le document « Poussin » peuttout à fait être utilisé en individuelcomme en collectif pour accompagnerles parents dans la réflexion quant à laplace qu’ils peuvent prendre dans ledialogue et développer leurs « compé-tences » de patient à exprimer leurs pré-occupations, leurs questions, leursattentes, etc.

Pour conclure…Dans cet article, nous avons souhaité

décrire et illustrer des savoir-faire déve-loppés en éducation pour la santé quipeuvent être utiles pour favoriser la par-ticipation, mener une démarche éduca-tive et donner aux outils leur juste place.Nos expériences d’accompagnementd’équipes soignantes dans leurs projetséducatifs nous ont permis de faire leconstat de la richesse de la rencontreentre ces savoir-faire et ceux des soi-gnants pour favoriser le développementd’une éducation du patient qui vise à luidonner les moyens d’améliorer lui-même sa qualité de vie.

Florence Chauvin

Chargée de projets,

Éducation santé Isère, Grenoble.

1. Ce programme a été mené par une équipe de l’as-sociation Éducation santé Isère (anciennementAdessi) entre 2003 et 2006, composée de l’auteur, deFrançois Vergara, médecin généraliste et de Françoisede Léhelle-d’Affroux, assistante, elle a reçu le soutiende la caisse primaire d’Assurance Maladie de Greno-ble puis du Fonds de promotion de l’informationmédicale et médico-économique (Fopim), aujourd’-hui porté par la Haute Autorité de santé (HAS).2. Collection Ouvrons le dialogue de l’INPES, Expé-rimentation INPES/Assurance Maladie des démar-ches éducatives pouvant être menées en médecinegénérale et en pharmacie selon une approche popu-lationnelle, etc.3. Cette évaluation a été réalisée en partenariat avecBenoît Allenêt, Pierrick Bedouch et Jean-Luc Bosson,de l’équipe Techniques pour l’évaluation et la modé-lisation des actions de santé (Themas), un étudiant enlicence professionnelle de biostatistique et des étu-diants en pharmacie de l’université Joseph-Fourrier, àGrenoble.

(1) Sandrin Berthon B. À quoi sert l’éducationpour la santé pour pratiquer l’éducation dupatient ? La Santé de l’homme n° 383, mai-juin2006 : 40-2.En ligne : http://www.inpes.sante.fr/SLH/arti-cles/383/06.htm(2) « Mieux utiliser les antibiotiques, c’est pré-server leur efficacité ». Enquête sur la relationdes médecins et des patients aux antibio-tiques : résultats et plan d’actions. AssuranceMaladie, octobre 2002.(3) D’Ivernois J.-F., Gagnayre R. Vers unedémarche de qualité en éducation du patient.Actualité et documents en santé publique n° 39, juin 2002 : 14-6.(4) Fournier C., Jullien-Narboux S., Pélicand J.,

Vincent I. Modèles sous-jacents à l’éducationdes patients. Enquête dans différents typesde structures accueillant des patients diabé-tiques de type 2. Évolutions n° 5, janvier2007 : 1-6.(5) Cette définition est adaptée de celle pro-posée par B. Sandrin Berthon dans l’ouvrage :L’éducation du patient au secours de la méde-cine. Paris : Puf, coll. Éducation et formation,2000, 198 p.(6) Jacquemet S. Où l’éducation des patientsprend une dimension thérapeutique… au senshumaniste du terme. In : Sandrin Berthon B.(dir). L’éducation du patient au secours de lamédecine. Paris : Puf, coll. Éducation et for-mation, 2000 : 169-81.

◗ Références bibliographiques

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lectures – outils

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Manger. Français, Européens et Américains face à l’alimentation.Claude Fischler, Estelle Masson

Les textes contenus dans cet ouvrageexploitent les résultats d’un programme derecherche sur les attitudes vis-à-vis de l’ali-mentation, du corps et de la santé, menéentre 2000 et 2002 dans six pays (France,Italie, Suisse, Allemagne, Angleterre,États-Unis), à l’initiative de l’ObservatoireCniel des habitudes alimentaires (Ocha).

Une première phase qualitative conduiteau moyen de focus groups a permis derecueillir un large éventail d’attitudes etde représentations et de pointer les spé-

cificités par pays relatives au rapport au corps, à la santé et àl’alimentation. Une seconde étape, menée selon une méthodolo-gie à la fois qualitative et quantitative d’interviews téléphoniquesassistées par ordinateur (système Cati), a fourni des donnéesissues d’un échantillon de 1 032 personnes issues de la popula-tion générale, des enseignants et des médecins et réparties dansles six pays. Les tendances repérées dans les deux premières éta-pes ont été mesurées dans une dernière phase d’enquête menéeauprès de plus de 6 000 personnes.La première partie de l’ouvrage est une synthèse générale desenseignements tirés de ce programme de recherche. Ladeuxième partie regroupe des contributions de collaborateurs del’équipe de recherche portant sur un aspect des données concer-nant leur pays ou sur un domaine particulier de la problématique :la perte de compétence en matière nutritionnelle des Britanniques,les représentations du « bon » et du « sain », ou encore le lien entrealimentation et identité nationale.

Olivier Delmer

Paris : Odile Jacob, 2008, 336 pages, 25 €.

Agences régionales de santé : des perspectives pour la réforme.Yves Bur

Le présent rapport constitue une contribution de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur les agences régionales de santé(ARS) aux réflexions en cours sur l'organisation, les missions, le statut et les outils opérationnels des ARS ainsi que sur leur articulation avecles autres acteurs du système de santé.Le rapport décrit les deux principaux scénarios de santé envisageables : soit les ARS cumulent les fonctions de planification de l'offre desoins et de régulation des dépenses de santé, intégrant les services compétents de l'Assurance Maladie; soit les ARS se concentrent sur lesfonctions d'organisation de la prévention et de l'offre de soins, en dialogue avec un organe régional de l'Assurance Maladie aux missionsrecentrées sur la régulation des dépenses.Il ressort notamment des travaux de la mission que l'unification du pilotage régional du système de santé ne permettra pas de gains d'effi-cience sans un pilotage national du système de santé plus unifié.

Sandra Kerzanet

Paris : Assemblée nationale, coll. Documents d'information de l'Assemblée nationale, n° 697, 2008, 168 pages.En ligne : http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-info/i0697.pdf

Les conduites addictives :comprendre, prévenir, soigner.Alain Morel, Jean-Pierre Couteron

L’ambition de cet ouvrage, écrit par unpsychologue et un psychiatre impliqués delongue date dans la prévention et le trai-tement des addictions, est de permettreau lecteur de comprendre les comporte-ments addictifs et leur signification indivi-duelle et sociale pour agir avec ceux quisont concernés, les « usagers ». Il se situe,en effet, dans une perspective de réduc-tion des risques, qui donne la priorité àl’éducation préventive et à l’accompagne-ment thérapeutique.

La première partie du livre utilise l’approche expérientielle, qui partde ce qui est vécu par les personnes, pour fournir les clés decompréhension des addictions en mettant en relation les discipli-nes scientifiques qui explorent les différents aspects de ce vécu.La deuxième partie met en lien les conduites addictives avec leurscontextes individuel et sociétal d’apparition pour définir les enjeuxet fondements d’une intervention sociale en adéquation avec lesaspirations des individus et pour traduire en services et en actionsun projet éthique et politique. Un bilan des approches de préven-tion et de leur évolution est dressé dans la troisième partie, etdes pistes sont proposées pour bâtir une nouvelle politique de pré-vention des addictions axée sur l’éducation et l’intervention pré-coce. La dernière partie porte sur les interventions qui ont pour butde soigner. Elle en pose les principes et propose une redéfinitiondes soins et de l’agencement de leurs différentes modalités.

O. D.

Paris : Dunod, coll. Psychothérapies, 2008, 336 pages, 32 €.

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49LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 398 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008

lectures – outils

École du souffle, pour développer la prévention du tabagisme. Un exemple en Champagne-Ardenne

Comités d’éducation pour la santé Champagne-Ardenne

L’École du souffle a pour axe principal la mobilisation de professionnels relais dans la prévention du taba-gisme, que ce soit en matière de formation, de conseil, de soutien ou de mise en place d’actions. Auterme de la troisième année d’existence de ce programme, le réseau des comités d’éducation pour la santéde Champagne-Ardenne a créé le cédérom « Pour développer la prévention du tabagisme ». Cet outilinteractif a pour vocation de favoriser l’utilisation de ce programme de prévention dans d’autres régions,d’autres structures, et ce, quel que soit le milieu : soin, école, entreprise, etc. Cet outil d’aide à l’actionpropose donc des exemples de projets ainsi que les freins et leviers associés ; des témoignages d’inter-venants et de participants ; des données épidémiologiques et législatives ; des supports et outils de for-mation, des lieux ressources, ainsi que des conseils méthodologiques. Le cédérom est actuellement dif-fusé et testé sur l’ensemble du territoire français dans les comités régionaux et départementaux d’éducationpour la santé (Cres et Codes), les antennes départementales de l’Association nationale de prévention enalcoologie et addictologie (Anpaa) et les centres d’information régionaux sur les drogues et les dépendances(Cirdd).

C. D.

Châlons-en-Champagne : Cres Champagne-Ardenne, 2007, 1 cédérom. Cédérom distribué gratuitement par le réseau Cres-Codes.

Bibou aime l’air purChristian Panis

Le comité de l’Hérault de la Liguecontre le cancer, le département deprévention d’Épidaure (centre régionalde lutte contre le cancer) et le Centredépartemental de documentationpédagogique de l’Hérault ont déve-loppé un ensemble didactique autourde l’album « Bibou aime l’air pur ».Cet outil a pour thématique centrale le« bien-respirer », il évoque notamment la problématique du tabagisme passif. L’ensemble est composé de l’album,conçu pour les enfants de maternelle,

ainsi que d’une fiche navette école-maison. Des documentscomplémentaires sont disponibles en ligne : des informationspour les enseignants permettant d’approfondir la thématique,des fiches ludo-éducatives pour l’école comme pour la maison.Les concepteurs ont souhaité, au travers de cet outil, valori-ser une approche pédagogique non anxiogène, favorable audéveloppement harmonieux de l’enfant.

C. D.

Montpellier : comité de l’Hérault de la Ligue contre lecancer, Épidaure, centre départemental de documentationpédagogique de l’Hérault, 2008.Renseignements :Épidaure - Département de prévention – CRLC MontpellierTél. : 04 67 61 30 11 – Courriel : [email protected]é de l’Hérault de la Ligue contre le cancerTél. : 04 67 61 30 16 – Courriel : [email protected]

Manger, bouger pour ma santé. Cycles1 et 2. L’éducation nutritionnelle à l’école.Dominique Bense, Béatrice Descamps-Latscha, Didier Pol

L’objectif principal de l’ouvrage est defaire prendre conscience aux enfants decycles 1 et 2 (maternelle, CP et CE1, 3 à7 ans) de l’importance, pour leur santé,d’une alimentation équilibrée et de l’exer-cice physique. Les activités proposéessont également destinées à les inciter aurespect des autres dans leurs différences,qu’elles portent sur leur aspect physique,leur culture, etc.L’ouvrage constitue un guide de l’enseignant« clés en main ». Il comporte un modulepédagogique de huit à douze séances pro-

posant plusieurs parcours possibles en fonction du cycle d’appren-tissage. Le module est divisé en quatre séquences : Bouger, à quoiça sert ? L’hygiène, est-ce important ? Bien manger, mais comment ?Boire, mais pas n’importe quoi !L’ouvrage comporte également un éclairage scientifique de sept cha-pitres : Besoins et apports nutritifs ; les groupes d’aliments ; l’équi-libre alimentaire ; l’eau et l’organisme ; le goût ; les bienfaits de l’ac-tivité physique ; le surpoids et l’obésité, permettant à l’enseignantd’approfondir les notions abordées et de répondre aux questions desélèves, ainsi qu’un éclairage pédagogique pour s’approprier la démar-che scientifique de La main à la pâte.

Céline Deroche

Paris : Hatier, coll. Passerelle, 2008, 87 pages, 12 €.

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