20

OBJECTIF 46 ok - adepfo.fr · en évidence les divergences de points de vue. ... Antton, le fils cadet de la famille Oxandabarats. (crédit photo : S.V.) page 5 AQUITAINE régions

Embed Size (px)

Citation preview

Régions

Page 4 AQUITAINE

• Pago 64Quand l’esprit d’entreprise rencontre l’esprit de famille

• La ferme du BornUn projet de vie créateur d’emplois

Page 8 MIDI-PYRENEES

• Les sabots d’IsaL’artisanat traditionnel conjugué au futur

• Séquoia vertigoDe l’usage raisonné du patrimoine naturel

• Prieuré de MadiranL’association fructueuse de la restauration

et du tourisme viticole

• PrommataLa traction animale,outil novateur de développement

Page 17 LANGUEDOC ROUSSILLON

• Plateau de SaultUn taxi pour Belvis

• L’aubergeTaïchacUn maillon essentielsur la chaîne du développement local

N° 46

n° 46 - Octobre 2006

Magazine édité par l’ADEPFO

Association de Développement des Pyrénées par la Formation Toulouse 20002, Esplanade Compans Caffarelli - BP 58012 - 31080 Toulouse cedex 6Tél 05 61 11 03 11 - Fax 05 61 11 03 10 - E-mail : [email protected]

Octobre 2006

Directeur de la publicationRoger Barrau, Président de l'ADEPFO

RédactionClaude Fontaneau, Sébastien VaissièreSecrétariat de rédaction : Sébastien Vaissière

Création/exécution et ImpressionImprimerie Lahournère - ToulouseDépôt légal à parution

Photo de couverture :Lac de Matemale - Pyrénées-Orientales

L’ADEPFO, éditeur d’«Objectif Pyrénées»contribue au développement localet applique la politique de ses financeurs : la République française, les Régions Aquitaine,Midi-Pyrénées, Languedoc Roussillon etl’Union Européenne.

som

mair

e

Disparition de Georges BouquiéAvec la disparition de Georges

Bouquié, nous perdons bien plus

qu’un administrateur de l’Adepfo.

Grand humaniste, grand Résis-

tant et militant syndical infatiga-

ble, il était passionné de forma-

tion professionnelle et fut à l’origine de la fondation de

l’AGEFOS (Association de gestion de la formation des

salariés). Décoré de l’Ordre National du Mérite pour ses

actions menées en faveur de la formation professionnel-

le il fut longtemps vice-président de l’Ursaff et président

de l’Assedic. Après une vie entière consacrée à la solida-

rité, l’entraide et l’esprit de camaraderie, Georges

Bouquié s’est éteint le 21 août dernier. Il avait 89 ans.

CARNET NOIR

page 3

Créativité et vigilance

éd

ito

rial

Valoriser les ressources locales, créer des activités, des services,

des emplois, économiquement rentables dans la zone de Massif

et de piémont des Pyrénées, telle était la vocation de l'ADEPFO,

affirmée lors de sa création, il y a presque vingt-cinq ans !

Pendant ces années, grâce notamment à l'efficacité des PILOTES

EDUCATIFS, la méthode s'est développée et confortée. Le présent

numéro d'OBJECTIF démontre une fois encore que nos stagiaires fabriquent et vendent des produits

du terroir, organisent la production de meubles locaux, fabriquent et vendent des sabots, créent

des auberges, retrouvent les outils de la traction animale et même implantent un taxi en pays de

Sault… Au service de personnes isolées, dans le cadre d'un aménagement durable du territoire,

cette activité s'est révélée indispensable pour le désenclavement des habitants de cette contrée,

alors que l'on pouvait à l'origine s'interroger sur son opportunité et sa légitimité. Et c'est bien

parce que, dans nos pays et vallées souvent isolés, caractérisés par une faible densité de population,

dans lesquels tout est un peu plus difficile qu'ailleurs, toutes les initiatives doivent être testées puis

soutenues si les conditions locales le justifient.

Relevons que notre savoir faire est de plus en plus connu et reconnu. Le projet ADEP (DEVELOPPER,

EXPERIMENTER, PERENNISER des dispositifs innovants d'appui aux territoires), conduit par

l'ADEPFO et par l'ADEFPAT, avec le soutien sans faille du CONSEIL REGIONAL MIDI-PYRENEES,

suscite un écho très favorable dans sept régions d'Europe. Par ailleurs, l'ASSOCIATION

EUROPEENNE DES ELUS DE LA MONTAGNE (AEM), réunie récemment à Chambéry pour traiter du

développement des zones de Massif, a fait une bonne place à notre FORMATION-DEVELOPPEMENT.

Cette reconnaissance intervient cependant à un moment où se conjuguent des incertitudes de toutes

sortes : devenir des PAYS et de la MONTAGNE, financement de la CONVENTION INTERREGIONALE

DE MASSIF, élargissement de l'EUROPE à 25…

Ces conditions nouvelles nous imposent un supplément de créativité, de rigueur et de vigilance !

Roger BARRAU

Conseiller Régional Honoraire

Président de l’ADEPFO

n° 46 - Octobre 2006

AQUITAINEré

gio

ns

Parce qu’elle évoque l’importance de

la persévérance, de la solidarité et du

sens de la famille, l’histoire de PAGO

64 est un bel exemple de réussite et de

développement. Son histoire débute

au début des années 90 à Gamarte,

village de Basse-Navarre situé à

quelques kilomètres de Saint-Jean-

Pied-de-Port. À l’origine, il s’agissait

d’une S.A.R.L employant deux person-

nes dont l’activité était assez originale.

Associé à un commercial spécialisé

dans les métiers du meuble, Jean-

Claude Oxandabarats collectait des

commandes auprès de donneurs d’or-

dres et les répartissait entre sa propre

entreprise et un réseau important d’é-

bénistes locaux. Cette approche inédi-

te de l’activité d’ébéniste industriel

constituait alors une curiosité dans la

région. Si le gérant de PAGO 64 par-

vient à se faire une bonne réputation

en dispatchant le trop-plein de com-

mandes auprès d’une dizaine d’arti-

sans des environs, le modèle écono-

mique de son entreprise s’avère fragile

au bout de quelques années d’activité.

À l’usage, ce système ambitieux se

heurte en effet à un manque cruel de

capacité de production qui ne permet

pas de dégager des marges suffisam-

ment importantes. D’autre part, si le

réseau d’ébénistes locaux permet de

faire face aux aléas du marché, son

fonctionnement pose de plus en plus

de problèmes de gestion, de logistique

et de transport. Les deux associés se

retrouvent alors au pied du mur,

condamnés à prendre des décisions

radicales pour sauver leur modèle éco-

nomique. C’est dans ces conditions

délicates qu’intervient la formation-

développement. Il s’agit alors de sauver

cette activité dont le maintien est

nécessaire à la bonne santé d’une

activité peu présente sur ce territoire.

Investir pour relancer la machineUn groupe de travail est ainsi consti-

tué, et une stratégie de formation est

mise en place. Au fil du temps, la mise

en œuvre de cet outil met en lumière

les nombreuses failles du système et

l’arrêt définitif de la formation est

même envisagé. Formateur dans le

cadre de cette mission, Peio Bellan se

souvient de cet épisode délicat : « En

mettant en place les éléments de la

formation, on s’aperçoit que le salut

de l’entreprise passe par le regroupe-

ment en son sein de l’ensemble des

sous-traitants indépendants. La sim-

ple évocation de cette solution crée

immédiatement des tensions et met

en évidence les divergences de points

de vue. » Conséquence immédiate,

l’associé qui accompagnait Jean-

Claude Oxandabarats depuis le début

de l’aventure décide de quitter le

navire. La formation continue dès lors

avec un objectif précis : trouver le

meilleur moyen de redéployer l’entre-

prise au sein de la structure existante.

Il est ainsi décidé que PAGO 64 doit

investir et créer un outil de travail en

adéquation avec la demande.

Une nouvelle machine est ainsi inté-

grée aux outils de production, et un

ancien ébéniste indépendant memb-

re du réseau initial est intégré à la

S.A.R.L en tant que salarié. La forma-

tion s’arrête là, qui a permis de sauver

l’entreprise en revoyant la stratégie

fonctionnement. « Sans la constitu-

tion de cette cellule de réflexion, résu-

me Peio Bellan, la décision d’investir

n’aurait sans doute pas été envisa-

gée, et la prise de risque nécessaire à

la santé de l’entreprise aurait été

bien moindre. »

Créée en 1993 par Jean-ClaudeOxandabarats, l’actuel gérant, Pago 64était à l’origine exclusivement spécialiséedans la sous-traitance d’ébénisterieindustrielle. Menacée après quelquesannées d’existence par la lourdeur de son organisation et son manque deflexibilité, elle a bénéficié d’une formationdéveloppement Adepfo. Ainsi sauvée du naufrage, l’entreprise familiale s’estdéveloppée jusqu’à compter aujourd’hui18 salariés et un outil de production des plus modernes.

Quand l’esprit d’entreprise Pago 64

Antton, le fils cadet de la famille Oxandabarats. (crédit photo : S.V.)

page 5

AQUITAINE

régio

ns

Emplois qualifiés et outils numériquesConséquence directe de la formation,

une dynamique interne est initiée, qui

se traduit l’année suivante par l’em-

bauche d’un nouveau salarié et la for-

mulation par le fils aîné de la famille

du désir d’intégrer l’entreprise. Une

fois achevées ses études de Travaux

Publics, Xabi Oxandabarats rejoint

donc PAGO 64 en 1999, bien décidé à

poursuivre l’œuvre familiale. Son arri-

vée est suivie d’une deuxième vague

d’investissement avec l’agrandisse-

ment de l’atelier d’achat et l’acquisi-

tion d’un centre d’usinage à comman-

de numérique. Permettant d’offrir une

grande qualité et une précision abso-

lue, ce nouvel outil entraîne l’embau-

che de nouveaux salariés.

En 2003, l’entreprise déménage dans

des locaux plus vastes et lance ses pro-

pres productions. Dès lors, PAGO 64

gagne en productivité en jouant sur la

fluctuation des commandes extérieu-

res et de la production propre à sa

gamme de produits. C’est ensuite au

tour du fils cadet Antton de rejoindre

l’entreprise qui compte aujourd’hui

pas moins de 18 salariés. Avec le

temps, et même si la sous-traitance

reste une activité importante pour la

société, la fabrication de meubles

montés occupe la majeure partie de

l’atelier.

Grâce à la persévérance de son créa-

teur, à la motivation de ses enfants et

aux bénéfices de la formation-déve-

loppement, PAGO 64 assure désor-

mais à ses clients des prix compétitifs,

une qualité irréprochable et un

respect scrupuleux des délais. Un suc-

cès total qui promet un avenir radieux

à cette entreprise dont l’activité anime

l’ensemble du secteur de l’ébénisterie

de la région. ■

rencontre l’esprit de famille

Exemple de productions propres

proposées par PAGO 64. (crédit photo : D.R.)

L’atelier bâti à Lacarre en 2003 a permis l’augmentation de la capacité de production. (crédit photo : S.V.)

n° 46 - Octobre 2006

AQUITAINEré

gio

ns

Après des années de travail harassant

en France et à l’Étranger, Gilles

Bienaimé et son épouse Fabienne,

respectivement ingénieur et institutri-

ce, décident de se lancer dans une

nouvelle aventure professionnelle.

Nous sommes en 2003, et le couple

apprend la mise en vente d’une ferme

pédagogique à Saint-Paul-en-Born, à

6 kilomètres de Mimizan : « J’ai étéimmédiatement séduite par l’idée dereprendre la ferme, se souvientFabienne. Cela a réveillé en nous l’en-vie de voir grandir nos enfants aucontact de la nature, et de conciliertravail et qualité de vie.» À cette

époque, pourtant, la ferme fait face à

de grandes difficultés. Le chiffre d’af-

faires de l’exploitation est en baisse, et

la fréquentation ne dépasse pas les

3000 visiteurs par an. Créé en 1990, le

parc avait pourtant connu de belles

années. À l’origine, son activité se limi-

tait à l’élevage, au gavage, à l’abattage

et à la transformation de canards gras.

Les productions de la ferme étaient

alors vendues avec d’autres produits

du terroir dans une boutique attenan-

te à la ferme. Deux ans plus tard, trois

agriculteurs mettent leurs savoir-faire

en commun et créent deux petites fer-

mes pour les enfants au milieu d’un

parc arboré et fleuri. Le succès est

immédiat, mais après quelques années

de fonctionnement et le départ de

deux des associés, la fréquentation

recule et la ferme commence à avoir

une mauvaise réputation. C’est donc

un chantier monumental qui attend

les époux Bienaimé lorsqu’ils investis-

sent les lieux : « Nous nous sommes

aperçus bien vite qu’il fallait assainir

le terrain, déboiser, alimenter les

enclos en eau et en électricité et

replanter le gazon. Il nous fallait faire

très vite pour pouvoir ouvrir la ferme

le plus tôt possible » résume Gilles.

En rachetant une fermepédagogique dans l’espoir de la transformer en parcanimalier pérenne et attractif,la famille Bienaimé faisait en 2003 un pari sur l’avenir.Son objectif : réussir unereconversion et offrir auxenfants un cadre de vie idéal.Avec plusieurs phases deformation développementAdepfo et le concours des acteurs touristiques et territoriaux, plusieursemplois ont été créés et lafréquentation du parc n’a cessé de croître depuissa réouverture en juin 2004.

La Ferme du Born

Dans la boutique de la ferme, de gauche à droite : Hélène Gaulier (pilote éducatif), Gilles et

Fabienne Bienaimé. (Crédit photo : S.V.)

Un projet de vie créateur d’emplois

page 7

AQUITAINE

régio

ns

jets familial et professionnel dansune démarche globale. Il s’agissaitavant tout de fournir les outils néces-saires et d’offrir un accompagne-ment solide et sans faille. » La forma-

tion-développement mise en place

porte alors sur les aspects techniques

et la mise en place d’une stratégie

marketing cohérente. Cette action

contribue instantanément à la créa-

tion d’un emploi pour Fabienne

Bienaimé (gérante non salariée de la

société) et pour son époux. Approche

de l’activité d’une conserverie, de la

restauration, du marché de la ferme

animalière, orientations marketing,

marché des produits régionaux,

étude de l’offre de conserves de

canard, utilisation optimale des com-

pétences, tous les aspects du projet

sont pris en compte par les forma-

teurs Denis Vidal et Élisabeth Dufour.

« Au-delà de l’aspect technique, la for-mation-développement permet avanttout de se sentir épaulé, confesseGilles. Cela évite de trop se découra-ger et permet de passer les caps diffi-ciles. Le fait de se savoir encadrés parde vrais professionnels nous empê-chait de baisser les bras ou de songerà tout abandonner. »

La ferme ouvre ses portes en juin

2004 et connaît un démarrage hono-

rable. Pourtant, la fréquentation de la

ferme est loin de correspondre au

potentiel offert par le parc. La ques-

tion de la communication est au cœur

du problème, et une stratégie est mise

en œuvre avec la réalisation d’une pla-

quette par un graphiste profession-

nel, l’achat d’espaces publicitaires sur

les ondes et l’intégration d’un projet

de site internet.

Objectif : 30 000 entréesAprès avoir accueilli 4000 visiteurs en

2004, la ferme en reçoit près de 12000

en 2005. Une progression salutaire qui

confirme le bien fondé du projet de

ferme éducative. Fort de ce constat, les

objectifs à moyen terme (trois ans)

sont de 30000 entrées par an, la créa-

tion d’au moins un poste à plein temps

et de plusieurs emplois saisonniers, et

la mise en place de dix chalets d’hé-

bergement. Pour y parvenir, les mar-

chés scolaire et touristique seront ren-

forcés, et la ferme devrait s’efforcer

d’attirer toujours plus de seniors. Avec

l’adaptation des compétences au pro-

jet, l’amélioration de l’image de la

ferme grâce à une stratégie marketing

efficace et la création pragmatique

d’emplois, ce projet singulier dont la

réussite n’était pas évidente a visible-

ment franchi une étape importante.

Une aubaine pour la mise en valeur et

le développement du territoire, et un

argument de poids qui devrait

convaincre toujours plus de curieux à

découvrir les richesses de ce charmant

coin des Landes gasconnes. ■

LES ACTIVITÉS DE LA

FERME DU BORN1. Vente de foie gras, confits de

canard, plats cuisinés, vin,

Armagnac et autres produits du

terroir. Vente à la boutique et par

correspondance (secteur en plein

essor).

2. Animations à la ferme pédago-

gique : repas des animaux (agneaux

chevreaux, faons, daims…) décou-

verte de la poussinière, découverte

d’une ruche en activité guidée par

un apiculteur, présentation des tra-

ditions culinaires landaises, visites

animées de la ferme, détente récréa-

tive pour les enfants sur l’aire de

jeux et initiation aux jeux tradition-

nels de la région (échasses, quilles,

tir à la corde etc.) et organisation de

journées à la ferme pour les adultes

avec dégustation de foie gras.

Cré

dit

ph

oto

: G

. BIE

NA

IMÉ

Une formation adaptée à l’acquis des stagiairesC’est pour relever ce défi que les nou-

veaux propriétaires de la ferme font

appel à l’Adepfo. Un comité de pilo-

tage présidé par le maire de Saint-

Paul-en-Born est mis en place, et une

stratégie de formation-développe-

ment voit le jour. « M. et MmeBienaimé avaient déjà de grandescompétences, se souvient HélèneGaulier, pilote éducatif en charge dudossier. Restait à les adapter à cettenouvelle activité et intégrer les pro-

n° 46 - Octobre 2006

Au début de l’année 2000, la fermeture définitive de la saboterie Estrade deSaint-Gaudens semblaitinexorable. Après 120 ansd’activité, chacun était résolu à la voir disparaître.C’était sans compter surIsabelle Segonzac, belle-filledu sabotier, qui prit un beaujour de 2001 la décision deprendre la suite de sonbeau-père. Cinq ans et deuxformations-développementplus tard, la saboterie adéménagé à Saint-Bertrand-de-Comminges et la petiteentreprise artisanale connaîtune nouvelle jeunesse.

Créée en 1880 à Saint-Gaudens, la

saboterie Estrade produisait à l’origi-

ne des galoches de bois destinées aux

travaux agricoles. Après plusieurs

décennies de prospérité, l’entreprise

connut quelques difficultés avant de

retrouver un peu de sa superbe dans

les années 70 avec la mode du retour

à la terre. Arrivé à l’âge de la retraite

début 2000, le dernier sabotier de la

famille pensait sérieusement à mettre

un terme à l’œuvre familiale lorsque

sa belle-fille, Isabelle Segonzac, lui

fit part de son désir de reprendre

l’activité. Titulaire d’une Licence

d’Histoire, cette dernière voyait là

l’occasion de tenter une belle aventu-

re professionnelle : « Je n’avais aucu-ne compétence en la matière, concè-de-t-elle, mais j’ai toujours eu enviede créer de mes mains. J’étais persua-dée que le sabot pouvait constituerun accessoire de mode, et qu’il suffi-rait pour cela de dépoussiérer lagamme… » Inscrite à l’ANPE, Isabelle

Segonzac se tourne vers la Chambre

des Métiers et suit une formation des-

tinée aux repreneurs d’entreprises.

En parallèle, elle accompagne son

beau-père sur les foires et les marchés

et acquiert à ses côtés les rudiments

de la saboterie. Si le commerce itiné-

rant lui paraît lourd et peu rentable,

le travail artisanal l’enthousiasme.

Sûre de son fait, elle bénéficie en

MIDI-PYRÉNÉESré

gio

ns

Les sabots d’Isa

L’artisanat traditionnel

conjugué au futur

Si la gamme a pris un coup de jeune,

les gestes, eux, sont ancestraux.

page 9

sagée avec l’Adepfo, qui

revoit en profondeur l’en-

semble de l’activité. Sous

l’autorité d’un comité de

pilotage présidé par le

député Jean-Louis Idiart et

en concertation avec

Hélène Gaulier, pilote édu-

catif de l’Adepfo, cette for-

mation permet à Isabelle

Segonzac d’aborder avec

plus de sérénité les pro-

blématiques de l’organisa-

tion interne, de la cohé-

rence de la gamme de produits et du

portefeuille clients, des circuits de

commercialisation, des techniques

de vente et de l’accompagnement de

la clientèle. Dans le même temps, la

sabotière obtient un prêt à taux 0 qui

lui permet de débuter les travaux à

Saint-Bertrand-de-Comminges en

avril 2005, et d’en ouvrir les portes

au public pour la saison d’été.

De nouveaux marchésgrâce à internetAyant définitivement abandonné les

marchés, l’entreprise réalise 65% de

ses ventes en magasin, et 35% sur les

foires. Il est donc envisagé avec

l’Adepfo de diversifier la production,

d’acquérir une clientèle plus fémini-

ne en créant des modèles plus jeunes

et plus citadins et de sortir du circuit

de commercialisation traditionnel

pour s’orienter vers le prêt-à-porter.

Enfin, l’idée de la création d’une vitri-

ne sur internet voit le jour.

L’été 2005 voit donc apparaître au

pied de Saint-Bertrand l’enseigne

“Les Sabots d’Isa”. Le succès est

immédiat. À la fin de la saison, les

résultats financiers sont satisfaisants

et le commerce en ligne se dévelop-

pe à vitesse grand V : « En fournissantà Isabelle Segonzac les outils et lesconnaissances nécessaires à la réali-sation de son projet, résume HélèneGaulier, la saboterie est entrée en2005 dans une nouvelle phase.L’entreprise est stabilisée et participeà l’attractivité de cette partie deSaint-Bertrand-de-Comminges quisouffre du manque d’activité.L’accompagnement de l’Adepfo a per-mis à ce jeune chef d’entreprise dedégager des marges suffisantes pourvivre de son métier. » Et Isabelle de

préciser : « À en croire l’excellentdémarrage dont j’ai bénéficié, il serabientôt possible de me verser unsalaire plus que correct. Et si je n’aipas l’intention de créer un emploisupplémentaire dans l’immédiat,c’est tout simplement que je préfèretravailler seule. »

Aujourd’hui “Les Sabots d’Isa” vend

des sabots à Saint-Bertrand comme

dans le reste du monde francophone.

Grâce à internet, le sabot sur mesure

s’exporte bien, et la perspective

d’une traduction de la boutique en

ligne en Anglais et en Espagnol pro-

met de développer encore plus cette

activité artisanale. Preuve, si besoin

est, que l’artisanat pyrénéen a de

beaux jours devant lui si l’on prend la

peine de l’adapter aux réalités du

marché et à la demande des clients

d’aujourd’hui.

2001 d’une première formation-déve-

loppement Adepfo consacrée aux

apports techniques sur la fabrication

de sabots et de galoches. Une micro-

entreprise est créée, et la jeune sabo-

tière reprend définitivement la socié-

té familiale en 2002.

Déménagement vers un site touristiqueMalgré la motivation, les premières

années sont difficiles : « Mon objectif,se souvient Isabelle, c’était avanttout de pouvoir vivre de la saboteriesans avoir, à terme, à me déplacersur les marchés. » Un an plus tard, la

saboterie affiche un chiffre d’affaires

de 24000 , mais la jeune chef d’en-

treprise sent bien que si rien n’est

entrepris, elle devra se résoudre à

abandonner. En octobre 2004, après

plusieurs jours passés à la foire de

Millau et des retombées faibles, elle

en est même convaincue. C’est alors

qu’une nouvelle idée vient relancer

son projet : plutôt que de rester

dans les locaux inadaptés de Saint-

Gaudens, elle décide de déménager

son atelier dans un garage attenant à

la maison de ses parents située au bas

du village de Saint-Bertrand-de-

Comminges. L’occasion pour elle de

bâtir un atelier à son image et de pro-

fiter de la fréquentation de ce haut

lieu touristique. Une deuxième for-

mation-développement est alors envi-

L’atelier de Saint-Bertrand-de-Comminges ouvert depuis juillet 2005.

MIDI-PYRÉNÉES

régio

ns

La plaque originelle de la saboterie Estrade,

créée à Saint-Gaudens en 1880.

n° 45 - Décembre 2005

Séquoia Vertigo

MIDI-PYRÉNÉESré

gio

ns

Ancienne citadelle huguenote sou-

vent qualifiée de “balcon sur les

Pyrénées”, la commune du Carla-Bayle

est la patrie du philosophe Pierre

Bayle, apôtre du libre-examen et pré-

curseur des Lumières. De nos jours, le

Carla-Bayle est un village incroyable-

ment dynamique peuplé d’habitants

aussi vigoureux qu’entreprenants,

d’artistes inspirés et d’artisans

enthousiastes. Son maire, Jean-Luc

Couret, fait tout ce qui est en son pou-

voir pour valoriser la commune et

créer l’événement. C’est sans doute la

raison pour laquelle il s’est attaché à

présider le comité de pilotage du pro-

jet porté par les époux Martin.

Anciens éducateurs spécialisés char-

gés d’encadrer des enfants et adoles-

cents difficiles en leur faisant prati-

quer des activités en forêt, Jutta et

Mikaël Martin sont installés en Ariège

depuis 1983 et possèdent depuis 1994

le domaine de Peyres qui correspond

à l’emplacement

du parc du châ-

teau éponyme

dont il ne reste

que quelques rui-

nes. Si les rares

vieilles pierres ne

représentent pas

un patrimoine intéressant, le bois, lui,

regorge de curiosités et de trésors

naturels parmi lesquels la trentaine de

séquoias importés d’Amérique au XIXe

siècle par le châtelain de l’époque.

Ces arbres majestueux culminant à

des hauteurs vertigineuses couplés à

plusieurs dizaines d’autres spécimens

exotiques constituent un ensemble

unique dans les environs. Alors,

lorsque Jutta et Mikaël Martin déci-

dent de changer de vie et de métier, ils

se mettent en tête de conjuguer leurs

désirs avec la mise en valeur de cet

impressionnant patrimoine forestier.

Une stratégie en deux voletsC’est en visitant un parcours acroba-

tique dans une station balnéaire cata-

lane que l’idée jaillit : le parc de

séquoias deviendra un lieu d’aventu-

res, de divertissement et de découver-

te de la nature. Il s’agit avant tout pour

les époux Martin de mettre en valeur

le parc sans le dénaturer : « Il étaithors de question d’installer des élé-ments techniques trop voyants et degâcher le paysage. Nous aimons lesarbres et la nature, et notre idéedevait refléter cet aspect de notre per-sonnalité. Notre idée consistait à per-mettre aux visiteurs d’évoluer le longde filins de sécurité à une altitude éle-vée, en plein milieu des arbres.» assu-

re Martin. Et Jutta de poursuivre : « Cesite sort vraiment de l’ordinaire, etc’est en cela que notre projet allaitplus loin : Séquoia Vertigo n’est pasun piège à touristes, mais un lieu dedépassement de soi et de détente. » En

entreprenant les démarches nécessai-

res à la constitution de leur dossier,

ils découvrent par l’intermédiaire

de l’association “Pays Arize Lèze

Développement”, l’existence de

l’Adepfo. Très vite un comité de pilo-

tage est constitué, et le pilote éducatif

Hélène Gaulier met une stratégie en

place en concertation avec les por-

teurs de projet : « Il y avait troisdimensions dans le projet, se sou-vient-elle, : le changement de vie, lacréation d’activité et la mise envaleur de ce parc magnifique. Jutta etMikaël prévoyaient de créer leurs

De l’usage raisonné du patrimoine naturel

Propriétaires d’un magnifique parc hérissé de séquoias géants situé dans la commune ariégeoise du Carla Bayle,les époux Martin y ont créé un site d’aventures dédié aux parcours acrobatiques, à la pédagogie et à la détente en forêt. Pour mener à bien ce projet inscrit dans la politiquede développement de la commune, ces derniers ont fait appel à l’Adepfoafin d’adapter leurs compétences à la gestion de ce genre d’activités.

page 11

régio

ns

MIDI-PYRÉNÉES

propres emplois ainsi que plusieursemplois saisonniers. » Un accompa-

gnement sur deux ans est ainsi mis en

place, qui est scindé en deux modules

distincts : une partie technique et

aménagement sous la coupe de

Philippe Mercanti, un spécialiste de

ce genre de parcs, et un second volet

consacré au commerce, au marketing

et au développement encadré par

Denis Vidal.

Emplois et activité économique renforcésAvec une expérience dans le domaine

du commerce de bois et un acquis

important en matière de travail en

hauteur, Mikaël possède des bases

solides. Même chose du côté de Jutta

qui s’est investie des années durant

dans l’organisation de festivités au

Carla Bayle : « En utilisant l’acquis desstagiaires, nous avons pu rapidementleur fournir les outils nécessaires ausuccès de leur projet, confie HélèneGaulier. » L’organisation, la création,

le financement et les questions de

sécurité relatives aux parcs

accueillant des enfants sont ainsi

abordés tout au long du stage. En

parallèle, Jutta et Mikaël sont soute-

nus par l’Afpa, la chambre de

Commerce, l’O.N.F et de nombreux

autres organismes locaux. Une fois

intégrées les problématiques liées aux

éléments techniques de la forêt, à la

faisabilité et au schéma d’implanta-

tion des parcours, l’Adepfo accompa-

gne dès février 2005 la mise en mar-

ché de l’offre et des outils de commu-

nication. Une action qui entraîne

immédiatement la création de trois

emplois.

Depuis son ouverture, Sequoia

Vertigo reçoit de nombreux visiteurs

venus des environs immédiats, de

Toulouse, de Midi-Pyrénées et de

l’Europe entière. En complétant l’off-

re “aventure” d’un itinéraire forestier

et d’un sentier pédagogique où les

enfants peuvent découvrir la vie de la

forêt, les époux Martin ont créé un

lieu de détente ouvert à tous qui utili-

se les richesses naturelles sans jamais

les dénaturer. Avec des parcours

dédiés aux enfants, d’autres réservés

aux adultes et adaptés aux moyens de

chacun, ainsi qu’une agréable aire de

jeux et de pique-nique, le Parc ouvre

au grand public les portes d’une par-

celle de forêt richissime. L’offre patri-

moniale et culturelle du Carla Bayle

s’en trouve renforcée, tout comme le

dynamisme économique puisque

Séquoia Vertigo fait travailler ponc-

tuellement des sculpteurs, des arti-

sans, des illustrateurs etc. Un atout

supplémentaire pour cette commune

singulière qui compte parmi les plus

dynamiques du département. ■

MIDI-PYRÉNÉESré

gio

ns

Laurent Carrère-Laas, déjà proprié-

taire d’un hôtel-restaurant de renom à

Nouilhan, décide de tenter l’aventure.

Formation et réorganisation « Lorsque le Sivu m’a proposé dereprendre le restaurant, se souvient-il, je n’ai pas été instantanémentemballé par le projet, même si jetrouvais tristes les portes closes duPrieuré. Mais j’ai vit compris qu’avecune aide appropriée et une stratégiecohérente, je pouvais faire quelquechose d’un peu original tout endéfendant bec et ongles le vignoblede Madiran. Si j’acceptais de monterà Madiran, c’était pour faire autrechose, pour pratiquer le métier diffé-remment… Venir au prieuré pourfaire la même chose qu’à Nouilhanaurait été une erreur. » C’est dans ce

contexte, que Laurent Carrère et la

Maison du Vin font appel à l’Adepfo

au début de l’année 2005. Objectif

affiché : la création d’un concept de

tourisme global grâce notamment à

la mise en place d’une stratégie mar-

keting efficace. Il s’agit d’une part de

trouver un modèle de développe-

ment fiable pour le restaurant et d’au-

tre part de créer une synergie entre

les viticulteurs, la Maison des Vins, et

le restaurant lui-même. Tous les élé-

ments stratégiques sont alors évo-

qués : clientèle possible, prix à prati-

quer, communication, etc. Les futurs

employés du restaurant suivent de

nombreuses formations (aspect tech-

nique de l’initiation à la dégustation,

procédures de travail, cuisines, salle,

gestion, communication etc.) à com-

mencer par le patron lui-même qui

acquiert de vastes connaissances en

matière d’œnologie. Ainsi réorganisé,

le restaurant se tourne dès lors vers

les viticulteurs et les professionnels

n° 46 - Octobre 2006

Prieuré de Madiran

Aux confins de la Rivière

Basse et du Béarn, le villa-

ge de Madiran a donné

son nom a un vignoble

aujourd’hui renommé. Ses

rues ordonnées et le

calme qui y règne attirent

chaque année de nomb-

reux visiteurs, tout

comme son église du Xe

siècle qui forme avec le

prieuré fondé en 1088 un

ensemble architectural

des plus harmonieux.

Pour mêler habilement

vieilles pierres, traditions

culinaires et promotion

du tourisme viticole, plusieurs cham-

bres, institutions et comités des envi-

rons se sont associés. Leur idée : créer

des outils susceptibles d’intéresser

les touristes de passage ou les entre-

prises en séminaire. Tout commence

il y a une dizaine d’années, lorsque

plusieurs communes du vignoble de

Madiran constituent un Syndicat

Intercommunal à Vocation Unique

(Sivu) afin de racheter le prieuré du

village du même nom. Une véritable

aubaine pour le restaurateur qui l’oc-

cupait depuis les années 80 et faisait

alors face à de grandes difficultés

financières. Toujours dans le cadre

du Sivu, on projet de Maison des Vins

vit le jour, qui doit remplir la double

fonction de relais touristique et de

siège interprofessionnel. En 2001,

l’ouverture de la Maison des Vins

coïncide avec la fermeture du restau-

rant du Prieuré qui, faute de bon posi-

tionnement commercial et de syner-

gie avec l’attraction viticole voisine,

doit cesser toute activité. Trois ans

plus tard, le Sivu fait appel à la

Chambre de Commerce et à Haute

Pyrénées Tourisme Environnement

(H.T.P.E.) pour trouver un repreneur.

L’association fructueusede la restauration et du tourisme viticole

Ce sont deux destins mêlésqui se sont joués ces dernières années dans le petit village de Madiran.Celui d’un restaurant ayant cessé son activitéen 2001, et celui de laMaison des Vins créée lamême année dans le but de promouvoir la productionlocale. En établissant unesynergie efficace entre tourisme viticole et art culinaire, le restaurant a trouvé un repreneur et la Maison des Vins a enfintrouvé sa raison d’être. Unsuccès auquel a participél’Adepfo en mettant enplace plusieurs modules deformation-développement.

Laurent Carrère : “Au Prieuré les vins et les digestifs sont tous issus

de productions locales”. (Crédit photo : S.V.)

MIDI-PYRÉNÉES

régio

ns

de la vigne, dans l’espoir de faire de

Prieuré le lieu de rencontre des pro-

ducteurs et des consommateurs.

« Pour les vins comme pour les diges-tifs, je m’attache à ne servir ici quedes produits strictement locaux, pré-cise Laurent Carrère. »

Jusqu’à 7 emplois en haute saison

À l’issue de l’ensemble des forma-

tions, le restaurant a rouvert ses por-

tes en juin 2005. Depuis, les efforts

conjugués du restaurant et de la

Maison des Vins semblent porter

leurs fruits. Les touristes pourront

même réinvestir prochainement les

chambres du prieuré pour des

séjours de plusieurs jours. En atten-

dant, le restaurant ne cesse de propo-

ser à ses clients des soirées dégusta-

tion en présence d’œnologues, des

soirées pédagogiques au cours des-

quelles on apprend à marier les mets

et les vins, des visites chez les vigne-

rons etc. Après un bon repas, il n’est

pas rare que les clients empruntent

le passage intérieur menant à la

Maison des Vins pour découvrir le

vignoble madiranais : « Je me senstrès proche des vignerons, souligneLaurent Carrère, je n’ai de cesse depromouvoir leur travail, d’encoura-ger mes clients à leur rendre visite.C’est là un bon moyen de donneraux gens l’envie de passer du tempsdans les environs. » De son côté la

Maison des Vins est devenue une

source de renseignements idéale

pour les visiteurs, et un point de

départ rêvé avant de partir à la

découverte du Vignoble. Avec un

prieuré sauvé, un restaurant ressusci-

té employant jusqu’à sept personnes

en haute saison et une Maison des

Vins assidûment fréquentée, le maire

de la commune Francis Dutour, ne

cache pas sa satisfaction.

Ce vignoble présent depuis le Ier siècle

de notre ère s’étend sur les départe-

ment,des Hautes-Pyrénées, du Gers et

des Pyrénées Atlantiques. Bénéficiant

d’une Appellation d’Origine Contrôlée

depuis 1948, le vignoble de Madiran

concentre les cépages Tannat, cabernet

franc, cabernet sauvignon et fer serva-

dou et produit environ 10 millions de

bouteilles chaque année. Les 1300 hec-

tares du vignoble produisent un vin

corsé et charpenté. Son tannin se muant

avec le temps en véritable velours, le

Madiran possède de grandes capacités

de garde.

L’A.O.C. Madiran

Se confondant avec le territoire de

l’A.O.C., celui du Pacherenc Vic-Bilh

s’étend sur une superficie de 250 hecta-

res. On en tire un vin blanc sec idéal

en apéritif ou en accompagnement de

poissons et un vin moelleux que l’on

peut garder dans sa cave et déboucher

pour accompagner foies gras, fromages

truffés et desserts.

page 13

La salle du restaurant Le Prieuré. (Crédit photo : D.R.)

Autour de Laurent Carrère (au centre) l’équipe

du restaurant du Prieuré pose devant l’entrée

du bâtiment. (Crédit photo : D.R.)

L’A.O.C.Pacherenc du Vic-Bilh

n° 46 - Octobre 2006

MIDI-PYRÉNÉESré

gio

ns

Prommata

La traction animale,outil novateur de développement

page 15

stagiaires d’obtenir des finance-

ments pour installer leur exploita-

tion. Avec le temps, les Ariégeois ne

sont plus les seuls à suivre des for-

mations sur place, et la renommée de

Prommata s’étend au-delà des fron-

tières.

Solidarité paysanneDirecteur de Prommata, Patrice

Jouvencel revient sur l’état d’esprit

qui anime l’association depuis sa

création : « Contrairement à ce quel’on pourrait croire, la traction ani-male est un procédé très moderne.Nous utilisons des aciers spéciauxagencés selon des concepts nova-teurs. Son utilisation permet unegrande souplesse et ne dégage aucu-ne pollution. Grâce à l’allègementdes outils et à leur parfaite adapta-tion aux morphologies d’aujourd’-hui les femmes peuvent travailler lescultures. De plus, la traction anima-le offre aux paysans une totale indé-pendance financière et énergétique.» confie-t-il. Animés par le désir de

transmission du savoir ancestral et

des technologies modernes, les

membres de Prommata mettent alors

au point plusieurs prototypes, parmi

lesquels la Kassine, un outil parfaite-

ment adapté aux jeunes maraîchers

porteurs de projet qui composent

80% des stagiaires au début des

années 2000. En parallèle, les

responsables de l’association assu-

rent le bon déroulement du dévelop-

pement de la structure qui se confor-

me peu à peu aux normes légales

en matière de gestion et de compta-

bilité. À l’époque Prommata compte

4 salariés, et des problèmes nou-

veaux apparaissent : « Avec le déve-loppement de nos activités, nousnous heurtons en 2002 aux réalitésinhérentes à ce genre de structures.Nous décidons qu’il est temps de

Née en 1991 de la rencontre de

paysans ariégeois et de Jean Nolle

(un inventeur génial et humaniste

qui lutta toute sa vie pour le

développement et la modernisation

de la traction animale dans les

pays du tiers-monde), l’association

Prommata (Promotion d’un Machi-

nisme Agricole Moderne À Traction

Animale) œuvre depuis sa création

pour le développement de la trac-

tion animale dans les travaux agrico-

les. L’idée germe dans les têtes d’agri-

culteurs locaux depuis les années 80,

avec en point de mire l’initiation

d’une agriculture raisonnée, autono-

me et économiquement viable. Au

début des années 90, les membres de

l’association expérimentent des

outils fondés sur les travaux de Nolle

avec des moyens dérisoires. Après le

décès en 1993 du père spirituel de

l’organisme, se pose la question de la

pérennité de la structure. En 1994,

une première formation-développe-

ment initiée par l’Adepfo est mise en

œuvre, qui porte sur des travaux

relatifs aux inventions de Jean Nolle.

Plusieurs prototypes sont réalisés au

cours de ce stage qui accueille douze

personnes. Après ce succès, l’associa-

tion cherche un local où installer un

atelier, y présenter les outils et for-

mer leurs utilisateurs. Avec l’accord

de la mairie de Rimont, la gare désaf-

fectée de la commune est mise à la

disposition de Prommata. La muni-

cipalité aide à la mise aux normes de

l’installation électrique, et les bon-

nes volontés s’associent pour remett-

re le bâtiment en état. Les premières

formations agricoles y sont dispen-

sées dès 1997 avec l’approche du

cheval de trait et l’enseignement des

rudiments de la culture maraîchère,

un domaine très bien adapté à la

traction animale. Dès 1998, l’enregis-

trement de Prommata en tant qu’or-

ganisme de formation permet aux

MIDI-PYRÉNÉES

régio

ns

Animée par le désir d’offrir aux paysans une liberté et une indépendance trop souvent

confisquées par les aléas de l’agriculture moderne, l’association Prommata œuvre depuis quinze

ans au développement de la traction animale. Bénéficiaire de deux formations-développement

en 94 et 2002, la structure a créé des emplois directs et permis à des porteurs de projet

de créer des exploitations agricoles autonomes et financièrement viables.

n° 46 - Octobre 2006

Nous n’avons pas changé de philoso-phie pour autant : notre souci n’estpas de vendre bêtement nos machi-nes, mais de former les agriculteurs àson utilisation et à son entretien. Ils’agit pour nous de perpétuer la phi-losophie de Jean Nolle en participantau développement raisonné dumonde rural. La traction animaledoit permettre de libérer les paysansdes grands groupes et leur éviter des’endetter en acquérant des tracteurstrop onéreux. »

Loin de se contenter du territoire

national, Prommata intervient dans le

monde entier par l’intermédiaire

d’Organisations Non Gouvernemen-

tales oeuvrant dans le domaine du

développement rural. Outre l’Afgha-

nistan (voir encadré), Madagascar et

d’autres pays en voie de développe-

ment, l’association a formé ces deux

dernières années des formateurs au

Burkina et participé ainsi à la fabrica-

tion d’outils de traction animale par

les forgerons locaux qui fournissent

désormais les paysans burkinabais. La

fabrication de la Kassine sur place

avec les compétences et les matériaux

disponibles a permis de diviser par

3,5 le coût de cet outil.

Toujours soucieuse de développer la

solidarité entre les paysans du monde,

Prommata emploie aujourd’hui sept

personnes et tente de se désengager

peu à peu des emplois aidés. Elle pro-

duit toute une gamme d’outils et de

communiquer plus efficacement,d’améliorer et d’accroître notre pro-duction et de faire des progrès enmatière de gestion » résume Patrice

Jouvencel.

Nouveaux outils,même philosophieUn comité de pilotage est alors mis en

place, qui décide de relancer un cycle

de formation et, à terme, de pérenni-

ser les emplois. La première phase

concerne la réorganisation hiérar-

chique et le fonctionnement de l’ate-

lier. Des formations à un logiciel de

dessin industriel permettant de com-

muniquer à distance sont dès lors

initiées afin de permettre un gain de

productivité. Dans un deuxième

temps, la formation est orientée sur la

problématique de la communication

(formation aux outils informatiques

susceptibles d’améliorer la réalisation

de plaquettes et du journal de l’asso-

ciation). Enfin, la dernière formation

permet d’informatiser la gestion et la

comptabilité.

Avec de nouveaux outils et de nouvel-

les compétences, Prommata sort

rapidement du rouge, embauche un

nouvel emploi-jeune, crée son site

internet et entre dans une nouvelle

phase de développement. « Grâce à la formation-développement, confiePatrice Jouvencel, nous sommes pluscompétents et donc plus efficaces.

MIDI-PYRÉNÉESré

gio

ns

Prommata (suite)

« Madera intervient depuis 20 ans sur le

territoire afghan dans différents domai-

nes du développement rural parmi les-

quels l’agriculture, le génie civil, l’irriga-

tion et le micro-crédit. Les cadres de

Madera ont découvert Prommata à l’oc-

casion d’un stage concernant l’utilisa-

tion de la traction animale. Ce mode de

culture est très intéressant pour nous

étant donné qu’il est l’unique moyen

mécanique disponible en Afghanistan.

Pour une O.N.G. comme la nôtre, il est

appréciable de traiter avec cette associa-

tion qui ne cherche pas à vendre du

matériel coûte que coûte. Nous avons

face à nous des concepteurs et des for-

mateurs soucieux de transmettre un

savoir-faire et la philosophie de Jean

Nolle et d’aider à la production locale

d’outils agricoles. À la suite de la visite

d’un des membres de Prommata sur

place, nous avons initié dans l’une de

nos zones d’action un programme de

développement fondé sur la traction

animale. Des études sont en cours, qui

devraient permettre de définir le coût et

l’impact sur l’artisanat local de la fabri-

cation d’outils de traction animale. Les

premiers résultats sont d’autant plus

encourageants que de telles initiatives

ont connu un grand succès en Afrique

en général, et au Sénégal en particulier. »

Administrateur de Madera(Mission d’Aide au

Développement des ÉconomiesRurales en Afghanistan),Gérard Logié revient sur

l’action conjuguée de cetteO.N.G et de Prommata auprès

de paysans afghans.

porte-outils adaptés aux besoins des

agriculteurs parmi lesquels la Kassine,

pour laquelle l’association a reçu en

2005 le 1er prix IGZ de l’innovation

technologique. Grâce au soutien de la

municipalité de Rimont, au concours

de quelques organismes locaux et à

l’apport de la formation-développe-

ment, la démarche humaniste des fon-

dateurs de l’association peut désor-

mais se développer au sein d’une

structure économiquement viable.

page 17

en parallèle dans la formation à la pra-

tique de l’activité de chauffeur de

taxi. Après 5 mois d’apprentissage, il

décroche sa carte professionnelle,

acquiert une voiture grâce à un prêt

à taux 0 et débute son activité le

10 octobre 2004, un an jour pour jour

après son inscription au chômage.

Des objectifs à long termeBien qu’il n’ait jamais douté du bien

fondé de sa démarche, Thierry

Bouzigues s’étonne encore aujourd’-

hui du succès de son activité : « Jeprofite largement de la proximité dema clientèle, explique-t-il. Les gensdu coin préfèrent faire travailler ungars d’ici plutôt que de faire appel àd’autres entreprises. Cela ne veutpas forcément dire que la créationd’un deuxième emploi soit à l’ordredu jour, mais cela fait partie de mesobjectifs. » Pour l’heure, le nouveau

chauffeur de taxi de Belvis travaille

en confiance avec les autres taxis

indépendants, ce qui lui permet de

ne refuser aucune course et de

gagner la confiance de ses clients. «Lorsque des professionnels tra-vaillent en bonne intelligence dansce genre de territoires, chacun peuttrouver sa place et maintenir lesemplois » constate André Rainier.

Étant donnée la moyenne d’âge éle-

vée de la population du plateau, les

courses dites “classiques” sont rares.

Le transport médical assis et les cour-

ses vers les médecins et les centre

hospitaliers de la région est en revan-

che le lot commun de Thierry Bouzi-

gues. De plus, il reste en contact

permanent avec un réseau d’alerte

permettant de transporter des auto-

mobilistes en panne.

En créant son propre emploi, en tra-

vaillant avec l’Adepfo, en restant à l’é-

coute des élus et en répondant à une

demande réelle, Thierry Bouzigues

prouve, si besoin est, qu’il est tout à

fait possible de maintenir une activi-

té dans les territoires les plus diffici-

les. Un bel exemple de persévérance

et d’attachement à la douceur de

vivre pyrénéenne.

Située en bordure du plateau de Sault,

à l’Ouest de Quillan et au Sud de

Puivert, la commune audoise de

Belvis jouit d’une vue imprenable sur

la chaîne des Pyrénées et profite

d’une quiétude enviable. Installé au

cœur du village depuis plusieurs

années, Thierry Bouzigues ne quitte-

rait pour rien au monde ce cadre idyl-

lique où il coule une existence paisi-

ble depuis de longues années. Mais

lorsqu’il se retrouve au chômage en

2003 au terme d’un contrat emploi-

jeune à la mairie du village, une seule

alternative s’offre à ce trentenaire ori-

ginaire de Béziers : quitter Belvis ou

créer sa propre activité. Convaincu

que le jeu en vaut la chandelle, il opte

pour la dernière solution. S’informant

auprès du maire, il apprend que

depuis la cessation d’activité du taxi

du village, les habitants sont forcés de

trouver ailleurs le moyen de se dépla-

cer. Sur le plateau de Sault en effet, on

ne dénombre aucun chauffeur de taxi

entre Quillan et Lavelanet. Sur ce ter-

ritoire, la population vieillissante est

pourtant demandeuse de ce genre de

services, soit pour rejoindre les villes,

soit pour rejoindre les services médi-

caux du département ou les hôpitaux

de Toulouse. La formation Adepfo,

pilotée d’abord par Jean-Louis Biroste

et ensuite par André Rainier le dote

des connaissances nécessaires à la

création de son activité, et il se lance

Refusant de quitter son village pour aller quérir en plaine une activité professionnelle, Thierry Bouzigues s’est tourné vers l’Adepfo pour créer sa propre entreprise de taxi.Succès total pour ce jeune travailleur indépendant qui satisfait un besoin vital pour la population vieillissante du plateau de Sault.

LANGUEDOC ROUSSILLON

régio

ns

Plateau de Sault

M. Bouzigues (à droite), en compagnie

d’André Rainier (crédit : S .V.)

Un taxi pour Belvis

n° 46 - Octobre 2006

LANGUEDOC ROUSSILLONré

gio

ns

En août 2005, la première auberge

jamais installée à Saint-Martin-de-

Fenouillet ouvrait ses portes à une

clientèle d’habitants curieux et de

touristes impatients. Neuf mois plus

tard, l’entreprise se porte bien,

deux emplois ont été créés, et les

effets de cette nouvelle activité sur

la fréquentation touristique com-

mencent à se faire sentir. Initié par

la mairie sous l’impulsion de la com-

munauté de communes, l’auberge

Le village de Saint-Martin-de-Fenouillet (crédit : S.V.)

Inscrite dans un projet transversal de développement local,

l’Auberge Taichac à rendu à Saint-Martin-de-Fenouillet

un peu de sa superbe. Accompagnée par l’Adepfo depuis

l’idée originale jusqu’à l’ouverture en août 2005, sa gérante

a créé deux emplois et relancé la dynamique territoriale

de ce charmant village des Fenouillèdes.

L’auberge Taïchac

Un maillon essentiel sur la chaîne du développement local

page 19

Taïchac s’inscrit dans une logique

transversale destinée à dynamiser le

développement local : « Il s’agissait

pour nous de réfléchir à l’échelle du

territoire plutôt que de se canton-

ner aux frontières de la commune.

En prenant en compte les atouts et

les faiblesses du territoire en ques-

tion, nous sommes parvenus à

initier un développement cohérent

et prometteur » assure André

Foulquier, maire de Saint-Martin. Il

est vrai qu’avec un secteur viticole

en bonne santé, un sentier d’inter-

prétation géologique et quelques

rochers d’escalade très prisés des

grimpeurs, les environs du village

ont largement de quoi attirer gas-

tronomes, randonneurs et ama-

teurs de sensations fortes. Il s’agit

dès lors de mettre en marche un

processus transversal prenant en

considération le vin, l’escalade, la

création d’hébergement et l’organi-

sation d’événements. « Notre objec-

tif, poursuit André Foulquier, est

d’attirer les touristes et de les garder

une ou plusieurs nuits sur place.

Sans l’auberge, cela est impossible,

et sans activités, l’auberge n’a aucu-

ne raison d’être… »

régio

ns

LANGUEDOC ROUSSILLON

Ouverte sept jours sur sept,l’Auberge de Taïchac offre quatrechambres individuelles et troisdortoirs collectifs. La capacitétotale de l’établissement est de 40 lits et 50 couverts. Les deuxemplois crées concernent lagérante et son compagnon quiofficie en cuisine. L’auberge pro-pose de nombreuses animationstout au long de l’année et consti-tue un lieu d’information idéalpour les randonneurs, les grim-peurs et les promeneurs intéres-sés par le sentier d’interprétationgéologique des Hauts de Taïchac.

AUBERGE TAÏCHACLe Village

66620 Saint-Martin04.68.59.09.54.

De gauche à droite : Houcine Amar Amghari, André Rainier, Brigitte Benet et André Foulquier. (crédit S.V.)

Des outils adéquats Restait encore à intégrer un porteur

de projet suffisamment enthousias-

te et persévérant pour mener à bien

la création de l’auberge. L’idée

séduit immédiatement Brigitte

Benet qui voit dans cette activité

l’occasion rêvée de changer de vie

et d’opérer un retour émouvant

dans le village natal de son père.

C’est précisément dans ces circons-

tances que la formation Adepfo

vient prêter main-forte à tous les

acteurs du projet sous l’égide du

pilote éducatif André Rainier. « Sans

l’Adepfo, concède Brigitte Benet,

j’aurais certainement éprouvé de

grandes difficultés. Je n’aurais pas

su à qui m’adresser et réunir les

gens compétents autour d’une

même table aurait été difficile. Si je

maîtrisais dès le départ la commu-

nication, l’animation et tout ce qui

fait la vie d’un lieu comme celui-ci,

je manquais cruellement de compé-

tences en matière de gestion, de

comptabilité et de fiscalité ». En met-

tant en relation les collectivités

locales, les chambres consulaires,

les porteurs de projet et les person-

nes susceptibles de faciliter la mise

en œuvre du projet, la formation

développement a donc permis

d’améliorer la faisabilité du projet

tout en dotant à la future gérante de

l’établissement des outils adéquats

et des compétences nécessaires à la

gestion quotidienne de l’auberge.

Des résultats encourageantsÀ peine plus de neuf mois après son

ouverture, l’Auberge Taïchac a su se

rendre indispensable aux yeux des

habitants du village. On s’y arrête

pour saluer des amis, on y envoie les

enfants jouer à des jeux de société

le mercredi après-midi, on s’y retro-

uve les jours de tempête ou lors des

coupures d’électricité… Si bien que

l’on commence à se demander com-

ment on faisait pour vivre à Saint-

Martin avant l’arrivée de l’auberge.

À quelques semaines des vacances

d’été, 60% de la clientèle est issue de

Saint-Martin et des environs. La part

des touristes a tendance à augmen-

ter au fil des mois grâce au bouche-

à-oreille efficace. De quoi pérenni-

ser les deux emplois créés sur le

site et ouvrir à ce territoire des

Fenouillèdes de belles perspectives

de développement. ■