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No 4 septembre 2009 Le management du social

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La question que pose Pages romandes est celle de l’association inattendue de ces deux termes: management et social. Les règles en vigueur dans les entreprises privées conviennent-elles au secteur non-marchand? La question reste ouverte, tant les qualités demandées aux personnes appelées à remplir cette fonction sont nombreuses et variées; tant les exigences des organes en charge de distribuer les subventions tendent à se complexifier.

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No 4 septembre 2009

Le management du social

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Impressum Pages romandes Revue d’information sur le handicap mental et la pédago-gie spécialisée, éditée par la Fondation Pages romandes, Institution de l’Espérance, 1163 Etoy

Conseil de FondationPrésident : Charles-Edouard Bagnoud

Rédactrice et directrice de revueSecrétariat, réception des annonces et abonnementsMarie-Paule ZuffereyAvenue Général-Guisan 19CH - 3960 SierreTél. +41 (0)79 342 32 38Fax +41 (0)27 456 37 75E-mail: [email protected]

Comité de rédactionMembres: Marie-Christine Ukelo-Mbolo Merga, Olivier Sala-min, Valérie Melloul, Eliane Jubin Marquis, Laurie Josserand, Sébastien Delage, Marie-Paule ZuffereyResponsable de publication: Charles-Edouard Bagnoud

Parution: 5 numéros par anMi-février, mi-avril, mi-juin, mi-septembre, début décembre

Tirage minimal: 800 exemplaires

Abonnement annuelSuisse Fr. 45.--AVS, étudiants Fr. 38.--Abonnement de soutien Fr. 70.--Etranger Euros 35.--

Publicité et annonces - Tarifs1 page Fr. 800.--1/2 page Fr. 500.--1/4 page Fr. 250.--1/8 page Fr. 125.--1/16 page Fr. 50.--Tarifs spéciaux pour plusieurs parutionsLes demandes d’emploi provenant des étudiants des écoles sociales romandes sont gratuites

Délai d’insertion2 semaines avant parution

Compte bancaireBanque cantonale du Valais, 1951 SionEn faveur de K0845.81.47 Pages romandesCompte 19-81-6Abonnement pour la France: faire parvenir vos coordon-nées et votre règlement par chèque bancaire à Jean-Fran-çois Deschamps108, rue Ire ArméeF - 68800 Thann

GraphismeClaude Darbellay, www.saprim.ch

Mise en pageMarie-Paule Zufferey

ImpressionEspace Grafic, Fondation Eben-Hézer, 1000 Lausanne 12

Crédits photographiques et illustrationsRobert Hofer, , Peter Geisler, Fair Play, Hélène Tobler, Fotolia, Olivier Salamin

Photos de couverture: Robert Hofer, Sion

N.d.l.r.: Les articles signés n’engagent que leurs auteurs. La présentation, les titres et les intertitres sont de la rédaction.La reproduction des textes parus dans Pages romandes est souhaitée, sous réserve de la mention de leur source.

©Pages romandes

Sommaire

Dossier: Le management du social...

2 Tribune libre Jean-Louis Korpès

3 Editorial Marie-Paule Zufferey

4 Le Portail, une institution à réorganiser Comité de Pages romandes

5 Un portail avec vue sur la mer Comité de Solidarité-Handicap mental

6 Les attentes de parents face à l’institution Olivier Gallay, Autisme Suisse romande

8 La Démarche Qualité, une histoire de greffe Daniel Petitmermet

10 C’est quoi, ce business? Marie-Paule Zufferey et Olivier Salamin

12 «Le Portail» expérimente la sociocratie Barbara et Jean-Pierre Zbinden

14 La désinstitutionnalisation Daniel Boisvert

18 Valoris en Suisse Marie-Paule Zufferey

20 Miroir, mon beau miroir, dis-moi... Laetitia Maradan, travail de recherche

22 «Participer à un tournoi à l’étranger, ça donne des souvenirs»

Monique Bassin, Fair Play

24 Pages romandes en fête, invitation Marie-Paule Zufferey

24 Eben-Hézer et son prix Médias Daniel Grivel

26 Alerte rouge pour la solidarité sociale Luc Recordon

27 Sélection Loïc Diacon

28 Séminaires et formations

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L’invité

Depuis le début des an-nées 90, la lecture du handicap s’est modifiée sous l’impulsion d’une pluralité d’acteurs reven-diquant la reconnaissan-ce de leurs droits civils, sociaux et économiques. C’est durant cette pério-de que la vision sociale du handicap a commencé à poindre et à être prise en compte dans les poli-tiques mises en place.

On retrouve les traces de ce combat pour l’accession aux droits et à l’égalité des chances dans l’initiative populaire de 2003, fai-sant suite à l’adoption de la nouvelle Constitution fédérale de 1999 interdi-sant toute discrimination envers les personnes han-dicapées. On connaît le résultat de la votation sur cette initiative, mais son échec aura eu le mérite de la mise en place de la LHand en 2004. Il faut dire que les prin-cipes de non-discrimi-nation, de participation, d’égalité des chances, de citoyenneté, d’acces-sibilité pour tous, ont été proclamés en perma-nence durant les années 90 et qu’ils ont fini par imprimer les conscien-ces et à s’imposer au ni-veau international (voir les multiples déclarations de l’ONU), de l’Europe (nombre de pays ont lé-giféré sur la non-discri-mination durant cette période), même si les ré-

sultats n’ont pas toujours apporté, selon les pays, les bénéfices escomptés. Dans le même temps, l’OMS avait lancé la révi-sion de la CIH (première classification du handicap adoptée en 1980) pour aboutir en 2001 à l’adop-tion de la CIF (Classi-fication internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé). Cette nouvelle classifi-cation sera la référence pour tous les pays mem-bres de l’OMS pour trai-ter la question du handi-cap, non plus sous l’angle uniquement individuel et médical, mais aussi sur le plan environnemental et social. Cela aura des in-cidences notables sur la manière de définir les be-soins des personnes et sur les ressources nécessaires à la mise en place des moyens indispensables à la satisfaction de ceux-ci. Il en va de même avec le PPH (Processus de pro-duction du handicap) de nos collègues québécois.

Deux éléments d’évolution Si donc, nous devions pointer deux éléments d’évolution dans le champ du handicap en Suisse, et qui auront, qu’on le veuille ou non, des répercussions au sein des institutions éducatives et sociales, nous serions ten-tés de retenir, d’une part, la question des droits des personnes handicapées1 et

d’autre part, la mise en place de la RPT dans les différents cantons. Pour ce qui regarde la question des droits, la Convention de l’ONU confirme, comme le fai-sait déjà la Déclaration de Madrid en 2002 , que l’ac-teur principal n’est plus le professionnel (techni-cien ou expert), mais la personne handicapée qui est appelée à définir ses besoins et ses attentes, en tant que citoyen, client et consommateur. La per-sonne handicapée doit être en mesure de poser ses choix: ce n’est plus l’offre de services qui doit entièrement déterminer la demande. Cette op-tion modifie de manière notable le rôle et la fina-lité des institutions et des professionnels, avec une vision de l’accompagne-ment basée essentielle-ment sur ce qui favorise l’auto-détermination et le libre choix des personnes, quelles que soient leurs atteintes physiques, intel-lectuelles ou sensorielles. C’est là l’esprit du budget personnalisé d’assistance qui pourrait être un droit garantissant la liberté de choix du consommateur si ce principe était retenu à l’avenir par les autorités politiques. Le second élément ma-jeur, qui aura un impact certain sur le manage-ment des institutions, est ce que l’on nomme d’un acronyme «obscur»,

la RPT. Ce changement fondamental sur le plan politique va entraîner une remise en question des pratiques mises en place avec l’OFAS et l’AI. Le retour aux cantons de la responsabilité de la po-litique à destination des personnes présentant des incapacités obligera les directions à de nouvelles pratiques non seulement comptables mais aussi vraisemblablement dans la réalisation des presta-tions pour lesquelles elles ont passé convention avec l’Etat. Là encore, il n’est pas insensé d’imaginer la nécessaire mise en place de formations pour leur mise en œuvre, comme par exemple pour l’éva-luation des besoins des personnes sur la base de l’une ou l’autre des classi-fications dont nous avons parlé plus avant. Certaines directions en Suisse romande ont bien perçu ces changements et s’y préparent, d’autres sont encore dans une pos-ture attentiste… A leurs risques et périls!

1Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées adoptée le 13 décem-bre 2006 par l’Assemblée générale des Nations unies et signée par 142 pays au 30 juillet 2009 dont les USA (c’est une première!) mais pas encore par la Suisse. 2 Déclaration résultant du Congrès européen des personnes handicapées à Madrid en mars 2002.

Evolutions dans le champ du handicap et management des institutions éducatives et socialesJean-Louis Korpès, professeur HEF-TS, Givisiez, Fribourg

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Edito

Management et social, une alliance improbable

Marie-Paule Zufferey, rédactrice

Les anglicismes sont arrivés, il y a quelques décennies, massivement débarqués des classes business de charters low cost. Autant le dire tout de suite, j’ai la plus grande réticence à intégrer dans mon langage quoti-dien, ces extensions anglo-saxonnes du français contemporain. Je les accuse d’intrusion. Je les rends res-ponsables de l’appauvrissement sé-mantique de notre langue. Je les soupçonne de distiller, l’air de ne pas y toucher, le catéchisme de l’ex-cellence et de la rentabilité à tout prix. Voilà, en prime time, la raison pour laquelle il m’en a coûté de de-voir titrer ce dossier «le management du social»...Personne ne me fera croire qu’il n’existe aucun mot dans la langue de Molière susceptible de nommer le travail d’un directeur d’institution. Le coach, dûment «masterisé» qui m’a initiée aux rudiments du new public management m’a pourtant assurée du contraire. Traduction faite, et toutes explications four-nies, la notion de management re-cèle - quant à moi - encore bien des zones d’ombre; mais peut-être qu’après tout, un certain flou dans la définition n’est pas le moindre de ses atouts marketing?La question que s’est posée le comité de rédaction est celle de l’as-sociation inattendue de ces deux termes: management et social. Les règles en vigueur dans les entre-prises privées conviennent-elles au secteur non-marchand? La ques-tion reste ouverte, tant les qualités demandées aux personnes appe-lées à remplir cette fonction sont nombreuses et variées; tant les exi-gences des organes en charge de distribuer les subventions tendent à se complexifier. Bernard Seynhaeve1, directeur du Courtil résume bien la situation:

«L’institution dans laquelle je tra-vaille se présente nécessairement comme voulant le bien de ceux qu’elle accueille. Institut médico-pédagogique, ainsi s’affiche-t-elle. C’est de cette manière qu’elle peut être reconnue et subsidiée par le maître social. Mais le monde a changé. Le maître du 21e siècle se présente avec la férule du chiffre. Obligation de résultats s’inscrivant dans un rapport qualité/prix défiant la concurrence. Obligation d’effets thérapeutiques à court terme. Ins-cription des enfants dans un lien social. C’est ainsi que le maître social le veut». De plus en plus souvent, les établis-sements à caractère social sont ame-nés à mettre sur pied des projets de nature économique, qui génèrent des bénéfices affectés au développe-ment des objectifs institutionnels.Dans ce contexte de mutations so-ciales et économiques, la formation des futurs gestionnaires d’institutions apparaît comme l’un des principaux enjeux. Sollicitée par Pages romandes, une école de formation des cadres du social a pourtant renoncé à dé-velopper pour nous les lignes de son programme. C’est donc l’avis d’un businessman que nous avons recueilli à ce sujet... Pour manager une institution sociale, prévoir tout de même quelques amé-nagements du côté de l’écoute des usagers et des règles de partenariat...Notre dossier d’automne propose d’autres modèles de gouvernance, comme la sociocratie; d’autres vi-sions de la vie en commun comme la démarche québécoise de désinsti-tutionnalisation. Des challenges pour nos managers...

1 Extrait de l’intervention de Bernard Seynhaeve intitulée «Elucider ce qui pourrait sembler faire difficulté» Colloque Paris, 31.01.09

Inventer une institution dans laquelle on peut inventer1

«Je dirigeais une institution au temps précédant mon entrée dans la cure (...) J’ai fait cette expérience analytique et cela change de l’avoir vécue. (...)Le maître de l’institution qui a fait lui-même cette expé-rience inouïe de la désinser-tion de l’Autre, tente tant bien que mal de sauvegarder dans l’institution un espace d’invention. Surtout pro-téger ce trou dans le savoir. Une gageure. Utiliser les semblants directoriaux pour rendre possible ce pas de côté qui ouvre la faille, l’espace d’invention dans l’institu-tion. Cet espace obtenu par le forçage du discours du maître permet qu’il s’y passe souvent des choses étonnan-tes. C’est une chance pour les enfants (...) dont les solutions sont mal accueillies dans le monde. Ainsi, le maître de l’institution tente-t-il tant bien que mal de faire rempart au maître social. Le paradoxe de cette institution c’est qu’elle s’efforce de faire valoir la singularité contre l’idéal. Il s’agit de se maintenir dans un équilibre instable, fragile, entre deux pôles impossible-ment conciliables, l’institu-tion et le singulier. Tenter de subvertir le discours du «tous pareils», du maître social. Lieu qui se singularise par l’ouverture qu’il s’efforce de produire pour que chacun puisse inventer sa solution, pour que chacun puisse traiter son insupportable, pour que chacun puisse s’inscrire dans l’Autre à sa façon, pour nouer comme il peut, comme il le peut, les cercles de son univers.»

Bernard Seynhaeve est psychanalyste et directeur de l’institution le Courtil, à Leers, Belgique

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Le Portail, une institution à réorganiserUn cas d’école proposé au regard de divers intervenantsComité de rédaction de Pages romandes

Créée dans les années 70 par une associa-tion de parents, la Fondation Le Portail est située entre deux villes de moyenne importance. Elle accueille 250 personnes handicapées mentales, dont un tiers vit à domicile. Les deux autres tiers sont ac-cueillis en foyer où ils résident à l’année.L’occupation proposée en journée s’appuie sur la valorisation des rôles sociaux, prin-cipalement par le travail. Ainsi une ving-taine d’ateliers créent des produits pour différents clients.L’encadrement est assuré par des pro-fessionnels qui occupent 200 postes de travail. Ceux-ci se répartissent dans les secteurs administratif, hôtelier et d’accom-pagnement socioéducatif, principalement autour des professions d’éducateurs, de maîtres socioprofessionnels et, dans une moindre mesure, de psychologues et de physiothérapeutes.En 2002, l’organisation administrative de l’établissement a connu un changement im-portant au travers de sa certification qualité. Aujourd’hui la Fondation répond aux nor-mes ISO 9001. Depuis 2008, le finance-ment du budget annuel de l’établissement (de 20 millions de francs) est assuré par le canton, dans le cadre de la RPT.

Des enjeux

Taille de l’institution où tout est re-groupé;

Défense de la profession des éducateurs face à l’arrivée des CFC sur le marché du travail;

Chiffre d’affaires lié à la production des ateliers;

Place à occuper dans la nouvelle péré-quation financière;

Développement de partenariat avec des associations.

Des questions

1.- Associations défendant les intérêts des usagers:«Dans le cadre de la réorganisation de l’ins-titution "Le Portail"vous êtes invités à faire

connaître les souhaits de votre association; les dimensions que vous aimeriez voir prises en compte; les réalisations qui vous parais-sent indispensables pour assurer aux per-sonnes que vous représentez, une meilleure qualité de vie et de citoyenneté.»

2.- Responsable de démarche Qualité:«Les équipes socio-éducatives du "Portail" se plaignent de la lourdeur administrative du système Qualité. Comment gérer les ressources dans un tel contexte et com-ment améliorer le système Qualité?»

3.- Approche sociocratique:«Vous êtes appelés à mettre en pratique le modèle de la “sociocratie” dans l’organisa-tion de l’institution "Le Portail". Quelles sont les démarches que vous allez entre-prendre?»

4.- Institut de formation:«Vous devez former les cadres de l’institu-tion "Le Portail". Quelles sont les priorités que vous définiriez pour mettre en place ces cursus de formation?»

5.- Intervenant québécois:La fondation "Le Portail" vous est confiée en vue de désinstitutionnaliser ses rési-dents. Comment procédez-vous?

Dans le but de cerner le plus concrètement possible les enjeux liés à la conduite d’établisse-ments à caractère social et d’explorer les différen-tes approches managé-riales dans ce domaine, le comité de rédaction a imaginé la situation emblématique ci-après. Ce cas d’école a ensuite été présenté à différents intervenants, assorti de questions spécifiques. Association d’usagers, parent d’enfant autiste, chef de service Qualité, directeur d’institution, responsable de forma-tion de cadres; autant de visions exposées dans les pages qui suivent. Sans oublier l’appro-che sociocratique et la démarche québécoise de désinstitutionnalisation.

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Le comité de Solidarité-Handicap mental, comprenant des personnes en situation de handicap, des parents et des professionnels, a pris le temps de rêver au renou-veau du «Portail». Etant à la veille d’ouvrir une nouvelle structure, ce rêve a frôlé de près notre future réalité, sans pour autant nous censurer dans notre rôle de défense des usagers et des familles! Premier cri du cœur: partager en quatre l’institution «Le Portail»: quatre lieux distincts, et peut-être davantage d’ap-partements ou de petites structures collectives en ville.

Deuxième cri du cœur: plus d’activités! Durant la jour-née, notamment pour les habitants polyhandicapés ou souffrant de troubles du comportement, mais également en soirée ou en week-end… Vive la création d’un centre de loisirs! Ouvert à tous, qui propose des loisirs diversi-fiés et adaptés aux intérêts des habitants (et pas seulement pour les personnes les plus autonomes!) en soirée, le week-end, avec du personnel accompagnant de qualité et en suffisance. Ajoutez à l’attention des couche-tard et des personnes dépendantes, un service de «bus pyjama»!

Troisième cri du cœur: des prises en charge adaptées aux personnes qui souffrent de troubles du comportement, aux personnes atteintes d’autisme, avec du personnel for-mé, plus aguerri, plus enthousiaste, plus résistant!Un peu de calumets… mais pas trop! O.K. pour des ate-liers protégés, aptes à donner une identité de travailleur à celles et ceux qui en ont besoin et pour qui cela a du sens. Pour d’autres en revanche, pourquoi ne pas remplacer les ateliers par des activités temps libre? Bien-être, détente, activités pédagogiques, culturelles; activités sportives ou créatrices. En gros, plus de diversité! Plus de temps partiel également, même si c’est difficile à organiser, notamment pour les personnes résidant en ville.

Se sentir comme à la maison: pour un habitant du «Por-tail», où est son «chez soi»? Sans doute, principalement dans sa famille s’il en a une. Mais pourquoi ne pas favoriser au maximum tout ce qui peut contribuer au fait de se sen-tir «comme à la maison»? Choisir les menus du soir, faire le repas ensemble, participer à l’aménagement des lieux. Mais aussi participer aux décisions de la structure: besoin d’agrandir? Modifier l’accompagnement des personnes âgées? Prévenir la maltraitance? Faire le programme du Centre de loisirs? Mieux connaître l’offre des organismes extérieurs? Rencontrer les nouveaux collaborateurs, ou pourquoi pas (soyons fous!) les candidats? Qu’en pense-raient les habitants du «Portail»?

Vivre décemment: augmenter le montant vaudois pour les dépenses personnelles, qui atteint aujourd’hui 240 francs par mois. Les habitants qui ne disposent réellement que de cette somme agrémentée d’un maigre «salaire», res-tent dépendants de leur famille qui paie à leur place. Dans ce cas-là, est-il bien raisonnable de parler d’autonomie?

Un soupçon de liberté: accorder aux travailleurs une demi-journée de libre hebdomadaire pour faire ce que l’on doit ou ce que l’on veut: se rendre chez le coiffeur ou chez son gynécologue, mais aussi faire des courses, regar-der un film tout seul, se reposer…

Rester un individu au sein d’un collectif et devenir un citoyen actif au sein du collectif: favoriser le droit à la parole, former à la critique, prévoir des instances où se plaindre sans risque, expliquer les droits et les limites. Pro-position valable pour les habitants ET les familles!

Et en vrac….Basta avec la culture de groupe! Va pour la fourchette verte, mais plus de crème dans les mille-feuilles quand il le faut! Former au choix, valoriser le choix, encourager le choix! Et après tous les grands principes, penser à couper les ongles! Engager davantage d’auxiliaires de santé qui ont les capacités et la patience pour dispenser des soins de base: couper les ongles, boutonner le pantalon, fermer la veste en hiver, nettoyer les oreilles! Ça compte aussi!!!

Le comité de Solidarité-Handicap mental souhaite bonne chance et bon courage à la direction du «Portail» et pro-pose solidairement ses services pour venir peindre la mer sur le mur en face du portail!

Un portail, avec vue sur la mer...Ou quand les usagers se prennent à rêver l’institutionLes rêveurs de Solidarité-Handicap mental, Lausanne: Claude Kosinski, Jean-Daniel Jossevel, Elisa Russo, Arnaud Bouverat, Kirsten Gigase, Valbert Pichonnaz, Marina Vadnaï, Isabel Messer

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Les attentes de parents face à l’institutionUne histoire d’état d’espritPour Autisme Suisse romande, Olivier Gallay, parent d’un enfant souffrant d’autisme

Laissez-moi, l’espace d’un instant, m’imaginer architecte… Je me vois rencontrer de nouveaux clients; je les observe, j’écoute leurs besoins, je m’in-forme de leurs habitudes, de leurs vœux et, comme j’ai du métier, voilà qu’une maison s’esquisse, se dessine déjà dans ma tête. Mes compétences au service de leurs besoins… un beau rêve, non?

Faut-il la construire, cette piscine?

Seulement voilà – il fallait que cela tombe sur moi – mes clients sont d’un genre… plutôt versatile; ils changent de jour en jour, presque d’heure en heure. Ils vou-laient beaucoup d’espace et de lumière, ils me demandent maintenant un lieu bien fermé, rassurant; ils avaient absolument besoin d’un jardin, ils n’en veulent plus. Idem pour la piscine… Soit, je me remets au travail, je redessine tout, lorsqu’un té-léphone m’interrompt pour me dire que, tout bien réfléchi, il serait quand même bon qu’il y ait une piscine… Je respire un grand coup: surtout ne pas s’énerver. Mais, mille tonnerres, d’où peuvent bien venir des personnes aussi particulières ?

Les personnes souffrant d’autisme sont ainsi faites. Elles peuvent se métamor-phoser de jour en jour, presque d’heure en heure. Elles sont à la fois cruellement limitées, incapables d’accomplir des tâ-ches qui devraient relever de l’évidence, et, en même temps, douées d’un poten-tiel surprenant. Elles montreront des ca-pacités certaines au travers d’une activité qu’elles s’avéreront incapables d’effectuer le lendemain. Elles feront d’immenses progrès en piscine durant plusieurs se-maines et refuseront un jour d’y entrer, sans même que l’on puisse deviner pour-quoi. Alors, faut-il la construire cette fa-meuse piscine?

Une affaire de personnes, non d’infrastructuresQue l’on dessine une maison ou que l’on redéfinisse les contours d’une institution, la démarche est la même: on désire savoir ce que l’on veut, ce dont on a besoin. On construira ce qui est utile, nécessaire et, par la suite, on en fera usage, on le «ren-tabilisera». Les parents d’enfants autistes n’entendent pas ce langage. Eux, depuis que leur enfant est tout petit, sont rom-pus aux changements, à l’imprévu. Ils ont l’habitude d’essayer, de tâtonner, d’ache-ter à grands frais du matériel qui, fina-lement, ne servira que peu, d’aménager inutilement une salle de jeu à des fins thé-rapeutiques pour se retrouver à utiliser la salle de bain… Ils savent que, souvent, il suffit de pas grand-chose, associé à beau-coup de patience, d’amour et de foi. Alors qu’attend-on d’une institution? Qu’elle ait un jardin potager, une piscine, des chambres avec télévision… qu’elle soit grande, petite?Peu importe. D’abord parce que l’enjeu tourne autour d’un état d’esprit et que celui-ci est difficile à programmer et à chiffrer. Il est affaire de personnes, non d’infrastructures. Les parents qui auront à confier un enfant souffrant d’autisme feront part d’un immense espoir: que leur enfant soit compris, rejoint, aimé.

Dans le cadre de la réorganisation de l’ins-titution «Le Portail» (cf. page �), Autisme suisse romande, sous la plume d’Olivier Gallay, nous fait connaître les souhaits de parents d’enfants souf-frant d’autisme. Quelles sont les dimensions qu’ils aimeraient voir prises en compte, les réalisa-tions qui leur paraissent indispensables pour assurer à leurs enfants une meilleure qualité de vie et de citoyenneté?

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Que celles et ceux qui en auront la charge l’acceptent comme il est, tout en ne cessant de discerner son po-tentiel, sa capacité de progresser… bref, tout en ne cessant de croire en lui. A l’inverse, ils craindront que ses comportements indésirables, ré-pétitifs, soient si éprouvants pour le personnel que leur enfant soit finale-ment «pris en grippe», laissé de côté, occupé… voire «calmé» à l’aide de médicaments.

Une prise en charge basée sur le partenariat avec les parentsL’institution leur dira: «Laissez-nous faire maintenant. Vous avez énor-mément donné, vous êtes épuisés. Lâchez donc prise et faites-nous confiance: tout va bien se passer». Certes. Mais, ayant mis des années à rejoindre laborieusement leur en-fant dans sa vie et son quotidien, les parents douteront que des pro-fessionnels, même dûment certifiés, puissent, en quelques semaines, comprendre leur enfant et lui don-ner la sécurité dont il a besoin. Ils sa-vent bien que, la plupart du temps, le personnel est si «hautement qualifié» qu’il n’a jamais le réflexe – ou l’hu-

milité – d’appeler les parents pour dire ce qui ne va pas dans le lieu de vie ou dans l’atelier… Comprendra-t-il que ces derniers sont au bénéfice d’une expérience extrêmement poin-tue, irremplaçable, de leur enfant, et que seule une collaboration avec eux pourra, au début surtout, assu-rer le succès de la prise en charge? On ne peut confier un jeune souf-frant d’autisme comme l’on confie un autre enfant… et nous sommes là au cœur de la problématique que rencontrent la plupart des parents concernés.

Et alors, cette piscine, il faut la construire ou pas? Mais oui, il faut la construire! Vous nous demandez, à nous parents d’un enfant souffrant d’autisme, «quel-les sont (je cite) les dimensions que nous aimerions voir prises en comp-te, quelles réalisations nous parais-sent indispensables». Vous nous demandez ce dont nous avons besoin… Nous vous répon-dons: de tout. De tout, comme le peintre a besoin, sur sa palette, de toutes les couleurs, incapable de dire, lorsqu’il se met à peindre, les-

quelles lui seront nécessaires exac-tement. Evidemment, par les temps qui courent, il se trouvera imman-quablement quelqu’un pour s’asseoir à côté dudit peintre et pour lui faire remarquer que, durant l’année écou-lée, il n’a que peu utilisé les couleurs mauve, vert pâle et turquoise de sa palette… et que, par conséquent, il pourrait tout aussi bien s’en passer pour ses travaux à venir, permettant ainsi une économie substantielle qui n’entraverait en rien son activité ar-tistique…Il faut savoir alors si l’on parle d’une simple activité, rentable, ou si l’on parle d’un art. A l’évidence, la prise en charge d’un autiste relève de l’art, elle demande des moyens apparem-ment disproportionnés, elle ne de-mande rien d’autre que la totalité de la palette… que ce soit en moyens humains, ou en infrastructures. Tout… pour être assuré d’avoir, au bon moment, le «pas grand-chose» qui, associé à beaucoup de patien-ce, d’amour et de foi, pourra faire de véritables miracles. Il n’en fau-dra pas moins, d’ailleurs, pour que celui ou celle qui souffre d’autisme puisse trouver un peu de sérénité, de confort et de joie de vivre.

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Sur la base du cas d’école proposé, quel éclairage puis-je modestement apporter sur une démarche Qualité qui est im-plantée dans cette institution type depuis quelques années (2002) et qui serait vécue par les équipes comme étant trop lourde et administrativement contraignante?

Rappelons que dans le cadre des institu-tions socio-médicales, les démarches qua-lité ont été notamment exigées, dès la fin des années 90, par des instances extérieu-res chargées de leur contrôle (administra-tions cantonales, assureurs, associations faîtières…). Ces contrôles se traduisent par des audits réguliers effectués sur site et basés sur la documentation existante dé-crivant le mode organisationnel en vigueur en fonction de critères fixés par la norme ISO1 et parfois complétés de standards que le secteur concerné s’est donnés (référen-tiels spécifiques). Or, cette exigence de traçabilité (se tradui-sant par un passage clé de la tradition orale - largement dominante au sein des éta-blissements de soins - à la tradition écrite) représente un changement de paradigme majeur dans les pratiques des profession-nels impliqués. Il n’est donc pas étonnant que ces der-niers se plaignent, en réaction, de «la charge administrative» supplémentaire que cela occasionne au détriment de l’ac-compagnement de leurs clients (patients, pensionnaires, etc.). Cette exigence re-présente, toutefois, une tendance lourde et incontournable du système de santé actuel à laquelle les prestataires de soins, de quelque bord qu’ils soient, ne peuvent se soustraire, en vertu des obligations lé-gales et assécurologiques qui leur sont fai-tes. Or, la démarche qualité apporte des solutions à ces contraintes. Il n’en reste pas moins qu’elle peut être vécue sur le terrain comme rigide et formaliste, ce d’autant plus si elle n’a pas été intégrée dans le quotidien des équipes impliquées et adaptée à leur contexte. C’est sans doute, en effet, le plus grand danger qui guette ce type de démarche

qui, au lieu de se fondre dans le vécu des professionnels, est un élément extérieur de plus, un corps étranger (…ou un jar-gon incompréhensible) qui se superpose à toutes les autres exigences du quotidien. A mon humble avis, lorsque les équipes se plaignent de leur système qualité dans les années qui suivent son introduction, c’est que la greffe n’a pas pris et que le système est vraisemblablement en échec!

Retour aux fondamentaux

Revenons donc aux fondamentaux. Il s’agit, en effet, de dédramatiser cette démarche qui ne fait, dans le fond, rien d’autre que de fournir un certain nom-bre d’outils de gestion aux professionnels impliqués. Elle se base sur des valeurs fondamentales qui touchent, d’une part, à l’implication de l’ensemble des équipes au projet de l’établissement (démarche participative) et, d’autre part, à l’éva-luation commune des manières de faire et de s’organiser pour valoriser le savoir-faire et le savoir être d’une équipe ou plus largement d’une institution, selon les principes de l’amélioration continue. A ce titre, elle renvoie les professionnels à leurs responsabilités en leur donnant les moyens de les assumer, ce qui, il ne faut pas se le cacher, peut provoquer de cas en cas des réticences…La valeur ajoutée principale de ce type de démarche est, donc, au moins double. Elle réside, d’une part, dans la construction d’un projet commun auquel tout un cha-cun, quelle que soit sa fonction - autant modeste que prestigieuse - puisse adhé-rer, se reconnaître et en tirer fierté. Mais, d’autre part, elle permet aux profession-nels impliqués de faciliter leur travail au quotidien. Les bénéfices qui en découlent sont en effet:

une harmonisation et une stabilisation des savoir-faire et des savoir être qui per-met de les valoriser par le biais d’un cor-pus documentaire (qui offre de la trans-parence et permet de clarifier les circuits, les responsabilités et les fonctionnements),

Démarche Qualité, une histoire de greffeLes questions à se poser en cas de rejet...Daniel Petitmermet, Chef du service Stratégie, Qualité et Organisation, Direction générale, CHUV, Lausanne

Les équipes socio-édu-catives de l’institution «Le Portail» (cf. page �), se plaignent de la lourdeur administrative du Système Qualité en vigueur dans leur établis-sement. Comment gérer les ressources humaines dans un tel contexte et comment améliorer le modèle organisation-nel? Il faut retisser les liens avec les pratiques professionnelles, répond Daniel Petitmermet, responsable de la Démar-che Qualité du Centre hospitalier universi-taire vaudois (CHUV).

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et qui favorise l’intégration rapide et la for-mation des nouveaux professionnels aux contingences et aux valeurs de l’institution concernée;

l’introduction d’une culture de la multi ou pluridisciplinarité en offrant des mé-thodes pour que les professionnels puissent dialoguer, se reconnaître et se respecter dans leur complémentarité;

la capacité à conduire des projets à ter-me, dans les délais, en fonction des objec-tifs fixés;

mais aussi la maîtrise de la gestion du changement et de la remise en question permanente des savoirs et des modes de prise en charge;

et finalement, et non des moindres, la prise en compte des besoins du client (pa-tient, pensionnaire et usager) par le biais notamment des enquêtes de satisfaction qui sont autant de moyens d’identifier les axes d’amélioration sur lesquels les équipes vont investir.

Rétablir les connexions avec la pratique professionnelleLe modèle organisationnel sur lequel se base toute démarche qualité est donc un outil puissant pour adapter les structures aux remises en question qui sont imposées par l’environnement. Mais cela pour autant que cet objectif soit gardé en première ligne et que l’approche soit la plus pragmatique et la moins dogmatique possible. Pour revenir à notre cas d’école où la dé-marche qualité s’est probablement em-bourbée dans un formel déconnecté de la pratique des professionnels, il y aurait lieu de repartir sur des éléments clés qui constituent le but et la mission de l’insti-tution, de revisiter la vision et les stratégies qui en découlent, d’associer le personnel à cette démarche réflexive et de l’encourager à trouver et proposer les axes d’améliora-tion - touchant directement leurs pratiques - sur lesquels un projet commun et fédéra-teur devrait pouvoir se développer. Ainsi, progressivement, la greffe devrait prendre … et, tout comme M. Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, la démar-che Qualité deviendra, tout simplement, le système organisationnel de référence de l’institution.

1 La norme ISO 9001 fait partie de la série des normes ISO 9000, relatives aux systèmes de gestion de la qua-lité, elle donne les exigences organisationnelles requises pour l’existence d’un système de gestion de la qualité.

Valeurs et managementJérôme Laederach, directeur Fondation Ensemble, Genève

Dans une «apologie des valeurs au service du management», parue dans le magazine Psychoscope, Jérôme Laederach, psychologue et directeur de la Fondation Ensemble1, à Genève expose le point de vue d’un dirigeant d’établissement social.«Le management doit laisser une place prépondérante aux valeurs fonda-mentales de l’institution, élément complémentaire au rôle du politique, qui doit en tenir compte et mettre à disposition les moyens nécessaires pour la prise en charge d’enfants en situation de handicap».«La prise en charge d’enfants en situation de handicap représente plu-sieurs défis pour l’institution et ses dirigeants. Si l’évolution de la po-litique sociale traduit la volonté d’une meilleure reconnaissance des besoins de l’enfant, tels que celui de son droit à l’intégration, la réalité nous démontre des points de vigilance et une réelle difficulté de mise en application, par les moyens financiers nécessaires à mettre à disposition certes, mais aussi par les possibles dérives du management institution-nel lui-même, inférées par cette même politique.Ces points de vigilance se situent à plusieurs niveaux: celui du difficile ancrage d’une véritable politique cantonale intégrative - pour ne pas dire encore inclusive; celui de gestions administrative et normative de plus en plus exigeantes, inscrites au cœur même de la mission institu-tionnelle - éducative, pédagogique, thérapeutique; celui enfin de l’im-pact de certaines décisions administratives relatives à la reconnaissance même des prestations données». (...)

L’administration normée: un obstacle?

«L’institution a vu sa charge administrative augmenter significativement ces dernières années. Si la récente contribution à la procédure de l’octroi de prestations en pédagogie spécialisée en est une des raisons, la mise en place de contrats de prestations et l’obligation de satisfaire à cer-taines exigences normatives en sont d’autres. Ce constat est sujet à de nombreuses critiques, émises principalement par les professionnels de terrain, arguant que leur principale mission réside dans l’encadrement de l’enfant en situation de handicap. Ces critiques doivent être enten-dues, pour que le risque d’une organisation où "l’usager est au service de la norme" soit écarté au profit d’une "norme au service de l’usager". Toute dérive de croire que l’institution répond à sa mission sur de seuls indicateurs quantitatifs et économiques doit être neutralisée par la dé-monstration que la dimension qualitative de la prestation prime et que l’exigence normative peur servir à cela.L’organisation institutionnelle doit faciliter les responsabilisation de chacun des acteurs, tant opérationnels que stratégiques, dans des pro-cessus assimilés de tous, tels les maillons d’une chaîne dont chacun connaît non seulement son rôle mais celui des autres, favorisant ainsi un fonctionnement homogène au service du véritable bénéficiaire, la personne en situation de handicap.» (...)Un cadre institutionnel qui s’appuie sur des valeurs fondamentales et comprend la prise en charge comme n’étant pas orientée sur les seules déficiences de l’enfant, mais mettant en exergue ses potentialités, repré-sente une probable résilience face à l’évolution de notre politique so-ciale. La priorisation et la généralisation de ces axes dans la politique de management s’imposent dès lors comme un phare, guidant la conduite du dirigeant.»2

1 Fondation en faveur des personnes avec une déficience intellectuelle2 Ce texte est composé d’extraits d’un article de Jérôme Laederach, «Valeurs et management», paru dans le périodique «Psychoscope» - Dossier «Psychologie et handicap» 7/2009 - pp 23-25

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C’est quoi ce business? David Claivaz, Administrative Dean, Business Programmes, Institut universitaire Kurt Bösch (IUKB), SionInterview réalisée par Marie-Paule Zufferey et Olivier Salamin, Sion

Y a-t-il lieu de prévoir des cursus de for-mation spécifiques pour les cadres du social? Le point de vue de David Clai-vaz, actuellement responsable du Mas-ter in Business Administration (MBA)* de l’IUKB, qui a lui-même eu l’occasion de diriger des entreprises privées.

Il nous semble, et cela a constitué le choix du thème de notre dossier, qu’il y a une tension, voire une opposition entre les concepts de «management» et de «social»?Dans le secteur privé, nous avons l’avantage d’outils d’évaluation du ré-sultat relativement simples: le chiffre d’affaires, le bilan d’exploitation, etc. Une des logiques essentielles de l’en-treprise est celle du retour sur investis-sement. C’est une pression, mais c’est aussi une source d’information qui conforte les choix du manager: «On ne tue pas les chevaux qui gagnent…» En tant que managers, nous dispo-sons d’une grandeur; nous savons, par exemple à l’aide d’un bilan comptable, si nos choix se sont révélés efficaces ou non. Dans le public, avec les subven-tions, l’équation n’est plus la même; c’est pourquoi il faut rester prudent lorsque il est question d’opérer un transfert des outils de gestion du do-maine privé au domaine public.Prenons l’exemple de la maîtrise des coûts. Dans le secteur privé, cette ap-proche est porteuse, puisqu’elle peut aider à générer un bénéfice qui va sa-tisfaire les actionnaires et pourra être utilisé, par exemple, à de nouveaux in-vestissements, alors que dans le secteur public, la maîtrise des coûts ne fait

sens que dans certaines conditions-ca-dre, par exemple la présence de mesu-res incitatives, comme la possibilité de ré-allouer un bénéfice.

Pour vous résumer, il ne serait pas pos-sible de «manager» le social?Au contraire, il y a un grand intérêt à transférer dans le management du so-cial des outils qui ont fait leurs preuves ailleurs. Lorsque vous prenez un avion et que vous arrivez à votre destination, songez au nombre d’instruments de management extrêmement pointus qui – de la conception de l’appareil à son exploitation régulière – ont rendu votre voyage possible. Il serait peu pragmatique de refuser le recours à de tels outils dans le domaine du social: simplement, leur transfert doit être opéré avec prudence.C’est un préjugé de croire qu’il n’est pas possible d’allier un service de qualité à un succès commercial; cette croyance génère beaucoup de limites inutiles. Filtrons les idées qui mar-chent dans le privé et définissons des critères de réussite clairs. Il s’agit en effet de ne pas oublier la finalité et de ne pas laisser la méthodologie prendre le pas.

On pourrait dès lors parler de gouver-nance plutôt que de management?La gouvernance introduit une dimen-sion éthique et morale que le mana-gement n’a pas obligatoirement: il est certes souhaitable d’introduire le souci de la gouvernance dans les institutions sociales, mais il existe des outils de ma-nagement tout à fait détachés de la no-

tion de gouvernance qui peuvent être utiles également dans le domaine du social.Le scandale «Enron» aux Etats-Unis a reposé de façon très percutante les questions de l’humain et de la morale dans les domaines de la gestion. Au ni-veau de la formation, la tendance ac-tuelle est de vérifier les principes éthi-ques dans toutes les branches qui sont enseignées.Cela dit, le management n’est pas une science exacte; c’est une pratique em-pirique qui s’ajuste en fonction des expériences. Par exemple, dans le do-maine de la gestion de la qualité, le ma-nagement s’attache à voir comment les systèmes qui ont fait leurs preuves dans les modèles industriels sont applicables aux services. C’est à cela que servent les théorisations: extraire des principes et les appliquer à de nouveaux contextes.

Le-la titulaire du MBA que vous orga-nisez ferait donc un-e directeur-trice capable de conduire «le Portail»?Evidemment. Un MBA pour une ins-titution de 200 employés; un deuxiè-me si celle-ci a beaucoup de moyens ou un secteur en développement, par exemple dans un projet de collabora-tion avec des entreprises.

Nous tenons pourtant le pari que vos étudiants ne connaissent rien au do-maine du handicap?Lukas Mühlemann, ancien PDG du Credit Suisse, a révélé aux médias qu’il avait un enfant souffrant d’un handi-cap. Ce haut degré d’implication per-sonnel n’a pas eu, à ma connaissance, le moindre effet sur ses choix de gestion, parce qu’il n’y avait pas de raison pour cela. Ce ne sont pas les circonstances personnelles, mais la finalité de l’entre-prise qui doit orienter le management. Vous pouvez avoir un dirigeant sans implication personnelle avec une pro-blématique et qui réalise un excellent travail; vous pouvez avoir quelqu’un

*Les MBA sont nés aux Etats-Unis après la Deuxième Guerre mondiale pour permettre aux officiers qui avaient passé des années sur le front plu-tôt que sur les bancs de l’université, de retrouver un emploi. C’est une formation rapide et pratique qui est un peu à l’encontre des habitudes de formation au niveau universitaire en Suisse. Un MBA permet l’acquisition de compétences pratiques sur 1 à 2 ans. Le coût du MBA de Bramois est de CHF 25’000.-

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dont la sensibilité à une cause est mani-feste et qui ne se montre pas à la hau-teur de la tâche... Un MBA développe les capacités d’adapter le management, d’établir des ponts entre les modèles théoriques et la pratique.

En bon manager, vous venez de réus-sir le coup marketing d’enterrer les formations qui aboutissent à un titre spécifique de directeur d’institution sociale!Un MBA peut sanctionner aussi bien des idiots que des génies, qui ne vont pas se distinguer seulement par l’objet de leur formation, mais également par leur profil personnel. Du coup, nous n’avons pas la prétention sans borne et peu pragmatique de penser que chacun peut acquérir toutes les compétences. Nous fournissons un bagage dans les domaines de la finance, des ressources humaines, de l’organisation, du marke-ting, du leadership et de la négociation; ensuite, il y a un choix de personne.Pour autant, je trouve qu’une forma-tion de directeur d’institution sociale a un rôle essentiel à jouer. Elle per-met l’identification d’un rôle qui n’est pas seulement celui d’applicateur des lois ou de distributeur d’argent. La valorisation de cette fonction n’en sera que plus forte et le directeur concerné rencontrera forcément moins de résis-tances.Ma crainte, c’est qu’une formation spécifique ne glisse vers «l’art pour l’art». Dans les formations hôtelières, on trouve le cas de figure qui conduit à un corps professionnel constitué qui ne permet plus de passages. C’est un risque de glissement vers la technocra-tie: la première année, vous formez des directeurs d’institution pour person-nes handicapées; la seconde pour per-sonnes handicapées des villes ou de la campagne; dans ce dernier secteur, de la montagne ou de la plaine, de l’adret ou de l’ubac, etc.L’idéal serait donc qu’un étudiant for-mé à la direction d’institutions sociales réussisse dans le secteur économique, nous aurions alors la preuve que le sys-tème de formation est bon.

Vous avez réglé le compte de la direction, reste celui des cadres intermédiaires…Une profession comme celle d’éduca-teur peut servir de base, car il n’y pas vraiment de perspective de carrière. L’incitation financière n’est donc pas la

seule motivation, l’accès à des respon-sabilités peut être un levier puissant. Il est important que les cadres intermé-diaires aient un rôle bien identifié et contribuent au progrès institutionnel.

De plus, au «Portail», les éducateurs trouvent que le système qualité est lourd... Evidemment puisque le système est jeune, sans standard précis, et qu’il a été imposé par la loi, sans doute dans une inflation nourrie par nombre de consultants agréés…Pour qu’un système qualité soit bien perçu, il faut que son exercice abou-tisse à des améliorations qui soient vi-sibles de tous. Il me paraît souhaitable que la personne qui a mis le système qualité en place ne soit pas celle qui va le suivre, de façon à permettre une évolution plus libre. La simple prati-que de l’approche qualité peut alors tendre vers une simplification bienve-nue.Dans le système qualité du «Portail», l’important, ce n’est pas tant les ob-jectifs que l’éducateur va fixer au ré-sident, mais ceux qu’il va poser pour lui-même. C’est un levier fort, évalua-ble, qui permet un jugement et la véri-fication d’un référentiel. Les objectifs resteront évidemment difficiles à fixer si le discours institutionnel n’est pas clair. On risque les effets de mode, la thématique annuelle ou la relativisa-tion. Quant aux objectifs que les éducateurs doivent fixer aux résidents, j’y vois l’idée de fixer des objectifs à son client, ce qui est un peu déroutant pour quel-qu’un qui vient du domaine privé, au même titre qu’un ratio de profession-nels aussi important pour un nombre de clients aussi réduit dans l’exemple du "Portail".Problème déroutant, mais qui peut avoir une solution. Je ne l’ai pas en ce moment, mais j’ai eu à relever des dé-fis similaires. J’ai connu une situation analogue alors que je dirigeais une école privée: pour que les élèves réus-sissent, il fallait leur fixer des objectifs. Mais les élèves - qui avaient choisi l’école comme on choisit un grand res-taurant - voulaient plutôt être servis à table. J’avais résumé la situation dans une image: vous êtes dans le meilleur restaurant du monde, mais vous êtes en cuisine, et ne mangerez que ce que vous préparez!

Le problème n’est-il pas que le social se laisse difficilement évaluer? Chaque fois que j’entends ce genre de réflexion, j’ai en mémoire la phrase de Kennedy: «Nous n’irons pas sur la lune parce que c’est facile, mais parce que c’est difficile!». Il faut rester modeste et ne pas perdre de vue que nous n’avons que très peu de recul sur l’utilisation des systèmes qualité dans le domaine social, une dizaine d’années tout au plus, même sur la question centrale des critères d’évaluation des services qui sont fournis.Mais nous avons bien réussi à aller sur la lune! Il suffit donc de chercher les bons indicateurs. Un raisonnement de ma-nager pourrait, par exemple, chercher à calculer l’espérance de vie moyenne dans les institutions ou les coûts géné-rés pour la prise en charge de maladies courantes chez une personne en situa-tion de handicap. Vous pourriez aussi comparer les frais généraux d’une insti-tution à l’autre; ce sont autant de critè-res qui peuvent faire avancer le mana-gement des institutions sociales et c’est le rôle des conseils d’administration que de les définir et de les évaluer.

Le Portail aurait ainsi une place à prendre dans le cadre de la nouvelle péréquation financière?Une place à prendre? Cette notion me hérisse le poil… L’offre crée évidem-ment la demande, mais quels sont les besoins? Comment évaluer le fait que vous y répondez? Voilà les questions que le «Portail» doit se poser. Il n’a ni à développer des services subventionnés dont ses résidents n’ont pas besoin, ni à revendiquer l’exécution de presta-tions que d’autres partenaires seraient à même d’offrir.

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«Le Portail» expérimente la sociocratieUn modèle de management dynamique et participatifBarbara et Jean-Pierre Zbinden*, Martigny

Avec un collègue, je suis invitée par Eric Duval, directeur de l’institution «Le Portail» à rencontrer le Conseil de fondation pour une présentation de la sociocratie en tant que modèle de management dynamique et par-ticipatif. Après les présentations d’usage, nous témoignons des raisons qui nous ont amenés à promouvoir ce type de gou-vernance. Sa pratique nous permet en effet d’expérimenter une mise en œu-vre réelle des principes d’empower-ment. De plus, notre intérêt pour les nouvelles approches environnemen-tales du handicap trouve dans le pos-tulat sociocratique, selon lequel toute problématique a des racines et des in-cidences dans une structure collective, l’ancrage d’une application des théo-ries systémiques. L’histoire et la vie du «Portail» sont en-suite commentées par le président de la Fondation. Une discussion s’engage sur les conciliations difficiles, voire utopiques entre les valeurs humanistes de l’institution et les restrictions fi-nancières de l’Etat en tant que bailleur de fonds. Aux contraintes budgétaires s’ajoutent des pressions sur le chiffre d’affaires des ateliers, les revendica-tions salariales et la multiplication de professionnels avec des niveaux de formation très différents. Comment intégrer dans un tel contexte la coopé-ration des personnes accueillies?

Les tensions sont des opportu-nités de changement

La tension vécue aux différents niveaux

pour relier les enjeux économiques et administratifs avec une vision éthique est considérée en sociocratie comme une source potentielle d’énergie nou-velle. Ni esquivée ni perçue comme un obstacle, elle est transcendée par les motivations les plus élevées des per-sonnes. En écoutant les membres du Conseil de fondation à ce propos, nous apprenons qu’ils portent en commun le rêve d’un monde dans lequel chacun occupe une place valorisée et valorisan-te, un monde dans lequel la fragilité ne fait pas peur, mais devient une oppor-tunité de développement, un monde qui veille au respect des différences, ga-rantes de la richesse et de la pérennité de la vie. "Le Portail" contribue à l’in-carnation de cette «Weltanschauung» en se dotant d’une mission de soutien à la participation sociale des personnes handicapées mentales par le travail et par une domiciliation intégrée à la vie de la région. Si à ce stade de nos échanges, certains membres du conseil font le lien avec le concept pédagogique de VRS, choisi par l’institution, d’autres ont besoin de davantage d’implications pratiques et demandent qu’on étudie le maillage de cette vision idéale avec la situation financière actuelle. À cette fin, ils nous montrent l’organigramme actuel. La polarisation idéal-réalité divise visi-blement les membres du conseil et le conflit ouvert n’est pas loin. Nous en concluons que le beau powerpoint sur la sociocratie attendra et proposons un exercice pratique. Après avoir listé ensemble les éléments de la réalité ac-tuelle permettant de nourrir leur idéal commun et ceux qui au contraire frei-nent ce mouvement, il est convenu de constituer un petit groupe d’amélio-ration, qui à partir de ce recensement va élaborer une proposition pour la gestion de la continuité de la Fonda-tion. Le groupe est composé du di-recteur, de deux membres du Conseil de fondation (le père d’une personne

handicapée mentale et le responsable administratif d’une entreprise locale) et d’un représentant des cadres (le chef du secteur accompagnement socio-édu-catif ). Leur proposition est présentée à l’ensemble du Conseil de fondation le mois suivant lors d’une seconde ren-contre pendant laquelle les personnes présentes décideront de sa mise en œu-vre sur la base du consentement, pre-mière règle de gestion sociocratique.

Le consentement1 stimule la co-créativité et la co-responsabilité

La proposition contient, entre autres, la restructuration du «Portail» sur le mode de gouvernance sociocratique. Elle est accueillie de manière diversifiée. Certains sont enthousiastes, d’autres se disent relativement satisfaits et d’autres encore s’avouent franchement scepti-ques. Un processus rigoureux est di-rigé par mon collègue, qui veille à une distribution équitable du temps de pa-role et au respect des étapes clairement différenciées de la méthodologie. On profite des objections des personnes moyennement satisfaites et sceptiques et à grâce à l’intelligence collective de ce groupe, on les utilise pour bonifier la proposition initiale. Ce soir-là, le Conseil de fondation décide donc, avec l’accord de tous ses membres, d’initier un nouveau plan de développement. Celui-ci prévoit l’inclusion progres-sive de la sociocratie dans son mode de management, moyennant toutefois un certain nombre de conditions soigneu-sement notifiées:

Intégration de l’ensemble des colla-borateurs, des personnes accueillies par la Fondation ainsi que des associations partenaires à cette dynamique;

Participation des personnes handi-capées au processus d’implantation de la sociocratie;

Mise en œuvre par étapes, soit pour commencer dans deux sites pilotes de l’institution;

* Formés en travail social et en pédagogie pour adultes, Jean-Pierre et Barbara Zbinden inter-viennent depuis plus de 25 ans dans diverses organisations en lien avec la thématique du handicap. Spécialisés en management sociocrati-que, ils promeuvent par le biais de la CORAASP (Coordination romande des associations d’action pour la santé psychique) cette méthodologie qui stimule la participation et le partenariat.

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Décisions prises dorénavant sur le mode sociocratique dans les deux sites pilotes;

Projet d’implantation de la so-ciocratie incluant les coûts, l’infor-mation et la formation du person-nel, des résidants de l’hébergement et des travailleurs des ateliers.La présentation de ce plan de déve-loppement à l’ensemble du personnel et aux personnes accompagnées par "le Portail" permet d’enregistrer quel-ques préoccupations supplémentaires et de décider que les deux sites pilo-tes seront: la direction et les ateliers intégrés, appelons-les de «Grand-Marché» et de «Francheville». Il est également convenu que des cours de sensibilisation à la sociocratie seront dispensés aux collaborateurs et aux résidants. Les animateurs des cercles des sites-pilotes bénéficieront d’une formation plus approfondie.

Le cercle de concertation2 clarifie les rôles et fonctions

Le principal problème d’une struc-ture hiérarchique classique est le cumul des fonctions d’orientation politique, d’exécution des tâches et d’évaluation des résultats. Les nombreux colloques instaurés par les organisations sociales visant la participation résolvent rarement la question d’une répartition de ces différents pouvoirs. Des frustrations concernant la communication, la clarté de fonctionnement et la coo-pération de chacun sont évoquées à tous les niveaux de l’organigramme, du Conseil de direction, aux collo-ques d’atelier, de foyers, en passant par l’assemblée annuelle des person-nes handicapées et jusqu’à la rencon-tre annuelle avec les organisations de parents et les partenaires sociaux du canton. C’est pourquoi, nous sug-gérons à la direction de prévoir une amélioration de l’organigramme et l’adjonction progressive pour cha-que unité de travail d’un cercle de concertation. Une élection, effectuée selon des modalités très précises et surtout sans candidat, permet de do-ter chaque cercle d’un second lien.

Le second lien3 introduit la communication ascendante

Lucie Faverger travaille à l’atelier

de «Grand-Marché». Elle a écouté avec intérêt le projet lors de la réu-nion d’information et se demande comment cela va modifier son quo-tidien. A sa grande surprise, lors de la première réunion du cercle des ateliers, elle est élue sociocratique-ment second lien, c’est-à-dire avec le consentement des MSP et de tous ses collègues d’atelier! Dorénavant elle pourra faire part des besoins et des demandes des travailleurs en si-tuation de handicap en participant à des réunions d’ateliers consacrées aux politiques en matière d’aide à l’inté-gration par le travail. Elle compte bien y faire entendre ses idées et cel-les de ses pairs. Etonnement aussi du côté du conseil de direction où c’est Marc Pannatier, le psychologue, qui a été élu second lien et qui accompagnera Eric Duval aux séances du cercle dit «général». Sa présence aux séances du conseil de fondation permet au directeur de se centrer sur sa responsabilité, faire descendre les informations liées aux décisions prises, conduire l’exécution des tâches et contrôler l’atteinte des résultats. La préoccupation de Marc Pannatier sera ciblée sur une commu-nication dite «ascendante». C’est à ce titre qu’il intervient d’ailleurs pour faire part du désir de ses collègues de mettre en place une démarche de recherche-action visant à associer les personnes qui n’ont pas l’usage de la parole à des processus de prises de décisions. Ce nouveau défi dans l’application de la sociocratie suscite spontanément quelques idées. Mais ce qui convainc surtout aujourd’hui le conseil de fondation à poursuivre l’expérience c’est la liste de toutes les idées de marketing émanant de tous les niveaux de l’institution pour po-sitionner plus fortement «le Portail» dans la vie socio-économique de sa région.

Bibliographie:Gilles Charest, La démocratie se meurt, vive la sociocratie, Ed. esserci, collection Ecoma-nagement.

Définitions1Le consentementLe processus de prise de décision basée sur le principe du zéro objection conduit un groupe à la formulation d’une dé-cision qui ne rencontrera plus aucune objection raisonnable de la part d’aucun de ses membres. Dans la plupart des or-ganisations, les décisions concernant les politiques générales de l’organisation sont prises soit de manière autocrati-que par un leader charismatique soit de manière plus large par la majorité des membres d’une équipe. Les deux prin-cipaux problèmes qui en découlent sont d’une part la frustration des minorités, qui risquent d’entraver la réalisation de la décision et d’autre part, le manque de prise en compte de l’expertise des per-sonnes confrontées sur le terrain aux conséquences pratiques d’une décision. Le consentement pallie les effets pervers du consensus.

2Le cercle de concertationLe cercle de concertation réunit les per-sonnes qui partagent un même but opé-rationnel dans le respect du concept, des règles et des objectifs institutionnels. Il détermine les objectifs annuels de l’uni-té, organise le travail et veille au déve-loppement des compétences de chacun de ses membres. Le chef de l’unité parti-cipe aux réunions du cercle de concerta-tion en y exprimant son avis comme les autres membres du cercle. Il veille à la prise en compte des contraintes de l’en-vironnement et à la faisabilité des déci-sions prises puisqu’il sera responsable de leur exécution. N’oublions pas qu’il peut s’objecter lui aussi! Il le fera d’autant plus facilement que la conduite d’un cercle est confiée à un(e) animateur(trice) assisté(e) d’un(e) secrétaire, élus tous deux selon le mode sociocratique.

3Le second lienLe second lien porte à la connaissance du cercle directement supérieur au sien les questions et les réalités des personnes pra-tiquement concernées par une décision politique. Le second lien garantit le droit à l’expression et augmente la confiance dans les instances supérieures.

Cet article est téléchargeable dans son entier, avec des exem-ples d’organigrammes sur le site de Pages romandes: www.pagesromandes.ch

La Coraasp propose des séminaires d’introduction à la sociocratie (voir l’an-nonce en 3e de couverture).

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Approche de la désinstitutionnalisation...Un changement de rapports entre les personnes handicapées et la sociétéDaniel Boisvert, directeur du CNRIS1 et professeur associé de communication sociale, Université du Québec

«L’histoire de la déficience intellectuelle devrait être l’histoire de ceux qui souffrent d’une déficience intellectuelle à cause, avant tout, des changements de leurs conditions de vie, des effets produits par celles-ci, des modifications dans leurs habitudes de vie, de l’impact sur leur droit à l’autodétermi-nation et de l’expérience de la difficulté de se faire une nouvelle image d’eux-mêmes et d’être perçus comme des personnes à part entière.» Bengt Nirje (2005)

«La désinstitutionalisation n’est pas une dé-marche propre à un pays ou à un continent, ni un processus qui s’adresse uniquement aux personnes présentant une déficience intellectuelle. Elle n’est pas non plus une panacée pour toutes les difficultés rencon-trées en institution. La désinstitutionalisa-tion est surtout la concrétisation de l’idée selon laquelle toute personne a le droit strict de vivre dans son milieu et de participer à la vie de sa communauté et que les personnes vivant avec déficience intellectuelle quittant l’institution ont généralement une meilleu-re qualité de vie. Les indicateurs les plus souvent observés chez ces personnes sont la diminution de l’anxiété, une socialisation accrue, une diminution des comportements excessifs, l’amélioration de l’autonomie fonctionnelle, l’amélioration de la commu-nication et des comportements sociaux. El-les vivent aussi plus de moments d’intimité et de confort physique et psychologique.

Dimensions de la désinstitutiona-lisationComprendre le sens profond de la désinsti-tutionalisation, c’est saisir les aspects multi-dimensionnels du phénomène parce qu’el-le est à la fois un idéal, un processus, un renouvellement des pratiques et une réalité sociopolitique.La première dimension renvoie à l’idéal que le mot véhicule. La désinstitutionalisation revêt la forme d’une idéologie parce qu’elle fait la promotion des droits fondamentaux

de tous les citoyens, sans distinction fondée sur leurs particularités ou leurs différences. La deuxième dimension met l’accent sur l’aspect dynamique qu’engendre un tel mouvement. La désinstitutionalisation est avant tout un processus qui concerne à plus ou moins longue échéance, la vie et l’avenir d’un nombre important de personnes que sont les usagers, leur famille, le personnel des institutions et les membres des collecti-vités, particulièrement celles de proximité.La troisième dimension met l’accent sur le renouvellement des approches d’inter-vention. La désinstitutionalisation signifie alors une remise en question des pratiques, des méthodes et des instruments qui s’y rat-tachent, en vigueur depuis de nombreuses années où les usagers hébergés en institu-tion étaient parfois perçus comme des in-dividus dont il fallait, souvent en groupe, «occuper» les journées. Les nouvelles pra-tiques des professionnels et des accompa-gnateurs ont pour but le développement de l’autonomie personnelle et l’utilisation des services courants de la société, intégration fonctionnelle, par une planification person-nalisée des services tout en tenant compte des besoins mais aussi des goûts et des désirs de chaque personne.La quatrième dimension de la désinstitu-tionalisation recouvre aussi une visée po-litico-économique car elle questionne les coûts liés au séjour des personnes vivant au sein de l’institution c’est-à-dire l’efficience des ressources humaines et matérielles uti-lisées pour ces personnes et l’effet de cette utilisation. Ces établissements sont aussi souvent considérés dans leur milieu comme des leviers économiques dont une des fonc-tions est quelquefois de soutenir l’économie locale et régionale. Bref, la désinstitutionalisation a comme vi-sée principale le changement des rapports entre les personnes dites handicapées et la société - incluant les intervenants ou profes-sionnels - par l’abandon du recours à l’ins-titution traditionnelle et par l’utilisation de services et de soins communautaires ainsi que de services d’adaptation ou de réadap-tation, dans tous les cas possibles.

«La fondation "Le Portail" vous est confiée en vue de désinstitutionnaliser ses résidents. Comment allez-vous procéder?» Voilà la question posée à notre correspondant québécois. Directeur du Consortium natio-nal de Recherche en intégration sociale (CNRIS), Daniel Boisvert répond à la demande de Pages romandes avec beaucoup de clarté, de pertinence et d’exhaus-tivité. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la démarche de désinstitutionnalisa-tion, sur les idées qui la sous-tendent et sur les procédures nécessaires à sa mise en pratique...

1 Consortium National de Recherche en Intégration Sociale (CNRIS)

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Paramètres de la reconversion des services

La désinstitutionalisation des person-nes n’a de sens que si elle s’accompa-gne de la reconversion des services et si elle s’appuie sur un changement de paradigmes mettant l’accent sur les notions d’inclusion, d’équité, d’ap-propriation, d’autodétermination, de qualité de vie et de soutien provenant de la communauté.Pour ceux qui désirent procéder à un telle démarche, un premier tra-vail important à réaliser est de bien préciser le processus d’intervention dynamique permettant de clarifier l’expertise requise du personnel, le rôle des équipes interdisciplinaires, d’encourager leur contribution active ainsi que la participation de l’usager, de sa famille ou de son représentant et de développer un partenariat solide avec les autres acteurs impliqués qui seront dans les nouveaux milieux de vie.Mais d’abord, il importe de bien connaître certains paramètres de la situation future:

les besoins et désirs des personnes;la gamme complète des services re-

quis dans un nouvel environnement;les activités menant au départ des

usagers; et enfin, la sortie des usagers elle-

même. Cette dernière étape du processus est généralement planifiée à partir du projet de vie de chaque résident, de ses besoins et de ses intérêts, mais aussi à partir des éléments internes, tels que la préparation du personnel à ses nouveaux défis, les contraintes externes à son milieu de vie ou en-core, la disponibilité de ressources résidentielles. Au cours de ces étapes, les professionnels utilisent les plans d’intervention et de services indivi-dualisés pour guider les décisions… et elles seront légion!

••

Connaître les caractéristiques des personnes Cette étape consiste à connaître les caractéristiques et les besoins des personnes, permettant ainsi de dé-velopper des services adaptés et per-sonnalisés, ainsi que de définir les services résidentiels et les activités de jour et de soutien éducatif, profes-sionnel et spécialisé appropriés. La cueillette de données intègre des renseignements additionnels concer-nant les soins physiques prodigués, les déficits associés, les besoins en matière d’autonomie fonction-nelle, les troubles comportemen-taux et leur fréquence ainsi que les liens significatifs entretenus avec la personne.

Concevoir de nouveaux services En raison des caractéristiques des personnes, les nouveaux services doi-vent tenter de répondre aux besoins résidentiels, aux demandes d’activi-tés de jour et aux soutiens éducatif, professionnel et spécialisé des per-sonnes présentant une déficience in-tellectuelle. Cette étape permet d’en élaborer un design et d’identifier le profil de la main-d’œuvre souhaité pour les services définis et finalement d’identifier les besoins de formation du personnel.

Planifier et actualiser les actionsLa planification consiste à déterminer les priorités et établir des stratégies d’accompagnement des usagers, ce qui permet d’identifier les groupes d’usagers devant quitter l’établisse-ment à chaque étape du projet d’inté-gration et de redéployer les ressources de l’institution. L’actualisation du processus pose certains défis. En voici quelques-uns:

suivre un rythme soutenu des réunions (interdisciplinaire, PSI, dis-cussion de cas) et y participer tout en organisant le départ des personnes;

bonifier ou enrichir rapidement les évaluations initiales et procéder à des observations plus systématiques;

conjuguer avec des informations significativement différentes ou nou-velles, à la suite de nouvelles évalua-tions de besoins;

mobiliser les équipes des milieux de vie et impliquer encore plus les employés de nuit;

s’assurer de la présence des mêmes intervenants dans les réunions du PSI et entre les rencontres;

respecter les plans d’intégration décidés lors des réunions PSI tout en permettant l’ajustement nécessaire à un équilibre avec le nouveau milieu de vie;

poursuivre harmonieusement les activités du processus d’intervention malgré le roulement de personnel.

Certaines règles sont incontourna-bles pour augmenter les chances de succès de cette entreprise. Par exem-ple, la participation à divers groupes de travail et le respect des ententes de travail semblent particulièrement importants. Il serait indispensable de:

s’assurer de l’implication de tous les groupes constitués de l’institu-tion (conseil d’administration, ges-tionnaires, syndicats, travailleurs, comité des usagers, etc.) au proces-sus de changement et que l’ensem-ble de ces groupes s’engage envers la personne présentant une déficience intellectuelle et son intégration à la communauté;

respecter le cadre des dispositions tenant lieu de convention de travail;

prévoir des programmes de mise à jour des connaissances des tra-vailleurs en vue de les impliquer davantage dans le processus d’inté-gration et de réintégration sociale et d’en assurer la réussite;

informer et soutenir la démarche des usagers et des parents.

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Un seuil à franchir...Pour une structure du type «Le Por-tail», nous croyons que quatre comités pourraient être mis sur pied et animés par les divers directeurs.

D’abord un comité de coordination, consultatif à la direction de l’insti-tution, avec le mandat d’assurer la coordination fonctionnelle liée au processus d’intervention et à l’inté-gration des usagers, au programme d’information et d’accompagnement aux familles, au développement des nouveaux services, au suivi scientifi-que du projet ainsi qu’aux ressources matérielles et aux équipements.Un deuxième comité, que nous ap-pellerons ici comité sur les ressour-ces humaines aurait comme mandat l’élaboration des mécanismes régis-sant l’affectation des employés et leur perfectionnement. Il devrait aussi assurer la coordination fonctionnelle du projet liée au plan d’effectifs, à la dotation des postes, au transfert de personnel, à la formation et aux en-tentes avec les syndicats.Le troisième comité, comité sur la formation, s’assurerait de la planifi-cation de la formation, de concert avec les maisons d’enseignement et le quatrième, celui des finances serait chargé, entre autres, des discussions sur les coûts de transition.

Enfin un comité de monitoring, pour-rait s’assurer d’obtenir de l’informa-tion sur les impacts de la démarche de désinstitutionalisation en lien avec plusieurs paramètres: qualité de vie des usagers et des familles, le person-nel, la pratique professionnelle, les milieux de vie, etc. Ces informations pourraient notamment alimenter la réflexion des équipes et constituer une aide à l’ajustement des interven-tions individuelles.

Soutenir les employés

L’implication et la participation du personnel ne suffisent pas. La dota-tion du personnel ne peut se réduire au seul transfert d’employés sur de nouveaux lieux de travail. Un plan de formation ou de perfectionne-ment est souvent nécessaire aux personnels afin qu’ils soient en me-sure de soutenir et accompagner les personnes présentant une déficience intellectuelle et leur entourage dans un nouveau milieu de vie. Ce plan, de préférence individualisé, devrait faciliter l’intégration du personnel à son nouvel environnement de travail et lui permettre d’assumer leurs rôles dans un nouveau contexte d’inter-vention.Compte tenu des besoins, certaines activités de formation rejoignent un plus grand nombre de profes-sionnels; meilleure connaissance de la personne vivant avec une déficien-ce intellectuelle, intervention auprès des familles, fonctionnement en équi-pes de travail semi autonome, ainsi que différentes approches liées aux services et aux interventions. Certaines autres formations peuvent s’avérer utiles comme par exemple, l’utilisation de différents instru-ments d’évaluation, la prévention des comportements agressifs ou per-turbateurs, la gestion des situations de crise, etc. Enfin, des journées d’étude pour le personnel et/ou les partenaires, permettraient de déga-ger un bilan des activités passées et à venir et ajuster le «tir» pour les pro-chaines étapes.En dépit de la mobilisation du per-sonnel, les équipes doivent conti-nuer à fournir un service de qualité aux résidents demeurant toujours à l’institution. De plus, le personnel vivra certainement un sentiment de

deuil et ce, surtout à partir de l’éta-pe médiane du projet: les confrères, les consœurs et les usagers que l’on connaît et même affectionne ont quitté ou sont en voie de le faire. Les membres du personnel auront besoin d’être soutenus afin de main-tenir l’intérêt au travail au sein de l’institution.

Soutenir les familles

Même si les personnes présentant une déficience intellectuelle ont plus de chances d’apprendre et de développer de nouvelles habiletés et un nouveau style de vie, les familles ne partagent pas toutes le même sentiment positif en regard de la démarche de désinsti-tutionalisation. Beaucoup n’acceptent pas facilement le départ de leur proche de l’institu-tion et expriment plusieurs réserves. Elles ressentent de l’inquiétude, voire de l’incrédulité face aux objectifs du projet de réinsertion sociale. Aussi, les sentiments vécus lors de la première

Thèmes de formation qui sont les plus demandés de la part du personnel

Travail des professionnels dans de nouveaux milieux rési-dentiels;

Valorisation des rôles sociaux et son application concrète dans divers contexte de vie;

Relation d’aide au quotidien; Gestion des relations conflic-

tuelles; Plan de services individualisé

et le plan d’intervention; Intervention communautaire

et de réseaux;Approche positive face aux

difficultés comportementales; Modèle d’intervention avec

restrictions minimales; Approche préventive et inter-

vention contrôlée; Principes de déplacements sé-

curitaires pour les usagers; Soins immédiats en réanima-

tion cardio-respiratoire;Rédaction de notes significa-

tives au dossier de l’usager; Initiation à l’informatique et

à l’environnement Windows.

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séparation se ravivent, sentiments aussi déchirants que la culpabilité, la colère et la confusion. Plusieurs pa-rents considèrent depuis longtemps l’institution comme un milieu de vie permanent. Les parents et les proches ont besoin d’être écoutés afin qu’ils puissent s’exprimer.Dans un contexte de changement aussi important que celui de la désins-titutionalisation, il s’avère indispen-sable que les familles puissent parler de leurs préoccupations et leurs senti-ments. Ainsi, en favorisant les échan-ges et en mettant en place des moyens de communication, les familles peu-vent s’exprimer librement et se sentir impliquées dans le processus de relo-calisation de leur proche. Différentes mesures ou activités visant à soutenir la réflexion et la participation des fa-milles peuvent avantageusement être utilisées. Voici quelques suggestions:

Dépliant d’information portant sur le projet de désinstitutionalisation. L’objectif visé par le dépliant d’infor-mation est de faire connaître les prin-cipales activités de la désinstitutiona-lisation et de lancer une invitation à communiquer avec des personnes-ressources disponibles pour répondre à leurs questions.

Des personnes de référence assignées aux familles afin d’assurer la conti-nuité de l’information. Afin de personnaliser les rapports avec les familles et les proches, d’as-surer une cohérence de l’information et réduire le plus possible le nombre d’intervenants, une personne de réfé-rence peut être avantageusement assi-gnée à chaque famille. Leur rôle consiste principalement à créer des liens privilégiés avec les familles en logeant des appels télé-phoniques réguliers ou occasionnels, selon les besoins. La personne de référence (ou son associé) joue un rôle déterminant sur le plan de l’information, plus spécifiquement en agissant comme «courroie de transmission» entre la direction et les familles, en demeu-rant leur principal interlocuteur, en communiquant avec celles qui lui étaient désignées selon les modali-tés établies et en les accueillant et les accompagnant lors des séances d’in-formation.

Des appels téléphoniques et des let-tres personnalisés à chaque famille pour favoriser une approche basée sur les besoins et les attentes spéci-fiques. Une lettre personnalisée envoyée aux familles et aux proches dans le but de les inviter à une séance d’information est quelquefois un bon moyen de communication. Un appel téléphoni-que provenant de la personne de ré-férence devrait suivre l’envoi de cette lettre. Les familles apprécient généra-lement ce genre de contact. Ces appels servent à informer, à va-lider la compréhension du contenu de la lettre et à encourager la partici-pation des familles aux séances d’in-formation. Ils permettent la création d’un lien de confiance, lien qui s’avé-rera très bénéfique lors des séances d’information.

Des séances d’information organi-sées en petits groupes pour favori-ser les échanges. Des séances d’information peuvent être organisées pour les familles et les proches des usagers. Ces rencon-tres se font généralement par petits groupes. Elles visent à informer les familles concernant les étapes à ve-nir, à répondre à leurs questions et à leur permettre d’échanger avec des personnes ressource et d’autres pa-rents. Ainsi, personnaliser l’approche aux familles suppose de clarifier le sens du projet d’intégration et permet aux familles de suivre l’évolution de la condition de leur proche tout au long du processus.

La clé du succès, l’engagement individuel...La désinstitutionalisation n’est pas une fin en soi. Toutefois elle est un bon moyen de permettre l’intégration sociale. Bien évidemment, pour les personnes directement concernées, il s’agit d’une étape particulièrement importante, qui marque le début d’un parcours qui viendra façonner leur devenir. Toutes les précautions et les efforts consentis afin de réaliser cette intégration devraient concou-rir au plus grand respect possible des personnes présentant une déficience intellectuelle. Le départ des person-nes de l’institution vise à soutenir

leur épanouissement et à tirer profit de leur nouvelle existence.Enfin, rappelons que le succès d’une telle démarche repose surtout sur l’engagement individuel des acteurs impliqués et leur croyance partagée qu’aucune personne ne saurait être maintenue en situation d’exclusion, de retrait de la communauté sous pré-texte de ses déficiences ou incapacités. D’autres paramètres sont également garants de la réussite d’un tel projet:

la présence et l’action de ceux qui portent le message de ce projet en rappelant le sens de la démarche;

l’incarnation du projet dans un plan d’action systématique, rigou-reux et constamment suivi, mesuré et ajusté.

Quelques références

Hubert Gascon, Daniel Boisvert (2008). Un lungo cammino verso l’integrazione. L’evoluzione dei servizi alle persone por-tatrici di handicap mentale nel Québec. PSICHIATRIA DI COMUNITÀ: LA RIVISTA DEI DIPARTIMENTI DI SALUTE MENTALE Volume VII N. 1 Marzo 2008Boisvert, D., Gascon, H. (2005). Un pro-jet extraordinaire à dimension humaine: la transformation des services de l’Hôpital Saint-Julien. Presses Inter Universitaires: Québec.Boisvert, Daniel Ouellet, P. A. (1990). Désinstitutionnalisation et intégration so-ciale: L’expérience québécoise. In S. Ionescu (Eds.), Tome 2, L’intervention en déficience mentale: Manuel de méthodes et de techni-ques. (329-372). Bruxelles: Mardaga.Bolduc, M., et autres. (1988). L’intégration sociale des personnes ayant une déficience intellectuelle: bilan du processus vécu dans cinq centres d’accueil québécois de réadap-tation. Québec: MSSSBrown, Ivan. «Editorial: Time is Right for Closing Institutions», JOURNAL ON DEVELOPMENTAL DISABILITIES, volume 11, no. 2, 2004, p. vii-xii.Pilon, W, et autres (1994). Le passage de l’institution à la communauté et son impact sur la qualité de vie et l’intégration sociale de la personne présentant une déficience in-tellectuelle. Conseil québécois de la recher-che sociale: rapport de recherche.

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Valoris en SuisseDes institutions valaisannes partenaires d’ un projet européenMarie-Paule Zufferey, rédactrice

Commençons par le commencement. Dès 1983, un certain nombre de per-sonnes soucieuses d’améliorer la qualité des prestations dans les établissements sociaux et médico-sociaux, s’intéressent à l’évaluation institutionnelle. Parmi elles, des professionnels de l’action sociale, des bénévoles, des universitaires, ainsi que des représentants de l’administration sanitaire et sociale. En 1986, le groupe crée à Genève le «Co-mité européen pour le développement de l’intégration sociale» (CEDIS), association à but non lucratif, dont le siège est trans-féré en France en 1991.

Le CEDIS dans tous ses états

Comme sa genèse le laisse pressentir, le CEDIS est attaché à des valeurs huma-nistes qu’il s’efforce de promouvoir par l’information, la formation et l’évaluation. Cette association militante «œuvre en faveur des personnes en difficulté d’inté-gration sociale, quelles qu’en soient les rai-sons», afin de «prévenir l’exclusion sociale, restaurer les liens actifs de solidarité et dé-fendre les libertés, les droits et les intérêts des personnes en difficulté»1.Le «Comité européen pour le développe-ment de l’intégration sociale» s’est fixé des finalités:

promouvoir le respect, la dignité et l’autonomie de la personne humaine;

développer ses potentialités, sa qualité de vie, son intégration sociale;

l’accompagner dans sa participation à la vie de la cité.

Pour servir ses objectifs, le CEDIS s’ap-puie sur le concept de Valorisation des Rôles Sociaux (VRS)2.C’est sur la base de ces outils qu’une équi-pe du CEDIS construit, en 2004, une méthode d’évaluation de la qualité des services à l’usage des dispositifs sociaux et médico-sociaux qu’elle appelle VALORIS et qu’elle diffuse largement en France et dans les pays francophones de la Com-munauté européenne.

De VALORIS à VALORIS - T.I.Q.S.S.

Au moment d’élaborer une nouvelle version de VALORIS (qu’il s’agissait de réactuali-ser), le CEDIS a souhaité associer d’autres partenaires à la démarche. C’est ainsi que l’Espagne, l’Estonie, la Pologne et (plus tard) la Suisse, ont rejoint le programme. Ce projet, nommé «VALORIS - T.I.Q.S.S.» (Training for improvment of the Quality of Social Services) consiste à mettre l’outil «VALORIS» à disposition d’autres pays européens afin qu’ils l’apprivoisent, l’ex-périmentent, l’adaptent et l’adoptent au sein de leur propre structure dans le but de proposer des prestations de meilleure qualité aux usagers. Soumis à la Commission européenne dans le cadre du transfert d’innovation Léo-nardo da Vinci, le projet est accepté. Pour les partenaires européens, l’aventure peut commencer...

La Suisse, partenaire silencieux

Deux structures valaisannes - La Fonda-tion en faveur des personnes handicapées mentales (FOVAHM) et l’association Valais de Cœur - décident de prendre le train en marche. En mai 2008, ils intègrent le programme qui en est à sa troisième ren-contre. Leur participation est financée par le «Secrétariat d’Etat à l’Education et à la Recherche».Pourquoi ce statut de partenaire silencieux? «Parce que nous ne faisons pas partie de l’Europe, tout simplement», explique Pas-cal Zufferey, directeur de Valais de Cœur et l’un des trois membres de la délégation suisse. «Pour autant, nous n’étions pas de simples observateurs. Notre participation a été bien réelle et très concrète».Une version européenne et enrichie de l’outil VALORIS sortira de ces expérimen-tations; version qui sera, au terme du pro-gramme, disponible aussi bien en français qu’en anglais, en allemand, en espagnol, en polonais et en estonien... Le projet prévoit que la dissémination et la valorisation de la méthode se feront par

En direct du Valais

*Valoris - T.I.Q.S.S. (Training for the im-provement of the Qua-lity of Social Services) est une méthode euro-péenne d’évaluation de la qualité des services à l’usage des dispositifs sociaux et médico-sociaux, élaborée par le «Comité européen pour le développe-ment de l’intégration sociale» (CEDIS).

Cet article offre un pro-longement intéressant à notre réflexion sur le management du social. Par sa dimension euro-péenne, le projet Valoris T.I.Q.S.S.* ouvre en effet des perspectives pro-metteuses en termes de processus d’accompagne-ment fortement ancrés sur des valeurs com-munément définies par l’ensemble des pays de la Communauté. Axée sur la vie quotidienne et les pra-tiques de terrain, la mé-thode présente en outre une excellente capacité d’adaptation aux diverses approches culturelles.

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le biais de conférences et de séminai-res organisés dans leurs pays, par les différents partenaires (voir encadré, en fin d’article).

Une méthode de plus pour évaluer la qualité?Avec les critères «OFAS/AI 2000», mis en place par l’Office fédéral des assurances sociales, il semblait que les institutions suisses étaient valable-ment dotées en la matière. Pourquoi se tourner aujourd’hui vers un autre modèle?«Avec la mise en œuvre de la RPT3, explique Véronique Goy Gay-Crosier, responsable de secteur à la FOVAHM et membre de la délégation suisse au sein du projet VALORIS - les cantons sont chargés d’assurer le financement des institutions et partant, de veiller à la qualité des services. Ce sont eux, en fin de compte, qui décideront de reconduire la méthode actuelle-ment en vigueur au-delà de 2011, de l’adapter ou d’en changer. En vue de cette échéance, les cantons latins sou-haitent adopter un SMQ uniforme et éventuellement confier la certifi-cation à une instance spécialisée dans la certification des systèmes de ma-nagement. Les institutions sociales vont étudier l’opportunité de mettre en œuvre des critères de contrôle et des instruments d’investigation com-muns. C’est dans le cadre de cette ré-flexion et comme base de travail que nous désirons proposer la méthode VALORIS».

Des avantages de VALORIS...

«Si les critères OFAS/AI 2000 sont intéressants et très utiles dans l’éva-luation de domaines particuliers, précise Giselle Roduit, responsable de secteur à la FOVAHM et autre membre de la délégation suisse, cela ne constitue pas une méthodo-logie de travail. Ce qui est le cas de VALORIS. La méthode, très ancrée sur les valeurs définies notamment par la VRS2, permet d’évaluer de façon continue toutes les prestations, dans tous les domaines». «Avec OFAS/AI 2000, résume Véroni-que Goy, on se fonde sur des indica-teurs documentaires; avec VALORIS, on est sur le terrain...». De fait, dans le cadre de leur forma-

tion, les trois membres de la déléga-tion suisse ont participé à des évalua-tions de structures, façon VALORIS: «Nous mangeons avec les résidents, nous observons les gestes éducatifs quotidiens, nous procédons à des en-quêtes de voisinage, nous vivons les journées de travail avec les usagers... Bref, pendant 3 à 4 jours, nous récol-tons des faits, que nous classons ensui-te selon les items de la méthode et que nous échangeons entre évaluateurs. Avec l’objectif de déterminer si les faits correspondent bien aux pratiques déclarées...» Afin d’évaluer la qualité des pres-tations proposées aux usagers des services sociaux et médico-sociaux, VALORIS-T.I.Q.S.S. a défini six sec-teurs d’évaluation:

intégration physique des disposi-tifs au sein de leur environnement;

intégration sociale des usagers;développement de la personne;pertinence et cohérence des pres-

tations;développement d’une politique

d’ouverture des dispositifs;amélioration des techniques de

management.«C’est un outil extraordinaire en termes de mise en place de projets», ajoute Pascal Zufferey, directeur d’un établissement qui se dote actuelle-ment d’une nouvelle structure. «Cela m’a permis de vérifier la pertinence de certains choix comme le nom, l’im-plantation géographique ou encore la proximité de transports publics». «Une fois entrés dans le processus, conclut Giselle Roduit, la posture des professionnels change; les réflexes s’aiguisent et le questionnement de-vient permanent».

Un outil d’évaluation complet, européen et à usage multipleAprès deux années d’expérimenta-tion dans plusieurs pays d’Europe, VALORIS - T.I.Q.S.S. a intégré les orientations et directives de la Commission européenne, ainsi que les obligations inscrites dans les dif-férentes lois nationales concernant les droits et les chances, la participa-tion et la citoyenneté des personnes handicapées. En outre, en prenant en compte l’équivalent culturel valorisé, la métho-de a fait la preuve de son haut degré

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d’adaptabilité aux différentes appro-ches culturelles. Ces qualités, ajoutées à sa philoso-phie originelle, font de VALORIS - T.I.Q.S.S., un outil d’évaluation très complet, qui propose à la fois:

un référentiel de valeurs et de concepts pour l’élaboration de projets;

un guide de bonnes pratiques professionnelles, adaptable pour tout établissement et service du secteur;

un outil d’évaluation interne (auto-évaluation);

un outil d’évaluation externe à la disposition d’évaluateurs formés et dûment mandatés;

un support de formation initiale ou continue.A ce stade, VALORIS - T.I.Q.S.S. ap-paraît comme un prolongement de la VRS2 dans le champ de la pratique. La plupart des établissements romands pour personnes handicapées se récla-mant déjà de ce concept disposeront désormais, s’ils le désirent, d’un outil permettant de mesurer le degré réel d’application de ces valeurs fonda-mentales au sein de leurs structures...

1 Extraits de la présentation du CEDIS par lui-même sur le site: www.cedis-europe.org2 La VRS est apparue dans le domaine des services aux personnes handicapées en Amérique du Nord et en Eu-rope dans les années 80. Elle fut précédée par un autre principe, celui de la normalisation, qui apparut com-me un des concepts des services humains vers la fin des années 60 en Scandinavie et en Amérique du Nord. Il a depuis lors été élaboré et systématisé, plus particuliè-rement, par le professeur Wolfensberger en Amérique du Nord, qui en a fait un principe directeur universel pour concevoir et diriger toutes sortes de services. 3 Réforme de la péréquation financière et de la réparti-titon des tâches entre la Confédération et les cantons. La mise en place de la RPT devrait être terminée en 2011.

La FOVAHM, Valais de Cœur et leurs partenaires européens organisent un séminaire de présentation de la méthode VALORIS

Mercredi 7 octobre 2009

à la HES-SO Valais/Wallis à Sierre

Inscription et programme sur le site

www.fovahm.ch

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Pour ce travail, j’ai souhaité me pencher sur la représentation de la féminité qu’ont les femmes déficientes mentales. Plusieurs dames que je côtoie dans mon cadre pro-fessionnel me semblent préoccupées par les images liées à la femme. Je sens, de leur part, un réel intérêt pour l’image que l’on renvoie en tant que telle. En revan-che, je constate que, bien souvent, elles n’y correspondent pas. Elles semblent également se préoccuper de l’image socia-le de la femme. Elles se sentent valorisées par le fait d’avoir un lieu d’activité. Elles mettent volontiers en avant le fait qu’elles sont des femmes car elles travaillent.

La plupart de ces femmes font souvent ré-férence à des stéréotypes de la féminité. Je me suis interrogée sur ces réflexions. Je me suis demandé si elles pensent vraiment res-sembler à l’idée qu’elles ont de la féminité. Peut-être qu’elles disent cela dans le but de correspondre à des normes sociales stéréo-typées bien définies, sans pour autant réa-liser ce que cela signifie réellement?

Dans leur peau de femme...

Il n’est pas fréquent d’entendre des person-nes handicapées mentales s’exprimer sur certains sujets. Il peut s’agir d’un thème très sensible à aborder, tel que la sexualité ou la maternité. Mais il peut également s’agir d’aspects plus faciles à traiter tels que l’habillement, ou le look. En règle géné-rale, l’entourage a tendance à parler à leur place. Certaines personnes sont lourde-ment handicapées et ne peuvent pas s’ex-pliquer ni faire de choix. Il est alors évident que d’autres individus choisissent pour elles. Mais les femmes que j’accompagne dans leur activité professionnelle ont la possibilité de s’exprimer. Elles vivent des choses au quotidien, dans leur peau de femme, et ne peuvent pas toujours les faire partager. Je leur ai proposé de faire partie d’un groupe de discussion qui aborderait plusieurs sujets liés à la femme et à la fé-minité. Elles ont tout de suite répondu positivement.

J’ai donc commencé un travail d’entre-tiens et d’échanges afin de connaître leurs représentations de la féminité. Nous avons abordé différents sujets comme le maria-ge, les enfants, le travail, les hommes, le handicap…

Certains domaines plus difficiles d’accès...Grâce à ces discussions autour de thèmes ciblés, j’ai acquis la conviction qu’elles ont des idées bien déterminées de certains aspects de la féminité, tels que les attentes et les rôles sociaux à accomplir. Mais j’ai le sentiment que ce qui touche à l’inti-mité, au sens large, n’est pas forcément connu ou compris. Tout ce qui est sous-jacent n’est pas forcément intégré. Elles ont, certes, plus de facilité à emmagasiner

INterFace-recherche-intervention

Miroir, ô mon beau miroir, dis-moi...La représentation de la féminité chez les femmes en situation de déficience intellectuelleLaetitia Maradan, maîtresse socioprofessionnelle

Cet article est le ré-sumé d’un travail de mémoire réalisé dans le cadre d’une formation de maîtresse socioprofessionnelle à l’EESP. Ce travail a reçu le prix ARMaSP, qui était remis en �00� par AvenirSocial. Changer de regard sur la femme handicapée men-tale, c’est lui permettre d’être et d’exister dans son entité afin qu’elle puisse prendre sa place dans une société qui trop souvent tente d’anni-hiler les différences.

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les messages transmis par la société concernant les attentes envers les rôles féminin et masculin. Ce qui touche à des domaines plus sugges-tifs, où il n’y a pas forcément d’idées toutes faites et qui demandent une faculté de projection, leur est beau-coup plus difficile d’accès. Souvent par méconnaissance du domaine en question, elles ont peu de repères et ont des difficultés à se construire une opinion ou à réaliser ce que cela re-présente. Elles ont pu exprimer leur manière d’être, de fonctionner dans notre société. Parfois, elles ont pu crier leur sentiment d’injustice face aux réactions des gens qui ne tolè-rent pas la différence. Elles ont éga-lement pu partager leur vision de la

société dans laquelle elles vivent, leur point de vue sur les comportements des gens qui les entourent. J’ai également pu partager avec el-les mes propres opinions, mes in-terrogations. Il y a vraiment eu de la réciprocité dans nos échanges. Je les côtoie depuis cinq ans, mais ces quelques semaines m’ont permis de les découvrir sous d’autres angles. Certaines complicités se sont renfor-cées grâce à ces discussions sincères et personnelles. Elles se sont beau-coup investies et ont participé acti-vement à ces entretiens. Elles ont été sincères et m’ont témoigné énormé-ment de confiance. Ces moments ont été appréciés par toutes les femmes présentes et ils

étaient attendus depuis longtemps.J’ai le sentiment de mieux compren-dre certaines attitudes, certaines ré-flexions. Le fait d’avoir interprété, cherché à déchiffrer leur vécu et leur façon de voir les choses a influencé positivement ma relation avec ces femmes. J’ai compris la manière qu’el-les ont de se situer et je sais mieux, maintenant, comment les aborder et les accompagner dans leur vie quoti-dienne.

Donner la parole aux femmes

Je suis convaincue qu’il est nécessaire d’accorder du temps de discussion à ces femmes. En effet, elles doivent constamment répondre à des injonc-tions sociales. Celles−ci les amènent

à répondre non pas en fonction d’une identité propre à leur statut de fem-me handicapée mentale, mais plutôt à celle d’une norme sociétale qui leur permet un équilibre, une stabilité. Par conséquent, j’ai pu constater qu’il y a beaucoup de souffrance chez ces femmes face à certains sujets tels que le deuil de la maternité, la différen-ce… Il me paraît vraiment important qu’elles puissent se délester de cer-taines inquiétudes, mais également partager des moment de légèreté dans des espaces qui leur permettent de se mettre en valeur. Dans l’ensemble, cette démarche d’écoute, de recon-naissance de leur vécu et de leur sta-tut m’apparaît réellement comme un besoin et m’encourage à persévérer dans ce sens.

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Pour la première fois cette année, Fabrice Dewarrat, Ali Al Mayyah, Guy Clément, Filipe Correia De Almeida, Yannick Puer-tas, Frank Cherpillod et Julien Arcoria, ont participé à un tournoi à l’étranger… dans une région germanophone! Seuls francophones en compétition à la Coupe du lac de Constance, les 14 et 15 mai 2009, ils ont réussi à décrocher quatre médailles dans la catégorie 11 de Special Olympics. Julien a retenu le nom de la bourgade: Lindenberg im Allgäu. Que représente ce double défi pour les sept vaillants mem-bres de Fair Play?

Monique Bassin, membre de Fair Play, recueille les impressions de Julien. Inta-rissable, il vient spontanément les confier: «C’était super, ce tournoi en Allemagne!»

As-tu aimé le voyage?«Oui, beaucoup. J’aime voir les paysans, les paysages. Ça me donne des souvenirs! J’aime voir toute la Suisse. Saint-Gall, c’était la première fois que je voyais cette ville. Les autres dormaient, moi je regardais tout.»

Tu es content?«Oui, je suis content, parce que c’est nou-veau. Je n’ai que de bons souvenirs!»

Yannick se mêle à la conversation, il a aussi des souvenirs à partager...«On a dormi dans la même chambre, Julien, Filipe et Jacques (moniteur délé-gué par l’association Vaud Valais et Fri-bourg de tennis de table). Quand il y avait des ronflements, on se jetait des coussins dessus…»Prudemment, le nom des ronfleurs et de l’initiateur des batailles de coussins ne sera pas publié!Jacques précise:«Le soir, tout le monde était fatigué. On se couchait déjà à 21 heures car le réveil, c’était à 6H et quart, suivi d’un premier échauffement, à 8 heures! On passait plus de six heures par jour debout, dans des salles très chaudes.»Yannick et Julien ont été confrontés à un

groupe de niveau de jeu assez élevé, raison pour laquelle ils ont terminé à la 4e et 6e pla-ces. Quand il s’agit d’évoquer les défaites, ils ne sont pas du même avis: l’un s’avoue déçu, l’autre non. Ils préfèrent cependant gagner!Sur les rives du lac de Constance, ils n’ont pas eu de peine à se faire comprendre: par geste, «tout était facile».

As-tu retenu des mots d’allemand?Oui: «Jawohl» et «Nein»!

«Les demoiselles qui ramassaient les balles étaient très jolies…»Qui d’Ali, de Guy, de Filipe ou de Franck a laissé tomber cette phrase? Il y a de fins observateurs dans la bande…

Qu’est-ce qui donne du plaisir, dans un tournoi?Jouer donne du plaisir.

Le public te dérange?Quand il applaudit, il y a plus de plaisir, bien sûr!

Un tournoi, ça donne des souvenirs. Tu en as d’autres, Julien?Oui, le soir, on a dansé. C’était de la techno et du rap. J’aime ça. Et puis, j’ai joué au billard avec un Allemand… qui a gagné! Je n’étais pas gêné du tout de ne pas compren-dre sa langue.

Fabrice, lui, rayonne: il a gagné la médaille d’or! Le soir, à Lindenberg, lorsque Nicolas, en moniteur enthousiaste et méticuleux, notait les impressions de la journée, il ac-quiesçait par hochements de tête pour ap-prouver la formulation. En voici quelques extraits:Départ à la gare de Lausanne le 13 mai, le cœur battant. A l’arrivée, pas le temps de se reposer, la cérémonie d’ouverture com-mence tout de suite. On hisse le drapeau, on allume la flamme olympique sur le par-vis de la mairie. Et on se met en marche et… «Fair Play défile en première position du cortège!» se souvient le papa de Guy.

«Participer à un tournoi à l’étranger, ça donne des souvenirs!»L’équipe de Fair Play au Bodenseecup 2009Monique Bassin, membre de Fair Play, Lausanne

Sport - tennis de table

Le but de l’Associa-tion sportive Fair Play (www.as-fairplay.ch), créée en 1989, est de développer l’activité sportive pour les per-sonnes en situation de handicap mental, dès l’âge de 7 ans, pour ac-croître la confiance en soi et permettre par ce biais leur intégration dans la société.

Après l’organisation du championnat européen de football en �008, Saint-Gall s’est vu confier l’organisation de la �e édition du Bodenseecup. Le but de cette mani-festation est de sensi-biliser la population au handicap mental, de créer une émulation et d’encourager toutes les personnes en situation de handicap mental à pratiquer un sport et à en faire une discipline dans laquelle ils pourront se surpasser. Une équipe de Fair Play y était. Invitation au voyage...

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Rencontre avec d’autres culturesLa manifestation a rassemblé 76 pongistes; 1200 personnes œuvraient sur place pour la bonne organisation, en comptant l’équipe d’or-ganisation, les nombreux bénévoles de la région et les membres de la famille accompagnant les sportifs. Special Olympics international, organi-sateur du tournoi (catégorie 11), était de toute évidence bien rodé: les matchs s’enchaînaient pour le plus grand plaisir des joueurs. Nos sportifs, passés maîtres dans l’art de transmet-tre leur joie au public, provoquaient des élans d’enthousiasme. Les équipes qui se disputaient les honneurs autour de 16 tables provenaient – sauf la nôtre - de régions germanophones, d’Allemagne, d’Autriche, du Liechtenstein et de Suisse alémanique.Ce tournoi a fourni l’occasion de rencontrer - enfin! - d’autres sportifs en situation de handi-cap mental, dans la bonne humeur… même si l’envie de gagner était de mise! Quatre médailles pour Fair Play

A cette première expérience internationale, nos sept sportifs ont rapporté quatre médailles: une d’or pour Fabrice Dewarrat; deux d’argent, l’une pour Ali Al Mayyah et l’autre pour Guy Clément; une de bronze pour Filipe Correia De Almeida. Yannick Puertas a terminé 4e, Frank Cherpillod 5e et Julien Arcoria 6e dans leurs groupes respectifs. La cérémonie des remi-ses des médailles était riche en émotions pour notre équipe de joueurs, guère habitués à la compétition.Les sportifs de Fair Play et leurs parents ont pu par-ticiper à la cérémonie de clôture: Yannick Puertas a eu l’honneur de faire descendre le drapeau et le père d’Ali, Monsieur Al Mayyah, a participé à la distribu-tion officielle des médailles.Cette expérience unique pour Fair Play démontre bien que nous sommes tous les mêmes, handicapés ou non: nous apprécions tous la nouveauté, le dépay-sement. Et les leçons du sport sont les mêmes pour tous: accepter les défaites, trouver du plaisir à se me-surer à ses semblables et apprendre à se surmonter soi-même et, en plus, comme dit Julien: «Ça donne des souvenirs!»...

L’audace des grands jours...Au début, les joueurs lausannois engagés dans différentes catégories se sont montrés un peu timorés. Peu à peu, au fil des matchs, les en-traîneurs ont noté un net regain de confiance et nos pongistes ont eu l’audace des grands jours et des gestes techniques précis. Grâce à cela, de précieux points ont été engrangés, synonymes parfois de victoires inattendues.

Ci-contre, toute l’équipe de Fair Play...Les photos illustrant ce reportage sont de Peter Geisler

Nicolas Boss, moniteur attentif...

L’équipe du Bodenseecup...

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C’est en octobre 1959 que paraît le 1er numéro de Pages romandes. Il s’agit alors de quelques feuilles A4 polycopiées sur papier jaune, destinées à créer un lien entre les sections francophones de l’ASA1 nouvellement créées.Depuis lors, les Pages romandes (de l’ASA) n’ont cessé de paraître à raison de 4 à 5 fois par an.Un demi-siècle de vie au service des per-sonnes en situation de handicap mental, cela se fête! Pour marquer l’événement, une manifestation est organisée

jeudi 8 octobre 2009dans les locaux de l’Espérance à Etoy

Les lecteurs et lectrices de Pages romandes

sont cordialement invités à participer à cet anniversaire!

Votre présence sera un encouragement à poursuivre l’objectif que s’est fixé la revue depuis ses origines: créer les conditions nécessaires aux échanges en-tre les partenaires et maintenir les liens entre les professionnels des différentes régions francophones. Ce trait d’union intercantonal que constitue Pages romandes est à mainte-nir et à renforcer plus que jamais, au moment où les cantons sont appelés à reprendre à leur compte le financement des institutions.L’autre événement du jour est la remise du prix «Médias» de la Fondation Eben-Hézer. Une occasion de réfléchir ensem-ble, autour d’une table d’invités, à la place réservée par la presse au handicap mental.Le Conseil de fondation et le comité de rédaction de Pages romandes espèrent vous accueillir nombreuses et nom-breux, afin de fêter ce jubilé comme il se doit...

1Association Suisse des Arriérés, devenu par la suite Asso-ciation Suisse d’Aide aux personnes handicapées

Programme de la journée

10h - 15h Ateliers d’expression réservés aux personnes handicapées mentales Animation: Michel Boutet (France), Pascal Romailler et Marie-Antoinette Gorret

15h30 Table ronde animée par Stéphane Gabioud

«La place du handicap dans les médias» Avec: Henri-Jacques Stiker Michel Boutet (Québec) Jean-Philippe Rapp - Philippe Grand Roger de Diesbach Ex&Co, atelier Clair-Bois Lancy, Genève

17h30 Partie officielle Spectacle issu des ateliers d’expression Remise du Prix «Médias»

Avec la participation d’Alain Berset, président du Conseil des Etats

18h30 Apéritif dînatoire avec concert du Band d’Eben-Hézer

Si vous désirez plus d’informations sur les animateurs de l’ate-lier, ainsi que sur les intervenants de la Table ronde, vous pou-vez consulter le site de la revue:

www.pagesromandes.chLa participation aux activités de cette journée d’anniver-saire est gratuite, mais l’inscription est obligatoire, jusqu’au 20 septembre 2009.

Pour vos inscriptions: - un numéro de téléphone: - Institution de l’Espérance, Etoy: 021 821 14 28 - un site internet: - www.pagesromandes.ch - une adresse e-mail: - [email protected]

Pour d’autres informations: - Marie-Paule Zufferey, rédactrice - Tél. 079 342 32 38

Cinquantième anniversaire de Pages romandes

Invitation à la fête

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Itinéraire santé Pages romandeswww.itineraire-sante.com www.pagesromandes.ch

vous invitent au Forum de Tignousa

«VALEURS DU HANDICAP»

SAMEDI 17 OCTOBRE 2009

8H30 - 17H

Saint-Luc - Anniviers - Valais

Forum ouvert - Ateliers - ConvivialitéMoments de détente et de réflexion

de discussion... de balade... de partage... de liberté...

LE PARI DE LA RENCONTRE entre personnes en situation de handicap, professionnels, proches et moins proches

pour

«FAIRE MONDE COMMUN» (Charles Gardou)

Renseignements et inscription avant le 30 septembre 2009:Tél. +41 27 475 18 60 ou +41 (0)79 342 36 74 ou [email protected]

Prix de la journée (repas et funiculaire inclus): CHF 60.--

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Je m’appelle Cédric

J’habite à la Cité du Genévrier à Saint-Légier, j’ai 31 ans et je suis célibataire. J’aime beaucoup la musique, le cinéma,

faire la fête, les spectacles et le sport.Je souhaiterais rencontrer une femme qui aurait

les mêmes envies et un âge correspondant.Je souffre d’un handicap mental léger,

je suis en partie autonome dans mes déplacements, mais j’ai besoin d’accompagnants dans ma vie quotidienne.

Si vous êtes cette personne, écrivez-moi à l’adresse suivante:

Cédric Frütchi, Groupe Akela, Cité du Genévrier, ch - 1806 Saint-Légier

Je m’appelle René

Je suis bel homme en fauteuil roulant,

59 ansdynamique, toujours de bonne

humeur, plein d’humour Je cherche une femme valide ou lègèrement handicapée

40 à 55 ans,coquine pour partager ensemble.

Mon adresse e-mail: [email protected]

APPEL A CONTRIBUTION

Professionnels du travail social (enseignant-e-s, praticien-ne-s, chercheur-e-s)

et collègues de disciplines voisines, vous êtes invités

à soumettre vos propositions de communication dans le cadre du

2e congrès international de la Société suisse de travail social (SGSA-SSTS)

21-23 mars 2010

Centre international de conférences de Genève (CICG) sur le thème:

La lutte contre la pauvreté et l’exclusion Le travail social en temps de crise

Informations: www.sgsa-ssts.ch et contact:[email protected]

SEMINAIRES D’INTRODUCTION A LA SOCIOCRATIE (G. Charest et G. Cimon)

La sociocratie est un mode de gouvernance qui réconcilie la liberté individuelle et le pouvoir de l’intelligence collective.Issue des théories systémiques, cette approche de la conduite d’un projet personnel et/ou d’une entre-

prise collective introduit de nouvelles règles de communication et de meilleurs interfaces entre des objec-tifs financiers, relationnels et commerciaux. Elle offre des outils novateurs pour des prises de décision concer-

tées et une coopération effective entre les divers acteurs d’une organisation ou d’une entreprise. Appliquée à une stratégie de management participatif, la sociocratrie complète les organigrammes classiques par des cercles de concertation et différencie les espaces d’orientation, d’exécution et de mesure, ce qui favorise un réel partage du pouvoir.

Les stages d’introduction à la sociocratie s’adressent à toutes les personnes intéressées. Ils comprennent 2 modules de 3 jours.Dates Module I : 18 –19 –20 novembre 2009 (me, je, ve) Module II :14 – 15 – 16 janvier 2010 (je, ve, sa) Prix CHF 1300.- pour les deux modules.Tarifs réduits CHF 950.- pour les professionnels des organisations membres de la Coraasp et CHF 400.- pour les bénéficiaires AI et leurs proches.Lieu Bex, centre d’accueil et de formation de la Pelouse, possibilité de bénéficier d’un hébergement sur place.

Renseignements et inscriptions: Coraasp, Barbara Zbinden, coordinatrice, rue du Castel 7, 1920 Martigny - [email protected]

Handicap mentalQuand le médecin, le psy et l’éduc en parlent

Conférence publique proposée par la Fondation Eben-Hézer

avec Claude-André Dessibourg

neurologue et professeur à l’Université de Fribourg

Jeudi 12 novembre à 20H Aula des Cèdres, Lausanne

Renseignements: Fondation Eben-Hézer - Tél. 021 654 63 17