Palestine : un Etat ? Quel Etat ?

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  • 8/8/2019 Palestine : un Etat ? Quel Etat ?

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    Palestine : un tat ?

    Quel tat ?

    Jean-Franois Legrain

    Janvier 2010

    Note de lIfri

    CentreMoyen-Orient/Maghreb (MOM)

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    L'Ifri est, en France, le principal centre indpendant de recherche, d'infor-

    mation et de dbat sur les grandes questions internationales. Cr en1979 par Thierry de Montbrial, l'Ifri est une association reconnue d'utilitpublique (loi de 1901). Il n'est soumis aucune tutelle administrative,dfinit librement ses activits et publie rgulirement ses travaux. L'Ifriassocie, au travers de ses tudes et de ses dbats, dans une dmarcheinterdisciplinaire, dcideurs politiques et conomiques, chercheurs etexperts l'chelle internationale.

    Avec son antenne Bruxelles (Ifri-Bruxelles), l'Ifri s'impose comme lundes rares think tanks franais se positionner au coeur mme du dbateuropen.

    Les opinions exprimes dans ce textenengagent que la responsabilit de lauteur.

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    ISBN : 978-2-86592-663-3

    Tous droits rservs, Ifri, 2010

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    Sommaire

    RESUME............................................................................................... 2

    INTRODUCTION ..................................................................................... 4

    DES CONSTATS .................................................................................... 5

    La rconciliation nationale nouveau ajourne ..................................5

    Des lections impossibles organiser .................................................8

    La rforme : un modle politique prenniser ............................11

    Le plan du gnral Keith Dayton......................................................13Le Congrs gnral Fatah................................................................17

    DES HYPOTHESES .............................................................................. 21

    Le maintien de lAutorit palestinienne sous une forme ou sousune autre.................................................................................................23

    La dissolution de lAutorit palestinienne ..........................................26

    Un passage de tmoin : dune Autorit intrimaire dautonomie un tat..................................................................................................28

    Hamas, la fin de loccupation et ltat...............................................29

    Une rsolution du Conseil de scurit sur ltat de Palestine .........32

    Le recours ltat de Palestine de 1988 .............................................34

    Les successions de Mahmoud Abbas..............................................37

    DES CONVERGENCES ......................................................................... 43

    Ltat aux frontires provisoires de la Feuille de route.....................43

    Ltat aux frontires provisoires de Shaul Mofaz ..............................44

    La paix conomique et ltat de Benjamin Netanyahu ......................45

    CONCLUSION...................................................................................... 48

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    Rsum

    LAutorit palestinienne (AP) a t mise en place dans le cadre delapproche amricaine de la question du Proche-Orient qui staitimpose la communaut internationale lissue de la secondeguerre du Golfe et la veille de leffondrement de lUnion sovitiquepour viter davoir exiger dIsral sa soumission immdiate auxrsolutions des Nations unies consacres son conflit avec sesvoisins. En 2010, lorganisation de nouvelles lections risque de

    donner lieu non seulement un contrle renouvel de lappareillgislatif de lAP mais galement une conqute de sa prsidencepar un mouvement islamique la popularit non dompte. Devantlusure de ses institutions la lgalit foule aux pieds par sespropres dirigeants, lhypothse du maintien de lAP pour un tempslimit sous une forme plus ou moins rforme, suivie de sadissolution, apparat bien aujourdhui comme devant tre envisageavec le plus grand srieux. Celle-ci, en effet, apparat de plus en pluscomme la solution qui serait le mieux mme dassurer la poursuitede la politique pour laquelle lAP avait t cre. Le report sine diesous pression amricaine de toute rconciliation palestinienne parMahmoud Abbas, qui la prside encore de facto, et la rcente

    constatation de ce dernier de limpossibilit organiser des lectionsrequises pour son renouvellement constitueraient ainsi les premiresroues dun engrenage menant cette dissolution.

    Pour tre efficace selon le modle qui donnerait satisfaction ses mentors, la dissolution de lAP devrait donner lieu un transfertimmdiat de ses comptences une nouvelle structureinstitutionnelle qui prendrait vraisemblablement la forme dun tat.Mme si certains la souhaitent, nul ne peut raisonnablementenvisager dans le contexte actuel ladoption par le Conseil descurit de lONU dune rsolution mentionnant un tat palestiniensouverain, dot dun territoire la superficie approchant celle des

    territoires occups en 1967 et rglant la question des rfugis, deJrusalem et de leau. Beaucoup plus vraisemblablement, la nouvelleinstitution qui hriterait des comptences jusque-l assumes parlAP serait donc ltat de Palestine proclam par lOrganisation delibration de la Palestine (OLP) en 1988. Seule institutionpalestinienne dote de capacits diplomatiques reconnues par lacommunaut internationale, lOLP aurait lavantage de garantir la

    Jean-Franois Legrain est chercheur au CNRS/GREMMO (Maison de lOrient et dela Mditerrane-Lyon).

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    continuit institutionnelle avec lAP tout en tournant la page Hamas,maintenu avec constance lextrieur de ses institutions. Ce passagede tmoin lOLP ne serait nanmoins que formel : ltat, dans saversion post-AP, aurait pour tche prioritaire de dissoudre et absorberlinstitution qui lavait proclam une vingtaine dannes plus tt.

    Les convergences manifestes par les dclarations et lesnombreux plans anciens ou rcents, amricains, israliens oupalestiniens, constitueraient autant de signes avant-coureurs dunetransformation calcule de lAP en un tel tat de Palestine. Si cet tatpourra tre qualifi dunilatral dans son ventuelle proclamationformelle, la prise en compte de ces mmes plans et dclarationssuggre que cette proclamation aura t concerte. Bien quepurement formel et encourag par le mentor amricain et legouvernement isralien, lunilatralisme palestinien manifest par letransfert des comptences de lAP un tat de Palestine permettrait Isral dobtenir enfin des Palestiniens eux-mmes la lgitimation de

    son propre unilatralisme, bien rel celui-l, depuis longtemps mis enuvre mais aujourdhui contest. Ltat qui tait cens achever lalibration nationale ne serait, dans ce cas de figure, que laconscration par les Palestiniens eux-mmes de loccupation et durefus isralien de voir leurs droits nationaux reconnus. Paralllement,la responsabilit davoir proclam un tat, dpourvu de souverainetvritable et limit quelques parties seulement des territoiresoccups en 1967, ne serait imputable quaux Palestiniens. Ce faisant,en procdant une proclamation unilatrale dun tat nominal, lapartie palestinienne assurerait de fait Isral un nouveau rpit (maisde quelle dure ?) pour prserver le caractre juif de son propre tatsans pour autant avoir d se rsoudre accorder la souverainet un deuxime tat dans une Palestine partage. Les enchanementsde faits et dcisions dcrits par cette tude simples hypothsesavances par lhistorien ou vritables scnarios labors par lespolitiques, lavenir le dira obissent une rationalit certaine. Leurconcrtisation, nanmoins, se heurtera une inconnue de taille : laraction de la population palestinienne. Lappareil rpressifpalestinien, en effet, construit ces dernires annes Ramallah parles tats-Unis, la communaut internationale et Isral, sera-t-ilsuffisamment entran et dpolitis pour contrer un mouvement demasse qui viserait faire drailler ce qui sapparenterait unprocessus dtouffement de ses aspirations nationales ?

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    Introduction

    Le 24 octobre 2009, Mahmoud Abbas (Abu Mazen) publiait undcret de convocation des lections prsidentielle et lgislativesdans le cadre de lAutorit intrimaire dautonomie palestinienne (AP)quil prside de facto depuis janvier 2009, date de lchanceconstitutionnelle de son premier mandat de quatre ans. Sa dcision at suivie quelques jours plus tard de lannonce de son renoncement se prsenter pour un second mandat. Aprs avoir abord la

    question de sa succession la tte de lAP, le dbat local etinternational a rapidement port sur une ventuelle proclamation duntat, unilatrale ou non, dans un dlai rapproch allant de quelquessemaines un ou deux ans.

    Cette tude questionnera lhypothse de ltat palestiniensous des angles la fois juridique et politique. Dans un premiertemps, jtablirai des constats concernant la signification de laconvocation de nouvelles lections par Mahmoud Abbas, sous lemode dun dcret prsidentiel et cette date, et sur sesconsquences dj induites dans le contexte de la poursuite dumodle politique mis en place par la communaut internationale en

    Palestine ces dernires annes. Jmettrai ensuite diverseshypothses sur les dcisions politiques et institutionnelles auxquellesnous pourrions tre confronts lchelle des semaines et mois venir. Je mattacherai, enfin, mettre au jour les convergencesmanifestes par divers plans, dclarations et documents, plus oumoins anciens mais toujours dactualit, dorigine amricaine ouisralienne. Cette rflexion permettra alors doprer un tri entre lesdivers scnarios envisageables et ainsi desquisser un avenirprobable induit par mes analyses.

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    Des constats

    La convocation des lections prsidentielle et lgislatives de lAPpar Mahmoud Abbas le 24 octobre 2009, lannonce quelques joursplus tard de son renoncement y briguer sa propre succession puiscelle, le 20 novembre, de leur report sine die constituent autantdvnements replacer dans le contexte local de lclatement de lascne politique et institutionnelle palestinienne entre Hamas et Fatah,Gaza et Cisjordanie, et dans le contexte rgional et international de

    limpasse dj ancienne que constitue la ngociation isralo-palestinienne selon le modle de Madrid (1991), dOslo (1993) etdAnnapolis, son hritier (2007).

    La rconciliation nationale nouveau ajourne

    Relances la fin de loffensive isralienne contre la bande de Gazaen dcembre 2008-janvier 2009, les ngociations de rconciliationnationale palestinienne menes sous lgide de lgypte taientcenses aboutir fin octobre 2009 la signature dun accord dentente

    nationale. De nombreuses rencontres avaient eu lieu au Caire, descommissions spcialises par dossier avaient t cres et undocument avait t quasi finalis le 10 septembre 2009, destin tre sign un mois plus tard aprs dultimes amendements1. lencontre de ce scnario, lgypte dcidait unilatralement le 10octobre 2009 de substituer ce document un nouveau texte et denexiger la signature en ltat la date du 25 octobre, soit le lendemainde la date butoir fixe par la Loi fondamentale pour la convocation denouvelles lections2. Hamas demanda alors, mais en vain, de

    1 Original arabe reproduit dans al-Ayym, Ramallah, 12 septembre 2009(http://www.alayyam.com/znews/site/template/article.aspx?did=121462&date=9/12/2009).2 Original arabe (texte et Charte de lhonneur en annexe) reproduit sur le site duPalestine Information Centre (officieux de Hamas), 14 octobre (http://www.palestine-info.info/ar/default.aspx?xyz=U6Qq7k%2bcOd87MDI46m9rUxJEpMO%2bi1s7qMlMZsBYoAI01f5YN0pkKlXLYQwVeSETv%2bmLqPjWI0%2frwP8OztpH2OP%2b8PdG9FpcWzYrnR4pfBduLoUZ5arAyUHwn4ZRRN%2byHsOROL9ej20%3d) ; le PalestineMedia Center du Comit xcutif de lOrganisation de Libration de la Palestine(CEOLP) reproduit galement le texte (http://www.palestine-pmc.com/arabic/inside1.asp?x=3799&cat=3&opt=1) mais en labsence de lannexe, limage des trois quotidiens de Cisjordanie. Traduction en anglais de larges extraitsin C. Jacobs, Egypts Palestinian Reconciliation Document , Middle East Media

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    disposer dun dlai de quelques jours supplmentaires pour tudierce nouveau document dont la teneur diffrait du premier en un certainnombre de points. Pour sa part, le prsident de la dlgation despersonnalits indpendantes la ngociation suggrait unealternative, galement en vain, avec la possibilit dadjoindre audocument une annexe qui aurait consign les remarques ventuellesde chaque signataire. Le Comit Central Fatah (CC Fatah)sempressait daccepter le texte en ltat, ds le 15 octobre3. Un telempressement, alors mme que le mouvement avait fait tat derticences vis--vis de certains articles tandis quil tait clair queHamas ne pouvait accepter de se soumettre dans le dlai imparti audiktat gyptien, laisserait entrevoir la possibilit dune manipulationdorigine amricaine (lire infra, note 6) visant laisser le champ libre Mahmoud Abbas pour mettre son dcret de convocation denouvelles lections en dehors de toute rconciliation.

    En promulguant le 24 octobre 2009 le dcret 1/2009 de

    convocation des lections pour le 24 janvier 20104, MahmoudAbbas marquait son refus dattendre laboutissement de la mdiationgyptienne ; il rendait aussi inconcevable toute signature de laccordpar Hamas, mme reporte de quelques jours. cette fin, il nhsitaitpas, en effet, contredire la signature de Fatah appose audocument gyptien qui, dun commun accord avec Hamas, fixait leslections au 28 juin 2010. Hamas dcidait, le 27 octobre 2009, derendre public le mmorandum qui consignait ses remarquesconcernant le document et explicitait ses demandesdclaircissements5. Mahmoud Abbas dcidait, par la mmeoccasion, de rompre avec la logique sous-jacente aux pourparlersqui, raisonnablement, avaient fait de la rconciliation une priorit et lacondition pralable de futures lections. Sa dcision, accompagnedune dclaration qualifiant une nouvelle fois Gaza d mirat delobscurantisme , rendait par ailleurs toute reprise du dialoguenational difficilement envisageable court terme.

    Sa dcision na fait lobjet daucune rprobation de la part dela communaut internationale. Obsde par la disqualificationpolitique de Hamas, elle avait tmoign avec constance de sadfiance lgard de lunit palestinienne, une dfiance traduitedbut octobre auprs de ses interlocuteurs palestiniens par lenvoy

    Research Institute (MEMRI), Inquiry and Analysis, n566, 23 novembre 2009(http://www.memri.org/bin/articles.cgi?Page=countries&Area=palestinian&ID=IA56609).3 Lire les dclarations (en arabe) sur le site du Central Media de Fatah(http://www.fatehmedia.ps/atemplate.php?linkid=45266).4 Original en arabe (http://www.elections.ps/atemplate.aspx?id=758) et traductionofficielle en anglais (http://www.elections.ps/template.aspx?id=494) sur le site de laCommission centrale des lections.5 Original arabe reproduit sur le site du Palestinian Information Center, site officieuxde Hamas, 27 octobre 2009(http://www.palestineinfo.info/ar/default.aspx?xyz=U6Qq7k%2bcOd87MDI46m9rUxJEpMO%2bi1s7VmL4b30awZKdJvXC0Wffb4Zatgm95wUWvo6m6M8XUUaN3AJSc4wYr6a4q2fBb7tyK7fUoeiIU0SGkpRCErMWvfl9kVzLnnIQdQzIVfOx0ZY%3d).

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    spcial amricain pour la paix au Proche-Orient George Mitchell enterme de veto sa concrtisation6. En se mettant une nouvelle fois lcoute de tels conseils, curieusement, Mahmoud Abbas ne semblaitavoir tir aucune leon de son exprience rcente en ce domaine quilui avait valu la condamnation quasi unanime de son peuple. Sonrefus de demander lexamen immdiat par la commission des droitsde lhomme des Nations unies du Rapport Goldstone sur lesviolations des droits de lhomme et du droit international humanitairecommises lors des oprations israliennes menes Gaza dedcembre 2008 janvier 2009 7, avait, en effet, t unanimementimput de fortes pressions amricaines. Il avait du ensuite revenirsur cette dcision tant la population et les forces politiques, y comprisau sein mme de Fatah, avaient manifest leur colre8.

    Pour de simples raisons lectoralistes, Mahmoud Abbas semaintenait par ailleurs dans lillgalit constitutionnelle en convoquantces lections dans le cadre du dcret-loi prsidentiel 1/2007 du 2

    septembre 20079. Non ratifi par le Conseil lgislatif (CLP) commelexige la loi fondamentale de lAP, ce dcret a t rejet, ce titre,comme anticonstitutionnel par la prsidence du CLP, par nombre dejuristes et par Hamas10. Ce dcret-loi adoptait pour mode de scrutin

    6 Ce veto pourrait ainsi expliquer le montage gyptien du changement inattendu dedocument de rconciliation et de linjonction de sa signature en ltat qui avaitentran lchec des pourparlers. Dina Ezzat, Reconciliation Interrupted, al-Ahram Weekly, 15-21 octobre 2009 (http://weekly.ahram.org.eg/2009/968/eg1.htm).Barak Ravid and Avi Issacharoff, U.S. to Egypt: Fatah-Hamas deal underminesIsrael-PA talks, Haaretz, (http://www.haaretz.com/hasen/spages/1120633.html).Simon Tisdall, Obama's mettle is about to be tested, Guardian, 19 octobre 2008

    (http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2009/oct/18/obama-middle-east-peace-process). Le 17 mars, dj, lors dune visite au dpartement dtat, le gnralgyptien Omar Suleiman en charge des pourparlers avait essuy un refus saproposition visant favoriser la mise en place dun cabinet dunion nationale.7 Original en anglais sur le site du Haut-commissariat des Nations unies aux droits delhomme (HCDH)(http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/specialsession/9/docs/UNFFMGC_Report.pdf).8 Lire, par exemple, le communiqu publi le 6 octobre 2009 par le Comit France deFatah (http://www.enfantsdepalestine.org/br,545).9 Original en arabe (http://www.elections.ps/admin/pdf/Election_Law_(2007-Sept_02).pdf) et traduction officielle en anglais(http://www.elections.ps/admin/pdf/Election_Law_(2007-Sept_02)-EN.pdf) sur le sitede la Commission centrale des lections.10 Dans un communiqu de son Bureau dinformation dat du 23 octobre 2009,

    (original en arabe,http://palestineinfo.info/Ar/DataFiles/Contents/Files/statements/2009/october/24/statement_24_10_09.pdf), Hamas rappelle que le mandat de Mahmoud Abbas laprsidence de lAP sest achev en janvier 2009 selon les termes de la Loifondamentale. Soulignant que le dcret de 2007 prolongeant ce mandat dune annene disposait daucune validit constitutionnelle faute dapprobation du CLP, lemouvement concluait lincapacit dun prsident au mandat chu depromulguer des dcrets. La position de la prsidence du CLP est expose dans al-Barlamn, n24, 4 novembre 2009, p. 2(http://www.plc.gov.ps/Magazine/pdf_file/551e34d0-b76a-4121-b0bfdde84a8e8830.pdf) et al-Barlamn, n25, 25 novembre 2009, p. 2(http://www.plc.gov.ps/Magazine/pdf_file/c1b527a9-3f59-4ca0-8fc9-

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    la proportionnelle intgrale dans une circonscription unique. Ilannulait la loi lectorale 9/2005 du 13 aot 200511. Ratifie par leCLP dalors majorit Fatah, elle avait t rendue responsable parFatah de sa dfaite en janvier 2006 pour avoir mis en place unsystme de double scrutin avec llection de la moiti des membresdu CLP la proportionnelle intgrale quand lautre moiti avait tlue dans un scrutin majoritaire un tour dans le cadre decirconscriptions territoriales. Le dcret-loi prsidentiel contredisait nonseulement la loi de 2005 mais galement laccord de rconciliationqui retenait un scrutin de 75% la proportionnelle et de 25 % avecun vote majoritaire dans des circonscriptions.

    Des lections impossibles organiser

    Lannonce le 5 novembre 2009 par Mahmoud Abbas de sonrenoncement se prsenter sa propre succession la tte de lAP,selon divers tmoignages que jai recueillis auprs de certains de sesinterlocuteurs, naurait constitu que la traduction de sonaccablement et de son sentiment davoir t trahi aprs lesdclarations amricaines sur la colonisation isralienne et lancessit de reprendre sans condition les ngociations. Elle nauraitdonc pas constitu, ce moment du moins, un coup de poker visant le remettre politiquement en scne. Une telle interprtation restenanmoins prouver. Llection un an plus tt de Barack Obama laprsidence des tats-Unis avait suscit bien des espoirs, vivifis parla nomination du snateur George Mitchell comme envoy spcial

    pour la paix au Proche-Orient et par le discours adress depuisLe Caire au monde musulman sous le titre A New BeginningBetween the United States and Muslims Around the World 12. Ledsastre politique quavaient entran les pressions amricaines surle dossier Goldstone et la volte-face de ladministration Obama sur laquestion des colonies israliennes auraient ainsi directement motivla dcision de Mahmoud Abbas. Barack Obama, le recevant la

    736d58afb20b.pdf), priodique accessible sur le site du CLP de Gaza pour lequel leslections ne sauraient tre que lun des fruits de la rconciliation et non sonalternative. Pour une approche juridique et la bibliographie sur les dbatsconstitutionnels, Jean-Franois Legrain, Limpasse politique et institutionnelle

    palestinienne , Critique Internationale, n36, juillet-septembre 2007, versionlectronique (http://www.ceri-sciences-po.org/publica/critique/36/ci36_legrain.pdf),p. 20.11 Original en arabe (http://www.elections.ps/admin/pdf/new_law2.pdf) et traductionofficielle en anglais(http://www.elections.ps/pdf/Elections_Law_No_9_of_2005_EN.pdf) sur le site de la

    Commission centrale des lections. Le respect de la Loi fondamentale aurait amenMahmoud Abbas soit convoquer les lections au titre de la loi de 2005, soit demander au CLP lapprobation de son dcret-loi de 2007.12 Traduction officielle en franais sur le site de la Maison-Blanche(http://www.whitehouse.gov/files/documents/anewbeginning/SPEECH_as_delivered-French.pdf).

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    Maison-Blanche le 28 mai 2009, avait rappel que larrt de lacolonisation constituait un impratif de la Feuille de routeinternationale (voir infra) pour le gouvernement isralien13. Le 31octobre 2009, cependant, la secrtaire dtat Hillary Clintonconfirmait Jrusalem les propos du Premier ministre isralienBenjamin Netanyahu selon lequel le gel de la colonisation navait jamais t considr comme un pralable la ngociation maisconstituait lun des objets de celle-ci14. Elle saluait, par ailleurs, ladcision isralienne de restreindre la construction de nouveauxlogements dans certaines colonies comme constituant un fait sansprcdent et appelait donc la partie palestinienne reprendreimmdiatement les pourparlers. Les tentatives de rattrapageultrieures menes au Maroc puis au Caire par Hillary Clintonnauraient donc pas convaincu Mahmoud Abbas. Une autreinterprtation ferait de son annonce une simple mise en scnedestine faire passer une nouvelle fois Hamas pour un ennemi de

    la dmocratie et prparer le passage ltape suivante : labandondune AP considre comme pollue au profit dune nouvellestructure exempte de toute menace islamiste.

    Au-del du concert international de tmoignages de soutienadress sa personne et de demandes visant le faire revenir sursa dcision, le renoncement de Mahmoud Abbas le 5 novembre 2009 candidater sa propre succession napparat sur le fond quecomme un non-vnement tant la tenue des lections en janvier 2010apparaissait politiquement irralisable ds le moment de leurconvocation. De toute autre porte aurait t lannonce dunedmission immdiate de lAP et plus encore celle dune dmission dela prsidence du CEOLP (et de ltat de Palestine). Faute derconciliation nationale, en effet, personne ne pouvait envisager quedes lections unilatralement dcrtes par un prsident Fatah lalgitimit conteste pussent tre organises dans la bande de Gazasoumise lAP contrle par Hamas. Par ailleurs, les libertsindividuelles et collectives ncessaires la tenue de tout scrutintaient autant bafoues en Cisjordanie qu Gaza. Rien nindiquait,en outre, que la coalition au pouvoir en Isral aurait trouv un accordsur la possibilit pour les Palestiniens de tenir leurs lections Jrusalem-Est annexe en 1967 et sur lautorisation pour Hamas etle Jihad islamique de prsenter des candidats. Les accordsintrimaires de 1995 laissent, en effet, au gouvernement isralien

    toute latitude en ce dernier domaine. Dans lhypothse, enfin, otoutes ces incertitudes auraient t leves, comment Fatah, Isral etla communaut internationale auraient-ils pu convaincre Hamas queleur indispensable engagement respecter le verdict des urnes serait

    13 Compte-rendu officiel sur le site de la Maison-Blanche(http://www.whitehouse.gov/the_press_office/Remarks-by-President-Obama-and-President-Abbas-of-the-Palestinian-Authority-in-press-availability/).14 Compte-rendu officiel sur le site du Dpartement dtat(http://www.state.gov/secretary/rm/2009a/10/131145.htm).

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    tenu, lexact oppos de leur attitude adopte au lendemain mmedes lections de janvier 2006 et maintenue jusqu aujourdhui. Lavisrendu le 12 novembre 2009 par la Commission centrale deslections15, et entrin le 20 novembre par Mahmoud Abbas, nestquun simple constat de son incapacit technique organiser lesscrutins comme len charge le dcret prsidentiel. Se refusant touteapproche politique, en effet, la Commission justifie son constat par leseul refus du cabinet de Gaza de prendre les mesures ncessaires lorganisation dlections (mise disposition des coles, defonctionnaires, etc.)16.

    Lavis de la Commission, en ralit, naura peut-tre constituque lalibi ncessaire et attendu par Mahmoud Abbas et son camppour leur repli, tant la victoire apparaissait incertaine pour un Fatahtoujours aussi fragilis face un Hamas dot dune popularit peruecomme toujours aussi menaante17. Cette menace tait dautant plusimportante que la conclusion de la ngociation sur un vaste change

    de prisonniers entre Hamas et Isral, pour la rcupration de sonsoldat Shalit fait prisonnier aux abords de la bande de Gaza en juin2006, tait annonce comme imminente. La libration du prsidentdu CLP Aziz Dwayk le 23 juin 2009 et celle de plusieurs lus du CLP,galement membres du bloc Hamas, dbut septembre et dbutnovembre 2009 (soit plus dune trentaine de librations, unequinzaine dautres lus Hamas demeurant encore incarcrs)laisseraient supposer quune nouvelle fois le gouvernement isralienjoue la carte Hamas, son meilleur ennemi . Tous, en effet, avaientt arrts loccasion de la capture du soldat Shalit mais aveclobjectif dempcher le vainqueur des lections de conserver samajorit au sein du CLP. En revenant sur cette politique avant mmela fin du mandat de Mahmoud Abbas et la tenue de nouvelleslections, le gouvernement isralien restaurait graduellement lacapacit de Hamas convoquer lgalement des sessions du CLP le quorum tant de 67 lus prsents dans lesquelles le mouvementretrouverait sa majorit hrite des urnes. Dop par lobtention de lalibration dun millier de prisonniers, si celle-ci se confirmait, Hamasaugmenterait ses chances non seulement dobtenir une seconde foisla majorit au sein du CLP mais ventuellement demporter laprsidence de lAP. En laissant simplement entrevoir (lchange de

    15 Original en arabe (http://www.elections.ps/atemplate.aspx?id=775) et traduction

    officielle en anglais (http://www.elections.ps/template.aspx?id=500) sur le site de laCommission centrale des lections.16 Pour une approche la fois juridique et politique, Palestinian Centre for HumanRights (PCHR), Gaza, Reconciliation Is a Prerequisite for Elections; PresidentialDecree is Constitutionally Sound, But Inappropriate and Impossible withoutReconciliation, Position Paper, 25 octobre 2009(http://www.pchrgaza.org/Interventions/25-10-09.html).17 Les sondages en Palestine constituent une industrie trs rmunratrice. Aucunnest fiable. Dans lhypothse o les instituts ne procderaient aucunemanipulation, ce qui reste prouver, ils ne disposent pas, en effet, des lmentsobjectifs de comparaison indispensables pour redresser les distorsions habituellesdes opinions exprimes.

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    prisonniers na pas encore eu lieu) que la popularit de Hamaspourrait senvoler vers le haut, le gouvernement isralien semployait se conserver son interlocuteur prfr en le conduisant renonceraux lections tout en entretenant sa faiblesse ncessaire langociation.

    Se soumettant lavis de la Commission centrale deslections le 20 novembre, Mahmoud Abbas na fait quentriner laconstatation de limpossibilit de tenir les lections quil avaitconvoques. Ce faisant et en labsence de toute autre dclaration, il acart lhypothse de les tenir en Cisjordanie seulement, au moinspour le moment. Aucune information na filtr sur la prise en compteou non par le leadership palestinien de Ramallah dune telleventualit. Ses risques taient considrables et immdiats : uneconscration juridique aux consquences difficilement rversibles dela division institutionnelle entre la Cisjordanie et la bande de Gaza.Cette dcision naurait pourtant pas constitu une totale aberration au

    regard du contexte politique des dernires annes o communautinternationale, Isral et prsidence palestinienne mnent unepolitique que lon pourrait qualifier de Cisjordanie dabord (voirinfra).

    La rforme :un modle politique prenniser

    Au-del des interrogations touchant la survie politique dun individu

    et de ses proches, lenjeu vritable des dcisions actuelles est celuide la poursuite de la mise en uvre dun modle politique qualifi entermes de rforme , tout au moins ses dbuts. Ne de lunion dela conception forge dans laprs 11 septembre de la scurit dans largion, dune part, et de la conception no-librale de lamondialisation (retrait des tats, effacement des frontiresnationales), dautre part, lapproche amricaine de lAP a t adoptepar la communaut internationale avant mme le dcs de YasserArafat18. Ds 2003, en effet, les donateurs internationaux tentrentdimposer au vieux leader du mouvement de libration nationale unmodle de gouvernance techniciste. Ils lobligrent abandonner unepartie de ses prrogatives un prsident du Conseil des ministres

    dont le poste fut alors cr et lui imposrent leurs hommes :Mahmoud Abbas, partisan de longue date de la ngociation avecIsral au sein du CEOLP et de Fatah, occuperait la prsidence duConseil ; Salam Fayyad, ancien directeur du Fonds montaireinternational en Palestine et fils dun dput la Chambre

    18 Je reprends ici les termes dune dfinition propose dans un projet de recherchepar Agns Favier, politiste longtemps en poste lInstitut franais du Proche-Orient(IFPO) de Beyrouth.

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    jordanienne, serait aux Finances, et Muhammad Dahlan, ancienpatron de la Scurit prventive dans la bande de Gaza, contrleraitla Scurit intrieure. Au nom de la rforme mene dans unelogique de transparence et de baisse des cots, laprofessionnalisation exige des administrations publiques conduisaiten ralit une dpolitisation de faade de la machine du pouvoirpour la couper de tout enracinement nationaliste qualifi de partisan.La communaut internationale tenta ainsi de casser le systmeArafat quand, de son ct, le gouvernement isralien dcidaitdassiger le prsident dans son QG de Ramallah. Lexcellence dontYasser Arafat avait fait preuve durant la trentaine dannes quiavaient prcd dans sa gestion du pouvoir, une gestion de type no-patrimonialiste classique, avait pourtant convaincu cette mmecommunaut de lui confier la matrise duvre de lAP au dbut desannes 1990. La nouvelle structure se voyait alors charge, grce ausavoir-faire de son prsident en matire de redistribution des biens et

    des prbendes, de recycler les combattants de lextrieur, les leadersde lIntifada de lintrieur et tous les opposants potentiels enserviteurs dune autonomie intrimaire promue en termes de proto-tat19. Faute davoir pu imposer Yasser Arafat la prsence deMahmoud Abbas et de Muhammad Dahlan plus de quelques mois, lacommunaut internationale dut se rsoudre voir la rforme exige rduite aux seuls domaines conomiques et financiers sous laresponsabilit de Salam Fayyad, maintenu aux Finances dans lestrois cabinets Ahmad Qore (Abu Ala) qui avaient suivi.

    Llection tant attendue de Mahmoud Abbas la prsidencede lAP le 9 janvier 2005 permit de poursuivre la rforme dans ledomaine conomique mais surtout de ltendre, enfin, au domaine dela scurit. Pilote par les deux administrations amricainessuccessives et dans la plus grande continuit, la rforme seretrouvait dornavant btie autour dimpratifs scuritaires et sa miseen uvre dans ce domaine dut sacclrer avec la victoire de Hamasaux lections de janvier 2006. Elle put se poursuivre, aveclassentiment de Hamas, dans le domaine conomique de mme quedans le domaine scuritaire, lcart duquel, cependant, Hamas et lecabinet dunion nationale furent maintenus par la prsidence20. Ds lavictoire de Hamas, les pressions interventionnistes amricainesvisant lempcher dexercer le mandat qui lui avait t confi par lesurnes ont bnfici dun consensus avr entre diffrents acteurs :

    19 Jean-Franois Legrain, La seconde mort de Yasser Arafat , inLtat du Monde2008, sous la direction de Bertrand Badie et Sandrine Tolotti, Paris, La Dcouverte,2007, p. 115-118.20 Lire Jack D. Crouch II, Montgomery C. Meigs, et Walter B. Slocombe, Security First:U.S. Priorities in Israeli-Palestinian Peacemaking, Washington Institute Strategic Report,dcembre 2008 (http://www.washingtoninstitute.org/pubPDFs/StrategicReport01.pdf). Liregalement la production du Geneva Centre for the Democratic Control of Armed Forces(DCAF) (http://www.dcaf.ch/) et principalement Roland Friedrich, Arnold Luethold, Entry-Points to Palestinian Security Sector Reform, Berlin, Nomos Verlagsgesellschaft, 2008 ; latraduction en arabe est accessible en ligne(http://www.dcaf.ch/publications/kms/details.cfm?lng=en&id=44240&nav1=4).

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    Quartet (tats-Unis, Fdration de Russie, Union europenne etONU), Isral et prsidences palestiniennes (AP et OLP) auxquelsstaient rallis certains tats arabes (gypte et Jordanie au moins).Sa concrtisation a bnfici de la participation active de chacundentre eux21. Sa matrise duvre a t confie par le prsidentamricain George W. Bush partir de novembre 2005 au gnralKeith Dayton (venu dIrak), en tant qu US Security Coordinator(USSC) for Israel and the Palestinian Authority . La fonction venaitdtre cre par la secrtaire dtat Condoleezza Rice et son titulairea t confirm dans ses fonctions par le prsident Barack Obama. Lamission du coordinateur tait et reste claire : The USSC has beencharged with helping professionalize and consolidate PA forces andwith coordinating their activity with Israeli officials pursuant to bothsides obligations under the 2003 Performance-Based Roadmap toa Permanent Two-State Solution to the Israeli-Palestinian Conflict .These obligations are predicated on the understanding that security is

    a core issue upon which Israeli-Palestinian peace depends. 22

    Le plan du gnral Keith DaytonLensemble des lignes directrices de lapproche amricaine de laquestion palestinienne, adopte par la communaut internationale ettoujours dactualit, figuraient dj en toute clart dans des textesrendus publics au printemps 2007. cette poque, les diffrentsallis se trouvaient confronts la ralit non encourage duncabinet dunion nationale issu de laccord obtenu en fvrier entreFatah et Hamas La Mecque. Ces textes ont fait lobjet de fuitesdans la presse jordanienne pour ce qui concerne lapproche globale

    de la question de lAP et dans la presse isralienne pour ce quiconcerne les volets conomique et surtout scuritaire.

    Un premier texte, objet dune fuite dans la presse jordanienne linitiative suppose des services de renseignements hachmites,tait intitul Plan daction pour la prsidence palestinienne 2007 23.Il tait cens maner des milieux proches de la Maison-Blanche.Fatah et peut-tre lgypte auraient t associs son laboration et

    21 Sur les premires tapes de ces politiques visant empcher Hamas dexercer lemandat reu des urnes, lire Jean-Franois Legrain, La dynamique de la 'guerre civile' enPalestine ou comment refuser Hamas dexercer son mandat , Critique Internationale,n36, juillet-septembre 2007, documents numriques additionnels (http://www.ceri-sciences-po.org/cerifr/publica/critique/36/sommaire.htm).22Jim Zanotti, U.S. Security Assistance to the Palestinian Authority, CRS (CongressionalResearch Service) Report for Congress, 24 juin 2009(http://www.fas.org/sgp/crs/mideast/R40664.pdf).23 Khitta Amaliyya li-l-Risa al-Filastniyya li-Am 2007, al-Majd, Amman, 30 avril2007 (http://www.almajd.net/article/details/details.asp?id=2018) ;traduction franaise : Centre palestinien dinformation (proche de Hamas), Le plande Dayton : lections anticipes cartant le Hamas et changement la tte duFatah (http://www.palestineinfo.cc/fr/default.aspx?xyz=U6Qq7k%2bcOd87MDI46m9rUxJEpMO%2bi1s7R2kHbHl3LSErd%2f2JKFx28pXmlMg3kNfOUKPAIsmjybTbK5hy10njW%2bpPmLErMQXFpHQXMgZ85Kb2L4Xy%2ffzosOM0T3cNWhccXBPyzG4qu9I%3d).

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    ses ides refltaient celles dEliott Abrams, adjoint du conseiller pourla scurit nationale la Maison-Blanche qui, dans les annes 1980,avait t en charge du dossier des Contras nicaraguayennes. Le planpartait du postulat selon lequel la crdibilit du prsident Abbas[avait] t branle lextrieur des territoires palestiniens la suitede la signature de laccord de La Mecque [dunion nationale] et du faitde linsatisfaction provoque par le non-respect par le gouvernementdunion nationale des exigences du Quartet et des conditionsfondamentales dAbbas . Ds lors, il visait donner plus decrdibilit au prsident dans un dlai de 3 9 mois selon lesdomaines. Son objectif tant de maintenir la prsidencepalestinienne et le mouvement Fatah en tant que centre de gravit dela scne politique palestinienne . Le plan prvoyait ainsi de fournirle soutien politique et financier Mahmoud Abbas et Fatah afin quele prsident palestinien puisse poursuivre les ngociations politiquesen vue de la constitution de ltat palestinien et construire sa base

    politique ncessaire pour avancer vers le plan B (des lectionslgislatives anticipes) ; de frapper les forces politiques deHamas en fournissant au peuple palestinien de quoi rpondre sesbesoins conomiques directs travers la prsidence et Fatah [] ;de fournir les outils ncessaires pour que la prsidencepalestinienne puisse matriser les appareils de scurit.

    Le second texte, connu sous le nom de BenchmarkDocument ( banc dessai au sens littral) provenait dudpartement dtat amricain et a t rendu public quelques joursaprs la fuite jordanienne par le quotidien isralien Haaretz24. Sesrdacteurs taient le gnral Keith Dayton, dj cit, Dick Jones,ambassadeur Tel-Aviv, et Jacob Wales, consul gnral Jrusalem. Il devait tre officiellement prsent par la secrtairedtat Condoleezza Rice ses interlocuteurs lors de sa tourne dansla rgion la mi-mai 2007. Plan dtaill et dot dun calendrier demise en application, il visait la fois faciliter les dplacements desPalestiniens dans les territoires et mettre en place, du ctpalestinien, un plan de scurit. Lamlioration du quotidien du fait demesures prises par Isral aurait t porte au crdit du prsidentAbbas dans la perspective de lgislatives anticipes ; le voletscuritaire, quant lui, visait la fois larrt des tirs de roquettesartisanales sur Isral depuis la bande de Gaza, la cessation de toutecontrebande darmes via la frontire gyptienne et la suprmatie de

    la prsidence sur le Conseil des ministres. Le plan dtaill de scuritque les Palestiniens taient censs tablir sous la direction deMuhammad Dahlan (le prsident du Conseil de scurit nationalealors promu gnral) reposait sur le renforcement des forces fidles Mahmoud Abbas, lequel renforcement tait rendu possible grce leur approvisionnement massif en armes et en munitions et leur

    24 Acceleration Benchmarks for Agreement on Movement and Access as Well as on theGaza Security Situation, Haaretz, 4 mai 2007(http://www.haaretz.com/hasen/spages/855665.html).

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    entranement avec le concours actif de la Jordanie et de lgypte etlautorisation dIsral. Selon le calendrier de mise en application duplan, les forces de scurit lies la prsidence taient censes sedployer le 15 juin 2007, en coordination avec lgypte et Isral, toutle long de la frontire gyptienne ; le mme jour, elles taientappeles prendre galement le contrle de toute la cte de labande de Gaza. Un dploiement gnral des forces de la prsidencetait prvu le 21 juin dans le cadre du plan anti-roquettes galementgr par Muhammad Dahlan.

    Le volet scuritaire du plan amricain fut interprt par Hamasen termes de projet de putsch men en collaboration avec laprsidence de lAP et Fatah contre le cabinet dunion nationale delAP. Les forces de scurit, tant rgulires du ministre de lIntrieurquirrgulires des Brigades Ezzedin al-Qassam de Hamasdcidrent de prendre des mesures prventives en sassurant alors lecontrle exclusif de la bande de Gaza25. Jai mis lhypothse dans

    une prcdente publication26 que les auteurs de la fuite vers lapresse isralienne pourraient appartenir aux plus hauts chelons dela dcision politique et militaire isralienne. Informs du niveaudincomptence des forces fathaouies encore en formation, ilsauraient ainsi dcid de prcipiter une inluctable victoire militaire deHamas qui aurait l avantage daffaiblir encore plus le leadershipde Mahmoud Abbas dans une ngociation pourtant moribonde, deconsacrer la scission gographique et politique entre la bande deGaza et la Cisjordanie, et dobtenir le soutien unanime de lacommunaut internationale une politique hostile touterevendication nationale palestinienne mais habille en politiqueantiterroriste27. La rsurrection du vieux principe du diviser pourmieux rgner , que les gouvernements israliens avaient dj misen uvre dans les annes 1970 pour accompagner la monte enpuissance des Frres musulmans face lOLP, aurait ainsi trouv unnouveau mode dexpression mme si cela impliquait de scarter, surla forme plus que sur le fond, du plan amricain auquel Isral taitdirectement associ.

    Que la rupture institutionnelle entre Gaza et la Cisjordanieintervenue fin juin 2007 ait t encourage ou pas, les cabinetsFayyad, qui se sont ensuite succd Ramallah, ont poursuivi avecconstance la mise en uvre des mesures prconises par le gnralKeith Dayton. Encadr par le tuteur amricain et assur du soutien

    isralien, le Premier ministre affirmait ordonner ces mesures sa

    25 Sur le factuel et les rfrences bibliographiques, lire Jean-Franois Legrain, Limpasse politique et institutionnelle palestinienne , op. cit; David Rose, TheGaza Bombshell, Vanity Fair, avril 2008(http://www.vanityfair.com/politics/features/2008/04/gaza200804).26 Jean-Franois Legrain, Pour une autre lecture de la guerre de Gaza , EchoGo,Sur le vif 10 fvrier 2009 (http://echogeo.revues.org/index10901.html).27 La politique de Hamas, meilleur ennemi dIsral que jai releve plus haut propos de larticulation entre la ngociation Shalit et lannulation des lectionssinsre donc dans une longue continuit.

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    politique de construction dun tat palestinien. Vers la paix et laprosprit , selon le titre dun de ses documents de rfrence28.Lexacerbation dun manichisme politique trivial les gentils Fatahrussissent l o les mchants Hamas chouent sest simplementretrouve marque dune base gographique dans une stratgiedornavant pratique en termes de Cisjordanie dabord .

    Sous la responsabilit du gnral Muhammad Dahlan, larforme scuritaire fut ordonne la rcupration du monopole de laviolence par la prsidence travers llimination des groupes armsde lorbe islamiste et la dissolution de ceux de lorbe nationaliste.Mais la grande nouveaut consista, au nom de laprofessionnalisation, une dpolitisation impose des forces descurit29. De nouveaux modes de recrutement pour des unitsdornavant entranes Jricho et en Jordanie sous supervisionamricaine furent adopts : quand un pass activiste au sein desanciennes divisions de lArme de libration de la Palestine (ALP) ou

    des divers groupes de choc des deux Intifada constituaitauparavant une quasi-assurance de recrutement, il devenaitdornavant une cause dempchement majeur, selon le tmoignagede nombreux de mes interlocuteurs. Au mme moment, limmensemajorit des officiers suprieurs et toute une gnration dhommesdu rang recruts selon lancien systme taient placs doffice laretraite.

    Dans le domaine civil, et plus particulirement la carrirediplomatique et lexcutif ministriel, une logique comparablesinstalla. Lancien corps diplomatique de lOLP avait t mis laretraite ds le dbut de la prsidence Abbas. Ses titulaires avaient

    tous t remplacs par des personnalits certes plus jeunes maisencore issues des milieux engags, pour la plupart Fatah. Cetteralit pouvait galement tre observe dans les ministressuccessifs. Lors de la constitution du cabinet Fayyad III en mai 2009,cependant, Fatah connut les pires difficults pour obtenir un certain

    28 Autorit palestinienne, Building a Palestinian State. Towards peace and prosperity,Paris 17 dcembre 2007(http://siteresources.worldbank.org/INTWESTBANKGAZA/Resources/PRDP.pdf).Distribu lors dune runion des donateurs tenue Paris, le document a fait lobjetdune prsentation par Salam Fayyad en ces termes : This document sets out astrategy for implementing a vision of the future Palestinian state; a vision that can beimplemented if reinforcing steps are quickly taken in the spirit of the understandingsreached at Annapolis. We are committed to good governance, law and order and thedelivery of basic public services throughout the Occupied Palestinian Territory.Stabilization and rebuilding of trust are our main priorities in 2008, and we havealready embarked on a comprehensive program of civil and security governancereforms. We will also work on a series of social and economic developmentinitiatives, reinforced by a substantial program of infrastructure rehabilitation.29 Lire, par exemple, les propos du directeur du Centre stratgique des politiquespalestiniennes, le gnral Kamel Abu Isa, Rforme et restructuration des servicesde scurit sur une base professionnelle loigne des sensibilits politiques (enarabe), site Dunya al-Watan, 8 avril 2007(http://www.alwatanvoice.com/arabic/content-82874.html).

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    nombre de maroquins pour ses cadres, lesquels ne furent inclusquaprs une premire annonce de la formation du nouveau Conseil.Survivance dun pass que les mentors internationaux auraient voulurvolu, la politisation (au sens de lengagement patriotique) de lagouvernance palestinienne avait t amoindrie mais navait pasencore disparu. Il sensuivit la mise en place dun nouveau dispositifauquel Fatah a accord son soutien lors de la runion de sonCongrs gnral runi Bethlem en aot 2009 : le non-cumul entreles fonctions excutives au sein de lAP et les responsabilits au seindu mouvement national.

    Le Congrs gnral FatahLe Congrs gnral Fatah runi Bethlem en aot 2009

    pour la premire fois depuis 20 ans a donn lieu de nombreusesspculations sur le degr de transparence, ou plutt dopacit, du

    processus de dsignation des membres de ses deux instancesdcisionnelles, le Comit central (CC 24 membres) et le Conseilrvolutionnaire (CR 128 membres)30. Le plbiscite par acclamationde Mahmoud Abbas la direction suprme sest lui-mme opr endehors des rgles (mme si certains prcdents comme celui deYasser Arafat ont t voqus). Lhabilitation participer au Congrset voter a fait lobjet de contestations de toutes parts et le secret duvote na pas t observ pour ceux qui ont particip au scrutin depuisla bande de Gaza (la totalit des lus lors des primaires ne stantpas vu offrir la possibilit de le faire sans que les critres du tri aientt rvls). Les rsultats doivent donc tre considrs en grandepart comme le fruit dun choix opr par un cercle aux membres non

    identifis et non comme le reflet fidle des opinions de la base. Lasociologie politique des membres du nouveau CR mais galementceux, moins nombreux, du nouveau CC est difficile dcrypter tantles lus renvoient des courants divers et contradictoires. Lacomposition du CC na donc pas obi au schma classique de lavictoire totale des uns sur les autres, si lon met de ct lexclusion enamont, dune part, de Farouk Kaddoumi (Abu Lutuf cofondateur dumouvement, il na jamais reni son opposition au processus dOslo)et de ses partisans et, dautre part, la marginalisation globale (dans la

    30 Lire Julien Salingue, Congrs de Bethlem : la seconde mort du Fatah , 16 aot2009 (http://juliensalingue.over-blog.com/) et International Crisis Group (ICG), Palestine :Salvaging Fatah, Middle East Report, n91, 12 novembre 2009(http://www.crisisgroup.org/library/documents/middle_east___north_africa/arab_israeli_conflict/91_palestine___salvaging_fatah.pdf). Lire galement Mahdi Abdel Hadi,Fateh 6th

    Convention (4-10 August, 2009), PASSIA (Jerusalem), 10 aot 2009(http://www.passia.org/about_us/MahdiPapers/FatehConvention.pdf) ; Mohsen Moh'dSaleh, Fatah Sixth Convention and the Elements of Disruption and Delay, Al-Zaytouna Centre (Beyrouth), 1er mai 2009 (trad. anglaise dun original en arabepubli le mme jour sur al-Jazeera.net),(http://www.aljazeera.net/NR/exeres/FBB4E3F8-F3DA-48B7-8D7B-0E7B50A4E639.htm).

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    participation au Congrs comme dans les nouveaux CC et CR) desstructures du mouvement de lextrieur et de la bande de Gaza.

    La tenue du Congrs lintrieur, contre lavis de beaucoupde cadres y compris de lintrieur, organisait en effet la

    marginalisation de sa base disperse dans la diaspora en imposantaux contestataires de lautonomie de se rendre dans les territoires eten conditionnant la venue des dlgus de lextrieur au bon vouloirdes autorits doccupation31. Cette marginalisation tait dj effectiveavec lAP en charge des seuls Territoires autonomes (40 % environde la superficie des territoires occups en 1967), qui, de facto, staitsubstitue lOLP en charge de lensemble du peuple palestinien. Lamarginalisation tout aussi forte de Gaza au sein des nouveaux CC etCR suggrerait que le mouvement fait en quelque sorte le deuil de saprsence dans la Bande mme sil a fait endosser la responsabilitde cette marginalisation Hamas. LAP de Gaza, en effet, a interdit levoyage des dlgus vers Bethlem, lAP de Ramallah stant refus

    librer de ses prisons les militants Hamas arrts massivementdans le cadre de leurs rivalits partisanes. Certains liront dans cettemarginalisation de la bande de Gaza laveu de la popularit deHamas, appele durer Gaza et si menaante en Cisjordaniequelle y ncessiterait un recentrement des nergies de Fatah32.Dautres verront dans le refus de payer le prix de la venue des cadresgazouis Bethlem la manifestation dun profond doute quant leurfidlit tant Mahmoud Abbas et qu Muhammad Dahlan, son brasscuritaire, qui avait tent de faire main basse sur le mouvement Gaza avant den tre chass par Hamas.

    La double marginalisation de lextrieur et de Gaza acquise33,

    le nouveau CC traduirait une volont dy faire figurer lventail le pluslarge possible des courants existants. Ses limites seraient celles duncertain consensus autour de Mahmoud Abbas et de la ligne politiqueincarne par Salam Fayyad, quand le refus de cohabiter avec Hamasna mme pas fait lobjet dun dbut dinterrogation. Lchec dAhmadQore se maintenir au sein du CC auquel il appartenait depuis 1989signifierait donc que ses divergences exprimes plusieurs reprisesavec lapproche de la ngociation et de la gouvernance de MahmoudAbbas lui interdisaient dsormais toute responsabilit de haut niveauau sein du mouvement.

    Sil navait fallu seulement que le courant Abbas, dans son

    extension plus ou moins large, obtienne la majorit des siges ausein de la direction de Fatah, le jeu aurait t classique. Mais le cas

    31 Sur les quelque 2350 ( ?) participants, seuls 200 environ venaient de lextrieur.32 Cette ralit est en totale rupture avec lhistoire. Comme la fort bien montrHassan Balawi (en collaboration avec Michael Prazan), dans Gaza : Dans lescoulissesdu mouvement national palestinien, Paris, Denol, 2008, la bande de Gazaa constitu lun des principaux creusets dans lequel le mouvement nationalpalestinien sest faonn, sous ses formes tant nationaliste quislamique.33 Lancien Haut Comit de la bande de Gaza a ensuite entirement dmissionn ensigne de protestation.

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    de figure que constitue la tenue du Congrs Fatah sort totalement delordinaire : il fallait en effet que, conformment au plan international,le mouvement phare de la libration nationale palestinienaccompagne la politique de dpolitisation de la gouvernancepublique. En figurant parmi les lus, en effet, les dsormais membresdu CC Fatah se voyaient barrs de toute fonction excutive(ministres) et diplomatiques au nom du principe de non-cumul demandats34. Les cadres de Fatah dsormais confins au seul domainede leur mouvement, le Conseil des ministres pourrait enfin necompter que des professionnels 35.

    Dans le contexte international et local de ces quatre derniresannes et en labsence de toute rconciliation nationale, laconvocation des lections et le constat de limpossibilit de leurorganisation par Mahmoud Abbas constituent les premires rouesdun train dengrenage. En effet, moins dune rconciliation bienimprobable qui, seule, permettrait ltablissement agr dun nouveau

    calendrier, force devrait tre de constater le 24 janvier 2010 lavacance de la prsidence de lAP. Selon la Loi fondamentale de200336 rvise en 200537, le mandat de Mahmoud Abbas tait djarriv son terme le 24 janvier 2009. Le dcret-loi prsidentiel1/2007 dj cit avait prolong le mandat prsidentiel dune annepour faire concider lections prsidentielle et lgislatives en janvier2010, chance constitutionnelle du mandat du CLP lu en 2006. Surla base davis juridiques divers38, Hamas avait, dans un premier

    34 Le non-cumul de fonctions excutives et de fonctions partisanes est galementobserv par Hamas. En cas de nomination un poste ministriel, ses membres

    doivent dmissionner du mouvement, ce quils ont fait.35 Ce partage des tches impos par la politique internationale, bien quentrin parle Congrs de Fatah, fait encore lobjet de contestations internes. Selon al-Quds al-Arabi (Londres), 10 novembre 2009 (http://81.144.208.20:9090/pdf/2009/11/11-09/All.pdf), par exemple, des membres du CR Fatah au cours dune runionextrmement houleuse tenue le 8 novembre 2009 ont accus Salam Fayyad davoirmen un coup dtat blanc en ayant rendu public son plan Palestine. EndingOccupation, Establishing the State (lire infra) sans consultation pralable de Fatah.Lire ce propos Saleh al-Naami, Band-aid Proposal. Palestinians are Distrustful ofa proposal by Salam Fayyad to Declare a State Within Two Years, Ahram Weekly,19-25 novembre 2009 (http://weekly.ahram.org.eg/2009/973/re2.htm). La rgle denon-cumul est encore diversement respecte. Si, en effet, Husayn al-Chaykh,ministre des Affaires civiles, a dmissionn de son poste le 23 aot 2009,Muhammad Shtayyeh, galement lu au CC Fatah, na pas dmissionn de sacharge de ministre des Travaux publics et de lHabitat. Caution externe Fatah du

    cabinet Fayyad, les membres de Fida, du FDLP et du Front de Lutte populaire(FLPP) nont pas t invits dmissionner.36 Original en arabe (http://www.elections.ps/admin/pdf/Basic_Law_2003.pdf) ettraduction officielle en anglais(http://www.elections.ps/admin/pdf/The_Amended_Basic_Law_2003_EN.pdf) sur lesite de la Commission centrale des lections.37 Original en arabe (http://www.elections.ps/admin/pdf/Basic_Law_2005.pdf) ettraduction officielle en anglais(http://www.elections.ps/admin/pdf/The_amended_Basic_Law_of_2005_EN.pdf) surle site de la Commission centrale des lections.38 Traduction franaise sur le site du Palestinian Information Center, site officieux deHamas, 27 octobre 2009

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    temps, contest la constitutionnalit de ce dcret-loi. La guerre contreGaza lavait ensuite contraint mettre sa contestation sous leboisseau. En janvier 2010, cependant, aucun argumentconstitutionnel lgitime ne permettra de surseoir aux lections. Seulle document gyptien consignant laccord de lensemble de la scnepolitique palestinienne sur leur report en juin 2010 aurait permisdviter cette situation. Il a de facto t dnonc par MahmoudAbbas. Conformment la Loi fondamentale, lintrim prsidentieldevra alors tre assum par le prsident du CLP (dont le mandatdevra tre prolong, lire infra), Aziz Dwayk de la liste Rforme etChangement de Hamas. Une telle injonction constitutionnelle,cependant, devrait se heurter selon toute vraisemblance un refusimmdiat tant de Fatah que dIsral et de la communautinternationale.

    (http://www.palestineinfo.cc/fr/default.aspx?xyz=U6Qq7k%2bcOd87MDI46m9rUxJEpMO%2bi1s7pRG1g0Gym3C4dpFkxhIi95HXklic%2bUWUriyqwluvblAH69pSz3Pxo%2buiFLZ2R1WLYKyxUmleB6YCc%2bCE3izpWAZDCWXNseyy99VMgtiHUsw%3d)

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    Des hypothses

    La rconciliation nationale seule aurait permis Mahmoud Abbas et lensemble des acteurs politiques palestiniens de trouver une solutionpolitique qui leur aurait permis de sortir de limpasse juridique danslaquelle se trouve lAP depuis la tentative de coup de force de Fatahet le contre coup de Hamas de lt 2007. Lincapacit de laprsidence de lAP organiser de nouvelles lections prsidentielleet lgislatives nest ainsi que la consquence du choix de rupture

    adopt par Mahmoud Abbas sur le dossier de la rconciliation. Fautede pouvoir raisonnablement envisager le respect pur et simple de laLoi fondamentale palestinienne en janvier prochain un prsident parintrim de lAP issu de Hamas et la prolongation du mandat du CLPactuel , diverses alternatives doivent donc tre prises en compte.

    Parmi ces alternatives, celle de ltat unique binational enPalestine et celle dun retour sous une forme ou sous une autre de laJordanie en Palestine me semblent aujourdhui difficilementenvisageables, mme si elles font lobjet de dclarations diverses. Jeme contenterai donc de les rappeler sans les dvelopper. Lide duntat unique binational en Palestine39, bien que porte par des

    acteurs peu nombreux, sest vue ces derniers mois dnonce et ses justifications rfutes par la publication soudaine dtudes etargumentaires, tout particulirement issus des milieux israliens (enIsral mme ou aux tats-Unis) et palestiniens lis aux tats-Unis40.

    39 Lun des Palestiniens qui prnent la thse de ltat unique de longue date est AliAbunimah, cofondateur du site The Electronic Intifada(http://www.electronicintifada.org). Lire Ali Abunimah, One Country: A Bold Proposalto End the Israeli-Palestinian Impasse, New York, Metropolitan Books, 2006.40Lune des initiatives les plus significatives en ce domaine est celle de lAmerican TaskForce on Palestine (ATFP) (http://www.americantaskforce.org/) base Washington, DC : ATFP is dedicated to advocating that it is in the American national interest to promote anend to the conflict in the Middle East through a negotiated agreement that provides for two

    states - Israel and Palestine - living side by side in peace and security. The Task Forcewas established in 2003 to provide an independent voice for Palestinian-Americans andtheir supporters and to promote peace. AFTPs Board of Directors is made up of a largegroup of noted Palestinian-Americans who agree with these principles. [...]ATFPsPresident and Founder is Dr. Ziad J. Asali, a retired physician with a long history ofactivism in Palestinian and Arab-American organizations. He previously served asPresident of the American-Arab Anti-Discrimination Committee (ADC) and Chairman ofthe American Committee on Jerusalem (ACJ). He also served as the President of theArab-American University Graduates (AAUG). ATFP has two Senior Fellows, Ghaith Al-Omari, who is a former foreign policy advisor to Palestinian President Mahmoud Abbas,and Hussein Ibish, who is former Communications Director of ADC and a frequentcommentator on television. ATFP is strictly opposed to all acts of violence against civiliansno matter the cause and no matter who the victims or perpetrators may be. The Task

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    Certes, lventualit dun retour cette revendication porte par lOLP ses origines a rcemment t voque par certains cadres de lAPet/ou de lOLP41, mais elle ne semble relever que de la simplerhtorique. La revendication du partage de la Palestine en deuxtats, en effet, a t adopte comme objectif de la lutte par le CNPdAlger en novembre 1988. Elle demeure aujourdhui encoreconsensuelle au sein des divers mouvements, organisations et partispalestiniens y compris islamistes. Des nuances, certes, sont releveren ce qui concerne les positions de Hamas (lire infra) et du Jihadislamique. Seul le Parti de la Libration islamique exclut par principelide dtat au sens occidental du terme en rclamant la restaurationdun califat universel qualifi d tat islamique 42. Lespoir dunretour loption jordanienne dveloppe par les Travaillistesisraliens dans les premires annes de loccupation de laCisjordanie revient galement priodiquement mais na jamais, cesdernires annes, suscit dintrt positif de la part du Royaume

    hachmite43

    .

    Force advocates the development of a Palestinian state that is democratic, pluralistic,non-militarized and neutral in armed conflicts. Lire Hussein Ibish, Whats Wrong with theOne-State Agenda ? Why Ending the Occupation and Peace with Israel is Still thePalestinian National Goal, Washington, ATFP, 2009.41 Par exemple, Saeb Erekat, 5 novembre 2009(http://www.presstv.ir/detail.aspx?id=110512&sectionid=351020202).42Parmi les sources en anglais, lire Abu Ghazi, Political Views on Palestine, Al-Khilafah

    Publications, Londres, 1998(http://www.universal-islam.com/phpfiletrace.php?file=PolView.pdf). Les ouvrages derfrence du Parti sur la question du Califat sont disponibles en traduction franaise sur lesite al-Badil (http://albadil.edaama.org/articles.php?id_article=27&theme=khilafah).43 Dans Giora Eiland, Rethinking the Two-State Solution, Washington Institute PolicyFocus, septembre 2008(http://www.washingtoninstitute.org/pubPDFs/PolicyFocus88.pdf), Maj. Gen. GioraEiland, former head of Israel's National Security Council, examines the currentagenda of Israeli-Palestinian peace negotiations and offers the provocativeassessment that a conventional two-state approach may never succeed, given thecumulative weight of the compromises required from each side. If negotiations werechallenging in 2000, he argues, they will be even more difficult today, with Hamas'sascendancy in Gaza and the injection of new technology -- such as short-rangerocketry -- having entered into the strategic equation. In place of a diplomaticapproach that has repeatedly failed to produce peace, General Eiland offers two newproposals -- a modified "Jordanian option" and a new "regional solution" -- that couldbypass the growing political and security obstacles that have impeded peacemakingfor so many years. Pour un intressant et court retour sur lhistoire de cette option,lire Reuven Pedatzur, The Jordanian Option, the Plan that Refuses to Die,Haaretz, 25 juillet 2007(http://www.haaretz.com/hasen/pages/ShArtStEngPE.jhtml?itemNo=886064&contrassID=2&subContrassID=5&title=%27The%20%27Jordanian%20option,%27%20the%20plan%20that%20refuses%20to%20die%20%27&dyn_server=172.20.5.5). Un pointisralien sur la question en 2005 est dress dans Dan Diker & Pinchas Inbari, AreThere Signs of a Jordanian-Palestinian Reengagement ? , Jerusalem Center forPublic Affairs (JCPA), Issue Briefs, 5/1, 19 juillet 2005(http://www.jcpa.org/brief/brief005-1.htm).

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    Le maintien de lAutorit palestiniennesous une forme ou sous une autre

    Ltat unique binational et le retour de la Jordanie hachmite enPalestine tant carts car trop improbables pour limmdiat, lapremire hypothse envisager est celle de la continuit. LAPpourrait ainsi se voir maintenue en dehors de toute lgalitconstitutionnelle tandis que son personnel dirigeant serait renouvela minima. Lillgalit, dailleurs, caractrise dj le Conseil desministres et son prsident Salam Fayyad depuis le 13 juillet 2007,date dchance de ltat durgence constitutionnel lui proclamun mois plus tt par le prsident. Cette inconstitutionnalit avaitensuite entran le Premier ministre charg des Affaires courantesIsmail Haniyya prendre des dcisions elles-mmesanticonstitutionnelles44. Cependant, loin dinquiter par leur caractre

    anticonstitutionnel, la prsidence de Mahmoud Abbas depuis le 24 janvier 2009 et les deux derniers cabinets Fayyad ont reu avecconstance lentier soutien de la communaut internationale jusquaujourdhui.

    Mme anticonstitutionnelle, lhypothse du maintien en ltatde lAP reste donc dactualit, mais ncessiterait vraisemblablementlacceptation de Mahmoud Abbas den assurer, pour un tempsencore, la prsidence. Un tel consentement ne serait pasncessairement contradictoire avec sa dcision rcente de ne pascandidater sa propre succession par la voix des urnes. Hommedhumeur, Mahmoud Abbas est connu depuis longtemps pour ses

    annonces rptes de dmission. Brandies en guise de menace, laplupart nont jamais t concrtises. Parmi les plus rcentes,cependant, lune a bien t suivie de faits : lautomne 2003, aprstrois mois de prsidence du Conseil des ministres alors que YasserArafat tait encore aux affaires, il a jet lponge faute de soutiendclar sa politique de rformes mene sous pressioninternationale. Une autre, oublie aujourdhui, avait elle aussi tconcrtise : en juillet 2003, pour protester contre les critiques qui luitaient faites dans la direction des affaires en tant que Premierministre, il avait dmissionn du CC Fatah. Ntant jamais revenuformellement sur cette dcision, il participe pourtant de nouveau auxrunions du CC Fatah la mort de Yasser Arafat et sa dmission ne

    la pas empch dtre dsign chef suprme du mouvement en aotdernier. Dcid simplement ne pas candidater sa succession parla voie des urnes, Mahmoud Abbas na ni dmissionn de saprsidence de lAP (pas plus que de celles du CEOLP et de ltat dePalestine) ni explicitement annonc son dpart en janvier 2010. Unenouvelle reconduction, sans passer par les urnes, de son mandat

    44 Palestinian Centre for Human Rights (PCHR) (Gaza), PCHR has Reservationsabout Regulations Adopted in the Context of Ongoing Political Fragmentation,Position Paper, 23 juin 2009 (http://www.pchrgaza.org/Interventions/23-6-09.html).

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    nest donc pas exclure ; elle a mme peut-tre constitu lobjectifvis par les annonces successives concernant les lections.

    Si la contestation protiforme de lexistence mme de lAPque lon observe aujourdhui tait appele durer, lhypothse du

    maintien de lAP en tant que cadre institutionnel ne pourrait,cependant, tre envisage moyen terme que si celui-ci taitaccompagn dun changement significatif de sa direction, tant danslidentit de ses dtenteurs que dans son mode de fonctionnement.

    Des sources gyptiennes non identifies, cites par uneagence de presse proche du Mouvement du Jihad islamique enPalestine45, ont fait tat rcemment dun plan gyptien quienvisagerait le remplacement de Mahmoud Abbas la tte de lAPpar une direction collective qui associerait trois membres rcemmentlus au sein du CC Fatah : Abu Maher Ghnaym (figure historique dumouvement et meilleur lu au CC en aot dernier, il a toujours fait

    tat dune approche critique dOslo qui la conduit refuser desinstaller en territoires autonomes ; son nom, par ailleurs, est malcit dans la dpche : Maher Abu Ghnaym, alors que son vrai nomest Muhammad Ghnaym ou Abu Maher Ghnaym), Marwan Barghouti(emprisonn en Isral pour son rle dans la seconde Intifada) etSab Erakat (partie prenante de toutes les ngociations depuis 1993,il a t lu au sein du CEOLP en aot 2009). ces trois hautsresponsables Fatah seraient adjointes des personnalitsindpendantes ou issues dautres formations comme MustafaBarghouti (ancien du Parti du Peuple-ex communiste, fondateur delInitiative [al-Mubdara], une petite formation rformiste, et arrivdeuxime derrire Mahmoud Abbas avec 19,80 % des suffrages lors

    de llection prsidentielle de janvier 2005 qui en avait accord62,32 % au candidat de Fatah), Hanan Achraoui (ancienne porte-parole de la dlgation palestinienne aux ngociations dans lesannes 1990, cofondatrice fin 2005 avec Salam Fayyad de laTroisime Voie, une petite organisation de rforme qui nobtint que2,3 % des voix dans le scrutin la proportionnelle de janvier 2006),Yazid al-Khalidi (inconnu, Rachid al-Khalidi ? Yazid al-Sayegh ?) etAkram Hourani (inconnu, Akram Haniyyeh ? Muhammad Hourani ?).De srieux doutes planent ainsi sur lauthenticit de cette information,au moins en ce qui concerne lidentit des personnalits envisagespour appartenir cette nouvelle direction collective.

    Lide de la constitution hors lection dune nouvelle directionindividuelle ou collective en charge de lAP nest pourtant pas carter dentre de jeu. Le Conseil central de lOLP (CCOLP), parexemple, pourrait servir de recours selon lun de mes interlocuteursau sein de Fatah. Conformment la Dclaration de principes surdes arrangements intrimaires dautonomie ngocie Oslo etsigne Washington le 13 septembre 1993 et au premier accordintrimaire du Caire du 4 mai 1994 (aussi dsign comme Accord

    45Paltoday, 16 novembre 2009 (http://www.paltoday.com/arabic/News-63246.html).

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    Gaza-Jricho dabord ), en effet, cest par un mandat de lOLP queYasser Arafat obtint, dans un premier temps, la prsidence de lAP.Runi Tunis en octobre 1993, le CCOLP avait ainsi adopt unersolution selon laquelle : 1) il investit le CEOLP de la formation duConseil de lAutorit nationale palestinienne dans le cadre de ltapeintrimaire avec des membres du CEOLP et un certain nombre de[personnalits] de lintrieur et de lextrieur 46. Le CCOLP ajoute,dans lalina 2 de sa dclaration, que Yasser Arafat, prsident duCEOLP, sera prsident du Conseil de lAutorit nationalepalestinienne , une fonction jusque-l absente des accords isralo-palestiniens mais accepte a posteriori par les Israliens. Cette base juridique, cependant, est devenue obsolte avec le second accordintrimaire dit de Taba du 28 septembre 1995 qui stipule quelancienne AP nomme par lOLP sera dornavant un organe luselon un processus lectoral quil dtaille.

    La justification par les accords intrimaires dun recours au

    CCOLP pour la nomination dun nouveau prsident de lAP nersisterait pas un examen juridique un peu srieux. Une foisencore, cependant, il convient de rappeler que le strict respect dudroit a depuis longtemps disparu de la mise en uvre des accordsdOslo. La confusion entre lOLP et lAP nest pas nouvelle ; elle aservi tour tour la partie palestinienne, la partie isralienne et lacommunaut internationale.

    La confusion entre lAP et lOLP dpasserait mme la seuledsignation dun prsident de lAP par le CCOLP puisque, selon desdclarations rcentes de plusieurs hauts responsables de lOLP,lhypothse dun transfert de lensemble des comptences du CLP

    vers le CCOLP est envisage. Ainsi, devant le CNP runi Ammanle 14 novembre 2009, Salim Zaanoun, son prsident, a dclar que le24 janvier 2010, lOLP assumera ses responsabilits en nelaissant sinstaller aucun vide constitutionnel 47. Le lendemain,Yasser Abd Rabbuh, en tant que secrtaire du CEOLP, a annoncque le CCOLP serait appel se runir le 15 dcembre, rappelantque le CCOLP constitue lorgane suprme de lOLP en labsencedu CNP. Cest donc lui que revient le devoir de veiller laprservation de la lgalit palestinienne dans ses diffrentesinstitutions, dont font partie celles de lAutorit . Salim Zaanounprcisait pour sa part que, lors de cette cession, le CCOLP aurait tudier la question du transfert des comptences du CLP vers le

    CCOLP48. Le premier vice-prsident du CLP, Ahmad Bahr, rpliquait

    46 Munazzamat Al-Tahrr Al-Filastniyya (OLP), Sd., Qarr Inch Al-Sulta Al-Wataniyya Al-Filastniyya(Dcision de cration de lAutorit nationale palestinienne),Sl., p. 72.47 Original du discours en arabe sur le site du CNP(http://www.palestinepnc.org/news_article.php?newid=35).48 Communiqu du CNP (http://www.palestinepnc.org/news_article.php?newid=35).Lire galement al-Hayt(Londres), 16 novembre 2009(http://www.daralhayat.com/portalarticlendah/77247).

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    immdiatement que, selon la Loi fondamentale de lAP, le mandat duCLP lu est automatiquement prolong jusqu la tenue de nouvelleslections49.

    La dissolution de lAutorit palestinienne

    Dans le contexte international et local daujourdhui, sil savraitquaucun accord interpalestinien ne permet lorganisation dlectionsdans un dlai raisonnable, lalternative pourrait tre le maintien delAP pour une priode limite et sous une forme plus ou moinsrforme par lOLP, suivi de sa dissolution plutt que son maintiensans fin mme bas sur un renouvellement de ses cadres et/ou deson mode de fonctionnement. Mise en place en mai 1994, lAP avaitt conue pour grer lautonomie des populations palestiniennes

    vivant dans les territoires occups en juin 1967 (celles de Jrusalem-Est tant exclues) durant une priode intrimaire de cinq annes auterme de laquelle une solution tait cense avoir t trouve auconflit isralo-palestinien. Faute daccord finalis sur les questionsdes frontires, des rfugis, de Jrusalem, de la scurit et de leau,cette priode fut dun commun accord rallonge dans leMmorandum de Charm el-Cheikh du 4 septembre 1999 pour expirerle 13 septembre 200050. Depuis lors, lexistence de lAP a ttacitement proroge en dehors de tout cadre juridique dfini et stablepuisque chacun Isral, Palestiniens et communaut internationale a fait le tri dans les accords intrimaires pour ne retenir que ce qui luiconvenait dans tel ou tel domaine tel ou tel moment.

    plusieurs reprises, la dissolution de lAP avait t appelede leurs vux par ceux qui considraient quen labsence de ltatpalestinien attendu, le maintien de cette structure ne servait que lesintrts de ceux qui profitaient du peace business : Isral qui sedchargeait sur la communaut internationale de ses obligations depuissance occupante, la communaut internationale qui prfrait lestatu quo une politique de pression sur Isral, sans oublier individuset institutions directement lis lAP51. En proclamant sonautodissolution ds la fin de la priode intrimaire ouverte en mai1994 pour cinq annes, lAP aurait marqu son refus de continuer assumer les tches dvolues avant sa propre cration

    ladministration civile isralienne (en fait larme). Isral se serait

    49 Lire al-Charq al-Awsat(Londres), 18 novembre 2009(http://aawsat.com/print.asp?did=544766&issueno=11313). La position de laprsidence du CLP et de juristes est expose dans al-Barlamn, n25, 25 novembre2009, p. 5-7 (http://www.plc.gov.ps/Magazine/pdf_file/c1b527a9-3f59-4ca0-8fc9-736d58afb20b.pdf), priodique publi partir du sige du CLP Gaza.50 Reproduit sur le site du Monde diplomatique(http://www.monde-diplomatique.fr/cahier/proche-orient/charm99-fr).51 Markus E. Bouillon, The Peace Business. Money and Power in the Palestine-IsraelConflict, Londres, I. B. Tauris, 2004.

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    alors retrouv confront ses devoirs de puissance occupante. Leprsident de la dfunte AP, par ailleurs prsident du CEOLP, seraitalors vraisemblablement retourn hors de Palestine pour y poursuivrela lutte, sous une forme renouvele, en vue de la ralisation desdroits nationaux palestiniens.

    La suggestion dune dissolution de lAP a t avance plusieurs reprises. Lun des premiers en faire mention dans lemonde acadmique palestinien fut Ali Jarbawi fin 2003 alors quilenseignait les Sciences politiques luniversit de Bir Zeit (avantdaccepter le portefeuille du Plan dans le dernier Cabinet Fayyad !).Selon lui, la poursuite de la politique isralienne de colonisationanantissait toute ide de trouver une solution dans le partage de laPalestine en deux tats ; cette dcision isralienne entranait leretour lide dun seul tat en Palestine, la dissolution de lAPconstituant la premire tape dans la conqute par les Palestiniensde leurs droits au sein de cet tat52. Le thme de la dissolution de

    lAP jaillit galement au sein mme de Fatah. En mars 2006, parexemple, alors quAhmad Saadat, le secrtaire gnral du Frontpopulaire (FPLP), venait dtre enlev par larme isralienne danssa prison de Jricho auparavant dserte par les soldatsbritanniques en charge de sa surveillance , des cadres de Fatahexigrent du prsident Mahmoud Abbas that you declare thedissolving of the PA and that you demand from the internationalcommunity to assume its responsibilities and impose its will on theoccupying state to grant the Palestinian people under occupation civilrights. 53. Rien nest alors propos quant aux suites envisager pourlaprs-dissolution. En octobre 2006, cest Abdel Bari Atwan,rdacteur en chef du quotidien palestinien de Londres al-Quds al-Arabi, qui appelle la dissolution pour sortir de cette guerre civileabsurde [entre Hamas et Fatah qui] na pas dautre enjeu que lecontrle de ce cadavre dans le placard quest cette AP 54. Lencore aucun plan pour laprs-dissolution nest propos.

    52 Ali Jarbawi, We will give you more of us, Bitterlemons.org, dcembre 2003(http://www.bitterlemons.org/previous/bl221203ed46.html#pal2). Il ritre saproposition dans The Remaining Palestinian Options, The Arab WorldGeographer/Le Gographe du monde arabe, vol. 8, n3, 2005, p. 118-121(http://users.fmg.uva.nl/vmamadouh/awg/forum2005/AWG83Jarbawi.pdf).53 Fatah cadres demand the dissolving of the PA , traduction de lappel surJerusalem Media & Communication Centre (JMCC), 15 mars 2006(http://www.jmcc.org/new/06/mar/fatah2.htm). Lire galement Danny Rubinstein, Isa Palestinian regime vital ?, Haaretz, 20 mars 2006(http://www.haaretz.com/hasen/spages/695983.html).54 Abdel Bari Atwan, al-Hall f hall al-Sulta (La solution dans la dissolution delAutorit), al-Quds al-Arabi, 4 octobre 2006(http://www.alquds.co.uk:9090/pdf/2006/10Oct/04OctWed/qds01.pdf) ;traduction franaise sur International Solidarity Movement (ISM)-France(http://www.ismfrance.org/news/article.php?id=5552&type=analyse&lesujet=Collabos).

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    Un passage de tmoin : dune Autoritintrimaire dautonomie un tat

    Une dissolution de lAP opre dans le contexte actuel nauraitvraisemblablement plus grand chose voir avec le scnarioenvisageable la fin programme de la priode intrimaire. Lesralits des dernires annes, en effet, ont tourn la page de la luttenationale mene depuis les tats de la confrontation (selon laterminologie des annes 1960-1970) et personne aujourdhui nesemble envisager srieusement le repli des institutions palestiniennescentrales lextrieur. De mme, si la dissolution de lAP taitaccompagne dun appel reprendre la lutte arme comme certainslont rcemment suggr55, celle-ci ne pourrait plus sexercer depuislextrieur et se traduirait plutt travers une nouvelle Intifada plus oumoins populaire. Aucun cadre de lAP, dautre part, na jamais

    annonc vouloir renoncer la responsabilit de la gestion des aidesinternationales. Dans lhypothse de sa concrtisation, unedissolution de lAP se ferait ainsi vraisemblablement avec un passagede tmoin concomitant une autre structure base lintrieur et non lextrieur. Une telle structure pourrait tre un tat, par ailleursrcemment appel de diverses parts (chez les Palestiniens, mais passeulement) tre cr mais dont le mode dtablissement reste trsdbattu : rsolution adopte par le Conseil de scurit de lONU(CSONU) ou dcision unilatrale palestinienne.

    La dissolution de lAP depuis Ramallah et le transfert de sescomptences un tat ncessiteraient une dcision immdiate

    concernant le statut de la bande de Gaza. Du fait de la coupureinstitutionnelle entre lAP de Ramallah et lAP de Gaza ne desvnements de lt 2007 et de la lgalit conteste du prsident delAP, une dcision de dissolution prise par Mahmoud Abbasnengagerait, en effet, que lAP de Cisjordanie. LAP de la bande deGaza aurait ainsi toute latitude pour dnoncer le caractreanticonstitutionnel de cette dissolution sur la base de la Loifondamentale do elle revendique sa propre lgitimit. Rapparatraalors la question dune ventuelle dclaration de la Bande comme

    55 Le refus de faire de la rconciliation nationale sa priorit et la renonciation parprincipe la violence comme moyen de parvenir la libration nationale constituentles deux grandes divergences avec Mahmoud Abbas rcemment raffirmes parMarwan Barghouti dans son interview accorde Battistini Francesco, Corriere DellaSera, 25 novembre 2009(http://archiviostorico.corriere.it/2009/novembre/25/Barghouti_Liberatemi_cambio_Shalit__co_9_091125013.shtml). Dans ses dclarations, cependant, cest le termersistance (muqwama) qui est utilise avec les Intifada pour exemples. Le recours la lutte arme , en revanche, est prconis comme un droit aprs lchec de lavoie diplomatique et une ventualit envisager dornavant pour Nabil Chaath, al-Churq(Tunis), 15 novembre 2009(http://www.alchourouk.com/detailarticle.asp?IDX=151906&IDXRUB=71).

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    province en rbellion ou province scessionniste , unehypothse dj voque par Mahmoud Abbas et Fatah56.

    Une telle dcision, lourde de consquences sur lunit dupeuple palestinien et son projet national, naurait pourtant quune

    incidence selon toute vraisemblance rduite sur la population deGaza, soumise depuis dj plusieurs annes un strict blocus. Lacommunaut internationale, en effet, ne peut envisager daugmentersa pression devant le risque de dclencher une catastrophehumanitaire qui toucherait non seulement la population palestiniennemais galement ses voisins57.

    La logique bien tablie de Hamas dans sa conception de ltatrend inenvisageable tant la reconnaissance par lAP de Gaza dunventuel tat proclam Ramallah assortie de la demande de sonintgration, que lautodissolution de lAP de Gaza au profit dun tatrival proclam Gaza. La communaut internationale pourrait alors

    se retrouver confronte lexistence de deux structurespalestiniennes antagonistes : un tat palestinien sous gide de lOLPdont la prsidence serait Ramallah et une AP qui continuerait fonctionner depuis Gaza sous la prsidence intrimaire du prsidentde lactuel CLP dont le mandat serait prolong dans lattente denouvelles lections. Ltat prtendrait inclure, dune faon ou duneautre, la bande de Gaza mme si tout contrle rel lui chapperaitquand lAP, au nom de la lgitimit constitutionnelle du CLP lu en2006, prtendrait reprsenter les populations non seulement de Gazamais galement de Cisjordanie, mme si, l aussi, tout contrle relsur cette rgion lui chapperait58. La scission entre la Cisjordanie etla bande de Gaza nen serait que renforce.

    Hamas, la fin de loccupation et ltatPour Hamas, seule importe dans le conflit isralo-palestinien la fin deloccupation et non la cration de ltat, strictement conditionne laconcrtisation pralable de la libration. Toute la lutte politique dumouvement islamique est oriente vers ce seul objectif car

    56 Ali El-Saleh, Palestinian Authority Might Declare Gaza Rebel Region , al-Charq al-Awsat, 28 juillet 2008(http://www.aawsat.com/english/news.asp?section=1&id=13547).57 Des organisations internationales, dailleurs, ont dj alert sur les risques

    sanitaires induits par labsence de traitement des eaux uses du fait de lembargosur les pices de rechange et le ciment sans oublier les divers virus (grippe aviaire,porcine, etc.) qui ignorent les frontires et lignes de front.58 Lanalyse que jai propose plus haut propos de la libration par legouvernement isralien dlus Hamas du CLP dans le contexte de la fin du mandatde Mahmoud Abbas amnerait considrer que ce ddoublement de lareprsentation palestinienne figure aujourdhui parmi les objectifs du gouvernementisralien. Hamas, pour sa part, fortifie ds maintenant sa position dans la perspectivede la prolongation du mandat du CLP : fin septembre 2009, il dcidait douvrir Damas un bureau de reprsentation de son bloc Rforme et Changement. LireAgence de presse chinoise cite par All4Syria, 29 septembre 2009(http://all4syria.info/content/view/14703/137/).

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    loccupation est synonyme de violence pour la communaut qui lasubit. Ainsi, les diffrents cessez-le-feu et accalmies dcrts par lemouvement sinsrent dans une stratgie qui vise viter lextension du conflit 59. Plaant au cur de sa mission lasauvegarde de lintrt du croyant et de la communaut, Hamas nefait que mettre en uvre la tradition sunnite la plus classique, enmouvement religieux quil est fondamentalement60. Cest au nom deson approche de la sunna, par exemple, que le mouvement ngocieprement le sort de ses prisonniers et quil se montre prt ngocierla question des rfugis61. Appeler Hamas, en revanche, ngocierle statut et les frontires de ltat palestinien repose sur uncontresens total dans lapproche des principes du mouvement. Sonrefus permanent dengager une ngociation sur le sujet ne relve pasdune radicalit politique mais se fonde sur une certaine lecturedu Coran. Linterprtation de la mention que le croyant y trouveconcernant la bndiction divine accorde aux confins dal-Aqsa

    59 Cette position est rappele, par exemple, dans le programme de la liste Changementet Rforme prsente par le mouvement aux lections lgislatives de janvier 2006(original arabe surhttp://www.palestineinfo.info/arabic/palestoday/reports/report2006_1/entkhabat06/entkhabat_tashre3i_06/program/5_1_06.htm). Lire Khaled Hroub, A New Hamas through ItsNew Documents, Journal of Palestine Studies, vol. 35, no. 4, t 2006, p. 6-27.(http://www.palestine-studies.org/journals.aspx?id=7087&jid=1&href=fulltext). Dans lecommuniqu de son Bureau dinformation dat du 16 novembre 2009 (original enarabehttp://palestineinfo.info/Ar/DataFiles/Contents/Files/statements/2009/november/statement_16112009.pdf) rpondant un discours de Mahmoud Abbas dans lequel il

    mentionnait lventualit dune proclamation unilatrale dun tat, Hamas souligne,dans le mme tat desprit, que ltat de