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Élise Le Gall - Avocat à la Cour – 25 rue de Turin – 75008 Paris Téléphone : 01 44 55 38 83 / Télécopie : 01 42 60 30 10 / e-mail : [email protected]
Toque : B0460 / Siren : 801 860 560 Site internet : www.le-gall-avocat.com
Madame Fatou BENSOUDA Procureure de la Cour pénale internationale Cour pénale internationale Oude Waalsdorperweg 10 2597 AK LA HAYE – PAYS BAS
Paris, le 30 septembre 2020
Par lettre recommandée internationale Et par mail : [email protected]; [email protected]; [email protected]
Objet : République de Guinée : signalement de faits susceptibles de revêtir la
qualification de crimes contre l’humanité (article 15 du Statut de Rome de
la Cour pénale internationale).
Madame Le Procureur,
J’ai l’honneur de vous écrire en qualité de conseil de l’ONG TOURNONS LA PAGE (« TLP »).
TLP est un mouvement international, non partisan, réunissant plus de 250 organisations des sociétés
civiles africaines soutenues par des organisations européennes dont l’objectif est la promotion de
l’alternance démocratique en Afrique. TLP regroupe des coalitions dans dix (10) pays africains (Burundi,
Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Niger, République démocratique du Congo, Tchad et
Togo).
Depuis avril 2019, TLP et son bureau local en République de Guinée apporte son soutien régulier à ses
associations membres en Guinée (Association des blogueurs de Guinée, Association des Victimes, Parents
et Amis du 28 septembre 2009, Convention des Acteurs Non Étatiques de Guinée, Cellule balais citoyen,
Émergence Citoyenne, Forces Sociales de Guinée, Plateforme nationale des Citoyens Unis pour le
Développement, Protégeons les Droits humains, Voix du Peuple) dans leurs activités de promotion de la
démocratie.
C’est dans ce contexte de terrain et de suivi des associations que depuis avril 2019, TLP et son bureau
local en République de Guinée ont récolté des informations, témoignages et déclarations sur les violations
des droits humains ayant lieu dans le pays depuis avril 2019 jusqu’à ce jour.
Par cette communication, et au titre de l’article 15 du Statut de Rome nous souhaitons attirer votre
attention sur les nombreuses exactions susceptibles de recouvrir la qualification de crimes contre
mailto:[email protected]:[email protected]:[email protected]
2
l’humanité (article 7 du Statut de Rome) ayant eu lieu sur le territoire de la République de Guinée (ayant
ratifié le Statut de Rome le 14 juillet 2003) depuis avril 2019 jusqu’à ce jour.
Il ressort du rapport de TLP en date de septembre 2020 qu’en menant une répression violente visant la
société civile, le pouvoir en place ayant à sa tête Monsieur Alpha CONDÉ, s’est rendu responsable de
violations graves et réitérées de droits humains sur une grande partie de la population guinéenne.
Des entretiens menés par les membres de TLP Guinée auprès des familles, amis, proches et témoins des
victimes d’avril 2019 à mars 2020, il semble ressortir que des meurtres (article 7 a. du Statut de Rome), des
emprisonnements ou autre forme de privation grave de liberté physique (article 7 e. du Statut de Rome),
tortures (article 7 f. du Statut de Rome), persécutions (article 7 h. du Statut de Rome), disparitions forcées de
personnes (article 7 i. du Statut de Rome) ont été commis au cours d’attaques généralisées et/ou
systématiques lancées contre la société civile pour des considérations politiques et ethniques.
À cet égard, il sera rappelé que dès novembre 2019 face au risque d’embrassement de l’ensemble du pays,
la communauté internationale réagissait. Ainsi tant la CEDEAO, la commission africaine des droits de
l’homme et des peuples, les Nations-Unies conjointement avec l’Union Européenne et les ambassades des
États-Unis et la France condamnaient la recrudescence des violences et lançaient un appel au calme et à
l’apaisement de l’ensemble des parties. Et ce, afin de ne pas voir se réitérer les exactions qui avaient
conduit notamment au massacre du 28 septembre 2009 à Conakry et pour lesquelles vous êtes
actuellement saisi et dont vous opérez un suivi régulier dans le cadre de votre examen préliminaire.
Dans ce contexte toujours actuel, nous souhaitons par cette présente communication que vous puissiez
donner les suites les plus opportunes et, nous l’espérons, diligenter des enquêtes dans le cadre de
l’ouverture d’un examen préliminaire sur les faits dénoncés ci-après.
Tant les membres de TLP que les victimes citées dans le rapport de TLP, accompagnées par l’antenne
locale en République de Guinée se tiennent à votre disposition pour être entendues et vous apporter
toutes informations et documentations supplémentaires que vous estimeriez utiles à l’examen de la
situation en République de Guinée en vue de l’ouverture d’un examen préliminaire.
À cette fin, voici les coordonnées qui pourront vous être utile :
Contacts TLP :
Laurent DUARTE, coordinateur international : [email protected]
Marc ONA ESSANGUI, Président : [email protected]
Contact TLP – GUINÉE :
Ibrahima DIALLO : [email protected]
Je vous prie de recevoir, Madame Le Procureur, mes considérations les plus distinguées.
Me Élise LE GALL
Avocate à la Cour
Barreau de Paris
mailto:[email protected]:[email protected]:[email protected]
3
SOMMAIRE
A – PRÉSENTATION DE L’ONG TOURNONS LA PAGE ............................................................................. 5 B – MÉTHODOLOGIE ...................................................................................................................................... 5
I - CONTEXTE GÉNÉRAL DE LA SITUATION EN RÉPUBLIQUE DE GUINÉE ............................. 7
A - PRESENTATION DE LA RÉPUBLIQUE DE GUINÉE ET CONTEXTE HISTORIQUE........................ 7 a) Présentation de la République de Guinée : données démographiques, répartition ethnique et religieuse .................................. 7 ......................................................................................................................................................................... 7 b) Perspectives historiques : Indépendance, présidence Sékou Touré, junte militaire .............................................................. 9
B – CONTEXTE POLITIQUE .......................................................................................................................... 11 a) Présidence de Monsieur Alpha Condé – 2010 et 2015 et l’échéance de 2020 .............................................................. 11 b) La création du FNDC et la mobilisation contre le projet de changement de la constitution en 2019 ................................. 13 c) Contesté et contestable : de l’officialisation à la tenue du référendum constitutionnel du 22 mars 2020 ............................... 15
II - RAPPEL DES FAITS ........................................................................................................................ 18
A - LA MONTEE DES VIOLENCES EN MARGE DES MANIFESTATIONS DE CONTESTATION DU POUVOIR ABOUTISSANT A LA COMMISSION DE MEURTRES DE CIVILS ................................................................................... 19
1) Incidents en marge de la manifestation du 30 avril 2019 ......................................................................................... 19 2) Incidents en marge de la manifestation du 13 juin 2019 ......................................................................................... 19 3) Incidents en marge de la manifestation du 14 octobre 2019 ...................................................................................... 20 4) Incidents en marge de la manifestation du 15 octobre 2019 ...................................................................................... 22 5) Incidents survenus lors de la marche funèbre du 4 novembre 2019 ............................................................................. 23 6) Incidents survenus au cours de la manifestation du 14 novembre 2019 ....................................................................... 27 7) Incidents en marge de la marche funèbre du 6 décembre 2019 ................................................................................... 30 8) Incidents en marge de la manifestation du 9 janvier 2020 ........................................................................................ 30 9) Incidents en marge de la manifestation du 13 janvier 2020 ...................................................................................... 31 10) Arrestation de journalistes, incendie du marché de Kaloma et mort d’un civil le 14 janvier 2020 ................................... 31 11) Incidents en marge de la manifestation du 23 janvier 2020 .................................................................................... 32 12) Incidents en marge de la manifestation du 28 janvier 2020 .................................................................................... 34 13) Incidents en marge de la manifestation du 29 janvier 2020 .................................................................................... 34 14) Incidents en marge de la manifestation du 13 février 2020 ..................................................................................... 35 15) Incidents en marge de la manifestation du 19 février 2020 ..................................................................................... 35 16) Incidents en marge de la manifestation du 22 mars 2020 ...................................................................................... 35
B – DES ARRESTATIONS PRÉVENTIVES À L’ENCONTRE DES ORGANISATEURS ET LEADERS DE
LA CONTESTATION POLITIQUE ................................................................................................................. 41 1) Arrestation du 5 avril 2019 à Conakry .............................................................................................................. 41 2) Arrestation du 12 octobre 2019 à Conakry ......................................................................................................... 42 3) Arrestation du 13 octobre 2019 à Conakry ......................................................................................................... 42 4) Arrestation du 14 novembre 2019 à Kindia ........................................................................................................ 43 5) Arrestation du 15 février 2020 à Macenta .......................................................................................................... 43 6) Arrestation du 27 février 2020 à N’Zérékoré ...................................................................................................... 44 7) Arrestation du 6 mars 2020 à Conakry ............................................................................................................. 44 8) Arrestation du 18 octobre 2019......................................................................................................................... 45
C – UN USAGE SYSTÉMATIQUE DE LA VIOLENCE PAR LES FORCES DE DÉFENSE ET DE
SÉCURITÉ ET UNE IMPUNITÉ DES AUTEURS DE VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS. ............... 46 D – DES ARRESTATIONS ET DISPARITIONS FORCÉES DE MANIFESTANTS ET JEUNES À
PROXIMITÉ DES QUARTIERS RÉPUTÉS PROCHES DE L’OPPOSITION ............................................... 51
4
1) Arrestation et disparitions forcées des 11 et 13 février 2020 .................................................................................... 51
III – COMPÉTENCE DES JURIDICTIONS GUINÉENNES ............................................................... 53
A – LE CRITÈRE DE COMPLÉMENTARITÉ ................................................................................................ 54 1) Absence de volonté de la République de Guinée d’enquêter, poursuivre et juger les personnes responsables ........................... 54 2) Incapacité de la République de Guinée d’enquêter, poursuivre et juger les personnes responsables ...................................... 55
B – LE CRITÈRE DE GRAVITÉ....................................................................................................................... 57
IV – LA QUALIFICATION JURIDIQUE DE CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ ............................... 59
A – LES ÉLÉMENTS CONTEXTUELS DES CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ ......................................... 59 a) L’existence d’une attaque .................................................................................................................................. 60 b) L’existence d’une attaque en application ou dans la poursuite de la politique d’un État ou d’une organisation .................... 60 c) L’existence d’une attaque généralisée ou systématique............................................................................................... 61 d) L’existence d’une attaque lancée contre toute population civile ................................................................................... 63 e) Degré de connaissance de l’attaque ....................................................................................................................... 64
B – LES ACTES SOUS-JACENTS DES CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ ................................................... 64 a) Meurtre ......................................................................................................................................................... 64 b) Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international 69 c) Torture .......................................................................................................................................................... 73 d) Persécutions .................................................................................................................................................... 75 e) Disparitions forcées........................................................................................................................................... 76
V - CONCLUSION ................................................................................................................................. 79
5
INTRODUCTION
A – PRÉSENTATION DE L’ONG TOURNONS LA PAGE
Tournons La Page (TLP) est un mouvement lancé en octobre 2014 réunissant plus de 250 organisations
de la société civile autour d'un même objectif : l'alternance démocratique en Afrique.
Le mouvement s'est peu à peu développé pour réunir aujourd'hui 11 coalitions : Burundi, Cameroun,
Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Niger, RDC, Tchad, Togo et Europe (réunissant des organisations
de plusieurs pays européens). Les associations africaines mènent au fil des années des actions pacifiques et
non partisanes soutenues par les organisations européennes. En mettant en réseau de nombreux
partenaires européens et africains, TLP permet le renforcement des capacités d’action des associations de
la société civile africaine, donnant lieu à davantage de visibilité et à un meilleur écho des revendications
démocratiques.
Chaque coalition développe ainsi peu à peu une expertise solide à travers une diversité d’outils et
d’approches (production de rapports ; observations électorales ; veille stratégique ; organisation de
conférences-débats et d’événements culturels publics ; participation à des colloques universitaires ou
encore manifestations…). Une démarche de plaidoyer est également développée en parallèle des autres
activités pour interpeller directement les décideurs par le biais de communiqués liés à l'actualité ou de
rencontre régulières avec les décideurs politiques dans différents pays.
Le mouvement, qui combine diverses actions de sensibilisation, mobilisation citoyenne et de plaidoyer, est
ainsi devenu un acteur clé de la défense des droits civils et politiques en Afrique francophone. En 2018, le
mouvement Tournons La Page est récompensé par le Prix des Droits de l'Homme de la République
Française pour ces actions de promotion de la démocratie et de défense des droits humains.
B – MÉTHODOLOGIE
Les faits ultérieurement décrits dans la présente soumission ont été établis à partir du rapport « Guinée :
Un troisième mandat d’Alpha Condé à quel prix ? » de Tournons la Page.
Ce rapport est le fruit d’un travail de collaboration entre la coordination internationale de Tournons la
Page (TLP) et la coalition Tournons la Page-Guinée (TLP- GUINÉE), composée d’acteurs de la société
civile guinéenne tels que ABLOGUI (Association des blogueurs de Guinée), AVIPA (Association des
Victimes, Parents et Amis du 28 septembre 2009, CANEG (Convention des Acteurs Non Étatiques de
Guinée), Cellule balais citoyen, Émergence Citoyenne, Forces Sociales de Guinée, PCUD (Plateforme
nationale des Citoyens Unis pour le Développement), PDH (Protégeons les Droits humains), VDP (Voix
du Peuple).
TLP-GUINÉE, à travers ses membres, a récolté des informations, témoignages et déclarations sur les
violations des droits humains dans le pays. Un travail portant sur les violations du droit à la vie, les
arrestations arbitraires, les atteintes à la personne et à l’intégrité physique a ainsi été mené auprès des
familles, amis, proches et témoins des victimes d’avril 2019 à mars 2020.
6
Pour ce travail de récolte de preuves, les entretiens ont été conduits auprès des participants aux
manifestations, témoins des violences, d’activistes politiques d’opposition, de médecins et de journalistes.
Par ailleurs, les questions posées par l’équipe de TLP-GUINÉE portaient sur le comportement des forces
de sécurité lors des manifestations. En outre, un travail de recoupement et de vérification des
informations, à travers des articles et parutions de presse locale et internationale a permis de compléter et
de consolider les informations « de première main » récoltées par l’équipe de TLP-GUINÉE.
En définitive, ce rapport de TLP regroupe une compilation de matériaux variés sur les diverses violations
des droits humains qui ont eu lieu à partir d’avril 2019 en République de Guinée.
La présente communication a complété les informations du rapport de TLP avec des sources ouvertes en
accès libre à l’image des travaux d’Amnesty International, de Human Rights Watch et de la Fédération
internationale pour les droits humains (FIDH), pour décrire le contexte politique dans lequel ces violences
ont pris place.
Dans un premier temps, sera rappelé le contexte général de la situation en République de Guinée (I) suivi
d’un rappel des faits du présent signalement (II) puis la compétence des juridictions guinéenne (III) ainsi
que la qualification juridique des crimes contre l’humanité au regard du Statut de Rome feront l’objet de
développements détaillés (IV).
7
I - CONTEXTE GÉNÉRAL DE LA SITUATION EN RÉPUBLIQUE DE GUINÉE
A - PRESENTATION DE LA RÉPUBLIQUE DE GUINÉE ET CONTEXTE HISTORIQUE.
a) Présentation de la République de Guinée : données démographiques, répartition ethnique et religieuse
La République de Guinée en données :
- Capitale : Conakry
- 245 857 km2
- 6 pays frontaliers : le Sénégal au nord, la Sierra Léone et le Libéria au sud, le Mali et la Côte d’Ivoire à
l’est, et l’Océan atlantique et la Guinée Bissau à l’ouest.
- 7 régions administratives
- 11 883 516 habitants au recensement de 20181
- Religion principale : Islam avec plus de 85% de la population
- L’économie de la Guinée est basée essentiellement sur l’agriculture, l’élevage et l’industrie minière.
Peuplée depuis 3000 ans, la République de Guinée est aujourd’hui composée d’une vingtaine
d’ethnies dont les Peuls, les Malinkés et les Soussous, qui représentent à eux trois près de 80% de la
population. À cette diversité ethnique correspond une diversité linguistique. Au côté de la langue officielle,
le français, il existe 8 langues nationales tels que le Peul, le Malinké, le Soussou ou le Kissi. Si chaque grand
1 « La Guinée en chiffres 2018 », Institut National de la Statistique, 2020. URL : http://www.statguinee.org/images/Publications/INS/annuelles/La%20Guine%20en%20chiffre3%20-%20site%20-%20AB3.pdf
8
groupe ethnolinguistique en Guinée est majoritaire dans une région du pays2, les Peuls majoritairement
musulmans, représentent 40% de l’ensemble de la population.
La République de Guinée est en proie depuis plusieurs années à de vives tensions
intercommunautaires. Les rivalités politiques et les rivalités ethniques semblent en effet s’alimenter
mutuellement. Les groupes ethniques ont ainsi une incidence sur la vie politique guinéenne, les candidats
étant généralement soutenus par leur ethnie d’origine. Dans le même temps, le jeu politique influe sur les
rivalités ethniques à l’image des Peuls isolés politiquement et victimes de politiques discriminatoires depuis
l’indépendance3.
2 « Les régions d’origine des principaux groupes ethniques en Guinée Conakry », Alternatives Economiques, URL : https://www.alternatives-economiques.fr/regions-dorigine-principaux-groupes-ethniques-guinee-conakry-0109201372591.html 3 « Afrique : les Peuls se sont-ils radicalisés ? », Le Point, 2018, URL : https://www.lepoint.fr/afrique/afrique-les-peuls-se-sont-ils-radicalises-05-09-2018-2248841_3826.php
https://www.alternatives-economiques.fr/regions-dorigine-principaux-groupes-ethniques-guinee-conakry-0109201372591.htmlhttps://www.alternatives-economiques.fr/regions-dorigine-principaux-groupes-ethniques-guinee-conakry-0109201372591.htmlhttps://www.lepoint.fr/afrique/afrique-les-peuls-se-sont-ils-radicalises-05-09-2018-2248841_3826.phphttps://www.lepoint.fr/afrique/afrique-les-peuls-se-sont-ils-radicalises-05-09-2018-2248841_3826.php
9
Enfin, les tensions ethniques sont attisées depuis plus d’une décennie par les candidats du pouvoir et de
l’opposition, et voient s’opposer principalement des guinéens des ethnies malinkés et peules4. Les faits
décrits ci-après sont nourris par ces tensions intercommunautaires.
Mais les violences récentes en République de Guinée s’inscrivent également dans une histoire politique
mouvementée, marquée par des décennies de confrontation et de répression sanglante de l’opposition par
le pouvoir.
b) Perspectives historiques : Indépendance, présidence Sékou Touré, junte militaire
Après la Seconde guerre mondiale, la Guinée devient la seule ancienne colonie française à rejeter
par référendum la proposition du Général De Gaulle instituant la Communauté française5. Le pays accède
à l’indépendance le 2 octobre 1958 et Sékou Touré devient le premier président du pays.
Néanmoins, fragilisée par la rupture brutale des liens avec la France et le retrait de son assistance, la
République de Guinée sombre dans un régime dictatorial à parti unique. Loin de l’idéal socialiste qu’il
défend à ses débuts, Sékou Touré organise la répression des forces d’opposition dès les années 60 et la
République de Guinée se transforme peu à peu en un État policier6. D’après Amnesty International, au
moins 50 000 personnes ont été tuées ou ont été portées disparues dans les geôles du régime à l’image du
tristement célèbre Camp Boiro entre 1958 et 19847. Symbole de cette violence, Diallo Telli, un diplomate
d’origine peule, ancien secrétaire général de l’Organisation de l’unité africaine accusé de comploter avec la
France contre le pouvoir, meurt de la diète noire (privation d’eau et de nourriture) en 1976.
À la mort de Sékou Touré en 1984, un coup d’État militaire mené par Lansana Conté renverse le
gouvernement intérimaire. Lansana Conté, chef de la junte militaire puis investi des fonctions de Président
de la République, dirigera le pays jusqu’à sa mort en 2008. Libéral, il fait adopter une nouvelle Constitution
qui autorise le multipartisme et libérer les prisonniers politiques du régime précédent8. Mais le régime
glisse progressivement vers un autoritarisme de plus en plus prononcé et des manquements de plus en
plus importants aux droits humains9. La fin de la présidence de Lansana Conté est marquée par la
dégradation de la situation économique et sociale en Guinée et ce dernier fait le choix de réprimer dans le
4 « Pourquoi la Guinée s’embrase ? Les explications de nos Observateurs », Les Observateurs France 24, 2013, URL :
https://observers.france24.com/fr/20130307-pourquoi-guinee-conakry-s%E2%80%99embrase-explications-nos-
observateurs
5 « 28 septembre 1958 : le jour où la Guinée a dit non à de Gaulle », Franceinfo, 2018, URL : https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/politique-africaine/28-septembre-1958-le-jour-ou-la-guinee-a-dit-non-a-de-gaulle_3055865.html 6 « "Le côté pervers des choses" : Torture, conditions de détention inadaptées et usage excessif de la force de la part des forces de sécurité guinéennes », HRW, 2006, URL : https://www.hrw.org/fr/report/2006/08/22/le-cote-pervers-des-choses/torture-conditions-de-detention-inadaptees-et-usage 7 « Camp Boiro : un ministre reconnait la responsabilité de l'Etat », RFI, 2008, URL : http://www1.rfi.fr/actufr/articles/106/article_73693.asp 8 « Mourir pour le changement : Les forces sécurité guinéennes répondent par la brutalité et la répression à une grève générale », Rapport HRW, 2007, URL : https://www.hrw.org/sites/default/files/reports/guinea0407frwebwcover.pdf 9 Le rapport d’HRW « Le côté pervers des choses : Torture, conditions de détention inadaptées et usage excessif de la force de la part des forces de sécurité guinéennes » fait état des nombreuses violations des droits humains tels que le droit à la vie, le droit de ne pas être torturé, la liberté d’expression, la liberté de réunion, et le droit d’être jugé dans un délai raisonnable.
https://observers.france24.com/fr/20130307-pourquoi-guinee-conakry-s%E2%80%99embrase-explications-nos-observateurshttps://observers.france24.com/fr/20130307-pourquoi-guinee-conakry-s%E2%80%99embrase-explications-nos-observateurshttps://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/politique-africaine/28-septembre-1958-le-jour-ou-la-guinee-a-dit-non-a-de-gaulle_3055865.htmlhttps://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/politique-africaine/28-septembre-1958-le-jour-ou-la-guinee-a-dit-non-a-de-gaulle_3055865.htmlhttps://www.hrw.org/fr/report/2006/08/22/le-cote-pervers-des-choses/torture-conditions-de-detention-inadaptees-et-usagehttps://www.hrw.org/fr/report/2006/08/22/le-cote-pervers-des-choses/torture-conditions-de-detention-inadaptees-et-usagehttp://www1.rfi.fr/actufr/articles/106/article_73693.asphttps://www.hrw.org/sites/default/files/reports/guinea0407frwebwcover.pdf
10
sang les grèves générales qui surgissent à l’appel des syndicats10. La répression de la grève générale de 2007
marque l’apogée de ces violences avec plus d’une centaine de morts11.
À l’annonce de la mort de Sékou Touré succède l’annonce d’un nouveau coup d’état de la junte militaire,
et Moussa Dadis Camara s’auto-proclame président de la République le 24 décembre 2008. La junte
militaire promet un gouvernement de transition jusqu’à la tenue d’élection libre en janvier 2010, mais
l’opposition met progressivement en doute ses intentions.
Le 28 septembre 2009, alors qu’une foule d’opposants politiques, le « Forum des forces vives », est réuni
dans un stade de Conakry pour contester le pouvoir, les militaires ouvrent le feu sur les manifestants. Plus
de 156 morts, des milliers de blessés et des dizaines de viols sont observés ce jour-là. Ce massacre sera
qualifié de crimes contre l’humanité par la commission d’enquête des Nations-Unies diligentée pour
enquêter sur les circonstances d’un tel drame12. Ces faits font également l’objet d’une enquête préliminaire
du bureau du Procureur de la CPI13. Dix ans plus tard, les victimes attendent toujours que lumière soit
faite sur ce massacre et justice rendue14.
Devant l’émoi suscité par ce massacre, la junte militaire pâtissait également de divisions internes. En
décembre 2009, Moussa Dadis Camara, blessé par son aide de camp, se réfugiait au Maroc puis au Burkina
Faso pour y être soigné, avant de renoncer à un retour en Guinée. Le général Sébouka Konaté prenait
alors la tête de la transition, et assurait celle-ci jusqu’à l’issue de l’élection présidentielle de 2010.
Porteuse d’espoirs, l’élection de 2010 va pourtant marquer les prémices d’une longue histoire de violences
électorales en République de Guinée.
10 « "Le côté pervers des choses" : Torture, conditions de détention inadaptées et usage excessif de la force de la part des forces de sécurité guinéennes », HRW, 2006 11 «Mourir pour le changement : Les forces de sécurité guinéennes répondent par la brutalité et la répression à une grève générale », Rapport HRW, 2007 ; « 10 ans après, les victimes des répressions de janvier et février 2007 demandent justice », FIDH, Communiqué du 24 janvier 2017, URL : https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/guinee-conakry/10-ans-apres-les-victimes-des-repressions-de-janvier-et-fevrier-2007 12 « Rapport de la Commission d’enquête internationale chargée d’établir les faits et les circonstances des événements du 28 septembre 2009 en Guinée », Commission d’enquête internationale sur la Guinée, 2009, p. 3, URL : https://undocs.org/pdf?symbol=fr/S/2009/693 13 « Le Procureur de la CPI confirme que la situation en Guinée fait l’objet d’un examen préliminaire », Communiqué du Bureau du procureur de la CPI, octobre 2009, URL : https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=otp-stat-guinea-09-10-14 14 « Examen périodique universel : Guinée », HRW, 2019, URL :
https://www.hrw.org/fr/news/2019/07/19/examen-periodique-universel-guinee
https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/guinee-conakry/10-ans-apres-les-victimes-des-repressions-de-janvier-et-fevrier-2007https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/guinee-conakry/10-ans-apres-les-victimes-des-repressions-de-janvier-et-fevrier-2007https://undocs.org/pdf?symbol=fr/S/2009/693https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=otp-stat-guinea-09-10-14https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=otp-stat-guinea-09-10-14https://www.hrw.org/fr/news/2019/07/19/examen-periodique-universel-guinee
11
B – CONTEXTE POLITIQUE
Depuis 2010, la vie politique guinéenne fait l’objet d’une dérive autoritaire et sécuritaire de plus en plus
prononcée. À la veille de l’élection présidentielle de 2020, le risque d’embrasement du pays est réel et fait
ressurgir les vieux démons de l’histoire guinéenne.
a) Présidence de Monsieur Alpha Condé – 2010 et 2015 et l’échéance de 2020
Après un quart de siècle d’opposition à la dictature de Monsieur Lansana Conté, Monsieur Alpha
Condé est élu président de la République de la République de Guinée en 2010 à l’issue des premières
élections présidentielles libres du pays. Après des semaines de violences électorales et plusieurs reports du
scrutin, il est élu grâce à une alliance politique destinée à faire barrage au candidat de l’opposition d’origine
peule, Cellou Dalein Diallo15. Réélu en 2015, le second mandat de Monsieur Alpha Condé doit prendre fin
à l’automne 2020.
La reprise en main du pouvoir par les autorités civiles a permis à la Guinée sous Monsieur Alpha Condé
de bénéficier d’un certain nombre de progrès dans la protection des droits de l’Homme. Des réformes
législatives ont ainsi permis l’incrimination de la torture en 2016, l’abolition de la peine de mort en 201716
et l’adoption en 2015 d’une nouvelle législation sur le maintien de l’ordre public lors des rassemblements17.
Conformément à cette loi, depuis 2015 ce sont la police et la gendarmerie, et non plus l’armée,
responsable de nombreuses violations graves des droits humains avant 2010, qui sont chargées des
opérations de sécurité18. Cette loi prévoit ainsi que le déploiement de l’armée dans la rue soit réservé aux
périodes d’état d’urgence19.
Néanmoins, ces progrès masquent difficilement le climat de répression de l’opposition politique qui
persiste dans le pays et les cycles de violences électorales qui secouent à intervalle régulier la société
guinéenne. Ces violences sont exacerbées par l’usage abusif de la force par les membres des forces de
sécurité20 et le climat d’impunité qui règne à l’encontre des auteurs de violations des droits de l’Homme21.
Les élections législatives de 2013 ont ainsi été marquées par des épisodes de tensions extrêmes entre
l’opposition et les forces de Monsieur Alpha Condé. Plusieurs morts et des centaines de blessés sont
recensés au cours des manifestations et la société civile lance un appel au calme22.
Ces appels sont réitérés à l’occasion de l’élection présidentielle de 201523. Mais les rivalités préexistantes
sont exacerbées par des discours teintés de stigmatisation et de communautarisme et donnent lieu à des
15 « Les régions d’origine des principaux groupes ethniques en Guinée Conakry », Alternatives Economiques, URL : https://www.alternatives-economiques.fr/regions-dorigine-principaux-groupes-ethniques-guinee-conakry-0109201372591.html 16 « Guinée. Les voyants au rouge à l’approche de l’élection présidentielle de 2020 », Amnesty International, 2019, URL : https://www.amnesty.org/download/Documents/AFR2910802019FRENCH.PDF 17 « Examen périodique universel : Guinée », HRW, 2019, URL : https://www.hrw.org/fr/news/2019/07/19/examen-periodique-universel-guinee 18 Ibid. 19 Ibid. 20 « Guinée. Les voyants au rouge à l’approche de l’élection présidentielle de 2020 » Amnesty International, 2019. 21 « Examen périodique universel : Guinée », HRW, 2019. 22 « Les autorités guinéennes doivent garantir la sécurité des manifestants, permettre le retour au calme et organiser des élections législatives crédibles et transparentes », Communiqué, FIDH, 2013, URL : https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/guinee-conakry/Les-autorites-guineennes-doivent-12974
https://www.alternatives-economiques.fr/regions-dorigine-principaux-groupes-ethniques-guinee-conakry-0109201372591.htmlhttps://www.alternatives-economiques.fr/regions-dorigine-principaux-groupes-ethniques-guinee-conakry-0109201372591.htmlhttps://www.amnesty.org/download/Documents/AFR2910802019FRENCH.PDFhttps://www.hrw.org/fr/news/2019/07/19/examen-periodique-universel-guineehttps://www.fidh.org/fr/regions/afrique/guinee-conakry/Les-autorites-guineennes-doivent-12974
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affrontements violents. Le bilan de ces violences est très lourd avec plus d’une vingtaine de morts et des
centaines de blessés24.
Ces violences électorales ne se limitent pas aux scrutins nationaux, en témoigne le contexte d’affrontement
dans lequel se sont jouées des élections locales en 2018. Dénonçant successivement des irrégularités sur les
listes électorales, les reports successifs du scrutin, puis les résultats de ce scrutin, l’opposition politique
manifestait dans la rue son mécontentement. Ces manifestations donnèrent également lieu à de vives
tensions ethniques et communautaires25. Elles furent réprimées dans la violence par les forces de sécurité,
12 manifestants et 2 membres de forces de l’ordre y perdirent la vie26.
Cette suite d’affrontements entre manifestants, militants de l’opposition et forces de l’ordre ont incité en
juillet 2018 le gouvernement guinéen à restreindre la liberté de réunion, en interdisant fréquemment les
manifestations publiques au prétexte du maintien de l’ordre public27. L’escalade des violences s’est ainsi vu
doubler d’une escalade de la répression de l’opposition politique.
Dans ce contexte de violences post-électorales et de musèlement de l’opposition, l’élection présidentielle
de 2020 cristallise les tensions depuis de longs mois.
Alors que la Constitution guinéenne adoptée en 2010, limite à son article 27 le nombre de mandats
présidentiels à deux, Monsieur Alpha Condé sème le trouble sur sa possible réélection. Depuis 2017, sa
volonté de briguer un troisième mandat plane sur le pays après qu’il ait déclaré « qu’il doutait de la pertinence
de la limitation à deux mandats en Afrique »28, suscitant ainsi de vives réactions au sein de l’opposition29.
Mais c’est en janvier 2019 à l’occasion d’une intervention de l’ambassadeur de la Fédération de Russie en
Guinée que le débat sur la question du changement de Constitution est véritablement lancé.
L’ambassadeur a en effet suggéré l’amendement de la Constitution pour supprimer la limitation des
mandats : « Malheureusement le principe d’alternance qui domine beaucoup de Constitutions dans le monde, mais pas
toutes heureusement, impose la mentalité de revanche. […] Mais les Constitutions ne sont pas ni dogme, ni Bible, ni Coran.
Les Constitutions s’adaptent à la réalité »30.
Ces interventions déclenchent une forte réaction de l’opposition politique, alors que la République de
Guinée plonge dans un climat d’incertitude politique majeur.
23 « Election présidentielle en Guinée : Les violences doivent cesser pour permettre un scrutin apaisé et transparent », FIDH, Communiqué, 2015, URL : https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/guinee-conakry/election-presidentielle-en-guinee-les-violences-doivent-cesser-pour 24 « Guinée. Les voyants au rouge à l’approche de l’élection présidentielle de 2020 », Amnesty International, 2019, p.4, URL : https://www.amnesty.org/download/Documents/AFR2910802019FRENCH.PDF 25 « Guinée : Événements 2018 », Rapport mondial 2019, HRW, URL : https://www.hrw.org/fr/world-report/2019/country-chapters/326218 26 Voir « Guinée. Les voyants au rouge à l’approche de l’élection présidentielle de 2020 » Amnesty International, 2019 ; et « Les efforts du gouvernement guinéen visant à interdire les manifestations portent atteinte aux droits humains », HRW, 26 avril 2019, URL : https://www.hrw.org/fr/news/2019/04/26/les-efforts-du-gouvernement-guineen-visant-interdire-les-manifestations-portent 27 « Les efforts du gouvernement guinéen visant à interdire les manifestations portent atteinte aux droits humains », HRW, 26 avril 2019, URL : https://www.hrw.org/fr/news/2019/04/26/les-efforts-du-gouvernement-guineen-visant-interdire-les-manifestations-portent 28 « Guinée. Alpha Condé veut-il s’octroyer un troisième mandat ? », Courrier International, 3 août 2017. URL : https://www.courrierinternational.com/article/guinee-alpha-conde-veut-il-soctroyer-un-troisieme-mandat 29 « Guinée : Alpha Condé et la tentation du troisième mandat », La Tribune Afrique, 9 février 2017. URL : https://afrique.latribune.fr/politique/2017-02-09/guinee-alpha-conde-et-la-tentation-du-troisieme-mandat.html 30 « L'ambassadeur russe en Guinée se prononce en faveur d'un 3ème Mandat pour Alpha Condé », Global Voices, 17 janvier 2019. URL : https://fr.globalvoices.org/2019/01/17/232206/
https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/guinee-conakry/election-presidentielle-en-guinee-les-violences-doivent-cesser-pourhttps://www.fidh.org/fr/regions/afrique/guinee-conakry/election-presidentielle-en-guinee-les-violences-doivent-cesser-pourhttps://www.amnesty.org/download/Documents/AFR2910802019FRENCH.PDFhttps://www.hrw.org/fr/world-report/2019/country-chapters/326218https://www.hrw.org/fr/world-report/2019/country-chapters/326218https://www.hrw.org/fr/news/2019/04/26/les-efforts-du-gouvernement-guineen-visant-interdire-les-manifestations-portenthttps://www.hrw.org/fr/news/2019/04/26/les-efforts-du-gouvernement-guineen-visant-interdire-les-manifestations-portenthttps://www.hrw.org/fr/news/2019/04/26/les-efforts-du-gouvernement-guineen-visant-interdire-les-manifestations-portenthttps://www.hrw.org/fr/news/2019/04/26/les-efforts-du-gouvernement-guineen-visant-interdire-les-manifestations-portent
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b) La création du FNDC et la mobilisation contre le projet de changement de la constitution en 2019
Dans un climat de répression toujours plus sévère de la contestation politique, l’annonce du projet
de modification de la Constitution déclenche une réorganisation de l’opposition au pouvoir qui décide de
faire front commun. Le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) est créé le 3 avril
2019. Composé de partis d’opposition, d’associations de la société civile et de syndicats, le FNDC
s’oppose à l’intention supposée du président en exercice Monsieur Alpha CONDÉ d’adopter une nouvelle
Constitution qui pourrait lui permettre de briguer un troisième mandat, en appelant régulièrement les
citoyens Guinéens à manifester depuis le mois de juin 2019, et surtout depuis le mois d’octobre 201931.
Le projet de modification de la Constitution se concrétise avec la déclaration de soutien le 29 mai 2019, du
Premier ministre Ibrahima FOFANA et la fuite d’une note confidentielle, le 19 juin 2019, rédigée par le
ministre des Affaires étrangères Mamady TOURÉ faisant l’apologie d’une réforme constitutionnelle32.
Le 22 septembre 2019, le président en exercice Monsieur Alpha CONDÉ annonce « l’organisation d’un
référendum sur le changement de la Constitution en Guinée »33.
Le président Alpha CONDÉ appelle ainsi à une réforme constitutionnelle indispensable pour « moderniser »
la Guinée, qu’il justifie par la nécessité de consacrer les principes d’égalité des sexes, d’interdiction de
l’excision et du mariage des mineurs34.
Les partis politiques d’opposition et la société civile contestent pacifiquement ce projet de modification de
la Constitution et de référendum. Ils se réfèrent ainsi à l’article 154 de la Constitution Guinéenne de 2010 :
« La forme républicaine de l'État, le principe de la laïcité, le principe de l'unicité de l'État, le principe de la
séparation et de l'équilibre des pouvoirs, le pluralisme politique et syndical, le nombre et la durée des
mandats du président de la République ne peuvent faire l'objet d'une révision »,
Constitution du 7 mai 2010 de la République de Guinée
Au regard de cet article, la FNDC dénonce la modification de la durée du mandat présidentiel de cinq à six
ans, renouvelable une fois (article 40 du projet présenté). L’opposition et la société civile critiquent aussi
un texte constitutionnel non contraignant et non-péremptoire, qui donnerait la possibilité au président de
la République de Guinée d’exercer plus de deux mandats35.
31 « Nouvelle manifestation monstre en Guinée contre une « présidence à vie » d’Alpha Condé », Le Monde, 24 octobre 2019, URL : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/10/24/guinee-nouvelle-manifestation-contre-une-presidence-a-vie-d-alpha-conde_6016811_3212.html 32 « Fuite note confidentielle du ministre des AE : Mamady Touré veut situer les responsabilités », Mosaïque Guinée [en ligne], 27 juin 2019. URL : http://mosaiqueguinee.com/fuite-note-confidentielle-du-ministre-des-ae-mamady-toure-veut-situer-lesresponsabilites/ 33 « En Guinée, Alpha Condé prépare un troisième mandat ». France TV Info, 25 septembre 2019. URL : https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/guinee/en-guinee-alpha-conde-prepare-un-troisieme-mandat_3631483.html 34 « Alpha Condé : je n’ai de compte à rendre qu’au peuple de Guinée », Libération, 15 mars 2020. URL : https://www.liberation.fr/planete/2020/03/15/alpha-conde-je-n-ai-de-comptes-a-rendre-qu-au-peuple-de-guinee_1781745 35 Alors que dans la Constitution de 2010 il était précisé qu’ « en aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels, consécutifs ou non », le projet constitutionnel présenté par le Président CONDÉ et son ministre de la justice revient sur cet article en le remplaçant par le suivant : « Le président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de six ans, renouvelable une fois ». Voir « Guinée : que contient le projet de nouvelle Constitution proposé par Alpha Condé ? », Jeune Afrique [en ligne], le 20 décembre 2019. URL : https://www.jeuneafrique.com/872558/politique/guinee-quecontient-le-projet-de-nouvelle-constitution-propose-par-alpha-conde/
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/10/24/guinee-nouvelle-manifestation-contre-une-presidence-a-vie-d-alpha-conde_6016811_3212.htmlhttps://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/10/24/guinee-nouvelle-manifestation-contre-une-presidence-a-vie-d-alpha-conde_6016811_3212.html
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Cette contestation du projet se double d’une mobilisation progressive, la coalition ayant annoncé qu’elle
emploierait « tous les moyens conformes à la loi » pour s’opposer à tout amendement de la constitution36.
Dès le mois de juin, le FNDC a commencé à organiser des rassemblements au niveau local puis ces
manifestations se sont étendues à l’ensemble de la République de Guinée. Au mois d’octobre et de
novembre 2019, des manifestations regroupent jusqu’à plusieurs dizaines voire centaines de milliers de
personnes dans les rues de Conakry ainsi que dans d’autres provinces du pays.
Face aux contestations, le président de la République a fait le choix de durcir le ton, en réprimant la liberté
de réunion dans l’espoir d’étouffer les voix dissonantes. En effet, si certaines manifestations sont
autorisées par les autorités locales37, plus d’une vingtaine d’autres pourtant légalement déclarées par le
FNDC, ont été interdites38. Les autorités justifient ces décisions pour des raisons de sécurité publique39.
Il semble néanmoins que la liberté de réunion soit à géométrie variable en République de Guinée, comme
le dénonce Human Right Watch dans un communiqué publié en octobre 201940. En effet, dans le même
temps, les autorités acceptent les rassemblements pro-CONDÉ, comme l’illustre la manifestation du 31
octobre 2019 organisée par les sympathisants du Président de la République, près du Palais du peuple41.
Aussi, l’ONG CIVICUS Monitor considère que l'espace civique en République de Guinée est « obstrué » :
cette qualification renvoie à la monopolisation de cet espace par la classe dirigeante qui détient le pouvoir
et par les forces de l'ordre qui font un usage excessif de la force42.
Lorsqu’elles se tiennent, les autorités au pouvoir ont opté pour une politique de répression des
manifestants pro-opposition et anti-référendum. Cette politique passe par la dispersion des manifestations
non autorisées ou dont le trajet n’a pas été validé et des mesures d’intimidation à l’image de l’arrestation de
manifestants ou de certains organisateurs de la contestation politique. Le second versant de cette politique
est celui du recours disproportionné à la force létale par les forces de sécurité, et le signal dangereux
envoyé par le retour de l’armée dans les rues de Conakry depuis novembre 201843. Au cours de l’année
2019, plusieurs dizaines de manifestants ont ainsi perdu la vie en marge de ces journées de mobilisation,
marquées par des tensions et des heurts entre forces de l’ordre et militants pro-opposition.
Face au risque d’embrasement de l’ensemble du pays, la communauté internationale a réagi et est sortie du
silence.
36 « Guinée : Répression du droit de manifester », HRW, 3 octobre 2019, URL : https://www.hrw.org/fr/news/2019/10/03/guinee-repression-du-droit-de-manifester 37 « Funeral Killings Ahead of New Round of Guinea Demonstrations », HRW, 6 novembre 2019. URL : https://www.hrw.org/news/2019/11/06/funeral-killings-ahead-new-round-guinea-demonstrations 38 « Les autorités Guinéennes interdisent une manifestation anti-Condé prévue jeudi », VOA, 4 mars 2020. URL : https://www.voaafrique.com/a/guinée-le-pouvoir-interdit-une-manifestation-anti-condé-prévue-jeudi/5315313.html et « Guinée : Répression du droit de manifester », HRW, 3 octobre 2019. 39 L’opposition dénonce un défaut de motivation des décisions de refus. Ils se réfèrent à l’article 108 du Code Pénal de la République de Guinée : « La décision d'interdiction de toutes réunions ou manifestation publique doit être suffisamment motivée et notifiée aux signataires de la déclaration dans les quarante-huit heures de la réception de celle-ci ». 40 « Guinée : Répression du droit de manifester », Human Rights Watch, 3 octobre 2019. URL : https://www.hrw.org/fr/news/2019/10/03/guinee-repression-du-droit-de-manifester 41 « Guinée : heurts lors d'une manifestation de masse contre Condé », Atlantico, 14 novembre 2019. URL : https://www.atlantico.fr/node/3582860 42 « Guinea remains on human rights watchlist as violent attacks on protesters persist », Monitor Civicus, 26 février 2020. URL : https://monitor.civicus.org/GuineaWL/w 43 « Examen périodique universel : Guinée », HRW, 2019, URL : https://www.hrw.org/fr/news/2019/07/19/examen-periodique-universel-guinee
https://www.hrw.org/fr/news/2019/10/03/guinee-repression-du-droit-de-manifesterhttps://www.voaafrique.com/a/guinée-le-pouvoir-interdit-une-manifestation-anti-condé-prévue-jeudi/5315313.htmlhttps://www.voaafrique.com/a/guinée-le-pouvoir-interdit-une-manifestation-anti-condé-prévue-jeudi/5315313.htmlhttps://monitor.civicus.org/GuineaWL/whttps://www.hrw.org/fr/news/2019/07/19/examen-periodique-universel-guinee
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Ainsi, en novembre 2019, la CEDEAO44, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples45
ainsi que les Nations-Unies conjointement avec l’Union Européenne et les ambassades des États-Unis et
de la France46 condamnaient la recrudescence des violences et lançaient un appel au calme et à
l’apaisement entre les différentes parties.
En dépit de ces appels, le président en exercice Monsieur Alpha CONDÉ annonçait en décembre 2019
dans un discours solennel à la nation la tenue d’un référendum, le même jour que les élections législatives
pour acter un changement de constitution47. Le FNDC appelait en réponse au boycott des élections
législatives et dénonçait les irrégularités du fichier électoral et la répression de la liberté de réunion48.
c) Contesté et contestable : de l’officialisation à la tenue du référendum constitutionnel du 22 mars 2020
Le début de l’année 2020 marque le début de l’intensification de la mobilisation, alors que
Monsieur Alpha CONDÉ déclare publiquement qu’il n’exclut pas de se représenter une troisième fois, si
tel est le choix de son parti, le Rassemblement du Peuple de Guinée49.
Face à une escalade des violences de plus en plus inévitable, la communauté internationale invitait
l’opposition politique et le gouvernement de Monsieur Alpha CONDÉ à la reprise du dialogue.
Dans sa déclaration présidentielle du 11 février 2020, le Conseil de sécurité de l’ONU a appelé tous les
acteurs politiques en Guinée, « quelle que soit leur appartenance politique », à reprendre sans délai le dialogue en
vue de faire en sorte que les processus électoraux et les réformes politiques soient menés à bien dans un
large consensus50.
Deux jours après, le Parlement européen exprimait lui aussi ses inquiétudes sur les violences récentes en
Guinée en adoptant une résolution qui mettait en garde contre le danger d’une telle modification de la
Constitution :
(Le Parlement européen) regrette profondément tout projet de modifier la constitution du pays en ce qui concerne la
limitation du nombre de mandats présidentiels ; réaffirme avec force qu’une démocratie saine doit
respecter l’état de droit et toutes les dispositions constitutionnelles, y compris une
44 « Communiqué de la CEDEAO suite aux incidents du 4 novembre 2019 à Conakry », CEDEAO, 6 novembre 2019, URL : https://www.ecowas.int/communique-de-la-cedeao-suite-aux-incidents-du-4-novembre-2019-a-conakry/?lang=fr 45 « Communiqué de Presse sur la répression des manifestations en Guinée », Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples, 9 novembre 2019, URL : https://www.achpr.org/fr_pressrelease/detail?id=455 46 « Communiqué conjoint du Système des Nations Unies, de la Délégation de l’Union européenne et des Ambassades des Etats-Unis et de France en République de Guinée », Ambassade des Etats-Unis en Guinée, 5 novembre 2019, URL : https://gn.usembassy.gov/fr/communique-conjoint-du-systeme-des-nations-unies-de-la-delegation-de-lunion-europeenne-et-des-ambassades-des-etats-unis-et-de-france-en-republique-de-guinee/ 47 « En Guinée, Alpha Condé a confirmé son intention de changer la Constitution », Le Monde, 21 décembre 2019, URL : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/12/20/en-guinee-alpha-conde-a-confirme-son-intention-de-changer-la-constitution_6023619_3212.html 48 « La Guinée sous tension à la veille d’un double scrutin contesté », Le Monde, 28 février 2020, URL : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/02/28/la-guinee-sous-tension-a-la-veille-d-un-double-scrutin-conteste_6031143_3212.html 49 « Guinée : Alpha Condé n’exclut pas une nouvelle candidature présidentielle », France 24, 10 février 2020. URL : https://www.france24.com/fr/afrique/20200210-alpha-condé-la-constitution-Guinéenne-doit-répondre-aux-besoins-du-mondeactue 50 « Afrique de l’Ouest : le Conseil de sécurité plaide pour des élections véritablement libres et exemptes de violence », ONU Info, 12 février 2020, URL : https://news.un.org/fr/story/2020/02/1061581
https://www.ecowas.int/communique-de-la-cedeao-suite-aux-incidents-du-4-novembre-2019-a-conakry/?lang=frhttps://www.ecowas.int/communique-de-la-cedeao-suite-aux-incidents-du-4-novembre-2019-a-conakry/?lang=frhttps://www.achpr.org/fr_pressrelease/detail?id=455https://gn.usembassy.gov/fr/communique-conjoint-du-systeme-des-nations-unies-de-la-delegation-de-lunion-europeenne-et-des-ambassades-des-etats-unis-et-de-france-en-republique-de-guinee/https://gn.usembassy.gov/fr/communique-conjoint-du-systeme-des-nations-unies-de-la-delegation-de-lunion-europeenne-et-des-ambassades-des-etats-unis-et-de-france-en-republique-de-guinee/https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/12/20/en-guinee-alpha-conde-a-confirme-son-intention-de-changer-la-constitution_6023619_3212.htmlhttps://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/12/20/en-guinee-alpha-conde-a-confirme-son-intention-de-changer-la-constitution_6023619_3212.htmlhttps://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/02/28/la-guinee-sous-tension-a-la-veille-d-un-double-scrutin-conteste_6031143_3212.htmlhttps://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/02/28/la-guinee-sous-tension-a-la-veille-d-un-double-scrutin-conteste_6031143_3212.htmlhttps://www.france24.com/fr/afrique/20200210-alpha-condé-la-constitution-Guinéenne-doit-répondre-aux-besoins-du-mondeactuehttps://www.france24.com/fr/afrique/20200210-alpha-condé-la-constitution-Guinéenne-doit-répondre-aux-besoins-du-mondeactuehttps://news.un.org/fr/story/2020/02/1061581
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éventuelle limitation du nombre de mandats présidentiels ; invite donc le président de la
République de Guinée à respecter la constitution du pays, et en particulier son article 2751.
Le président en exercice Monsieur Alpha CONDÉ restait sourd à ces appels à la médiation et poursuivait
« son coup d’état constitutionnel »52.
Les modalités de l’organisation du scrutin prévu au 1er mars 2020 posaient également rapidement question.
De nombreuses critiques furent émises quant à l’impartialité de la commission électorale53 et la fiabilité des
listes d’électeur.
Entre la fin novembre 2019 et le début février 2020, à la demande de la Commission électorale nationale
indépendante (CENI), une mission d’assistance électorale de l’Organisation internationale de la
Francophonie (OIF) était déployée en Guinée.
Le rapport de cette mission établissait que les irrégularités sur les listes électorales déjà mises en avant par
un audit international de 201854 persistaient, avec la présence de plus de deux millions et demi d’électeurs
problématique sur les listes électorales. L’OIF annonçait la suspension de sa mission d’assistance
électorale55.
Face à la dégradation de la situation socio-politique du pays, une délégation de la CEDEAO annonçait son
arrivée fin février en République de Guinée pour trouver avec le président en exercice Monsieur Alpha
CONDÉ une sortie de crise. Mais ce dernier choisissait d’adresser une fin de non-recevoir à la
délégation56.
La CEDEAO annonçait le 27 février 2020 dans un communiqué se désolidariser à son tour du processus
électoral57 tout comme l’Union Africaine qui rappelait sa mission déployée pour suivre le scrutin
électoral58.
Alors que la République de Guinée plongeait dans une impasse politique, sous la pression de la
communauté internationale et après les critiques émises par ses alliés africains, Alpha CONDÉ décidait de
reporter le scrutin au 15 mars59.
Loin de renoncer à son projet, le président en exercice Monsieur Alpha CONDÉ ajoutait de nouvelles
tensions en déployant l’armée dans les rues de Conakry pour maintenir la sécurité publique et assurer la
tenue du scrutin60.
51 « Résolution du Parlement européen du 13 février 2020 sur la République de Guinée, et notamment la violence à l’encontre des manifestants (2020/2551(RSP)) », Parlement européen, 2020, URL : https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2020-0036_FR.pdf 52 « Guinée : « Il s’agit d’un coup d’Etat constitutionnel : Alpha Condé veut mourir au pouvoir » », Le Monde, 28 février 2020, URL : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/02/28/guinee-il-s-agit-d-un-coup-d-etat-constitutionnel-alpha-conde-veut-mourir-au-pouvoir_6031255_3212.html 53 « En Guinée, Alpha Condé a confirmé son intention de changer la Constitution », Le Monde, 21 décembre 2019, URL : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/12/20/en-guinee-alpha-conde-a-confirme-son-intention-de-changer-la-constitution_6023619_3212.html 54 55 « Guinée: l’OIF suspend sa participation au processus électoral », RFI, 24 février 2020, URL : http://www.rfi.fr/fr/afrique/20200224-guinee-oif-suspend-participation-processus-%C3%A9lectoral 56 « Scrutins en Guinée: la Cédéao et l'UA renoncent à leurs missions d’observation », RFI, 28 février 2020, URL : http://www.rfi.fr/fr/afrique/20200228-scrutins-en-guin%C3%A9e-la-c%C3%A9d%C3%A9ao-renonce-%C3%A0-d%C3%A9ployer-une-mission-dobservation 57 Ibid. 58 Ibid. 59 « Guinée : nouveau report pour le double scrutin », RFI, 11 mars 2020, URL : http://www.rfi.fr/fr/afrique/20200311-guin%C3%A9e-encore-report-double-scrutin
https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2020-0036_FR.pdfhttps://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/02/28/guinee-il-s-agit-d-un-coup-d-etat-constitutionnel-alpha-conde-veut-mourir-au-pouvoir_6031255_3212.htmlhttps://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/02/28/guinee-il-s-agit-d-un-coup-d-etat-constitutionnel-alpha-conde-veut-mourir-au-pouvoir_6031255_3212.htmlhttps://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/12/20/en-guinee-alpha-conde-a-confirme-son-intention-de-changer-la-constitution_6023619_3212.htmlhttps://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/12/20/en-guinee-alpha-conde-a-confirme-son-intention-de-changer-la-constitution_6023619_3212.htmlhttp://www.rfi.fr/fr/afrique/20200224-guinee-oif-suspend-participation-processus-%C3%A9lectoralhttp://www.rfi.fr/fr/afrique/20200228-scrutins-en-guin%C3%A9e-la-c%C3%A9d%C3%A9ao-renonce-%C3%A0-d%C3%A9ployer-une-mission-dobservationhttp://www.rfi.fr/fr/afrique/20200228-scrutins-en-guin%C3%A9e-la-c%C3%A9d%C3%A9ao-renonce-%C3%A0-d%C3%A9ployer-une-mission-dobservationhttp://www.rfi.fr/fr/afrique/20200311-guin%C3%A9e-encore-report-double-scrutin
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Cette décision intervenait quelques jours seulement après un discours d’Alpha Condé appelant ses
partisans à défendre par la force les bureaux de vote et à frapper ceux qui se présenteront pour troubler le
déroulement du processus électoral61. Ces discours étaient particulièrement alarmants alors que la
République de Guinée s’enfonçait dans la spirale de la violence, et que les tensions communautaires
s’accroissaient jour après jour62.
Dans ce climat de tensions politiques, le président en exercice Monsieur Alpha CONDÉ décidait de
reporter une nouvelle fois le scrutin au 22 mars 2020. Alors que la CEDEAO annonçait une médiation de
la dernière chance, avec l’envoi d’une délégation menée par les présidents nigériens, nigérians et maliens.
Celle-ci était finalement annulée officiellement pour cause de crise sanitaire, officieusement devant les
faibles possibilités de négociation63.
L’épidémie du coronavirus permet ainsi de desserrer l’étau sur le gouvernement de Monsieur Alpha
CONDÉ tout en lui permettant d’augmenter ses pouvoirs à travers la mise en place de l’état d’urgence
sanitaire64.
Alors que l’épidémie accaparait l’attention de la communauté internationale, et en dépit de l’absence
d’assainissement des fichiers électoraux, le double scrutin se tenait le 22 mars65. Le scrutin était émaillé de
violences qui faisait des dizaines de morts66.
Les résultats du référendum du 22 mars, boycotté par l’opposition, donnait une victoire massive au projet
de modification de la Constitution d’Alpha Condé, avec près de 91,59% de « oui »67. Les élections
donnaient également une très large majorité parlementaire aux forces de Monsieur Alpha CONDÉ68.
Ces résultats étaient décriés par l’opposition et la communauté internationale.
Deux jours avant le scrutin, la porte-parole de l’Union Européenne en Guinée estimait ainsi que : « Les
conditions d’organisation d’un scrutin sérieux et apaisé, dont le résultat puisse être accepté par tous, ne sont actuellement pas
réunies »69.
60 « Guinée : l’armée ne doit pas interférer dans le processus électoral. », FIDH, Communiqué du 27/02/2020, URL : https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/guinee-conakry/guinee-l-armee-ne-doit-pas-interferer-dans-le-processus-electoral 61 « Appel d’Alpha Condé à ses militants : l’UFDG promet de répondre coup pour coup », Guinéenew.org, 22 février 2020, URL : https://www.guineenews.org/appel-dalpha-conde-a-ses-militants-lufdg-promet-de-repondre-coup-pour-coup/ 62 « Guinée. L’impunité pour l’usage excessif de la force continue », Amnesty International, Communiqué du 11 juin 2013, URL : https://www.amnesty.be/infos/actualites/article/guinee-l-impunite-pour-l-usage?lang=fr 63 « Elections en Guinée : quand le coronavirus fait les affaires d’Alpha Condé », Le Monde, 19 mars 2020, URL : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/03/19/elections-en-guinee-quand-le-coronavirus-fait-les-affaires-d-alpha-conde_6033734_3212.html 64 « L'état d'urgence entre en vigueur en Guinée », DW, 27 mars 2020, URL : https://www.dw.com/fr/l%C3%A9tat-durgence-entre-en-vigueur-en-guin%C3%A9e/a-52944804 65 « Elections en Guinée : quand le coronavirus fait les affaires d’Alpha Condé », Le Monde, 19 mars 2020, URL : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/03/19/elections-en-guinee-quand-le-coronavirus-fait-les-affaires-d-alpha-conde_6033734_3212.html
66 « Référendum constitutionnel en Guinée, le ''Oui'' l'emporte », BBC, 28 mars 2020, URL : https://www.bbc.com/afrique/region-52076468 67 « Référendum : les Guinéens donnent un « oui » massif à la nouvelle Constitution contestée », Le Monde, 28 mars 2020, URL : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/03/28/referendum-les-guineens-donnent-un-oui-massif-a-la-nouvelle-constitution-contestee_6034732_3212.html 68 « En Guinée, le parti du président, Alpha Condé, obtient une très large majorité parlementaire », Le Monde, 2 avril 2020, URL : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/04/02/en-guinee-le-parti-du-president-alpha-conde-obtient-une-tres-large-majorite-parlementaire_6035243_3212.html
https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/guinee-conakry/guinee-l-armee-ne-doit-pas-interferer-dans-le-processus-electoralhttps://www.fidh.org/fr/regions/afrique/guinee-conakry/guinee-l-armee-ne-doit-pas-interferer-dans-le-processus-electoralhttps://www.guineenews.org/appel-dalpha-conde-a-ses-militants-lufdg-promet-de-repondre-coup-pour-coup/https://www.guineenews.org/appel-dalpha-conde-a-ses-militants-lufdg-promet-de-repondre-coup-pour-coup/https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/03/19/elections-en-guinee-quand-le-coronavirus-fait-les-affaires-d-alpha-conde_6033734_3212.htmlhttps://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/03/19/elections-en-guinee-quand-le-coronavirus-fait-les-affaires-d-alpha-conde_6033734_3212.htmlhttps://www.dw.com/fr/l%C3%A9tat-durgence-entre-en-vigueur-en-guin%C3%A9e/a-52944804https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/03/19/elections-en-guinee-quand-le-coronavirus-fait-les-affaires-d-alpha-conde_6033734_3212.htmlhttps://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/03/19/elections-en-guinee-quand-le-coronavirus-fait-les-affaires-d-alpha-conde_6033734_3212.htmlhttps://www.bbc.com/afrique/region-52076468https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/03/28/referendum-les-guineens-donnent-un-oui-massif-a-la-nouvelle-constitution-contestee_6034732_3212.htmlhttps://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/03/28/referendum-les-guineens-donnent-un-oui-massif-a-la-nouvelle-constitution-contestee_6034732_3212.htmlhttps://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/04/02/en-guinee-le-parti-du-president-alpha-conde-obtient-une-tres-large-majorite-parlementaire_6035243_3212.htmlhttps://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/04/02/en-guinee-le-parti-du-president-alpha-conde-obtient-une-tres-large-majorite-parlementaire_6035243_3212.html
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La France dans un communiqué du 24 mars 2020 se montrait encore plus explicite : « Le caractère non
inclusif de ces élections et non consensuel du fichier électoral, ainsi que le rôle joué par des éléments des forces de sécurité et de
défense excédant la simple sécurisation du processus, n’ont pas permis la tenue d’élections crédibles et dont le résultat pui sse
être consensuel. La France relève aussi l’absence d’observation régionale et internationale à l’occasion de ce double vote »70.
L’opposition politique guinéenne et en premier lieu le FNDC rejetaient également les résultats de ce
scrutin et en appelaient aux Nations-Unies pour mener une enquête sur les violences qui ont fait des
dizaines de mort en marge du scrutin, victimes de la répression politique et des tensions
intercommunautaires71.
Dans ce contexte politique explosif, de nombreux faits constitutifs de crimes contre l’Humanité ont été
commis entre 2019 et 2020.
La seconde partie de la présente communication a vocation à détailler les violences commises en
République de Guinée par les forces de sécurité depuis avril 2019, dans ce climat d’incertitude politique et
d’impunité pour les auteurs de violence.
II - RAPPEL DES FAITS
En avril 2019, débutait la contestation du FNDC à l’encontre du double scrutin législatif et
constitutionnel.
Une politique d’intimidation des forces de l’ordre et de sécurité (« FDS ») aurait débuté à partir du mois
d’octobre 2019, à mesure que les mobilisations du FNDC se seraient intensifiées.
Le 10 avril 2020, Madame Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur l’Afrique centrale à Human Rights
Watch, dénonçait une « violence brutale » des forces de l’ordre guinéennes en réponse aux manifestations72.
En outre, entre avril 2019 et mars 2020, l’organisation non gouvernementale (« ONG ») TOURNONS LA
PAGE a recensé la mort de plus de cent (100) personnes. La majorité d’entre elles auraient été tuées par
balles par les FDS à l’occasion ou en marge de manifestations. Parmi les victimes, une majorité de jeunes
adultes et de mineurs.
A cet égard, il ressort des enquêtes de terrain de l’ONG TOURNONS LA PAGE que les FDS auraient
attaqué de manière quasi-systématique les quartiers dans lesquels la population était réputée être proche de
l’opposition. En ce sens, des habitants ont témoigné de l’intervention des forces de l’ordre dans les
quartiers où par ailleurs la population peule serait en forte majorité. Les peuls sont un groupe ethnique
proche des partis d’opposition guinéens. Ils se distinguent des malinkés, un groupe ethnique auquel
appartient le président en exercice Monsieur Alpha CONDÉ.
69 « République de Guinée : déclaration de la porte-parole sur le double scrutin du 22 mars », Union Européenne, 20
mars 2020, URL : https://eeas.europa.eu/headquarters/headquarters-homepage/76308/r%C3%A9publique-de-
guin%C3%A9e-d%C3%A9claration-de-la-porte-parole-sur-le-double-scrutin-du-22-mars_fr 70 « Guinée - Point de presse de la porte-parole », Ambassade de France, 24 mars 2020, URL : https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/guinee/evenements/article/guinee-point-de-presse-de-la-porte-parole-24-mars-2020 71 « Tueries des manifestants en Guinée: Le Fndc demande une commission d’enquête sous l’égide de l’ONU », Guinée360, 26 mars 2020, URL : https://www.guinee360.com/26/03/2020/tueries-des-manifestants-en-guinee-le-fndc-demande-une-commission-denquete-sous-legide-de-lonu/ 72 « Guinée : Un référendum entaché de violences », Human Rights Watch [en ligne], 10 avril 2020. URL : https://www.hrw.org/fr/news/2020/04/10/guinee-un-referendum-entache-de-violences
https://eeas.europa.eu/headquarters/headquarters-homepage/76308/r%C3%A9publique-de-guin%C3%A9e-d%C3%A9claration-de-la-porte-parole-sur-le-double-scrutin-du-22-mars_frhttps://eeas.europa.eu/headquarters/headquarters-homepage/76308/r%C3%A9publique-de-guin%C3%A9e-d%C3%A9claration-de-la-porte-parole-sur-le-double-scrutin-du-22-mars_frhttps://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/guinee/evenements/article/guinee-point-de-presse-de-la-porte-parole-24-mars-2020https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/guinee/evenements/article/guinee-point-de-presse-de-la-porte-parole-24-mars-2020https://www.guinee360.com/26/03/2020/tueries-des-manifestants-en-guinee-le-fndc-demande-une-commission-denquete-sous-legide-de-lonu/https://www.guinee360.com/26/03/2020/tueries-des-manifestants-en-guinee-le-fndc-demande-une-commission-denquete-sous-legide-de-lonu/https://www.hrw.org/fr/news/2020/04/10/guinee-un-referendum-entache-de-violences
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Les forces de sécurité entreraient dans les maisons et quartiers de la banlieue nord de Conakry,
terroriseraient les habitants, les retiendraient ou les dissuaderaient de manifester à l’aide de gaz
lacrymogènes et de coups de feu tirés à l’encontre de résidents et de passants.
La montée des violences en marge des manifestations de contestation du pouvoir fera l’objet d’un
développement détaillé (A) Il sera fait état des arrestations préventives à l’encontre des organisateurs et
leaders de la contestation politique (B), de l’usage systématique de la violence par les forces de défense et
de sécurité (C) ainsi que des arrestations et disparitions forcées des manifestants et jeunes à proximité des
quartiers réputés proches de l’opposition (D).
A - La montée des violences en marge des manifestations de contestation du pouvoir
aboutissant à la commission de meurtres de civils
1) Incidents en marge de la manifestation du 30 avril 2019
Le 30 avril 2019, une marche pacifique anti-troisième mandat de Monsieur Alpha CONDÉ était organisée
par le FNDC à Kankan, deuxième ville de la République de Guinée, au départ du rond-point Komarala
Loisir73.
Des échauffourées auraient débuté à la suite de l’intégration de membres du Rassemblement du Peuple de
Guinée (« RPG ») à la manifestation. Ces derniers auraient attaqué des membres du FNDC.
Le 25 mars 2019, le Président Alpha CONDÉ avait encouragé ses partisans à ne pas « se [laisser] intimider »
et à « se tenir prêts pour l’affrontement »74.
À la suite de la manifestation du 30 avril 2019, plusieurs membres du FNDC seront arrêtés. Monsieur
Mory KOUROUMA, secrétaire fédéral du Parti de l’Espoir pour le Développement National (« PEDN »)
manifestait pour la défense de la Constitution guinéenne à Kankan ce jour-là. Blessé par balles, il a
succombé à ses blessures à l’hôpital Ignace Deen à Conakry le 19 juin 201975.
2) Incidents en marge de la manifestation du 13 juin 2019
Le 13 juin 2019, une manifestation était organisée par le FNDC à N’Zérékoré, troisième ville de la
République de Guinée, située dans le sud-est du pays. Plusieurs manifestants auraient été dispersés par les
forces de l’ordre à l’aide de grenades lacrymogènes et de matraques. Vingt-huit personnes à trente-quatre
73 « Guinée : le FNDC condamne l’arrestation des manifestants anti 3e mandant à Kankan, ce mardi 30 avril », Focus Guinée [en ligne], 30 avril 2019. URL : https://focusguinee.info/2019/04/30/guinee-le-fndc-condamne-larrestation-des-manifestants-anti-3e-mandant-a-kankan-ce-mardi-30-avril/ 74 « Attaque des opposants à Kankan : la réaction du front anti 3ème mandat », Guinée Matin [en ligne], 30 avril 2019. URL : https://guineematin.com/2019/04/30/attaque-des-opposants-a-kankan-la-reaction-du-front-anti-3eme-mandat/ 75 « Le FNDC annonce la mort de Mory Kourouma, un opposant au troisième mandat », Reflet Guinée [en ligne], 24 juin 2019. URL : http://refletguinee.com/le-fndc-annonce-la-mort-de-mory-kourouma-un-opposant-au-troisieme-mandat/
https://focusguinee.info/2019/04/30/guinee-le-fndc-condamne-larrestation-des-manifestants-anti-3e-mandant-a-kankan-ce-mardi-30-avril/https://focusguinee.info/2019/04/30/guinee-le-fndc-condamne-larrestation-des-manifestants-anti-3e-mandant-a-kankan-ce-mardi-30-avril/https://guineematin.com/2019/04/30/attaque-des-opposants-a-kankan-la-reaction-du-front-anti-3eme-mandat/https://guineematin.com/2019/04/30/attaque-des-opposants-a-kankan-la-reaction-du-front-anti-3eme-mandat/http://refletguinee.com/le-fndc-annonce-la-mort-de-mory-kourouma-un-opposant-au-troisieme-mandat/http://refletguinee.com/le-fndc-annonce-la-mort-de-mory-kourouma-un-opposant-au-troisieme-mandat/
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(34) auraient été blessées des suites de cette manifestation76. Plusieurs boutiques auraient été pillées à cette
occasion77.
En marge de cette manifestation, Mouctar CONDÉ, un marchand âgé de 31 ans, aurait été poignardé aux
environs de 16h00 par les forces de l’ordre, dans le quartier de Gonia Yiridjanjro. Le 30 juin 2019, il
succombait à ses blessures78.
3) Incidents en marge de la manifestation du 14 octobre 2019
En septembre 2019, une consultation ayant pour objectif d’obtenir un consensus sur le projet de réforme
constitutionnelle mené par le gouvernement était lancée. La majorité de l’opposition et une large partie de
la société civile boycottait les réunions consultatives qui se sont achevées le 4 octobre 2019.
Le 7 octobre de la même année, le FNDC appelait à manifester sur l’ensemble du territoire guinéen ainsi
qu’à l’étranger à partir du 14 octobre 201979.
Le 13 octobre 2019, plusieurs leaders du FNDC étaient arrêtés à Guéckedou, une ville située dans le sud
du pays80. À l’occasion de la manifestation du 14 octobre 2019, soixante-dix (70) personnes seront blessées
et 200 personnes seront arrêtées dans plusieurs villes de la République de Guinée, notamment au Sud du
pays comme à N’Zérékoré, Guéckedou, Yomou et Macenta.
Le 14 octobre 2019, les huit personnes suivantes seraient décédées en marge de la manifestation :
• Monsieur Mamadou Karfa DIALLO, étudiant en classe de dixième année, âgé de 22 ans, aurait,
selon les témoignages de son père et d’un rescapé, été tué par balle par un gendarme à Wanindara,
situé dans la commune de Ratoma à Conakry81.
• Monsieur Thierno Sadou BAH, chauffeur, âgé de 21 ans, aurait été tué par balle par des
gendarmes à Wanindara, aux alentours de 14h00, près de son domicile familial. Son père témoigne
que des gendarmes en pick-up auraient ouvert le feu à l’encontre de deux jeunes de la même
famille. Son oncle, qui était sur place, affirme que les forces de l’ordre auraient tué son neveu. A la
suite du décès de Thierno Sadou BAH, sa famille aurait été victime d’autres exactions de la part
des forces de l’ordre. A l’occasion des obsèques des deux défunts, des gendarmes auraient « cassé
76 « En Guinée, 28 blessés lors d’une manifestation contre un troisième mandat d’Alpha Condé », Le Monde [en ligne], 14 juin 2019. URL : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/06/14/en-guinee-28-blesses-lors-d-une-manifestation-contre-un-troisieme-mandat-d-alpha-conde_5476114_3212.html et « En Guinée, 28 blessés lors d’une manifestation contre un troisième mandat d’Alpha Condé », Guinée Matin [en ligne], 14 juin 2019. URL : https://guineematin.com/2019/06/14/manifestation-contre-le-3eme-mandat-a-nzerekore-un-mort-et-un-mort-34-blesses-et-plusieurs-boutiques-pilles/ 77 « Manifestation contre le 3ème mandat à N’Zérékoré : un mort, 34 blessés et plusieurs boutiques pillées », Guinée Matin [en ligne], le 14 juin 2019. URL : https://guineematin.com/2019/06/14/manifestation-contre-le-3eme-mandat-a-nzerekore-un-mort-et-un-mort-34-blesses-et-plusieurs-boutiques-pilles/ 78 Ibid. 79 « Guinée : le FNDC annonce la date du début de ses manifestations », Africa Guinée [en ligne], 7 octobre 2019. URL : https://www.africaguinee.com/articles/2019/10/07/guinee-le-fndc-annonce-la-date-du-debut-de-ses-manifestations 80 « Mamadou Karfa tué par balle à Wanindara : témoignages de son père et d’un rescapé », Guinée Matin [en ligne], 16 octobre 2019. URL : https://guineematin.com/2019/10/16/mamadou-karfa-tue-par-balle-a-wanindara-temoignes-de-son-pere-et-dun-rescape/ 81 Ibid.
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/06/14/en-guinee-28-blesses-lors-d-une-manifestation-contre-un-troisieme-mandat-d-alpha-conde_5476114_3212.htmlhttps://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/06/14/en-guinee-28-blesses-lors-d-une-manifestation-contre-un-troisieme-mandat-d-alpha-conde_5476114_3212.htmlhttps://guineematin.com/2019/06/14/manifestation-contre-le-3eme-mandat-a-nzerekore-un-mort-et-un-mort-34-blesses-et-plusieurs-boutiques-pilles/https://guineematin.com/2019/06/14/manifestation-contre-le-3eme-mandat-a-nzerekore-un-mort-et-un-mort-34-blesses-et-plusieurs-boutiques-pilles/https://guineematin.com/2019/06/14/manifestation-contre-le-3eme-mandat-a-nzerekore-un-mort-et-un-mort-34-blesses-et-plusieurs-boutiques-pilles/https://guineematin.com/2019/06/14/manifestation-contre-le-3eme-mandat-a-nzerekore-un-mort-et-un-mort-34-blesses-et-plusieurs-boutiques-pilles/https://www.africaguinee.com/articles/2019/10/07/guinee-le-fndc-annonce-la-date-du-debut-de-ses-manifestationshttps://www.africaguinee.com/articles/2019/10/07/guinee-le-fndc-annonce-la-date-du-debut-de-ses-manifestationshttps://guineematin.com/2019/10/16/mamadou-karfa-tue-par-balle-a-wanindara-temoignes-de-son-pere-et-dun-rescape/https://guineematin.com/2019/10/16/mamadou-karfa-tue-par-balle-a-wanindara-temoignes-de-son-pere-et-dun-rescape/https://guineematin.com/2019/10/16/mamadou-karfa-tue-par-balle-a-wanindara-temoignes-de-son-pere-et-dun-rescape/
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chaises et tentes, proféré des injures et tabassé les parents des victimes avant de pulvériser des gaz lacrymogènes sur
les nombreux parents et amis venus présenter leurs condoléances »82.
• Monsieur Mamadou Yéro BAH, agent de la gendarmerie nationale guinéenne, âgé de 38 ans,
aurait été tué par balle à Mamou. Des témoins racontent que « quand leurs gaz lacrymogènes [se sont
répandus], les gendarmes sont allés prendre des armes à feu. Ils se sont mis à tirer à balles réelles. C’est [comme ] ça
que ce gendarme a reçu une balle de la part d’un autre gendarme »83. Le 15 octobre 2019, le procureur
Elhadj Sidiki CAMARA a déclaré que Mamadou Yéro BAH avait été touché à la tête par un
projectile84.
• Monsieur Mamadou Lamarana BAH, élève en classe de neuvième année, et mineur âgé de 17 ans,
originaire de la sous-préfecture de Santou et de Télimélé, est décédé le 14 octobre 2019 aux
alentours de 10h00 dans le quartier Sonfonia à Conakry alors qu’il était allé acheter du pain pour
sa famille. Les parents de l’enfant témoignent qu’il aurait été tué par balle par les forces de l’ordre.
L’enfant aurait reçu une balle en pleine poitrine85.
• Monsieur Mamadou Aliou DIALLO, marchand, âgé de 28 ans, originaire de Kétiguia, de la
préfecture de Dalaba, est décédé le 14 Octobre 2019 à Cosa à Conakry. Sa famille témoigne qu’il
aurait été tué par balle par un gendarme dénommé « Bomboly » au « Point d’Appui » du quartier
près de l’école « Mansour Kaba » à petit Simbaya. Le jeune homme aurait reçu une balle dans le
ventre86.
• Monsieur Thierno Amadou Oury DIALLO, chauffeur, âgé de 25 ans, aurait été tué par balle à
Sonfonia le 14 octobre 2019 par les forces de défense et de sécurité. Il aurait succombé à ses
blessures le lendemain matin87.
• Monsieur Thierno Aliou BARRY, élève en classe de onzième année au lycée Cabral de Mamou,
mineur âgé de 17 ans, aurait été tué d’une balle en plein coeur le 14 octobre 2019 aux environs de
17h00 dans le quartier de Hoorè Fello alors qu’il était à la recherche du lieu de détention de son
jeune frère. Il est décédé à l’hôpital régional de Mamou et a été enterré le 15 octobre 2019 au
cimetière de Kôdala, dans le quartier Kimbely, dans la commune de Mamou88.
82 « Manifestations contre un 3ème mandat en Guinée : déjà 10 morts ! », Guinée Matin [en ligne], 16 octobre 2019. URL : https://guineematin.com/2019/10/16/manifestations-contre-un-3eme-mandat-en-guinee-deja-10-morts-liste-des-victimes/ 83 « Un gendarme tué à Mamou : ‘c’est un gendarme qui a accidentellement tiré sur lui’ », Guinée Matin [en ligne], 14 octobre 2019. URL : https://guineematin.com/2019/10/14/un-gendarme-tue-a-mamou-cest-un-gendarme-qui-a-accidentellement-tire-sur-lui/ 84 « Mort d’un gendarme à Mamou : le procureur dément le Gl. Boureima Condé », Guinée Matin, 15 octobre 2019. URL : https://guineematin.com/tag/margis-chef-mamadou-yero-bah/ 85 « Lamarana Bah tué par balle à Sonfonia : sa famille veut porter plainte », Guinée Matin [en ligne], 20 octobre 2019. URL : https://guineematin.com/2019/10/21/lamarana-bah-tue-par-balle-a-sonfonia-sa-famille-veut-porter-plainte/ 86 Un jeune tué par balle à Conakry : la famille accuse un gendarme en service à Cosa », Guinée Matin [en ligne], 15 octobre 2019. URL : https://guineematin.com/2019/10/15/un-jeune-tue-par-balle-a-conakry-la-famille-accuse-un-gendarme-en-service-a-cosa/ 87 « Manifestations contre un 3ème mandat en Guinée : déjà 10 morts ! », Guinée Matin [en ligne], 16 octobre 2019. URL : https://guineematin.com/2019/10/16/manifestations-contre-un-3eme-mandat-en-guinee-deja-10-morts-liste-des-victimes/ 88 « Thierno Aliou Barry abattu à Mamou: Son père, un imam "inconsolable" », Africa Guinée [en ligne], 15 octobre 2019. URL : https://www.africaguinee.com/articles/2019/10/15/thierno-aliou-barry-abattu-mamou-son-pere-un-imam-inconsolable
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