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Article original Parathyroïde hyperfonctionnelle surnuméraire en ectopie majeure : une cause d’échec dans la chirurgie de l’hyperparathyroïdisme primaire sporadique* J.F. Henry, T. Defechereux, M. Raffaelli, D. Lubrano, M. Iacobone Service de chirurgie générale et endocrinienne, CHU La Timone, boulevard Jean-Moulin, 13385 Marseille cedex 5, France RE ´ SUME ´ But de l’étude : Cette étude rétrospective avait pour but de rapporter une série de neuf patients ayant un hyperpa- rathyroïdisme primaire sporadique chez lesquels a été découverte une glande surnuméraire hyperfonctionnelle en ectopie majeure. Patients et méthode : De 1973 à 1998, sur un total de 1 307 patients opérés d’un hyperparathyroïdisme primaire, neuf (0,69 %) avaient une glande surnuméraire pathologi- que en ectopie majeure. Il s’agissait de six femmes et trois hommes (âge moyen : 63 ans) ayant un hyperparathyroï- disme sporadique. La cervicotomie initiale avait été prati- quée six fois dans notre centre. Au total, les neuf patients ont subi 19 interventions dont une par sternotomie. La glande ectopique a toujours été localisée chez les huit patients qui ont eu une imagerie préopératoire. Résultats : La cinquième glande ectopique était située dans le médiastin antérieur (n = 6), dans la gaine des vais- seaux jugulocarotidiens (n = 2), et dans le nerf vague (n = 1). Chez trois patients, elle a été découverte lors de la cervicotomie initiale. Chez les six autres patients, elle a été découverte, au cours d’une réintervention. La lésion cor- respondait à un adénome dans trois cas et à une hyper- plasie dans six cas. Avec un suivi moyen de cinq ans, tous les patients étaient guéris de leur hyperparathyroïdisme primaire, dont un avec paralysie récurrentielle et hypopa- rathyroïdie définitive. Conclusion : Au cours de l’hyperparathyroïdie primaire sporadique, l’existence d’une glande surnuméraire hyper- fonctionnelle et en ectopie majeure est rarement observée et ne justifie pas le recours systématique aux examens de localisation préopératoire et aux dosages rapides peropé- ratoires de parathormone. Au cours d’une cervicotomie classique, la recherche d’une cinquième glande est indis- pensable en cas de découverte de quatre glandes ortho- topiques normales et souhaitable en cas de lésions multiglandulaires. © 2000 Éditions scientifiques et médi- cales Elsevier SAS ectopie / glande surnuméraire / hyperparathyroïdie ABSTRACT Supernumerary ectopic hyperfunctioning parathyroid gland: a potential pitfall in surgery for sporadic pri- mary hyperparathyroidism. Study aim: The aim of this retrospective study was to report a series of nine patients with a sporadic primary hyperparathyroidism, operated on for an ectopic supernu- merary hyperfunctioning parathyroid gland. Patients and method: From 1973 to 1998, among a total of 1,307 patients operated on for a primary hyperparathy- roidism, 9 (0.69%) had an ectopic supernumerary hyper- functioning gland. There were six women and three men (mean age: 63 years) with a sporadic hyperparathyroidism. Initial cervicotomy was performed in our institution in 6 cases. The nine patients underwent 19 operations includ- ing one through sternotomy. The ectopic parathyroid gland was localized in the eight patients who had preoperative localization studies. Results: The supernumerary gland was located in the anterior mediastinum (n = 6), in the carotid sheath (n = 2) and within the vagus nerve (n = 1). In three patients, it was found during the initial cervicotomy. In the 6 other patients, it was found in the course of a reoperation. With a mean follow-up of five years, all the patients were biochemically cured. One patient had a permanent recurrent nerve palsy and a definitive hypoparathyroidism. *Communication présentée à l’Académie nationale de chirurgie au cours de la séance du 13 octobre 1999. Ann Chir 2000 ; 125 : 247–52 © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S000140010000129X/FLA

Parathyroïde hyperfonctionnelle surnuméraire en ectopie majeure :une cause d'échec dans la chirurgiede l'hyperparathyroïdisme primaire sporadique

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Article original

Parathyroïde hyperfonctionnelle surnuméraire en ectopie majeure :une cause d’échec dans la chirurgie

de l’hyperparathyroïdisme primaire sporadique*

J.F. Henry, T. Defechereux, M. Raffaelli, D. Lubrano, M. Iacobone

Service de chirurgie générale et endocrinienne, CHU La Timone, boulevard Jean-Moulin, 13385 Marseille cedex 5, France

RESUMEBut de l’étude : Cette étude rétrospective avait pour butde rapporter une série de neuf patients ayant un hyperpa-rathyroïdisme primaire sporadique chez lesquels a étédécouverte une glande surnuméraire hyperfonctionnelleen ectopie majeure.Patients et méthode : De 1973 à 1998, sur un total de1 307 patients opérés d’un hyperparathyroïdisme primaire,neuf (0,69 %) avaient une glande surnuméraire pathologi-que en ectopie majeure. Il s’agissait de six femmes et troishommes (âge moyen : 63 ans) ayant un hyperparathyroï-disme sporadique. La cervicotomie initiale avait été prati-quée six fois dans notre centre. Au total, les neuf patientsont subi 19 interventions dont une par sternotomie. Laglande ectopique a toujours été localisée chez les huitpatients qui ont eu une imagerie préopératoire.Résultats : La cinquième glande ectopique était situéedans le médiastin antérieur (n = 6), dans la gaine des vais-seaux jugulocarotidiens (n = 2), et dans le nerf vague(n = 1). Chez trois patients, elle a été découverte lors de lacervicotomie initiale. Chez les six autres patients, elle a étédécouverte, au cours d’une réintervention. La lésion cor-respondait à un adénome dans trois cas et à une hyper-plasie dans six cas. Avec un suivi moyen de cinq ans, tousles patients étaient guéris de leur hyperparathyroïdismeprimaire, dont un avec paralysie récurrentielle et hypopa-rathyroïdie définitive.Conclusion : Au cours de l’hyperparathyroïdie primairesporadique, l’existence d’une glande surnuméraire hyper-fonctionnelle et en ectopie majeure est rarement observéeet ne justifie pas le recours systématique aux examens delocalisation préopératoire et aux dosages rapides peropé-ratoires de parathormone. Au cours d’une cervicotomie

classique, la recherche d’une cinquième glande est indis-pensable en cas de découverte de quatre glandes ortho-topiques normales et souhaitable en cas de lésionsmultiglandulaires. © 2000 Éditions scientifiques et médi-cales Elsevier SAS

ectopie / glande surnuméraire / hyperparathyroïdie

ABSTRACTSupernumerary ectopic hyperfunctioning parathyroidgland: a potential pitfall in surgery for sporadic pri-mary hyperparathyroidism.Study aim: The aim of this retrospective study was toreport a series of nine patients with a sporadic primaryhyperparathyroidism, operated on for an ectopic supernu-merary hyperfunctioning parathyroid gland.Patients and method: From 1973 to 1998, among a totalof 1,307 patients operated on for a primary hyperparathy-roidism, 9 (0.69%) had an ectopic supernumerary hyper-functioning gland. There were six women and three men(mean age: 63 years) with a sporadic hyperparathyroidism.Initial cervicotomy was performed in our institution in 6cases. The nine patients underwent 19 operations includ-ing one through sternotomy. The ectopic parathyroid glandwas localized in the eight patients who had preoperativelocalization studies.Results: The supernumerary gland was located in theanterior mediastinum (n = 6), in the carotid sheath (n = 2)and within the vagus nerve (n = 1). In three patients, it wasfound during the initial cervicotomy. In the 6 other patients,it was found in the course of a reoperation. With a meanfollow-up of five years, all the patients were biochemicallycured. One patient had a permanent recurrent nerve palsyand a definitive hypoparathyroidism.

*Communication présentée à l’Académie nationale de chirurgie au coursde la séance du 13 octobre 1999.

Ann Chir 2000 ; 125 : 247–52© 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservésS000140010000129X/FLA

Conclusions: The low incidence of an ectopic supernu-merary hyperfunctioning parathyroid gland in sporadichyperparathyroidism does not justify the routine use of pre-operative localizationstudiesand intra-operativequickpara-thormon assay. During an initial conventional cervicotomythe search for a 5th gland is highly recommended when 4normal glands have been found in the neck. This researchshould also be performed in case of multiglandulardisease. © 2000 Éditions scientifiques et médicalesElsevier SAS

ectopic / hyperparathyroidism / supernumerary gland

La chirurgie de l’hyperparathyroïdisme primaire(HPT I) lorsqu’elle est pratiquée par un opérateurexpérimenté explorant systématiquement tous lesgîtes parathyroïdiens est couronnée de succès dans95 à 99 % des cas [1]. Il n’en demeure pas moinsque subsistent des causes d’échecs responsablesd’HPT I persistant ou récidivant. L’HPT I récidivantest rare. Il s’observe dans des délais variables. Il estla conséquence de l’hypertrophie fonctionnelled’une partie ou de la totalité du parenchyme para-thyroïdien laissé en place ou autotransplanté aprèsune exérèse adaptée aux lésions observées lors de lacervicotomie initiale.

L’HPT I persistant est beaucoup plus fréquent. Ilest dans la plupart des cas en rapport avec l’ inexpé-rience de l’opérateur : adénome isolé en situationorthotopique non découvert ou résection chirurgicaleinadaptée en cas de lésions multiglandulaires. Deuxautres causes d’HPT I persistant peuvent s’observermême dans les mains les plus expérimentées : adé-nome développé au dépens d’une glande en ectopiemajeure ou sur une glande surnuméraire. A plus forteraison si ces deux circonstances très rares sont asso-ciées, le risque d’HPT I persistant devient très élevé.

Le but de cette étude rétrospective était de rappor-ter les observations de neuf patients qui avaient unHPT I sporadique et chez lesquels fut découvert uneglande hyperfonctionnelle développée sur uneglande surnuméraire en ectopie majeure.

PATIENTS ET MÉTHODE

Sur un total de 1 307 patients opérés d’HPT I dans lemême centre en 25 ans (1973–1998), neuf avaientune glande surnuméraire hyperfonctionnelle ensituation ectopique majeure dans le cadre d’un

HPT I sporadique (tableau I). Il s’agissait de sixfemmes et de trois hommes d’un âge moyen de 63ans (52–76 ans). Huit patients se plaignaient de dou-leurs ostéoarticulaires et six avaient des antécédentsde lithiase urinaire récidivante. Un patient avait euune crise de pancréatite aiguë. Le diagnostic biolo-gique reposait sur une élévation des taux de calcé-mie (2,65 à 3,22 mmol/L, N : 2,15–2,60 mmol/L)associés à des taux de parathormone intacte 1–84(PTHi) élevés et inappropriés aux calcémies (92 à880 pg/mL, N : 10–65 pg/mL).

La cervicotomie initiale avait étépratiquée six foisdans notre centre. Les trois autres patients ont étéadressés après une ou deux cervicotomies blanchesréalisées dans un autre centre.

Au total les neuf patients ont subi 19 interventionsdont une par sternotomie : une intervention cheztrois patients, deux interventions chez deux patientset trois interventions chez quatre patients. L’analysedes protocoles opératoires et des comptes rendus his-topathologiques de ces 19 interventions nous a per-mis de conclure que chez ces neuf patients, la glandehyperfonctionnelle en ectopie majeure était bien uneglande surnuméraire puisque tous avaient quatreglandes en situation orthotopique : dans quatre caselles étaient normales, quatre patients avaient deslésions multiglandulaires et un patient était porteurd’un adénome et de trois glandes normales(tableau I). Lors des cervicotomies pratiquées dansnotre centre, seules les glandes jugées macroscopi-quement pathologiques ont été prélevées.

Le caractère majeur de l’ectopie fut défini par unelocalisation inhabituelle et très à distance des gîtesparathyroïdiens classiques : situation cervicalehaute, dans la gaine des vaisseaux jugulocarotidiens,dans le médiastin antérieur mais très bas situé, àdis-tance des ligaments thyrothymiques.

Le caractère sporadique de l’HPT fut confirmé parl’absence de néoplasie endocrinienne multiple detype I ou II A et d’antécédents familiaux d’HPT I.

Avant la cervicotomie initiale, deux patients ontbénéficié d’une imagerie préopératoire associantéchographie cervicale et scintigraphie cervicomé-diastinale au Sestamibi. Dans les deux cas, la glandesurnuméraire ectopique fut localisée par la scintigra-phie. Une imagerie préopératoire fut systématique-ment pratiquée chez les six patients qui avaient uneHPT I persistant après échec de la cervicotomie ini-tiale. L’ imagerie associait un ou plusieurs examens

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morphologiques (échographie, scanner) àun examenfonctionnel (scintigraphie Sestamibi, cathétérismeveineux avec dosages étagés de PTHi). Chez un seulpatient, aucune imagerie préopératoire ne fut prati-quée (tableau I).

RÉSULTATS

Chez les huit patients qui ont bénéficié d’une ima-gerie, la glande hyperfonctionnelle surnuméraireectopique fut localisée en préopératoire : échogra-phie : 1/8, scanner : 4/6, scintigraphie : 6/7, cathété-risme veineux avec dosage de PTHi : 5/5 (tableau I).

La glande surnuméraire fut découverte dans troiscas lors de la cervicotomie initiale et dans six caslors d’une réintervention.

Six glandes étaient bas situées dans le médiastinantérieur : en avant de l’aorte ascendante chez unpatient qui dut être sternotomisé, et au bord inférieurdu tronc veineux innominé, en avant de la crosse del’aorte chez les cinq autres patients. L’exérèse putalors être pratiquée par la cervicotomie, en utilisantdans quatre cas un rétracteur pour suspension ster-nale selon l’artifice de Wells [2], et par chirurgievidéo-assistée dans un cas. Cinq de ces six glandesmédiastinales étaient en rapport avec des résidusthymiques. Deux glandes étaient à la partie basse dela gaine des vaisseaux jugulocarotidiens. Enfin uneglande était en situation intravagale haute, justeau-dessous de la bifurcation carotidienne. Son exé-rèse ne fut possible qu’au prix du sacrifice du nerf

vague car la simple énucléation s’avéra impossible.Le poids moyen de ces neuf glandes était de2 147 mg (262–7 520 mg). Trois avaient les caractè-res histopathologiques d’un adénome et les sixautres d’une hyperplasie (tableau I). Un fragment detissu fut cryopréservé dans la perspective d’uneéventuelle autotransplantation secondaire.

Avec un suivi moyen de cinq ans, tous les patientsétaient guéris de leur HPT I. Seul le patient porteurde la glande intravagale avait des séquelles : paraly-sie laryngée homolatérale mais absence de troublefonctionnel digestif et hypoparathyroïdie définitive.Une autotransplantation secondaire n’a pas été pra-tiquée du fait du caractère imbriqué des tissus para-thyroïdiens et nerveux.

DISCUSSION

Les glandes parathyroïdes surnuméraires se dévelop-pent à partir de débris parathyroïdiens accessoiresissus de la fragmentation du conduit pharyngotra-chéal lorsque les poches pharyngiennes se séparentdu pharynx. La fréquence de ces glandes surnumé-raires est loin d’être négligeable puisque Akerstromet al. [3] en découvrent une ou plusieurs dans 13 %des cas sur une série de 503 autopsies. En règle, cesîlots accessoires de tissu parathyroïdien se dissimu-lent dans le tissu cellulo-adipeux périthyroïdien àproximité des glandes principales. Bien qu’ ilsn’aient pas de spécificité topographique, c’est auniveau des pôles inférieurs des lobes thyroïdiens,

Tableau I. Histologie et localisation des cinq glandes parathyroïdes chez chacun des neuf patients.

Patients Nombred’interventions

Glande Orthotopiques Glande Surnuméraire

Sexe Âge Histologie Localisation Écho TDM Scintigraphie Cathéter Histologie

H 71 3 Hyperplasie : 4 Gainedes vaisseaux

+ + + / Hyperplasie : 7 520 mg

H 66 2 Normales : 2,Adénomes : 2

Médiastinantérieur

– + + + Hyperplasie : 3 000 mg

F 58 3(1 sternotomie)

Normales : 4 Médiastinantérieur

– – / + Hyperplasie : 262 mg

H 30 3 Hyperplasie : 4 Médiastinantérieur

– – + + Hyperplasie : 310 mg

F 68 2 Normales : 2,Hyperplasie : 2

Médiastinantérieur

– + + + Hyperplasie : 2 600 mg

F 52 1 Normales : 4 Médiastinantérieur

/ / / / Adénome : 1 350 mg

H 63 3 Normales : 4 Nerf vague – + – + Hyperplasie : 920 mgF 76 1 Normales : 4 Gaine

des vaisseaux– / + / Adénome : 2 400 mg

F 47 1 Normales : 3,Adénome : 1

Médiastinantérieur

– / + / Adénome : 960 mg

+ : positif ; – : négatif ; / : non pratiqué.

Parathyroïde hyperfonctionnelle ectopique 249

dans la région thyrothymique et dans le thymus lui-même qu’ ils se rencontrent le plus souvent [3-5].

Ces localisations correspondent à l’aire de migra-tion des parathyroïdes issues des troisièmes pochesbranchiales. Elles supportent ainsi l’hypothèse quela plupart de ces îlots accessoires proviennent de lafragmentation du parathymus au cours de sa migra-tion depuis le mur pharyngien jusqu’au niveau dumédiastin antérosupérieur. Une fragmentation pré-coce pourrait être à l’origine d’une glande surnumé-raire cervicale haute au niveau de l’angle de lamâchoire. À l’opposé un fragment de tissu peut êtreentraîné très bas dans le médiastin antérieur et àl’origine alors d’une ectopie médiastinale antérieurebasse [6]. La plupart des glandes hyperfonctionnel-les surnuméraires sont retrouvées dans le médiastinantérieur, comme cela fut le cas pour six des neufglandes de cette série. Les parathyroïdes surnumé-raires peuvent aussi siéger dans des sites ectopiquestout à fait exceptionnels. Leur réelle fréquence estbeaucoup plus difficile à évaluer car elles ne sontdémasquées que lorsqu’elles deviennent tumoraleset responsables d’un syndrome d’HPT. Ainsi, cesglandes peuvent être découvertes dans le médiastinmoyen (0,3 %), extra- ou intrapéricardiques, auniveau de la fenêtre aortopulmonaire [7-11], auniveau ou en dehors de l’axe jugulocarotidien [12,13]. Dans ces cas, les hypothèses embryologiquesproposées seraient en faveur d’une fragmentationprécoce des parathyroïdes issues des quatrièmespoches branchiales [9, 11, 13]. Enfin, pour Gil-mour [14] la présence de tissu parathyroïdien dansle nerf vague pourrait s’expliquer par l’étroiteconnexion embryologique qui existe entre la troi-sième poche branchiale et le nerf vague. Une étudeautopsique pratiquée sur 32 enfants a mis en évi-dence des inclusions de tissu parathyroïdien dans lenerf vague dans 6 % des cas [15].

Dans notre expérience, la fréquence d’une glandehyperfonctionnelle surnuméraire et ectopique est de0,69 % sur 1307 HPT I opérés. Dans l’enquête faitelors du rapport de l’Association française de chirur-gie sur l’HPT I, la fréquence d’une glande patholo-gique surnuméraire, presque toujours ectopique étaitde 0,89 % [6]. Dans plus de la moitié des cas, laglande ectopique était située dans le médiastin anté-rosupérieur ou moyen.

Cette fréquence est augmentée lorsqu’ il existe unfacteur qui stimule le développement de ces îlots

accessoires de tissu parathyroïdien. Ainsi s’expliquele taux plus élevé d’HPT persistant ou récidivantchez les patients ayant un HPT I familial [16] ouchez les patients insuffisant rénaux chroniqueshémodialysés. Selon les séries, 5 à37 % des patientsayant un HPT secondaire ont des glandes surnumé-raires [17, 18]. Ainsi se justifie chez ces patients lapratique systématique d’une thymectomie bilatéralepar voie cervicale et pour certains chirurgiens le pré-lèvement de principe du tissu cellulograisseux péri-thyroïdien au niveau du compartiment central ducou.

Dans le contexte d’un HPT I sporadique, la recher-che d’une glande surnuméraire est beaucoup plusdiscutable. Elle doit être impérative après la décou-verte de quatre glandes normales en situation ortho-topique. Il faut alors s’acharner à rechercher la cin-quième glande en explorant systématiquement tousles gîtes parathyroïdiens ectopiques connus et acces-sibles par voie cervicale. Chez quatre de nospatients, les quatre glandes orthotopiques étaientnormales. Trois de ces patients ont été initialementcervicotomisés dans notre centre. Dans deux cas, lacinquième glande qui était donc responsable del’HPT I fut cherchée de principe et fut ainsi décou-verte lors de la cervicotomie première. Dans un cas,cette cinquième glande, qui était très bas située dansle médiastin antérieur, n’était pas accessible par voiecervicale et nécessita une réintervention par sterno-tomie.

Cette recherche est justifiée devant la constatationde lésions multiglandulaires intéressant plusieursglandes orthotopiques. La recherche doit alors êtrefaite de principe mais doit se limiter aux gîtes para-thyroïdiens situés à proximité de la thyroïde. Ellejustifie l’exérèse du thymus cervical mais cependantne doit pas aboutir à une exploration cervicale oumédiastinale extensive. Ainsi, quatre des neufpatients de notre série avaient des lésions multiglan-dulaires. Ces quatre patients représentent 2,02 % des198 HPT I par lésions multiglandulaires de notreexpérience.

Cette recherche est en revanche très discutabledevant la découverte en situation orthotopique d’unadénome et de trois glandes normales. La probabi-lité d’un deuxième adénome surnuméraire en ecto-pie nous paraît trop faible pour justifier la poursuitede la dissection. Un seul de nos neuf patients avaitcette association tout à fait exceptionnelle. Ce

250 J.F. Henry et al.

patient représente 0,09 % des 1 057 patients ayantun adénome et trois glandes normales en situationorthotopique. Ce n’est que parce que la scintigraphieau Sestamibi pratiquée en préopératoire laissait sus-pecter cette deuxième localisation ectopique quel’exploration chirurgicale fut poursuivie.

Le taux d’HPT I persistant après cervicotomie ini-tiale pratiquée par une équipe expérimentée est trèsfaible [1]. Il n’en demeure pas moins que les glandeshyperfonctionelles surnuméraires ectopiques repré-sentent une des principales causes de ces échecs [19-23]. Durant la même période, nous avons observé11HPT I persistant après une cervicotomie initiale pra-tiquée dans le service. Quatre de ces 11 patients(36 %) étaient porteurs d’une glande hyperfonction-nelle surnuméraire ectopique.

La localisation d’un adénome parathyroïdien enectopie majeure est probablement la seule raison quipourrait justifier une imagerie préopératoire avantune cervicotomie première transverse classique pra-tiquée par un chirurgie expérimenté. La scintigraphieau Sestamibi est actuellement la méthode d’ image-rie non invasive la plus performante avec une sensi-bilité de 90,7 % et une spécificité de 98,8 % [24].Ces résultats poussent beaucoup de cliniciens àl’ inclure dans le bilan préopératoire d’un HPT I. Onpeut néanmoins faire remarquer qu’un chirurgienexpérimentépeut découvrir et pratiquer l’exérèse parvoie cervicale, de toutes les glandes ectopiques cer-vicales et de la plupart des glandes ectopiquesmédiastinales. Seules les glandes très bas situéesdans le médiastin antérieur et dans le médiastinmoyen ne sont pas accessibles par voie cervicale. Ilfaut aussi rappeler qu’ il existe des faux positifs à lascintigraphie au Sestamibi, responsables d’explora-tions inutiles, notamment au niveau médiasti-nal [25].

Ainsi, la très faible fréquence d’adénomes en ecto-pie majeure et inaccessibles par voie cervicale, nejustifie pas ànotre avis le recours systématique àuneimagerie avant une cervicotomie première. Néan-moins, si des examens de localisation ont étédeman-dés et s’ ils mettent en évidence une lésion inacces-sible par cervicotomie et dont le caractèrefonctionnel est confirmé par la scintigraphie au Ses-tamibi, le chirurgien peut d’emblée opter pour unabord ciblé mini-invasif. Dans ce cas, il est souhai-table qu’ il dispose d’un dosage rapide peropératoirede la PTH 1-84 pour s’assurer de la radicalitéde son

exérèse. Lorsque l’ imagerie met en évidence unedouble localisation, l’une orthotopique et l’autreectopique, l’ intervention doit débuter par une cervi-cotomie classique et n’être poursuivie par la recher-che de la deuxième lésion que si elle est accessiblepar voie cervicale ou si les taux de PTHi rapide pero-pératoires ne mettent pas en évidence un gradientsignificatif de l’efficacité de l’exérèse cervicale.Cette situation tout à fait exceptionnelle a été ren-contrée chez l’un de nos patients.

Lors de la réintervention, la cryopréservation d’unfragment de la glande surnuméraire est souhaitable.Ce n’est qu’en cas d’hypoparathyroïdie définitive,confirmée après un délai d’une année, qu’une auto-transplantation secondaire peut être discutée. En fait,cette situation doit et peut être évitée si l’on prendsoin de respecter les glandes normales en situationorthotopique.

CONCLUSION

Dans un contexte d’HPT I sporadique, la fréquenced’une glande hyperfonctionnelle surnuméraire enectopie majeure est très faible : 0,69 % dans notreexpérience. Cette faible fréquence ne justifie pas lerecours systématique aux examens de localisationpréopératoire et aux dosages rapides peropératoiresde PTH si l’exploration chirurgicale est menée parune cervicotomie transverse classique.

La recherche d’une glande hyperfonctionnelle sur-numéraire ectopique doit être de nécessité en cas dedécouverte de quatre glandes normales en situationorthotopique et de principe devant des lésions mul-tiglandulaires. Cette recherche n’est pas justifiéedevant un adénome et trois glandes normales ortho-topiques.

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