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 THÈSE pour l’obtention du titre du grade de DOCTEUR DE L’UNIVERSITE de POITIERS Ecole Supérieure d’Ingénieurs de Poitiers (Diplôme National - Arrêté du 7 août 2006) Ecole Doctorale : Ingénierie Chimique, Biologique et Géologique Secteur de Recherche : Géosciences Présentée par Sandrine PAUMIER FACTEURS DETERMINANT L’ORGANISATION ET LA RHEOLOGIE DU SYSTEME ARGILE–EAU POUR DES SUSPENSIONS DE SMECTITES. Directeur de Thèse : Anne PANTET Codirecteur de Thèse : Philippe MONNET Soutenance prévue le : 21 novembre 2007 devant la Commission d’Examen. JURY Pr. Jocel yne BRE NDLE Rapporteur Pr. Rachid MAKHLOUFI Rapporteur Dr. Nathal ie TOUZE-FOL TZ Exami nateur Pr. Alain MEUNIER Examinateur Pr. Jorge M. VALLES Examinateur M. Bruno CERESOLI Examina teur invité    t   e    l      0    0    2    6    3    5    5    9  ,   v   e   r   s    i   o   n    2   -    1    6    A   p   r    2    0    0    8

Paumier 2007 These

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THSEpour lobtention du titre du grade de DOCTEUR DE LUNIVERSITE de POITIERS Ecole Suprieure dIngnieurs de Poitiers (Diplme National - Arrt du 7 aot 2006) Ecole Doctorale : Ingnierie Chimique, Biologique et Gologique Secteur de Recherche : Gosciences Prsente par

Sandrine PAUMIERtel-00263559, version 2 - 16 Apr 2008

FACTEURS DETERMINANT LORGANISATION ET LA RHEOLOGIE DU SYSTEME ARGILEEAU POUR DES SUSPENSIONS DE SMECTITES.

Directeur de Thse : Anne PANTET Codirecteur de Thse : Philippe MONNET

Soutenance prvue le : 21 novembre 2007 devant la Commission dExamen.

JURY Pr. Jocelyne BRENDLE Pr. Rachid MAKHLOUFI Dr. Nathalie TOUZE-FOLTZ Pr. Alain MEUNIER Pr. Jorge M. VALLES M. Bruno CERESOLI Rapporteur Rapporteur Examinateur Examinateur Examinateur Examinateur invit

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THSEpour lobtention du titre du grade de DOCTEUR DE LUNIVERSITE de POITIERS Ecole Suprieure dIngnieurs de Poitiers (Diplme National - Arrt du 7 aot 2006) Ecole Doctorale : Ingnierie Chimique, Biologique et Gologique Secteur de Recherche : Gosciences Prsente par

Sandrine PAUMIERtel-00263559, version 2 - 16 Apr 2008

FACTEURS DETERMINANT LORGANISATION ET LA RHEOLOGIE DU SYSTEME ARGILEEAU POUR DES SUSPENSIONS DE SMECTITES.

Directeur de Thse : Anne PANTET Codirecteur de Thse : Philippe MONNET

Soutenance prvue le : 21 novembre 2007 devant la Commission dExamen.

JURY Pr. Jocelyne BRENDLE Pr. Rachid MAKHLOUFI Dr. Nathalie TOUZE-FOLTZ Pr. Alain MEUNIER Pr. Jorge M. VALLES M. Bruno CERESOLI Rapporteur Rapporteur Examinateur Examinateur Examinateur Examinateur invit

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Avant-proposAu cours de ces trois ans, jai eut loccasion de dcouvrir deux mondes pas si loigns : la minralogie et la rhologie. Cette thse rpond au projet ambitieux de transversalit interdisciplinaire sur le thme des argiles. Il naurait pas pu voir le jour sans laide essentielle de nombreuses personnes. Je tiens, en tout premier lieu, remercier les professeurs Jocelyne Brendl et Rachid Makhlou pour avoir accept de rapporter ce travail ainsi que les membres du jury. Leurs diverses observations et critiques constructives ont permis damliorer la qualit de ce manuscrit. Un grand merci Anne Pantet et Philippe Monnet pour leur encadrement particulirement adapt, jai pris beaucoup de plaisir travailler sur ce sujet. Votre enthousiasme et vos prcieux conseils mont toujours permis de surmonter les doutes et les embuches que prsente ce travail. Cette thse est une pierre de plus ldice prcdemment investigu par Christine Malfoy et Anthony Besq, je les remercie pour leur travail qui ma t trs utile. Merci la rgion Poitou Charente pour avoir nanc cette thse. Merci Agns Bogner et Gilbert Thollet pour leur accueil au Wet STEM. Merci lquipe de lINSA de Lyon pour nous avoir associ leurs passionnantes recherches. Un merci particulier Claude et Nathalie pour leur pdagogie enseigner lart dlicat du traitement des argiles. Merci Sbastien pour laide en rhomtrie mais A aussi pour dompter L TEXet Origin. Merci galement Cline, Claude, Jean-Hugues et Dominique pour votre aide. Merci aux studieux stagiaires de lESIP et de luniversit (Hlne, Vrna, Jean Charles, Mathieu et Serge). Jassocie ce travail tous les membres des laboratoires HydrASA, LEA et ESIP que jai ctoy pendant ces trois ans. Les moments passs vos cts sont passs bien vite. Merci Marjorie, Elisa, Fabrice . . . le team Gaa . . . pour leur amiti. Enn mais pas des moindres, je remercie profondment Julien, mes parents et ma famille. Votre enthousiasme et votre soutient sans faille mont normment aid.

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Papet, . . .

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Facteurs dterminant lorganisation et la rhologie du systme argileeau pour des suspensions de smectites.Les smectites en suspension aqueuse sont des argiles gonantes largement utilises dans lindustrie pour leurs capacits dadsorption, dtanchit, de transport ou de liant. Ces proprits sont ingales en fonction des caractristiques minralogiques et physico-chimiques des suspensions. Ce travail a pour but de comprendre laction de la charge interfoliaire sur les structures construites par le systme eau argile en fonction de la concentration pour des smectites homoioniques ou mixte. Son originalit est de coupler des mthodes minralogiques, physico-chimiques et une large gamme dessais rhomtriques. Deux populations de smectites (N a+ et Ca2+ ) sont tudies sparment puis en mlange. A faible concentration (infrieure 60 g/l), les suspensions sodiques sont trs visqueuses car les feuillets disperss forment des rseaux. Les feuillets de smectite calcique sont associs en ocs aisment dformables rendant les suspensions peu visqueuses et rhouidiantes. En mlange, les deux populations interagissent faiblement, lorsque le cortge dchange dquilibre est atteint (20 % de sodium), les viscosits sont minimales. A plus forte concentration (60 100 g/l), les courbes dcoulement permettent de direncier un domaine de dformation viscolastique, un domaine dcoulement htrogne (bandes de cisaillement) et un domaine dcoulement homogne. Ltude de la thixotropie rvle lexistence de deux cintiques de dstructuration/restructuration. Ltude de 12 bentonites brutes permet de monter que la rhomtrie est un bon moyen de diffrenciation entre les bentonites sodique naturelle (Herschel-Bulkley), calcique naturelle (Newton) ou calcique active (Bingham). Mots cls : bentonite, cation, minralogie, rhouidication, seuil dcoulement, thixotropie.

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Impact factors on the structuration and the rheological behavior of the claywater system for smectite dispersions.Smectites are swelling clays widely used in industry. Theirs mechanical properties are unequal according to their mineralogical and physicochemical characteristics. The aim of this study is to improve the knowledge of the interlayer cation impact on the structure built by the smectitewater system according to the concentration. Homo-ionic (N a+ et Ca2+ ) and bi-ionic systems are observed. This study crosschecks mineralogical methods, physicochemical analysis and broad range of rheometric tests. At low concentration (less than g/l) the calcium dispersions are shear thinning and few viscous due to the layer association in huge deformable ocks. The sodium smectite layers are dispersed ; the dispersions are highly viscous. The lowest viscosity is detected for mix of 20 % of sodium smectite and 80 % of calcium smectite. At higher concentration (60 to 100 g/l), the yield stress and viscoelastic properties are studied by creep-recovery tests, oscillatory tests and imposed shear step. At the liquid state, the ow is rst heterogeneous with a shear banding eect then homogeneous. The results make it possible to dene the concentration area characteristic of each mechanical behavior (viscosity, shear thinning and yield stress) according to the saturation cation. The thixotropic properties are characterized with destructuring-restructuring tests. Two kinetics are determined. Finally we realize a data base with 12 natural and industrial bentonites. The rheograms would be ecient to dierentiate the natural calcium bentonites (newtonian law), natural sodium bentonites (Herschel-Bulkley law) and activated calcium bentonites (Bingham law). Key words : bentonite, cation, mineralogy, shear thinning, yield stress, thixotropy.

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SommaireIntroduction 1 La bentonite dans tous ses tats : de la microstructure la macrostructure. 1.1 La bentonite : formation et utilisations . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2 Du feuillet de smectite au rseau structur. . . . . . . . . . . . . . . . 1.2.1 La cristallochimie du feuillet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2.2 Les interactions et associations inter-feuillets . . . . . . . . . . 1.2.2.1 Interactions particule-eau . . . . . . . . . . . . . . . 1.2.2.2 Les interactions inter-particulaires . . . . . . . . . . 1.2.2.3 La formation des cristallites. . . . . . . . . . . . . . . 1.2.2.4 Les modes dorganisation des feuillets. . . . . . . . . 1.2.2.5 Grandeurs dinuence sur les paramtres dassociation 1.2.2.6 Glossaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3 Etude de la microstructure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.1 La diraction de rayons X . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.2 Les analyses thermiques direntielles et la thermogravimtrie 1.3.3 La distribution granulomtrique des particules . . . . . . . . . 1.3.3.1 La sdimentomtrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.3.2 La granulomtrie laser . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.3.3 Les indices granulomtriques . . . . . . . . . . . . . 1.3.4 Lobservation microscopique des structures . . . . . . . . . . . 1.3.5 Les proprits de surface des particules. . . . . . . . . . . . . . 1.3.5.1 La surface spcique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.5.2 La capacit dchange cationique . . . . . . . . . . . 1.3.5.3 Le potentiel lectrocintique, ou potentiel ztamtrique 1.4 Analyse macroscopique des suspensions : la rhologie . . . . . . . . . 1.4.1 La rhologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.4.2 La rhomtrie des uides : principe de fonctionnement et limites exprimentales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.4.2.1 Principe de la mesure . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.4.2.2 Les htrognits du gradient de vitesse . . . . . . . 1.4.2.3 Les phnomnes de glissement . . . . . . . . . . . . . 1.4.2.4 La surface libre de lchantillon . . . . . . . . . . . . 1.4.2.5 Les htrognits au sein du uide . . . . . . . . . . 1.4.3 La rhomtrie locale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 1 5 9 9 11 11 12 16 18 22 24 27 27 28 28 28 29 29 30 31 31 32 32 33 33 33 33 34 35 35 36 36

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ii Comportement usuel des bentonites socis. . . . . . . . . . . . . . . . . 1.4.4.1 Fluides newtoniens . . . . 1.4.4.2 Fluides non newtoniens . 1.5 Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.4.4 et essais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

SOMMAIRE rhologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . as. . . . . . . .

. . . .

38 38 39 45 47 51 51 51 51 51 51 52 52 52 52 53 53 53 54 54 55 55 56 56 57 57 59 61 61 62 63 64 67 68 69 70 73 73 74

2 De la bentonite la smectite sature 2.1 Mthodes didentication et de contrle des matriaux. . . . . . . . . 2.1.1 Identication et morphologie des minraux . . . . . . . . . . . 2.1.1.1 Dtection des carbonates et de la matire organique . 2.1.1.2 Microscopie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1.1.3 Diraction de rayons-X . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1.1.4 Analyses thermiques direncielles et thermogravimtrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1.2 Distribution granulomtrique des particules. . . . . . . . . . . 2.1.2.1 Sdimentomtrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1.2.2 Granulomtrie laser . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1.3 Proprits de surface et interactions avec leau. . . . . . . . . 2.1.3.1 Essai au bleu de mthylne . . . . . . . . . . . . . . 2.1.3.2 BET . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1.3.3 Capacit dchange cationique (CEC) et cortge cationique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1.3.4 Proprits chimiques de la phase suspendante . . . . 2.1.3.5 Test de gonement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2 Caractrisation de la bentonite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.1 Contexte gologique du gisement . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.2 Analyse de la bentonite brute . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.2.1 Identication du cortge minralogique . . . . . . . . 2.2.3 Granulomtrie et surface active . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.4 Ractivit au contact de leau. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.5 Synthse sur la bentonite brute. . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3 Prparation et suivi de la fraction ne . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.1 Mthodes dextraction issues de la littrature. . . . . . . . . . 2.3.2 Suivi du protocole dextraction de la fraction ne. . . . . . . . 2.3.2.1 pH, conductivit des suspensions et quantit de matriel extrait . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.2.2 Minralogie des fractions extraites . . . . . . . . . . 2.3.2.3 Granulomtrie des fractions extraites . . . . . . . . . 2.3.2.4 Mesure des bases changeables et de la CEC sur le matriel extrait . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.3 Choix et ralisation du protocole de fabrication en masse. . . . 2.3.4 Caractrisation de la fraction ne obtenue. . . . . . . . . . . . 2.4 La saturation calcique et sodique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4.1 Le contact fraction ne/eau osmose . . . . . . . . . . . . . . 2.4.2 Ecacit du protocole classique . . . . . . . . . . . . . . . . .

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SOMMAIRE Utilisation des plans dexpriences pour amliorer le protocole de saturation sodique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4.3.1 Protocoles de saturation optimiss. . . . . . . . . . 2.4.4 Caractrisation des smectites calciques et sodiques. . . . . . 2.4.4.1 Minralogie de Ca-sm et Na-sm . . . . . . . . . . . 2.4.4.2 Observation au MET de Ca-sm et Na-sm . . . . . . 2.4.4.3 Gonement de Ca-sm et Na-sm . . . . . . . . . . . 2.5 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4.3

iii

. . . . . . .

75 77 78 78 80 82 83

3 Etude multicritre des suspensions dilues. 85 3.1 Protocoles exprimentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89 3.1.1 Prparation des suspensions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89 3.1.2 Granulomtrie laser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90 3.1.3 Microscopie Wet STEM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90 3.1.4 Ztamtrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90 3.1.5 Rhomtrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91 3.2 Etude comparative des suspensions homoioniques . . . . . . . . . . . 91 3.2.1 Taille des particules. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91 3.2.2 Morphologie des particules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93 3.2.2.1 Description des photographies acquises au Wet STEM 93 3.2.2.2 Estimation de la gomtrie des particules . . . . . . 102 3.2.3 Potentiel ztamtrique des suspensions . . . . . . . . . . . . . 103 3.2.4 Viscosit des suspensions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104 3.2.5 Evaluation des volumes occups par les particules . . . . . . . 105 3.2.6 Ce quil faut retenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109 3.3 Etude des mlanges bi-ioniques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111 3.3.1 Minralogie et rpartition des cations . . . . . . . . . . . . . . 111 3.3.2 Taille des particules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114 3.3.3 Gonement des poudres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116 3.3.4 Sdimentation des suspensions . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118 3.3.5 Viscosit des suspensions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121 3.3.6 Discussion sur le minimum de viscosit . . . . . . . . . . . . . 122 3.3.6.1 Eet de la polydispersit . . . . . . . . . . . . . . . . 122 3.3.6.2 Eet de lordre dajout des poudres . . . . . . . . . . 128 3.3.6.3 Eet de la mobilit cationique . . . . . . . . . . . . . 128 3.4 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131 4 Comportement rhologique des suspensions concentres. 4.1 Protocoles de mesures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.1.1 Analyses en grandes dformations . . . . . . . . . . . . . . . 4.1.2 Analyses en petites dformations . . . . . . . . . . . . . . . 4.2 Typologie des rhogrammes obtenus. . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2.1 Identication des phases. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2.2 Impact de la concentration et de la saturation sur les rhogrammes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.3 Dformation de la phase solide (phase A-B) . . . . . . . . . . . . . 4.3.1 Les essais de uage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133 137 137 139 139 139

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. 142 . 145 . 145

iv

SOMMAIRE 4.3.2 Les essais doscillations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.3.3 Les essais en paliers de vitesses de cisaillement imposes . . 4.3.4 Synthse des rsultats sur la phase solide. . . . . . . . . . . Caractristiques de lcoulement homogne (phase D-E) . . . . . . . Thixotropie des suspensions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.5.1 Eet du temps dtablissement de la contrainte . . . . . . . 4.5.2 Mesure de la surface de thixotropie . . . . . . . . . . . . . . 4.5.3 Cintiques de destructuration/restructuration. . . . . . . . . 4.5.3.1 Les essais par paliers priodiques de vitesses de cisaillement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Schmatisation de lvolution structurelle des suspensions . . . . . . conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148 149 151 153 155 155 155 155

4.4 4.5

4.6 4.7

. 165 . 169 . 175 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177 181 183 183 184 186 188 188 189 190 190 192 195 197 197 197 197 197 199

5 Etude comparative de bentonites naturelles et industrielles. 5.1 Matriels et protocoles exprimentaux . . . . . . . . . . . . . . . . 5.2 Rsultats exprimentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.2.1 Cortge minralogique des bentonites . . . . . . . . . . . . . 5.2.2 Analyse thermique par ATD . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.2.2.1 Cortge dchange et surface active des smectites . 5.2.3 Conductivit et pH des suspensions . . . . . . . . . . . . . . 5.2.4 Granulomtrie des particules en suspension . . . . . . . . . . 5.2.5 Gonement des poudres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.2.6 Proprits rhologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.2.6.1 Les bentonites calciques actives . . . . . . . . . . 5.2.6.2 Les bentonites sodiques naturelles . . . . . . . . . . 5.2.6.3 Les bentonites calciques naturelles . . . . . . . . . 5.3 Diversit et direnciation des dirents types de bentonites . . . . 5.3.1 Caractristiques de chaque type de bentonite . . . . . . . . . 5.3.1.1 Les bentonites calciques actives . . . . . . . . . . 5.3.1.2 Les bentonites sodiques naturelles . . . . . . . . . . 5.3.1.3 Les bentonites calciques naturelles . . . . . . . . . 5.3.2 Direnciation des bentonites. . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.3.2.1 Direnciation entre les bentonites calciques naturelles et les autres bentonites . . . . . . . . . . . . 5.3.2.2 Direnciation entre les bentonites calciques actives et les bentonites sodiques naturelles . . . . . . . . . 5.4 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion gnrale

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. 199 . 199 . 201 203

Annexes Rfrences

1 17

Introductionne smectite est une argile en feuillet (Phyllosilicate TOT) naturellement dissmine dans certains sols ou prsente ponctuellement en grande quantit dans des bentonites. Ces roches argileuses, dorigine volcanique, constituent alors une ressource minrale. Les feuillets prsentent des dfauts qui leurs confrent une charge ngative permanente. An de la compenser, ils sentourent dun cortge dions compensateurs qui conditionne leurs capacits dhydratation et dassociation en suspension. La rsistance et la complexit des liaisons ont un impact direct sur le comportement mcanique des suspensions formes. Ces proprits mcaniques (viscosit, uidication, seuil dcoulement, thixotropie) sont largement utilises dans les produits manufacturs de notre quotidien. Son domaine dutilisation stend du gnie civil o le matriau brut broy, ventuellement activ, est utilis en grandes quantits (uides de forage, gosynthtiques bentonitiques) ; jusqu la pharmacie et lagroalimentaire o la smectite est spciquement purie et contrle pour sa consommation (crmes, pansements gastriques, ltres naturels . . .).

U

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Le cortge dions compensateurs volue en fonction de lenvironnement chimique de la smectite et obit des lois de slectivit. Par exemple, les ions calcium sont prfrentiellement adsorbs, ce qui explique la prdominance naturelle des bentonites calciques. La garniture cationique de la smectite inuence son comportement mcanique en suspension. Ainsi, les suspensions de smectites calciques ont des viscosits, des seuils et un comportement thixotrope trs infrieurs leurs quivalents sodiques. Hors, du fait de la slectivit, les smectites sodiques sont rares et de qualits ingales. De nombreuses recherches ont permis dactiver les bentonites calciques an quelles acquirent des proprits voisines de celles des bentonites sodiques. Les lois de slectivit lies laction des sels ou dautres agents chimiques sont connus mais les mcanismes dinteraction entre deux populations sont eux encore mal dnis. Cette problmatique et ses rpercutions sur le comportement mcanique sont prpondrantes lorsque la smectite est mise en relation avec des uides minraliss. Cela arrive rgulirement dans le milieu naturel ou lors des utilisations industrielles (nappes deau souterraine, lixiviats, uides organiques, vins, peintures). Derrire ces applications se cache la thmatique complexe de la mobilit cationique et ses rpercussions sur les proprits mcaniques. La notion de particule est dlicate dnir pour ces matriaux. A lchelle microscopique, les feuillets sont opaques et prsentent une forte anisotropie (grande surface et faible paisseur). De plus, ils sont susceptibles de se dformer et de shydrater diremment en fonction des caractristiques chimiques du milieu et de sa

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Introduction

concentration. En suspension, les liaisons inter-feuillets compliquent la dnition mme de particule et la dlimitation de ses contours. Ses dicults saccroissent avec laugmentation de la concentration et la fabrication de rseaux (gels structurs). Lobjectif de ce travail est de comprendre laction des charges interfoliaires sur les structures construites par le systme argileeau en fonction de la concentration massique de suspensions de smectites satures par des cations monovalents (Na+ ), divalents (Ca2+ ) ou mixtes. Son originalit est de coupler des mthodes minralogiques (diraction de rayons-X, analyses thermiques direntielles), physicochimiques (granulomtrie laser, capacit dchange cationique, surfaces spciques, bases changeables . . .) et une large gamme dessais rhomtriques. Ltude rhologique permet de dnir des domaines de comportement caractristiques de chaque espce (newtonien, rhouidiant, seuil dcoulement). La structuration complexe des matriaux glifs est particulirement tudie. Pour raliser ce programme, nous avons besoin dextraire une quantit susante de fraction smectitique (800 g) dune mme bentonite naturelle qui est sature au calcium ou au sodium. Lexpertise complte de direntes bentonites naturelles et industrielles permet dexplorer leet dautres facteurs dterminants dans lorganisation du systme argileeau. Dans le chapitre 1, nous abordons les principales spcicits minralogiques lies aux feuillets de smectite, leurs potentialits de liaisons et aux diverses hypothses dassociation. Les principales mthodes minralogiques, morphologiques, granulomtriques et rhologiques employes dans cette thse sont galement dcrites dans ce chapitre ainsi que leurs limites dutilisation. Nous dveloppons plus prcisment les proprits rhologiques et les essais permettant de les caractriser. Dans le chapitre 2, nous suivons pas pas toutes les tapes de prparation des deux populations partir dune bentonite naturelle. Cette tape est ncessaire puisque les mthodes de prparation des argiles sont calibres sur les besoins des analyses classiques de minralogie (quelques grammes) et non sur les besoins des mthodes rhologiques (au minimum de lordre de 100 g). Nous dbutons par ltude de la bentonite brute (chimie, granulomtrie et cortge minralogique). Une bentonite naturelle contient gnralement une phase sableuse et limoneuse qui la rend inhomogne, nous dveloppons donc un protocole dextraction de la fraction ne (dite infra 2 m au sens de Stokes). Ltude minralogique et physico-chimique de la fraction ne extraite nous permet doptimiser les protocoles de saturation. Les poudres homoioniques obtenues sont caractrises en terme de minralogie, morphologie, physico-chimie et gonement libre. Nous proposons un protocole optimis dextraction et de saturation susceptible de produire une smectite sature en quantit importante et dune bonne qualit de saturation. Dans le chapitre 3, nous nous focalisons sur ltude des particules en suspensions dilues. De nombreuses approches exprimentales sont disponibles dans cette gamme de concentration o les comportements sont newtoniens. Nous cherchons dnir les caractristiques en terme de taille et de volume occup par les particules de chaque population homoionique et leurs ventuelles interactions faible

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3 concentration. Pour cela nous utilisons direntes mthodes complmentaires (granulomtrie laser, microscopie Wet STEM, ztamtrie, rhomtrie). Les suspensions mixtes (calci-sodiques) sont compares en terme de minralogie, de granulomtrie, de gonement, de sdimentation et de viscosit. Le but est ici de dnir si les formes homoioniques mlanges divers ratio restent indpendantes ou interagissent en suspension. Les rsultats sont utiliss pour mettre une hypothse de structuration pouvant tre associe un rquilibrage chimique. Dans le chapitre 4, nous tudions les suspensions ltat de gels pour en dduire des informations sur les rseaux ou structures fabriqus. Pour cela, nous utilisons une mthode de caractrisation macroscopique : la rhomtrie, les mthodes dobservation directes ntant plus possibles ces concentrations. Nous tudions les proprits rhologiques telles que la uidication, la thixotropie et les seuils dcoulement. Ce chapitre a pour but de dnir les conditions de concentration et de saturation ncessaires la fabrication de structures construites de type gel. La rsistance sous cisaillement de ces structures est value par des essais dcoulement. Les seuils dcoulement sont nement tudis laide dessais de uages, doscillations et des essais en paliers de vitesses de cisaillement imposes. Leur modlisation laide dun modle de Zener permet de comparer les rsultats issus des dirents essais et dobserver lvolution des proprits visco-lastiques en fonction de la concentration et de la saturation. Les comportements thixotropes sont caractriss laide dessais en rgime transitoire. Nous nous intressons plus prcisment aux cintiques de destructuration et de restructuration de ces suspensions et leur origine structurale. Lensemble des rsultats nous amne une interprtation structurale de lvolution des rseaux forms en suspension en fonction de la composition, de la concentration et du cisaillement impos. Dans le chapitre 5 nous prsentons une base de donnes comprenant trois bentonites sodiques naturelles, deux bentonites calciques naturelles et sept bentonites calciques actives. Nous cherchons dnir un ou plusieurs paramtres susceptibles de direncier les trois types de bentonites. Nous observons galement leet de lactivation des bentonites calciques naturelles et comparons ces bentonites actives aux bentonites sodiques naturelles. Nos chantillons extraits et saturs sont galement compars ces bentonites.

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4 Introduction

Chapitre 1 La bentonite dans tous ses tats : de la microstructure la macrostructure.tel-00263559, version 2 - 16 Apr 2008

Sommaire1.1 1.2 La bentonite : formation et utilisations . . . . . . . . . . 5 Du feuillet de smectite au rseau structur. . . . . . . . . 9 1.2.1 La cristallochimie du feuillet . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 1.2.2 Les interactions et associations inter-feuillets . . . . . . . 11 1.3 Etude de la microstructure . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 1.3.1 La diraction de rayons X . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 1.3.2 Les analyses thermiques direntielles et la thermogravimtrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 1.3.3 La distribution granulomtrique des particules . . . . . . . 28 1.3.4 Lobservation microscopique des structures . . . . . . . . . 30 1.3.5 Les proprits de surface des particules. . . . . . . . . . . 31 1.4 Analyse macroscopique des suspensions : la rhologie . . 33 1.4.1 La rhologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 1.4.2 La rhomtrie des uides : principe de fonctionnement et limites exprimentales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 1.4.3 La rhomtrie locale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 1.4.4 Comportement usuel des bentonites et essais rhologiques associs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 1.5 Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

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es bentonites, essentiellement constitues de smectite, sont des matriaux naturels trs diversis dont les proprits physico-chimiques et mcaniques sont largement utilises dans lindustrie. Dans ce chapitre, nous prsenterons les caractristiques des smectites qui font leur spcicit depuis lchelle microscopique (minralogie, morphologie) jusqu lchelle macroscopique (rhologie).

Aprs un bref rappel sur les direntes utilisations industrielles de la bentonite, nous focaliserons sur la smectite et ses spcicits susceptibles dexpliquer ses proprits mcaniques si recherches. Nous dvelopperons plus prcisment les capacits dinteraction entre feuillets et les hypothses de structuration associes la prsence deau (des suspensions dilues). Nous prsenterons sommairement les direntes mthodes susceptibles de caractriser la microstructure des suspensions (minralogie, granulomtrie, proprits de surface). Nous nous intresserons ensuite la caractrisation de la macrostructure en dcrivant plus prcisment, la rhomtrie, les dirents types dessais, les proprits mcaniques mises en vidences et les modles rhologiques qui leur sont couramment associs. Une attention particulire est porte sur les limites dutilisation de chaque mthode.

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1.1 La bentonite : formation et utilisations

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1.1

La bentonite : formation et utilisations

Les bentonites sont issues de laltration de produits du volcanisme soit par sdimentation de cendres en milieu lacustre ou lagunaire soit par altration des roches volcaniques sous forme de lons [32]. Thoriquement, les bentonites sont des roches constitues plus de 50 % de smectite. De nombreux autres minraux, tmoins des roches originelles, noformes ou transportes peuvent y tre associs. Les bentonites sont utilises sous de nombreuses formes depuis le simple concassage du matriau jusqu son extraction et son traitement approfondi (Fig. 1.1)[102] [12] [93]. En particulier, les smectites contenues dans les bentonites confrent des proprits adsorbantes, dtanchit, de transport ou de liant largement utilises dans la construction [14] [90], lindustrie chimique [112] [79] et lingnierie environnementale [29] [38].

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Fig. 1.1 Domaines industriels dutilisation des bentonites.

Chaque domaine a ses propres exigences au niveau des capacits dadsorption, des proprits mcaniques (viscosit, seuil, thixotropie) et des critres minralogiques (prsence de minraux non argileux, polymres, surfactants). Les bentonites sont utilises sous direntes formes de la poudre ou granuls (associ un gotextile), jusqu la suspension plus ou moins concentre et plus ou moins traite (uides de forage). Les applications dans les domaines lis lagroalimentaire, la pharmacie et la cosmtiques ncessitent une connaissance accrue de la minralogie de la bentonite tudie. Leur utilisation est alors soumise des rgles strictes de composition.

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La bentonite dans tous ses tats : de la microstructure la macrostructure.Lingnierie environnementale

Les gosynthtiques bentonitiques sont utiliss an dtanchier de larges zones (fond et couverture de dcharge, lac articiel), protger des terrains sensibles et conner des contaminants (hydrocarbures, lixiviats, mthane, sols contamins). Il sagit dun produit manufactur en forme de nappe associant au moins un gotextile de la bentonite sous forme de poudre ou de granul ayant un rle dtanchit [37]. Il existe direntes formes de gosynthtique bentonitique en fonction du mode dassemblage des deux constituants (colls, aiguillets, cousus) (Fig. 1.2). La bentonite est galement utilise comme matriel de jointement des reprises entre les ls de gocomposite. Outre son apport sur lecacit de ltanchement, la bentonite ore galement un support cl pour viter le poinonnement des gotextiles. Ses capacits de uage sont galement mises prot dans le cas o le geotextile vient tre ponctuellement perfor, la bentonite a alors un rle dauto-cicatrisation.

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Fig. 1.2 Utilisation industrielle des proprits mcaniques de la bentonite. Exemples du cycle dutilisation et de recyclage des boues de forage (daprs www.cmmp.ucl.ac.uk) et des types de fabrication des gosynthtiques bentonitiques [37].

Les travaux souterrains : forage, excavation Lors dun forage, la boue bentonitique est injecte sous pression lintrieur de la tige de forage puis remonte le long des parois du forage. Sur son passage, la boue va tout dabord lubrier la tte de forage puis englober les cuttings an de faciliter leur extraction et enn dposer une pellicule stabilisatrice sur les parois (Fig. 1.2). Lors dun arrt temporaire

1.1 La bentonite : formation et utilisations

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des travaux, la boue se glie et les cuttings sont maintenus en suspension, vitant ainsi leur sdimentation. Lors de la reprise, la boue se uidie et les travaux reprennent. Si les pertes en circulation ne sont pas trop importantes, la boue utilise est recycle puis ventuellement r-injecte dans le forage. Lajustement des proprits de la boue peut, dans certaines condition, permettre de colmater les pertes [74]. Mlange du ciment, la bentonite est galement utilise an damliorer les caractristiques du sol, notamment en diminuer la permabilit (injection de coulis bton). Des mlanges bton-bentonite sont parfois raliss an damliorer limpermabilit des parois dexcavation. Les cramiques La connaissance des proprits rhologiques des cramiques (mlanges dargile, de quartz et de feldspath) est indispensable pour permettre lcoulement et la conservation de la forme acquise. La bentonite permet galement de maintenir des mlanges de particules assez grossiers en suspension dans les maux.

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Les peintures Dans lindustrie de la peinture, la bentonite est utilise pour paissir les liquides. Lcoulement de la peinture doit tre susant pour permettre une bonne couverture et doit pouvoir se structurer en gel ds larrt du cisaillement. En eet la dure de schage des peintures (lie la thixotropie) doit tre ni trop courte sous peine de conserver les marques de pinceau, ni trop longue, puisquelle entranerait des coulures. Lagroalimentaire Dans lagroalimentaire, la bentonite est utilise pour ses proprits structurantes en vue dpaissir les aliments pour animaux [42], lier les aliments en comprims ou en pastilles (1,5 3 % de la ration) [24] ou comme agent anti-agglomrant. Elle est galement utilise pour ses proprits dhydratation, la smectite est un bon agent absorbant [149] qui permet de rduire les pertes liquides un moindre cot par rapport aux agents de conservation habituels. De plus, la bentonite peut tre ajoute un ensilage de mas an den augmenter le pH et donc la production dacides organiques et lincorporation de lazote dans les corps microbiens [46]. Cependant, la bentonite doit alors tre utilise en grande quantit (10 kg/tonne) ce qui augmente considrablement la quantit de minraux dans lensilage et en rduit la digestibilit [28]. Au cours de la vinication, la charge lectrostatique ngative de la montmorillonite interagit avec les protines et la matire colorante collodale, charges positivement au pH du vin. Les protines insolubilises sont limines du vin par un soutirage. Lajout de bentonite vite ainsi lapparition de trouble. Toutefois, au del des doses habituelles dutilisation (entre 50 et 100 g/hl), lusage de la bentonite provoque un appauvrissement signicatif de larme varital des raisins. La pharmacie et la cosmtique Les smectites sont largement employes en dermopharmacie et dermocosmtiques pour leurs proprits de gonement (onctuosit, consistance) ainsi que leurs proprits mcaniques. Les formulations doivent rpondre de nombreuses exigences telles que la facilit dtalement (rhouidication) et la tenue aprs dpt (restructuration lie la thixotropie). Leur utilisation permet dviter lutilisation de corps gras dans les shampooings, les

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crmes et les ptes dentifrice. Les proprits de gonement des argiles sont galement utilises comme principes actifs (protection gastro-intestinale, laxatifs, anti-diarrhiques) ou comme excipients (bases inertes, mulsiants, lubriants) [52]. Les suspensions argileuses ont une forte adhsion la peau. En cosmtique cette proprit facilite la diusion de leau interstitielle et contribue lchauement local qui assure une dilatation des pores et contribue son hydratation. Des recherches portent sur les capacits des smectites, via leurs proprits dchange cationiques, soustraire les ions calcium dposs sur la peau (par la sueur ou les conditions extrieures) par des cations sodium voire dchanger des anions agressifs (chlorures) par dautres anions mieux tolrs, tels que les phosphates et les polyphosphates. Les capacits dabsorption des smectites tendent galement tre utilises comme des vecteurs de principe actif. Elles sont dores et dj utilises dans lindustrie animale an de palier aux carences des troupeaux (slnite, magnsium). A terme, lutilisation de smectite devrait permettre de moduler voire de cibler la dlivrance du principe actif [2]. Les recherches portent actuellement sur : lecacit des systmes argiles-mdicaments, le choix de largile (synthtique ou naturelle) et lajout ventuel de polymres, la quantit de principe actif retenu par largile, les cintiques de redistribution, la quantit totale de dlivrance par rapport au rgime thrapeutique. La revue Applied Clay Mineral a rcemment publi une dition spciale (vol 36/1-3 avril 2007) concernant lutilisation des argiles dans les domaines de la sant (pharmacie, cosmtique, plothrapie et protection de lenvironnement). Les limites dutilisation Les applications agroalimentaires, mdicales et cosmtiques sont systmatiquement remises en cause par la composition du matriau argileux utilis. En eet, les mailles aluminosiliciques des argiles renferment dautres lments minraux tels que des carbonates de calcium, de magnsium (dolomite) et de fer (sidrite) et des matires organiques (acides humiques, des mucopolysaccharides et des composs basiques) qui pourraient savrer nocifs. De plus, les argiles sont associes dans le milieu naturel des structures breuses eet cancrigne comme les spiolites et la chrysotile, du groupe des amiantes. Elles peuvent galement contenir des mtaux lourds de type arsenic ou plomb dont les teneurs sont rglementes, en particulier lors de son utilisation dans les domaines lis la consommation. Les recherches sur la synthse des argiles pourraient apporter de nouvelles solutions, mais leur laboration reste dicile, coteuse et dans des quantits souvent incompatibles avec leur utilisation industrielle. Dans le milieu naturel, lutilisation de la bentonite pose le problme du vieillissement des structures li principalement aux proprits dchange. En eet, les interactions entre les bentonites et les eaux charges peuvent conduire une volution de leurs proprits mcaniques. Par exemple, la bentonite inclue dans les gosynthtiques bentonitiques est en contact avec les lixiviats [57] [103] et les eaux charges provenant de pluies acides, des aquifres marins sous-jacents ou encore des massifs carbonats voisins. Les risques lis aux changes avec la bentonite sont mal connus, ils pourraient diminuer signicativement les proprits dtanchit. De mme, lors dun forage, le uide bentonitique est en contact avec de nombreux matriaux et uides qui peuvent modier ses proprits mcaniques.

1.2 Du feuillet de smectite au rseau structur.

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Il existe peu de gisements de bentonites, toutefois on trouve de la smectite dans de nombreux sols. Ces proprits dchange et de gonement posent de nombreux problmes dans le domaine de la gestion environnementale et du gnie civil (stabilit des terrains, coules boueuses, envasement, transfert de polluants . . .). La smectite est exploite et employe dans de nombreux domaines et le dveloppement de son utilisation passe par une meilleure comprhension des phnomnes dchanges et des mcanismes de structuration susceptibles de se produire en suspension.

1.2

Du feuillet de smectite au rseau structur.

Ltude du systme argile/eau peut tre ralis direntes chelles dobservations, depuis la description du feuillet et de ses dfauts jusqu la formation de structures constitues de plusieurs feuillets extensives et fortement dformables dans leau.

1.2.1tel-00263559, version 2 - 16 Apr 2008

La cristallochimie du feuillet

Les phyllosilicates sont des silicates particuliers pour lesquels les ttradres (SiO4 )4 sont disposs en couches (la couche ttradrique T) selon un motif hexagonal par mise en commun de trois oxygnes. La base de la couche ttradrique est lectriquement neutre. Les oxygnes apiquaux sont relis une couche doctadres (O). Lorsque la couche O est lie de part et dautre une couche T, on obtient le groupe des phyllosilicates TOT ou 2 : 1. Lpaisseur dun feuillet est alors de 10 A, ce groupe runit de nombreux minraux (talc, mica, illite, smectite).

Fig. 1.3 Reprsentation de la structure cristalline dune smectite hydrate par Harding [60] et reprsentation simplie des ttradres et octadres par Claret [27].

Les smectites prsentent des substitutions isomorphes : les ions silicium (Si4+ ) des couches ttradriques peuvent tre remplacs par des ions aluminium (Al3+ ). De mme,

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La bentonite dans tous ses tats : de la microstructure la macrostructure.

les ions mtalliques de la couche octadrique (Al3+ ) peuvent tre remplacs par des ions de valence infrieure (M g2+ , F e2+ ) (Fig. 1.4).

Fig. 1.4 Modle de distribution cationique dans la couche octadrique de la montmorillonite de Camp-Bertaux ( : OH) [101].

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Dans le cas o tous les sites ttradriques sont occups par des ions silicium, la neutralit lectrique de la maille est obtenue : soit lorsque toutes les cavits octadriques sont occupes par des cations divalents (structure trioctadrique) soit lorsque les deux tiers seulement des cavits sont remplies par des cations trivalents (structure dioctadrique). La localisation des substitutions isomorphes au sein des feuillets est la base de la classication des smectites (Tab. 1.1).

Tab. 1.1 Classication des smectites daprs Eslinger [45]

Ces substitutions entranent un dcit de charge permanent qui est compens par la prsence de cations dans lespace interfoliaire (N a+ , Ca2+ , M g2+ , K + , Li+ . . .). La rpartition des substitutions peut avoir une inuence sur la distribution des cations interfoliaires et par extension sur les modes dassociation des feuillets [128] [143] [49] [105] [70] [89]. En plus des charges intrinsques aux feuillets, les bords des feuillets sont composs de liaisons rompues de silice et dalumine ce qui leur donnent des proprits amphotres. Ils peuvent tre chargs positivement ou ngativement en fonction du pH et contribuent ainsi la charge globale (Fig. 1.5). Cette caractristique est souvent cite pour expliquer lvolution complexe des proprits mcaniques des suspensions avec le pH [4] [11] [72] [126] [134].

1.2 Du feuillet de smectite au rseau structur.

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Fig. 1.5 Rpartition des charges intrinsques permanentes et des charges de bord dpendantes du pH dans les feuillets de smectite, daprs Tombacz et al. [137].

1.2.21.2.2.1

Les interactions et associations inter-feuilletsInteractions particule-eau

Les feuillets chargs engendrent des proprits lectrostatiques linterface solide/uide lorsquils sont hydrats. Pour assurer llectroneutralit, la charge ngative est compense par un nuage de cations en solution qui se dveloppe proximit de la surface. La thorie de Gouy et Chapman (1910) permet de dterminer la distribution des cations autour des feuillets de smectite. Elle repose sur lexistence, proximit dune surface charge, dune couche dite diuse (ou ddl : diuse double layer) possdant des proprits direntes de celles du uide suspendant (Fig. 1.6). Au-del dune certaine distance (longueur de Debye), cette couche rcupre les proprits lectrolytique du uide suspendant : les concentrations en ions sont identiques et le potentiel est nul. Dans cette couche diuse, la distribution des contre-ions (chargs positivement) et des co-ions (chargs ngativement) est dtermine la fois par les interactions lectrostatiques avec la surface, et par les mcanismes de diusion lis lagitation thermique, qui tendent rtablir lquilibre avec le uide suspendant. Dans ce modle, les ions sont considrs comme ponctuels et le uide suspendant comme un continuum dilectrique, hypothses non satisfaisantes surtout lorsquon se trouve proximit de la surface charge [146]. Le modle double couche de Stern (1924) rend compte de la taille nie des ions en divisant linterface solide-uide suspendant en deux parties. La premire partie est une couche dite compacte (couche de Stern) dpaisseur dS matrialisant la distance minimum dapproche des ions, hydrats ou non (Fig. 1.6). La deuxime partie de linterface est constitue par la couche diuse, dont les caractristiques sont les mmes que dans le modle prcdent. Le plan sparant la couche compacte de la couche diuse est not plan de Stern.

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Fig. 1.6 a : Modle de Gouy-Chapman montrant linterface entre une surface charge de potentiel 0 et une solution lectrolytique. b et c : Modles double couche (Stern) et triple couche (Helmotz) individualisant le plan interne de Helmholtz ( la distance xi de la surface) et le plan externe de Helmholtz, confondu avec le plan de Stern, ( la distance dS de la surface) [146].

Le modle triple couche (1947) introduit la division de la couche de Stern en deux parties. Dans la premire, situe entre la surface et le plan interne de Helmholtz (PIH), seuls les ions prsentant une interaction forte avec la surface peuvent se placer (ions spciquement adsorbs). Ils perdent alors partiellement ou totalement leur sphre dhydratation (complexe de sphre interne). Le centre de ces ions est localis au niveau du Plan Interne de Helmotz (PIH), situ une distance xi de la surface. La deuxime partie est comprise entre le PIH et le plan externe de Helmholtz (PEH, confondu avec le plan de Stern), elle comprend, comme la couche de Stern, les ions hydrats retenus par les forces lectrostatiques. Elle stend jusqu une distance dS de la surface. Les valeurs de dS et de xi dpendent des proprits de la surface charge et des proprits du uide environnant.

1.2.2.2

Les interactions inter-particulaires

En suspension, les particules charges, entoures de leur cortge lectronique, interagissent entre elles. Quatre types dinteractions inter-particulaires peuvent tre identis [132] (Fig. 1.7).

1.2 Du feuillet de smectite au rseau structur.

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Fig. 1.7 Types dinteractions inter-particulaires dans une suspension : a/ sphres dures, b/ lectrostatiques, c/ striques et d/ Van der Waals [132].

Lorsque les particules sont considres comme des sphres dures de rayon RD , un peu plus grand que le rayon de la particule relle R, il se produit une interaction de sphres dures (VD ). Il sagit dune interaction rpulsive de trs forte intensit intervenant lorsque les particules se rapprochent dune distance centre centre lgrement plus faible que le diamtre de la sphre dure (2 RD ) (Fig. 1.7, a). Dans les suspensions stables lectrostatiquement, avec une double couche tendue, des interactions lectrostatiques (VR ) se produisent lorsque deux particules entoures dune double couche (Ref f ) de mme signe sapprochent lune de lautre dune distance d pour laquelle les doubles couches commencent interfrer [75]. Une interaction rpulsive apparat entre les particules qui dcrot exponentiellement avec la distance la particule (Fig. 1.7, b). Ltendue de la zone de diminution dpend de lpaisseur de la double couche 1/ qui est fonction de la concentration en lectrolyte et de la valence. Elle est dni par :

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1 =

r 0 K T 2 Z 2 e2 NA C

1 2

(1.1)

o r est la permittivit relative du uide suspendant, 0 est la permittivit du vide, K est la constante de Boltzmann, T est la temprature absolue, Z est la valence des ions, e est la charge lectronique, NA est la constante dAvogadro et C est la concentration en lectrolyte (mol dm3 ) La diminution de linteraction rpulsive est limite dans le cas dune faible concentration en lectrolyte, la double couche est alors plus tendue. Par exemple, pour deux particules sphriques de rayon R et de surface potentielle 0 , si R est infrieur 3, la rpulsion due la double couche VR est donne par lquation suivante .2 4 r 0 R2 0 exp( h) (1.2) 2 R+h Lorsque la distance interparticulaire diminue, VR augmente jusqu atteindre une distance critique o VR augmente fortement avec la diminution de d, il sagit du rayon eectif (Ref f ) de la particule incluant le rayon solide (R, revenant au rayon du cristallite) et la contribution de la double couche. Ref f peut tre de plusieurs ordres de grandeur suprieur R en fonction du rayon de la particule et de la concentration. Pour des particules de 10 nm, Tadros [132] value le rayon ecace 100 nm pour une concentration en lectrolyte de 105 mol.dm3 . Si la concentration en lectrolyte augmente 103 mol.dm3 , alors lpaisseur de la double couche diminue de 100 10 nm. Ainsi le point daugmentation rapide de la rpulsion se dplace vers des distances interparticulaires faibles. Le systme volue donc dun systme de sphre molle (domin par les interactions lectrostatiques) un systme de sphres dures.

VR =

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Linteraction strique (VS ) se produit dans le cas de gree ou dadsorption de surfactants ou de macromolcules (polymres) la surface des particules. Une interaction apparat ds que les couches adsorbes se superposent (Fig. 1.7, c). Elle peut tre rpulsive ou attractive en fonction du uide suspendant. Les interactions de Van der Waals (VA ) sont des interactions attractives universelles, elles se produisent dans tous les systmes disperss (Fig. 1.7, d ). Il existe trois types dinteractions de Van der Waals attractives entre les atomes ou les molcules. On distingue, les interactions diple diple (Keeson), les interactions diple diple induit (Debye) et les interactions de dispersion (London), les plus marques. La force de London entre deux atomes ou deux molcules est de faible amplitude mais elle peut tre importante entre deux particules en fonction du rayon de la particule, de sa nature (constante de Hamaker) et des distances interparticulaires [59]. ELondon = 1 d6 3 h 1 2 4 (4 0 )2 (1.3)

O d est la distance moyenne entre les molcules considres, 1 et 2 sont les polarisabilits lectriques, h est la constante de Plank et est la frquence lectronique dabsorption. La thorie de la stabilit lyophobique des collodes (DLVO, 1963) dveloppe indpendemment par Derjaguin et Landau [36] et Verwey et Overbeek [145] est la base de la thorie de la stabilit collodale. Elle est issue de la combinaison des eets de lattraction de Van der Waals (VA ) et de la rpulsion lectrostatique (VR ).

1.2 Du feuillet de smectite au rseau structur.

15

Deux surfaces charges ne peuvent pas saccoler du fait de la rpulsion de Born de trs forte amplitude (B). A une distance suprieure dB , les forces attractives de Van der Waals (VA ) entrent en comptition avec les forces de rpulsion lectrostatiques (VR ). Comme VA est une loi de puissance croissante et VR est une loi exponentielle dcroissante, la courbe de potentiel rsultante est complexe.

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Fig. 1.8 Illustration de la thorie de la stabilit lyophobique des collodes dveloppe indpendemment par Derjaguin et Landau [36] et Verwey et Overbeek [145] : thorie DLVO.A proximit de linterface (entre dB et dmP ), VA domine largement. Puis, lorsque VR entre en action, les forces rpulsives rduisent, annulent puis prennent le pas sur laction attractive de VA . La courbe de potentiel est alors marque par un premier minimum (mP ) et on entre dans le domaine rpulsif. Cependant, les lois exponentielles (VR ) diminuent plus vite que les lois de puissance (VA ). La courbe de potentiel est alors marque par un maximum (M ) puis un second minimum (mS). A grande distance, les forces de rpulsion dominent faiblement. Il existe donc deux distances de stabilit entre deux surfaces charges : mP et mS La concentration en lectrolyte a un eet prononc sur la hauteur de la barrire nergtique (M ) et la profondeur du second minimum (mS). En augmentant la concentration en lectrolyte, M diminue et mS augmente. Une concentration en lectrolyte critique est atteinte lorsque M est proche de zro, les surfaces vont alors pouvoir sapprocher dune distance mP , on parle dagrgation. La thorie DLVO a t dveloppe pour les systmes dilus, les interactions totales sont uniquement reprsentes par une paire de potentiel (VR et VA ). Lapplication de la thorie

16

La bentonite dans tous ses tats : de la microstructure la macrostructure.

DLVO aux suspensions concentres requiert des modications pour prendre en compte les interactions entre les paires et entre les corps multiples (agrgats, ocs).

1.2.2.3

La formation des cristallites.

Pour les suspensions stables lectrostatiquement, un regroupement des feuillets se produit lorsque le maximum dnergie est faible ou absent. Ce phnomne est accru dans le cas daddition dlectrolyte qui conduit la contraction de la double couche. La rpulsion due la double couche (VR ) est donc rduite de telle sorte quelle devienne infrieure lattraction de Van der Waals (VA ) pour toutes les distances de sparation. Les feuillets sorientent au sein des cristallites en empilements soit rguliers soit turbostratiques. En fonction de la nature du cation interfoliaire, les feuillets hydrats vont sorganiser en cristallites plus ou moins pais. Lors dune saturation calcique, 3 20 feuillets sassocient en cristallites (appels aussi quasi-cristaux ou tactodes) tandis que dans le cas dune saturation sodique, les feuillets restent isols [104] [15] [141] [62] [125] [89] [43] [128](Tab. 1.2).

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Ion Li+ Na+ + Rb+ , K + , Cs+ , NH4 Mg 2+ , Ba2+ Ca2+

Feuillet par cristallite 1,0 1,0 1,7 1,4 3,0 2,7 7,0 2,7 -> 20

Tab. 1.2 Evaluation du nombre de feuillets par cristallite de montmorillonite, dans lhypothse o la dispersion est complte pour la saturation au lithium. Selon une tude bibliographique ralise par Verburg et Baveye [144].

Pour une mme concentration, les feuillets associs en cristallites occupent moins de place que les feuillets isols. Cette notion doccupation inuence la viscosit de la suspension. Ainsi, la nature des cations inuence fortement les proprits dcoulement des suspensions [71] [78] [91] [97] [98]. De nombreux chercheurs ont observs des hystrses dchange lors de la mise en contact dune smectite avec des solutions salines. Verburg et Baveye [144] ont propos un modle conceptuel dchange des cations au contact dune solution saline selon lequel les cations monovalents seraient prfrentiellement adsorbs sur les faces externes des cristallites (Fig. 1.9). Pils et al.[118] ont gnralis ce modle en sappuyant sur ce principe quils nomment le demixing des cations (Fig. 1.10). Au sein des cristallites, les cations sont souvent considrs comme statiques et prfrentiellement localiss dans les cavits ditrigonales. Pourtant, les cations ne sont pas xs par des liaisons mais uniquement attirs par des interactions lectrostatiques. Lensemble feuillet/cation devrait donc tre considr dans une stabilit dynamique o les cations compensent la charge globale des feuillets sans tre infods un site en particulier. Les poudre de smectites sont hydrats dans les conditions atmosphriques. Dans le cas dune saturation sodique une couche deau spare les feuillets, et deux couches deau dans le cas dune saturation calcique.

1.2 Du feuillet de smectite au rseau structur.

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Fig. 1.9 Modle dchange des cations ltat agrg au cours de lchange Li+ Ca2+ dans une suspension de smectite, propos par Verbrug et Baveye [144].

Fig. 1.10 Modle conceptuel de Pils et al.[118] illustrant la formation de cristallites respectivement faible et forte force ionique (1 et 2). : feuillets de smectite, Ca : ion calcium hydrat, x : cation monovalent hydrat.

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La bentonite dans tous ses tats : de la microstructure la macrostructure.

Lors de la mise en suspension de la poudre, les cations interfoliaires shydratent, des couches deau supplmentaires sintercalent entre les feuillets, cest le gonement osmotique. On considre que les feuillets sont alors espacs de 4 couches deau dans le cas dune saturation calcique et que ce nombre augmente considrablement dans le cas dune saturation avec un cation monovalent (sodium, lithium). Rappelons que les cations sont issus de lenvironnement chimique de la smectite mais que la composition du cortge dchange nest pas le reet de cette composition. Les lois de slectivit cationique conduisent des dirences, qui peuvent tre trs importantes entre la composition chimique du uide suspendant et le cortge dchange.

1.2.2.4

Les modes dorganisation des feuillets.

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Les feuillets disperss dans la suspension (Fig. 1.11, cas A) interagissent et nalement sassocient sous certaines conditions pour former des structures. Trois modes dassociation lmentaire de particules ont t dnis par Van Olphen [141] : B : association entre des oxygnes plans de deux feuillets parallles (face/face, FF), C : association entre une surface priphrique et une surface plane (bord/face, BF), D : association entre les surfaces priphriques de deux particules voisines (bord/bord, BB).

Fig. 1.11 Modes dorganisation supposs des feuillets de montmorillonite en suspension selon la thorie de Van Olphen [141] : A. dispersion, B. association face/face, C. association bord/face, D. association bord/bord.

ALa dlamination des particules nest possible que lorsque la concentration de la suspension est susamment faible pour permettre le dveloppement optimal de la double couche diuse. Dans ce cas, les feuillets se rpartissent dans la suspension en se repoussant vers une organisation minimisant les interactions. Cette situation correspond un sol [1]. En suspension, une telle dispersion des feuillets induit une forte occupation volumique donc une viscosit relativement importante ds les plus faibles concentrations. Certains chercheurs [22] [122] dcrivent la formation dun gel appel gel rpulsif [1] des pH suprieurs 4 qui serait d des interactions rpulsives grande distance entre les doubles couches lectriques.

1.2 Du feuillet de smectite au rseau structur.

19

BLassociation face/face des feuillets est lorigine de la formation des cristallites, ce type dorganisation suppose la coalescence des doubles couches. Deux types dorganisation sont alors possible : soit lexistence de petites units compactes avec recouvrement quasi total (Fig. 1.11, cas B), soit la cration dune structuration extensive dans la suspension par recouvrement partiel tel que le modle en bandes de Weiss et Frank [147] (Fig. 1.12, a). La exibilit de la structure obtenue pourrait permettre lobtention dun rseau tridimensionnel. Plusieurs auteurs [140] [18] [77] [73] conrment cette interprtation, Abend et Lagaly [1] qualient cet tat de gel attractif.

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Fig. 1.12 Reprsentation schmatique en deux dimensions du modle en bandes propos par Weiss et Frank (a) [147] et du modle de Keren et al. (b) [70], illustration de Le Pluart [81].

Keren et al. [70] proposent une structuration base sur le mode dassociation ponctuel face/face des feuillets (Fig. 1.12). Selon cette tude, lhtrognit de rpartition des charges la surface des feuillets induirait lexistence de zones ponctuelles, non charges, susceptibles de sassocier. La exibilit de la structure serait alors due la seule exibilit du feuillet. Cependant, la exibilit dun feuillet seul est limite et lvaluation prcise de lhtrognit des charges reste dicile. La combinaison de ces deux modes dassociation pourrait tre en accord avec la description des espaces poraux intra-particulaires, interparticulaires et inter-agrgats de Touret [138] (Fig. 1.13). La combinaison des modes A et B dassociation des feuillets correspond un gel tel que dcrit par Jozja [69]. Les feuillets seraient disperss dans la suspension et ponctuellement associs (Fig. 1.14). Cette thorie est en accord avec les observations de Malfoy [89] qui montrent bien les dirences importantes entre les associations obtenues lors dune saturation calcique (cristallites de nombreux feuillets) et le faible nombre de sites dassociations observs dans le cas dune saturation au lithium (Fig. 1.15).

20

La bentonite dans tous ses tats : de la microstructure la macrostructure.

Fig. 1.13 Association des feuillets dargile et types despaces poraux associs direntes chelles dobservation, propos par Touret [138].

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Fig. 1.14 Description dun gel, daprs Jozja [69].

CLassociation bord/face est thoriquement possible entre les faces constamment charges ngativement et les bords, chargs positivement lorsque le pH est infrieur au point isolectrique. Ce mode dassociation est la base de la thorie de lorganisation en chteau de cartes propose par Hofmann [63] (cit par Lagaly [77]). Ce mode dassociation permettrait le pigeage de grandes quantits deau, il est donc souvent propos pour expliquer lapparence glive des suspensions et leur forte viscosit. DLassociation bord/bord des feuillets est envisageable dans la mesure o les bords des feuillets sont des zones o le potentiel lectrostatique est minimal [104] (Fig. 1.16). Ces liaisons seraient alors privilgies lors de la compaction du systme par augmentation de la concentration. Lorganisation en ruban propose par MEwen et Pratt [94] sappuie sur cette hypothse. Elle permettrait, au mme titre que lorganisation en chteau de carte de mobiliser une grande quantit deau et donc dexpliquer les proprits mcaniques des suspensions.

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Fig. 1.15 Photographie MET de suspension de smectite sature au lithium ou au calcium aprs inclusion, tudie par Malfoy [89] (photos, C.Clinard CRMD).

Fig. 1.16 Organisation en rubans propose par MEwen et Pratt [94], illustration de Le Pluart [81].

22 1.2.2.5

La bentonite dans tous ses tats : de la microstructure la macrostructure. Grandeurs dinuence sur les paramtres dassociation

La structuration des suspensions de smectite trouve son origine dans les dfauts cristallins des feuillets. Ce niveau de direnciation regroupe leet de lintensit de la charge, de sa localisation mais galement de linuence des cations changeables. La charge ngative induit la formation dune double couche (ddl) dont ltendue est fonction des proprits physico-chimiques de la suspension (pH, conductivit). Leet de la force ionique sur les proprits rhologiques des suspensions argileuses fait objet dune bibliographie trs dveloppe [110] [10] [33] [61] [110]. Pour des suspensions argileuses dilues (infrieure 20 g/l, [51]) et en absence de sel, les feuillets ou tactodes, entoure par une large ddl se repoussent mutuellement par des forces lectrostatiques (Fig. 1.17, A) [141] [56] [68] [120] [51]. Lpaisseur de la ddl diminue lors de lajout de sels, ce qui a pour eet de faciliter le mouvement des particules. La viscosit et le seuil passent alors par un minimum (Fig. 1.17, B), cest ce quon appelle leet lectrovisqueux secondaire [51]. A forte concentration en sel, aprs le passage dun seuil (appel point de occulation), la courbe dnergie potentielle volue (Fig. 1.8). Comme expliqu prcdemment, la barrire potentielle (M) peut tre franchie et des associations bord/face et bord/bord peuvent survenir. Les proprits rhologiques augmentent alors fortement (Fig. 1.17, C ). Cette situation peut rsister une nouvelle addition de sel (Fig. 1.17, D ) mais dans de nombreux cas, leet des forces de Van der Waals conduisent une rupture du rseau en entits nes ou grossires (Fig. 1.17, E et F ) [51].

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Fig. 1.17 a/ Inuence dun lectrolyte sur le comportement mcanique de suspensions dilues dargile, selon Lagaly [51]. b/ Evolution de la contrainte (94,5 s1 ) en fonction du pH pour une montmorillonite sodique () et la bentonite mre calcisodique ( ), daprs Permien et Lagaly [112].

1.2 Du feuillet de smectite au rseau structur.

23

Le pH joue galement un rle important, Permien et Lagaly [112] ont montr que la contrainte (dtermine une vitesse de cisaillement de 94,5 s1 ) volue en fonction du pH. Les montmorillonites calci-sodiques naturelles prsentent des contraintes dcroissantes avec laugmentation du pH, ce qui signie que la suspension est de plus en plus facilement dformable. Cependant, pH suprieur 6, la contrainte tend augmenter. Lors de la saturation sodique de cette montmorillonite, lvolution de la contrainte par pH croissant devient complexe. Les valeurs faible pH sont beaucoup plus importante faible pH (> 2 P a) puis passent par un minimum vers pH 4 ( 0, 5 P a), un maximum vers pH 7 ( 1, 3 P a) pour nalement diminuer en suspension basique. La surface dveloppe par les bords est faible par rapport la surface dveloppe par les faces. La probabilit de prdominance de lassociation bord/face sur la rpulsion face/face est donc faible. Toutefois, selon les travaux de Tombcz et Szekeres [137], lassociation bord/face est possible lorsque la double couche diuse est susamment contracte pour dvoiler les bords des particules et permettre leur association (Fig. 1.18). Loccurrence de telles associations est donc lie non seulement au pH, ncessairement infrieur au point isolectrique des bords, mais galement une concentration en lectrolyte susante pour les dvoiler.

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Fig. 1.18 Reprsentation schmatique de la double couche dominante et de la double couche cache entourant les feuillets de montmorillonite pour direntes composition de la solution. Eet dun lectrolyte neutre sur lhtrognit des charges coupl au rle spcique du pH, daprs Tombcz et Szekeres [137].

Au vu de lvolution complexe des relations attraction/rpulsion interfeuillets en fonction de la force ionique et du pH, la probabilit dassociation bord/face est controverse. Les eets coupls des modications de la force ionique et du pH font lobjet de nombreuses recherches [70] [25] [151] [152].

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La bentonite dans tous ses tats : de la microstructure la macrostructure.

Leet de la concentration joue un rle prpondrant sur les proprits mcaniques [71] [56] [71]. A faible concentration, les particules sont libres de leurs mouvements, la viscosit est minimale. Lorsque la concentration augmente, la ddl, a fortiori faible concentration en sel, limite les translations et rotations des particules. Dans ces conditions, la viscosit augmente et une rhouidication lie lorientation des particules apparat [104] [22] [122] [111]. Lorsque les particules restent des distances importantes, ce sont les forces rpulsives qui dominent mais plus forte concentration, lorsque les particules se rapprochent les unes des autres, des associations stables peuvent localement apparatre. Ces structures peuvent stendre lensemble de la suspension forte concentration pour former un rseau. Les proprits mcaniques deviennent alors trs importantes. La structuration de la suspension est galement dpendante des matriaux non argileux prsents dans la suspension. La matire organique [129], les oxydes [136] et les autres matriaux prsents ltat naturel dans les bentonites peuvent galement avoir une inuence sur les capacits dinteraction inter-particulaires et donc sur les proprits mcaniques des suspensions.

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Dautres composs chimiques (polymres, phosphates, surfactants . . .) peuvent tre ajouts aux suspensions an daccrotre leurs proprits mcaniques et leurs potentialits industrielles [79] [150] [134]. Les bentonites sont alors dites actives. Enn les proprits mcaniques peuvent tre modies par agitation, utilisation dultrasons ou plus simplement pas leet du temps (maturation). Le protocole de prparation des suspensions est donc galement un paramtre important [83] [13]. Ces facteurs ont tous une inuence sur le nombre de feuillets associs en suspension (7) et leur capacits dinteraction.

1.2.2.6

Glossaire

Les feuillets de smectite sont susceptibles de sassocier selon divers modes et la structure forme peut voluer en fonction de lenvironnement physico-chimique. Ainsi, la notion de particule et de ses dimensions est complexe et lutilisation dun glossaire est alors ncessaire. Une suspension collodale est un systme contenant deux phases : les particules collodales en interaction et une phase liquide [29]. Une suspension sera considre stable si la distribution moyenne des tailles de particules est constante dans le temps et dans lespace au cours de la priode dessai [109] [115]. Nous appellerons particule une unit structurelle lmentaire et sa double couche. Une unit structurelle lmentaire peut tre compose dun feuillet (ordre 1) ou dun cristallite (ordre 2) donnant ainsi en suspension des particules monofeuillets ou pluri-feuillets (Fig. 1.19, ordre 3). Nous appellerons oc le regroupement de particules dans lequel chaque particule conserve son identit et donc sa propre double couche diuse (Fig. 1.19). Les particules sont alors lies par des liaisons faibles. Lensemble forme des entits gorges deau et facilement dformables sous cisaillement.

1.2 Du feuillet de smectite au rseau structur.

25

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Fig. 1.19 Reprsentation schmatique des dirents ordres dorganisation des feuillets de smectite de ltat sec aux suspensions dilues puis concentres.

Nous appellerons agrgat lassociation de particules pluri-feuillets avec coalescence de leurs doubles couches (associations face/face), des liaisons fortes se crent entre les feuillets issus de particules initialement spares. Les agrgats sont susceptibles de piger de leau intra-agrgat. La dformabilit de ces structures est lie llasticit de chaque feuillet et la structure rsultante. (Fig. 1.19). La connection des structures ponctuelles dordre 3 lensemble de la suspension, par exemple lors de laugmentation de la concentration, conduit la formation dun rseau connect dordre 4. Lexistence de cette structure donne la suspension des proprits mcaniques spciques (visco-lasto-plasticit). En bref, ltude des suspensions de smectite est lie aux proprits intrinsques des feuillets (ordre 1) mais galement leur environnement physico-chimique (sels) ainsi qu la concentration de la suspension. Les feuillets mis en suspension peuvent sassocier en cristallites (ordre 2) puis former des agrgats ou des ocs (ordre 3). Enn ces structures locales peuvent stendre lensemble de la suspension pour former un rseau (ordre 4).

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La bentonite dans tous ses tats : de la microstructure la macrostructure.

Nous qualierons les ordres 1 et 2 de microstructure, elle est tudie laide de nombreuses mthodes (minralogie, forme, dimension, proprits de surface de la particule). Les ordres 3 et 4 constituent la macrostructure, elle nest pas directement observable mais peut tre caractrise laide de techniques rhomtriques.

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1.3 Etude de la microstructure

27

1.3

Etude de la microstructure

Ltude des suspensions ncessite une bonne connaissance de la phase solide, de son hydratation et de son organisation dans la phase suspendante.

1.3.1

La diraction de rayons X

La diraction des rayons X est une mthode danalyse des solides base sur la loi de Bragg. 2 dhkl sin = n (1.4) O dhkl est la distance entre 2 plans dindice de Miller hkl (A), est langle de Bragg (rad) et est la longueur donde du faisceau de rayons X utilis (A). Elle consiste en lenregistrement de lintensit des rayons diracts par un chantillon en fonction de langle entre les rayons incidents et lchantillon sur le support. Le fonctionnement en mode / du diractomtre implique que la source des rayons X et le dtecteur forment toujours des angles gaux avec le support. La position des pics de diraction volue en fonction de la distance inter-rticulaire (d) (Fig. 1.20). Chaque pic est associ un plan atomique imaginaire passant par les atomes, dsign par les indices de Miller (hkl).

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Fig. 1.20 Illustration de la loi de Bragg et de lindexation des pics : association dun pic de diraction et dun plan (hkl).Les rapports dintensit entre les pics caractristiques dun mme minral sont bien connus [19] et permettent didentier les minraux prsents dans lchantillon analys. Les pics obtenus sont souvent composites, issus de la superposition de pics caractristiques de plusieurs minraux. La dcomposition du signal laide de la modlisation des pics permet daner la dtermination des minraux. La loi de Debye-Scherrer permet de relier directement les bandes dabsorptions la taille moyenne des cristaux du solide et den avoir une estimation. T = K cos (1.5)

O T est la taille moyenne des cristaux dans la direction hkl (A), K est une constante gale 0,91 et est la largeur mi-hauteur (rad).

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La bentonite dans tous ses tats : de la microstructure la macrostructure.

Le nombre moyen N de feuillets par domaine cohrent peut tre dtermin partir de lquation de Scherrer : T (1.6) N= d001 O d001 est la position du pic principal.

1.3.2

Les analyses thermiques direntielles et la thermogravimtrie

LATD sappuie sur la mesure de la chaleur libre ou absorbe par la matire au cours des transformations physico-chimiques. La dirence entre lchantillon et une rfrence thermiquement inerte (lchantillon recuit) fait apparatre des pics exo- ou endothermiques [87]. Linterprtation des phnomnes endothermiques ou exothermiques enregistrs des tempratures caractristiques met en vidence des phnomnes de transition de phases et permet didentier les phases cristallines mises en jeu.

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1.3.3

La distribution granulomtrique des particules

Les tailles des particules en suspensions peuvent tre apprhendes laide de mthodes granulomtriques telles que le tamisage, la sdimentomtrie et la micro-granulomtrie laser. Le tamisage est classiquement utilis pour retirer les fractions grossires du matriau (> 80 m). Une particule dargile est un individu dicile caractriser : sa surface, ses contours, ses dimensions sont souvent trs irrguliers. Il est commode dassimiler la particule une sphre dont le diamtre serait identique la plus grande longueur de la particule vue par lappareil de mesure (sphre quivalente). Les dimensions quivalentes sont en ralit des dimensions ctives, relatives la technique utilise. Appliqus une mme population de particules, les diamtres obtenus par direntes mthodes nont pas la mme signication, il ny a pas de correspondance entre les deux techniques. Les rpartitions granulomtriques obtenues laide de direntes techniques ne sont donc pas directement comparables [123] [92]. Par exemple, une granulomtrie obtenue par sdimentologie sera systmatiquement infrieure une granulomtrie du mme chantillon obtenue par granulomtrie laser [123].

1.3.3.1

La sdimentomtrie

La dtermination de la granulomtrie dun chantillon par sdimentomtrie est possible par application de la loi de Stokes qui relie la vitesse de chute dune sphre dans un liquide laction de la gravit ds lors que la viscosit du liquide est connue. v= 2 r 2 g () 9 (1.7)

O v est la vitesse de chute (m s1 ) ; g est lacclration de la pesanteur (m s2 ) ; r est le rayon de la sphre (m) et est la viscosit du uide (en P a s). () = p f est la dirence de masses volumiques entre la particule et le uide (en kg m3 ) La morphologie des argiles tant trs loigne dune sphre, lutilisation de cette loi ne permet pas de dterminer la taille des particules mais plutt dvaluer une distribution hydrodynamique de leur taille [131]. Les cycles successifs, ralis 20 C, permettent dextraire direntes classes granulomtriques [3] (Tab. 1.3).

1.3 Etude de la microstructure temps dattente 4 min 48 s 19 min 12 s 1 h 16 min 48 s 8 h 0 min 0 s sphre quivalente < 20 m < 10 m < 5 m < 2 m

29

Tab. 1.3 Temps dattente avant prlvement calculs grce la loi de Stokes pour chaque classe granulomtrique.

1.3.3.2

La granulomtrie laser

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Lorsquune particule sphrique est claire par un faisceau parallle de lumire cohrente et monochromatique, la lumire peut tre absorbe, diuse ou transmise. La thorie gnrale dcrivant les phnomnes de diusion par une particule sphrique a t dnie par Mie en 1908. Lorsque la taille des particules est nettement suprieure la longueur donde (particules de taille suprieure 0,5 1 m), il apparat un motif de diraction sous forme de franges concentriques alternativement claires et sombres. Ce motif sobserve linni ou dans le plan focal image dune lentille. Selon la thorie de Fraunhoer, lintensit du rayonnement diract, mesure en un point donn sur un dtecteur, est fonction du rayon de la particule indpendamment de la position des particules et de leur mouvement. Langle de diraction est dautant plus grand que les particules sont petites. Les particules ne sont pas analyses individuellement mais dans leur ensemble. La distribution granulomtrique est dduite de linteraction entre un ensemble de particules et un rayonnement incident. Ce principe est appliqu des poudres de quelques micromtres plusieurs millimtres. Des algorithmes de traitement du signal sont ncessaires pour le convertir en informations granulomtriques (distribution en taille). La suspension, pralablement disperse, circule travers une cellule de verre faces parallles claire par un faisceau de lumire laser (630 ou 750 nm). La lumire diracte est focalise par une ou plusieurs lentilles (selon ltendue de la gamme granulomtrique couverte), sur un dtecteur multi-lments constitu danneaux concentriques. Le signal fourni par chaque lment du dtecteur est proportionnel au ux lumineux quil reoit. Il est numris et trait. La mthode de dconvolution du spectre dire selon les appareils et nest gnralement pas divulgue. Cette mthode sapplique des produits dont les proprits physiques (indice de rfraction, masse volumique) sont homognes ou du moins proches. La thorie suppose que les particules sont opaques et de formes rgulires : les formes irrgulires (particules aplaties ou breuses) sont apprhendes de manire errone. Dautre part, les intensits lumineuses correspondant aux plus grosses particules sont concentres au centre de la gure de diffraction : leur analyse est plus dicile et la mesure granulomtrique moins prcise.

1.3.3.3

Les indices granulomtriques

Les indices granulomtriques expriment la position et la dispersion de la distribution statistique (lhtrognit granulomtrique). Les fractiles (dp ) sont des dimensions de particules correspondant des pourcentages cumuls (p). Par exemple, le dcile d10 et le centile d99 correspondent des valeurs de diamtre pour lesquels on enregistre respectivement 10 %

30

La bentonite dans tous ses tats : de la microstructure la macrostructure.

et 99 % de particules plus nes. Ce sont des critres souvent utiliss car ils se prtent bien aux interprtations intuitives visuelles. Les indices calculs partir des fractiles aident la comparaison des courbes. Dans cette tude nous utiliserons principalement les coecient duniformit (Cu , coecient de Hazen) et de courbure (Cc ) utiliss en gotechnique ainsi que la moyenne (M ) et lindice de classement (S0 ) utiliss en sdimentologie.

Cu = Cc =

d60 d10

(1.8) (1.9)

d2 30 d60 d10

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Les courbes fort coecient duniformit sont pluri-modales ou polydisperses. Les courbes avec les coecients de courbure les plus importants sont monomodales ou monodisperses. Les modes correspondent aux pics observs lors de la reprsentation de la distribution des tailles en pourcentage par fraction ou aux inexions de la courbe cumule.

d16 + d50 + d84 3 d84 d16 d95 d5 S0 = + 4 6, 6 M=

(1.10) (1.11) (1.12)

Ces indices sont gnralement utiliss sur des sdiments plus grossiers. Leur utilisation sera ici uniquement comparative.

1.3.4

Lobservation microscopique des structures

Lobtention dimages de la structure des smectites est dicile du fait de lopacit des suspensions. De plus, malgr le dveloppement de mthodes de xation telles que linclusion, la cryognie ou la lyophilisation, la conservation de la structure reste dicile et induit de nombreux artfacts [150] [47] [130]. Dans cette tude nous utiliserons la mthode classique dobservation des suspensions sches sur grille laide dun microscope lectronique transmission et une mthode dobservation des particules au sein de la suspension nomme Wet STEM. Les microscopes lectroniques balayage environnementaux (ESEM) permettent dobserver des chantillons humides, voire en suspension, sans dtruire lobjet grace lutilisation dune pression partielle de vapeur deau dgrade dans la chambre dobservation. Un porte objet a t spcialement dvelopp lINSA de Lyon par Bogner [16] pour lobservation en suspension (Wet STEM). Pour cela une goutte de lchantillon trs dilu est place laide dune micropipette eppendorf sur une grille de microscopie en cuivre recouverte de carbone. La couche de carbone est place vers le bas an dutiliser le quadrillage de cuivre comme des bassins de rtention. La grille est perce de trous dune dimension de 1 m 20 m an de maintenir le liquide dans de petits espaces. Le montage est x sur une platine Peltier an de contrler la temprature et donc de conserver ltat aqueux lors de la monte en pression. Le faisceau dlectrons incident

1.3 Etude de la microstructure

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Fig. 1.21 Schma et photographie du montage exprimental plac dans la chambre du microscope lectronique transmission an dobserver les particules en suspension. a : faisceau incident dlectrons, b : porte chantillon, c : collecteur dlectrons, d : platine Peltier.

traverse la goutte et le signal est collect par un dtecteur couramment utilis pour collecter les lectrons secondaires retro-diuss, dans notre cas positionn sous lchantillon (Fig. 1.21). Les lectrons au droit du faisceau ne sont pas collects, le type dobservation est donc quali de champ sombre annulaire. Les observations des chantillons hydrats sont obtenues en transmission en mode balayage (STEM) dans un microscope lectronique balayage chambre environnementale (FEI XL 30 FEG ESEM). Le Wet STEM permet dobserver aisment des nano-particules de 20 nm, la rsolution maximale atteinte est de 5 nm sur une suspension collodale de particules dor [17].

1.3.5

Les proprits de surface des particules.

Les smectites orent une grande surface accessible leau et dautres ractifs qui peut tre apprcie suivant direntes mthodes. Les principales mthodes dtude des proprits dchanges consistent analyser en continu lvolution du uide environnant (isothermes dchange) ou dterminer le nombre de cations susceptibles de se lier la surface.

1.3.5.1

La surface spcique.

Les travaux de Brunauer, Emmet, Teller (BET) qui ont gnralis la thorie de Langmuir, permettent de dterminer la surface spcique et la constante BET partir des isothermes dadsorption en traant : P P = SBET + cBET n (P0 P ) P0 O : SBET est la surface spcique (gnralement pour P/P0

1)

g (s

.

-1

)

Fig. 1.26 Modles rhologiques usuels.

1.4 Analyse macroscopique des suspensions : la rhologie

39

Dans ce domaine, aux plus faibles concentrations, la microscopie, la ztamtrie ou la granulomtrie laser sont utilisables.

1.4.4.2

Fluides non newtoniens

Lorsque la concentration en particules augmente, la probabilit dinteractions particule particule augmente. Les particules sorganisent en entits de plusieurs particules susceptibles de se dformer ou de sorienter sous leet des forces hydrodynamiques. A ces concentrations, lobservation des structure est impossible par des mthodes directes. Seule la rhomtrie permet de caractriser ces uides et den dduire des hypothses de structuration. Cependant, les courbes dcoulement sont complexes, elles rvlent des proprits mcaniques particulires telles que les seuils dcoulement, la uidication et la thixotropie. Dautres types dessais sont ralisables et permettent de mieux dnir ces proprits. Dans cette tude, lapparition de la rhouidication sera considre comme la limite entre le domaine dilu et le domaine concentr.

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La uidication Le comportement rhouidiant traduit la dcroissance de la viscosit apparente avec laugmentation du gradient de vitesse. Ce phnomne peut tre d lorientation des entits en suspension, leur dformation ou leur rorganisation (division en units plus petites) sous leet du cisaillement (ex : polymres, ptroles lourds, suspensions . . .). Le rhopaississement correspond au contraire une augmentation de la viscosit mesure que le gradient de vitesse crot. Ce phnomne est li la dilatance de lchantillon ou des rorganisations associes un accroissement de la fraction volumique (ex : mulsions de bitume, micelles gantes . . .). La loi de puissance propose par Ostwald de Waele permet de dcrire simplement le comportement rhouidiant ou rhopaississant dun grand nombre de uides (1.16). Elle permet de dnir une viscosit apparente = / = k n1 qui dcrot avec lorsque n est infrieur 1 (rhouidication) et crot avec dans le cas contraire (rhopaississement). Le cas du uide newtonien est retrouv pour n = 1. = k n (1.16)

k et n reprsentent respectivement, la consistance et lindice de uidication du uide. La thixotropie La thixotropie traduit la capacit de certains gels se liquer sous agitation constante et se restructurer au repos. Il sagit dun phnomne transitoire largement dpendant du protocole et de lhistorique de fracturation du matriau. Ce phnomne est conscutif la rupture progressive puis la recombinaison des liaisons inter-particulaires, il introduit une dimension temporelle et rversible. Pour les corps rhouidiants, on dit quil y a thixotropie si [35] : aprs un long repos et lapplication dune sollicitation donne, maintenue constante dans le temps, la viscosit apparente est une fonction dcroissante de la dure dcoulement. le matriau retrouve son tat initial aprs un temps de repos susamment long.

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La bentonite dans tous ses tats : de la microstructure la macrostructure.

Il existe de nombreux modles pour dcrire ce phnomne, des revues trs compltes ont t ralises ce sujet par Mewis [95], Barnes [7] et plus rcemment par Mujumbar [100]. A partir dun rhogramme obtenu par valeurs croissantes puis dcroissantes de la contrainte ou de la vitesse de cisaillement, on peut quantier la thixotropie en mesurant laire comprise entre la courbe suprieure (monte en contrainte) et la courbe infrieure (descente en contrainte). Dans notre cas, la densit de points tant susante, nous avons appliqu la mthode des trapzes aux donnes exprimentales pour dterminer cette surface. Cette mesure est totalement dpendante du protocole de mesure utilis. Elle ne peut donc servir qu tablir des comparaisons entre des matriaux soumis un mme protocole.

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Fig. 1.27 Principe de lvaluation de la thixotropie par la mthode des trapzes.

Le phnomne thixotropique rsulte de leet des cintiques de destructuration et restructuration. Leurs temps caractristiques sont tudis en observant lvolution des contraintes au cours de paliers successifs de longue dure (jusqu plusieurs heures). Le modle de