Phénoménologie de l'Attention Selon Husserl

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Phénoménologie de l'Attention Selon Husserl.

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  • Phnomnologie de l'attention selon Husserl :

    2/ la dynamique de l'veil de l'attention.

    Pierre Vermersch J'ai dj abord le thme de l'analyse phnomnologique de l'attention dans ce bulletin (Vermersch 1998) et nous avons eu l'occasion dans l'atelier du sminaire d't 1997 de travailler sur l'explicitation de l'attention. En continuant l'exploration des textes d'Husserl, dans le cadre du sminaire de pratique phnomnologique que j'anime depuis trois ans en collaboration avec Natalie Depraz et Francisco Varela, je me suis rendu compte que ce sur quoi nous avions travaill tait de l'ordre d'une description statique. Ainsi les textes de base qui prsentent d'une part la diffrence entre le "remarquer" et "le prendre pour thme" (Husserl 1995) en particulier le 4 et l'analyse de la corrlation entre acte (nose) et contenu (nome) (Husserl 1950) en particulier le clbre 92, contiennent la description des diffrentes formes d'attention, mais pas d'analyse micro-gntique de l'apparition d'un nouveau regard tourner-vers, pas de dynamique de la manire dont un objet de la perception auquel je ne prtais pas attention jusque l vient sous mon regard. L'objet de ce second article est prcisment de dcrire et modliser cette dynamique de l'veil de l'attention. Il va s'appuyer sur le livre d'Husserl qui est tourn vers la modlisation de ce moment de passage : Exprience et Jugement, et tout particulirement dans le premier chapitre de la premire section le 17(Husserl 1991). Mon but n'est pas de nous faire rentrer dans toute la complexit de la phnomnologie husserlienne, ni de nous transformer en philosophes phnomnologues. Ma direction de travail est plus mthodologique : comment pouvons-nous expliciter un objet d'tude aussi fin et dlicat saisir que l'attention ? D'une certaine manire, nous l'avons vu cet t avec le thme de recherche du "Sentiment intellectuel", il ne suffit pas d'avoir une mthode de production et de recueil de verbalisation pour cerner un objet de recherche. Il ne suffit pas de savoir mener un entretien, fut-il d'explicitation, ni de savoir oprer une description, pour parvenir produire des donnes intressantes qui font avancer l'intelligibilit du monde intrieur. Pour atteindre un tel objectif, il faut disposer d'un modle hypothtique de ce que l'on veut tudier, qui permet de gnrer de nouvelles questions. Il faut pouvoir orienter son regard dans la bonne direction pour apercevoir des proprits qui sont l devant nous, mais qui ne se rvlent que si on a l'ide de les questionner. (Ce que je dis l n'est pas mystrieux, je l'ai dvelopp dans mon intervention au GREX sur "Pourquoi est-il si difficile de dcrire son propre vcu". Si vous allez dans un jardin, vous ne verrez, et ne pourrez dcrire qu' la hauteur de vos comptences de botanistes ou de jardinier. Et cela n'est pas passif, cela suppose regarder certaines plantes en "changeant la direction de son regard", certains dtails n'apparaissent que si l'on sait, par exemple, aller se mettre sous les feuilles parce que c'est l o on peut voir s'il y a des parasites.) La premire partie prsente le modle de l'veil de l'attention tel qu'Husserl l'a dvelopp. Elle est prcde d'une introduction gnrale au livre "Exprience et jugement". Mon objectif de lecture du 17 est d'identifier les noncs qui peuvent se prter une mise en forme exprientielle que nous pourrions nous-mmes accomplir pour vrifier si nos descriptions concordent ou pas avec celles de l'auteur. Dans la seconde partie, je pars d'une exprience accomplie pour produire une premire description trs synthtique. Cette description sera dveloppe et analyse pas pas pour essayer de voir ce qui recoupe le modle husserlien. La proposition dexprience est base sur lextrait suivant du 17 : 4.4 Le Je ne s'abandonne pas ncessairement tout entier une stimulation puissante: il peut l'admettre selon une intensit variable.4.6 On ne fait pas attention une stimulation puissante si l'on est en conversation avec une personne "importante", et mme si l'on en subit une contrainte momentane, il se peut que ce ne soit qu'une orientation secondaire, marginale, un tre-emport, un raptus strictement momentan ne s'accompagnant pas d'une attention "dtaille". Selon ce texte, on peut tre occup attentivement un thme particulier qui nous motive et en mme temps tourner notre attention sans la fixer vers des lments nappartenant pas au thme, qui se dtachent de manire transitoire ou en tous les cas apparaissent en plus dans notre champ dattention. Dans notre cas, le thme principal sera le fait de porter attention ce que lun de nous dit, tout en essayant de saisir comment nous apercevons au passage des lments sensibles, motionnels, intellectuels qui peuvent se dtacher dans le champ dattention. En sommes-nous conscient ? Pouvons-nous le rendre conscientisable ? Sommes-nous capables de reprer le mouvement daccs la conscience ? Que se passe-t-il quand un lment passe ainsi au premier plan ?

  • On l'aura compris cet article essaie de poser des questions de mthodes : comment partir d'une description phnomnologique peut-on ractiver les conclusions en reprenant soi-mme les situations d'exprience qui lui servent de support. Comment expliciter l'avnement d'une distraction sur le fond d'une attention maintenue ?

    Introduction la lecture du 17 d Exprience et jugement . Pour comprendre ce paragraphe 17 L'affection et l'orientation-vers du Je. La rceptivit comme degr infrieur de l'activit du Je , il faut le considrer comme un des pisodes dun feuilleton complexe, dont il faut rappeler lintrigue et rsumer les pisodes prcdents pour le rendre intelligible. Mais pour viter les plus gros malentendus, je rappelle que les termes "affection", "affecter" sont pris dans le sens technique philosophique de ce qui affecte, qui a donc un effet sur le sujet, et non pas dans le sens plus courant d'tre motionnellement touch. Ensuite, le rapport avec le thme de l'attention est immdiatement prsent dans la question du "s'orienter-vers" c'est--dire du tout dbut de prise en compte d'un lment qui ne l'tait pas encore.(cf. 13, p 70 Partout o il est question dattention, une telle activit de degr infrieur est sous-jacente .) Le projet du livre et ses origines : la gnalogie de la logique. Si je commence par situer le contexte le plus gnral, ce paragraphe est situ dans un livre tardif dHusserl Exprience et jugement dit en 1938, dont il a dlgu ldition base sur ses manuscrits lun des assistants : Landgrebe, tout en suivant jusquau bout le rsultat. Cest cette collaboration ditoriale qui fait que nous avons l sans doute le livre le mieux structur et le plus intelligible de toute luvre dHusserl ! Mais en mme temps les puristes sont prts considrer cet ouvrage comme ntant pas de lauteur, et nhsite pas le mettre part dans les bibliographies. Ce livre a pour but dtablir la gnalogie de la logique : comment les oprations logiques les plus labores (la gnralisation par exemple dans la troisime section finale) sont fondes sur lexprience la plus lmentaire : lexprience ant-prdicative (titre gnral de la premire section) cest--dire lexprience avant toute conscience rflchie, avant toute possibilit de mise en mots. On a ainsi une gnalogie, au sens particulier dune micro gense, dune explicitation de la constitution de tout acte complexe, constitution prsente dans leffectuation de tout acte et donc toujours disponible nouveau pour une description et une analyse, pour autant que lon puisse accder aux couches les plus originaires. En complment de cette ide de gense, on a donc lide doriginaire, doriginarit, et donc de fondement, de la dtermination de sur quoi se fonde par gnalogie les activits logiques intermdiaires (le jugement et la prdication) jusquaux activits les plus complexes qui fonde lactivit rationnelle et scientifique. Le projet est donc extrmement ambitieux et appartient bien au style de lpoque proccupe de problmes de fondation. Dune certaine manire, il reste dans la continuit des recherches initiales de lauteur, puisque la recherche de la fondation de lanalyse mathmatique lavait dabord conduit (sous linfluence de Weierstrass) vers le nombre, puis de l vers la couche antrieure, donc vers la question de la fondation du nombre, linstrument de la rponse tant non plus les mathmatiques mais la philosophie, et donc comme je lai prsent dans mon texte relatif la formation intellectuelle dHusserl, vers la philosophie comme psychologie descriptive. Enfin, en de de la fondation du nombre, une autre couche est apparue plus fondamentale : c'est--dire la logique entendue non pas comme une technique de calcul symbolique, mais comme la presque ultime couche transcendantale une logique pure ou transcendantale. Husserl est donc rest depuis le dbut dans une recherche de fondation et ce livre Exprience et jugement , de concert avec les Essais sur la synthse passive et Logique formelle et transcendantale peuvent tre considr comme laboutissement ou le dernier tat de la tentative fondationnelle dHusserl. Comme dans tout projet gntique ou gnalogique trois difficults vont apparatre : la premire concerne le point dorigine, la couche la plus originaire qui plus on sen approche plus elle devient difficile saisir, et actuellement nous avons la comptition des modles mergentistes et des implmentations de type rseaux de neurones artificiels pour remettre en cause la pertinence de la recherche dune origine ; la seconde, est celle de lenchanement des tapes, il faut quil soit continu, sans trous, la gnalogie vaut ce que vaut le maillon le plus faible ; si par exemple, la transition entre pr donation et saisie qui est tudie dans le 17 ne marche pas, alors cest tout le reste de ldifice qui scroule puisquil lui manque une tape de fondation. Enfin, de manire plus insidieuse parce que touchant plus la remise en cause dune vidence, est le principe mme de lexplication gntique, le fait qui nest pas explicit par Husserl de la valeur causale, explicative, de cet enchanement dtapes. En effet, ce n'est pas parce que j'ai la description des tapes intermdiaires que j'ai ncessairement la loi qui les lie, le mcanisme qui fait passer d'une tape l'autre. On touche aux problmes dexplication par les causes et/ou les raisons, aux problmes classiques en histoire de lexplication par ce qui prcde. Je nai pas vu pour le moment o Husserl discute ce dernier point qui est pourtant central la valeur de sa dmonstration et la valeur de toutes ses tentatives depuis le travail sur le nombre. Les avatars rencontrs par la psychologie gntique devraient nous avertir des difficults sappuyer navement sur la gense : prsence de courbes en U manifestant le fait que les progrs et donc lvolution ne sont pas linaires comme on le pensait doffice, prsence de cheminements vicariant montrant quil nexiste pas un enchanement gntique aussi simple quon le croyait, impossibilit de se rfrer un des vnements empiriques pour rendre compte de la mise en place dinvariant aussi basique que la

  • conservation de la quantit de matire, exemple de la recherche dune causalit indirecte dans la construction des structures opratoires par la prsence ducative de rgularits et de ruptures de rgularits, et donc rfrence la structure du monde plus qu un comptage dvnements particuliers. Ainsi, il me semble quHusserl projette un modle navement gntique, bas sur une correspondance simple entre un vnement empirique comme la dception dans un remplissement et la construction de la ngation. Largumentation parat particulirement faible. Structure gnrale du livre : une introduction et trois sections ordonnes du plus lmentaire au plus gnral. Ce livre est donc constitu dune longue introduction qui motive la tentative et explicite la mthode qui va tre suivie ( Sens et dlimitation des recherches ). Puis lon trouve trois grandes sections organises suivant trois degr de complexit croissants : la premire Lexprience ant-prdicative, rceptive , porte sur la couche la plus lmentaire et presque la plus originaire (la plus, plus, originaire, tant selon Husserl la structure de la conscience du temps qui est organisatrice de tout la base) ; puis la seconde progresse vers La pense prdicative et les objectivits de lentendement ; enfin la troisime dbouche sur La constitution des objectivits gnrales et les formes du juger sur le mode du : en gnral . Entre la premire section et les deux suivantes il y a le seuil de la prsence ou non dune activit du Je, la structure rceptive examine dans la premire section tant considre comme passive du point de vue du Je, soit comme le degr le plus bas de lactivit du Je. Structure de la premire section : trois chapitre de complexit croissante. Le 17 se situe dans le premier chapitre de la premire section qui en comporte trois, organiss l encore suivant une progression dans la complexit : le premier chapitre 15 21, Les structures gnrales de la rceptivit porte sur ce quil y a de plus lmentaire, de ce qui est pr-donn avant toute activit au sens fort du terme et cela relve donc des structures de la rceptivit, y compris le point de passage, la bifurcation qui introduit des activits diriges par le je. Le second chapitre Saisie simple et ex-plicative 22 32 porte sur le premier degr de lactivit du Je : la saisie, cest--dire le fait de tenir, de sarrter sur un objet dattention, de le viser et sur ce qui peut immdiatement arriver dans la poursuite de cette saisie : la saisie ex-plicative. La traduction na pas trouv dautre moyen pour donner le sens de cette activit que de traduire avec le trait dunion, voulant dire par l quil ne sagit pas dune explication au sens causal ou motivationnel (les raisons) mais renvoyant plutt au dpliement contenu dans pli / catif , il sagit dune ex (dploiement) des plis 1! Le sens prcieux de cette saisie explicitante est justement la pntration de lattention dans la diffrentiation des fragments et des moments qui constituent un objet pris pour thme (pntration dans l'horizon interne de l'objet dit Husserl de manire synthtique). Du point de vue de lapplication de lanalyse phnomnologique la pratique phnomnologique, c'est passionnant puisquil introduit lanalyse du dbut de lanalyse dun objet, le moment o on commence le dplier dans ses parties et ses moments, une fois quil a t saisi et quil continue tre gard-en-prise. Mais ce second chapitre est limit la saisie dun seul objet, ou dune multiplicit donne comme totalit figurale, alors que le troisime chapitre ( 33 46) porte sur La saisie des relations et ses fondements dans la passivit , la progression nous fait passer de la saisie dun objet la saisie dau moins deux objets et de ce qui les relie. Structure du premier chapitre de la premire section : du champ de pr donation lveil du Je, en annexe : lorigine des modalisations.

    Trois dlimitations restrictives pralables Dans ce chapitre, les deux premiers 15 et 16 sont consacrs une prsentation du champ de pr donation, sa structure associative. Mais auparavant il faut souligner la dlimitation de l'objet de recherche que se donne Husserl, car c'est un point de sa pratique scientifique qui n'est jamais analyse : quand on suit le droulement de la prsentation de ses rsultats, il y a dans tous ses travaux une simplification de l'objet, une restriction un domaine limit facilitant la description. Ces pratiques me semblent militer fortement pour examiner le travail d'Husserl, d'abord comme un travail scientifique (on peut se demander si compte tenu de lpoque o il travaille ce nest pas plus un scientifique qui trouve une place en philosophie, plutt quun philosophe qui cherche mettre en uvre une mthode scientifique cf. larticle Logos 1911). L'auteur va procder trois rductions successives qui vont restreindre de manire extraordinaire son objet. Soulignons qu'ici il ne s'agit pas de rduction au sens phnomnologique, mais de rduction en un de ses sens scientifique banal, qui rduit pour des raisons justifie lanalyse une partie seulement (lautre sens classique tant le fait de ramener un niveau danalyse celui qui lui est sous-jacent, par exemple vouloir rendre compte du niveau motionnel uniquement en termes de modifications hormonales, ou de la conscience uniquement en terme dvnements neuronaux). Le paragraphe 15 justifie le fait que lanalyse qui va suivre se cantonnera la perception externe exclusivement, pris comme exemple exemplaire valant en gros pour tous les autres actes intentionnels :

    1 Mais Maria Villela-Petit a propos de remplacer cet ex-plication, tout simplement par explicitation ce qui me parat beaucoup plus clair. Cf. (Courtine 1996) "L'exprience ant-prdicative" 239-260.

  • Il sagit l de structures quon peut trouver de la mme faon dans tous les autres domaines de la conscience . On a donc une premire rduction qui se contente de restreindre ltude un seul domaine : la perception externe, motive par sa valeur exemplaire et gnrale. Puis, on a une seconde rduction scientifique qui est indique la fin du 15 et qui porte sur le monde personnel en tant quil est monde dobjets partags et accessibles dautres que moi : Nous disons que ce qui joue ce rle est pr donn dans notre univers de vie, et nous affecte sur le fond de cet univers. Mais, conformment ce que nous avons dit en introduction, nous ferons ici abstraction du fait que le percevoir est toujours percevoir d'objets du monde, et d'abord de notre univers de vie. Car cela implique qu'il y a un tant objectif qui est tel qu'il n'est pas seulement perceptible par moi, mais aussi par d'autres, les hommes qui vivent autour de moi . Il s'agit donc de ne pas prendre en compte l'intersubjectivit dans l'analyse venir, on va s'intresser un cas abstrait o le partage du monde n'est pas pris en compte (dans les leons sur la thorie de la signification, cette dernire tait tudie sans la communication avec l'autre). Une troisime rduction scientifique, beaucoup plus problmatique, est mise en place au dbut du 16 et stend toute lexprience antrieure que le sujet pourrait avoir : Prenons le champ de pr donation passive dans son originairet, laquelle ne peut tre pose ici qu'abstraitement, c'est--dire en faisant abstraction de toutes les qualits de familiarit, de fiabilit selon lesquelles tout ce qui nous affecte est d'avance dj l pour nous sur le fondement d'expriences antrieures. Cette dernire rduction scientifique, va rendre difficile la possibilit de comprendre sur quelle base le champ de pr donation se segmente en units qui vont sen dtacher et mme tre plus ou moins proche du Je , ou avoir une force affective plus ou moins grande. Car si lon supprime toute rfrence lexprience antrieure, il ne reste plus que les rflexes inns avec lesquels on vient au monde (prhension, succion) et la pure intensit des stimulus qui vont agir sur les organes sensoriels ds quils dpassent le seuil de dtection purement physiologique, abstraction faite de leur sens, de leur inscription dans diffrents formes de sdimentations qui pr organisent la structure du champ, quelles quen soient les zones (thmatique, horizon, frange). Avec ces trois rductions scientifiques, nous sommes arrivs un point de vue extraordinairement abstrait, dans le sens o ce qui va suivre ne vaudra plus que comme exprience de pense et dont on peut douter que lexamen dune exprience vcue relle trouve sa traduction. Donc, la limite, si lon suit le cadre pos la lettre, cela disqualifie davance toute tentative de confronter ce qui est dit la description dune exprience vcue relle, dans la mesure o aucune exprience vcue ne peut remplir ces conditions rductrices.

    La prsence et la structure du champ de pr donation Ce 15 qui restreint lanalyse lexemple de la perception externe, argumente sur le fait que la perception est dj un acte du Je, est dj une opration active du Je . ( Le percevoir, l'orientation perceptive vers des objets singuliers, leur contemplation et leur ex-plication, tout cela est dj une opration active du Je ). Donc, logiquement, si la perception est dj une explicitation, alors il doit y avoir quelque chose qui lui est antrieur, sur quoi peut porter lexplicitation, est introduit ici le concept de pr-donation qui doit prcder la donation produit de lacte perceptif. Et en gnralisant : mais il y a toujours un champ de pr donation duquel surgit le moment singulier qui nous excite pour ainsi dire la perception et la contemplation perceptive . En rsum, le 15 tablit les limites de ltude et dans le cadre de la rfrence la perception externe la ncessit dun champ de pr donation toujours dj l et qui va constituer la toile de fond de lanalyse qui va suivre. Cela est tabli de manire logique, pour quun acte complexe (comme la perception) saccomplisse, il faut quil sapplique une matire qui doit donc dj tre l, puisque lacte perceptif explicitant ne cre pas lobjet sur lequel il porte. Ltape suivante, dans le 16, consiste donner des indications sur la structure et la dynamique de ce champ2, de manire introduire en particulier le fait quil a une dynamique autonome qui pourra donc affecter le Je mme quand le Je ne sen occupe pas et est activement dj tourn vers un intrt ou un thme particulier. 2 Ces points sont bien plus longuement dvelopps dans les Essais sur la synthse passive rcemment traduits en franais (Husserl 1998, 1966)

  • Puis le 17 met en scne la manire dont le champ dans sa dynamique propre interfre, agit, sur le Je et comment il peut soprer un veil du Je sur ce qui sest dtach de larrire-fond du champ. Cette analyse dynamique met en scne le rle de lattention, ou le fait que lorientation et lveil de lattention sont essentiels pour comprendre ce qui se passe. Les 18, 19 et 20 reviennent sur la notion dintrt li lorientation de lattention et la mobilisation du Je. Le 21 est un dveloppement annexe qui vise montre comment la ngation sorigine sur le fait dune tendance due, ou de faon gnrale comment le doute, la possibilit etc sont gnrs par une forme ou lautre dempchement. Pour la lecture qui va suivre ce quil faut retenir cest que les 15 et 16 crent les conditions dnonciation du 17 . Dans le programme de recherche du livre, le 17 est le vritable moteur initial, il va tablir la filiation ou la dynamique de lveil du Je partir de lactivit autonome du champ de pr donation, ou encore partir du fait que le champ perceptif a une force daffection propre.

  • Texte intgral extrait d'Exprience et Jugement d'Husserl

    Jai ajout, pour la commodit du commentaire, des numros de paragraphes, et au sein des paragraphes des numros pour chaque phrases. Les chiffres entre parenthses reproduisent la pagination de ldition franaise.

    17 L'affection et l'orientation-vers du Je. La rceptivit comme degr infrieur de l'activit du JE. 1-1 Tout ce qui s'enlve dans un champ, l'articulation du champ selon les similitudes et les diffrences, et la constitution de groupes qui en rsulte, le fait pour des membres singuliers de s'enlever d'un fond homogne, tout cela est le produit de synthses associatives d'espces trs varies. 1-2 Mais ce ne sont pas des procs qui se produisent dans une conscience simplement passive, car ces synthses de recouvrement ont leur force affective propre. 1.3 Nous disons par exemple de ce qui, du fait de sa non-analogie, s'enlve d'un arrire-fond homogne et s'en dtache, qu'il nous "frappe"; cela veut dire qu'il dveloppe une tendance affective dirige vers le Je. 1.4 Les synthses de recouvrement, que ce soit le recouvrement dans la fusion sans diffrence ou le recouvrement dans le conflit des non-semblables, ont une force affective propre; elles exercent sur le Je une stimulation qui le fait s'orienter, qu'il y cde ou non. 1.5 S'il vient saisir un donn sensible l'intrieur de son champ, c'est sur le fondement de ce s'enlever-per-rapport-. 1.6 Le donn sensible s'enlve de par son intensit d'une pluralit de donnes co-affectants. 1.7 Il en est ainsi, (90) s'il y a par exemple dans la sphre sensible un son, un bruit, une couleur, plus ou moins insistants. 1.8 Ils se trouvent dans le champ de perception et s'enlvent par rapport lui, exerant sur le Je, alors qu'ils ne sont pas encore saisis, une stimulation plus ou moins puissante, plus ou moins faible. 1.9 De mme une pense qui survient brusquement peut tre insistante; ou encore un souhait, un dsir, peuvent de l'arrire-fond accder la conscience avec insistance. 1.10 L'insistance est conditionne par le mode, plus ou moins net, du s'enlever-sur : dans la sphre sensible, par les contrastes, les discontinuits qualitatives de l'cart plus ou moins notable ainsi cr, etc. 1.11 Dans le domaine des donnes non sensibles, il n'est assurment pas question de discontinuit qualitative de ce genre; pourtant, il y a l aussi quelque chose d'analogue : parmi les diffrents mouvements de pense plus ou moins obscurs qui nous agitent, une pense par exemple se dtache de toutes les autres; et de prfrence elles, elle exerce une force impressive sur le Je qui se porte pour ainsi dire au-devant d'elle. 2.1 Il faut alors distinguer ces discontinuits (dans la sphre sensible, ce sont avant tout des discontinuits qualitatives ou intensives) qui "exercent" une action insistante, et tout ce qui peut en gnral, de manire analogue, tre une condition de cette action insistante, de l'action insistante elle-mme. 2.2 L'insistance a des degrs, et de plus ce qui exerce cette action, ce qui insiste est plus ou moins proche du Je. 2.3 Ces diffrences dans l'insistance et dans les stimulations correspondantes exerces sur le Je, nous pouvons les constater trs aisment dans le champ de conscience par une vue rtrospective ce sont des donnes que la phnomnologie peut monter , de mme que nous pouvons apercevoir le lien de cette gradation avec d'autres moments de l'impression, comme la continuit de la mise en relief, l'intensit (91), et tous autres moments plus mdiats appartenant au domaine de l'association prise au sens le plus large. 3.1 Un lment nouveau se fait jour quand le Je cde la stimulation. 3.2 La stimulation exerce par l'objet intentionnel tourn vers le Je attire celui-ci plus ou moins fortement, et il s'y abandonne plus ou moins. (3.3 note1 : il faut, ce propos, rappeler une fois de plus que lorsqu'on parle ici d'objet, le mot est employ improprement. Car, comme on y a dj insist plusieurs reprises, on ne peut parler d'objet au sens propre du mot ds le domaine de la passivit originaire.)3.4 Une tendance gradue relie les phnomnes, tendance de l'objet intentionnel passer de la position en arrire-plan la position face au Je ; c'est un changement qui est corrlativement changement de tout le vcu intentionnel d'arrire-plan en vcu de premier plan : le Je se tourne vers l'objet. 3.5 Cette orientation-vers elle-mme est d'abord un processus intermdiaire : le se-tourner-vers s'achve avec l'tre du Je auprs de l'objet, et sa saisie par contact. 3.6 Avec cet abandon du Je l'objet, une nouvelle tendance a fait son apparition : une tendance issue du Je et dirige sur l'objet. 3.7 Nous devons donc distinguer : 1) La tendance qui prcde le cogito, la tendance en tant que stimulation du vcu intentionnel d'arrire-plan, et ses diffrents degrs de force. Plus forte est cette"affection", d'autant plus forte la tendance s'y abandonner, la tendance oprer la saisie. Comme on l'a dj montr, cette tendance a deux cts : a) L'insistance, l'attrait que le donn exerce sur le Je; b)du ct du Je, la tendance s'y adonner, le tre-attir-par, tre affect du Je lui-mme. De ces tendances antrieures au cogito, on distingue : 2) L'orientation-vers comme action qui rsulte de la tendance, en d'autres termes la transformation du vcu intentionnel d'arrire-plan (92) par laquelle il devient un cogito en acte. Le Je est alors tourn vers l'objet, il est de soi tendanciellement orient vers lui. Ainsi, pour le dire en gnral, tout cogito, tout acte spcifique du Je, est un lan-vers accompli par le Je et issu du Je, avec des formes diverses d'effectuation. Cette effectuation peut tre empche ou non empche, plus ou moins parfaite; de tout cela, nous aurons parler bientt de faon dtaille. 4.1 La force de tension de cette tendance a galement des degrs divers. 4.2 Le Je peut tre dj attir par un objet qui l'affecte d'une manire plus ou moins vive, et l'augmentation de l'intensit peut admettre un tempo variable : il peut aussi se produire une remonte subite de l'intensit. 4.3 Corrlativement, la nature et le tempo de ce qui s'ensuit peuvent prsenter des diffrences analogues, mais sans que ces diffrences soient dtermines par les premires. 4.4 Le Je ne s'abandonne pas ncessairement tout entier une stimulation puissante: il peut l'admettre selon une intensit variable. 4.5 Certes, l'augmentation de la force affective est dtermine ncessairement par certaines altrations du mode de la donne perceptive de l'objet: ainsi, celle du sifflement d'une locomotive qui passe devant nous ; mais un tel mode de donne ne suffit lui seul susciter une orientation du Je. 4.6 On ne fait pas attention une stimulation puissante si l'on est en conversation avec une personne "importante", et mme si l'on en subit une contrainte momentane, il se peut que ce ne soit qu'une orientation secondaire, marginale, un tre-emport, un raptus strictement momentan ne s'accompagnant pas d'une attention "dtaille". 5.1 L'accomplissement de l'orrientation-vers est ce que nous appelons l'tre-en-veil du Je. 5.2 Plus prcisment, il faut distinguer l'tre-en-veil comme accomplissement factice d'actes, et l'tre-en-veil en tant que potentialit, comme tat de pouvoir-accomplir-des-actes, tat qui constitue la prsupposition de leur accomplissement factice. 5.3 L'veil consiste diriger le regard sur quelque chose. 5.4 Etre-veill veut dire : subir effectivement une affection; un arrire-plan devient "vivant", des objets intentionnels se rapprochent plus ou moins du Je, celui-ci ou celui-l attire soi effectivement le Je. 5.5 Il est "auprs de l'objet" lorsqu'il se tourne vers lui. 6.1 En tant que le Je dans cette orientation-vers accueille en soi ce qui lui est pr-donn travers les stimulations qui l'affectent, nous pouvons parler ici de la rceptivit du Je. 7.1 Ce concept phnomnologiquement indispensable de rceptivit n'est d'aucune faon en opposition d'exclusion avec le concept d'activit du Je, sous lequel il faut comprendre tous les actes issus d'une manire spcifique du Je comme ple; il faut, au contraire, envisager la rceptivit comme le degr infrieur de l'activit. 7.2 Le Je consent ce qui lui advient, et l'accueille en soi. 7.3 Ainsi distinguons-nous par exemple sous le terme de percevoir, d'un ct le simple avoir-conscience-de dans des apparitions originales (quels que soient les objets reprsents dans leur vie originale). 7.4 De cette faon, un champ de perception complet se trouve dj dans la pure passivit plac devant nos yeux. 7.5 D'un autre ct, il y a sous le terme percevoir, la perception active comme saisir actif d'objets qui s'enlvent dans le champ perceptif qui les dborde. 7.6 De mme nous pouvons avoir un champ de ressouvenir, et cela dj dans la pure passivit. 7.7 Mais l aussi le simple apparatre du souvenir n'est pas encore sa saisie active, ni le ressouvenir dans son s'emparer-de ce qui apparat ainsi (et nous"frappe"). 7.8 Manifestement, le concept normal d'exprience (perception, souvenir, etc. ) vise l'exprience active qui se parachve ensuite en ex-plication.

  • Essai de condensation du 17

    Rappel des rsultats du 15 et 16 1-1 Tout ce qui s'enlve dans un champ, l'articulation du champ selon les similitudes et les diffrences, et la constitution de groupes qui en rsulte, le fait pour des membres singuliers de s'enlever d'un fond homogne, tout cela est le produit de synthses associatives d'espces trs varies.

    Elments de description 1.6 Le donn sensible s'enlve de par son intensit d'une pluralit de donnes co-affectants. 2.2 L'insistance a des degrs et de plus est plus ou moins proche du Je. 1.7 Il en est ainsi, s'il y a par exemple dans la sphre sensible un son, un bruit, une couleur, plus ou moins insistants. Ils se trouvent dans le champ de perception et s'enlvent par rapport lui, exerant sur le Je, alors qu'ils ne sont pas encore saisis, une stimulation plus ou moins puissante, plus ou moins faible. 3.2 La stimulation exerce par l'objet intentionnel tourn vers le Je attire celui-ci plus ou moins fortement, et il s'y abandonne plus ou moins. 3.5 Cette orientation-vers est d'abord un processus intermdiaire : le se-tourner-vers s'achve avec l'tre du Je auprs de l'objet, et sa saisie par contact. 3.1 Un lment nouveau se fait jour quand le Je cde la stimulation. 4.4 Le Je ne s'abandonne pas ncessairement tout entier une stimulation puissante: 3.6 Avec cet abandon du Je l'objet, une nouvelle tendance a fait son apparition : une tendance issue du Je et dirige sur l'objet.

    Rcapitulatif de l'analyse 3.7 Nous devons donc distinguer : 1) La tendance qui prcde le cogito, la tendance en tant que stimulation, cette tendance a deux cts : a) L'insistance, l'attrait que le donn exerce sur le Je; b) du ct du Je, la tendance s'y adonner, le tre-attir-par, tre affect du Je lui-mme. 2) L'orientation-vers comme action qui rsulte de la tendance.

    Dfinitions 5.1 L'accomplissement de l'orientation-vers est ce que nous appelons l'tre-en-veil du Je, il consiste diriger le regard sur quelque chose. 6.1 En tant que le Je dans cette orientation-vers accueille en soi ce qui lui est pr-donn travers les stimulations qui l'affectent, nous pouvons parler ici de la rceptivit du Je. 7.1 Ce concept phnomnologiquement indispensable de rceptivit n'est d'aucune faon en opposition d'exclusion avec le concept d'activit du Je, sous lequel il faut comprendre tous les actes issus d'une manire spcifique du Je comme ple; il faut, au contraire, envisager la rceptivit comme le degr infrieur de l'activit. 7.2 Le Je consent ce qui lui advient, et l'accueille en soi.

    Commentaire du 17 Les buts de ce travail de commentaire sont multiples : le premier est sans doute daller au bout de son intelligibilit, de faire le tour ce quil contient comme information, de pointer les lments qui resteraient peu clairs ou dont linterprtation peut susciter des doutes parce quambigu. Je le fais pour moi, un peu pouss par lexaspration dun travail toujours insuffisant pour mettre au clair ce que ces textes veulent dire, dans la mesure o ils sont tellement complexes, avec des retours, des distributions dinformations la fois relativement redondantes et en mme temps plein de diffrentiations subtiles qui rend par exemple le travail de rsum trs difficile. Jespre que ce travail pourra aider dautres dans la lecture d'Husserl et quil mapprendra de nouvelles choses sil peut susciter des ractions de la part de ceux beaucoup plus experts que moi dans la connaissance de ce texte, ne serait-ce que parce quil a servi de support un sminaire (95-96 si je ne me trompe) des archives Husserl cf. .(Courtine 1996). Mon second objectif est de lister ce qui soulve des questions dont les rponses peuvent appartenir une reprise exprientielle et pourrait donner loccasion de confronter nos descriptions aux conclusions dHusserl (dans la mesure o lui-mme donne peu de description, mais plutt des assertions gnralisantes dont on ne mesure pas toujours la porte). Par l je souhaite revenir sur le travail que demande la reprise dHusserl en termes de ractivation exprientielle. Il me semble que nous nous laissons facilement sduire par telle ou telle concrtisation (nouveau nom que je donne aux exemples qui sont simplement illustratifs) quil propose au passage, sans vritablement creuser tous les attendus et le contexte dans lequel sinsre lexemple qui nous tente. Ce paragraphe mavait sembl premire lecture facile et mme particulirement clair par rapport dautres ... son approfondissement ma plong dans de nombreuses perplexits et doutes sur sa valeur. Il est clair pour moi en travaillant ce texte, que je ne le lis pas comme un texte philosophique, mais comme un texte scientifique. Si je fais cet effort de commentaire systmatique cest parce que ce paragraphe me parat exemplaire

  • dune ambigut entre une criture scientifique et une criture philosophique. Husserl met ici en place un modle dinteraction dynamique entre le champ et le Je. Pour modliser cette interaction il va introduire de nombreuses proprits, qui ne sont pas toutes explicites dans ce texte : synthse, synthse de recouvrement, synthses associatives, tendance, tre plus ou moins proche du je, cder ou consentir la stimulation etc, jy reviendrai en dtail plus tard.

    1- Le point dentre de la modlisation. Le point dentre dans la modlisation est le niveau du cogito, dun acte dj complexe. Cest cohrent puisque cest prcisment le niveau o lacte est conscientis, ou il est dj clairement saisissable comme intentionnel et ne pose pas de problmes mthodologiques pour apparatre au phnomnologue et ainsi tre dcrit. Ce qui se situe avant ce cogito, est donc introduit de manire logique comme ne pouvant quexister auparavant, antrieurement sa saisie intentionnelle. La couche gntiquement prcdente est donc introduite sur le principe quil faut ncessairement quil y ait dj quelque chose pour se tourner de manire active vers ce quelque chose. Mais pratiquement laccs ce qui est antrieur par essence au cogito, pose le problme de principe que ce dont le sujet nest pas conscient au moment mme ne lui apparat pas et ne semble donc pas pouvoir faire lobjet dune phnomnologie ! Il y a l une difficult quHusserl a bien vue, et quil lve par une simple affirmation non discute (2.3) selon laquelle les proprits appartenant au champ, lvolution de ce que je moi linteraction champ/sujet sont constatables trs aisment et que la phnomnologie peut les montrer : 2.3 Ces diffrences dans l'insistance et dans les stimulations correspondantes exerces sur le Je, nous pouvons les constater trs aisment dans le champ de conscience par une vue rtrospective ce sont des donnes que la phnomnologie peut montrer , de mme que nous pouvons apercevoir le lien de cette gradation avec d'autres moments de l'impression, comme la continuit de la mise en relief, l'intensit (91), et tous autres moments plus mdiats appartenant au domaine de l'association prise au sens le plus large. Son texte joue un peu le rle dun contre-message, si cest si ais, est-il besoin dinterrompre le cours dune analyse centre sur le contenu, pour affirmer ce qui va de soi ? Pour moi cela introduit une premire question relevant dune vrification exprientielle : lanalyse a posteriori de la structure du champ, relativement un vnement singulier qui senlve sur larrire-fond est-elle accessible exprientiellement ? si oui, est-ce ais pour tout le monde ? y a-t-il des conditions deffectuation de telles observations ? Car si sur le plan des principes, on peut avoir limpression que la proposition dHusserl est fonde, sur le plan de la ralisation pratique il fait rfrence des distinctions subtiles, pas des ressouvenirs dactes eux-mmes dj labors au plan rflexif. Sommes nous capables daccder posteriori ces diffrentes synthses qui animent le champ de pr donation, sommes-nous capables de distinguer a posteriori entre les intensits de stimulation, dinsistance, leur variation de degrs etc ? Si ctait si vident serait-il ncessaire de prciser que la phnomnologie peut les montrer , ce dernier terme me semble bien devoir tre lu comme la rfrence au plan des faits avant daller vers lanalyse eidtique. Si je ne peux pas montrer (c'est--dire dcrire dans sa singularit) une exprience o ce dont je parle est prsent, alors ce dont je parle na quune existence hypothtique construite uniquement sur la base dune ncessit logique par exemple, donc sans rfrence directe lexprience.

    2- Les lments de lInteraction : le champ et le Je. La modlisation met en scne deux termes : le champ et le Je, et ce dans le cadre dune interaction o chacun des deux jouent un rle, chacun module le rle de lautre, en pondre linfluence. Cette interaction est dynamique : des tendances, des insistances, des mouvements de rapprochement ou dloignement ont lieu, ils impliquent une gradualit et sinscrivent dans une temporalit. Le tout conduit un point de transformation, dmergence dune nouvelle situation, dun nouveau mode de relation entre le champ et le Je. Nouveau mode qui nest dailleurs pas un point terminal, mais seulement lamorce dautres dveloppements gntiques plus labors. On a ainsi une vritable physique qualitative de la structure des changes entre le champ (ici le champ sensible, relevant des organes des sens) et le Je. Voyons ce qu'Husserl donne comme indications : 2.1 Le champ La toile de fond est donc que le champ est structur (synthse passive, associative) et quil y a donc de lhtrognit de manire constitutive. Deux paramtres sont indiqus comme jouant dans le fait quun lment senlve sur le fond, quil se dtache,

    - son intensit, avec la loi drive : plus cest intense, plus cela se dtache, plus la stimulation est forte,

  • Contrairement ce que la premire rduction scientifique avait annonc cest le moment o lauteur se sent obliger de considrer un autre cas que celui de lexprience sensible, pour indique que pour les penses il y a quelque chose danalogue , mais bien sr il nest alors pas question de discontinuits qualitatives".

    - sa plus ou moins grande "proximit du Je", Ce point nest pas explicit, quest-ce quune "proximit du Je" ? On pourrait le comprendre comme une rintroduction de la structure des expriences passes qui font que certains stimulus sont plus familiers, plus pertinents pour le Je du fait de relations dj formes, cf. le rapport lcoute de son propre nom au milieu dun brouhaha intense par exemple. Mais je ne suis pas sr ce cette interprtation.

    Jusque-l on peut dire que cet nonc est compatible avec ceux de la thorie de la forme et de toutes les analyses en troisime personne quelle a pu produire sur la structure du champ, sur leffet objectif des lois de prgnances et leurs interactions avec la valeur smantique des stimulus. Dans la description de la dynamique des effets du champ Husserl introduit une srie de termes problmatiques. Le premier est une formulation objective neutre : ces synthses ont une force affective propre, elles exercent sur le je une stimulation , ce qui nest que la description du fait que le Je est affectable par le champ, par exemple que les stimuli sont bien dans son champ visuel. Le terme suivant est plus curieux dans la mesure o il semble prter une intentionnalit aux lments du champ (intentionnalit au sens de finalit, de projet, pas au sens phnomnologique) indpendamment du sujet qui nen a pas encore une conscience rflchie, ainsi dans le langage dHusserl le stimulus est plus ou moins insistant ? Ou bien exercent une action insistante . Le terme est ambigu, puisquil peut tre entendu simplement comme synonyme de stimulation plus ou moins forte, plus ou moins intense ou comme volont , intention de produire un effet, dobtenir un rsultat. On sait quil y a des stimulus qui capturent littralement les organes des sens par leur proprits et leur intensit (un spot clignotant sur un fond homogne ne peux pas ne pas tre regard, une odeur de fume ne peut pas ne pas tre pris en compte jusque dans le sommeil, etc.) cest sur cette base par exemple quont t conus de nombreux signaux de dangers, ou des effets publicitaires, dans tous les cas il sagit de capturer lattention sans lassentiment du sujet. Mais prcisment ce sont des exemples sans gradation et sans participation du Je, cest le corps qui rpond au sens le plus physiologique du terme et les stimulis ont t choisi par d'autres hommes, c'est la projection de leur propre intentionnalit que l'on retrouve dans la sonnerie d'un rveil ou d'un tlphone. Le terme dinsister est maladroit en ce sens quil semble introduire une autonomie du champ de la production deffets sur le Je. Mais lambigut est encore plus grande quand Husserl dit : ce qui se dtache ... nous frappe ... cela veut dire quil dveloppe une tendance affective dirige vers le Je . Le terme de tendance appartient la psychologie de lpoque et sest rvl peu clair dans le sens o il prte une force immanente, finalise, un sujet, mais il est pire quand on lattribue un objet, un stimulus. Or tout le 17 est structur par la notion de tendance ! ? Le dernier pas est celui de dirige vers le Je qui parachve lide dune intentionnalit propre au stimulus qui se dirige et pas nimporte o mais vers le Je ? Comment comprendre ce langage ? Comment traduire ce langage dans des termes qui se prteraient une vrification exprientielle ? Ny a-t-il pas l une confusion entre le plan objectif et ce que le sujet attribue, prte ce champ, sans que cette interprtation finaliste doive tre prise au srieux ? Ou bien effectivement on passe sur le plan de la pense magique, attribuant aux choses et au monde des intentions qui nous visent, ce type dinterprtation est usuel dans de nombreuses cultures, y compris la ntre, mais est-ce cela quHusserl voulait dire ? Comment trancher entre ces diffrentes interprtations ? Faut-il simplement le faire ou laisser dans lombre cette partie de la modlisation ? 2.2 Le second membre de linteraction : le Je Passons du ct du Je, le second membre de l'interaction. * Le Je est dcrit comme tendanciellement tourn vers le champ et quil a une tendance sadonner cette stimulation , ce qui parat acceptable, quoiquon ne voit pas ce qui pourrait permettre de confirmer ou dinfirmer cette dclaration, sinon quil faut bien conceptualiser le sujet comme un systme stable et ouvert (formulation

  • cyberntique reprise par la thorie opratoire de J. Piaget). Ce que dclare cette phrase cest que le systme est ouvert la stimulation, il est constitutivement organis par une protension principielle (c'est--dire que dans tous prsent vivant, il y a simultanment une ouverture, un contact, une conservation provisoire du juste pass) et il est aussi auto gnratif (il ny a pas besoin de lui inventer un moteur, une source de changement, cest semble t-il une proprit du vivant que le mouvement au sens le plus large soit spontan) ; le qualifier de tourner vers cest peut-tre aller trop loin dans le sens o il est difficile de concevoir un autre choix que d'tre dans le monde, et donc en relation avec quelque champ de stimulation possible en permanence. Pour le moment cest une phrase qui napporte pas grand-chose. * Husserl rajoute que le Je est attir , que le donn exerce un attrait sur le Je, que le Je a tendance sadonner cette stimulation . On a donc l une escalade vers lattirance, voire laddiction du Je pour la stimulation, mais l encore quoi cela pourrait-il sopposer ? En quoi dire cela est-il informatif ? Comment serait-il ncessaire de penser une consigne exprientielle pour quelle permette de formuler des questions qui nous permettraient de confirmer ou dinfirmer une telle description ? Il est vrai que si je rintroduis lhistoire du sujet, je vais montrer facilement en troisime personne que certaines informations, certains signaux sont dtects de faon plus prcoce suivant le sens, la motivation, les besoins du sujet, toutes variables que lon peut aisment manipuler exprimentalement. Mais il me semble qualors nous ne sommes plus au mme niveau de description quHusserl, il sagit de la smantique du champ, de sa valeur pour moi. Je me souviens d'avoir sjourn au mois de mars dans une maison de village mal chauffe, sans provision de bois. Toutes les promenades, tous les dplacements pied ou en voiture se transformaient involontairement en dtection dindices bass sur : a se brle, on peut le ramasser , a ne peut pas se brler , a ne peut pas se dbiter ou se transporter le monde se rsumait la proprit de pouvoir tre amen dans la chemine ou non. Mais ce nest pas un attirer-vers un sens gnrique comme le suggre Husserl, cest un attir-vers motiv par des circonstances. On sait que tout organisme mis dans un environnement nouveau a une activit dorientation et dexploration, est-ce de cela quil sagit ? Quest-ce que veut dire Husserl quand il prcise (avec en plus la modalisation : pour ainsi dire ) que le Je se porte pour ainsi dire au-devant de la stimulation ! Surtout dans le cadre du moment o le Je nest pas encore dans une activit intentionnelle, na pas encore de maintenir en prise, de vise ? Ne suffit-il pas de dire que les proprits fondamentales du Je sont dtre organis, ouvert et dynamiquement stable ? Peut-on lui prter des tendance en plus ? La question serait : si lon fait abstraction de lhistoire du sujet, pourrait-on montrer quil est plutt neutre, simplement ouvert ce qui est possible, ou quil aurait une tendance , ou quil naurait pas tendance ? Le second membre de linteraction est semble-t-il analys dune faon tendancieuse par Husserl, mais comme on peut lui prter avec certitude le fait que l'auteur nest pas sot, la question demeure : ces dterminations problmatiques du Je avant son veil ont-elles un sens particulier qui maurait chapp, ou bien est-ce lempreinte non questionne de la psychologie et des thories de son poque ? [ De plus, je ne dcouvrirais et ne prendrais conscience que trs tardivement la toute fin de la rdaction de ce texte, du fait qu'Husserl fixe l'attention sur le fonctionnement du Je, sans jamais donner une dfinition satisfaisant du Je, sans jamais prciser qu'est-ce qu'il entend par Je. Ce vide dfinitionnel, me conduit le remplir de mes prsupposs de psychologue et traiter ce Je comme un sujet, je ne crois pas que cela soit le sens que lui donne Husserl. Mais la question du Je comme ple des vcus semble tre une question trs controverse au sein des publications philosophiques. ]

    3 La dynamique de linteraction Quelle que soit la valeur de lanalyse des deux lments en interaction, il nen demeure pas moins quil y a une interaction et quelle se droule suivant trois tapes : un processus avant lveil du Je ; puis un passage, un point de changement et dapparition comme rsultat dun lment nouveau : lveil du Je qui est donc le point de convergence de lanalyse ; un nouveau processus comme prolongement possible ayant elle-mme sa dynamique propre esquisse en 3.7.2 et 4 en entier. 3.1 Avant lveil du Je Le droulement de cet avant lveil du Je est modlis par Husserl : - comme se droulant de manire graduelle et non binaire : une tendance gradue relie les phnomnes , cette orientation-vers elle-mme est dabord un processus intermdiaire : le se-tourner-vers sachve avec ltre du Je auprs de lobjet, et sa saisie par contact .

    - ce qui introduit une temporalit, un tempo, un rythme dans le droulement de linteraction,

    - des tapes qualitativement diffrentes :diffrencies par le fait que linsistance a des degrs , quelle peut avoir des liens avec dautres moments de limpression, comme la continuit de la mise en relief, lintensit, et dautres moments plus mdiats ... .

  • - des esquisses de lois qui rendent compte de cette dynamique : linsistance est conditionne par le mode plus ou moins net du senlever-sur , plus forte est cette affection, dautant plus forte la tendance sy abandonner , le Je ne cde pas forcment ,ou le Je ne sabandonne pas ncessairement tout entier . Sur tous ces points, il faudrait produire nos propres descriptions pour voir si notre modlisation recouperait celle dHusserl. Dautre part, certains points ne prsentent dintrt que si on peut en prciser la formulation et les paramtres, car sinon ce nest ni vrai ni faux simplement trop vague : par exemple la gradualit, pourquoi pas, mais si on n'en passe pas dans la description empirique ... ; ou bien lexistence dun tempo ... pourquoi pas ... 3.2 Le point de passage Un lment nouveau se fait jour quand le Je cde la stimulation 3.1 , le se-tourner vers sachve avec ltre du Je auprs de lobjet, et sa saisie par contact 3.5, une nouvelle tendance a fait son apparition : une tendance issue du Je et dirige sur lobjet3.6 , laccomplissement de lorientation-vers est ce que nous appelons ltre-en-veil du Je 5.1 . Ce qui est nouveau cest lexistence dun changement qui prsente plusieurs facettes simultanes : 1/le Je sabandonne la stimulation, 2/ il saisit par contact cet objet, 3/ cela saccompagne de modification de la position du champ et de modification qualitative des vcus, 4/ enfin une tendance nouvelle fait son apparition issue du Je et dirige sur lobjet que lon peut qualifier dactivit lan-vers accompli et issu du Je et qui rsulte de ce qui prcde. 1/ Ce qui est un peu troublant cest lhsitation dHusserl entre un langage descriptif passif : le Je cde la stimulation 3.1, il sy abandonne plus ou moins 3.2 , avec cet abandon du Je lobjet 3.6 et un langage actif, ou ambigu limite dune interprtation soit passive soit active, qui peut tre entendue comme signifiant un choix volontaire3 : 7.2

    le Je consent ce qui lui advient et laccueille en soi . Dautant plus que cette seconde formulation arrive au moment o Husserl rinterprte la passivit comme le degr infrieur de lactivit ? ! Consentir semble clairement relever dun choix, dune dcision, mme si cest relativement quelque chose que lon peut concevoir comme simposant de par sa seule intensit. Il serait intressant de revenir sur nos propres descriptions de manire dterminer sil y a plusieurs types de passages possibles ou un seul et sil relve dun choix ou non. Il me semble que l encore il y a la matire une exploration exprientielle prpare et structure par une question relativement prcise. 2/ Lachvement de ce mouvement interactif est dcrit : avec ltre du Je auprs de lobjet, et sa saisie par contact 3.5 qui nexistait pas auparavant. Quand Husserl parle de ce moment il le fait quasiment toujours en termes de mtaphore kinesthsique : saisie, maintenir, contact, tenue, retenir. Javoue que cela me sduit dans la mesure o jai tendance personnellement faire de mme, et trouver trs commode ces mtaphores (non, plus que commode, je les value comme tant subjectivement adquate la description de mon exprience). Alors que dautres mtaphores du monde intrieur de Husserl ne me conviennent pas du tout : comme ce pass qui pour lui invitablement tombe ou retombe , ou comme ces exemples qui quand ils sont encore vagues flottent devant lui. Cependant, il est clair que cette formulation est et reste une mtaphore et quil est difficile de savoir quen faire du point de vue scientifique. En fait quelle que soit la mtaphore employe, quelle soit kinesthsique, visuelle, auditive ou autre (on pourrait faire une enqute, ne serait-ce que pour montrer que la mtaphore kinesthsique nest quune des mtaphores possibles et ne correspond pas un trait dessence, mais une variante possible du vcu de modification) la question est de savoir sil existe effectivement un seuil, un point col, un point de changement subjectivement identifiable. Mais prcisment la nature du critre de seuil nest pas trs claire, sachant que la dynamique du sorienter-vers est elle-mme graduelle ( le Je sabandonne plus ou moins 3.2 ). A quel moment, suivant quels critres dterminer quil y a contact, veil-du-Je, qui nexistait pas auparavant ? Il me semble quil y a l des questions qui peuvent se prter une exploration base sur une approche exprientielle. 3/ Ce moment particulier saccompagne de deux modifications :

    3 On retrouve la mme ambigut dans ltude de la rtention dans les Leons sur la conscience intime du temps, entre le ct actif et volontaire du je le retiens encore du 8 et lanalyse exprientielle descriptive qui consiste dire que cest de la rmanence, que cela se tient tout seul, que cest li seulement au fait que le prsent nest pas un point, mais quil a une paisseur, et pendant ce moment l a se tient tout seul ; dailleurs dans e et j ny a-t-il pas une distinction entre le champ de passivit et la saisie, ou mme ici entre laffection et le se diriger vers ?

  • a) du ct du champ dune modification de position : 3.4 tendance de lobjet intentionnel passer de la position en arrire-plan la position face au Je ; ce qui est une formulation spatialement curieuse, moins quil ny ait un problme de traduction, puisque ici ce qui est oppos cest le fond juste devant, alors que ce qui semblerait plus juste spatialement ce serait lopposition sur le ct par rapport ce qui est devant, dans la mesure o un objet peut tre en face proche ou lointain, au premier plan ou larrire plan. Peut-tre la difficult provient de la rfrence privilgie la perception visuelle o lattention porte un objet intentionnel se traduit par une focalisation au sens physique damener lobjet dans le champ focal qui a le plus haut niveau de discrimination. Dune manire ou dune autre la prise en compte dun nouvel objet dans le champ saccompagne dun ajustement positionnel, spcifique la sensorialit implique. Est-ce l ce que vise Husserl ? b) du ct du vcu intentionnel on a une modification qualitative : 3.4 cest un changement qui est corrlativement changement de tout le vcu intentionnel darrire-plan en vcu de premier plan : le Je se tourne vers lobjet , ici nous ne sommes pas dans une mtaphore spatiale, mais dans une hirarchie dintrt. Larrire plan peut dj affecter sans que le Je ne soit tourn vers lui (ne le prends pas pour thme, ny porte pas intrt), avec le changement, les vcus darrire-plan deviennent (plus ou moins) des vcus de premier plan, sur le modle des distinctions propres aux mutations du passage de larrire-plan, au co-remarquer, ou du co-remarquer au remarquer secondaire, ou du secondaire au primaire dans lesquelles la fonction lective de lattention nest pas dabord spatiale mais hirarchisante : depuis ce qui est trs privilgi vers ce qui lest moins. Ce quexprime l Husserl parat sduisant au sens de convainquant de soi-mme, pourrions-nous vrifier si nous savons retrouver les mmes lments descriptifs, la diffrentiation entre changement de position de lobjet et changement dans la hirarchie dintrt est-elle pertinente, puise-t-elle ce que lon peut dcrire qui nous paratrait essentiel pour saisir les traits caractristiques des changements ?

    4/ Enfin, appartenant ce point de passage et simultanment au dbut de la suite apparat une activit nouvelle du Je comme orientation active-vers, (le Je se tourne vers lobjet), dans laquelle apparat un 3.7.2 cogito en acte (donc pas un cogito au sens rflexif, un cogito en acte est encore un cogito pr rflexif), et tout cogito est un lan-vers accompli par le Je et issu du Je . Il sagit donc bien dun passage sans ambigut une activit du Je, un lan vers. Le terme dattention nest pas prsent dans ce paragraphe, mais toute la dmonstration a bien pour but dtablir lapparition de cette nouvelle tendance qui se confond avec un changement de direction de lattention (cf. p 70). Comme dans la question prcdente il peut tre questionn exprientiellement la possibilit de discriminer un avant lorientation active et dbut dengagement dans lorientation active. Ce qui est problmatique cest ici lintroduction dune causalit : 3.7.2 Lorientation-vers comme action qui rsulte de la tendance ... . Le terme rsulter introduit un sens plus prcis la dmarche dHusserl. Cette gnalogie est une manire de montrer que ltape 1 est antrieure ltape 2, quil y a donc un prcurseur plus proche de loriginaire, mais de plus que ltape 2 est cause, rsulte de linteraction qui a prcd (pas seulement la tendance du je tre attire par les objets, mais aussi la tendance des objets insister auprs du Je ? ?). Il me semble quil y a l un point qui na pas t questionn sur le statut exact de la dmarche gntique sur sa valeur descriptive / explicative, sur le modle dexplication comme recherche des causes qui sy introduit. Car pour tablir une cause, il faut plus quune relation de succession, il faut tablir la nature du mcanisme causal. Il y a l non pas une question exprientielle mais une question thorique clarifier. 3.3 Dveloppements possibles de lorientation-vers. Lessentiel est fait, le passage a t analys, expliqu, louverture vers toutes les conduites plus complexes est opre. Mais avant de passer aux niveaux immdiatement suivants : la saisie simple et la saisie explicitante, Husserl prends le temps de dtailler leffectuation possible de cette orientation-vers naissante, ce qui va lui permettre en particulier travers les modalisations de cette effectuation de rendre compte de leurs effets pour rendre compte de la gense de la ngation, de la possibilit etc. i/ pour les modalisations, cest peine esquiss et renvoy aux venir 3.7.2 Cette effectuation peut tre empche ou non empche, plus ou moins parfaite, de tout cela nous aurons parler de faon dtaille. ii/ de la mme manire que la force de la tendance en tant que stimulation avait des variations dintensit, un tempo variable, la force de ce qui sensuit peut 4.3 Corrlativement, la nature et le tempo de ce qui sensuit peuvent prsenter des diffrences analogues , cependant Husserl suggre une rupture entre les variations de la stimulation et celles de la seconde mais sans que ces diffrences soient dtermines par les premires . Et il prcise : le Je ne sabandonne pas ncessairement tout entier une stimulation puissante : il peut ladmettre suivant une intensit variable. Certes, laugmentation de la force affective est dtermine ncessairement par certaines altrations du mode de la donne perceptive de lobjet ... mais un tel mode de donne ne suffit pas lui seul susciter une orientation du Je. ... et mme si lon subit une contrainte momentane, il se peut que ce ne soit quune orientation

  • secondaire, marginale, un tre-emport, un raptus strictement momentan ne saccompagnant pas dune attention dtaille . Husserl donne plusieurs concrtisations illustratives pour mettre en valeur cette indpendance possible entre les proprits de la stimulation et le devenir de lorientation du Je. - par exemple, le sifflement dune locomotive qui passe devant nous (4.4), cf. aussi p 70 laboiement dun chien qui retentit nos oreilles sans que nous lui ayons antrieurement prt attention, ni que nous nous soyons tourn vers lui pour le prendre pour thme. - On ne fait pas attention une stimulation puissante si lon est en conversation avec une personne importante ... Si je me place avec lil du psychologue, il manque ici la dimension inhibitrice de lattention, et de manire gnrale la dimension du contrle qui nest esquisss que par ses rsultats (le Je ne sabandonne pas ncessairement tout entier, ou le rle du contexte : si lon est en conversation avec une personne importante, donc si on maintient son attention ce qui est le plus fortement motivant, mais pour cela on voit bien quil faut un mcanisme qui permette de grer lorientation de lattention malgr les sollicitations parasites). On a donc ici une modlisation de lvolution possible du sorienter-vers qui est caractrise suivant trois paramtres : 1/ ses modalits, 2/ ses variations en intensit, suivant un tempo variable, 3/ sa dtermination indpendante de ce qui lorigine. Arriver ce point de lanalyse du 17 on peut voir que dans la sance du sminaire de pratique phnomnologique nous avons choisi dtudier de manire exprientielle ce qui tait le plus facile et le plus suggestivement indiqu par la prsence dexemples (de concrtisations illustratives). Le plus facile, parce quil est plus ais de travailler avec lorientation-vers une fois accomplie que danalyser ce qui nest pas encore apparaissant dans linteraction insistante ; plus suggestif, parce que les concrtisations nous tendent les bras pour, non pas inventer une exprience, mais transposer celle qui nous est suggre par la concrtisation. Dans un premier temps notre exprienciation a donc port sur le contrle de lattention principale par rapport ce qui pouvait simposer elle de manire transitoire : se laisset-elle entraner, comment sopre le maintenir sur le thme principal, comment sefface, disparat, est lche, la stimulation passagre ? Mais bien sr le fait quun nouvel lment du champ merge, senlve sur larrire-fond permet de revenir sur la premire partie de lanalyse : la dynamique du senlever dun nouvel lment nous met au dfi den retrouver la trace la plus originaire, dont nous savons quelle nest accessible qua posteriori. Reste savoir si nous avons des lments de description sur le passage, lapparition de lveil-du Je vis vis de la nouvelle stimulation ?Ce qui mapparat maintenant en formulant ces questions aprs coup cest quil aurait t ncessaire de faire ce travail dtude du texte avant le sminaire de manire se retrouver de plain-pied avec lensemble des questions possibles et pouvoir la fois choisir lexprienciation en connaissance de cause des possibles, mais aussi en reprant les questions qui se poseront de toutes manire. Je veux dire que quel que soit le point dentre toutes les questions se reposent un moment ou un autre pour autant que nous les ayons identifies comme tant des questions se poser. Une des fonctions de la lecture attentive des textes dHusserl est de reprer travers le cheminement de son analyse et lexpression des rsultats partiels quelles sont les questions auxquelles il essaie de rpondre et quil estime ncessaire daborder. Dans la mesure o ce travail est dj fait, il serait important de sen approprier les rsultats pour pouvoir en vrifier le bien-fond, et ventuellement se poser les questions qui nont pas encore t souleves. Bien sr, il nest pas inintressant de faire notre propre trace, mais en ce moment cela me fait penser une recherche empirique qui naurait pas fait le tour des rsultats dj prcdemment tablis ! Avant de revenir sur nos propres descriptions et ce quelles rvlent, finissons dindiquer le contenu du 17 jusquau bout. Juste pour rsumer tout ce qui prcde : nous avons trois grandes questions de recherche correspondant aux trois tapes : avant lveil, lveil, le dveloppement de lveil : 1/ Sommes nous capables de dcrire linteraction avant lveil ? Le faisons-nous dans les termes dHusserl ? La description des lments en interaction, de leur dynamique, lvolution de linteraction. 2/ Pouvons-nous dcrire le passage lveil du Je. Quel critre pour ltablir ? Est-ce une saisie ? Est-ce un contact ou autre ? 3/ Quelle est la dynamique de lvolution de ce qui vient de senlever-sur ?Comment le Je le gre par rapport lensemble de ce quoi il porte attention dans toutes les modalits de la structure du champ et de la fonction lective de lattention. Mais aussi comment se gre linhibition, le contrle des directions principale et secondaire de lattention ?

    4. La fin du paragraphe : dfinitions ltre en veil du Je, rceptivit du Je, concept normal dexprience. Ces trois derniers paragraphes posent des dfinitions. Ce qui chez Husserl est toujours intressant noter puisque chaque dfinition fixe devient opratoire pour la suite dune manire trs cohrente dans le style des mathmaticiens.

  • 4.1 Dfinition de ltre-en-veil du Je. Laccomplissement de lorientation-vers est ce que nous appelons ltre-en-veil du Je 5.1 ; et plus loin : lveil consiste diriger le regard sur quelque chose ce qui est lexacte dfinition de lattention comme fonction lective. 4.2 Dfinition de la rceptivit du Je. En tant que le Je accueille en soi ce qui lui est pr donn travers les stimulations qui laffectent, nous pouvons parler de rceptivit du Je (6.1). La question qui se pose dans cet change de synonymes accueillir = rceptivit, est de savoir comment est tabli le sens daccueillir ? Lactivit du Je comprend tous les actes issus dune manire spcifique du Je comme ple (7.1) et par rapport cette dfinition dont je naperois pas bien la valeur oprationnelle la rceptivit est conue non pas par opposition lactivit, mais comme le degrs infrieur de lactivit (infrieur par rapport quelle proprit dailleurs ?). Ce qui conduit Husserl passer du terme accueillir quil a utilis jusquici et qui est un peu ambigu (la fonction daccueillir peur se concevoir dans un continuum dactivit, passivit) au terme plus activement connot de consentir. Avec cette belle synthse qui brouille les cartes : Le Je consent ce qui lui advient et laccueille en soi. Javoue que pour ma part je ne me sens pas trs clair. Peut-tre cette lambigut est-elle constitutive de ce point de passage de lamorce du sorienter-vers ? Dans le style inimitable dHusserl, ce dernier nous fait la faveur de deux exemples qui sont plutt me semble-t-il des illustrations des consquence de ce qui vient dtre dit rattach aux domaines de la perception externe et du souvenir. Ainsi distinguons-nous par exemple sous le terme de percevoir, dun ct le simple avoir-conscience-de ... de cette faon un champ de perception complet se trouve plac devant nos yeux dj dans la pure passivit (7.3/4) et dun autre ct la perception active comme saisir active dobjets qui senlvent dans le champ qui les dborde (7.5). Extension la mmoire : de mme nous pouvons avoir un champ de ressouvenir dans la pure passivit dj , mais l aussi le simple apparatre du souvenir nest pas encore sa saisie active ... (7.6 et 7.7). 4.3 Dfinition du concept normal dexprience Cette dfinition fait chos dautres discussions introduites par Husserl la fois dans lintroduction d Exprience et Jugement et dans Logique formelle et transcendantale qui devait lui servir dintroduction. En ce sens le concept dexprience est un grand enjeu puisque prcisment il renvoie la couche originaire et que son sens courant lui, renvoie la premire couche dactivit, celle ou lorienter-vers, ou lveil du Je est dj fait. Ce paragraphe a donc aussi pour but de diffrencier entre le sens courant et le sens technique dexprience : Manifestement, le concept normal dexprience (perception, souvenir, etc.) vise lexprience active qui se parachve ensuit en ex-plication (7.8) .

    La ractivation exprientielle

    Tche retenue A partir dun travail de commentaire du 17, nous avons choisi un cadre dexprience. L'ide de base tait d'couter quelqu'un qui s'exprime, donc de fixer notre attention (de prendre pour thme) sur son discours, dans le fait de suivre ce qui est dit et de le comprendre et en mme temps d'observer comment des lments du champ (externe / interne cela n'a pas t dlimit) auxquels nous ne prtons pas attention, que nous ne remarquons pas, peuvent se dtacher de larrire fond, voire s'imposer nous, peut-tre modifier le cours de l'orientation de notre attention, ou mme modifier le thme et nous faire prendre un nouveau thme. L'exprience a t propose une premire fois dans la foule de l'change prparatoire ce que voulions faire : Vous qui m'coutez, .... pouvez-vous en mme temps orienter votre attention vers ce qui traverse votre champ de conscience, ce qui s'enlve sur l'arrire-fond tout en continuant suivre ce que je dis et mme participer la discussion ? Puis aprs un change sur la manire de cadrer le protocole d'exprience nous dcidons de refaire l'exprience "pour de bon".

    Description de ma propre exprience Je suis dans un cas un peu particulier parce que dans la premire exprience, je ne faisais pas qu'couter, mais je parlais en mme temps que j'ai cherch dplacer mon attention pour pouvoir contenir en mme temps ce que je faisais et la conscience de ce qui traversait l'arrire fond et qui se dtachait par moment de faon la fois trs nette et transitoire. Je reproduis mes notes ci-dessous, j'ai pris un exemple o pendant que je parle un bruit de mobylette m'est devenu apparent, le bruit a t progressif puisque l'engin arrive du bout de la rue qui est en sens unique et le dbut de la possibilit physique de l'entendre est assez loin puisque la rue est longue et que nous sommes loin du dbut. C'est un point important considrer, puisque contrairement au champ visuel qui est dj l en pleine actualit pour ce qui rentre dans mon

  • champ visuel, le son est progressif , il va entrer dans l'arrire fond la fois spatialement, physiquement, avec une intensit progressivement croissante, et intentionnellement. En fait c'est le cas de toute les stimulations sensorielles transitoires qui physiquement s'teignent : un visuel en mouvement (objet ou image sur un cran par exemple), un son , une musique, une odeur ou une saveur, une pression , un contact sur la peau ou le corps travers les vtements. Finalement le visuel statique est trs particulier, dans le sens o il est le seul tre immobile et permanent. Fac-simil de ma feuille de note, rdige la fin de lexprience en mme temps que tout le monde avait la consigne dcrire, ce qui nous a prit peu prs une demi-heure. Jai repris les mots exacts et la prsentation spatiale y compris la numrotation. Au moment de lcriture nous navions encore eu dchange verbal entre nous sur le contenu de nos expriences personnelles. 1- quand je parle en faisant attention ce que je dois dire (je l'labore, je suis actif) alors il y a peu de choses qui

    me dtournent. 2- Quand j'coute, les focalisations annexes semblent s'imposer partir d'une certaine dorce, intensit (pour le

    son), et dans le juste aprs-coup je mesure ce qui prcde, comme si partir de maintenant j'entendais ce qu'il y avait avant, pour le viusel cela semble diffrent.

    Si j'essaie de remonter encore plus en amont, j'ai l'impression que le son avant d'tre son, est comme une forme-mouvement, qui se lve et vient vers moi, grise, comme une boule, et j'en associe la comprhension au sentiment intellectuel, au fait que je ne suis pas tourn dans le souvenir vers des formes sans contenu objectif prcis. Mais ds que je m'accorde sur ces signaux alors il est manifeste par exemple qu'il y a un prcurseur non sonore du son - du moment o le son est saisit. Au moment de la saisie, l'exemple que j'voque et que je reproduis chaque passage dans la rue, me montre qu'il y a une intention de ne pas garder qui est prsente, de ne pas adhrer, de ne pas retenir, qui pourrait tre autre, soit que j'y aurais de l'intrt, soit que je manquerais de dtermination. L'aspect prcurseur ne m'est pas apparu immdiatement, mais comme dans une prsentification du moment de la saisie qui donne en mme temps " la vole", au passage, fugitivement, une indication qui ne peut tre qu'entraperut, qui ne peut pas tre fix. . prcurseur dans l'ombre de ce qui est saisit, qualit de l'acte de saisir/acceuillir parce que cela s'impose mais de ne pas retenir, rythme de la fluctuation ? aspects qualitatifs de l'mergence suivant la saillance du stimulus.

    Amplification et commentaire de ma description En rsum, la lecture du 17 nous a donn trois grandes questions de recherche correspondant aux trois tapes : avant lveil, lveil, le dveloppement de lveil : 1/ Sommes nous capables de dcrire linteraction avant lveil ? Le faisons-nous dans les termes dHusserl ? La description des lments en interaction, de leur dynamique, lvolution de linteraction. 2/ Pouvons-nous dcrire le passage lveil du Je. Quel critre pour ltablir ? Est-ce une saisie ? Est-ce un contact ou autre ? 3/ Quelle est la dynamique de lvolution de ce qui vient de senlever-sur ?Comment le Je le gre par rapport lensemble de ce quoi il porte attention dans toutes les modalits de la structure du champ et de la fonction lective de lattention. Mais aussi comment se gre linhibition, le contrle des directions principale et secondaire de lattention ? Je vais reprendre ma description en suivant le fil de ces questions. Ce qui va me conduire amplifier mon criture, dans la mesure o la premire rdaction ne cherche pas rpondre des questions aussi structures. Par contre, la reprise de mon exprience avec ces questions, me conduit rendre explicite des informations prsentes implicitement pour moi dans ce que j'avais crit mais non dveloppes. En particulier, dans la premire paragraphie qui suit je dcris maintenant ce qu'tait l'ant-dbut de l'exprience, sa mise en place. Elments contextuels de mon exprience : linitialisation de lexprience, lattention phnomnologique.

  • Dans lexemple que jai choisi de prsenter, je suis occup ce que je suis en train de formuler, et en mme temps que je continuais parler, je me suis mis en projet de porter attention ce qui peut advenir dans lentour, de ce qui peut apparatre de nouveau (des sons, des images, des sensations, des penses, des motions, des modifications nergtiques) qui ne rentre ni dans ce que jai dcid de prendre pour thme : c'est--dire la discussion de la mthode que nous allions suivre, ni dans ce qui lui est directement priphrique comme faire attention aux ractions non verbales des autres participants, reprer si quelquun veut prendre la parole etc. Pour raliser cette posture jai modifi mon rapport au monde. Jai largi mon ouverture attentionnelle, ma vise, en essayant de contenir/accueillir dautres informations que celles auxquelles je suis attach pour accomplir ce que jai faire. Je suis donc attentif ce qui pourrait simposer moi comme stimulation venant de lextrieur et ce que cela me fait lintrieur. Pour moi, il ne sagit pas dun ddoublement, ou dun retour sur moi, mais dune amplification, dun largissement ; en mtaphore spatiale, au lieu quil y ait seulement un faisceau trs troit centr seulement sur ce jai pris pour intrt, ignorant et minimisant le reste, je fais un effort (cela ne va pas de soi, il y faut une dtermination, et un soutien pour conserver cette nouvelle posture intrieure, en mme temps ce concept deffort nimplique pas un gros effort, une contrainte pnible, mais au contraire un effort lger qui ne demande pas trop de ressources, qui ne demande pas trop dattention pour tre maintenu, ce qui si ctait le cas interfrerait et perturberait lattention principale, il s'agit d'un effort qualitativement lger et pourtant trs soutenu) et jlargis la possibilit de faire attention en plus du reste larrive de nouveaux objets intentionnels dans le champ global. Pour faire lexprience propose, je suis donc conduit modifier profondment mon rapport au monde et moi-mme. Les expriences de lan dernier o diffrentes reprises javais propos aprs coup de prendre pour objet dattention, ce qui stait pass avant que lon prenne la dcision de faire attention sur le mode phnomnologique, nous ont montr que si nous navions pas de projet dobservation (c'est--dire de diriger notre attention sur tel ou tel objet, tel ou tel fragments ou moments) il tait encore plus difficile de restituer quoi que ce soit. J'aurais envie d'appeler cette attention particulire une attention phnomnologique.

    Lexprience : stimulation sonore graduelle : un bruit de mobylette. Je fais l'exprience de lapparition dans le champ dun nouvel lment : un son de mobylette qui lorsque lengin passe devant limmeuble simpose moi par son intensit dsagrable puis sloigne. Cest un cas particulier dans le sens o la dynamique du son est progressive, le bruit samplifie au fur et mesure que la mobylette se rapproche du n38 en venant depuis le dbut de la rue. Il y a une confusion possible entre la dynamique de linteraction rpute graduelle par Husserl et la dynamique propre de la stimulation qui est elle-mme graduelle. Si jessaie de suivre le canevas de questions dgag de la lecture du 17, je peux dans cette exprience envisager successivement mes propres lments de rponses partir des bribes de ma description initiale :

    1/ La dynamique de linteraction dans le champ de pr donation Je nai en ralit pas pu faire autrement que dcrire ce point en un tout dernier4 temps, je le rinsre en tte de mon analyse pour en faciliter la lecture. La premire question tait dordre mthodologique : est-il possible daccder dans la posteriori, aprs que lveil du Je se soit opr ce qui en est le prcurseur ? Husserl dans le passage 2.3 du 17 rpond par laffirmative sans avoir besoin dargumenter, tout en ayant besoin de daffirmer que cest possible. Quen est-il pour nous, pour moi ?

    4 Invitablement, jai termin par ce commentaire, par ce qui est le plus dlicat dcrire puisque il se situe en amont des trois autres points que je vais dcrire ensuite, dans la partie pr , pr rflchie par dfinition, donc pr donne dans le sens dantrieur tout acte intentionnel, antrieur selon Husserl lveil du Je, la possibilit de tourner son regard, qui prsuppose lobjet intentionnel dj constitu et accessible la saisie ex-plicative (explicitante).

  • En fait dans les lments de compte-rendu que jai not tout de suite aprs, cest le point qui ma le plus intress et que jai essay dexplorer assidment. Il sagit donc dexercer une activit qui me permette aprs coup de saisir un temps qui est objectivement dterminable (depuis le moment o la mobylette a tourn le coin de la rue jusquau moment o jai vcu quelle simposait moi), mais par rapport auquel dans une premire phase de restitution je nai rien dire. Autrement dit, comment est-ce que je my prends pour tenter de retourner en de du moment (si ponctuel) ou de la plage (si graduel) du passage l'veil ? Quand jai travaill sur la dtermination dun tel passage dans mon exprience, jai remarqu quen fixant mon attention sur le moment qui est au-del de l'veil, quand le remarquer du son est dj bien assur, en le prsentifiant de manire ce quil se redonne moi dans un remplissement intuitif vivant, alors mapparaissait comme accol , comme dans lombre immdiate (que je situe mentalement dans une image comme tant sa gauche dans un mimtisme avec la structure de lespace rel), un son comme un bourdonnement lger, comme une prsence sonore faible et non identifie. Ce qui ma frapp cest que je ne peux pas prsentifier ce bourdonnement sans me redonner dabord le moment plus saillant qui le prcde, un peu comme si jtais condamn une progression rflchissante rebours. Progression que je vis comme fragile maintenir dans la prsentification. Arriv ce point, je me suis demand sil tait possible de reconduire le procd : y aurait-il un prcurseur du prcurseur qui me serait accessible ? Et ma rponse a t spontanment : non. Dans le sens o il me semblait que jtais la limite de ce qui mtait accessible a posteriori. Un peu par dfi, et un peu en me basant sur la connaissance thorique selon laquelle "le sujet ne peut pas savoir quoi il peut accder dans le domaine du pr rflchi tant quil ne la pas tent", puisque le propre du prrflchi est de ne pas apparatre celui l mme qui la vcu tant quil ne la pas conscientis, et donc de napparatre dans un premier temps que comme un vide, une absence de contenu, une absence dexprience. Et donc, par dfi, je me suis demand de rechercher sil y avait un prcurseur du prcurseur qui pouvait mapparatre ? Je me le suis demand verbalement (dans une parole intrieure), choisissant de me traiter comme un autre, et me donnant en quelque sorte une consigne de travail pleinement formule, puis attendant (mettant mon activit en suspens) pour dcouvrir ce qui se passait. Et je dois dire que cela a fonctionn : accroch dans lombre du bourdonnement, il ma sembl fugitivement entrapercevoir un murmure qui se dtachait trs faiblement du fond sonore des bruits de la rue. Mais l encore, il ma sembl que cette impression ne se donnait qu la faveur dun accrochage lombre du bourdonnement. Avec simplement une attitude d'coute intrieure encore plus attentive, plus soigneuse, comme si je pouvais dans le ressouvenir tendre loreille pour saisir un filet presque imperceptible de son. Pouvais-je aller plus loin ? Sans y croire, jai tent de renouveler la manuvre que jai dcris prcdemment, dans lesprit de me dire : au moins jaurais essay ! Dans un premier temps, il ma sembl quil ny avait rien dans lombre-attache-au-murmure-relie-au-bourdonnement-attach-au-son-de la mobylette. Puis je me suis demand, un peu sur le principe des nouvelles questions que nous avions explor dans le cadre du GREX lors des ateliers du mois daot5, sil y avait encore autre chose dcrire cet endroit, quelque chose qui sous-tendait, ou quelque chose de diffrent de ce quoi je mattendais ou que je recherchais. Ce qui mest alors apparu, cest une impression non-auditive, c'est--dire que le prcurseur, le plus antrieur mapparaissait accroch au reste, comme une forme venant de ma droite, comme une forme-nergie de couleur grise, venant dans ma direction (forme parce que cela se donne moi comme une image mentale visuelle, nergie parce que cette forme me pousse , me touche, viens vers ma position). Ce qui mapparaissait tait donc un prcurseur visuel-ressentit dune stimulation sonore avant quelle devienne subjectivement un son. Donc, au point o jen suis rendu de la description de linteraction dans la pr donation, la premire rponse qui vient est quil mest effectivement possible de retrouver a posteriori des vcus prs rflchis, non conscientiss au moment mme o ils taient vcus. Du point de vue de lanalyse de linteraction, sur le versant du champ perceptif, je retrouve pour ma part trois prcurseurs par rapport au moment o je me suis orient-vers le son en lidentifiant simultanment comme bruit de mobylette. Donc une gradualit de la pntration dans le champ, de la dynamique du senlever-sur le fond, dtermin me semble t-il essentiellement par la gradualit du stimulus lui-mme

    5 Cf le n spcial dExpliciter consacr au Sentiment intellectuel , n27, dcembre 98.

  • puisquil est clairement croissant, et par ses implications fonctionnelles puisquil rentre dans mon activit par son ct gnant, dans le sens o les bruits extrieurs font concurrences mon activit de parole et dcoute. Quelles sont les proprits de ces trois prcurseurs (les moments dpendants). Les deux premiers (bourdonnement, puis avant murmure) sont indubitablement 1/ de lordre du sonore, quoique attnu. Il me semble que rtrospectivement je peux dj identifier le bourdonnement comme 2/ un bruit mcanique par opposition par exemple un bruit musical (mais jai vaguement limpression quil y a des lments contextuels qui font que je prjuge quil sagit de ce genre de chose), ce bourdonnement se redonne moi comme 3/constant, 4/ sans rythme, 5/ laminaire, et comme un son 6/ de basse, il me semble encore avoir dj 7/ une direction ou une zone dorigine, cela vient dans mon oreille droite oriente vers ce qui peut venir de loin de la rue, y compris depuis le dbut (cest la limite physique des sources de bruits ordinaires possibles). Pour le murmure qui le prcde et qui lui est accol dans mon exprience, lidentification est incertaine, ressemble une basse lorgue, une vibration, mais la localisation est dj prsente. Ce qui est encore plus antrieur ne mapparat pas comme de lordre du sonore, cela a dj une vection, une direction, comme une proprit dappuyer dj sur moi, dexercer dj une affection. En ce qui concerne ce qui est le plus lointain prcurseur, il ne mapparat 1/ pas comme sonore, mais comme une 2/force ; avec 3/une vection, une trajectoire qui vient vers moi, et accompagn dune 4/ image visuelle dont je peux dcrire la forme de manire floue et la couleur. Par contre dans ce que je retrouve je nai pas dimpression quant au fait que lun conduise lautre et ainsi de suite jusqu lidentification et la saisie. Je sais intellectuellement que ce sont des prcurseurs, et jai vcu le fait de les dcouvrir comme tant accrochs ou accols ce qui se distinguait mieux, mais sans aucun sentiment de transition, ou de cause. Je ne suis mme pas sr que je puisse dire, partir de la prsentification de mon vcu, si jidentifie ces diffrents sons comme appartenant une mme source. Autrement dit, dans le langage husserlien je nai pas, mme rtrospectivement de remplissement intuitif relatif une synthse de recouvrement de type identit du mme. Dans mon ressouvenir, je ne peux mme pas dire que jai lintuition dune temporalit rgressive, ces tapes se redonnent moi sans structure temporelle intuitive. Intuitivement ce sont une succession de prsents ponctuels, sans coordination intuitive avec un avant et un aprs. Je sais que lune est avant lautre, cest dailleurs induit par la manire dont je my suis pris pour y accder (me traiter moi-mme comme un autre en me donnant une consigne linguistiquement pleinement exprime intrieurement). Mais il ny a aucune dynamique temporelle, aucune succession, aucune anticipation. Husserl distingue dans cette interaction deux lments, le champ et le Je. Dans ma description et mon retour rflexif/rflchissant le ple du Je ne mapparat jamais pour le moment comme donnant lieu description ? Si je fais retour sur le commentaire du 17, je me rends compte que cest un point que je nai pas questionn, jai accept le ple du Je comme acquit, tout en discutant sur le fait de lui attribuer une tendance tre attir par les objets , alors quil suffit de dcrire le sujet comme constitutivement ouvert. Cependant si je peux retrouver des prcurseurs du moment o il y a eu orientation-vers, cest bien que linformation correspondante a t traite par mon corps, par mes organes sensoriels qui ont t affects un niveau supra liminaire, et un dbut dactivit catgorielle, smantique. Le fait quun vcu soit encore pr rflchi nen fait pas un rien, le pr rflchi est dj affection minimale sinon je ne pourrais le retrouver ensuite, ou le crer par la prise de conscience (le crer au plan de la reprsentation, alors quil existait dj en acte). Si le Je est dj impliqu ce niveau, je ne vois pour ma part quil ne peut ltre que par la prsence la fois agissante et non consciente (sans conscience rflchie) de filtres catgoriels, de filtres lis sdimentation des vcus antrieurs (la sdimentation agissante na pas besoin quil y eut une prise de conscience de ces vcus pour tre active). Par exemple dans les arts martiaux distance : sabre ou karat par rapport au judo pour lequel le contact est assur ds le dbut, on peut apprendre se mettre en pilotage automatique , de faon laisser le corps rpondre sans focaliser sur ladversaire, et donc probablement le laisser traiter des informations bien avant qu'elles soie