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N’ oubliez jamais les codes de la spécialité. La mention «casino à 300 mètres» évoque davantage la distribution des yaourts que celle des jetons. La mer, visible les jours de visite, disparaît à jamais du panorama dès la si- gnature de l’acte chez le notaire. Le soleil était là quand vous avez acheté, il ne reviendra pas avant que vous ayez revendu. Un peu partout, les hommes essaient de monnayer ce qui n’appartient qu’à Dieu: le soleil, une forêt, une rivière, une colline et une situa- tion dominante au moins tant qu’il ne s’est pas produit un glis- sement de terrain. Cela dit, on ne possède pas une résidence secondaire mais on est possédé par elle. Normal: une maison avec laquelle on éta- blit un lien régulier se comporte comme une femme. Elle profite de la situation en exigeant sans cesse un surplus de confort et une rallonge des sacrifices. Le bâtiment d’abord. Si la maison est neuve, il faut en essuyer les plâtres. Si elle ne l’est pas, il faut lui offrir le ciment qu’elle réclame à tout propos pour col- mater ses brèches, gommer ses corrosions, oublier ses mal- façons ou pour jouer - plus ou moins légalement - la carte de l’extension. Les joies du contact avec les entrepreneurs Or, c’est quand on a résolu de régler les problèmes qu’ils s’ag- gravent. L’entrepreneur, qui avait mis six mois pour établir le devis correspondant à quatre jours de travaux, arrive enfin - l’année suivante - avec sa pel- leteuse. Mais ce n’est encore qu’une simple prise de contact, car ses ouvriers ne réapparais- sent pas le lendemain, étant oc- cupés à installer une autre pelle- teuse chez un autre client qui ne les reverra pas non plus avant de longs jours. Lorsque les ma- çons seront vraiment au pied du mur, cela en sera fini du calme à cause du bruit et de la propreté en raison de la poussière. Soyons justes: l’ouvrier ne de- mande qu’à œuvrer et il convient de ranger dans la panoplie des vieilles lunes la boutade d’un hu- moriste affirmant que la forme si particulière du sommet des py- ramides annonçait, dès la Haute- Antiquité, la baisse du courage chez les couvreurs. Quelques définitions Autres précisions: la mémoire de Sam Suffit, l’inventeur du stoï- cisme immobilier, est perpétuée dans le marbre à l’entrée de nom- breuses maisonnettes. La ferme se présente comme un vaste bâ- timent édifié autour d’une grande cheminée devant laquelle, avant votre incursion, se réunissaient les pratiquants de la jachère qui, une année, font pousser des lé- gumes et, l’année d’après, des subventions. Un château est une demeure construite par les anciens sei- gneurs à l’usage des nouveaux riches. Une bâtisse à laquelle, passé un portail rouillé, on accède par une allée bordée d’arbres cen- tenaires qui bruissent du même appel: «Il est beau mon château! Il est classé mon château! Qui veut mon beau château?». En fait, ce marché-là est surtout comparatif et rien n’encourage davantage le chaland que de savoir que, pour le prix d’un deux pièces-cuisine dans le 19 e (arrondissement), il lui est loisible de s’offrir une cita- delle du XVI e (siècle) avec douves, remparts, mâchicoulis et 15 hec- tares de bois comprenant 14 hec- tares d’étang. A l’écoute de tels accents, le plus petit bourgeois se sent devenir gentilhomme. Les ducs et les marquis tendent aux comptes en banque une main avide de louis. Comment résis- TOUT L’IMMOBILIER • NO 621 • 20 FÉVRIER 2012 EXCLUSIF 4 Philippe Bouvard et l’immobilier (suite) Sachez décoder le langage immobilier! Le journaliste, écrivain, animateur de télévision et de radio Philippe Bouvard était, fin janvier dernier à Versoix, l’hôte d’honneur de la cérémonie de pose de la première pierre de l’immeuble «Forum Fayards», promotion de Swiss Land Estates commercialisée par la Compagnie Foncière du Léman(*). Tout l’Immobilier publie ici le second volet du texte intégral de son intervention. Le premier est paru dans notre No 620, du 13 février 2012. VOTEZ AU  MERCREDI  MATIN (8  12 ANS) OUI Avec le soutien de Les Libéraux-Radicaux Genève www.ouialecole.ch DES  AILES  à  LA  VIE L’éCOLE  DONNE  Association « oui à l’école » Resp. N. Aune, c/o UIG, 9, rte des Jeunes, 1227 Acacias

Philippe Bouvard et l’immobilier (suite) Sachez décoder le ......N’oubliez jamais les codes de la spécialité. La mention «casino à 300 mètres» évoque davantage la distribution

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  • N’oubliez jamais les codes de la spécialité. La mention «casino à 300 mètres» évoque davantage la distribution des yaourts que celle des jetons. La mer, visible les jours de visite, disparaît à jamais du panorama dès la si-gnature de l’acte chez le notaire. Le soleil était là quand vous avez acheté, il ne reviendra pas avant que vous ayez revendu. Un peu partout, les hommes essaient de monnayer ce qui n’appartient qu’à Dieu: le soleil, une forêt, une rivière, une colline et une situa-tion dominante au moins tant qu’il ne s’est pas produit un glis-sement de terrain. Cela dit, on ne possède pas une résidence secondaire mais on est possédé par elle. Normal: une maison avec laquelle on éta-blit un lien régulier se comporte comme une femme. Elle profite de la situation en exigeant sans cesse un surplus de confort et une rallonge des sacrifices. Le

    bâtiment d’abord. Si la maison est neuve, il faut en essuyer les plâtres. Si elle ne l’est pas, il faut lui offrir le ciment qu’elle réclame à tout propos pour col-mater ses brèches, gommer ses corrosions, oublier ses mal-façons ou pour jouer - plus ou moins légalement - la carte de l’extension.

    Les joies du contact avec les entrepreneursOr, c’est quand on a résolu de régler les problèmes qu’ils s’ag-gravent. L’entrepreneur, qui avait mis six mois pour établir le devis correspondant à quatre jours de travaux, arrive enfin - l’année suivante - avec sa pel-leteuse. Mais ce n’est encore qu’une simple prise de contact, car ses ouvriers ne réapparais-sent pas le lendemain, étant oc-cupés à installer une autre pelle-teuse chez un autre client qui ne

    les reverra pas non plus avant de longs jours. Lorsque les ma-çons seront vraiment au pied du mur, cela en sera fini du calme à cause du bruit et de la propreté en raison de la poussière. Soyons justes: l’ouvrier ne de-mande qu’à œuvrer et il convient de ranger dans la panoplie des vieilles lunes la boutade d’un hu-moriste affirmant que la forme si particulière du sommet des py-ramides annonçait, dès la Haute-Antiquité, la baisse du courage chez les couvreurs.

    Quelques définitions

    Autres précisions: la mémoire de Sam Suffit, l’inventeur du stoï-cisme immobilier, est perpétuée dans le marbre à l’entrée de nom-breuses maisonnettes. La ferme se présente comme un vaste bâ-timent édifié autour d’une grande cheminée devant laquelle, avant votre incursion, se réunissaient les pratiquants de la jachère qui,

    une année, font pousser des lé-gumes et, l’année d’après, des subventions. Un château est une demeure construite par les anciens sei-gneurs à l’usage des nouveaux riches. Une bâtisse à laquelle, passé un portail rouillé, on accède par une allée bordée d’arbres cen-tenaires qui bruissent du même appel: «Il est beau mon château! Il est classé mon château! Qui veut mon beau château?». En fait, ce marché-là est surtout comparatif et rien n’encourage davantage le chaland que de savoir que, pour le prix d’un deux pièces-cuisine dans le 19e (arrondissement), il lui est loisible de s’offrir une cita-delle du XVIe (siècle) avec douves, remparts, mâchicoulis et 15 hec-tares de bois comprenant 14 hec-tares d’étang. A l’écoute de tels accents, le plus petit bourgeois se sent devenir gentilhomme. Les ducs et les marquis tendent aux comptes en banque une main avide de louis. Comment résis-

    TOUT L’IMMOBILIER • NO 621 • 20 FÉVRIER 2012

    • E X C L U S I F4

    ■ Philippe Bouvard et l’immobilier (suite)

    Sachez décoder le langage immobilier!

    Le journaliste, écrivain, animateur de télévision et de radio Philippe Bouvard était, fin janvier dernier à Versoix, l’hôte d’honneur de la cérémonie de pose de la première pierre de l’immeuble «Forum Fayards», promotion de Swiss Land Estates commercialisée par la Compagnie Foncière du Léman(*). Tout l’Immobilier publie ici le second volet du texte intégral de son intervention. Le premier est paru dans notre No 620, du 13 février 2012.

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    tez au  mercredi 

    matin (8 –12 ans)OUI Avec le soutien de Les Libéraux-Radicaux Genève www.ouialecole.chdes  ailes  à  la  vie

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  • ter aux tableaux de famille (qu’on gardera en prime), à la chapelle (même désaffectée depuis la Ré-volution), à la salle des Gardes (même vidée de ses armures)? Le capitalisme est bon prince, puisqu’il offre des racines à ceux qui en sont dépourvus contre des billets à l’effigie d’une République qui a coupé la tête du roi, mais ja-mais les ailes de la nostalgie mo-narchique.Toutes les appellations n’offrent pas une visibilité identique. Par exemple, la maison d’architecte pose des questions si l’on n’a pas fait les Beaux-Arts: d’abord qui construit les autres maisons? Ensuite, pourquoi l’architecte se débarrasse-t-il aussi souvent de ses chefs-d’œuvre les plus ac-complis? Une nature capricieuseLa nature ne collabore pas tou-jours comme on vous l’avait an-noncé. Le rez de jardin garantit

    de pouvoir dissimuler quelques centimètres de gravier sous de mauvaises herbes. Hélas! Quand vous aurez mis un terme à la guerre sans merci que livre le béton à la terre, d’autres sou-cis vous rattraperont: le gazon japonais souffre d’un eczéma qui l’afflige de plaques noirâtres insensibles à tout traitement; les fleurs s’étiolent d’autant plus

    que la municipalité, en mal de ressources phréatiques, coupe l’eau aux heures d’arrosage; les guêpes, les fourmis et les mous-tiques, rebelles aux recomman-dations du syndicat d’initiative, achèvent de perturber le bon-heur champêtre. La tuile se présente sous la forme d’une ardoise: lorsque l’orage, qu’on appelait de tous

    ses vœux pour interrompre la canicule, éclate et impose la réfection du toit qu’on différait depuis longtemps. Les gout-tières ont rendu l’âme. La fosse septique ne croit toujours pas au tout-à-l’égout. Or, l’unique plom-bier du cru excursionne dans de lointains pays où vous n’avez plus les moyens d’aller. Les volets sortent de leurs gonds. Une panne d’électricité, identi-fiée trop tardivement, rompt la chaîne du froid et condamne à la poubelle, qui n’est ramassée que pendant la grasse matinée du dimanche matin, de succulentes victuailles. Quand, en fin de sai-son, on s’éloigne à regret, on ne sait pas encore que les cambrio-leurs se manifesteront avant le plombier. ■

    © Philippe Bouvard

    (*) Voir Tout l’Immobilier No 574, du 7 février 2011, et No 618, du 30 janvier 2012.Prochain article: Joies de la propriété.

    TOUT L’IMMOBILIER • NO 621 • 20 FÉVRIER 2012

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