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Ἀνεγνώσθη βιβλιδάριον Κόνωνος Διηγήσεις· προσφωνεῖ μὲν τὸ πονημάτιον Ἀρχελάῳ Φιλοπάτορι βασιλεῖ, περιέχεται δ´ αὐτῷ ἐκ πολλῶν ἀρχαίων συνειλεγμένα νʹ διηγήματα. [1] Ὧν πρῶτον τὰ περὶ Μίδα καὶ Βριγῶν, ὅπως τε θησαυρῷ περιτυχὼν ἀθρόον τε εἰς πλοῦτον ἤρθη, καὶ Ὀρφέως κατὰ Πιέρειαν τὸ ὄρος ἀκροατὴς γενόμενος πολλαῖς τέχναις Βριγῶν βασιλεύει. Καὶ ὡς Σειληνὸς περὶ τὸ Βρέμιον ὄρος Μίδου βασιλεύοντος ὤφθη, ὑφ´ ᾧ καὶ τὸ ἔθνος ᾤκει πολυανθρωπότατον ὄν· καὶ ὡς ἤχθη τὸ ζῷον ἐξηλλαγμένον τὴν ἰδέαν ὡς ἐν ἀνθρώπου φύσει. Καὶ ὅπως αὐτῷ χρυσὸς ἐγίνετο καὶ τὰ εἰς τροφὴν παρατιθέμενα ἅπαντα· καὶ ὡς διὰ τοῦτο πείσας τὸ ὑπήκοον ἀπ´ Εὐρώπης διαβῆναι τὸν Ἑλλήσποντον ὑπὲρ Μυσίαν ᾤκισε Φρύγας ἀντὶ Βριγῶν βραχύ τι παραλλαγείσης τῆς λέξεως μετονομασθέντας. Μίδας δὲ πολλοὺς ἔχων ἀπαγγέλλοντας αὐτῷ τὰ ὅσα ἐλέγετό τε καὶ ἐπράττετο τοῖς ὑπηκόοις, καὶ διὰ τοῦτο ἐν τῷ ἀνεπιβουλεύτῳ τὴν βασιλείαν PHOTIUS Récits de Conon. J'ai lu, dit Photius, l'ouvrage de Conon, C’est un petit livre dédié au Roi Archélaüs Philopator,[1] & qui contient une cinquantaine d'aventures ou d'histoires tirées des anciens Auteurs. En voici un extrait. [1] Dans la première il est parlé de Midas[2] & des Brigiens, peuple nombreux qui habitait aux environs du mont Bermius.[3] Conon raconte comment Midas ayant trouvé un trésor, se vit tout à coup possesseur de très grandes richesses,[4] comment ensuite il alla prendre des leçons d'Orphée sur le mont Piérie,[5] &

Photius Recits de Conon

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PHOTIUS Récits de Conon. J'ai lu, dit Photius, l'ouvrage de Conon, C’est un petit livre dédié au Roi Archélaüs Philopator,[1] & qui contient une cinquantaine d'aventures ou d'histoires tirées des anciens Auteurs. En voici un extrait.[1] Dans la première il est parlé de Midas[2] & des Brigiens, peuple nombreux qui habitait aux environs du mont Bermius.[3] Conon raconte comment Midas ayant trouvé un trésor, se vit tout à coup possesseur de très grandes richesses,[4] comment ensuite il alla prendre des leçons d'Orphée sur le mont Piérie,[5] & par quels artifices il se fit roi des Brigiens. Ce fut sous son règne que l'on vit dans le pays un Silène;[6] cet animal fut amené à Midas & se dépouillant de sa propre nature, fut vu sous une forme presque humaine.[7] Tous les mets que l'on servait à Midas se changeaient en or,[8] c’est pourquoi il persuada à ses sujets de quitter leur pays,[9] de passer dans l'Hellespont & d'aller s'établir au-dessous de la Mysie,[10] où, par le changement de quelques lettres, ils furent

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Rcits de Conon.

J'ai lu, dit Photius, l'ouvrage de Conon, Cest un petit livre ddi au Roi Archlas Philopator,[1] & qui contient une cinquantaine d'aventures ou d'histoires tires des anciens Auteurs. En voici un extrait.[1] Dans la premire il est parl de Midas[2] & des Brigiens, peuple nombreux qui habitait aux environs du mont Bermius.[3] Conon raconte comment Midas ayant trouv un trsor, se vit tout coup possesseur de trs grandes richesses,[4] comment ensuite il alla prendre des leons d'Orphe sur le mont Pirie,[5] & par quels artifices il se fit roi des Brigiens. Ce fut sous son rgne que l'on vit dans le pays un Silne;[6] cet animal fut amen Midas & se dpouillant de sa propre nature, fut vu sous une forme presque humaine.[7] Tous les mets que l'on servait Midas se changeaient en or,[8] cest pourquoi il persuada ses sujets de quitter leur pays,[9] de passer dans l'Hellespont & d'aller s'tablir au-dessous de la Mysie,[10] o, par le changement de quelques lettres, ils furent appels Phrygiens au lieu de Brigiens. Ce Prince avait toujours un grand nombre d'espions, qui l'avertissaient de tout ce qui se tramait dans son royaume. Ses sujets ne disaient rien, ne faisaient rien dont il ne ft aussitt inform. Par l il se mit couvert de leurs embches & il rgna longtemps. Quand il fut devenu vieux, comme il semblait avoir toujours tout entendu de ses propres oreilles, on en prit occasion de dire qu'il avait les oreilles plus longues qu'un autre & la renomme eut bientt chang ces longues oreilles en oreilles d'ne.[11] Ainsi, ce qui stait dit d'abord par manire de plaisanterie, fut regard dans la suite comme srieux & comme vrai.[2] La seconde est l'histoire de Byblis. Byblis fille de Miltus,[12] avait un frre nomm Caunus;[13] ils demeuraient ensemble Milet ville dAsie, que dans la suite ces Ioniens sortis d'Athnes sous la conduite de Nle,[14] vinrent occuper. Le pays tait pour lors habit par les Cariens, qui pars dans la campagne, n'avaient point encore imagin de vivre en socit dans des villes. Caunus devint perdument amoureux de sa sur,[15] & mit tout en uvre pour l'engager se rendre ses dsirs; mais tous ses efforts ayant t inutiles, dsespr, il prit le parti de quitter Milet. Ds qu'il eut disparu, Byblis s'abandonna aux regrets & ne pouvant plus souffrir le sjour de sa ville ni de la maison paternelle, elle alla chercher les bois & la solitude, o aprs avoir longtemps err, enfin succombant sa douleur & n'esprant plus rien de son malheureux amour, elle attacha sa ceinture un noyer & s'y pendit. En cet tat elle versa un torrent de larmes, d'o se forma une fontaine que les gens du pays appelrent la Fontaine de Byblis. Caunus, qui menait toujours une vie errante, arriva en Lycie. L une Naade sortant du fond d'un fleuve, se fit voir lui ; ctait Prono. Elle lui apprit la cruelle destine de Byblis ; elle tcha de le consoler, lui proposa de l'pouser & lui offrit la souverainet de cette Cte, dont elle pouvait disposer comme de son bien. Caunus la crut & l'pousa.[16] Il en eut un fils nomm Egialus, qui lui succda & qui voulant rassembler les peuples jusque l pars dans des villages, btit auprs du mme fleuve une belle & grande ville, qu'il appela Caune[17] du nom de son pre.[3] Voici la troisime. Lle Schrie[18] situe sur la mer Ionienne, non loin de l'Epire & des monts Crauniens, fut d'abord habite par les Phaciens, peuples originaires du pays, qui prirent leur nom de Phax un de leurs Rois & le gardrent jusqu' ce qu'une colonie de Corinthiens vint se transplanter dans cette le, qui pour lors changea son nom en celui de Corcyre & fortifie de nouveaux habitants, tint l'empire de cette mer. Phax Roi de l'le tant mort & les deux fils, Alcinos & Locrus, se disputant le royaume,[19] par un accord il ft rgl qu'Alcinos demeurerait souverain de lle, que Locrus aurait les effets mobiliers de la succession & qu'avec une partie des Insulaires il irait s'tablir ailleurs. Suivant cet accord, Locrus fit voile en Italie, o Latinus roi du pays, non seulement le reut bien, mais en fit son gendre, par le mariage de Laurina sa fille avec lui.[20] Cest pourquoi les Phaciens se font depuis regarder comme lis de consanguinit avec ces Locres d'Italie.[21] Vers ce mme temps il arriva qu'Hercule, qui emmenait d'Eryithie, les excellents bufs de Gryon, aborda en Italie & alla loger chez Locrus, qui le reut comme un tel hte le mritait. Or le hasard voulut que Latinus allant chez le fille, vt des bufs, qui lui parurent dune rare beaut. Aussitt il les voulut avoir ; & dj il les emmenait, lorsqu'Hercule apprenant cela, vint le combattre, le tua d'un coup de javelot & reprit ses bufs.[22] Locrus, qui apprend ce combat sans en apprendre la malheureuse issue, craignant tout pour Hercule, parce qu'il connaissait Latinus pour tre d'une grande force de corps & d'un grand courage, change d'habit & vole au secours de son hte. Hercule, qui voit un homme courir lui, croit que cest un nouvel ennemi qui lui survient, il dcoche sa flche contre Locrus & l'tend mort ses pieds; bientt aprs il connut sa mprise & en gmit; le mal tait sans remde. Il pleura son ami, lui fit de magnifiques funrailles; & quand lui-mme eut quitt la vie, il s'apparut ces peuples & leur ordonna de btir une ville en Italie, l'endroit o tait la spulture de Locrus. Cest ainsi qu'une grande ville porte encore son nom[23] & honore sa mmoire. Mais quoi m'amusai-je, de rapporter en dtail tant de choses sur lesquelles il ne faut que glisser![4] La quatrime contient quelques particularits de la ville dOlynthe[24] & de Strymon Roi des Thraces, dont le nom passa un fleuve qui sappelait auparavant l'Ione. Ce Strymon eut trois fils, Brangas, Rhsus & Olynthus.[25] Rhsus alla au secours de Priam durant le sige de Troie & fut tu de la main de Diomde. Olynthus, dans une chasse, attaqua de gaiet de cur un lion & fut tu par cet animal. Brangas, aprs avoir donn des larmes la triste aventure de son frre, lui leva un tombeau dans le lieu o il avait pri. Pour lui, il passa dans la Sithonie,[26] o il btit une ville qui a t florissante & lui fit porter le nom de son malheureux frre.[5] La cinquime est un petit conte de deux joueurs de cithare, dont lun tait de Locres,[27] ctait Eunomus, lautre de Rhgium,[28] c'tait Ariston. Les territoires de ces deux villes, dit Conon, sont spars par le fleuve Als; mais ce qu'il y a de particulier, c'est que du ct de Locres les cigales chantent & que du ct de Rhgium elles sont muettes.[29] La cithare tait dehors monte de sept cordes. Or nos deux Musiciens tant venus Delphes pour disputer le prix de leur art & jouant qui mieux mieux, une des cordes de la cithare dEunomus vint casser. Tout aussitt on vit voler une cigale qui sabattit sur la cithare & qui suppla si bien au dfaut de la corde par son chant qu'Eunomus remporta la victoire.[30][6] La sixime parle de Mopsus. Il tait fils d'Apollon & de Manto.[31] Aprs la mort de sa mre, par manire de succession, il fut honor du sacerdoce dApollon Olaros[32] & y rendit ses oracles. Dans ce mme temps Calchas revenant de Troie,[33] aprs avoir t port en divers lieux par la tempte, aborda enfin Colophon.[34] L ces deux Divins eurent de grands dmls ensemble, chacun deux croyant en savoir plus que lautre. Amphimaque, roi des Lyciens sut quoi s'en tenir. Ce Prince mditait une expdition & Calchas le poussait lentreprendre, lui promettant la victoire. Mopsus au, contraire l'en dissuadait, l'assurant qu'il serait vaincu. Amphimaque, hasarda une bataille & fut en effet vaincu: par l il connut que Mopsus tait meilleur prophte[35] & depuis, il lui tmoigna plus destime. Calchas en et un tel dpit, que bientt il mourut de chagrin.[36][7] Septime rcit. Philammon, fils de cette Philonis,[37] qui naquit de Bosphorus & de Clobe dans un bourg de lAttique,[38] charmait tout le monde par sa beaut. Une Nymphe prit de l'amour pour lui,[39] il n'y fut pas insensible, la Nymphe devint grosse: pour cacher sa honte, elle quitta le Ploponnse & alla accoucher sur le bord dun rivage tranger; l, elle mit au monde Thamyris, qui, devenu grand, fut un si excellent Musicien & jouait si bien de la lyre, que les Scythes l'lurent pour roi.[40] Il eut laudace de dfier les Muses, qui acceptrent le dfi. La condition fut que, s'il avait l'avantage, il pouserait celle des Muses quil voudrait & que si les Muses taient victorieuses, elles le traiteraient leur volont. Thamyris, vaincu, fut priv de la vue.[41][8] Huitime rcit. Prothe tait un clbre Devin en Egypte[42] & sa fille Thono trouva Canobus son gr. C'tait un beau jeune homme qui conduisait le vaisseau de Mnlas; il fut sourd la passion de Thono. Mnlas & Hlne, qui, en revenant de Troie, avaient t jets sur les ctes d'Egypte, songeaient remettre la voile, lorsque Canobus fut piqu d'une vipre la jambe, o la gangrne se mit & il en mourut. Mnlas lui leva un tombeau dans le lieu mme o, depuis, on a bti la ville de Canope,[43] & la dernire des bouches du Nil porte aussi le nom de ce pilote de Mnlas.[44][9] Neuvime rcit. Selon notre Auteur, Smiramis fut fille de Ninus & non sa femme, comme l'ont dit les autres.[45] Pour abrger sa narration, je remarquerai seulement qu'il attribue Smiramis tout ce que les autres ont attribu Atosse l'Assyrienne,[46] soit qu'il n'ait vu qu'une seule personne sous ces deux noms, soit que l'histoire de Smiramis ne lui ft pas autrement connue. Quoi qu'il en soit, Conon prtend que cette Reine eut secrtement & sans le savoir, un commerce incestueux avec son fils, mais que la faute tant faite, Smiramis vcut publiquement avec son fils, comme avec un mari. Et de l vient, dit-il, que ce qui passe pour un crime horrible parmi les autres nations, a t reu comme permis & comme honnte chez les Mdes & chez les Perses, de s'unir avec sa propre mre.[47]

[10] , , , . . , . , . , . , .[11] , , , , , , . , , . . , .[12] , , ( ) , . , . , , , .[13] (186-133a) , , . , , , , , , . , .[14] , , , , , , . , .[15] , . ( ) , .[16] ( ) , , , , , ( ) {} .[17] , , . , , . . , , . , . , .[18] , , , , . , . , , ( ) , , , , , . .[19] , , , , . , . , , . . , . , . , , .[20] ( , ) , . , , . . .[10] Dixime rcit. Sithon roi de la Chersonse de Thrace,[48] fils de Neptune & d'Ossa, eut de la Nymphe Mends une fille nomme Pallne. Cette fille ne fut pas plutt nubile, que ce fut parmi les Princes voisins qui l'aurait en mariage, Sithon dclara que pour avoir la Princesse, il fallait se battre contre lui & demeurer vainqueur,[49] qu' celui-l seul il donnerait & la fille & son royaume. Aussitt se prsentent Mrops & Priphete, l'un Roi d'Anthmusie, l'autre de la Mygdonie:[50] tous deux furent tus par Sithon. Aprs quoi, ne voulant plus se commettre, il dit que les prtendants pouvaient se battre entre eux & aspirer toujours au mme prix. Dryas & Clythus tant entrs en lice, Dryas prit, mais par une fraude de la Princesse. Le roi l'ayant appris, fut si transport de colre, qu'il aurait puni de mort sa fille, si durant la nuit Vnus ne l'eut sauve, par le moyen des habitants. Quelque temps aprs Sithon finit ses jours. Clythus & Pallne s'unirent & rgnrent ensemble & du nom de la Princesse, le pays fut nomm Pallne.[51][11] Onzime rcit. Les Lindiens[52] sacrifient Hercule & leur sacrifice est accompagn d'imprcations.[53] Cette coutume leur vient de ce qu'Hercule passant un jour par leur pays, demanda un laboureur quelque chose manger pour le jeune Iolas,[54] que ce Hros stait attach & dont il avait dj fait son compagnon de voyages.[55] Le laboureur, bien loin de les secourir, se moqua d'eux. Hercule indign assomme un de ses bufs, le fait rtir, se met table & fait bonne chre avec Iolas aux dpens du laboureur, qui de loin les maudissait de tout son cur ; mais Hercule n'en faisait que rire & disait par plaisanterie, qu'il navait point encore trouv de meilleurs mets que celui qui tait assaisonn de maldictions.[12] Douzime rcit. Tros fils d'Erechthe[56] & petit-fils de Dardanus, rgna dans cette contre qui est proche du mont Ida. Il eut de Callirho, fille du Scamandre, trois fils, Ilus, qui donna son nom Ilion, Assaracus & Ganymde, lequel Jupiter enleva.[57] Assaracus rgna conjointement avec son pre Dardanie, la capitale des Troyens. Ilus btit Ilion, il vainquit Byss roi des Brbyces dans un combat,[58] & ne songea plus qu' agrandir la ville qu'il avait btie.[13] Treizime rcit. Ethilla tait fille de Laomdon,[59] & sur de Priam. Protsilas lemmenait captive sur ses vaisseaux avec plusieurs autres Troyennes,[60] lorsque tout coup accueilli d'une violente tempte, grand-peine put-il le mettre la rade entre Mende & Scione.[61] L s'tant cart du rivage avec les siens, pour aller chercher de l'eau bien avant dans les terres, Ethilla profita de loccasion & adressant la parole ses compagnes: Si lon nous mne en Grce, leur dit-elle, tout ce que nous avons souffert jusqu'ici sont des roses, en comparaison des malheurs qui nous attendent. Croyez moi, brlons la flotte des Grecs. Ces misrables captives la crurent[62] & mirent le feu aux vaisseaux de Protsilas, qui par l fut rduit la ncessit de se fixer avec elles dans ce pays; & il y btit Scione, o ces Grecs & ces Troyennes ne firent plus qu'un peuple.[14] Quatorzime rcit. Endymion fils d'Athlius qui eut Jupiter pour pre & de Protognie fille de Deucalion, eut deux enfants, Etolus & Eurypyle.[63] Etolus contraint de quitter le Ploponnse,[64] passa dans le pays qui est vis--vis & avec le secours de ses compagnons de fortune, en ayant chti les Curtes, il changea le nom de cette contre en celui d'Etolie,[65] Elus fils d'Eurypyle[66] & de Neptune, rgna aprs la mort de son aeul maternel & donna, son nom la ville d'Elis, qu'Endymion avait btie.[15] Quinzime rcit. Dans le quinzime, Conon parle des Phnates,[67] de Crs & de Proserpine, qui, linsu de sa mre, fut enleve par Pluton & conduite sous terre dans les lieux o ce Dieu tient son Empire. Il raconte comment les Phnates montrrent Crs une ouverture par o lon peut descendre dans ces lieux souterrains,[68] les marques de reconnaissance & de bont qu'ils reurent de la Desse & entre autres la promesse qu'elle leur fit, de ne pas permettre qu'il prt jamais plus de cent Phnates dans un combat.[69][16] Seizime rcit. Promachus & Leucocomas[70] taient de Gnosse, ville de l'le de Crte. Promachus aimait passionnment le beau Leucocomas & n'en tait point aim. Ctait tous les jours nouvelles preuves plus pnibles & plus prilleuses les unes que les autres. Promachus n'en refusait aucune, sans en tre plus avanc. Enfin ne sachant plus que faire & n'ayant plus rien mnager, il s'avisa d'un stratagme. Il avait un casque digne d'envie & clbre cause de ceux qui l'avaient port. Il prend ce casque & le met sur la tte d'un autre beau garon, en prsence de Leucocomas,[71] qui en fut si piqu, qu'il se passa son pe au travers du corps. '[17] Dix-septime rcit. Dice & Syle taient deux frres, tous deux fils de Neptune & ils habitaient en Thessalie auprs du mont Plion. Dice, comme le porte son nom, tait un homme juste;[72] Syle au contraire[73] tait si malfaisant, si mchant, qu'Hercule crut devoir en dlivrer le monde. Dans la suite Hercule passant par la Thessalie, alla loger chez Dice, o ayant vu la fille de Syle, qui tait leve chez son oncle & en devint amoureux & lpousa.[74] Quelque temps aprs il fut oblig de faire un voyage. La jeune femme souffrit si impatiemment l'absence de son mari, qu'elle mourut de dplaisir. Comme on faisait ses obsques, arrive Hercule, qui tmoin de son malheur, en fut si touch, qu'on eut bien de la peine l'empcher de se jeter dans le mme bcher. Aprs son dpart, les voisins entourrent de murs le lieu de sa spulture, ensuite on y btit un temple Hercule & ce temple sert encore de monument cette vertueuse Princesse.[18] Dix-huitime rcit. Les Locriens, fonds sur ce quAjax tait de leur nation,[75] observent encore cette coutume, que toutes les fois qu'ils combattent, ils laissent dans leur ordre de bataille une place vide, tout comme si Ajax la devait remplir. Or dans le combat qu'ils eurent soutenir contre les Crotoniates, Autolon qui commandait ceux-ci,[76] voulut attaquer les Locriens par l'endroit qui lui paraissait dgarni & o il ne voyait point de Chef; il se promettait bien de les envelopper de ce ct-l, mais bless la cuisse par un spectre, il fut oblig de se retirer du combat. Il tomba ensuite dans une langueur mortelle, dont il ne serait pas revenu, si, par le conseil de l'Oracle, il ntait all jusque dans lle Achille,[77] qui est sur le Pont-Euxin au-del du Danube & prs de la Taurique. L, il vit plusieurs Hros de l'ancien temps,[78] & entre autres Ajax ; il apaisa ses mnes & fut aussitt guri. Quand il fut sur son dpart, Hlne lui ordonna d'avertir Stsichore[79] que si ses yeux & la lumire du jour lui taient encore chers, il et chanter la palinodie & rtracter ce qu'il avait dit d'elle dans ses vers, Stsichore profita de l'avis & recouvra la vue.[19] Dix-neuvime rcit. Psamath fille de Crotopus, eut commerce avec Apollon & devnt grosse. Comme elle craignait la colre de son pre, elle accoucha secrtement & prit le parti d'exposer son enfant, aprs lui avoir donn le nom de Linus. Un berger le trouva & en prit soin comme du sien propre; mais il arriva par malheur que les chiens de son troupeau mirent cet enfant en pices. La mre fut inconsolable; pour comble de malheurs, sa faute vint la connaissance du roi son pre, qui ne doutant point que sa fille ne se fut laiss dbaucher & que ce qu'elle disait d'Apollon ne fut un conte, la condamna mort. Apollon irrit d'un traitement si cruel fait une Princesse qu'il aimait, se vengea sur les Argiens, en les affligeant de la peste ; & le mme Dieu consult sur les moyens de faire cesser un si grand mal, rpondit par un Oracle, qu'il fallait premirement apaiser Psimath & Linus. Aussitt les Argiens leur rendirent toutes sortes d'honneurs, ordonnant surtout leurs femmes & leurs filles, d'aller pleurer tous les jours sur le tombeau de Linus ; & comme elles taient encore plus sensibles leur propre infortune, qu' celle de ces malheureuses victimes, elles mlaient leurs regrets les prires les plus ardentes. Enfin, leurs lamentations taient accompagnes d'un air si touchant & si convenable, que depuis ce temps-l les Potes n'ont gure compos de chants lugubres, sans y faire entrer le nom de Linus, par manire de refrain. Les Argiens firent encore plus, ils donnrent le nom d'Arnus un de leurs mois, ils institurent un sacrifice & un jour de fte sous le nom d'Arnide, en mmoire de Linus qui avait t nourri parmi des agneaux & ce jour-l ils tuaient tous les chiens qu'ils pouvaient trouver. Ni pour tout cela leurs maux ne cessrent, il fallut que Crotopus, en consquence d'un second Oracle, s'exilt d'Argos & qu'il allt se transplanter dans le pays des Mgarens, o il btit une ville qu'il nomma Tripodisque.[80] [20] Vingtime rcit. Thocie[81] de Chalcis[82] avait t fait prisonnier de guerre par les Bisaltes, peuples de Thrace qui font face Pallne. Ce Thocle dpcha secrtement aux Chalcidiens,[83] pour les avertir que s'ils voulaient entrer dans le pays des Bisaltes, ils le trouveraient sans dfense. Eux, profitant de l'avis, par une irruption subite, jettent l'pouvante parmi les Bisaltes & les mnent battant jusque dans leur ville, dont ensuite ils se rendirent matres, par le moyen de Bucolus & de Dolus qu'ils avaient fait prisonniers. Mais ne payant que d'ingratitude le service de Bucolus & violant la foi qu'ils lui avaient donne, ils le firent mourir. L'ire du Ciel se fit aussitt sentir eux & ils l'prouvrent d'une manire terrible,[84] jusqu' ce qu'ayant consult l'Oracle, ils eussent lev un magnifique tombeau Bucolus & lui eussent dcern des honneurs comme un Hros.

[21] , . , , , ( ) . , , , .[22] , . , . , , , , , .[23] (186-134b) , , , . , . ( ) , , , , . , , , , , .[24] , ( ) . , , , . , , , . , .[25] , , ( ) ( ) . , , . , , , , , .[26] , , , . , . , , , , , , , . , . , , , .[27] , , , , , , , . , , , , , . , , . , . , .[28] , , , . , . , , , , .[29] , , . . . , (186-136a) , . , , .[30] , , , , , . , . , , .[21] Vingt-unime rcit. Dardanus & Jasion, tous deux fils de Jupiter & d'Electre fille d'Atlas, habitaient l'le de Samothrace.[85] Jasion ayant voulu fouiller le fantme de Crs, fut tu d'un coup de foudre.[86] Dardanus pouvant de ce qui venait d'arriver son frre, se mit sur un radeau, car il n'y avait point encore de vaisseaux[87] & passa dans le pays qui est l'opposite de Samothrace, pays gras & fertile, connu par le mont Ida qui en fait partie. L rgnait pour lors Teucer,[88] fils du fleuve Scamandre & d'une Nymphe.[89] Les habitants portaient le nom de Teucriens & la rgion celui de Teucrie. Teucer, aprs quelques entretiens qu'il eut avec Dardanus, lui donna la moiti de son royaume. Le nouveau Souverain btit une ville[90] dans le lieu mme o il avait abord sur son radeau. ensuite Teucer tant mort, Dardanus runit toute la contre sous l domination.[22] Vingt-deuxime rcit. Un bel enfant de Crte avait reu pour prsent d'un homme dont il tait aim, le petit d'un dragon. Ce jeune enfant lui donnait manger, le caressait & en avait grand soin, jusqu' ce que le dragon parvenu une certaine grosseur, commena faire peur aux voisins, qui enfui obligrent l'enfant porter son dragon dans la prochaine fort & l'y laisser, ce qu'il ft en pleurant beaucoup. Quelques annes aprs, le jeune enfant devenu grand tant all la chasse de ce ct-l, fut attaqu par des voleurs. Aussitt il se met crier, le dragon reconnat sa voix, vient son secours, se jette sur les voleurs, s'entortille autour d'eux, leur fait mille blessures mortelles & devient le librateur de celui qui lui avait fait du bien.[91][23] Vingt-troisime rcit. Corythe,[92] encore plus beau que son pre, tait fils de Pris & d'none ; car Alexandre ou Pris[93] avant que d'enlever Hlne, avait pous none.[94] Ce jeune homme fut envoy Hlne par sa mre dont le but tait de donner de la jalousie Pris & de perdre Hlne. Corythe s'acquitta si bien de sa commission, qu'en peu de temps il fut assez familier avec Hlne, pour que Pris, qui entra brusquement dans sa chambre, le trouvt assis auprs d'elle; il en prit de l'ombrage & dans le transport de sa colre, il tua son fils. none, outre de l'infidlit de son mars, peut-tre encore plus que du meurtre de Corythe, vomit mille imprcations contre Pris ; & comme elle joignait la connaissance de l'avenir, celle des plantes & de la Pharmacie,[95] elle lui prdit que bless un jour par les Grecs, il aurait inutilement recours elle, aprs quoi elle se retira chez ses parents. L'vnement justifia sa prdiction ; Pris, dans la guerre des Grecs contre les Troyens, bless dangereusement par Philoctte, tchait de gagner le mont Ida, en mme temps qu'un courrier dpch none, allait la supplier d'employer son art en faveur de son mari. Le courrier fut reu avec mpris; on lui dit que Pris pouvait s'adresser Hlne. Cependant peine fut-il reparti, qu'none touche de compassion., alla cueillir les simples les plus spcifiques, monta sur son char & vola au secours de son mari ; mais il n'tait plus temps, Pris tait mort. Un second courrier qui en apportait la nouvelle none, ajouta des reproches l'amertume du message. none prit une pierre & lui en cassa la tte. Ensuite arrive o tait le corps de son mari, elle lembrassa, l'arrosa de ses larmes, dplora leur commun malheur & se drobant tout coup, alla s'trangler avec sa ceinture.[24] Vingt-quatrime rcit. A Thespie ville de la Botie, peu distante du mont Hlicon, naquit un enfant qui eut nom Narcisse[96] & qui fut un prodige de beaut, mais qui mprisa souverainement lamour & tous ceux qui taient sensibles cette passion. Aussi dsespra-t-il les adorateurs.[97] Il n'y eut que le seul Amintas qui s'opinitra lui rendre des assiduits, des soins, jusqu' ce que Narcisse joignant la cruaut au mpris, s'avisa de lui envoyer une pe. Amintas entendit ce que cela voulait dire; aprs avoir invoqu l'Amour & lavoir conjur d'tre son vengeur, il prend cette pe & va s'en percer le cur sous les fentres du cruel Narcisse. L'Amour exaua ses vux. Narcisse un jour, se contemplant dans l'eau d'une claire fontaine, crut voir les charmes dans un autre & fut tellement pris de cette image, que pour la premire fois & pour la dernire, on vit en lui un homme assez insens pour brler d'une flamme dont il tait l'objet.[98] Enfin, dsespr de ne pouvoir jouir de ce qu'il aimait & croyant porter la juste peine des rigueurs quil avait exerces contre Amintas, il se tua lui-mme. Ce fut en ce temps-l que sur un Oracle qui ordonna qu'on rvrt lAmour l'avenir plus qu'on navait fait par le pass, outre le commun culte que les autres lui rendirent, les Thespiens en particulier institurent des sacrifices en son honneur.[99] Ces peuples; sont persuads que les premiers Narcisses que l'on a vus,[100] sont sortis de la terre qui avait t trempe du sang de Narcisse.[25] Vingt-cinquime rcit. Minas roi de Crte, fils de Jupiter & d'Europe, quipa une flotte[101] pour aller en personne redemander Ddale,[102] qui s'tait sauv en Sicanie, ou, comme nous disons aujourd'hui, en Sicile. Son expdition fut malheureuse. Les filles de Cocalus, roi de cette le, lui dressrent des embches o il prit.[103] Les Crtois, pour venger le meurtre de leur Roi, dclarrent la guerre aux Siciliens; mais vaincus & contraints de s'en retourner en Crte, durant la navigation ils furent surpris d'une tempte qui les jeta sur les ctes des Iapyges,[104] o ils s'tablirent ; & perdant le nom de Crtois, furent confondus avec ces Iapyges. Dans la suite, la plupart d'eux chasss du pays pour leur rvolte, consultrent lOracle sur le parti quils devaient prendre. Il leur fut rpondu qu'ils eussent se fixer dans l'endroit o lon leur prsenterait de la terre & de l'eau, ce qui les dtermina demeurer chez les Bottiens.[105] En effet, tant entrs dans leur pays, ils virent des enfants qui, par manire de jeu, ptrissaient de la boue en forme de pain & qui vinrent leur en offrir. Ces Crtois croyant l'Oracle accompli, demandrent au roi de Macdoine la permission de s'tablir l, ce qui leur fut accord. Ainsi, aprs avoir chang de nom pour la troisime fois, ils devinrent enfin une portion des Macdoniens.[26] Vingt-sixime rcit. Ce fantme d'Apollon, connu sous le nom de Carnus,[106] qui tait toujours la suite des Doriens, & qui leur servait mme de Devin, fut tu par Hippotas[107] de la race d'Hercule, vers le temps que les Hraclides mditaient de rentrer dans le Ploponnse. Aussitt les Doriens furent frapps de la peste. Ayant consult l'Oracle, ils eurent pour rponse qu'il fallait chasser Hippotas de leur camp ; ils le chassrent, & le retour des Hraclides dans le Ploponnse suivit de prs. Hippotas courut quelque temps le pays, se maria, & eut un fils qui, de la vie errante que son pre avait mene, fut nomm Alts.[108] Cet Alts parvenu lge d'homme, se mit la tte d'une troupe de Doriens, alla attaquer les Sisyphides qui rgnaient Corinthe,[109] les en chassa eux & leurs allis les Ioniens, & peupla la ville de nouveaux habitants. Enfl de ce succs, il ne se proposait rien moins que la conqute de l'Attique, lorsqu'un Oracle lui prdit qu'il remporterait la victoire, s'il pouvait pargner la personne du roi des Athniens. Ceux-ci avertis de l'Oracle, persuadent Codrus[110] leur Roi, qui tait dj septuagnaire, de se dvouer pour le salut de ses sujets. A l'instant ce bon roi quitte les habits, se dguise en bcheron, va chercher querelle avec un Dorien, & se fait tuer. Les Doriens, en apprenant ce malheur, sentirent qu'il n'y avait plus rien esprer pour eux, & firent la paix avec les Athniens.[27] Vingt-septime rcit. Dans le vingt-septime, Conon parle de Deucalion[111] qui rgnait dans la Phthiotide,[112] du dluge qui de son temps inonda la Grce,[113] & de son fils Hellen,[114] que d'autres ont cru fils de Jupiter, & qui aprs la mort de Deucalion, lui succda. Hellen, dit Conon, eut trois fils.[115] Il rgla lui-mme qu'Eolus son an serait son successeur, & qu'il gouvernerait aprs lui le royaume qu'il stait fait entre le fleuve Asope & l'Enipe.[116] Les habitants du pays furent dans la suite appels Eoliens, du nom de ce Prince. Dorus son second fils, par ordre de son pre, le fit Chef d'une colonie ; & cherchant s'tablir ailleurs, il alla btir au pied du mont Parnasse les villes de Boon, de Cytinion & d'Erine.[117] Cest de lui que sont venus les Doriens. Le troisime tourna les vues du cot d'Athnes, ft le fondateur de ce que nous appelions la Ttrapole de lAttique,[118] pousa Cruse fille d'Erechthe, & en eut deux fils, Achus & Ion. Achus oblig de quitter le pays pour un meurtre qu'il avait commis involontairement, passa dans le Ploponnse, o il fonda la Ttrapole d'Achae, & donna son nom aux habitants. Ion, aprs la mort d'Erechthe son aeul maternel, fut dclar roi d'Athnes,[119] pour sa vertu & ses autres grandes qualits. Alors les Athniens devinrent Ioniens,[120] & toute lAttique prit le nom d'Ionie.[28] Vingt-huitime rcit. Tenns[121] & Hmithe avaient pour pre Cycnus roi de la Troade.[122] Ce Prince ayant perdu sa premire femme,[123] en pousa une seconde,[124] qui prit une violente passion pour son beau-fils, & qui ne pouvant s'en faire aimer, par vengeance lui imputa son propre crime. Cycnus, trop crdule, fait enfermer son fils dans un coffre ; & parce que Hmithe pleurait son malheureux frre, on lui fait un crime de ses larmes, & elle subit la mme peine. Le coffre jet dans la mer, est port par les flots dans une le voisine, & reu par les habitants, qui, louverture du coffre, surpris, comme on le peut penser, d'y trouver ces deux personnes pleines de vie, les regardent comme envoyes du Ciel, & l'instant leur donnent l'empire de toute l'le, qui depuis cette aventure, changea son nom de Leucophrys en celui de Tndos. Cependant Cycnus touch de repentir, s'embarque & aborde lle ; mais n'osant s'exposer au ressentiment de son fils, bord du vaisseau il le prie, le conjure d'oublier sa cruaut. Tenns sourd ses prires, pour l'empcher de mettre pied terre prend une hache, & coupe le cble qui tenait le vaisseau l'ancre. Cette hache[125] de Tenns a depuis pass en proverbe, dans toute affaire embarrassante dont on tranche la difficult.[29] Vingt-neuvime rcit. Les Magntes qui habitent aujourd'hui Magnsie ville de lAsie mineure,[126] avaient autrefois leur demeure sur les bords du fleuve Pne auprs du mont Plion. Ils allrent la guerre de Troie avec les Achens, sous la conduite de Prothos, & ds lors on les appelait Magntes. Le mme Prothos les ramena Delphes, parce qu'ils avaient fait vu de consacrer Apollon la dme du butin qu'ils apporteraient de Troie. Ensuite voulant quitter Delphes, ils se rembarqurent, & firent voile en Crte, d'o ayant t chasss, ils passrent en Asie, & y furent d'un grand secours ces Ioniens & ces Eoliens[127] qui venaient d'tablir l des colonies, & qui se trouvaient dans une conjoncture fcheuse. Ils combattirent avec eux contre leurs ennemis ; aprs quoi continuant leur chemin, ils arrivrent dans le lieu o ils sont prsent & y btirent une ville que, du nom de leur ancienne patrie, ils nommrent Magnsie.[30] Trentime rcit. Pithne d'Apollonie[128] tait le berger du troupeau consacr au Soleil.[129] Mais il gardait si mal les brebis, que les loups en mangrent soixante. Ses citoyens, pour punir sa ngligence, lui crevrent les yeux. Le Dieu fut si irrit de leur barbarie, que la terre l'instant leur refusa ses fruits, jusqu' ce qu'ils eussent apais Pithne, non seulement par des caresses, mais en lui donnant deux maisons de campagne dans les faubourgs, & une dans la ville son choix ; pour lors la strilit cessa. Ce Pithne tait d'une naissance illustre, comme tous ceux qui lui ont succd dans le mme emploi. Apollonie, au reste, est une ville Grecque[130] dans l'Illyrie. Elle est situe sur le bord de la mer,[131] le fleuve Aos passe travers[132] & va se jeter dans la mer Ionienne.

[31] , , , , . . , . , . , . , .[32] , , , , . , ( ) . , , , . , ( ) . [33] , , , , , . , . , . , . , , .[34] , , , , , , , , . , , , , . , , , . , , , . ( ) . , . .[35] , , . , , , , , . , , , . , . , , .[36] , . , , , , , .[37] , , . , , . ( ) , . , , , , . , , , , , . , . , . . , .[38] , , , , , . , . , , , , , , . , , , . [39] , (186-139) . . , , . , . , , . , , . , , , . , , , .[40] , , . . , . , ( , ), , , . , , , . . , , .[31] Trente-unime rcit. Tre roi de ces Thraces qui s'tendent vers Daulis & les autres frontires de la Phocide, aprs avoir pous Progn fille de Pandion Roi d'Athnes,[133] devint si perdument amoureux de Philomle sur de sa femme, que la trouvant inflexible, il la viola & eut ensuite la cruaut de lui arracher la langue, pour l'empcher de publier son crime & sa propre honte. Philomle en cet tat, ne sut faire autre chose que de tracer quelques caractres sur un voile qu'elle brodait ; par ces caractres elle donna connatre sa sur le traitement que son mari lui avait fait. Progn outre de dpit & de colre, prend son fils, le coupe en morceaux,[134] le sert table son propre pre, & lui apprend elle-mme de quel horrible mets il stait rassasi. Tre furieux, tire son pe, poursuit les deux surs, & les aurait immoles toutes deux sa vengeance, si, comme le dit la Fable, elles n'avaient t changes dans le moment, Progn en rossignol, & Philomle en hirondelle.[135] Pour Tre, la Fable ajoute qu'il fut chang en huppe.[136] Tous les trois, sous la forme d'oiseaux, conservent toujours leur ancienne haine, & de l vient que la huppe poursuit partout outrance & les hirondelles & les rossignols.[32] Trente-deuxime rcit. Europe fille de Phnix[137] disparut tout coup. Phnix en peine de sa fille, envoya ses fils chercher leur sur. Cadmus tait de ce nombre; il s'embarqua en Egypte, & alla excuter les ordres de son pre. Prote, qui avait tout craindre de la tyrannie de Busiris,[138] se fit son compagnon de voyage. Aprs avoir longtemps err, longtemps inutilement cherch, ils s'arrtrent Pallne. Clytus, Prince juste & prudent, tait pour lors roi des Sithoniens peuples de Thrace. Prote lui fit des prsents, comme il se pratique entre nouveaux htes, & gagna si bien son amiti, qu'il parvint pouser sa fille Chrysono. Clytus second de Prote, fit la guerre aux Bisaltes, & les chtia de leur pays, qu'il donna en souverainet son gendre. Prote eut de sa femme plusieurs enfants, mais fort diffrents de leur pre. Ils taient injustes & cruels. Hercule, ennemi implacable des mchants, extermina ceux-ci. Leur pre creusa lui-mme la spulture de ses enfants, & ensuite purifia Hercule, que ce meurtre avait rendu impur.[33] Trente-troisime rcit. Dmodus de Delphes avait un fils nomm Smicrus,[139] qui tait un fort bel enfant. Le pre s'embarqua pour aller Milet, comme il lui tait prescrit par l'Oracle,[140] & mena avec lui son fils g de treize ans. Mais peu aprs sen trouvant embarrass, & ayant hte d'arriver, il dbarqua son fils dans une le, & eut l'imprudence de l'y laisser. Un ptre fils d'Eritharius, trouva cet enfant qui se dsolait, & le mena aussitt ion pre, qui touch de sa peine autant que de la naissance & de sa figure, le reut chez lui avec beaucoup de bont.[141] Quelques annes aprs, Smicrus alla aussi Milet, o s'tant fait connatre, il pousa la fille d'un Milsien des plus distingus. Sa femme devenue grosse, eut un songe fort extraordinaire ; il lui sembla voir le soleil entrer dans son corps par la bouche, & sortir par le bas du ventre. Les Devins consults sur ce songe, le regardrent comme un heureux prsage. Cette femme en effet accoucha d'un fils qu'elle nomma Branchus, cause du songe quelle avait eu[142] & cet enfant fut un prodige de beaut. Dans sa premire jeunesse il garda les troupeaux de son pre. Apollon le vit, & fut si pris de ses charmes, qu'il passait les jours avec lui dans cette prairie, o depuis, en mmoire de cet vnement , on rigea au Dieu un autel sous le nom d'Apollon-Philius. Branchus inspir par Apollon, eut le don de prophtie , & rendit ses oracles Didyme. Telle est l'origine de l'Oracle de Branchides,[143] le plus renomm qu'il y ait dans toute la Grce, si vous en exceptez celui de Delphes.[34] Trente-quatrime rcit. Aprs la mort de Pris,[144] il s'leva une grande dispute entre les frres Hlnus & Diphobus, au sujet d'Hlne, que chacun d'eux voulait pouser. Diphobus, quoique le cadet l'emporta,[145] par la faveur & la faction des Grands. Hlnus outr de dpit abandonna Troie, & se retira au mont Ida. Pendant qu'il y vivait tranquille, Calchas persuade aux Grecs de lui dresser une embuscade, & de se faire prisonnier de guerre, quoi ils russirent. Hlnus intimid, pri, caress, pouss aussi par son ressentiment, rvle aux Grecs le secret de l'Etat ; que le destin de Troie tait de ne pouvoir tre prise que par le moyen d'un cheval de bois, & qu'il fallait de plus enlever une statue tombe du Ciel, nomme le Palladium,[146] qui de toutes les statues conserves dans la citadelle, tait la plus petite. Aussitt les Grecs donnent charge Diomde & Ulysse d'aller enlever la statue fatale. Ils partent, & la faveur de la nuit ils arrivent jusquau pied du rempart. Diomde, sans perdre temps, monte sur les paules d'Ulysse, qui, force de se hausser, l'lve de plus en plus, comptant bien que Diomde son tour lui aidera monter. Mais celui-ci nest pas plutt au haut du rempart, que laissant-l Ulysse, il va droit la citadelle, est assez heureux pour trouver la statue, lemporte, vient rejoindre son compagnon, & s'en retourne avec lui. Ulysse marchait derrire, & faisait questions sur questions. Diomde qui connaissait ses ruses, dissimule, dit qu'il a enlev une statue, mais que ce nest point la vritable. Malheureusement Ulysse parvient y toucher, & reconnat sa petitesse que c'est le Palladium. Piqu d'avoir eu si peu de part un exploit si glorieux, il tire son pe ; & pour se donner tout l'honneur de l'aventure, il allait tuer Diomde, lorsque ce Prince frapp de la lueur d'une pe nue, car il faisait clair de lune, se retourne, prend aussi ses armes, reproche Ulysse sa trahison, sa lchet, & lui tenant l'pe dans les reins, l'oblige de marcher devant lui jusqu'au camp. De-l ce proverbe si connu des Grecs, la loi de Diomde, qui se dit propos de ceux que l'on force de faire quelque chose malgr eux.[35] Trente-cinquime rcit. Deux bergers ayant men patre leurs troupeaux sur le mont Lyssus prs dEphse, ils aperurent un essaim de mouches miel qui sortait d'une caverne fort profonde, & o il n'y avait pas moyen d'entrer. Aussitt l'un d'eux imagine de se mettre dans un grand mannequin, d'y attacher une corde, & de se faire descendre dans la caverne par son camarade. Quand il fut au bas, il trouva & le miel qu'il cherchait, & beaucoup d'or qu'il ne cherchait pas ; il en remplit jusqu' trois fois son mannequin, que l'autre tirait mesure. Ce trsor puis, il cria son camarade qu'il allait se remettre dans le mannequin, & qu'il et bien tenir la corde ; mais un moment aprs il lui vint l'esprit que l'autre berger, pour jouir tout seul de leur bonne fortune, pourrait bien lui jouer un mauvais tour. Dans cette pense, il charge le panier de grosses pierres ; l'autre, aprs avoir tir jusqu'en haut, croyant que son camarade est dedans, lche la corde, & laisse retomber le panier au fond du prcipice : aprs quoi il enfouit tranquillement son trsor, fait courir le bruit que le berger a quitt le pays, & invente des raisons qui le font croire. Pendant ce temps-l, son pauvre compagnon tait fort en peine, nulle esprance de pouvoir sortir de la caverne; il allait prir de faim, lorsque s'tant endormi, il crut voir en songe Apollon, qui lui disait de prendre une pierre aigu, de s'en dchiqueter le corps, & de demeurer tout tendu sans remuer, ce qu'il fit. Des vautours attirs par l'odeur du sang, fondent sur lui comme sur une proie, & font tant de leur bec & de leurs ongles qu'ils llvent en lair, & le portent dans un prochain vallon. Ce berger ainsi sauv comme par miracle, va aussitt porter sa plainte devant le juge ; il accuse son compagnon, non seulement de l'avoir vol, mais d'avoir voulu lui ter la vie. On cherche le malfaiteur, on le prend. Atteint & convaincu, il subit la peine qu'il mritait ; on l'oblige dcouvrir le lieu o il avait cach son trsor. On en consacre la moiti Apollon & Diane, lautre moiti on la donne au bon berger, qui par l devenu riche, fait riger un autel Apollon sur le sommet du mont Lyssus ; & en mmoire d'un vnement si extraordinaire, le Dieu fut surnomm Vulturius.[147][37] Trente-sixime rcit. Philonomus de Sparte livra la ville aux Doriens,[148] & pour prix de sa trahison, il eut la souverainet d'Amycles, qu'il peupla d'habitants tirs d'Imbros & de Lemnos.[149] A la troisime gnration ces nouveaux habitants s'tant rvolts contre les Doriens, furent chasss d'Amycles. Contraints donc de chercher une nouvelle demeure, ils prirent pour Chefs Polis & Delphus, persuadrent quelques Lacdmoniens de suivre leur fortune, & firent voile en Crte. Durant la navigation, Apodasmus se trouvant la hauteur de Mlos,[150] prit le parti d'y dbarquer une partie de ces aventuriers, qui s'y tablirent ; & de l cette confraternit qu'il y a toujours eu depuis entre les Lacdmoniens & les Mliens.[151] Les autres continuant leur route, allrent dpendre Gortyne;[152] ils y entrrent sans aucune opposition, & ils habitrent cette ville conjointement avec les Crtois.[37] Trente-septime rcit. Dans le trente-septime, Conon nous apprend que la ville de Thase[153] a pris son nom de Thasus frre de Cadmus,[154] qui lui donna une partie de ses troupes, & le laissa dans cette le. Pour lui, qui stait dj fait une grande rputation en Phnicie, il avait pass en Europe par ordre de son pre. Les Phniciens taient alors fort puissants ; non seulement ils possdaient une bonne partie de l'Asie, mais ils avaient tabli le sige de leur Empire Thbes en Egypte. Ce fut de l que partit Cadmus, non pour aller chercher sa sur, comme le disent les Grecs; car qu'Europe et t enleve par Jupiter mtamorphos en taureau, cest une pure fable de leur invention. La vrit est que Cadmus, sous le prtexte de chercher sa sur, passa en Europe pour tcher de s'y tablir, & la fable que dbitent les Grecs n'a point d'autre fondement. Cadmus donc, en ctoyant l'Europe, dbarqua son frre Thasus dans l'le qui porte encore son nom, & lui il alla aborder en Botie, o il employa ses troupes btir une ville qu'il appela Thbes, du nom de la ville de Thbes en Egypte, qui tait sa patrie. Les Botiens tombrent sur ces aventuriers d'abord avec assez de succs ; mais les Phniciens, force de ruses, d'embuscades & de stratagmes, & plus encore par la terreur que leurs armes inspiraient des peuples qui n'en avaient jamais vu de pareilles, furent bientt victorieux, en sorte que Cadmus se rendit enfin matre de tout le pays. Il prit un grand nombre de Botiens ; ceux qui chapprent s'tant retirs chez eux, Cadmus fit entrer ses troupes dans Thbes, ensuite il pousa Harmonie, qui tait fille de Mars & de Vnus,[155] & il ne trouva plus d'obstacle sa domination. Les Botiens avaient t tellement tonns de voir des hommes arms d'un casque & d'un bouclier, sortir tout--coup d'une embuscade & les poursuivre, qu'ils demeurrent persuads que Cadmus & ses compagnons taient sortis de terre tout arms. C'est pourquoi ils leur donnrent le nom de Spartes, comme qui dirait sems en terre, & produits du sein de la terre mme. Voil, ajoute Conon, ce qu'il y a de vrai touchant Cadmus & son tablissement Thbes en Botie, tout le reste est un conte fait plaisir.[38] Trente-huitime rcit. Un homme de Milet croyant sa patrie menace des derniers malheurs sous Harpagus,[156] Lieutenant de Cyrus, prit tout ce qu'il avait d'or chez lui, & s'embarqua sur un vaisseau qui allait Tauromenium[157] en Sicile. L il dposa son or entre les mains d'un banquier de ses amis, & s'en retourna en son pays. Quelque temps aprs Cyrus se rendit matre de Milet, mais il ne fit aux habitants aucun des mauvais traitements qu'ils avaient apprhends. Le Milsien rassur par la bont du Prince, passe la mer une seconde fois, & va redemander son or au banquier. Celui-ci convenait d'avoir reu de lui une telle somme en or, mais il soutenait qu'il la lui avait rendue. Le Milsien, aprs s'tre chauff fort inutilement, prend enfin le parti d'appeler le banquier en Justice, & d'exiger son serment. Le banquier, qui ne voulait ni rendre l'argent, ni se parjurer, imagina la ruse que je vais dire. Il fit fondre l'or dont il s'agissait, il en emplit le creux d'un gros jonc qui lui servait de canne, & le boucha si bien qu'on n'y pouvait rien souponner. Aprs avoir pris cette prcaution, il se prsente devant le juge ; puis feignant tout--coup d'tre embarrass de sa canne, il la donne au Milsien, & le prie de vouloir bien la tenir pour un moment. Alors levant les deux mains, il jure hautement qu'il a remis au Milsien le dpt qu'il lui avait confi. L'tranger s'crie qu'il n'y a plus de bonne foi parmi les hommes, s'emporte, & ne se possdant plus, jette la canne terre si rudement, qu'elle clate en morceaux. Aussitt le lingot manifesta aux yeux de lassemble la fraude & l'infidlit du banquier, qui confus du mauvais succs de sa friponnerie, tourna ses mains contre lui-mme & s'trangla. Pour le Milsien, il reprit son bien, comme il tait juste. [39] Trente-neuvime rcit. Mlanthus descendait de ces Nldes[158] qui rgnrent Pylos & en Messnie aprs Polycaon.[159] Chass de ses Etats par les Hraclides qui s'en taient empars, il se rfugia Athnes, en consquence de plus d'un Oracle ; & non seulement il y obtint le droit de bourgeoisie, mais il y fut dans une grande considration. La guerre s'tant allume entre les Athniens & les Botiens, au sujet du bourg d'no[160] qu'ils se disputaient, on convint de part & d'autre que les deux Rois termineraient ce diffrend par un combat singulier. Thymts,[161] qui rgnait pour lors Athnes, craignant l'issue du combat, dclara qui! cderait le royaume quiconque voudrait se battre contre Xanthus Roi des Botiens, Mlanthus, anim[162] par lesprance d'un tel prix, accepte la proportion. Le cartel sign, les deux Princes en viennent aux mains. Ds le commencement du combat, Mlanthus eut une vision ; il vit, ou crut voir un jeune homme qui se tenait derrire Xanthus, comme pour le seconder : aussitt il s'crie que le Roi est suivi d'un second, contre la foi du trait, & que pour lui il ne se battra pas seul contre deux. Le Roi de Botie, qui ne mritait pas ce reproche, tourna la tte, pour voir si en effet quelqu'un le suivait. Au mme instant Mlanthus le perce d'un coup de lance[163] & s'tend mort ses pieds ; par l il acquiert le royaume d'Athnes, & les Athniens demeurent en possession dno. Cest ainsi que le droit de rgner passa de la maison d'Erechthe[164] aux Nldes, du nombre desquels fut Codrus. Dans la suite les Athniens avertis par l'Oracle, btirent un temple Bacchus-Mlanthide,[165] o ils faisaient des sacrifices au Dieu tous les ans; & ils sacrifiaient aussi Jupiter-Apaturius,[166] en mmoire de la supercherie qui leur avait procur cette victoire. [40] Quarantime rcit. Le quarantime contient l'histoire d'Andromde,[167] que Conon raconte tout diffremment des Grecs. Cphe & Phine[168] dit-il, taient deux frres. Cphe rgnait dans ce pays qui depuis sert appelle Phnicie, & qui alors s'appelait Jopia, du nom de Jop[169] ville maritime. Ses Etats s'tendaient depuis notre mer jusqu la contre de ces Arabes[170] qui sont borns par la Mer rouge. Il avait une fille d'une grande beaut, qui avait nom Andromde, & qui lui tait demande en mariage par Phine son propre frre, & par Phnix.[171] Aprs avoir longtemps balanc entre l'un & l'autre, il se dtermina en faveur du dernier. Mais comme il ne voulait pas se brouiller avec son frre, il fit semblant de rfuter Phnix, & consentit en mme temps qu'il enlevt sa fille La Princesse avait coutume d'aller dans une le dserte, pour y sacrifier Vnus. Phnix prend cette occasion, il enlv la Princesse, & la fait monter sur son vaisseau que lon nommait la Baleine, soit parce que la proue reprsentait une baleine, ou par quelque autre raison. Cependant Andromde, qui se croit entre les mains d'un ravisseur, s'abandonne aux gmissements, aux cris, au dsespoir. Dans cette circonstance, par un coup du fort, Perse qui naviguait sur cette mer, vient rencontrer le vaisseau de Phnix, & il le joint. Il entend des cris, il voit une jeune personne en pleurs qui l'appelle son secours ; frapp de sa beaut, sensible sa peine autant par amour que par piti, il conoit le dessein d'tre son librateur. Aussitt il attaque le vaisseau de Phnix avec une telle furie, qu'il s'en rend matre ; ceux qui le montaient se laissent tuer, sans rendre presqu'aucun combat, tant ils taient saisis d'pouvante. Perse dlivre donc Andromde, la fait passer sur son bord & lemmne Argos, o ils rgnrent & vcurent ensemble. Voil sur quoi les Grecs ont bti la fable de ce monstre effroyable qui allait dvorer Andromde, & de ces hommes transforms en pierres laspect de la tte de Mduse l'une des Gorgones.

[41] , , , , , . , . , , , , , . , , , , , , , , . , , , . , , ( ) , (186-140) , .[42] , , , . , , . , , , . , , , . , , , , , , , , .[43] , , ( ) , , . . , . , .[44] . , , . . ( ) , , . , , , , . , . , . , , .[45] , , , . ( ) . , , , . , . , , . . , . , . , , . , , , , , . , , , . , , , . [46] , . , , , , , , . , , , , . . ( ) , , . , , .[47] , ( ) , . . , , , , . , , . , . , , , . , , , , . . .[48] , . , , , . , , . , . , . , . , . , . , , . ( ) , , , , , . , . , , , .[49] ( , ) , . , , , , , , , , , , . , (186-142a) , . ( ) .[50] , , , , . , . , ( ) . , , , . . , , . , , . , , .[41] Quarante-unime rcit. Antandros[172] fut anciennement habite par des Plasges, qui, selon quelques Auteurs, se nommrent ainsi, par la raison qu'Ascanius qu'ils avaient fait prisonnier de guerre, leur donna cette ville pour sa ranon, de sorte qu'Antadros ft dit pour qui signifie pour le rachat d'un homme. Cet Ascanius tait fils d'Ene, & aprs la prise de Troie il fut Roi d'Ida. Mais d'autres content ce point d'antiquit d'une autre manire. Selon eux, Anius fils d'Apollon & de Crse fut pre d'Andrus, qui fit son sjour dans une des Cyclades, y btit une ville, & de son nom l'appela Andros. Quelque temps aprs voyant ses sujets diviss & ports la rvolte, il abandonna cette ville pour en aller fonder une autre sur le mont Ida, dans un lieu peu loign d'Andros, & qui lui parut propre pour son dessein. Il btit cette nouvelle ville sur le modle de la premire, & par cette raison il lui donna le nom d'Antandros. Comme elle manquait d'habitants, il y fit venir des Plasges pour la peupler. Cysicus en usa de mme. Il tait aussi fils d'Apollon, & rgnait sur ces Plasges qui habitaient la Thessalie. Chass par les Eoliens,[173] il parla avec ses Plasges dans une pninsule[174] de l'Asie, & il y btit une ville qui, du nom de son fondateur, fut appele Cyzique; bientt aprs, de fugitif & pauvre quil tait, il devint trs puissant, par le mariage qu'il fit avec Clit fille de Mrops, qui tait Roi de Rhyndaque;[175] & de tout le pays d'alentour. Ce fut en ce temps-l que Jason s'tant embarqu pour aller conqurir la toison d'or, vint aborder Cyzique avec les Argonautes. Les Plasges ne surent pas plutt qu'il y avait un navire Thessalien la rade, que se souvenant d'avoir t chtis par des Thessaliens, ils sabandonnrent leur ressentiment, & vinrent de nuit attaquer la navire Argo. Cysicus accourut aussitt pour apaiser la querelle, mais Jason, qui ne le connaissait pas, le tua dans la mle. Il tua aussi bon nombre de Plasges. Aprs quoi regagnant son vaisseau, il fit voiles pour la Colchide. Cysicus ne laissa point d'enfants qui pussent lui succder, cest pourquoi les Plasges, aprs avoir pleur leur Roi, confirent ladministration de l'Etat aux plus considrables d'entre eux, & ce gouvernement rpublicain subsista jusqu' ce que les Thyrrniens ayant pass dans la mme pninsule, dfirent tout ce qu'il y tait rest de Milsiens, chassrent les Plasges, s'emparrent de Cyzique & s'y tablirent.[42] Quarante-deuxime rcit. Glon de Sicile[176] ayant fait dessein d'usurper la suprme puissance, caressait fort le peuple d'Himra, prenait la dfense contre ceux qui voulaient l'opprimer , & par ses manires affables & populaires il s'en fit aimer au point, qu'ayant demand des gardes pour la sret de sa personne, tous s'empressrent de lui en accorder. Sur quoi le Pote Stsichore,[177] qui tait d'Himra lui-mme, pour avertir les concitoyens des maux qu'ils le prparaient, leur fit cet apologue. Un cheval[178] leur disait-il, paissant dans une prairie, s'approcha d'une fontaine pour s'y dsaltrer. Une biche qui vint passer dans le mme temps, foula l'herbe de la prairie, & troubla l'eau de la fontaine. Le cheval voulait, quelque prix que ce fut, s'en venger, mais la biche courait plus vite que lui, il n'aurait pu rattraper. Dans l colre il implore le secours d'un chasseur. Celui-ci lui promet une prompte vengeance, mais condition qu'il recevra un mors dans sa bouche, & qu'il se laissera monter. Le cheval y consent; le chasseur, aprs lui avoir mis un mors, monte dessus, poursuit la biche & la tue : mais ensuite le cheval sentit qu'il avait un matre. Je crains bien, Himrens, qu'il ne vous en arrive autant, & que de libres & rpublicains que vous tes, aprs tre venus bout de vos ennemis par le secours de Glon, vous ne demeuriez pour toujours ses esclaves ; car toute autorit est infiniment agrable celui qui la reoit, mais celui qui la une fois donne, ne la reprend pas comme il voudrait.[43] Quarante-troisime rcit. Le mont Etna vomit un jour une prodigieuse quantit de flammes, qui le rpandant au loin comme un torrent de feu, gagna Catane, & y causa un embrasement gnral. Catane[179] est une ville de Sicile, mais ville Grecque. Dans une calamit si pressante, ce fut qui se sauverait. Les uns emportaient ce qu'ils avaient d'or, les autres ce qu'ils avaient d'argent, d'autres une partie des choses dont ils croyaient ne pouvoir se passer dans leur fuite. Au milieu de la dsolation publique, deux jeunes hommes, Anapias & Amphinomus,[180] s'occuprent d'un soin plus gnreux ; ils ne songrent qu' sauver leurs pres casss de vieillesse, & qui ne pouvaient se soutenir : ils les chargrent sur leurs paules, & les emportrent travers les flammes, qui, comme un tourbillon, enveloppaient les autres & les suffoquaient, tandis que s'entrouvrant & suspendant leur activit autour de ces pieux enfants, elles leur laissaient le chemin libre, sans leur faire aucun mal, en sorte que le lieu par o ils passaient, tait comme une le au milieu de ce dbordement de feu. Aussi les Siciliens appellent-ils encore aujourd'hui ce heu la rue des pieux enfants, & ils n'ont pas manqu de les y reprsenter en marbre, dans l'attitude propre conserver le souvenir de leur pit envers leurs pres.[44] Quarante-quatrime rcit. Lodamas & Phitrs, tous deux du sang royal, se disputaient la souverainet de Milet. Le peuple, aprs avoir longtemps souffert de leurs divisions, rsolut de finir la querelle, & pour cela il fit un dcret, qui portait que celui des deux qui rendrait de plus grands services aux Milsiens, serait leur Roi. Ces peuples avaient alors deux ennemis sur les bras, les Carystiens[181] & les Mliens. Phitrs charg de faire la guerre aux Mliens, car le sort en avait ainsi dcid, partit pour cette expdition, qui n'eut aucun succs. Lodamas au contraire se signala par de grands exploits contre les Carystiens ; il assigea leur ville, il la prit d'assaut, fit tous les habitants prisonniers de guerre, & retourna vainqueur Milet, o il fut proclam Roi, comme on en tait convenu. Il avait une jeune captive qui nourrissait un enfant de son lait. Pour accomplir un Oracle, il envoya la mre & l'enfant Branchides, avec plusieurs autres offrandes qui taient la dme du butin qu'il avait rapport. Ctait alors Branchus[182] qui prsidait & au temple & l'Oracle d'Apollon ; il eut grand soin de la mre, & adopta le fils, qui en peu de temps fit des progrs si tonnants, qu'il causait de l'admiration tout le monde : cet enfant tenait du prodige, tant son esprit & sa prudence taient au-dessus de son ge. Quand il fut parvenu l'adolescence, Branchus en fit l'interprte de ses oracles, & le nomma Evangelus, ou son Evangliste. Dans la suite il lui succda, & fut le premier de ceux que les Milsiens ont honorez sous le nom dEvangelides.[45] Quarante-cinquime rcit. Orphe[183] fils d'agrus & de Calliope une des Muses, fut Roi de Macdoine & des Odrysiens.[184] Ii excella dans la Musique, mais particulirement jouer de la cithare; & comme les Thraces & les Macdoniens taient naturellement passionns pour la Musique,[185] il ne pouvait manquer de plaire ces peuples, par un talent qui flattait si fort leur got. On a cru qu'inconsolable de la mort de sa femme Eurydice, il tait descendu vif aux Enfers, & que Pluton & Proserpine charms de la douceur de ses accords, lui avaient rendu l'objet de sa tendresse, mais qu'il navait pas joui longtemps de cette faveur, parce que la joie dont il tait transport, lui avait fait oublier la condition que le Dieu lui avait impose. On dit aussi qu'il tirait de sa lyre des sons si mlodieux, si touchants, que les btes froces, les oiseaux, les arbres & les pierres mmes y taient sensibles & se rangeaient autour de lui. Il fut tu par les femmes de Thrace & de Macdoine, irrites de ce qu'il navait pas voulu les admettre la clbration des Orgies ou mystres de Bacchus, peut-tre aussi pour d'autres raisons ; car quelques-uns ont dit que devenu malheureux & chagrin depuis la perte de sa chre Eurydice, il avait pris en haine[186] toutes les autres femmes. Quoi qu'il en soit, voici comment il prit. C'tait la coutume Libthra,[187] que les hommes, tant Thraces que Macdoniens, pour clbrer les Orgies, s'assemblassent certains jours dans une grande maison destine cette pieuse crmonie. Ils y venaient arms, mais avant que d'entrer, ils quittaient leurs armes & les laissaient la porte. Les femmes avaient remarqu cela; rsolues de venger le mpris que l'on faisait d'elles, un jour que les hommes taient ainsi assembls, elles viennent en foule, elles se saisissent des armes qu'elles trouvent la porte, forcent la chapelle, & massacrent tout ce qui se prsente elles. A l'gard d'Orphe, elles le dchirent, le mettent en pices, & vont ensuite jeter ses membres dans la mer. Leur crime tant demeur impuni, le Ciel, pour en tirer vengeance, frappa de la peste tout le pays. Les habitants eurent aussitt recours l'Oracle, dont la rponse fut que pour faire cesser leurs maux, il fallait trouver la tte d'Orphe, & lui donner la spulture. A force de chercher, un pcheur enfin la trouva vers l'embouchure du fleuve Mls, Cette tte[188] spare de son corps depuis longtemps, chantait encore; & bien loin d'avoir rien de hideux ou de difforme, comme il arrive aux autres hommes aprs leur mort, elle tait seine & belle, conservant ses couleurs & ses grces naturelles, car ni le temps ni les flots de la mer n'y avaient fait aucune altration. Ils l'enterrrent dans une grande enceinte qu'ils eurent soin de bien fermer, & qui pour lors n'eut d'autre nom que celui de Monument hroque. Dans la suite on y btit un temple, o Orphe eut des sacrifices & tous les honneurs divins, mais l'entre de ce temple fut toujours interdite aux femmes.[46] Quarante-sixime rcit. Priam, durant le sige de Troie, prit la prcaution d'envoyer en Lydie les deux fils d'Hector, Oxynius & Scamandre.[189] Aprs la prise de la ville, Ene fils dAnchise & de Vnus, pour viter de tomber entre les mains des Grecs, se retira d'abord au mont Ida ; mais quelque temps aprs les fils d'Hector tant revenus, & s'tant mis en possession du pays titre d'hritiers, Ene fut oblig de leur cder ses lieux[190] qu'il occupait. Il partit donc avec son pre, accompagn de Troyens fugitifs, autant qu'il en avait pu ramasser; & suivant le commandement de sa mre, il prit son chemin vers l'Orient,[191] passa l'Hellespont, & entra dans le golfe de Therm.[192] Ce fut-l qu'Anchise mourut.[193] Ene lui rendit les derniers devoirs ; & sans couter les vux des peuples qui voulaient se soumettre lui, continuant sa route, il arriva Brusiade,[194] o, par les soins & la faveur de Vnus, il eut bientt gagn les curs de tous les habitants. Une vache qu'il avait amene du mont Ida par ordre de sa mre, s'tant mise mugir, il comprit cet avertissement, & accepta des habitants du pays l'empire qu'ils lui offraient de toute cette Cte; aprs quoi il sacrifia sa vache Vnus, & btit une ville qui de son nom fut appele Ena.[195] Mais dans la suite, par une altration assez considrable, on lappela Enus. Voil une des manires dont les Grecs racontent les aventures d'Ene,[196] car il y en a plusieurs autres, sans compter celle qui lui donne la gloire d'avoir fond l'Empire Romain & bti la ville d'Albe, suivant un Oracle qui lui ordonnait de s'tablir avec les compagnons dans le lieu o, aprs avoir sacrifi aux Dieux, ils mangeraient jusqu' la table[197] sur laquelle on aurait servi leur repas. Cette dernire tradition est aujourd'hui assez communment reue.[47] Quarante-septime rcit. Althmene[198] du sang d'Hercule & petit-fils de Tmns, ne pouvait s'accorder avec ses frres. Comme il tait le cadet, il rsolut de quitter le Ploponnse, & il le mit la tte d'une troupe de Doriens & de Plasges, dans le dessein d'aller chercher fortune ailleurs. Les Athniens nommrent dans le mme temps Nile & les autres enfants de Codrus, pour Chefs d'une peuplade[199] ; & les Lacdmoniens, mcontents des habitants dont Philonomus avait peupl Amycies,[200] les envoyrent aussi chercher quelque autre tablissement, sous la conduite de Polis & de Delphus. Chacune de ces deux colonies fit ce qu'elle put pour engager Althmene se joindre elle. Les Doriens lui remontraient qu'il devait aller en Crte avec eux, puisque lui-mme tait Dorien ; & les Ioniens de leur ct n'oubliaient rien pour lui persuader de passer en Asie. Mais lui, fidle l'Oracle qu'il avait consult, il rpondit qu'il allait chercher Jupiter & le Soleil, ne voulant d'autre habitation, d'autres terres que celles qu'ils lui donneraient. Tout le monde sait que Crte est le domaine spcial de Jupiter,[201] & que Rhodes[202] est celui du Soleil. Althmene partit donc avec sa troupe, & tout en sortant du Ploponnse, fit voiles en Crte, o il dbarqua une partie de son monde, c'est--dire, ceux qui voulurent y fixer leur sjour; les autres en plus grand nombre, & la plupart Doriens, il les mena Rhodes Cette le a t anciennement habite par des peuples originaires du pays, qui dans la suite se fournirent aux Troyens ; ceux-ci furent chtis par les Phniciens, qui, aprs avoir occup l'le durant quelque temps, furent chasss leur tour par les Cariens, lorsque ces derniers se rendirent matres de plusieurs autres les de la mer Ege. Enfin les Doriens ayant fait une descente Rhodes, & se trouvant les plus forts, en chtirent les Cariens, s'y tablirent en leur place, & btirent trois villes, Linde, Jalyse & Camire. La domination de ces Doriens ainsi fonde par Althmene, sest maintenue jusqu' prsent, mais les trois villes dont j'ai parl n'en font plus qu'une que l'on appelle Rhodes, & qui est devenue trs puissante.[48] Quarante-huitime rcit. Dans le quarante-huitime, Conon parle de Romus[203] & de Romulus, mais un peu diffremment des autres. Amulius, dit-il, fit donner son frre Numitor dans une embuscade o il prit ; aprs quoi, pour empcher qu'Ilia[204] sa nice ne se marit & n'et des enfants, il la fit Prtresse de Vesta. Cependant elle ne laissa pas d'avoir commerce avec Mars, qui ensuite lui apprit qui il tait, lui prdt qu'elle le ferait pre de deux jumeaux, & l'assura qu'il serait son dfenseur. Ilia accoucha en effet de deux enfants. Quand elle fut dlivre, Amulius irrit de sa conduite, l'enferma dans une troite prison; l'gard des deux enfants, il en chargea celui de ses bergers en qui il avait le plus de confiance, & lui donna ordre de les faire mourir. Le berger eut horreur de ce commandement ; ne voulant donc pas tremper ses mains dans le sang de ces innocentes victimes, & ne pouvant pas aussi les garder, il prit le parti de les mettre dans une espce de berceau fait d'osier, & de les abandonner au courant de l'eau du Tibre. Ce berceau fut quelque temps port par le fleuve de ct & d'autre, jusqu' ce qu'ayant rencontr les racines d'un figuier sauvage qui avait pris naissance au bord de l'eau, il s'y embarrassa; mais la vague le dgagea, & le jeta enfin sur une grve molle, qui mme tait heureusement abrite par une grosse roche qui avanait sur le rivage. Une louve qui avait mis bas depuis peu, attire par les cris de ces enfants, venait eux, tournait autour de leur berceau ; & eux, par un instinct naturel, tendaient les bras comme pour prendre quelque chose, la caressaient & la ttaient, ce qu'elle souffrait si rgulirement & si volontiers, qu'elle semblait avoir chang sa frocit naturelle en compassion. Le berger Faustulus[205] vit cette singularit, & en fut frapp comme d'un prodige; aussitt il vint ces enfants, les prit dans ses bras, les porta chez lui, & en eut soin comme des siens propres. Dans la fuite, le hasard fit qu'il rencontra le berger qui avait expos ces deux jumeaux, & sut de lui toute leur aventure. Quand ils eurent atteint l'ge de quinze ou seize ans, il leur apprit lui-mme qu'ils taient du sang des Rois d'Albe, & fils de Mars. Il les instruisit du traitement qu'Amulius avait fait leur mre & Numitor leur aeul. Ces deux jeunes hommes joignaient la bonne mine une grande force de corps & un grand courage. Ne respirant donc que vengeance, ils se munirent de poignards qu'ils cachent sous leurs habits, vont droit Albe, & prennent le temps qu'Amulius, qui ne se dfiait de rien, tait sans gardes ; ils se jettent sur lui, le massacrent, & courent aussitt dlivrer leur mre. Tout le peuple applaudit une vengeance si juste, & l'instant les deux Princes furent proclams Rois d'Albe & du pays d'alentour. Leur rputation attira bientt dans Albe une si grande quantit d'habitants, que la ville ne pouvant plus les contenir, ces Princes furent obligs de la quitter, pour en aller btir une autre qui fut appele Rome, & qui est aujourd'hui la matresse du Monde. Une partie de ces faits est atteste par un figuier sacr que l'on conserve encore dans le Snat de Rome, & qui est dfendu par une balustrade de cuivre. On voit aussi dans le temple de Jupiter, une cabane faite de chaume & de branches d'arbres entrelaces, monument antique de la cabane de Faustulus, o Romus & Romulus avaient t nourris.[49] Quarante-neuvime rcit. Dans lle Anaph,[206] qui est au-dessus & prs de Thra ancienne colonie des Lacdmoniens,[207] il y a un temple d'Apollon-Eglts, o les Insulaires mlent une forte de bouffonnerie leurs sacrifices, en voici la raison. Jason en revenant de la Colchide avec Mde qu'il avait enleve, fut battu d'une si violente tempte, que le naufrage paraissait invitable. Ceux qui montaient la navire Argo[208] n'avaient plus d'esprance que dans leurs prires & leurs vux. Apollon les exaua ; il s'apparut eux au milieu des clairs, & avec son arc il dtourna le malheur dont ils taient menacs. La terre, du fond de ses abmes, fit tout coup sortir une le, o les Argonautes le jetrent comme dans un port ; & parce que te soleil voyait cette le pour la premire fois, ils la nommrent Anaph.[209] Ils y btirent un temple Apollon, qu'ils surnommrent Eglts,[210] cause des feux du Ciel qu'il avait fait luire leurs yeux. Aprs avoir sacrifi au Dieu leur librateur, pour se ddommager du mal pass, ils se livrrent au plaisir de la bonne chre & la joie. Dans la libert qu'inspire la table, Mde & ses femmes, car Jason pour prsent de noces lui en avait donn plusieurs, s'tant mises en bonne humeur, commencrent brocarder ces Hros, qui anims par une pointe de vin, leur rpondirent sur le mme ton, & ces plaisanteries durrent une partie de la nuit. Cest donc l'imitation des Argonautes, qu'encore aujourd'hui les insulaires d'Anaph, en clbrant cette fte tous les ans, prennent la libert de s'agacer & de le railler les uns les autres.[50] Cinquantime rcit. Alexandre Tyran de Phres,[211] ft tu par Thb sa propre femme. Elle tait fille d'un Jason[212] Roi de Thessalie, & avait trois frres utrins, savoir Tisiphonus, Lycophron & Pytholas, tous trois fils d'valcs. Alexandre se dfiant d'eux, mditait de les faire mourir ; & comme il sentait bien que & femme ne supporterait pas aisment le meurtre de ses frres, il voulait la sacrifier elle-mme sa sret. Quand il tait jeun, il savait dissimuler mieux qu'homme du monde ; mais ds qu'il avait bu, & il aimait fort le vin, il disait tout ce qu'il pensait. Thb ne pouvant donc pas douter de ses intentions, assemble les frres, leur donne chacun d'eux un poignard, & les exhorte[213] prvenir le Tyran. Pour elle, sans perdre temps, elle fait boire son mari jusqu' ce que l'ivresse l'et plong dans un profond sommeil ; on le porte au lit : sous prtexte de vouloir prendre le bain, elle congdie les gardes & les domestiques, ensuite elle introduit ses frres, & les presse d'excuter leur projet; les voyant chanceler, surtout le cadet, aprs beaucoup d'autres menaces : h bien, dit-elle, je vais donc tveiller & lui rvler votre complot. Il n'y avait plus reculer, les trois frres furent ainsi forcs d'gorger le Tyran, & ils lgorgrent dans son lit. Tout aussitt Thb envoy chercher les Capitaines des Gardes, & emploie si bien les prires, les caresses, les menaces, qu'elle leur persuade de lui aider se faire Souveraine; ils promettent tout, & tiennent parole. Thb donne l'odieux titre de Roy son frre an Tisiphernus, & garde pour elle toute l'autorit.

[51] . , , .[52] , , , , , . , . , , , , , . Jugement de Photius sur Conon & sur Apollodore.[51$ [51] Tels sont, dit Photius, les cinquante Rcits de Conon. Sa diction est pure, lgante, & dans le got Attique; la composition fleurie & agrable, quelques phrases prs, qui ont je ne sais quoi d'entortill, & qui s'loignent de l'ordinaire faon d'crire.[52] J'ai lu dans le mme volume, continue Photius., un petit livre du Grammairien Apollodore, sous le titre de Bibliothque. L'Auteur y rapporte ce que les Grecs, dans les temps les plus anciens, ont pens des Dieux & des Hros, avec les noms des fleuves, des pays, des peuples & des villes. De l parcourant toujours l'Antiquit Grecque, il descend au temps de la guerre de Troie ; il raconte les combats & les aventures des principaux Chefs, mme les traverses & les divers accidents qui, aprs la prise de Troie, tinrent errants sur les mers plusieurs Capitaines Grecs, surtout Ulysse, en la personne de qui il termine sa narration. Cet ouvrage est, proprement parler, un abrg de lHistoire fabuleuse de la Grce, & peut tre fort utile ceux qui veulent se la bien mettre dans la mmoire ; aussi l'Auteur en recommande-t-il la lecture par ce sixain, qui est tout la fin :Cet crit, cher Lecteur, te mettra sous les yeuxCe que lantique Fable a de plus curieux.Epargne-toi de lire Homre & ses semblables,Ils sont moins instructifs qu'ils ne font agrables.Tu trouveras ici, bien mieux que dans leurs Vers,Tout ce qui fit jamais du bruit dans lUnivers.[214]

[1] Ce Conon vivait donc du temps de cet Archlas qui fut le dernier roi de Cappadoce & qui, par la faveur de Marc-Antoine, obtint ce royaume environ quarante ans avant lEre Chrtienne. Ainsi il ne faut pas confondre cet Auteur avec un autre Conon, fameux Astronome, qui vcut sous les Ptolmes Philadelphe & Evergtes & qui poussa la flatterie jusqu faire de la chevelure de Brnice une Constellation. Mais on ignore si le Conon de Photius est diffrent d'un Conon qui avait crit de la Jude, selon Josphe, qui le cite dans son premier livre contre Appion & d'un Conon qui avait crit de l'Italie & qui se trouve cit par Servius sur le septime livre de l'Enide. Quoi qu'il en soit, il serait souhaiter que celui dont Photius nous a conserv l'ouvrage, eut cit les Auteurs d'o il avait tir ce qu'il rapporte; mais le soin de citer ses garants ntait pas ordinaire aux Ecrivains de l'Antiquit, cette exactitude est toute la gloire des Modernes.[2] On sait que Midas fils de Gordias qui gardait les vaches, devint roi de la grande Phrygie. L'histoire, ou plutt la fable de ce prince est trop connue pour que je my arrte.[3] Le texte porte Brimius; c'est Bermius qu'il faut lire, comme dans Strabon, qui dit que Midas tira ses grandes richesses des mines du mont Bermius. Ces Brigiens avaient pris leur dnomination d'un Macdonien appelle Brigas & par cette raison ils s'appelaient aussi les Brigantes, comme Etienne de Byzance nous l'apprend.[4] Voil la fable de Midas explique historiquement & fort vraisemblable, mais un sens si naturel aurait fait perdre Ovide, Met. l. xi. loccasion de dire bien des gentillesses ; pour donner carrire son bel esprit & sa fcondit, il a mieux aim se jeter dans le fabuleur.[5] Ovide n'a pas oubli cette circonstance remarquable; il dit que Midas fut initi aux Orgies ou mystres de Bacchus par Orphe & par Eumolpe lAthnien:Ad Regem traxere Midam, cui Thracius OrpheusOrgia tradiderat cian Cecropio Eumolpo, Metam. l. xi.Le mont Pirie tait alors en Thrace, mais depuis il a fait partie de la Macdoine.[6] Je traduis un Silne, parce qu'il ne parat pas que Conon ait entendu le pre nourricier & le compagnon de Bacchus, mais en gnral un Silne.[7] Je rapporte les propres termes de l'Auteur, pour faire voir que je les ai rendus exactement & que par consquent il n'entendait lui-mme par ce Silne, qu'un animal qui ressemblait l'homme & que lon avait apprivois avant que de lamener Midas. Cest pourquoi je me persuade que ces Silnes, ces Faunes, ces Satyres, ces Sylvains dont les Potes nous font des peintures si riantes & qui donnent tant d'me leurs posies, n'taient au fond que de gros singes, des animaux de l'espce de ceux qui se trouvent dans lle de Borno, selon quelques Voyageurs & qui ont si fort la figure dhomme, qu'on s'y mprendrait. Pausanias raconte aussi ce trait de l'histoire de Midas, mais tout autrement que Conon. Cependant ce qu'il ajoute de lle Satyride, est fort propre confirmer ma pense. Cest dans son Voyage de lAttique, page 16, de la traduction Franaise.[8] L'Auteur original fait ici un trange mlange de la Fable avec lhistoire. Il devait bien plutt nous apprendre sur quel fondement on disait que tout ce que Midas touchait se changeait en or.[9] On ne comprend pas comment Midas en changeant de pays, devait cesser de porter la peine de son insatiable soif des richesses. La Fable dit que ctait en se lavant dans le fleuve Pactole, suivant l'ordre de Bacchus; mais l'Historien, qui n'a pas recours la Fable, aurait du moins dire par quel moyen Midas fut enfin dlivr du funeste prsent que lui avait fait ce Dieu.[10] Ce passage des Brigiens peuples de Thrace dans cette partie de lAsie, qui de leur nom a t appele Phrygie, est confirm par tous les anciens Gographes. Strabon dit qu'ils y portrent, non seulement leurs Dieux, leur culte, leurs crmonies, mais encore leur got pour la Musique; car les plus anciens Musiciens & les plus clbres taient de Thrace, tmoins Orphe, Muse & Thamyris. De l vient que les noms des anciens instruments de Musique sont pour la plupart des noms barbares, comme Nablum, Sambuca, Barbiton, Magada & autres. Pour revenir Midas, il btit la ville d'Ancyre & s'tablit dans cette contre-l mme, dont une partie fut occupe dans la suite des temps par ces Gaulois, ou Galates qui avaient manqu leur entreprise sur le temple de Delphes. L'Hellespont tait une contre de la Mysie dans l'Asie mineure.[11] Voil comment une infinit de choses, en passant de bouche en bouche, acquirent un air de merveilleux, quoique l'origine en soit trs simple & trs naturelle. Dans les uvres mles de M. Spon, nous avons une Mdaille de Midas, o il est reprsent la tte couverte de ce bonnet a la Phrygienne que lon appelait Cydaris.[12] Miltus passait pour tre fils d'Apollon & de Djon. Fier de sa naissance, il se rendit redoutable Minos roi de Crte, qui craignait avec raison quil ne voulut le dtrner, comme il aurait peut-tre fait, si Jupiter, selon les uns, ou Sarpdon, selon les autres, ne lui et inspir d'aller plutt chercher un tablissement dans la Carie, o en effet il alla & btit la ville de Milet, qui depuis a t si clbre.[13] L'Auteur ne devait pas oublier que Byblis & Caunus taient jumeaux :Cognita Cyanae praestanti corpore Nympha Byblida cum Cauno prolem est mixa gemellam.dit Ovide, Metam. liv. 9. Cest une circonstance qui semble prparer le lecteur au penchant que le frre & la sur eurent l'un pour lautre.[14] Nle, ou plutt Nile, comme l'appelle toujours Pausanias, tait fils de Codrus dernier roi d'Athnes. N'ayant pu, non plus que ses autres frres, saccorder avec Mdon leur an, ils se mirent la tte de ces Ioniens qui s'taient rfugis Athnes & allrent chercher fortune en Asie. Pausanias dit que ctait la troisime colonie qui ft Ionie de Grce, compose d'une multitude trangre & commande par des Chefs trangers; car ces Chefs, du ct de Codrus & de Mlanthus leur pre & leur aeul, taient Messniens & originaires de Pylos. Pausanias, dans son Voyage d'Achae.[15] Dans Ovide & dans presque tous les aunes Mythologues, c'est Byblis qui prend de l'amour pour son frre. Ici cest Caunus qui en prend pour sa sur, en quoi du moins l'Auteur a plus mnag l'honneur de Byblis & mieux observ les biensances.[16] Caunius amor avait pass en proverbe chez les Anciens, pour dire un amour illicite & criminel. Mais supposer, comme le dit Conon, que Caunus et pris une si violente passion pour Byblis & qu'aprs avoir t cause de sa mort, il et pass si tt de nouvelles amours, je crois que Caunius amor devait plutt lignifier un amour inconstant & volage, qu'un amour illicite.[17] Ce fleuve tait le Caldis. Caune, peu distante de Rhodes, tait situe dans un pays gras & fertile, mais l'air y tait malsain, sur-tout en Automne & en Et, cause des grandes chaleurs, qui, jointes l'abondance des fruits que produisait ce terroir, causaient des maladies (Strabon, l. 14). On dit que Stratonique, clbre Musicien, tonn de la pleur des habitants, leur appliqua un passage d'Homre, o il compare les hommes aux feuilles des arbres. Les Cauniens, qui comprirent la pense, trouvrent fort mauvais qu'il dcrit leur ville comme malsaine : Moi, dit-il, je n'ai garde de penser ainsi d'une ville o je vois des morts marcher dans les rues. Il y avait en Crte une ville de mme nom & qui tait comme la matrice de celle de Carie.[18] Cette le fut dabord appele Drpane. Crs, qui la favorisait, craignant que les fleuves qui vont tomber tout auprs dans la mer, ne fissent la longue un continent de cette le, pria Neptune de dtourner leur cours, ce qu'il fit & de l lle eut le nom de Schria jusqu'au temps de Phax, qu'elle prit le nom de Phacie. Ce Phax, un de ses Rois, tait fils de Neptune & de Corcyra, ou Cercyra, fille du fleuve Asope. Enfin une colonie de Coryndiiens sy tant tablie, elle changea encore de nom & prit celui de Corcyre. Aujourd'hui c'est Corfou & elle appartient aux Vnitiens.[19] Conon & l'ancien Auteur dont il donne l'extrait, font Alcinos fils de Phax, mais, suivant les autres, il tait fils de Nausithos. Quoi qu'il en soit, cest le mme Alcinos dont il est parl dans Homre & qui fit une si bonne rception Ulysse. Il tait si voluptueux & faisait une chre si dlicate, que la table dAlcinos avait pass en proverbe.[20] Selon Virgile & la tradition qu'il a suivie, Latinus avait une fille unique nomme Lavinia, qu'Ene pousa. Voici une autre tradition toute diffrente ; la fille de Latinus tait Laurina & Locrus fut son gendre.[21] Ces Locres taient appels Epizphyriens, cause quils habitaient au-dessus du cap Zphyr, ainsi nomm, parce que sous ce cap ou promontoire il y avait un port qui tait l'abri des vents du Couchant. C'tait une colonie des Locres surnomms Ozoles, dont il est amplement parl dans Pausanias. Mais Strabon, liv. 6, raconte tout diffremment de Conon, comment & pourquoi, ces Locres Epizphyriens se transplantrent en Italie.[22] Le roi Latinus contemporain d'Hercule & tu par Hercule, voil ce qu'il n'est pas possible d'accorder avec l'Enide de Virgile. Ainsi, tout ce que dit le Pote au sujet de Latinus & dEne, est une pure supposition, aussi bien que l'aventure, de Didon. L'anachronisme est plus sensible dans l'un que dans lautre, mais la fausset est gale en tous les deux. Le savant Bochart, non plus que bien d'autres Savants, navait apparemment pas lu cet endroit de Photius ; il en aurait profit & n'aurait pas manqu, d'ajouter cette autorit tant d'autres qu'il allgue dans sa belle Dissertation quil a faite pour prouver qu'Ene, -bien loin d'tre le fondateur de l'Empire des Romains, navait jamais mis le pied en Italie.[23] Cette ville, appele Locris, ensuite Locri, est aujourd'hui dtruite & ne donne l'ide de ce qu'elle a t, que par le nom qu'elle conserve de Palaiopoli. On croit que Girace dans la Calibre ultrieure, a t btie de ses ruines.[24] Olynthe ville de Thrace, possde anciennement par des Grecs originaires de Chalcide, ville d'Eube & colonie d'Athnes, a t encore plus clbre par les harangues de Dmosthne, que par sa propre puissance. Elle ne subsiste plus aujourd'hui. Etienne de Byzance dit qu'elle avait t btie par Olynthus. Conon nous apprend qu'elle fut btie en son honneur, non par Olynthus mme, mais par son frre.[25] D'autres Auteurs font Olynthus, fils d'Hercule; rien nest plus incertain que l'Histoire Grecque dans ces temps loigns qui ont prcd la guerre de Troie.[26] Ctait cette partie de la Thrace qui joignait la Macdoine. Les neiges de Sithonie, Sithoni nives, avaient pass en proverbe. Orphe qui habitait ce pays, lavait rendu clbre.[27] Ville comme il a t dit btie par Locrus dans la Calabre ultrieure, dix milles de Rhgium ou Rhgio.[28]