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Pour citer cet article : Mion G, Doppia M-A. Prise en charge des professionnels souffrant de burnout (podcast). Le Praticien en anesthésie réanimation (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2014.04.002 ARTICLE IN PRESS Modele + PRATAN-480; No. of Pages 8 Le Praticien en anesthésie réanimation (2014) xxx, xxx—xxx Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com VIE PROFESSIONNELLE Prise en charge des professionnels souffrant de burnout (podcast) Supporting physicians suffering from burnout syndrome Georges Mion a,,c,1 , Max-André Doppia b,c a Pôle anesthésie réanimations thorax exploration, groupe hospitalier Cochin-Broca-Hôtel-Dieu, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France b Pôle anesthésie-réanimation, CHU de Caen, 14033 Caen, France c Commission : « santé des médecins anesthésistes réanimateurs au travail » (SMART), Collège franc ¸ais des anesthésistes réanimateurs, 74, rue Raynouard, 75016 Paris, France MOTS CLÉS Burnout ; Dépression ; Suicide ; Anesthésie ; Réanimation Résumé La prévalence du burnout a longtemps été sous-estimée notamment chez les profes- sionnels de santé et particulièrement dans le milieu de l’anesthésie-réanimation. Les facteurs de risque sont l’augmentation de la charge de travail, le manque d’autonomie décisionnelle, le travail de nuit et les conflits éventuels sur les lieux du travail et notamment au bloc opéra- toire. Le burnout découle d’une augmentation des contraintes liées au travail tandis que les signes de reconnaissance sont absents. Il est caractérisé par une série de symptômes tels que la fatigue, la dépression et le désintérêt. Le collège franc ¸ais des anesthésistes a mis à disposition un numéro vert qui donne un accès libre à une assistance psychologique pour les profession- nels susceptibles de souffrir de burnout. Les professionnels souffrant de burnout doivent être écartés au moins transitoirement de leur activité professionnelle avant d’envisager une reprise progressive après avoir bénéficié d’un soutien adapté. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Burnout syndrome; Suicide; Anaesthesia; Intensive care Summary Burnout syndrome has long been underestimated in healthcare providers despite a high incidence, especially in anaesthesiologists. Risk factors are overactivity, lack of auto- nomy in decision-making, night shifts, and eventually conflicts in the operating theatre. The conditions promoting include a high level of constraints, the lack of control, and the lack of gratefulness. The burnout syndrome includes a series of symptoms such as fatigue, depression, Auteur correspondant. Pôle d’anesthésie-réanimation thorax exploration, groupe hospitalier Cochin-Broca—Hôtel-Dieu, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris, France. Adresse e-mail : [email protected] (G. Mion). 1 Photo. http://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2014.04.002 1279-7960/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Prise en charge des professionnels souffrant de burnout (podcast)

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Le Praticien en anesthésie réanimation (2014) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

VIE PROFESSIONNELLE

Prise en charge des professionnels souffrantde burnout (podcast)

Supporting physicians suffering from burnout syndrome

Georges Miona,∗,c,1, Max-André Doppiab,c

a Pôle anesthésie réanimations thorax exploration, groupe hospitalierCochin-Broca-Hôtel-Dieu, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, Franceb Pôle anesthésie-réanimation, CHU de Caen, 14033 Caen, Francec Commission : « santé des médecins anesthésistes réanimateurs au travail » (SMART), Collègefrancais des anesthésistes réanimateurs, 74, rue Raynouard, 75016 Paris, France

MOTS CLÉSBurnout ;Dépression ;Suicide ;Anesthésie ;Réanimation

Résumé La prévalence du burnout a longtemps été sous-estimée notamment chez les profes-sionnels de santé et particulièrement dans le milieu de l’anesthésie-réanimation. Les facteursde risque sont l’augmentation de la charge de travail, le manque d’autonomie décisionnelle,le travail de nuit et les conflits éventuels sur les lieux du travail et notamment au bloc opéra-toire. Le burnout découle d’une augmentation des contraintes liées au travail tandis que lessignes de reconnaissance sont absents. Il est caractérisé par une série de symptômes tels que lafatigue, la dépression et le désintérêt. Le collège francais des anesthésistes a mis à dispositionun numéro vert qui donne un accès libre à une assistance psychologique pour les profession-nels susceptibles de souffrir de burnout. Les professionnels souffrant de burnout doivent êtreécartés au moins transitoirement de leur activité professionnelle avant d’envisager une repriseprogressive après avoir bénéficié d’un soutien adapté.© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Mion G, Doppia M-A. Prise en charge des professionnels souffrant de burnout (podcast). Le Praticienen anesthésie réanimation (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2014.04.002

KEYWORDSBurnout syndrome;Suicide;Anaesthesia;Intensive care

Summary Burnout syndrome has long been underestimated in healthcare providers despitea high incidence, especially in anaesthesiologists. Risk factors are overactivity, lack of auto-nomy in decision-making, night shifts, and eventually conflicts in the operating theatre. Theconditions promoting include a high level of constraints, the lack of control, and the lack ofgratefulness. The burnout syndrome includes a series of symptoms such as fatigue, depression,

∗ Auteur correspondant. Pôle d’anesthésie-réanimation thorax exploration, groupe hospitalier Cochin-Broca—Hôtel-Dieu, 27, rue duFaubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris, France.

Adresse e-mail : [email protected] (G. Mion).1 Photo.

http://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2014.04.0021279-7960/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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2 G. Mion, M.-A. Doppia

and disinterest. To provide supportive assistance the French college of anaesthetists makes itavailable a free access to psychologists through a dedicated phone number. Physicians sufferingfrom a burnout syndrome needs to be taken away from their tasks, at least transiently andreintegrated progressively under medical control.© 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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La version audio de cet article est disponible en podcast(Annexe 1 en fin d’article).

La reconnaissance est à l’adulte ce que l’amour est àl’enfant.

Christophe Dejours

ntroduction

voqué en France dès les années cinquante dans les travauxe Claude Veil, le syndrome d’épuisement professionnel desoignants devint tangible vingt ans plus tard aux États-Unisrâce aux descriptions du syndrome de burnout par Herbertreudenberger et au développement par Christina Mas-ach à Berkeley d’un instrument de mesure qui fait encoreéférence [1]. Malgré les importants travaux du psychana-yste Christophe Dejours [2] débutés à la même époque, larance, particulièrement dans le monde médical, est res-ée à la traîne. Il faut attendre la dernière décennie, aveca médiatisation de suicides en série dans un contexte deression de productivité pour observer une tardive prisee conscience sociétale. Dans le milieu de l’anesthésie-éanimation francaise, de nombreux mémoires ont vu leour récemment et plusieurs recherches d’ampleur ont étéubliées depuis le travail d’Embriaco et al. portant sur près’un millier de réanimateurs francais [3]. C’est le cas de’étude SESMAT [4] et de l’étude de la SFAR sur le burnoutarmi les professionnels de l’anesthésie en France [5]. Enffet, les problèmes mentaux liés au travail sont désormaisevenus une cause majeure d’absentéisme et un enjeu deociété [6].

léments de psychopathologie du travail

es professionnels de santé sont de plus en plus confron-és à deux impératifs vécus comme contradictoires, celuie la productivité et celui de la qualité des soins [7]. Cetteouble contrainte n’est pas sans enjeux éthiques. Si le sec-eur de la santé et de l’action sociale présente le taux deuicide le plus élevé dans la population générale, les méde-ins anesthésistes-réanimateurs eux-mêmes ont un risquencore supérieur à celui de l’ensemble des autres médecins8]. Des études ont révélé que dans cette dernière popula-

Pour citer cet article : Mion G, Doppia M-A. Prise en charge des pen anesthésie réanimation (2014), http://dx.doi.org/10.1016/

ion, les stresseurs les plus déterminants sont le manque deemps et d’autonomie au travail, les décisions éthiques dif-ciles, les contraintes familiales impliquées par les gardest la communication avec les chirurgiens [7].

adre

Christophe Dejours a minutieusement décrit les condi-ions de la normalité, de la souffrance au travail et deséfenses mises en jeu, ainsi que la dynamique du coupleouffrance/plaisir au travail. La confrontation entre le tra-ail prescrit et le travail réel implique la mise en jeu deon-dits intuitifs, d’habiletés, d’ingéniosité, d’arbitrages,arfois de transgressions intelligentes, qui supposent cer-ains compromis, une autonomie, une confiance, une margee manœuvre minimale [9]. Se conformer à la lettre

la tâche prescrite, sans mettre en jeu cet ensemblee talents acquis qui font le métier, c’est appliquer laameuse « grève du zèle ». Il y a un paradoxe entre l’aspecttructurant, socialement valorisant, du travail et la souf-rance parfois engendrée. C’est l’opposition symboliquentre le travail, du latin tripallium, supplice infligé auxsclaves et le métier, du grec mètis, compétence, intelli-ence inconsciente déployée dans la réussite de la tâchet sixième sens développé par la confrontation sensorielleontinuelle avec les défis techniques. Au-delà du « jugement’utilité » porté par les « clients » (direction, chirurgiens,alades), le « jugement de beauté, porté par les pairs, sur

a manière de faire, apporte la reconnaissance symboliquee l’engagement dans le métier et le bien-faire reconnu pareux qui l’exercent.

Dejours rappelle que toute décompensation psychopa-hologique révèle une crise d’identité et que l’identité’est jamais définitivement stabilisée. Pour se construire,e facon dynamique, elle nécessite sa confirmation par leegard de l’autre. Ce constat, c’est la « reconnaissance »,ui fait exister. Il insiste sur le fait que l’essentiel dea psychopathologie du travail se déploie dans la non-econnaissance du travail par autrui, pire, par son désaveu9].

L’agence européenne pour la santé, la sécurité au tra-ail et l’accord interprofessionnel francais sur le stress auravail définissent le stress comme le déséquilibre entre uneontrainte imposée par l’environnement et la perception de’individu de ses propres ressources pour y faire face [10].n n’est pas loin de la définition de la douleur par l’IASPui valide la primauté de la subjectivité : « si je dis que j’aial, c’est que j’ai mal ; si je dis que je suis stressé, c’est que

e le suis ». Ces définitions sont fondatrices dans la mesureù elles mettent l’individu au centre de sa souffrance, etosent comme base, qu’au-delà des moyens accordés, laontrainte supportable dépend de l’individu.

Différents modèles de stress au travail matérialisent laentralité de ce déséquilibre. Le modèle de Siegrist met envant le déséquilibre entre effort consenti et récompense,

rofessionnels souffrant de burnout (podcast). Le Praticienj.pratan.2014.04.002

vec une mention pour le surinvestissement comme facteure risque supplémentaire. Le modèle de Karasek et Théo-ell (demande/contrôle) envisage le stress comme le rapportntre le degré de maîtrise (contrôle) de l’individu sur son

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Prise en charge des professionnels souffrant de burnout (podcast

Tableau 1 Profil comportemental en fonction descontraintes professionnelles.

Maîtrisées Peu maîtrisées

Fortes contraintes Actif Stressé

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LpspdL1numsenf[bsdmtndl’absence de soutien conjugal était liée au burnout chez

Peu de contrainte Détendu Passif

travail ou ses décisions et les exigences du travail (pres-sion de production, injonctions contradictoires. . .). Peu demaîtrise mais peu de contraintes définissent une zone de« passivité ». De fortes contraintes dans une ambiance delatitude décisionnelle élevée définissent une zone « active »(le « bon » stress). Faible demande et forte latitude génèrentune ambiance détendue, au contraire de l’ambiance destress (job strain) caractérisée par le déséquilibre entre defortes contraintes et une faible latitude de décision. John-son a ajouté une dimension de soutien social. Le cumul defortes contraintes, d’un faible contrôle et d’un faible sou-tien social est significativement lié à l’apparition de troublesmusculo-squelettiques (TMS), de pathologies cardiovascu-laires, de troubles anxio-dépressifs [6], d’une addiction oud’un épuisement professionnel [10]. Au total, 90 % des vic-times de souffrance au travail le sont en raison du travaillui-même : 60 % en raison d’une surcharge de travail, 50 %du fait d’une non-reconnaissance de leur travail, 30 % en rai-son de conflits hiérarchiques et 20 % en raison d’un manqued’autonomie [6] (Tableau 1).

Le burnout, de quoi s’agit-il ?

Le burnout, ou syndrome d’épuisement professionnel, n’estpas une pathologie, mais un syndrome réunissant des symp-tômes psychiques et somatiques provoqués par l’expositionà plusieurs années de stress chronique au travail. La par-tie émergée de l’iceberg est la fatigue chronique. Elleest physique (épuisement non influencé par la prise derepos) et mentale (difficulté de concentration, troublesmnésiques, etc.). Sur la côte Est des États-Unis, la des-cription princeps de Freudenberger mettait en avant unepart de frustration, instillée par un sentiment d’échec pro-fessionnel chez des individus très investis dans leur métier(ceux qui ont la « flamme » ou le « feu sacré »). Il avaitremarqué l’état d’épuisement physique qui « consumait » lesoignant et écrivait à ce propos que les « gens peuvent êtrevictimes d’incendie intérieur, comme les immeubles dontles murs restent debout ». Critère pratiquement nécessaire,l’épuisement n’est pas suffisant pour définir le syndrome.Sur la côte Ouest, Christina Maslach élabore à Berkeley leMaslach Burnout Inventory. Avec ses 22 items côtés chacunde 0 à 6, le MBI fait du burnout un paradigme à trois compo-santes que l’analyse ne peut réduire à une seule dimension :l’épuisement émotionnel, la déshumanisation du soin aupatient et le sentiment d’un déficit d’accomplissement per-sonnel. La déshumanisation de la relation au patient quifait initialement le sens de nos professions est spécifique.On parle d’attitude indifférente, voire de cynisme. Elle sur-

Pour citer cet article : Mion G, Doppia M-A. Prise en charge des pen anesthésie réanimation (2014), http://dx.doi.org/10.1016/

viendrait en réaction à l’épuisement, dans une tentative dusoignant de se distancier d’une proximité épuisante avecla souffrance en déniant au patient sa dimension humaine

dll

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réification). Alors que l’épuisement et la déshumanisa-ion seraient en rapport avec la pression de productivitét les tensions interpersonnelles, la perte du sentiment’accomplissement personnel qu’on peut attendre d’unétier d’aide pourrait être connectée avec le manque de

econnaissance, de soutien et de ressources, l’absence de tissu » social.

Si la prévalence du burnout, remarquablement constanteenviron 40 %) au sein des professions concernées et sa des-ription socio-psychologique sont désormais bien cernées, il’en est pas de même des moyens de le détecter au quo-idien, de le prévenir, c’est-à-dire d’agir sur ses causes,i de soigner ses conséquences ou d’éviter sa récidive.ien plus, rien ou presque n’a été envisagé du point deue législatif pour établir un lien entre un travail patho-ène et une pathologie handicapante qui implique un droitotentiel à réparation. Dans ce domaine aussi, l’Europe estn retard sur les États-Unis. Le 25 mars 2010, le Conseil’administration de l’Organisation internationale du travailOIT) a inclus les troubles mentaux et du comportement liés

des activités professionnelles dans la liste des maladiesrofessionnelles. En France, faire reconnaître un burnoutomme imputable au travail relève encore de l’utopie. Tou-efois, l’article L 411-1 du Code de la sécurité sociale stipuleu’un accident du travail est constitué par une lésion cor-orelle soudaine entendue « au sens large », c’est-à-direonstituée de dommages physiques ou de troubles psycho-ogiques. Encore faut-il prouver le lien entre l’accident ete travail. Le cabinet Technologia d’évaluation et de pré-ention des risques professionnels appelle à l’inscription duyndrome d’épuisement au tableau des maladies profession-elles.

ne dépression réactionnelle

es prémices de la plupart des ouvrages traitant du burnoutrennent soin de bien le différencier de la dépression. Il’agirait d’un ensemble de symptômes confinés à la sphèrerofessionnelle, l’individu restant exempt de symptômesépressifs dans les différents domaines de la sphère privée.a réalité est loin de ce tableau dichotomique. Chez plus de500 professionnels francais de l’anesthésie-réanimation,ous avons, comme Maslach l’avait déjà observé, retrouvéne corrélation entre intensité de l’épuisement émotionnelesuré par le MBI et le score Hands (un score de dépres-

ion) [5]. Dans un travail récent, une équipe franc-comtoisestimait d’ailleurs que la comparaison d’individus en bur-out avec des patients en dépression majeure n’est pas enaveur de l’existence de deux entités nosologiques séparées11]. Malgré les avis contraires, il n’y a donc pas vérita-lement d’éléments factuels pour exclure le burnout d’unyndrome dépressif réactionnel à l’exposition chronique àe mauvaises conditions de travail. On comprend intuitive-ent que c’est précisément la porosité entre vie privée et

ravail qui est l’un des éléments de l’épuisement profession-el. Notre étude retrouve par exemple un effet protecteure la vie en couple, de même qu’une étude montrait que

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es professeurs d’anesthésie américains [12]. Inversement,e stress au travail déteint rapidement sur l’ambiance fami-iale. Enfin, nous avons observé, comme d’autres [13], une

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orrélation entre antécédents de maladie mentale et sévé-ité du burnout [5]. Cela ne fait pas de la personnalité oues antécédents psychiques une cause de burnout, mais unacteur de fragilité éventuelle dont ne pas tenir compte estne erreur. Prétendre qu’un individu en burnout souffre deroblèmes personnels est donc au mieux un truisme, au piren non-sens.

econnaître le burnout

n dépit de ce que les publications et l’utilisation du MBIourraient suggérer, nous avons observé que la distribu-ion du burnout dans une population donnée ne suit enucune facon la loi du tout ou rien. Lorsqu’on énonce queelle population comporte 40 % d’individus en burnout, ilst implicitement entendu que 40 % des individus dépassentn seuil donné à l’instrument de mesure utilisé. Maslach aourni, en effet, des seuils de burnout faible, intermédiaireu élevé, dans chacune des trois dimensions mesurées pare MBI. Comme pour une glycémie à jeun qui départage desatients diabétiques d’individus normaux, il existe toute uneamme de gravité, donc de pronostic, selon l’amplitude de’altération du paramètre mesuré. Dans notre étude publiéen 2013, 10 % seulement des professionnels de l’anesthésie-éanimation avaient des scores faibles au MBI et 6 %, descores élevés au trois composantes mesurées. Entre ceslasses extrêmes se distribuaient trois autres classes de bur-out croissant, donnant à la distribution globale une alluren cloche typique d’une répartition gaussienne des symp-ômes [5].

Ainsi, annoncer que 30, 40 ou 50 % d’une populationouffrent de burnout n’a de sens qu’à titre de comparai-on entre elles de différentes professions, classes d’âge,ppartenance à un sexe ou à l’autre, hiérarchies au travail,xpositions à un facteur de risque, etc. Un tel résultat neonne en revanche, dans l’état actuel des connaissances,ucune information exploitable sur le nombre d’individusnaptes à continuer à exercer leur profession ou, pire, expo-és à un risque imminent de décompensation, suicidaire parxemple. Force est par conséquent de recommander auxollectifs de travail d’implémenter une mesure régulière duBI ou de tout autre outil maîtrisé par la structure en ques-

ion lors de visites, obligatoires, de médecine du travail.Une simple échelle numérique évaluant la qualité de vie

u l’intensité de la fatigue suffirait à un dépistage gros-ier, comme nous l’avons observé [5]. En dehors de scoreslarmants au MBI ou ses équivalents, on sera alerté parn cortège socio-clinique évocateur : fatigue chronique quist souvent le premier symptôme [6], irritabilité, défautse concentration, troubles du sommeil, TMS, repli suroi, conflits avec les collègues, les patients ou la hié-archie, symptômes anxio-dépressifs, mais d’authentiquesroubles somatiques (ulcères gastriques, hypertension arté-ielle, etc.) ne sont pas moins évocateurs et devront faireechercher un mal-être chronique au travail. Ailleurs, c’esta répétition d’arrêts de travail de courte durée qui devraettre la puce à l’oreille. Ils sont souvent prémonitoires

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’un problème plus grave en rapport avec le travail : épuise-ent chronique au cours duquel l’individu ne parvient plus

« retrouver son souffle », situation de harcèlement, etc.e présentéisme n’est pas moins inquiétant. L’individu qui

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PRESSG. Mion, M.-A. Doppia

’arrive pas, le soir, à quitter son lieu de travail ou qui passees week-ends à l’hôpital, est également suspect d’être enal-être.

lerter la structure professionnelle

e médecin du travail a une mission de prévention ete mise en visibilité des problèmes de santé au travail.ouvent, ce ne sera pas lui qui détectera un épuisementrofessionnel chez un individu, déjà trop atteint et quiura tendance à « prendre la tangente » en déclinant lesonvocations médicales [6], mais un proche, conjoint ou col-ègue. Dans certaines institutions se sont mises en place,ous l’impulsion de cliniciens engagés, des consultations

souffrance au travail ». Apparues dans les années 1990,lles ont beaucoup contribué à l’évolution de la législationt à la prise en compte des phénomènes de harcèlement auravail [9], mais restent hélas encore trop peu développées.

Depuis octobre 2013, grâce au travail de la commis-ion SMART (santé du médecin anesthésiste réanimateuru travail) qui œuvre dans le cadre du CFAR, unas décisif a été franchi : la mise à disposition d’unuméro vert (0 800 00 69 62) accessible à tout profes-ionnel francais de l’anesthésie-réanimation, médecinnesthésiste-réanimateur (MAR) ou infirmière (IADE), maisgalement aux proches du milieu familial ou de l’entouragemical. Cette ligne disponible 24 h sur 24, 7 jours sur 7 donneccès dans le respect de la confidentialité et du secretrofessionnel à 5 entretiens gratuits avec un professionnele l’écoute, diplômé de psychologie, qui n’est pas censéésoudre lui-même le problème de souffrance, mais mettre’appelant en relation avec les spécialistes ad hoc : psy-hiatre, médecin du travail, service d’addictologie, maisussi syndicat, avocat ou autre, en fonction des cas degure. C’est le premier pas vers la résolution, parfois trèsomplexe, de problèmes qui durent depuis des mois ou desnnées et qui semblent, brutalement, décompenser.

oustraire d’urgence l’individu en burnoutrave de son milieu de travail pathogène

ous parlerons de burnout grave puisque nous avons expli-ué que le franchissement de certains seuils, en partierbitraires, ne suffit pas à définir un burnout qu’il fautrendre en charge en urgence. Il est évident que toutevolution dans la zone intermédiaire du burnout réclamene prise en charge, mais qui relève davantage de larophylaxie, c’est-à-dire de l’organisation des équipes,e l’apprentissage de méthodes managériales qui res-ectent la personne humaine, et au niveau individuel, de’appropriation de techniques dites de « coping », sur les-uelles nous reviendrons.

En rapport ou non avec les conditions de travail, un étathysique ou mental altéré nécessite la prescription d’unrrêt de travail, non seulement pour la protection du profes-ionnel en souffrance, mais aussi pour celle des patients qui

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isquent de pâtir de son inefficacité, voire de ses erreurs14—16]. Le médecin du travail ou tout autre praticienonsulté par l’individu en souffrance peut initier le proces-us. Si l’individu en burnout consulte spontanément, c’est

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le plus souvent dans un état alarmant, car une des caracté-ristiques du syndrome est précisément le fait que l’individuignore ou préfère ignorer son état, dans un déni qui fait par-tie intégrante des symptômes dépressifs d’autodépréciationou de culpabilité, ou encore par peur de compromettrel’avenir professionnel [17].

En dehors de cas exceptionnels, où il peut suffire desoustraire un individu harcelé à son persécuteur, commenous l’avons évoqué, la prescription d’un arrêt de tra-vail de courte durée (une à trois semaines) ne résoudraqu’exceptionnellement une situation qui perdure depuis unà cinq ans dans la plupart des cas. Il est habituel que le trai-tement prenne autant, sinon plus de temps, que la durée deconstitution des symptômes. Il est dans ce cadre nécessaired’apporter au malade (le burnout n’étant pas la maladie,mais la partie émergée de l’iceberg qui révèle dépression,anxiété chronique, insomnie, syndrome post-traumatique,addiction, épuisement physique, etc.) une information pré-cise sur les droits sociaux attachés à son contrat de travail.Durée maximale de la période d’arrêt de travail, mais aussidurée des congés de longue durée pour maladie autorisantla perception intégrale ou partielle du salaire.

Ainsi, en cas d’arrêt maladie, le statut de fonctionnaire,praticien hospitalier (PH) ou personnel du Service de santédes armées francais (SSA), est particulièrement protecteur.Pour un arrêt de travail prolongé, le salaire complet estmaintenu pendant 3 mois avant réduction à 50 %. Toutefois,si l’état psychique le justifie, un congé de longue durée(CLD) peut être attribué pour 5 ans, sur décision du préfetou de la direction centrale du SSA, avec perception du pleinsalaire pendant 3 ans, puis d’un demi-salaire. Il est parfoispossible de compléter les revenus par une reprise du travail àtemps partiel, au titre de la réadaptation. Dans le cas d’unepathologie imputable au service, la période de CLD peut êtreprolongée de trois ans (5 ans avec plein salaire, 3 ans avecdemi-salaire) [18]. Les organisations syndicales jouent aussiun rôle essentiel en défendant des acquis statutaires et enalertant les professionnels sur la nécessité de se protégercontre les accidents de la vie [19]. Dans le secteur privé,en effet, la situation est plus préoccupante. La souscriptionpréalable et volontaire à un régime de prévoyance est utilepour compenser la perte de revenus en cas d’arrêt de travailprolongé, voire de mise en invalidité.

La guérison d’une dépression grave, si guérison possibleil y a, prendra six mois au minimum, plusieurs années par-fois. L’épuisement physique ou les symptômes comme lesTMS seront souvent les derniers à s’amender. Les troublesdu sommeil, les ruminations, l’anxiété ne disparaîtront pasen quelques semaines. Les entretiens psychothérapiques,les techniques de relaxation, les traitements anxiolytiquesou hypnotiques et antidépresseurs mettront selon les casplusieurs semaines avant d’agir. Dans les situations les plusgraves, parfois pré-suicidaires, lorsque l’estime de soi a étécomplètement détruite, une hospitalisation sera indispen-sable, parfois urgente et souvent prolongée.

La prise en charge des troubles addictifs chez les anes-thésistes obéit aux même règles que pour n’importe quelautre patient. Ainsi, le secret médical et la confidentialitédes soins doivent-ils être garantis pour préserver l’avenir et

Pour citer cet article : Mion G, Doppia M-A. Prise en charge des pen anesthésie réanimation (2014), http://dx.doi.org/10.1016/

les chances de réhabilitation. En France, les programmesnationaux ne sont pas encore en place mais des initiativesont vu le jour ces dernières années. Le CFAR propose une

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PRESS) 5

rientation vers un réseau d’addictologie, en voie de cons-itution, qui permet d’initier une prise en charge ouvrantes perspectives de réinsertion professionnelle ciblées.

érer la stabilisation

orsque l’individu n’est plus soumis aux conditions de travailélétères responsables de son burnout, une étape impor-ante est franchie. Il est possible d’espérer l’arrêt de laégradation de son état clinique et mental. L’interruption dea pratique du métier, qui faisait sens, est un nouvel obstacle

se dresser sur le chemin de la guérison. L’arrêt de travailu le congé de longue durée ne feraient qu’alimenter le sen-iment de culpabilité ou l’autodépréciation instillés au longours par les effets pervers d’un harcèlement moral ou deonditions de travail équivalentes à une suite d’injonctionsaradoxales.

Il est donc nécessaire de « meubler » ce temps libéré.es débuts ne sont souvent pas les plus compliqués, tantst grand l’épuisement physique inhérent au burnout ou,omme nous l’avons vu, à la dépression. Six mois ou un an neont parfois pas de trop pour retrouver un semblant de formehysique. Dans les cas les plus graves, lorsque le psychiatre

été amené à choisir de « casser » l’anxiété ou les rumina-ions par des antidépresseurs ou des neuroleptiques incisifs,e patient se retrouvera dans un tel état de ralentissementental qu’il ne prendra plus garde au temps qui passe. Cettehase « lytique » est parfois indispensable lorsque c’est laension psychique qui prend le devant des symptômes.

Passé les premiers mois, lorsque les différentes tech-iques chimiothérapiques ou de contrôle du stress commen-eront à porter leurs fruits, lorsque le malade commencera

se détacher des ruminations associées aux mauvaisesonditions de travail (harcèlement, conflits, dévalorisationhronique, parfois accident d’anesthésie. . .) et à retrouvern sommeil plus réparateur, le suivi personnalisé pren-ra une place prépondérante. Le patient en burnout n’estlus en dépression profonde, sans être encore capable’envisager une reprise de travail. C’est une phase deéappropriation de sa propre existence, comme s’il fallaitéapprendre à vivre, surtout réapprendre à aimer la vieu’on a choisie. Nous avons observé, comme d’autres, uneorrélation étroite entre le degré de burnout mesuré au MBI,e regret d’avoir choisi une profession dans l’anesthésie-éanimation et le désir de quitter cette profession [5]. C’esta phase où l’équipe autour du patient, mais aussi sa famille,ont lui permettre quasiment de réintégrer le monde desivants, comme si le trauma psychique à l’origine du burnoutvait été un trauma physique, voire l’acquisition d’un han-icap. Entrent en jeu : psychothérapie, enseignement desechniques de gestions du stress, stabilisation voire diminu-ion du traitement antidépresseur ou remplacement par desolécules moins incisives, gestion des troubles du sommeil,

pprentissage d’une meilleure hygiène de vie en perspec-ive d’une meilleure séparation entre ce qui doit revenir auravail et ce qui doit rester du domaine de la vie person-elle et familiale. La victime du burnout devra apprendre à

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râce aux soignants, en partie par ses propres moyens, sesectures, son ouverture à d’autres domaines : culture, art,ie sociale, pratique d’un sport, yoga, méditation, etc. On

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omprendra qu’il n’est pas raisonnable de penser réparer leségâts psychiques et physiologiques qui ont mis des années

se constituer en moins de quelques mois. C’est dire si leéni du burnout et de la souffrance au travail coûte actuelle-ent cher à la société. On estime que la pathologie mentale

nduite par le travail coûterait de 3 à 5 % du PIB en France10].

Un élément essentiel dont il est de plus en plus ques-ion, même si là encore la France est particulièrement enetard, est la prise en charge par les thérapies compor-ementales et cognitives (TCC) qui mettent en relationmotions et cognitions. Elles sont à l’origine de programmese gestion du stress en milieu professionnel et des tech-iques dites de coping [7,20], qui permettent à l’individue « faire face ». Sur le lieu de travail, elles nécessitent’implication de la direction qui est trop rarement sen-ibilisée à ces problèmes. Plusieurs voies peuvent êtrexplorées, comme les techniques de relaxation et de bio-eedback, qui permettent de gérer la tension musculairet les troubles neurovégétatifs déclenchés par le stress,a thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) qui ana-yse les écueils que sont l’évitement ou l’hypercontrôle, etes techniques de méditation. La méditation, issue d’uneongue tradition, notamment orientale, mais pas seulement,epose sur un ensemble de techniques ou exercices quiénèrent concentration, paix intérieure, relaxation phy-ique et mentale, propices à l’apaisement des ruminationsui envahissent la pensée. Issue dans les années 1970 duapprochement entre l’expérience bouddhiste et le déve-oppement des neurosciences, la méditation dite de pleineonscience (mindfulness), semble particulièrement intéres-ante [21,22].

réparer la reprise du ou d’un travail

lors que les premières semaines d’arrêt de travail ou lesremiers mois de congé de longue durée ne peuvent qu’êtreonsacrés à la réparation des dégâts physiques et men-aux, lorsque le syndrome de fatigue chronique s’amendet qu’une énergie nouvelle, souvent inconnue de l’individuepuis plusieurs années réapparaît en lui, se pose le pro-lème d’organiser la reprise du travail, indispensable à deuxitres : d’une part économique, mais aussi au titre de laéhabilitation psychique. L’individu a un besoin vital deapports sociaux, si tant est naturellement qu’il s’agisse’interactions bienveillantes.

Plusieurs cas de figures là encore peuvent être envisa-és : dans le cas d’un harcèlement, moral ou sexuel, ou’une inadéquation complète entre l’individu, sa condi-ion physique, la qualité de son sommeil, ses ressourcesersonnelles face au stress, voire ses propres antécédentssychiques, il est nécessaire d’envisager un changement deieu de travail. Méconnaître cet aspect crucial du problèmest courir à une rechute d’autant plus grave qu’elle couperaourt à tous les espoirs fondés sur l’impression de guéri-on. La même cause engendrerait les mêmes effets, souventvec une exacerbation proportionnelle à la mémoire, à

Pour citer cet article : Mion G, Doppia M-A. Prise en charge des pen anesthésie réanimation (2014), http://dx.doi.org/10.1016/

l’engrammage » comme disent certains, des événements l’origine de la première décompensation. Parfois, il’agira d’un changement de service, d’hôpital, d’une muta-ion, parfois d’une réorientation professionnelle. Un point

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ondamental est qu’il faudrait que la structure favorisee retour du personnel souffrant dans une ambiance de

bienvenue » [6]. La réparation passe parfois par la prisen compte du préjudice moral provoqué par un harcèle-ent. Il s’agit d’un aspect qui commence à émerger depuisuelques années en France, et qui doit être accompagnéear un juriste.

Dans certains cas, le burnout est la conséquence deonditions organisationnelles « ingérables ». Dans ces cas,e burnout d’un individu met en danger toute l’équipe quioit, du jour au lendemain, absorber la surcharge de tra-ail, de gardes, de stress de celui qui, atteint lui-même,’est jamais que « l’individu symptomatique » d’une équipealade. C’est ce qui explique l’aspect épidémique de cer-

ains burnout. Pour réintégrer l’individu « guéri », il faudraue toute l’équipe, manager en tête, gère les problèmesrganisationnels souvent complexes qui ont envoyé un desembres en congé maladie [6]. Dans le cas contraire, poureu que l’individu qui revient soit rempli de l’énergie qu’ilvait perdue, ait appris des techniques efficaces de gestione sa propre vie et du stress (comme d’apprendre à sépa-er vie familiale et professionnelle, ne pas mettre tous sesspoirs dans l’ascenseur social, ou encore savoir dire nonarfois), c’est un autre membre de l’équipe qui tomberaans les semaines qui suivent. On pourrait décrire ce phé-omène comme le « syndrome de la pièce de tissu neuve surn vieux vêtement » : ca craque là où on n’a pas réparé.

ne reprise progressive, à temps partiel siossible

e retour au travail ne s’effectue pas dans un contextee guérison. Bien au contraire, celle-ci est un processusraduel, qui ne se consolidera précisément que grâce auouvoir structurant du travail [6]. C’est une des raisonsour lesquelles il n’est pas réaliste de reprendre à tempslein immédiatement après un burnout authentique [23].i l’intensité du travail était à l’origine de l’épuisementrofessionnel progressif, il faut que l’individu accepte deiminuer sa charge de travail, de déléguer, de demander de’aide. Responsabilités, cadences, horaires à rallonge, pré-entéisme, nombre de gardes ou d’astreintes sont autante points d’impact à revoir, dans l’idéal (en réalité, rare-ent voire jamais) pour une réorganisation du travail de

oute la structure. En fait, nous l’avons confirmé [5], ce’est pas la quantité de travail qui provoque les bur-out, mais le plus souvent le déficit de reconnaissanceis en balance avec l’engagement professionnel (déséqui-

ibre effort—récompense du modèle de Siegrist) ou encorea faible maîtrise du professionnel sur l’organisation deon travail (déséquilibre Demande — Contrôle du modèle dearasek et Théorrel) [10]. Dans ce cas, le stress et la dévalo-isation qui ont conduit à l’épuisement ont laissé des tracesurables dans la psyché du sujet.

Il faut parfois un retour extrêmement progressif au tra-ail, avec une véritable technique d’inoculation du stress,omme on l’utilise dans le cas des phobies [10]. Le comité

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édical peut accorder un mi-temps thérapeutique ne dépas-ant pas un an. Il n’existe hélas en France pas de solutionoute faite, prévue « dans les textes » mais l’ingéniosité eta bienveillance de certains managers — distincts de ceux qui

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ont pu mener l’individu au burnout, ce qui suppose un chan-gement de service — peut faire des miracles. On peut parexemple commencer par recevoir le sujet en quête d’unereprise de travail dans son futur milieu professionnel, audépart comme simple observateur, puis progressivement,l’inclure de plus en plus dans l’équipe (par exemple pourla préparation de staffs, la réflexion sur les procédures,les protocoles de recherche, etc.). Une reprise à tempspartiel peut, pour les premières semaines, prévoir des acti-vités non cliniques, puis des journées auprès du malade,d’abord une, puis deux, puis trois par semaine. Dans lespays anglo-saxons, certaines structures ont prévu un coor-dinateur responsable du retour au travail. C’est lui qui faitle lien entre la structure, la hiérarchie immédiate, la méde-cine du travail et les travailleurs sociaux, les psychologues etle personnel malade. Notamment, la reprise à temps plein,lorsqu’elle est jugée possible, devra se faire en concertationavec le psychothérapeute.

Prévenir la rechute

Il s’agit à la fois de traiter les symptômes d’épuisementprofessionnel au niveau de l’individu et du collectif de tra-vail [24]. Il y a donc un aspect managérial primordial. Noussommes sur la bonne voie, mais il faut reconnaître que lesbonnes intentions sont encore embryonnaires. Il faudra lut-ter longtemps contre l’immobilisme, la psychorigidité, laviscosité administrative, le passéisme (« de notre temps, ontravaillait plus, on s’impliquait davantage, on était moinsindividualiste, il n’y avait pas de repos de sécurité », etc.).

La constatation que le burnout coûte si cher à une sociétéqui cherche à optimiser son rendement et son modèle social,conduira à mettre en place des stratégies de prévention dela souffrance au travail. C’est ce que font déjà de grandesentreprises, convaincues que ne pas nier le problème, maisle prévenir, permet en fin de compte de réaliser de sub-stantielles économies. L’enseignement de la problématiquede la souffrance au travail pendant les études médicales,l’organisation de sessions à thèmes comme l’ont fait cesdernières années les sociétés savantes posent les jalons du« bien-être au travail » de demain.

Au niveau individuel, c’est la pratique au quotidien d’unediscipline de vie saine. Éviter le présentéisme, savoir direnon courtoisement, respecter les autres et leur travail, culti-ver sa vie sociale, apprendre à dire merci à tous les échelonsd’un monde dédié à l’être humain mais souvent déshuma-nisé par des rythmes d’usines. . . La reconnaissance est lameilleure prévention du burnout [25]. Elle n’est pas seule-ment bienveillance, elle est la condition sine qua non del’équilibre du concept de Siegrist entre ce que demande letravail et ce que percoit le professionnel : perception d’unjuste revenu certes, mais surtout que le travail accompli nel’est pas en vain.

Au niveau collectif, nous avons rappelé l’importance dela réorganisation, de l’attribution du matériel nécessaire àun travail de qualité, des locaux indispensables (Salle destaff dans le service, salles de détente proche du bloc opéra-

Pour citer cet article : Mion G, Doppia M-A. Prise en charge des pen anesthésie réanimation (2014), http://dx.doi.org/10.1016/

toire, chambre de garde éloignée des incessantes alarmes dela réanimation ou des téléphones du service, bureau correct,etc.), de l’équilibre entre le travail clinique et les activitéstransversales, la recherche ou la formation continue (DPC).

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rendre régulièrement des vacances n’est pas une faiblesse,ais la prophylaxie de la fatigue chronique ; dormir est

n impératif. . . vital. Les managers doivent apprendre queout décider pour leurs subordonnés les expose fortementu burnout. Chaque membre de l’équipe doit avoir unroit de regard dans l’organisation de son propre travail.’organisation de groupes de parole (comme les groupesalint) n’est pas une tradition francaise ; elle a pourtant faites preuves outre-Atlantique pour gérer les conflits, prévenire stress post-traumatique [7]. Les réunions de RMM (revuesorbi-mortalité) qui nous sont devenues familières sont une

pportunité. Elles ne doivent pas être, comme on le voitarfois, l’occasion de désigner un bouc émissaire (ce qu’onbserve communément dans les situations de harcèlement26]), mais au contraire de mettre en place une plasticitées procédures qui doivent sans cesse s’adapter aux erreurst aux désorganisations.

hanger d’orientation professionnelle

ans certains cas, parfois après une, deux rechutes, ouorsque le soignant est proche de l’âge de la retraite, ilaudra envisager définitivement un travail à temps par-iel et l’arrêt temporaire ou définitif de la prise de gardesu d’astreintes [19], ce qui suppose un certificat médical,eule possibilité de faire exception à l’obligation d’assurera continuité des soins. Certains anesthésistes réanimateursarviennent à migrer vers des domaines où les compétencesu’ils ont acquises sont précieuses : médecine palliative,raitement de la douleur chronique par exemple. D’autrese tourneront vers une activité d’expertise, aucune porte’est fermée si le milieu de travail accepte d’entraider ceux’entre nous qui ont mis leur vie en danger pour être au ser-ice des autres : « même si un médecin doit abandonner larofession, la profession ne devrait pas l’abandonner » [19].

onclusion

hristophe Dejours a été depuis quarante ans l’observateurmpartial de la lente dégradation des conditions de travailui est loin de toucher le seul milieu médical. « Ils ne mour-aient pas tous, mais tous étaient frappés » écrit Marie Pezé,eprenant la célèbre phrase de La Fontaine [27]. C’est laévélation de l’ampleur du suicide au travail, inconnu enehors des campagnes avant les années 1970, par l’affairerance Télécom, puis les suicides à Pôle Emploi de chômeursn fin de droit qui a braqué les projecteurs sur l’épidémie’épuisement professionnel. Cette observation, faussementontradictoire, de mort par le trop de travail ou par le chô-age de longue durée, dit seulement combien le travail

ait sens pour l’être social. Desjours dénonce la « qualitéotale », la surveillance de professionnels toujours plus pro-uctifs, contrôlés, accrédités, tracés, parfois harcelés, bref,tressés [2].

Même après ce qui apparaît comme un désastre, il estossible de retrouver un équilibre professionnel prolongé,

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t le fait pour un soignant d’avoir été malade est souvent’occasion de croître dans son professionnalisme [19]. Laeule facon de diminuer les pourcentages alarmants de bur-out dans nos professions est de réintroduire ce que d’aucun

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omment une écologie humaine et qui se conjugue dans leilieu professionnel avec bienveillance et reconnaissance.

’enjeu majeur des prochaines années sera de mettre enlace des approches individuelles de prise en charge des per-onnes en burnout, mais surtout, au-delà, d’évoluer d’uneogique curative, vers une logique préventive de la souf-rance au travail [6]. Dans ce domaine, tout reste à faire.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

nnexe 1. Matériel complémentaire

a version audio de cet article au format mp3 est dis-onible en ligne sur http://www.sciencedirect.com etttp://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2014.04.002.

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