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Ce numéro de Omicron sera entièrement dédié aux résultats de la recherche menée par l’Observatoire sur la criminalité d’im- migration dans l’Europe méditerranéenne. Il s’agit d’une recher- che qui s’est déroulée l’année dernière pour l’Union Européenne dans le cadre du Programme Falcone et dont les résultats ont été officiellement présentés lors d’un congrès qui a eu lieu à Milan le 1er décembre 2001. Les pages qui suivent proposent une synthèse du Rapport final ayant pour objectif d’offrir une rapide et – autant que possible – complète information sur les principaux résultats du travail effec- tué, au bénéfice de ces nombreuses catégories (politiciens, admini- strateurs, magistrats, forces de l’ordre, étudiants, enseignants, associations de bénévoles) qui sont le plus intéressées au sujet. Sujet qui, de toute évidence, est et sera pendant longtemps un des plus controversés de l’agenda politique et institutionnel de l’Union et de certains de ses membres en particulier, rentrant de plus en plus dans les formes générales du débat politique et culturel, avec des conséquences sur les choix et les orientations législatives rela- tives à une pluralité de plans, allant de la démographie au mar- ché du travail, de la mobilité territoriale aux modèles d’intégra- tion culturelle. La recherche s’est développée selon une approche comparati- ve, en mettant sous observation trois réalités nationales distinctes de l’Europe méditerranéenne: l’espagnole, la française et celle ita- lienne. A l’intérieur de ces trois réalités nationales elle a cherché à connaître trois cas métropolitains, qui pour les informations disponibles représentaient les plus intéressantes quant au profil choisi, c’est-à-dire les cas de Barcelone, de Paris e de Milan. Elle a utilisé des compétences de niveau et nature différents, aussi bien juridiques que sociologiques et de criminologie, ayant recours à l’expérience d’opérateurs institutionnels (surtout des magistrats), aux connaissances mûries sur le terrain par des journalistes et des chercheurs, et à l’apport théorique d’étudiants universitaires. En s’articulant sur trois groupes nationaux que j’ai eu l’honneur de coordonner (dont la composition est indiquée dans la dernière page de ce numéro), la recherche a construit “in progress” sa structure analytique, à travers une vérification continue des points de contact entre les réalités examinées et, vice-versa, des plus importantes spécificités des milieux au fur et à mesure émer- geantes. J’ai donc élaboré quelques schémas descriptifs et inter- prétatifs comparés qui paraissent d’un intérêt considérable pour saisir les modalités à travers lesquelles le rapport immigration- nouvelle criminalité se présente dans les trois différents contextes nationaux. Des schémas qui finissent sans doute par mettre en valeur le poids – absolument fondamental, même si parfois il sem- ble s’éclipser du débat politique – de l’histoire (politique, sociale, démographique, culturelle, institutionnelle) et de la géographie de chaque pays. C’est à l’intérieur de cette approche comparée qu’il émerge, entre autres, l’existence d’un trait spécifique de la question ita- lienne, qui fait aujourd’hui l’objet de querelles passionnées. En ce sens la recherche a permis de vérifier comment la criminalité d’immigration est en Italie plus répandue et plus agressive que dans les deux autres pays considérés; mais elle a aussi mis en lumière comment ceci dépend de la double pression, par le sud et par l’est, que l’Italie (à cause d’un mélange absolument particulier de situations) a été destinée à affronter de façon plus intense et avec des rythmes inconnus à l’Espagne et à la France, historique- ment déjà lieux de phénomènes d’immigration. La discussion sur ces arguments, même si elle peut être légitime- ment orientée par différentes options culturelles et idéologiques de fond, ne peut toutefois faire abstraction d’un examen sérieux des données mises à disposition par la réalité et par la recherche scientifique qui enquête sur celle-ci. En ce sens, dans les justes proportions, il nous semble que la recherche d’Omicron puisse constituer aujourd’hui un point de repère à l’intérêt certain, une aide très utile pour toute discussion sérieuse sur le sujet. Notre remerciement pour avoir rendu cette recherche possible va à l’Union Européenne et aux groupes de travail des trois pays concernés. Nando dalla Chiesa Omicron / 36 Dans ce numéro: Introduction/Globalisation: une marmite en ébullition Espagne/La cas de Barcelone et le contexte national France/Le cas de Paris et le contexte national Italie/Un cas complexe d’envergure continentale Milan/Une hiérarchie criminelle entre ethnies Conclusions/La question du nouvel ordre civil Osservatorio Milanese sulla Criminalità Organizzata al Nord Numéro special Année V – N.12 Rapport de recherche: criminalité et immigration

Projet Falcone

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Projet de recherche Commisison Europeenne

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Page 1: Projet Falcone

Ce numéro de Omicron sera entièrement dédié aux résultatsde la recherche menée par l’Observatoire sur la criminalité d’im-migration dans l’Europe méditerranéenne. Il s’agit d’une recher-che qui s’est déroulée l’année dernière pour l’Union Européennedans le cadre du Programme Falcone et dont les résultats ont étéofficiellement présentés lors d’un congrès qui a eu lieu à Milan le1er décembre 2001.Les pages qui suivent proposent une synthèse du Rapport finalayant pour objectif d’offrir une rapide et – autant que possible –complète information sur les principaux résultats du travail effec-tué, au bénéfice de ces nombreuses catégories (politiciens, admini-strateurs, magistrats, forces de l’ordre, étudiants, enseignants,associations de bénévoles) qui sont le plus intéressées au sujet.Sujet qui, de toute évidence, est et sera pendant longtemps un desplus controversés de l’agenda politique et institutionnel de l’Unionet de certains de ses membres en particulier, rentrant de plus enplus dans les formes générales du débat politique et culturel, avecdes conséquences sur les choix et les orientations législatives rela-tives à une pluralité de plans, allant de la démographie au mar-ché du travail, de la mobilité territoriale aux modèles d’intégra-tion culturelle.

La recherche s’est développée selon une approche comparati-ve, en mettant sous observation trois réalités nationales distinctesde l’Europe méditerranéenne: l’espagnole, la française et celle ita-lienne. A l’intérieur de ces trois réalités nationales elle a cherché àconnaître trois cas métropolitains, qui pour les informationsdisponibles représentaient les plus intéressantes quant au profilchoisi, c’est-à-dire les cas de Barcelone, de Paris e de Milan. Elle autilisé des compétences de niveau et nature différents, aussi bienjuridiques que sociologiques et de criminologie, ayant recours àl’expérience d’opérateurs institutionnels (surtout des magistrats),aux connaissances mûries sur le terrain par des journalistes etdes chercheurs, et à l’apport théorique d’étudiants universitaires.En s’articulant sur trois groupes nationaux que j’ai eu l’honneurde coordonner (dont la composition est indiquée dans la dernièrepage de ce numéro), la recherche a construit “in progress” sa

structure analytique, à travers une vérification continue despoints de contact entre les réalités examinées et, vice-versa, desplus importantes spécificités des milieux au fur et à mesure émer-geantes. J’ai donc élaboré quelques schémas descriptifs et inter-prétatifs comparés qui paraissent d’un intérêt considérable poursaisir les modalités à travers lesquelles le rapport immigration-nouvelle criminalité se présente dans les trois différents contextesnationaux. Des schémas qui finissent sans doute par mettre envaleur le poids – absolument fondamental, même si parfois il sem-ble s’éclipser du débat politique – de l’histoire (politique, sociale,démographique, culturelle, institutionnelle) et de la géographie dechaque pays.

C’est à l’intérieur de cette approche comparée qu’il émerge,entre autres, l’existence d’un trait spécifique de la question ita-lienne, qui fait aujourd’hui l’objet de querelles passionnées. En cesens la recherche a permis de vérifier comment la criminalitéd’immigration est en Italie plus répandue et plus agressive quedans les deux autres pays considérés; mais elle a aussi mis enlumière comment ceci dépend de la double pression, par le sud etpar l’est, que l’Italie (à cause d’un mélange absolument particulierde situations) a été destinée à affronter de façon plus intense etavec des rythmes inconnus à l’Espagne et à la France, historique-ment déjà lieux de phénomènes d’immigration.La discussion sur ces arguments, même si elle peut être légitime-ment orientée par différentes options culturelles et idéologiquesde fond, ne peut toutefois faire abstraction d’un examen sérieuxdes données mises à disposition par la réalité et par la recherchescientifique qui enquête sur celle-ci. En ce sens, dans les justesproportions, il nous semble que la recherche d’Omicron puisseconstituer aujourd’hui un point de repère à l’intérêt certain, uneaide très utile pour toute discussion sérieuse sur le sujet.Notre remerciement pour avoir rendu cette recherche possible vaà l’Union Européenne et aux groupes de travail des trois paysconcernés.

Nando dalla Chiesa

Omicron/36Dans ce numéro:

Introduction/Globalisation: une marmite en ébullitionEspagne/La cas de Barcelone et le contexte nationalFrance/Le cas de Paris et le contexte nationalItalie/Un cas complexe d’envergure continentaleMilan/Une hiérarchie criminelle entre ethniesConclusions/La question du nouvel ordre civil

Osservatorio Milanese sulla Criminalità Organizzata al NordNuméro special – Année V – N.12

Rapport de recherche: criminalité et immigration

Page 2: Projet Falcone

Une grande marmite en ébullition. C’est peut-être l’ima-ge qui rend le mieux le mouvement continuel, l’agitation quivient du changement incessant; la caractéristique plus évi-dente du monde contemporain. La globalisation. La plusgrande libéralisation des flux, sans entraves, de n’importequel point à l’autre du globe ne concerne toutefois pas de lamême manière tous les phénomènes ni tous les sujets. Ellecaractérise complètement la finance et le capital; généreuse-ment toute typologie de marchandise et de pouvoir; partielle-ment et de façon contradictoire les individus.Migration et criminalité, les deux phénomènes de la globali-sation placés sous la loupe, révèlent certaines caractéristi-ques qui sont la toile de fond de cette recherche dans sonensemble. Les migrations et les difficultés de plus en plusimportantes pour ces flux sont souvent indiquées comme lacontradiction principale de l‘actuel modèle de globalisation.La criminalité en tant que pouvoir – souvent fort – tire juste-ment de ces contradictions l’énergie, la force, la légitimité etdes programmes pour le futur. Analysons-les dans le détail.

Concernant les phénomènes migratoires vers l’UnionEuropéenne, la recherche a remarqué que vers la fin du siè-cle dernier il y a eu deux combinaisons particulières. La pre-mière est celle entre la “mobilité pauvre” et la “mobilitériche”. D’un coté un très forte demande de mobilité à l’en-trée; une poussée en provenance en particulier des pays lesplus pauvres qui à la pauvreté ont répondu de la manièreclassique et plus simple. Une poussée, en particulier, qui serévèle absolument complémentaire à la baisse démographi-que (Tableau 1) et aux exigences du marché du travail destrois pays pris en considération. De l’autre coté, ensuite, uneexigence toujours plus grande de mobilité aussi bien à l’inté-rieur des régions riches que de celles-ci vers les plus pauvres.Dans les deux cas, bien qu’avec des modalités différentes,dans le sillage des mouvements démographiques se sontactivées aussi les organisations et les comportements crimi-nels, en délinéant une véritable contradiction entre deux exi-gences communautaires: celle d’avoir des frontières ouverteset celle de régler les aspects potentiellement pathologiquesde l’immigration.La seconde combinaison qui en ressortie est celle entre lespressions migratoires en provenance du sud e de l’est endirection de l’Union Européenne. Les changements géopoliti-ques dramatiques commencés en novembre 1989 ont agi detelle manière qu’à la grande poussée migratoire en prove-nance du “sud” géographique (en particulier d’Afrique), se

soit ajouté une autre forte poussée provenant de l’“est” géo-graphique.Des pôles géographiques qui, en l’espace d’une décennie, sesont fusionnés dans un seul grand “sud” du monde, pauvre,opposé a un seul grand “nord”, riche. Mais le mythe de lasociété de consommation occidentale a joué des rôles diffé-rents dans les deux cas. Par rapport à la plus récente et sou-daine poussée de l’est, en effet, elle a influencé des individusmoyennement plus conscients de leur état de “privation rela-tive” et bien moins disposés à attendre encore pour avoir cequ’ils ont rêvé de façon obsédante pendant trop d’années.L’écroulement du système soviétique, donc, a libéré un sur-plus de poussées migratoires qui s’est bientôt transformé,aux yeux d’une partie de l’opinion publique, en une pressioninsoutenable à court terme.Cette deuxième combinaison risque de ralentir sérieusementle programme d’ouverture vers l’est: il met en effet en contra-diction 1) la vocation du continent à se réunir – ou, mieux,l’attitude de l’Europe occidentale et de ses institutions écono-miques et politiques à englober dans l’Union du futurl’Europe orientale – et 2) la prudence, voire la crainte, quidans le même temps se fraie un chemin quant à une immi-gration sans filtres.

Les activités criminelles, quant à elles, sont aussi com-plètement impliquées dans les processus de globalisation etd’internationalisation des relations économiques, sociales etculturelles. Elles acquièrent des dimensions de plus en plusneuves et amples face à la multiplication des possibilités deserrer des alliances avantageuses et tirent profit de la miseen place de crimes aux formes inédites ou complètementrenouvelées.La frontière entre licite et illicite, entre légal et illégal etensuite criminel est de plus en plus indéfini: il s’agit d’unefrontière de plus en plus poreuse et parcourue d’échangescontinuels. Pour autant qu’elle soit stigmatisée et poursui-vie, l’illégalité est de plus en plus insérée, dans les sociétéscontemporaines, dans des poches pas bien définies maistoujours plus amples, à mesure de la globalisation elle-même.De l’étude faite, en somme, il émerge comment dans les payspris un à un les organisations criminelles traditionnelles serenforcent et se flexibilisent. Mais ce n’est pas tout. Il s’enrajoute de nouvelles, qui parlent plusieurs langues, qui ontleurs racines ailleurs et qui introduisent des modalités decomportement et de relations criminelles inconnues ou

Omicron/362

Introduction/Globalisation: une marmite en ébullition

Tableau 1/Le cadre démographique: les projections comparativesSource: UN, 1998.

Espagne 1998 Espagne 2050 France 1998 France 2050 Italie 1998 Italie 2050

39.628.000 30.226.000 58.683.000 59.883.000 57.369.000 41.197.000

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3Omicron/36

oubliées en occident (il suffit de penser à l’esclavage).Qu’elles soient vieilles ou nouvelles, ces organisations éta-blissent entre elles les rapports les plus disparates, chan-geants et imprévisibles. Une problématique qui, comme onva le voir, a tout doucement acquis un rôle absolument cen-tral dans le développement de la recherche parallèlement authème des facteurs qui tour à tour la favorisent ou la inhi-bent, et à celui des typologies de crime qui, selon les cas, lacaractérisent.Les facteurs criminogènes, avant tout: ceux qui sont ressor-tis de l’étude avec une certaine clarté ne sont pas nécessaire-ment liés entre eux, mais permettent de faciliter et soutenirles carrières des groupes sans scrupules le long des filièresdu crime international. Parmi les plus évidents il y a les légi-slations fiscales et financières complaisantes; les dictaturesmilitaires et paramilitaires caractérisées par un haut degréde corruption et – inversement – les faiblesses des autoritéspolitiques, plus démocratiques mais non nécessairementmoins dissolues. Les conflits locaux, ensuite, et puis lessituations d’embargo, les cultures tribales violentes, les grou-pes armés en compétition pour le contrôle des enclaves terri-toriales, la socialisation hâtive aux modes de vie propres à lasociété opulente ainsi que les prohibitionnismes de toutessortes et ainsi de suite.C’est justement à partir de ces facteurs qu’il est possible detracer la génération des trafics illégaux qui ponctuent le con-texte de l’univers criminel moderne. Le sens du terme géné-ration est toutefois différent par rapport à celui appliquée,par exemple, aux biens d’équipement. Dans ce cas, en effet,aucune typologie de crime ne disparaît ou cède le pas, aucontraire. Les crimes prennent de l’envergure, se côtoient etse superposent mutuellement. En ce sens, ainsi que l’indiquele Tableau 2, si le trafic de stupéfiants sur grande échelle aété sans doute celui qui a ouvert la route aux processus pri-mitifs d’accumulation du capital illégal (en se situant doncen tête de l’échelle générationnelle), le trafic d’êtres humainsa été le dernier à paraître sur scène. Au milieu se situent letrafic de déchets, spécialité choisie par certaines organisa-tions criminelles à partir des années 80 du siècle dernier, etle trafic d’armes qui a rejoint de nouvelles dimensions suite àl’écroulement du système soviétique.

Sur le plan scientifique les éléments de fait rappelésjusqu’ici suggèrent deux implications directes. La première,

à matrice socio-culturelle, concerne les typologies spécifiquesde ces trafics. Si, en effet, le trafic de stupéfiants et celui dedéchets naissent organiquement à l’intérieur de la sociétéopulente occidentale – en devenant l’indice même de ses con-tradictions – celui d’armes et d’êtres humains, au contraire,sont issus d’un phénoménal événement socio-politique qui aété la crise de l’Empire soviétique, la décomposition de sesarmées et l’affleurement, sans freins moraux ou coercitifs, del’anxiété réprimée de ses concitoyens envers la richesse et laconsommation.

La seconde implication, enfin, concerne la dimension ter-ritoriale de la criminalité organisée. Après avoir démenti lathèse selon laquelle un contexte régional fermé, statique etculturellement traditionnel favorise structurellement ledéveloppement d’une organisation criminelle, il émerge defaçon évidente de l’expérience historique l’exact contraire.Ce ne sont ni la mobilité sociale ni celle territoriale “l’enne-mi” par définition des organisations criminelles à haut éta-blissement territorial. Certes, le rapport avec le territoire, eten particulier le contrôle de celui d’origine, maintient intactesa propre valeur structurelle et stratégique pour l’organisa-tion criminelle: il en représente la première et fondamentaleressource même dans la globalisation. Mais malgré le faitque, formellement, les frontières actuelles sont beaucoupplus nombreuses, les pouvoirs criminels ont développé l’atti-tude d’en exalter la plus grande perméabilité et, en accélé-rant actions et réactions, ils réussissent souvent à se présen-ter sur la scène mondiale actuelle plus aguerris qu’avant. Avec une dernière nouveauté de taille: le déplacement à l’estdu barycentre criminogène mondial. Comme il apparaît de la représentation cartographique aufond de la page (Image 1), si jusqu’aux premières années 90le barycentre des affaires illégales pouvait être raisonnable-ment placé sur une ligne imaginaire reliant l’Europe àl’Amérique – phase 1 –, maintenant, à cause également dudéclin simultanée de la mafia américaine, ce barycentre sem-ble se placer apparemment sur une ligne imaginaire qui reliel’Asie à l’Europe. Si avant, donc, l’Europe et l’Amériques’avéraient être deux acteurs dialoguant – rivages d’unsystème équilibré d’intérêts illégaux – dans la seconde phaseactuelle l’image qui prend pied est celle d’un sud-est asiati-que-européen capable d’exercer une formidable pression cri-minelle sur les systèmes européens et occidentaux.

PHASE 1BARYCENTRE

SUR L’AXEEUROPE-AMERIQUE

PHASE 2BARYCENTRE

SUR L’AXEEUROPE-ASIE

Tableau 2/Les générations des trafics illégaux Image 1/Le nouveau barycentre criminel

TYPOLOGIE DESTRAFICS

QUADREINTERPRÉTATIFDOMINANT

1) Drogues

2) Déchets

Pathologies des sociétésopulentes

3) Armes

4) Etres HumainsChute de l’URSS

Page 4: Projet Falcone

La vocation maritime de la métropole catalane et l’histoiremoderne et récente de l’Espagne entière se sont révélés fonda-mentales dans l’analyse des dynamiques actuelles. Si d’un coté,en effet, le pays se projète traditionnellement aussi bien versl’Amérique latine que vers le Maghreb, de l’autre coté plus dequarante ans de gouvernement autoritaire ont contribué à éviterla formation de structures criminelles autochtones importantes.Ces dernières années l’Espagne et la Catalogne en particulieront connu: 1) d’importants flux d’immigration; 2) la croissance deformes de criminalité diffuse, accentuée par l’habitude à l’ordredans la perception de l’opinion publique – en particulier la plusancienne, plus liée à la culture dictatoriale; 3) l’établissement degroupes criminels étrangers souvent bien intégrés dans les struc-tures économiques et sociales du territoire.Le tableau actuel de la situation nationale est bien fourni parune “radiographie” préparée par le Ministère de l’Intérieur. Surle territoire il y aurait plus de 200 groupes de la criminalité orga-nisée capables d’activer au total une armée de 6 mille personnes.De ces organisations, plus de 120 ont fait leur apparition récem-ment, en s’établissant territorialement sur certaines zones biendéfinies du pays: le littoral Méditerranéen et Madrid. Du pointde vue de la quantité, 9 de ces groupes comptent plus de 100membres, 26 au moins 50 militants, 56 se trouvent dans uneposition intermédiaire avec un nombre de membres variant entre25 et 50, et enfin 118 groupes se composeraient d’un maximumde 10 adhérents. Les trois quarts de ces agrégations sont à com-position exclusivement autochtone – même si peuvent collaborerà l’association des citoyens de différentes nationalités et surtoutmarocains, colombiens, italiens, français et anglais – et sont engrande partie autosuffisantes du point de vue criminel.

La faiblesse relative de la criminalité locale et le manqued’attitude des forces de l’ordre à affronter des organisations cri-minelles fortes et structurées ont donc facilité l’établissementd’activités criminelles de matrice exogène. A ceci il faut ajouter lefait que, parmi les européens, les premiers à décider de s’établiren Espagne ont été les clans mafieux italiens, et en particulierleurs membres fugitifs. La richesse de connections discrètes, letemps et le manque de concurrence leur ont permis de modifierprofondément les scénarios criminels dans l’inattention de fonddes autorités. Cosa Nostra est active dans le trafic de stupéfiantset surtout dans le recyclage d’argent sale, avec des investisse-ments, par exemple, dans de grandes structures commerciales àBarcelone. La ’Ndrangheta se dédie au trafic de haschischvenant du Maroc, de cocaïne à exporter en Italie et dans le recy-

clage. La Camorra napolitaine aussi s’est découpé une part demarché illégal grâce toujours au trafic de cocaïne mais, plus engénéral, la recherche détaille de nombreuses opérations de police– conduites conjointement entre l’Italie et l’Espagne – qui ontporté à l’arrestation de nombreux boss mafieux ayant leurs basesopérationnelles sur la péninsule ibérique. La présence de la cri-minalité d’immigration ne se termine pas avec l’établissement degroupes d’italiens, même si à un niveau criminel différent et plusbas sont présents également des clans nord-africains, particuliè-rement organisés et actifs surtout dans le menu trafic de haschi-sch, le vol de rue et à la tire. De façon semblable à ce qui a étéremarqué en Italie par la recherche, ensuite, en Espagne aussides groupes de nigériens gèrent la prostitution et la falsificationdes cartes de crédit.

Les groupes d’origine sud-américaine, au contraire, se pla-cent sur différents niveaux criminels: haut celui des colombienset, en particulier de ceux qui utilisent l’Espagne comme ported’entrée pour la cocaïne en direction des pays européens (on esti-me que plus de la moitié de la cocaïne circulant en Europe passejustement par l’Espagne). La prédilection que ressentent les tra-fiquants de drogue pour ce pays se traduit en alliances avec lestrafiquants espagnols: il y a plus de vingt réseaux espagnols quise dédient à ce trafic, souvent reliés à des groupes de contreban-diers. Bas celui d’autres groupes latino-américains, comme parexemple les bandes péruviennes qui à Barcelone sont devenuesfameuses pour leurs assauts aux autos et aux camions à l’arrêtdans les aires de repos des autoroutes.Parmi les criminels provenant de l’est, les kosovars sont ceux quisuscitent la plus grand émoi parmi les citoyens, étant donné leurhabileté dans les vols la nuit. Les données font émerger une pro-gression préoccupante dans le nombre de crimes commis: 10 en1995, plus de 900 en 1999, plus de 2 mille dans l’année 2000. Aun niveau supérieur, ensuite, il existe à Barcelone une présencebien ancrée de groupes russes experts dans la traite des blan-ches, dans les extorsions et dans le trafic d’automobiles, ainsi quedans le recyclage d’argent dans le secteur de la construction. Et,pour finir, les chinois qui, comme dans les autres pays objet decette recherche, agissent exclusivement à l’intérieur de leur pro-pre communauté. Extorsions, immigrations clandestines et bra-quage aux dépens des leurs sont les activités principales, mêmesi, selon les institutions préoccupées, leur but principal seraitcelui de se recouper complètement une zone de Barcelone surlaquelle dominer et agir dans l’illégalité avec l’assurance d’unesorte d’impunité territoriale.

4 Omicron/36

Espagne/La cas de Barcelone et le contexte national

Tableau 3/Les groupes criminels étrangers par branche d’activité

Drogue Armes ProstitutionVols et

braquagesDocuments

falsifiésTrafic

d’êtres humainsBlanchiment

ColombiensItaliens

Maghrébins Russes

NigeriensChinois

LithuaniensRusses

ColombiensEquateuriens

FrançaisPéruviensKosovares

ChinoisMaghrébins

ChinoisMaghrébins

Equateuriens

ItaliensRusses

ColombiensFrançais

Page 5: Projet Falcone

Les caractéristiques des institutions françaises, tradi-tionnellement “fortes” et hautement centralisées, ont uneimportance fondamentale dans la compréhension des dynami-ques liées à la criminalité en France, tout comme le rôle colo-nial joué par le pays sur la scène internationale et la fortevolonté d’intégration incident sur les dynamiques migratoires.Déjà au début du 20ème siècle la France comptait plus d’unmillion d’immigrés (environ 3% de la population) et au dernierrecensement la consistance de la communauté immigrée arri-vait à 7,4% du total de la population.A la fin des années 90, toutefois, le pourcentage des étrangersqui finissent dans les mailles de la justice à triplé par rapport àcelui des français, ainsi que le pourcentage de détenus étran-gers. Même si ces chiffres risquent d’être sur-représentés (uneconstatation habituelle dans le déroulement de la recherche) etles crimes le plus souvent liés à l’immigration clandestine et àl’état de pauvreté, absolue ou relative, de certaines catégoriesd’immigrés, la situation semble tout de même en évolution.

Aujourd’hui les principaux échelons hiérarchiques de lacriminalité en France résultent être: a) le banditisme, b) legrand banditisme et c) le “milieu”. Vols, même systématiques,déracinement de billetterie automatique et assauts violentscontre commerces, maisons et bijouteries sont les crimescaractéristiques du banditisme. C’est justement en bas de l’é-chelle que l’on retrouve l’apport de criminels étrangers. Ils sontau contraire presque absents dans le cadre du grand banditi-sme, formé de criminels spécialisés et hautement professionna-lisés, actifs notamment dans l’assaut des fourgons blindés.Dans le “milieu”, enfin, les connexions avec les organisationscriminelles étrangères sont plus établies et préoccupantes, sur-tout dans les hautes hiérarchies des trafics illicites internatio-naux et dans le recyclage. Le milieu manque toutefois d’organi-grammes structurés et, n’ayant ni un projet à longue échéanceni même un contrôle du territoire, il ne présente pas de caracté-ristiques mafieuses au sens stricte du terme.Les problématiques principales qui ressortent de l’enquête sontau nombre de trois: 1) la situations des “Cités”, quartiers popu-laires de la banlieue parisienne où règne une situation d’illéga-lité assimilable à un véritable état de “non droit”, 2) la crimina-lité économique-financière et 3) les “nouvelles mafias”.Dans les Cités c’est surtout la drogue qui déclenche une spiralede violence diffuse, d’omerta et de désertification économique.En payant les vigiles et en effrayant les habitants, les dealersatteignent un niveau considérable de contrôle du territoire qui

les porte aussi à pratiquer le racket et le rachat à bas prix desactivités, dans le cadre de ce qu’on pourrait bien à propos défi-nir une “situation mafieuse”. Pour le moment un tel contrôle duterritoire semble inhiber l’arrivée et l’établissement d’organisa-tions étrangères mais, en perspective, des formes d’intégrationou de conflictualité ne sont pas à exclure dans le futur.En termes de tendance des crimes, il apparaît des statistiquesconcernant Paris et sa région (l’Ile de France) une situationassez claire: les délits économiques-financiers (+9,6%) et lesinfractions liées à l’immigration (+17,9%). Et si la poigne de l’“Etat fort” avait réussi, depuis l’époque de la “FrenchConnection”, à éviter la formation de dangereuses associationscriminelles, aujourd’hui ce même Etat se retrouve fortementpréoccupé par les infiltrations mafieuses étrangères dans lecamps non seulement du recyclage de l’argent sale, mais aussides investissements.C’est surtout le cas des clans russes et italiens (Cosa Nostra,’Ndrangheta et Camorra), mais aussi des organisations japo-naises, chinoises et d’Amérique du sud. Les secteurs les plusintéressés par ce phénomène sont l’immobilier, les construc-tions (Eurodisney et Eurotunnel), celui des casinos mais aussides terrains de golf, des cliniques privées et du tourisme. Tout àfait particulier s’avère le rôle de la criminalité chinoise. Elle setourne complètement vers l’intérieur de sa propre diaspora et,tel qu’on le voit sur le Tableau 4, s’implique dans un grandnombre d’activités illicites allant de la drogue à la prostitutionen passant par le trafic d’êtres humains.

Les nouvelles mafias, enfin, sont celles venues impérieu-sement sur scène dans les années 90, la majeure partiedesquelles a suivi l’implosion de l’Empire Soviétique; un phé-nomène ralenti par le “philtre” géographique exercé par l’Italieet l’Allemagne mais de plus en plus évident en particulier pourcertaines activités. C’est le cas du trafic d’êtres humains, sur-tout de femmes à diriger vers la prostitution, caractérisant enparticulier les groupes criminels albanais et de l’ex-Yougoslavie. Des vols d’autos de luxe et de leur trafic interna-tional, favori des organisations d’origine bulgare. Du trafic dedrogue. Cette activité à non seulement concerné un grand nom-bre de criminels de toute origine mais s’est aussi distinguéepour certaines implications d’ordre géopolitique: c’est le cas destrafiquants albanais d’abord, et de celles plus récentes liées àl’Uck (Kosovo) ou bien au Pkk tout comme aux Loups Gris tur-ques pour arriver jusqu’aux connections de plus en plus inquié-tantes avec l’intégrisme islamique.

Omicron/36 5

France/Le cas de Paris et le contexte national

Tableau 4/Les groupes criminels étrangers par branche d’activité

Drogue Armes ProstitutionVols et

braquagesDocuments

falsifiésTrafic

d’êtres humainsBlanchiment

MaghrébinsNigériensChinoisTurques

Intégristesislamiques

RussesNigériensChinoisAlbanais

BulgaresRoumains

Maghrébins

ChinoisChinoisAlbanais

Kosovares

ItaliensRussesChinois

Page 6: Projet Falcone

Le lien qui s’est formé en Italie entre immigration et phé-nomènes criminels est fortement influencé par deux facteurs abso-lument particuliers. Ceux-ci sont 1) les modalités de développe-ment des courants migratoires et 2) la traditionnelle, ancrée,suffocante présence sur le territoire de quatre organisations crimi-nelles de type mafieux. En ce qui concerne le thème de l’immigra-tion, l’Italie, terre traditionnellement exportatrice de main d’œu-vre, connaît les premiers importants flux seulement à partir desannées 90. Et c’est immédiatement l’urgence, aussi bien pour lemanque d’expérience et de préparation des institutions, que pourl’impétuosité de l’événement, sans oublier la position centrale quele phénomène migrateur a eu dans la construction de programmeset de campagnes politiques hostiles. Parmi les immigrés, l’Afrique(et le Maroc in primis) était et continue à être la zone la plusreprésentée mais son importance relative diminue ces dernièresannées face à celle de l’Europe de l’est: le rythme de croissance desimmigrations provenant de l’ex-zone communiste augmente de320% de 1992 à 2000 grâce à l’arrivée,entre autres, de 133 mille albanais, 61mille roumains et 82 mille ex-yougosla-ves. Plus en général les immigrés enItalie passent de 500 mille unités à envi-ron 1.700.000 personnes (le 3% de toutela population) selon les dernières statisti-ques.Pour ce qui concerne le sujet de la crimi-nalité, au contraire, il est nécessaire de faire quelques rappelsrelatifs à l’état des mafias autochtones. Après les massacres de ’92et ’93 et la rescousse de l’Etat couronnée par l’arrestation de chefsimportants des plus grands clans, la mafia a radicalement changéde stratégie en se rendant presque invisible. Presque. Car mêmesi l’action judiciaire s’est brisée contre des intérêts consolidés etcelle législative s’est, au fur et à mesure, atténuée, et même siauprès de l’opinion publique la mafia est redevenue un “non-pro-blème”, les quatre organisations mafieuses italiennes (CosaNostra, ’Ndrangheta, Camorra et Sacra corona unita) sont bienvivantes et elles continuent à mener d’importantes affaires crimi-nelles. Elles ont toutefois peu à peu abandonné les affaires plusrisquées en se dédiant au recyclage et aux investissements dansles activités légales, ainsi que dans des crimes peu dangereux bienque très rémunérateurs.

En ce qui concerne, par contre, la criminalité d’origineétrangère, le sujet de la sécurité qui lui est rattaché a contribué defaçon substantielle à détourner l’attention du problème de lamafia nationale. Et en effet, ces dernières années, les étrangersdénoncés, arrêtés et incarcérés ont évidemment augmenté tant envaleur absolue qu’en pourcentage par rapport aux italiens. Lephénomène se présente toutefois sous trois aspects très différentsentre eux et dans leurs conséquences.1) La criminalité diffuse et mal organisée: une réalité consistantequi puise son énergie surtout dans la clandestinité et la margina-lité – économique et sociale – dans laquelle se trouvent beaucoupd’immigrés pas encore intégrés. Elle se manifeste par des crimes(vols, hold-up, contrebande, crimes contre la personne, faux, traficde drogue et prostitution) particulièrement détestables pour la col-

lectivité qui est souvent porté à projeter sur les étrangers tous lesmaux du pays. 2) Les nouveaux groupes criminels d’origineétrangère: de dimensions locales, pas trop exposés publiquementmais durablement structurés et autosuffisants, ils font des affai-res surtout dans l’organisation du trafic de drogue, dans la gestionet dans l’exploitation de la prostitution et du travail au noir ainsique dans les vols en série. Dans la drogue et dans la prostitutionen particulier certains de ces groupes se placent dans les hiérar-chies criminelles les plus basses et recrutent leur main d’œuvredans le bassin des immigrés clandestins; d’autres, encore, remon-tent les anneaux de la filière ou monopolisent un certain maillonde la chaîne criminelle ou se structurent comme un véritable “cir-cuit court” au rayonnement international.s3) La criminalité transnationale: de plus en plus présente avec destêtes de pont ancrées dans différentes zones de la péninsule etactive surtout dans le recyclage de l’argent sale, dans les investis-sement et dans les grands trafics internationaux (en particulier

armes, drogue, êtres humains et déchets).Comme cela se passe aussi pour les occu-pations légales, donc, l’italien laisse laplace à l’étranger surtout dans lesmétiers les plus fatigants ou dangereux.Et dans un rapport de fonctionnalité réci-proque se dessine, surtout au plus bas del’échelle hiérarchique criminelle, un pro-cessus de substitution de la déviance – et

de la criminalité – étrangère par rapport à celle italienne.

Le sens d’appartenance ethnique, avec ses corollaires d’iden-tité, langue, culture et rapports de famille et territoriaux reste leplus fort élément de distinction et de cohésion des groupes crimi-nels de matrice exogène. Une généralisation qui, loin de vouloircriminaliser des composantes ethniques entières, se rend néces-saire pour comprendre le phénomène de la spécialisation ethniquecriminelle, évidente dans les tableaux qui suivent les trois casnationaux. Les albanais ont une distribution territoriale diffuse etune grande visibilité sociale à cause de leur implication dans letrafic de drogue, dans la prostitution, dans les vols et dans leshold-up. Ils sont toutefois distribués à tous les échelons des hiérar-chies criminelles, depuis la criminalité urbaine jusqu'aux organi-sations transnationales (Fares). Les maghrébins aussi sont engénéral présents territorialement et criminalisés par l’opinionpublique, même si leur activité se limite au trafic de drogue, alorsque les nigériens, eux aussi montrés du doigts mais territoriale-ment plus circonscrits, sont beaucoup mieux organisés, aussi biendans le trafic de drogue que dans la prostitution. Les criminelsprovenant d’Europe de l’est en général privilégient les vols et l’ex-ploitation de la prostitution ma ne sont pas très organisés (saufpour ce qui est d’un réseau transnational kosovare avec de fortesimplications géopolitiques internationales). Le débat sur la crimi-nalité d’immigration, enfin, tend à oublier les cartels colombienset les groupes turques – malgré l’implication ininterrompue dansles trafics de drogue –, les quasi invisibles mafias russes activesdans le trafic d’armes et dans le recyclage et les Triades chinoisesqui, malgré l’effervescence pas toujours légale de leur commu-nauté immigrée, réussissent à se maintenir dans l’ombre.

6 Omicron/36

Italie/Un cas complexe d’envergure continentale

“Le phénomène de la spécialisation criminelle

ethnique est une caractéristique commune

au trois cas nationaux”

Page 7: Projet Falcone

Milan est une ville multiethnique. 9 pour cent des résidentsest de nationalité étrangère et seulement ces dix dernièresannées l’augmentation des inscrits au registre d’état civil a étéde 196%. Le territoire milanais est le plus grand centre d’éta-blissement d’immigrés du nord de l’Italie et constitue depuistoujours un observatoire intéressant des mutations culturelleset des nouvelles tendances en cours dans le pays. Mais si, d’uncôté, les forts flux migratoires ont apporté des individus qui sesont intégrés dans la vie sociale et économique de la métropole,de l’autre ils ont favorisé l’entrée d’immigrés, pour la plupartclandestins, qui se sont introduits dans les circuits de la crimi-nalité et de l’illégalité. Quelles sont donc les causes d’un aussiprofond ancrage dans le tissu criminel milanais? Essayons d’enreconnaître cinq.1) Les espaces vides. A partir de la seconde moitié des années 90,débute à Milan une forte répression opérée contre les groupescriminels mafieux. En peu d’années sont arrêtés environ 3.000membres des mafias traditionnelles. Des espaces vides se créentainsi sur le territoire, favorisant l’infiltration et l’établissementde structures criminelles étrangères.2) Les secteurs vides. Non seulement les espaces vides maisaussi les secteurs “vides” favorisent l’enracinement des groupesétrangers. Certaines activités qui caractérisent les groupes eth-niques n’ont jamais ou presque jamais été gérées par les mafiasitaliennes. Un exemple sur tous, l’exploitation de la prostitu-tion. Cette activité illégale n’est historiquement pas gérée par lamafia parce que considérée pas assez rémunératrice et surtout,il fût un temps, “immorale”, selon le code d’honneur des organi-sations historiques. En outre, pour certains groupes ethniquesle recrutement forcé des femmes pour l’insertion dans le marchéde la prostitution est facilité par la création de rapports esclava-gistes rendant le marché encore plus rémunérateur.3) Les nouvelles activités. Les groupes étrangers ont non seule-ment rempli les espaces vides, mais ils ont commencé certainesactivités criminelles “nouvelles”, qui leur ont permis de serecouper un espace sur le territoire sans être nécessairementconflictuels avec les organisations préexistantes. Parmi celles-ci,l’incitation à l’immigration clandestine, la mendicité aux car-refours routiers, les vols en série, les kidnapping éclair et lavente de contrefaçons, depuis les cd jusqu’au vêtements etautres.4) Les espaces de cohabitation. Les groupes criminels étrangersagissent à Milan aussi dans les secteurs typiques de la crimina-lité italienne, tels que le trafic de stupéfiants et d’armes. Cetterecherche met en avant deux explications possibles: d’un cotél’on peut soutenir que se sont justement ces mêmes structures

criminelles, décimées par des années de répression, à avoirdonné leur accord aux étrangers. Surtout la ’Ndrangheta, qui entermes numériques est la plus présente dans la province mila-naise, a accepté, dans un moment de faiblesse pendant lequelelle doit se reconstituer, de se faire côtoyer par de nouvelles réa-lités criminelles; d’un autre coté, certains pays d’origine desgroupes criminels sur base ethnique sont producteurs de dro-gues de très bonne qualité et la proximité géographique avecl’Italie permet qu’elles soient exportées et commercialisées à desprix absolument concurrentiels. En outre, les guerres qui sesont succédées ces dernières années dans les Balkans ont fait ensorte que les groupes criminels provenant de ces territoiresdeviennent parmi les principaux fournisseurs d’armes.5) La position centrale de Milan. Pour finir il faut rappeler lerôle central que jouent Milan et la Lombardie dans la construc-tion d’une carte du crime national et international. LaLombardie est considérée la quatrième région italienne en ter-mes de mafia (après la Sicile, la Calabre et la Campanie) etdétient depuis toujours une particularité par rapport auxautres: celle d’héberger tous les organisations mafieuses italien-nes et depuis un certain temps aussi les organisations étrangè-res, qui ont acquis sur le territoire régional lombard une sorted’attestation de force criminelle.

Mais quels sont les groupes qui se sont le plus enracinés àMilan ? En particulier les clans albanais et kosovars, qui sontau sommet de la hiérarchie criminelle sur base ethnique. Ilssont aux premières places en ce qui concerne les crimes tels quevols, braquages, homicides, lésions, extorsions et dans leproxénétisme. Ils sont capables de serrer d’étroites alliancesavec les mafias traditionnelles dans la gestion des trafics inter-nationaux de drogue et d’armes. Suivent les groupes chinois, quiopèrent à l’intérieur de leur propre communauté. Leurs princi-pales activités: l’immigration clandestine de leurs concitoyens,l’exploitation du travail et la falsification de tous les documentsnécessaires pour obtenir des permis de séjour “en règle”. Les cri-minels chinois sont en outre parmi les plus mis en examen pourle crime d’association de malfaiteurs de type mafieux.Les groupes maghrébins et nigériens, de plus ancien établisse-ment, opèrent à Milan en position généralement subalterne etdépendante des autres organisations, italiennes et étrangères.Pour finir, il faut signaler la présence d’organisations roumainesqui détiennent le record des vols en série, surtout de voitures degrosse cylindrée, et de groupes russes qui opèrent dans le sec-teur économique et financier de la ville, même s’il sont loin detoute forme d’enracinement dans la ville.

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Milan/Une hiérarchie criminelle entre ethnies

Drogue Armes Prostitution Vols etbraquages

Documentsfalsifiés

Traficd’êtres humains Blanchiment

AlbanaisMaghrébinsColombiensRoumainsTurques

AlbanaisYougoslaves

NigériensRoumainsAlbanais

AlbanaisRoumains

ChinoisNigériens

YougoslavesChinoisAlbanaisNigériens

AlbanaisRusses

Tableau 5/Les groupes criminels étrangers par branche d’activité

Page 8: Projet Falcone

Conclusions/Une synthèse comparée

Indicateurs criminels comparés

La quantité d’informations recueillies dans l’analyse destrois Etats et de leurs métropoles respectives peut ainsi êtrerésumée. Pour ce faire, la comparaison de certaines donnéesparaît efficace, concernant : a) la consistance du phénomène cri-minel, b) la consistance du phénomène migrateur, c) l’incidencede la population d’immigrés sur les principaux crimes commis, etpour finir d) l’incidence de la population d’immigrés sur cellecarcérale. Commençons donc par comparer les valeurs de certainsindicateurs de problème criminel (a). Trois sont les crimes analy-sés: les homicides, les vols de voitures et les braquages. En géné-ral, comme on peut le voir dans les tableaux en bas de page, laFrance et l’Italie révèlent un taux d’illégalité bien plus élevé quel’Espagne. Et si la France montre un degré de violence homicidelégèrement plus haut de celui enregistré en Italie – à l’intérieurd’une tendance commune légèrement décroissante – (voirTableau 6), cette dernière enregistre un nombre beaucoup plusélevé de braquages (voir Tableau 7). Mais il y a d’autres aspectsde relief et d’intérêt absolu concernant l’Italie: le premier fait étatd’une forte hétérogénéité dans la répartition territoriale deshomicides, au point de pouvoir parler de l’existence d’un modèle“dual” (voir Graphique 1). En effet, les homicides commis dans lesud sont au dessus des niveaux français et, vice versa, ceux com-mis dans le centre-nord placent le pays à des niveaux semblablesà ceux de l’Espagne. Le second aspect concerne l’influence exercéepar la violence désorganisée sur le nombre d’homicides, quidépendent en ordre décroissant de la violence diffuse, de la crimi-nalité organisée et de la criminalité commune.C’est dans ce contexte général qu’interviennent les autres élé-ments d’enquête et de confrontation: les dimensions du phénomè-ne migrateur (b) et l’incidence de la population d’immigrés sur letotal des délits commis (c). Comme on peut le voir dans leTableau 9 il y a pratiquement un alignement de la situation ita-

lienne et de celle espagnole, alors que le chiffre relatif à la Franceest sensiblement plus élevé, à souligner une spécificité de lasituation de ce pays, comme il est dit à page 5. La situation chan-ge si l’on observe les incidences des immigrés sur les crimes com-mis: il faut encore souligner une spécificité italienne. Bien que lepoids des étrangers sur la population totale en Italie soit équiva-lent à un peu plus de la moitié de celui de la France, l’incidencede la population sur les crimes commis devient égale a deux tiers,et égale si l’on considère la population carcérale.

L’Italie apparaît donc le pays tendanciellement exposé auplus grand risque de criminalité de matrice exogène, même s’ilémerge des résultats de la recherche que dans les trois pays onassiste à une entrée de nouvelles organisations criminelles impli-quées dans 1) des activités auparavant contrôlées ou pratiquéespar des structures criminelles autochtones, 2) des activités géréespar des organisations établies plus anciennement sans que celadonne lieu à des conflits, 3) de nouvelles activités, adaptées àleurs caractéristiques d‘origine.Cette sorte d’effervescence criminelle à laquelle on assiste peutêtre directement rattachée aux phénomènes d’internationalisa-tion du crime et de la mobilité des personnes et des capitaux quis’est développée cette dernière décennie. En effet l’incidence desimmigrés sur les auteurs de crimes est significativement plusélevé par rapport à la dernière décennie. La pression des pays del’est, liée à la fin du régime communiste, a concerné les trois pays,même s’il se manifeste avec des formes et des intensités différen-tes. Mais tout en constatant que l’on se trouve devant une plusgrande immigration, une plus grande criminalité et une plusgrande criminalité d’immigration, il est nécessaire d’affirmer quel’Italie met en évidence encore une fois sa spécificité. La présenced’organisations criminelles étrangères est nettement supérieure

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1992 1996 1999

Espagne 473 (1,21) 394 (1,00) 416 (1,06)

France 1.342 (2,35) 1.171 (2,01) 952 (1,61)

Italie 1.444 (2,54) 943 (1,64) 805 (1,40)

1992 1996 1999

Espagne113.794(292,04)

113.916(290,29)

136.797(347,25)

France373.077(652,02)

345.625(593,27)

299.036(507,07)

Italie325.196(572,96)

317.897(544,47)

294.726(511,57)

0

1

2

3

4

5

6

7

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

Année 1999 Espagne France Italie

Braquages toutesles 100 banques 1,95 2,5 11,46

Tableau 8/Nombre de vols d’auto et incidence tous les 100.000 ab.

Tableau 7/Nombre de braquages toutes les 100 banques

Tableau 6/Nombre d’homicides et incidence tous les 100.000 ab. Graphique 1/Nombre d’homicides tous les 100.000 ab. en Italie

Tableau 9/Immigration et criminalité

Immigrés RéguliersIncidence de la populationimmigré sur le total desdélits commis

Espagne 1,2 millions (3% pop.) Non disponible

France3,2 millions (5,6%pop.)

18,6% (sur le total des misen examen)

Italie 1,7 millions (3% pop.) 13,3% (sur le total desdénoncés)

Sud et Iles

Centre-Nord

Page 9: Projet Falcone

9Omicron/36

La question du nouvel ordre civil

en termes de force, de continuité et de capacité d’expansion parrapport à celles basées en Espagne et en France. La pressionmigratoire de l’est s’est fait surtout sentir en Italie parce que c’estun pays de frontière, alors que la pression venant du sud concer-ne aussi l’Espagne. Ce sont en effet les pays les plus avancés versla Méditerranée. La France au contraire bénéficie d’un coté de fil-tres géographiques constitués au sud et à l’est par les deux pays,et de l’autre elle bénéficie, de par son histoire coloniale, d’amortis-seurs activés depuis longtemps envers les migrations provenantdes pays africains.

En comparant ensuite la présence autochtone et immigréedes organisations criminelles dans les trois pays on remarqueune succession de dangerosité et de diffusion croissantes del’Espagne à la France à l’Italie. Si dans le premier pays la présen-ce de criminalité locale est bien cantonnée dans des expériencesdélimitées, la criminalité d’importation apparaît plus consistante,surtout à Barcelone. Parmi les groups d’envergure, les italiens etles orientaux, malgré la prédominance numérique de la compo-sante nord-africaine. La France se place dans une positionintermédiaire, aussi bien par la présence de criminalité autochto-ne (même si celle actuelle ne peut certes pas être comparée entermes de capacité organisatrice et d’activité à l’échelle interna-tionale à celles des clans marseillais) que par la présence de grou-pes opérants dans des activités ayant un degré limité de violence.Pour finir, l’Italie qui se positionne au sommet de l’échelle de lagravité. La criminalité autochtone est constituée, comme on lesait, de quatre grandes associations criminelles qui ont de solidesracines dans le sud mais qui sont, depuis longtemps déjà,projetées vers le nord et qui présentent des ramifications interna-tionales. Elles sont côtoyées par de nombreux groupes étrangersqui opèrent sur le territoire avec une fonction de substitution oud’addition, de façon autonome ou bien en “joint venture”.Impliquées dans de vastes trafics et parfois, comme le montrel’exemple milanais, non loin du démarrage de certaines formes decontrôle du territoire.Le Tableau 10 fourni ainsi un schéma comparé: si l’Italie enregi-stre la présence d’un nombre important de groupes criminelsétrangers qui ont aussi bien une fonction de substitution qued’addition dans les secteurs existants comme dans les nouveaux,pour la France et pour l’Espagne, d’un point de vue numérique, laprésence est nettement plus basse.Mais l’Italie devient un cas aussi dès le moment où elle pose sur

la balance la question de l’ordre civil. Comme on peut le voir dansl’image 2 au bas de page, en distribuant sur un plan cartésien lestrois situations nationales en fonction de la dangerosité criminel-le et des orientations racistes, l’Italie obtient les valeurs les plushautes. L’explication vient du fait que l’Italie expérimente depuisune période trop brève la rencontre avec les mouvements migra-toires et surtout avec les activités illégales particulières qui s’ysont développées. Il s’est donc crée une hostilité sociale diffusequi a alimenté des idéologies politiques fondées sur le préjugéethnique et sur la culture du soupçon. Ceci a fait en sorte que seréalise l’équation: présence d’immigrés = plus grande insécurité.Dans les deux autres pays la situation est différente. Car 1) cesdernières années la pression sur les frontières a été moins fortepar rapport à l’Italie, 2) ils ont fait l’expérience d’un rapport pro-longé avec les populations étrangères et avec celles de couleur enparticulier.

Regardons maintenant les trois métropoles. Chacune faitpreuve d’une caractéristique qui lui est propre face à la crimina-lité étrangère. Voulant recourir à des images, on peut soutenirque Milan, ville de croisements et d’établissements rémunéra-teurs, se caractérise en tant que “ville école”. Les groupes crimi-nels qui arrivent sont obligés de faire face rapidement à deux pro-blèmes: 1) un environnement hostile et 2) une forte criminalitépréexistante. Paris est plutôt la “ville amphitryon”. Il n’y a pas de clans autoch-tones forts et il y a beaucoup de possibilités d’établissement pourles groupes exogènes, en particulier dans le secteur du recyclage.C’est l’assiette riche la plus accessible pour les groupes hors fron-tières. Plus difficile semble l’insertion dans la gestion du petit tra-fic, tenu en main par des formes pas très organisés mais aguer-ries de criminalité locale.Enfin Barcelone, la “ville prairie”. Ceci pour deux raisons: 1) lecaractère de métropole donnant sur la mer qui en a fait un lieud’accès et d’établissement idéal, en considération aussi des avan-tages donnés par les liaisons naturelles avec l’Amérique du sud etles routes de la drogue correspondantes; 2) la faiblesse de la cri-minalité locale qui a livré aux nouveaux groupes un terrain sansconcurrence réelle. L’établissement de groupes de délinquants adonc été facilité, exactement comme une course dans la prairie.Avec ces trois images il est possible de résumer les situations illé-gales et criminelles et les processus historiques observés par legroupe de recherche.

Tableau 10/La criminalité étrangère: modèles comparés Image 2/Immigration et société: le nouvel ordre civil

Nombre de groupes ethniques

BAS HAUT

AFrance

C

ItalieType defonctionremplie

DESUBSTITUTION

D’ADDITIONB

EspagneFrance

D

Italie

MATURATIONORIENTATIONS

RACISTES

DIMENSIONCRIMINELLEETRANGERE

FRANCE

ESPAGNE

ITALIE

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Groupe de recherche

OmicronOsservatorio Milanese sulla Criminalità Organizzata al Nord

Comitato scientifico/Giancarlo Caselli, Adolfo Ceretti, Nando dalla Chiesa, Michele Dalla Costa, Vittorio Grevi, Alison Jamieson, Maurizio Laudi, Marcelle Padovani, Livia Pomodoro, Virginio Rognoni, Maurizio Romanelli, Adriano Sansa, Bartolomeo Sorge, Armando Spataro, Federico Stella

Direttore responsabile/Gianni Barbacetto

Caporedattrice/Simona Peverelli

Redazione/Alberto Busi, Lillo Garlisi, Patrizia Guglielmi, Laura Incantalupo, Ombretta Ingrascì,Paola Murru, Giuseppe Muti, Mario Portanova, Tommaso Santuari, Eva Tallarita

Registrazione/Tribunale di Milano N. 249, 19 Aprile 1997Stampa/In proprio – Tiratura: 1.300 copieAbbonamento annuale/Ordinario Euro 25 Sostenitore Euro 50

Editore/Omicron – Onlus viale Col di Lana 12, 20136 Milano Tel. (+39) 02 88 45 04 57 Internet: www.omicronweb.it – E-mail: [email protected] lasciare messaggi o informazioni, chiamare dal lunedì al venerdì

Omicron/36Osservatorio Milanese sulla Criminalità Organizzata al Nord

10 Omicron/36

Directeur: Professeur Nando dalla Chiesa (Associé de Sociologie Economique à l’Università degli Studi de Milan)

Espagne

Coordonnateur de la recherche : Docteur Ramon Macìa Gomez (Magistrat Audiencia de Barcelone)Chercheur : Docteur Salvatore Gurrieri (Professeur Lycée Italien de Barcelone)

France

Coordonnateur de la recherche : Professeur Jacques Soppelsa (Président et Titulaire de Géopolitique à l’Université La Sorbonne de Paris)Chercheur : Docteur Fabrice Rizzoli (Doctorat de recherche Université La Sorbonne de Paris)

Italie

Coordonnateur de recherche : Professeur Nando dalla Chiesa (Associé de Sociologie Economique à l’Università degli Studi de Milan)Chercheurs : Docteur Giuseppe Muti (Doctorat de recherche à l’Université La Sapienza de Rome)

Docteur Simona Peverelli (Directrice d’Omicron)

COMMISSIONE EUROPEADirezione Generale: "Giustizia e Affari Interni"Unità: " Crimine Organizzato "Programma Falcone: 2000/FALCONE/183