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Rapport gnral de la mission sur les perspectives de dveloppement des filires

Plantes parfum, aromatiques et mdicinales en outre-mer franaisOctobre 2008

RsumLes travaux du comit de pilotage ont amen la mission distinguer 3 domaines principaux dinvestigation : rglementaire, technique et conomique. Lapprhension des enjeux dans chacun de ces domaines sest toffe dune rencontre directe avec les acteurs lors des missions de terrain sur lensemble des DOM/COM. Ltat des lieux des filires Plantes parfum, aromatiques et mdicinales ( PAPAM ), a montr un potentiel important bas, selon les territoires, sur des productions traditionnelles, parfois trs recherches, ou sur de nouvelles voies dexploitation et selon diffrents modes de valorisation qui mritent chacun une approche particulire, et qui relvent gnralement de marchs de niche. En effet, dans tous les secteurs dusage de ces produits, on note une dichotomie croissante entre les produits de base gnriques et les produits spcifiques, correspondant soit des normes ou images reconnues, soit des demandes souvent trs techniques dutilisateurs en aval (commandes ou contrats de fourniture). Ces produits spcifiques ne suivent pas les volutions gnrales des matires premires agricoles. Compte tenu des contraintes conomiques environnantes, les perspectives de dveloppement de production partir des PAPAM dans les DOM/COM se situent dans ce cas. A cet gard, la notion de garantie de qualit est essentielle. Les garanties, avec le recours des signes officiels permettant de valoriser la qualit et lorigine, peuvent prendre des formes diverses selon les marchs concerns (alimentaire, cosmtique, pharmaceutique, etc.). Lanalyse des problmatiques lies au dveloppement de ces filires, alimente par les constats faits au cours des missions sur place, a montr quil est ncessaire de raisonner lchelle de la filire et dans une optique de dveloppement local. Les obstacles observs relvent de la matrise et de lapplication des rglementations, des enjeux environnementaux, du faible niveau dintgration des filires, de linsuffisance daccompagnement et de ressources en capacity building. Les enjeux environnementaux, travers la protection de la biodiversit et lorganisation de la cueillette, sont particulirement importants pour les filires PAPAM. La juxtaposition de multiples rglementations induit soit des contraintes dquipement ou de procds, soit la ncessit dun accompagnement technique appropri. Dautres questions rglementaires (particulirement pour les substances chimiques ou les mdicaments) peuvent constituer des freins, voire des obstacles, des projets de dveloppement de production ou de transformation : le rglement novel food, lapplication de REACH, la rglementation des mdicaments, la directive mdicaments traditionnels , sont autant de textes prendre en compte. Enfin, la russite dans la valorisation des biodiversits locales suppose souvent lassociation de comptences varies qui se trouvent rarement runies ensemble dans les DOM/COM. Cela parat tre le principal obstacle la russite de projets qui chouent

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sur des points souvent trs diffrents, mais relevant de la mme problmatique de maillons absents dans la chane de valorisation. Dans lensemble des DOM/COM, lexception de Tahiti, la chane de valeur complexe associant agriculture et industrie nest pas clairement organise, constituant un frein la comptitivit, alors que valoriser la biodiversit suppose de rgler au pralable lensemble des questions souleves par cette chane de valeur jusquau stade dexportation du produit. Ce dveloppement doit associer largement lindustrie, la recherche et la formation, de faon adapte chaque projet ou type de projets. Enfin, lexistence dun march local organis et dynamique constitue une base souvent pralable lextension du march la mtropole ou lexportation. Or, ce march local reste, la plupart du temps, construire et organiser, mme pour de nombreuses productions agro-alimentaires spcifiques chaque rgion. Aprs analyse des perspectives pour le dveloppement de ces filires ainsi que des stratgies mettre en uvre, partant du constat que ces filires ncessitent pour se dvelopper non seulement des investissements mais avant tout des actions cibles pour chaque situation (et non pas des actions horizontales), et que les conditions gnrales de dveloppement sont lies lenvironnement et laccompagnement des filires, la mission a formul des propositions daction. En ce qui concerne les obstacles rglementaires, plusieurs dmarches globales peuvent tre entreprises : des expertises en matire de traabilit et de certification ; des interventions pour pallier linscurit juridique lie aux incohrences entre rglementations de la sant, de lalimentation et des produits industriels pour les mmes produits issus des plantes. Et en ce qui concerne plus particulirement les plantes mdicinales : la cration de sections spcifiques de lAFSSAPS aux DOM et COM et/ou aux mdicaments traditionnels ; ltude de perspectives de dlivrance de ces mdicaments traditionnels avec les syndicats locaux de pharmaciens ; ladaptation de la directive mdicaments traditionnels au cas des COM. Pour une meilleure intgration des filires, il apparat important de renforcer les moyens en matire de capacity building diffrents niveaux : sensibilisation et formation des acteurs au plan local ; mise en adquation des pratiques locales avec les exigences de la rglementation ; mise en place dune filire de formation d herboristes ou de tradipraticiens avec un encadrement souple mais fiable de ces pratiques ; formalisation du savoir-faire de cueilleur... La sphre acadmique devrait uvrer dans ce sens pour assurer linventaire des connaissances traditionnelles et leur transmission, tout ceci avec lassentiment et ladhsion des populations locales dont cest le patrimoine. Trop souvent, la mission a fait le constat dun manque de relation entre la recherche acadmique, voire lenseignement suprieur, le monde conomique, et la socit et ses attentes. Une rponse possible ce phnomne se trouve dans le dveloppement de ples de comptitivit. En matire doutils de recherche et de formation spcialiss, de nombreux manques apparaissent. Il ne sagit pas de les combler systmatiquement dans chaque territoire, au risque de ne pas valoriser les formations correspondantes, mais de trouver des solutions appropries chaque projet. La procdure des ples de comptitivit semble bien adapte de tels programmes de mise en valeur relle, en associant sur un territoire donn comptences scientifiques,

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cration de richesses et demplois et formation. Ces dmarches doivent tre compltes par la fdration des acteurs concerns au niveau de loutre-mer franais via un rseau dinitiatives locales dans ce domaine, avec la mise en place dune expertise lgre et le dveloppement dun rseau dexperts tant nationaux que locaux (soutien la production, itinraires culturaux, extraction, etc.). En matire daccompagnement conomique, la prise en charge par ltat ou les collectivits locales dune partie des cots ou surcots lis la mise aux normes (expertise externe, adaptations de loutil de production, etc.) et la formation des oprateurs conomiques, voire la constitution doutils dinformation adapts, est indispensable. Audel du soutien la production, laccompagnement des oprateurs industriels ou artisanaux des 1re et 2e transformations permet dassurer un dveloppement durable ces filires, notamment par la ralisation dtudes et dexpertises de faisabilit technique de leurs outils, ainsi que par lvaluation de lenvironnement commercial de leurs activits. Lenjeu est bien dinscrire ces entreprises dans le cadre dun dveloppement durable, en prenant en compte les dimensions sociales, environnementales et conomiques de leurs activits. Les productions de PAPAM ont trs souvent un impact conomique, voire culturel, qui dpasse la sphre agricole ou celle de la premire transformation. La question qui se pose alors est de prouver aux consommateurs, et notamment aux consommateurs touristiques du territoire concern, que le produit qui leur est propos est bien ralis dans une dmarche de dveloppement durable. Pour cela, une intervention au niveau de la filire semble la plus opportune (du fait de la petite taille des oprateurs). Chaque territoire de ce point de vue, et notamment compte tenu de la spcificit des DOM et des COM, doit faire lobjet de dmarches particulires. La dmarche mise en place par lInterprofession des huiles essentielles franaises pour la lavande et le lavandin pourrait inspirer utilement un tel mouvement avec des objectifs tels que mobiliser des moyens dtude au niveau de chaque territoire et des partenariats, offrir un service dchange et de coordination, mettre en place un dispositif de soutien la gestion des dmarches de dveloppement durable, construire un rseau de conseil et de formation etc. La synergie avec dautres rgions franaises ou pays du Sud menant une dmarche identique doit galement tre recherche. Il pourrait tre dune grande utilit par exemple dorganiser la collaboration avec le centre dtudes et de dveloppement durable euro-mditerranen des productions de plantes parfum, aromatiques et mdicinales (CEDDEM), qui se met en place actuellement, pour des actions dintrt commun (REACH, mthodologie et reconnaissance normative des dmarches de dveloppement durable, coopration en matire de R & D...). Enfin, les voies dexploration des PAPAM sont si riches quil est mme souhaitable que ces productions, souvent emblmatiques de leur territoire, soient la base dun rseau de recherche en sciences humaines sur la problmatique du dveloppement durable, qui pourrait galement sappuyer sur le CEDDEM. Ainsi, en rponse au Conseil conomique et social, il apparat la mission quil existe de forts potentiels de dveloppement partir des PAPAM en outre-mer franais, mais des niveaux et des stades de production htrognes, qui ncessitent des interventions cibles, penses lchelle de chaque filire, dans loptique dune valorisation locale et dans le cadre dun dveloppement durable.

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SommaireINTRODUCTION I. I.1. I.1.1. I.1.2. I.1.3. I.2. I.2.1. I.2.2. I.2.3. I.2.4. I.3. I.3.1. I.3.2. I.3.3. I.3.4. II. II.1. II.1.1. II.1.2. II.2. II.2.1. II.2.2. II.3. II.4. II.5. III. III.1. III.2. III.3. III.3.1. TAT DE LA SITUATION Les marchs Le march local en vente directe ou non Le march rgional Le march international Situation dans les DOM Guadeloupe Guyane Martinique La Runion Situation dans les COM Mayotte Nouvelle-Caldonie Polynsie franaise Wallis et Futuna PROBLMATIQUES / DFIS Problmatique rglementaire Aspects gographiques Chanes de valeur Enjeux environnementaux Protection de la biodiversit Organisation de la cueillette Politiques de qualit Prservation des ressources et des savoir-faire locaux Comptitivit PERSPECTIVES ET STRATGIES DE DVELOPPEMENT Adaptation et volution de la rglementation Capacity building Accompagnement conomique Poursuite de la contribution aux investissements par les mcanismes de la dfiscalisation 9 11 11 11 12 12 13 13 15 15 16 17 17 18 19 20 21 21 22 22 30 30 31 32 32 33 36 36 36 38 39

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III.3.2. III.3.3. III.3.4. III.4. III.4.1. III.4.2. III.4.3. III.4.4. III.4.5. III.4.6. III.5. III.5.1. III.5.2. III.5.3.

Appui au dveloppement des liens entre production agricole et transformation des PAPAM Mise en valeur de relations identitaires fortes par rapport au milieu, la culture et lagriculture Fdration de loutre-mer franais par un rseau dinitiatives locales spcifique Innovation / recherche Mise en place dun rseau dexperts nationaux et locaux Animation et recherche dune coopration Sud-Sud Recherche applique, expertise, formation et accompagnement Outils de recherche et de formation spcialiss Appel projets de recherche Mise en place dun rseau de recherche en sciences humaines sur la problmatique du dveloppement durable Dveloppement durable des productions de PAPAM dans les DOM/COM Enjeux Mise en uvre de stratgies de dveloppement durable au niveau des filires Recherche de synergie avec dautres rgions menant une dmarche identique

40 40 41 41 41 41 42 42 43 43 44 44 45 46

CONCLUSION GNRALE SYNTHSE DES PROPOSITIONS ANNEXE 1 ANNEXE 2

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IntroductionLe Conseil conomique et social (CES) a approuv dans sa sance du 31 mai 2006 le rapport1 1 , qui stipule les lments suivants : Loutre-mer franais bnficie dune trs grande richesse en matire de plantes mdicinales et aromatiques. Ces dernires font partie du patrimoine agricole et culturel traditionnel des populations ultramarines (II 95). Il relevait les mesures prendre pour donner une impulsion nouvelle la filire des PAPAM dans loutre-mer Franais (I- 32 35) : poursuivre lintgration des plantes mdicinales ultra-marines dans la pharmacope franaise ; accrotre la connaissance des espces locales valorisables ; concevoir et mettre en place un soutien technologique et financier (machinisme agricole spcialis, entreprises de transformation...) ; coordonner les procdures des divers organismes intervenants ; maintenir les productions de la Runion et de Mayotte par des aides adaptes. Le ministre de lAgriculture et de la Pche rpondait au CES le 31 mai 2006 de la faon suivante : Je partage votre apprciation sur le potentiel de dveloppement de certaines plantes, pour des usages mdicinaux mais aussi cosmtiques ou parfumants . Je vais charger lONIPPAM, en liaison avec lOffice de dveloppement de lconomie agricole des dpartements doutre-mer (ODEADOM), de me remettre un rapport sur le sujet. Le ministre de lAgriculture et de la Pche confirmait cette mission aux deux Offices par un courrier en date du 23 janvier 2007 (cf. annexe 1). En application, lONIPPAM et lODEADOM runissaient un groupe de travail associant les organismes de recherche appartenant au B2C3I et les administrations (ministre de la Recherche, ministre de lOutre-mer, ODEADOM et ONIPPAM) pour mettre en place une mthodologie dtude. Compte tenu de la varit des situations, il est trs vite apparu que la rponse la commande formule ncessitait un examen plus approfondi des situations locales. Cest dans ce sens que les deux Offices ont remis au MAP et au secrtariat dtat aux DOM une note intermdiaire au 10 juillet 2007 dont on trouvera copie en annexe, et demandant aux ministres sils approuvaient les orientations proposes. Ces orientations ont t retenues par la lettre du secrtaire dtat lOutre-mer le 24 aot 2007 (cf. annexe 2). En consquence, des missions conjointes ont t organises dans lensemble des DOM et COM franais entre lt 2007 et janvier 2008. Lensemble des conclusions donne lieu la rdaction du prsent rapport. Il est compos dun tat des lieux de la situation des filires PAPAM dans lensemble de loutre-mer franais, suivi dun expos des problmatiques lies au dveloppement de ces filires, illustr par les constats faits au cours des missions sur place, et dans sa dernire partie dune analyse des perspectives et des stratgies mettre en uvre pour le dveloppement de ces filires, avec des propositions daction.

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Les perspectives conomiques des secteurs de lhorticulture, 2006, rapport prsent par Mme Michle Viguier

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Conformment la lettre ministrielle, cette mission sest axe sur le potentiel de dveloppement conomique en matire de plantes mdicinales, cosmtiques et aromatiques, auxquelles se sont naturellement ajoutes les plantes stimulantes relevant des mmes acteurs et thmatiques (caf, cacao, etc.). De nombreux travaux de recherche ont voqu, ces dernires annes, les potentialits de valorisation de la biodiversit de la France doutre-mer. Parmi ces travaux, dont de nombreux articles de revues scientifiques, il convient notamment de relever lexpertise collgiale Substances naturelles en Polynsie franaise ralise par lInstitut de recherche pour le dveloppement (IRD), mais aussi les nombreuses communications de diffrents colloques consacrs aux plantes aromatiques et mdicinales doutre-mer. Ces diffrents travaux prsentent un recensement souvent trs complet des valorisations possibles. Lobjet de cette mission ntait donc pas de raliser un nouvel inventaire de ces potentialits, mais plutt un recensement aussi prcis et concret que possible des situations, des acteurs rels ou potentiels au travers des projets formuls, des obstacles ou difficults quils rencontrent, et des actions possibles pour favoriser le dveloppement durable de ces filires. Les diffrents experts consults lors de la premire phase de ltude ont dtermin trois domaines principaux dinvestigation (rglementaire, technique et conomique) complts par la rencontre directe avec les acteurs lors des missions de terrain de la deuxime phase. Ces rencontres ont t ralises avec le concours et souvent la prsence des administrations locales, de faon couvrir le plus grand nombre de situations, et en veillant ne ngliger aucun aspect important. Les comptes rendus exhaustifs de ces missions sur place font lobjet dannexes indpendantes. Le prsent rapport a t rdig sous forme dune synthse de ces rencontres de terrain, appuye par la bibliographie disponible et lavis dexperts. Son but est de mettre en relief les opportunits relles de dveloppement, de relativiser certaines dentre elles face aux obstacles quelles rencontrent, de souligner les manques et insuffisances quil faudrait combler pour aider la mise en uvre de ces ralisations et les appuis que pourrait apporter la puissance publique pour que les conclusions du Conseil conomique et social deviennent ralit.

Bien que la commande ministrielle porte sur l'ensemble de l'outre-mer franais, le comit de pilotage a choisi de limiter l'aire d'investigation de la prsente mission l'outre-mer tropical. Ce choix repose sur deux arguments majeurs : la valorisation conomique des plantes parfum, aromatiques et mdicinales est potentiellement plus importante dans les milieux forte biodiversit, ce qui est le cas dans la ceinture intertropicale. La Nouvelle-Caldonie et le bassin amazonien sont reconnus internationalement comme des hot spot de la diversit biologique mondiale ; en dehors de la zone tropicale, l'attention de la mission aurait pu se porter sur Saint-Pierre-etMiquelon, les Terres australes et antarctiques franaises ayant t cartes pour cause d'accessibilit difficile. La flore de Saint-Pierre-et-Miquelon tant trs proches de celle du Canada voisin, sans endmisme particulier, il a donc t dcid de ne pas prendre en compte cette collectivit dans le cadre de cette mission. Cependant, un dplacement de l'ODEADOM Saint-Pierre-et-Miquelon tant prvu en 2009, une annexe territoriale pourrait venir complter le prsent document en cours d'anne.

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I. tat de la situationI.1. Les marchsLes types de valorisation trs varis de ces plantes en justifient un examen structur par march correspondant. Ceux-ci peuvent tre dcrits de plusieurs faons : par secteur : alimentaire direct ou comme arme ou additif, cosmtique, pharmaceutique, biocides et insecticides, colorants, etc. par type de produit : plante frache, sche, extraits de diffrents types, extraits transforms, substances chimiques raffines, etc. par proximit : vente directe, march local, march rgional, march mtropolitain, march international. Il est bien entendu impossible daborder dans le dtail tous les secteurs qui sont plus ou moins prsents selon chaque plante ou chaque situation. Les marchs seront donc abords par leur proximit, avec un examen des diffrents secteurs.

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I.1.1. Le march local en vente directe ou nonCe march bnficie dune demande lie la tradition ou lusage culturellement dtermin. Le secteur alimentaire local est souvent dans ce cas, mais pour nombre de produits concerns (pices et aromates) les productions locales sont concurrences par des produits d'importation trs bas prix, de qualit moyenne. Sauf pour la vente directe, prsente pour ces produits sur tous les marchs des DOM/COM (plantes aromatiques fraches ou sches), la couverture du march local passe donc ncessairement par une identification de provenance et de qualit des produits locaux, qui permettrait au consommateur de faire la diffrence, le choix dpendant ensuite du pouvoir dachat disponible localement. Cest ainsi qua pu se dvelopper une nouvelle production de vanille en Nouvelle-Caldonie. Une version particulire du march local est la fourniture de produits locaux emblmatiques aux touristes comme la vanille ou certaines pices La Runion, les fleurs en Polynsie, etc. Pour ce qui est des produits pharmaceutiques, comme cela sera voqu plusieurs reprises dans la suite de ce rapport, leur prsence parfois importante sur le march local rsulte de transactions non agres officiellement, plus ou moins tolres selon les cas, hors du cadre rglementaire, ce qui rend difficile la fois leur analyse et une rflexion prospective. Nanmoins, on peut distinguer les produits directement lis une prescription de tradipraticiens, les plantes utilises ce titre dans un cadre non marchand, et les produits mdicinaux secs commercialiss le plus souvent destination dinfusions, de dcoctions, boire ou usage externe. Dans plusieurs DOM et COM, ces usages ont une importance vidente dans lensemble de la population. Pour les produits secs, un march pourrait ventuellement se dvelopper auprs des communauts migres (Antillais en mtropole, Wallisiens en Nouvelle-Caldonie, etc.) mais seulement condition dobtenir une reconnaissance officielle. Pour les autres secteurs dutilisation, le march local suppose une capacit de transformation artisanale, pour les extraits simples, ou industrielle, pour les produits finis, qui manque gnralement dans la plupart des DOM et COM ou reste trs rduite. On note toutefois quelques exceptions aux Antilles, en matire de cosmtique ou de mdicaments locaux, et surtout en Polynsie franaise qui a su dvelopper un secteur de trans-

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formation en rponse la demande croissante de lhtellerie de luxe locale, base sur le succs de produits de spas et de bains jouissant dune forte image. Comme pour les produits alimentaires, les fortes concurrences rgionales en matire de prix supposent, pour la russite sur ces marchs, une spcificit et une qualit du produit reconnues par le consommateur. Or les outils techniques correspondants lmergence de cette identit (analyses, signes de qualit, marques, etc.) ne sont pas toujours disponibles ou organiss localement.

I.1.2. Le march rgionalLa plupart des DOM/COM sinsrent dans une ralit rgionale de proximit : Pacifique Sud pour la Polynsie, Antilles et Carabes pour la Martinique et la Guadeloupe, Amazonie et Carabes pour la Guyane... Cette proximit se traduit par la prsence des mmes ressources vgtales et souvent de connaissances ou dusages culturels voisins, et pourrait donc conduire des marchs dchelle plus large. Cependant, les diffrences gnralement trs importantes de cots de production rendent irralistes dans la plupart des cas la perspective de fournir ces marchs, et au contraire, pour les produits courants, la situation la plus frquente est de voir limportation de ces pays voisins se substituer aux productions locales (Brsil et Surinam pour la Guyane, Dominique pour les Antilles, Fidji, Micronsie ou Nouvelle Guine pour le Pacifique Sud, Maurice et Madagascar pour La Runion). L encore, seuls des produits particuliers, correspondant des niches de march, peuvent prsenter une perspective de dveloppement cette chelle, comme certains cafs, certaines prparations alimentaires typiques ou des produits finis industriels de haute qualit, supposant une prsence industrielle locale forte.

I.1.3. Le march internationalOn peut distinguer le cas particulier du march mtropolitain des autres marchs d'expert, mais ils obissent globalement aux mmes rgles. Ces marchs demeurent trs peu dvelopps sur tous les secteurs de production en provenance des DOM/ COM, quelques exceptions prs, comme les produits cosmtiques polynsiens. En matire alimentaire, cela tient surtout labsence de production oriente cette fin (pices, aromates, produits stimulants ou aromatiques locaux transforms), alors que plusieurs produits (cacao de Guyane, niaouli de Nouvelle-Caldonie, arrow root de Guadeloupe, etc.), qui restent pour linstant cantonns un march de petite chelle, montrent un trs fort potentiel. Cest donc ce stade surtout une question de priorits de dveloppement agricole local. En matire de filires plus industrielles, il faut mentionner le dveloppement constant et sans doute durable de la demande en cosmtiques naturels, biologiques, ethniques, etc., qui a permis des dveloppements industriels remarquables au Brsil ou en Afrique du Sud par exemple, mais aussi un peu partout dans le monde. Ce secteur est sans doute, ses diffrents stades de transformation (plante, extraits, produits finis), celui qui, avec le secteur alimentaire prcit, prsente les meilleures perspectives de dveloppement pour les productions des DOM/COM. Les autres secteurs industriels prsentent des contraintes techniques et rglementaires telles quils ne reprsentent pas de perspectives de dveloppement, sauf exception. De fait, si les produits issus des plantes aromatiques et mdicinales ont suivi ces dernires annes lvolution globale la hausse de lensemble des matires premires, la spcificit des secteurs dactivit qui y sont lis (march totalement internationalis, influence de la parit des monnaies, cot de transformation et notamment de lnergie, obstacles

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rglementaires et non tarifaires aux changes) rend illusoire toute perspective gnrale en matire dorientations de dveloppement. Ainsi pour les plantes mdicinales, seuls des projets intgrs entre offre et demande, et notamment pour les DOM/COM partant dune demande locale identifiable, permettent de faire face ces incertitudes. Par contre, lorsquil est possible didentifier un cadre de concentration de la demande, on est mme, malgr ce contexte gnral, de tracer des perspectives plus prcises. Cest le cas des huiles essentielles du Pacifique et de locan Indien, pour lesquelles le ngoce franais reste dominant sur le plan mondial. Pour une production de moins dune tonne en 2007, la demande du march en huile essentielle de granium Bourbon est denviron 10 tonnes, pour une production de 8 tonnes dylang-ylang, la demande est au minimum de 40 tonnes actuellement pour une qualit type Mayotte, pour une production denviron 50 tonnes de santal caldonien, la demande varie entre 150 et 200 tonnes, etc. Il faut souligner que si ces demandes ne sont pas rapidement satisfaites, elles vont sadapter et diminuer jusqu disparatre, par substitution avec dautres produits. Laction est donc urgente. De telles perspectives peuvent sans doute aussi souvrir pour certaines plantes partir de la demande prsente sur la place dHambourg en complments alimentaires et herboristerie, ou sur diffrentes places commerciales dominantes selon les pices (Londres pour le poivre et le clou de girofle, Amsterdam pour la muscade, etc.). Un aspect mrite cependant dtre soulign : dans tous les domaines dusage indiqus, on note une dichotomie croissante entre les produits de base gnriques, qui suivent plus ou moins lvolution des matires premires ou de la situation conomique des zones de production concernes, et les produits spcifiques, qui rpondent soit des normes et jouissent dune image reconnue, soit des demandes dutilisateurs en aval souvent trs techniques, et qui ne suivent pas cette volution gnrale, puisque leur production correspond dans de nombreux cas des commandes ou des contrats de fourniture. Pour de nombreuses plantes voques dans ce rapport, cette situation devient dominante au point de donner naissance une spcialisation nationale des productions (Australie, Chili, etc.). Il parat clair que, compte tenu des contraintes conomiques environnantes, les perspectives de dveloppement de production dans les DOM/COM se situent dans cette optique, qui ncessite lusage de signes officiels de qualit permettant de valoriser la qualit et lorigine.

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I.2. Situation dans les DOMI.2.1. GuadeloupeLa production de PAPAM en Guadeloupe slevait en 2005 734 tonnes, issus de 470 ha de culture, pour une valeur correspondante de 1,31 millions . Les PAPAM ne font pas lobjet dexportations. Les cultures aromatiques sont surtout destines la consommation locale. Une volont de dveloppement de la production et de lusage des PAPAM a t affirme plusieurs reprises, sous lgide des prescripteurs (pharmaciens). LAPLAMEDAROM, association anime par des pharmaciens, est active sur divers plans : reconnaissance de plantes guadeloupennes par la pharmacope nationale, colloques, projets de dveloppement de certaines cultures, etc. La Chambre dagriculture a manifest plusieurs reprises son intrt pour ces productions. Le Parc national de Guadeloupe a envisag plusieurs actions et lUniversit sest implique sur les caractristiques et les proprits de la flore locale.

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Exportations et importations de PAPAM - 2006 - GuadeloupeExportations Poids (tonnes) Huiles essentielles Caf, th, mat, pices Gommes, rsine et autres sucs, extraits 6,8 34,2 1,97 Valeur (milliers ) 85,9 408,8 12,4 Importations Poids (tonnes) 8,4 1 209,7 91,9 Valeur (milliers ) 169 4 162 1 136

Production de PAPAM - 2005 - GuadeloupeSuperficie en production (ha) Plantes aromatiques, condimentaires, mdicinales et stimulantes Cacao Caf (parche)* Piment doux (vgtarien) Piment fort Thym Vanille verte * caf dcortiqu lexport Production rcolte (100 kg) Autoconsommation (100 kg) March (100 kg) Export (100 kg) Valeur de la production (milliers )

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465

12

453

0

250,48

15 125 13 15 38

15 250 910 2 030 450 11

2 0 146 325 10 2

13 0 718 1 675 440 8

0 10 0 0 0 0

3,88 18,44 344,20 512 246,6 42,7

Vanille et caf : des filires relances

La vanille et le caf, anciennes cultures dexportation, ont bnfici de plans de relance de la production initis dans les annes 90 par des associations de producteurs. Le syndicat de producteurs de vanille de Guadeloupe (SYAPROVAG) a t cr en 1993 avec pour objectif la relance de la production. En 2005, celle-ci atteint une tonne de vanille, produite sur 57,3 ha par 100 producteurs. Le caf guadeloupen couvre 37,1 % de la consommation locale. Grce au plan de relance port par la cooprative des producteurs de caf de Guadeloupe (COOPCAF), la production a atteint 19 tonnes en 2005, occupant une superficie de 125 ha. Le caf est destin avant tout au march local mais il est galement export en petites quantits comme produit haut de gamme. Par ailleurs, les PAPAM suscitent en Guadeloupe un regain dintrt motivant de nombreux projets : au niveau de la recherche et des exprimentations : programme du rseau TRAMIL sur les plantes usage mdicinal; au niveau industriel : Biotanica, Hiteca, Phytobokaz sont des projets recouvrant de multiples secteurs dapplication des PAPAM (cosmtique, pharmacie, alimentaire, etc.).

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I.2.2. GuyaneLa fort guyanaise possde une biodiversit trs riche. A titre dexemple, 500 espces de vgtaux suprieurs sont rpertories comme ayant des proprits mdicinales en Guyane. Il ny a pas de production traditionnelle de PAPAM en Guyane, cependant le secteur est naissant. Cela explique le peu de chiffres disponibles. En 2005, la production globale de PAPAM en Guyane tait estime 10 tonnes.Exportations et importations de PAPAM - 2006 - GuyaneExportations Poids (tonnes) Huiles essentielles Caf, th, mat, pices Gommes, rsine et autres sucs, extraits 0,17 5,5 199,1 Valeur (milliers ) 0,2 66,4 92,4 Importations Poids (tonnes) 2,9 305 4,1 Valeur (milliers ) 17,4 1 451 49,5

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Un secteur en dveloppement

De nombreux projets voient le jour actuellement autour des PAPAM en Guyane : lentreprise Floramazone accueille des projets scientifiques sur la flore et vend des plantes sches ; travail de communication avec lorganisation des filires de plantes aromatiques et mdicinales de Guyane (OFPAM), rseau associatif ; projet dorganisation dune filire cacao (cueillette)

I.2.3. MartiniqueLe secteur des PAPAM est trs peu dvelopp en Martinique. Lassociation pour la valorisation des plantes mdicinales de la Martinique (AVAPLAMMAR) regroupe des passionns des PAPAM et quelques transformateurs (plantes mdicinales et produits cosmtiques). Le Parc naturel rgional de Martinique dbute galement une rflexion base sur le systme du jardin crole , quil recre en son sein. Enfin, les agriculteurs commencent galement sintresser aux cultures de PAPAM, travers la Chambre dagriculture, dans un objectif de diversification des productions.Exportations et importations de PAPAM - 2006 - MartiniqueExportations Poids (tonnes) Huiles essentielles Caf, th, mat, pices Gommes, rsine et autres sucs, extraits 0 25,27 0 Valeur (millions ) 0 48,7 0 Importations Poids (tonnes) 11,8 1 211,9 31,9 Valeur (millions ) 100 4 100 185

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I.2.4. La RunionLle de La Runion comporte environ 500 espces vgtales, parmi lesquelles 223 sont endmiques. En ce qui concerne les PAPAM, dans la plupart des cas, les acteurs de cette filire sont la fois producteurs, transformateurs et distributeurs. Les principales productions de La Runion, qui sont aussi des produits dexportation, sont le granium et le vtiver, ainsi que la vanille. En 2005, les plantes huile essentielle occupaient une surface de 256 ha, et les plantes aromatiques et condiments une surface de 467 ha.Exportations et importations de PAPAM - 2006 - La RunionExportations Poids (tonnes) Huiles essentielles Caf, th, mat, pices Gommes, rsine et autres sucs, extraits 1,27 103,7 0 Valeur (milliers ) 164,8 749,3 0 Importations Poids (tonnes) 30,9 2 833 48,9 Valeur (milliers ) 417 7 919 856

Des filires traditionnelles fragiles

Les cultures du granium, du vtiver et de la vanille, longtemps cultures dexportation importantes, tendent diminuer danne en anne et rencontrent des difficults dans le contexte de forte concurrence mondiale. Les filires granium et vtiver ntaient plus reprsentes que par 196 planteurs en 2005. Les exportations de granium, sous forme dhuile essentielle, se rduisent danne en anne depuis 2003.Production dhuile essentielle (kg) Granium Vtiver 2005 1 935 44

La production de vtiver se heurte des cots de rcolte levs. La cooprative agricole des huiles essentielles de Bourbon (CAHEB) envisage diffrentes volutions dans les techniques culturales pour relancer la production. La connaissance du produit (dune distillation dlicate) et sa notorit (Bourbon) sont les atouts certains de lle. La production de granium est une production historique de haute qualit, qui se maintient difficilement face la concurrence internationale trs forte sur les prix, et la qualit (bien que diffrente de la qualit Bourbon). gypte, Vietnam et Chine sont les principaux acteurs de ce march. La filire vanille de la Runion est organise autour de deux structures : PROVANILLE et lunion runionnaise des coopratives agricoles. Cette production traditionnelle se heurte des cots de main duvre levs et la production, largement diminue, est destine au march local, au tourisme et en faibles proportions la mtropole. Un dveloppement de cette production nest sans doute pas envisageable lchelle internationale, face la concurrence indonsienne et surtout malgache. La vanille reprsentait 310 ha en 2005.

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Production de vanille verte (tonnes) Cooprative des producteurs Producteurs indpendants Total

2005 8,3 15 23,3

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Filires de diversification

Les plantes mdicinales bnficient dun fort ancrage culturel dans la socit runionnaise, notamment grce aux tradipraticiens, les tisaneurs . La cueillette de plantes sauvages est importante La Runion, soit sur un circuit informel destination du march local, soit sur des circuits dherboristerie de spcialits pour lexportation. Lorganisation du circuit informel des tisaneurs na apparemment pas t explore, et ne pourrait voluer que face la contrainte dune sur-cueillette, apparemment forte mais mal identifie quant aux plantes concernes, justifiant soit la mise en place dune nouvelle et solide organisation, soit le dveloppement de cultures alternatives. Celles-ci ne seront pas ncessairement aises, notamment quand il sagit darbres ou darbustes comme de plantes de biotopes spcifiques. Enfin, des dbouchs semblent possibles pour dautres cultures, telle la cannelle, notamment travers les marchs local et touristique.Projets

Lassociation pour les plantes aromatiques et mdicinales de La Runion (APLAMEDOM) promeut les recherches sur les PAPAM et leurs utilisations et ambitionne de crer La Runion une filire PAPAM structure. Quelques transformateurs dveloppent galement des activits autour de la cosmtique. Enfin, avec lappui du CIRAD, lassociation Caf Runion tudie les possibilits de remise en culture du caf La Runion.

I.3. Situation dans les COMI.3.1. MayotteLle de Mayotte est compose de 1 830 hectares de forts originelles. De nombreuses espces endmiques y sont prsentes (1 300 plantes identifies, dont des espces protges). Le recensement de la flore mahoraise nest encore quen phase dinventaire.Les filires traditionnelles - lylang ylang et la vanille - en difficult

Lle de Mayotte doit sa rputation d le aux parfums la culture de lylang-ylang et de la vanille, qui constituent les deux premiers postes dexportation. Ces deux filires sont soutenues par les autorits publiques mais souffrent de la concurrence des Comores et de Madagascar. Lhuile essentielle dylang-ylang est la premire culture dexportation avec en 2005 un volume dun peu moins de 6 tonnes. Les surfaces cultives sont estimes un peu moins de 500 ha en 2005. Lhuile essentielle dylang-ylang de Mayotte a une grande rputation sur le march international. Cependant, la filire est fragilise depuis une dizaine dannes et le volume de la production chute depuis les annes 1990 (25 tonnes en 1991 contre 6 tonnes en 2005), cause de la faible rmunration de cette activit et avec le risque que Mayotte ne soit plus rfrence par les acheteurs si la production baisse trop. Une tude du CIRAD ddie la filire est en cours.

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La vanille est la seconde culture dexportation et rencontre galement des difficults se maintenir. La production est en baisse depuis 1992 (16,5 tonnes de vanille noire contre 1,4 t en 2005). Les surfaces en production sont estimes 40 hectares en 2005 et le nombre dexploitations 450 (bien quil soit difficile de faire cette estimation car la culture de vanille nest pas leur activit principale), et il semble que ce nombre soit en baisse. Lobjectif de la profession est de stabiliser la production de vanille noire autour de 2 tonnes.Exportations 2004 Part des exportations Huile essentielle dylang-ylang Vanille noire 4,3 % 0,1 % Valeur (milliers ) 246,8 3,5

Production 2003 Superficie en production (ha) Huile essentielle dylang-ylang Vanille noire 464 40 Production (tonnes) 9,8 1,12

De nouvelles voies dexploitation des PAPAM seraient envisageables

Enfin, les PAPAM sont trs prsentes sur le march local, notamment les pices : cannelle, girofle, poivre, noix de coco, gingembre et curcuma, qui ne sont cependant pas comptitives lexport. Dautres voies pourraient galement tre explores, comme la production dhuiles essentielles de poivre ou de gingembre

I.3.2. Nouvelle-CaldonieLa flore de Nouvelle-Caldonie est compose de 2 000 espces dont prs de 300 sont endmiques. La Nouvelle-Caldonie a une longue tradition de production de PAPAM, notamment autour de lexploitation du niaouli, du coprah et du santal.Exportations et importations de PAPAM - 2006 - Nouvelle-CaldonieExportations Poids (tonnes) Huiles essentielles Caf, th, mat, pices Gommes, rsine et autres sucs, extraits 4,2 2,05 0 Valeur (millions de F CFP) 0,4 4,5 0 Poids (tonnes) 9 552 1,3 Importations Valeur (millions de F CFP) 13,9 288 2,1

La production nocaldonienne dhuile essentielle de niaouli slevait 800 kg en 2005, dont 280 kg taient exports. La Nouvelle-Caldonie compte 3 distilleries de niaouli. Le niaouli de Nouvelle-Caldonie aurait comme spcificit une teneur en viridiflorol particulirement leve. Les sous-produits en sont galement valoriss.

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La production dhuile essentielle de coprah slevait 208 tonnes en 2005 et 71 tonnes de rsidus de trituration ont t valoriss en tourteaux pour lalimentation animale. La production seffectue exclusivement sur lle dOuva et reprsentait 15 millions de F CFP en 2005. Lhuile de coprah est utilise en savonnerie et commence ltre galement comme carburant. Enfin, la Nouvelle-Caldonie est le troisime producteur mondial dessence de santal. Le chiffre daffaires de la filire slevait 6,86 millions de F CFP en 2005, pour une production de 1,41 tonnes, assure par deux distilleries. Les sous-produits (drches et hydrolats) sont galement valoriss.volution de la production dhuiles essentielles de santal et niaouli en kg entre 1999 et 2005production d'huile en kg 160 0 140 0 120 0 100 0 800 600 400 200 0 199 9 20 00 20 01 2 002 annes 200 3 20 04 20 05 santal en kg niaoul i en kg

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Des filires plus confidentielles : le caf et la vanille

En 2005, la production de caf slevait 25 tonnes, pour une valeur finale de 13,8 millions de F CFP. Le caf, majoritairement de catgorie robusta , est essentiellement cultiv en Rgion Nord, sur la cte est. Lessentiel de la production est assure par une trentaine de producteurs. En comparaison, les cinq torrfacteurs de Nouvelle-Caldonie ont import 279 tonnes de caf non torrfi et 83 tonnes de caf torrfi. La valeur totale de la production de vanille slevait 12,2 millions de F CFP en 2005. Enfin, plusieurs projets de recherche axs sur la diversification des usages des PAPAM sont mens : recherche mdicale (IRD et CNRS) ; alimentaire : le curcuma, qui a une forte teneur en curcumine, et le kudzu (susceptible de concurrencer le soja en tant que phytohormone) pourraient tre utiliss dans des complments alimentaires.

I.3.3. Polynsie franaiseLes PAPAM sont exploites en Polynsie franaise, notamment la vanille, le tiar et le coprah. La varit de vanille de Tahiti (V. Tahitensis), celle qui a les armes les plus tendus, ne fleurit vraiment bien quen Polynsie franaise. Elle bnficie donc de qualits recherches et uniques. En 2005, la production de vanille sest leve 10 tonnes, correspondant une valeur de 202 millions de F CFP.

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Le mono, obtenu par macration des fleurs de tiar dans lhuile essentielle de coprah est un produit-phare de la Polynsie franaise qui bnficie dune appellation dorigine simple depuis 1992. Cest une filire active tourne 95 % vers lexport en Europe. En 2005, les exportations de mono se sont leves 164 millions de F CFP, pour un volume de 238 tonnes. Par ailleurs, 238 tonnes dhuile de coprah ont t exportes, reprsentant 292 millions de F CFP. La culture de coprah concerne les deux tiers de la SAU de Polynsie franaise. Toujours en 2005, les neuf diximes de la production de mono taient assurs par lhuile de coprah de Tahiti, contre seulement 75 % en 1995. Dautres filires PAPAM ont merges ces dernires annes. Cest le cas du nono (transform en jus, capsules ou poudre) qui a bnfici de lengouement du march tatsunien et de limplantation de la socit Morinda (la production a augment de 40 % entre 2003 et 2004, et les exportations de 15 % durant cette mme priode). La production de caf, quant elle, a t relance dans les annes 90 par une impulsion gouvernementale. Il est rcolt aux Australes o le potentiel de production annuelle avoisine les 30 tonnes. Autour dentreprises telles que le laboratoire Pacifique Sud, ou les jus de fruits de Moorea, de nouvelles utilisations des PAPAM sont prospectes. Enfin, il existe environ 900 plantes indignes en Polynsie franaise, dont 60 % sont endmiques et cette biodiversit suscite lmergence de nombreux projets de recherche, tel que ltude de lIRD (2006) sur les substances naturelles, la participation du CIRAD la rgnration de la cocoteraie, etc.Exportations et importations de PAPAM - 2006 - Polynsie franaiseExportations Poids (tonnes) Huiles essentielles Caf, th, mat, pices Gommes, rsine et autres sucs, extraits 271,2 10,4 2,1 Valeur (millions de F CFP) 248,2 184,1 3,40 Poids (tonnes) 1 497 348 8,7 Importations Valeur (millions de F CFP) 1 490,1 267,8 12,28

I.3.4. Wallis et FutunaA Wallis et Futuna, une petite activit artisanale dans le domaine des cosmtiques trouve sa source dans la transformation des PAPAM, telle la fabrication dhuiles parfumes traditionnelles appeles les lolos . Il existe galement une tradition dusage mdicinal des PAPAM qui se perptue aujourdhui travers les gurisseurs.

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II. Problmatiques / dfisII.1. Problmatique rglementaireLes plantes parfum, aromatiques et mdicinales, auxquelles on peut assimiler les plantes stimulantes , les plantes colorantes et insecticides, ne sont pas des productions agricoles comme les autres. Elles sont souvent consommes lissue dun long processus de transformation en plusieurs tapes, souvent industrielles. Tout projet de dveloppement de ces productions doit intgrer les contraintes lies ces transformations et ces usages, notamment parce que les donneurs dordre sont souvent les industriels et les utilisateurs professionnels, plus que les circuits commerciaux agricoles classiques ou les consommateurs. Ces plantes sont transformes de multiples faons, ncessitant des investissements industriels plus ou moins importants selon les cas, en des produits trs diffrents relevant de multiples modes de consommation et dunivers rglementaires distincts. Il est important dexaminer prcisment ces contextes rglementaires pour envisager un processus de dveloppement conomique viable fond sur ces plantes et leur production. Ainsi, divers univers rglementaires sont considrer au regard des perspectives gnrales de dveloppement de ces productions et des activits induites : les rglementations de protection de la biodiversit ; les rglementations relatives aux espces, varits, cultures de plants et horticoles ; la rglementation alimentaire dont il faut souligner les aspects souvent trs spcifiques, notamment pour les produits dpicerie sche (pices, aromates, grains ou poudres schs, etc.) ; la rglementation des produits de sant pour les plantes mdicinales et les mdicaments ou produits de soins ; la rglementation des cosmtiques, dont les parfums ; la rglementation des armes et additifs ; la rglementation gnrale des substances chimiques ; les rglementations chimiques spcifiques (pesticides, biocides, colorants...) ; la rglementation phytosanitaire applicable aux productions. Dans de nombreux cas, la juxtaposition de ces rglementations induit directement soit des contraintes dquipement ou de procds (analyses, oprations de traitement ou de transformation), soit la ncessit dun accompagnement technique appropri dont la disponibilit et le cot peuvent conditionner le projet. Dautres questions rglementaires (particulirement pour les substances chimiques ou les mdicaments) peuvent constituer un frein des projets de dveloppement de production ou de transformation. Sils sont considrs comme importants, il conviendrait alors que la puissance publique agisse en consquence soit directement sur ces aspects rglementaires, soit indirectement en permettant dy faire face. La question ntant pas ici de brosser ltat gnral du droit sur tous les sujets se rapportant lobjet de la mission, les auteurs se contenteront de relever dventuelles situations particulires proccupantes au regard du dveloppement conomique dactivits partir de ces plantes.

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II.1.1. Aspects gographiquesSur le plan rglementaire, il convient de souligner que la situation est diffrente selon que lon se trouve dans les dpartements ou les collectivits doutre-mer. Dans les premiers, les droits national et communautaire sappliquent intgralement, alors que dans les seconds, qui nappartiennent pas lUnion europenne, les droits national et local sappliquent de faon diffrente selon les comptences respectives de ltat et de la collectivit concerne, comptences elles-mmes en volution rgulire. Nanmoins, la plupart des produits issus des PAPAM sont destins au march international sous diverses formes. A cet gard, mme si tel texte prcis national ou communautaire ne sapplique pas en ltat, les produits sinscrivent dans un contexte rglementaire international complexe plusieurs gards, complexit qui constitue en soi un frein indniable au dveloppement de ces productions. Les rglementations peuvent tre sensiblement diffrentes dans les diffrents lieux de commercialisation des produits et ncessiter des adaptations de production, de prsentation ou dtiquetage selon les cas. Cela ncessite, pour les entreprises qui commercialisent les produits, un bon niveau de comptence rglementaire qui fait souvent dfaut dans les zones concernes. Une assistance spcialise sur la rglementation de ces produits lexportation est ncessaire et manque souvent sur place. Dans un premier temps, un bon niveau de connaissance de la rglementation communautaire applicable parat indispensable, mme lorsquelle ne sapplique pas de droit comme cest le cas dans les COM. Une assistance juridique doit donc accompagner tout nouveau projet de valorisation.

II.1.2. Chanes de valeurComme pour les productions de mtropole, les rglementations sappliquent en fonction du mode de consommation du produit. Selon quun mme produit aura une destination alimentaire, cosmtique, mdicamenteuse ou chimique, des textes diffrents sappliqueront. Or, le producteur agricole, voire le premier transformateur, ne connat pas la destination finale du produit quil commercialise, et ceci encore plus dans les DOM/ COM, compte tenu de lloignement gographique frquent des chanes de valorisation. Sur ce plan, il parat donc globalement ncessaire de mieux prciser les obligations rglementaires selon les stades de transformation des produits et dobtenir que les rglementations applicables aux PAPAM et leurs premiers extraits soient spcifiques ces produits et ne soient pas celles applicables aux produits finis auxquels ils seront intgrs. Ainsi, les agriculteurs et les premiers transformateurs ne devraient pas tre qualifis dtablissements pharmaceutiques, cosmtiques, de producteurs de produits chimiques, darmes labors ou de complments alimentaires pour ne reprendre que certains usages connus des PAPAM. Le MAP et le MIOM-CT pourraient tre lorigine dune initiative cet gard.a) Rglementation agro-alimentaire

Les aliments relvent de quatre catgories : les aliments traditionnels

Ceux-ci sont dfinis de faon large (rglement R(CE)178/2002) comme tout produit destin tre ingr par lhomme. Ils comprennent les boissons et leau ajoute et se distinguent des aliments pour animaux, animaux vivants, plantes avant rcolte, mdicaments, cosmtiques, tabac, stupfiants, rsidus et contaminants.

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En Europe, laliment fonctionnel, qui se prsente comme un aliment traditionnel la diffrence du complment alimentaire, na pas de dfinition spcifique. Il peut tre selon les cas aliment nouveau ( novel food ), aliment enrichi ou aliment bnfice sant avr. Ces produits particuliers sont examiner dans le cadre des allgations quils prsentent, mais relvent globalement du domaine des aliments. les produits dittiques

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Ces produits se distinguent des prcdents en ce quils correspondent une alimentation particulire destine des populations dfinies et sont commercialiss avec un objectif avr. Ces populations sont : soit des personnes prsentant des processus dassimilation ou un mtabolisme perturbs ; soit des personnes se situant dans des conditions physiologiques particulires ; soit des nourrissons ou enfants en bas ge en bonne sant. Les cultures darrow-root ou de toloman (deux noms du dictame), qui produisent une farine sans gluten destination des allergiques, sont un exemple de culture cette fin possible dans les DOM/COM. les complments alimentaires

Rgis par la directive 2002/46/CE, et en France par le dcret 2006/352 du 20 mars 2006, il sagit de complments lalimentation normale qui se prsentent sous forme de glules, pastilles, comprims, doses, ampoules, gouttes, etc. destins tre pris en faibles quantits mesures. les nouveaux aliments

Le rglement R(CE)258/97 traite des produits alimentaires et ingrdients dont la consommation tait ngligeable dans la Communaut Europenne avant le 15 mai 1997 et qui appartiennent une des quatre catgories suivantes : aliments et ingrdients alimentaires prsentant une structure molculaire primaire nouvelle ou dlibrment modifie, aliments et ingrdients alimentaires composs de micro-organismes, de champignons, ou dalgues ou isols partir de ceux-ci, aliments ou ingrdients alimentaires composs de vgtaux ou animaux ou isols partir de ceux-ci, lexception des aliments et ingrdients alimentaires obtenus par des pratiques de multiplication ou de reproduction traditionnelles et dont les antcdents sont srs en ce qui concerne lutilisation en tant que denres alimentaires, aliments ou ingrdients alimentaires auxquels a t appliqu un procd de production qui nest pas couramment utilis, lorsque ce procd entrane dans la composition ou dans la structure des aliments ou des ingrdients alimentaires des modifications significatives de leur valeur nutritive, de leur mtabolisme ou de leur teneur en substances indsirables. Seules peuvent faire lobjet de la procdure de notification communautaire simplifie les catgories dfinies lalina 2 et 3. Les autres doivent faire lobjet dune valuation pralable leur commercialisation par les autorits comptentes (en France, lAFSSA). Enfin, on notera que les aliments enrichis ne font pas lobjet dune position harmonise et sont globalement interdits en France.

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Problmes constats Il faut souligner lapplication errone du rglement novel food dans son tat actuel (rglement (CE) n 258/97 du Parlement europen et du Conseil du 27 janvier 1997 relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrdients alimentaires). Il apparat en effet que dans au moins un cas (jus de noni : Morinda citrifolia), un aliment traditionnel polynsien utilis localement comme produit de soins a fait lobjet dun dpt au titre de ce rglement, entranant la fois une autorisation nominative de commercialisation la socit dpositaire de la demande et lobligation pour tous les autres fabricants de dposer la mme demande dautorisation pralable assortie dun dossier technique de justification. Ceci constitue une entrave infonde au dveloppement de lusage de ce produit alimentaire dans la Communaut, considr par lEFSSA comme un jus de fruits. Aux nombreuses questions poses cet gard, notamment par des dputs europens allemands la Commission (lAllemagne tant le principal consommateur europen de ce produit), les rponses apportes ont t jusquici : Les territoires franais du Pacifique ne font pas partie de lUnion. Daprs les informations obtenues par la Commission auprs des tats membres, la plante Morinda citrifolia na t introduite dans la Communaut sous la forme de jus de noni qu partir de 1998, cest--dire aprs lentre en vigueur, le 15 mai 1997, du rglement (CE) no 258/97 du Parlement europen et du Conseil, du 27 janvier 1997, relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrdients alimentaires. Le jus de noni constitue donc un nouvel aliment au sens du rglement (CE) no 258/97 et sa mise sur le march en tant qualiment est soumise autorisation pralable conformment au rglement. Une demande a t introduite cet gard et est actuellement examine. 1 . Outre le fait que la notion dintroduction dans la Communaut en 1998 apparat discutable pour un tel produit traditionnel, la question est clairement celle de la consommation humaine... jusquici reste ngligeable dans la Communaut . A ce jour, cette question nest toujours pas rgle. Elle trouve clairement sa source dans la notion d aliment traditionnel dans la Communaut . Alors quune rvision de ce rglement est ltude, il apparat ncessaire de mieux prendre en compte la ralit de lalimentation traditionnelle dans les DOM/COM, pour viter le renouvellement de telles situations. Un tel problme pourrait par exemple se poser pour la commercialisation en mtropole ou en Europe de nombreux aliments traditionnels observs en Guyane par exemple, mme si ce territoire est dans lUnion . A noter que la mme question se pose pour la notion de mdicament traditionnel. Les aliments secs

Un autre aspect porte sur les lments rglementaires applicables aux produits secs que sont les pices, gousses de vanille, plantes stimulantes (th, caf, cacao, mat...). Ces lments rglementaires sont trs succincts et trs faibles par rapport ceux applicables aux produits frais. Cela conduit des normes de qualit trs basses sur le march international et limpossibilit pour les DOM/COM de concurrencer les rgions de production bas cots, pour des produits de qualit trs variable. Sur cette base, il ny a pas de perspectives dvolution rglementaire simple applicable aux productions de ces terri-

1

Question crite P-0325/02 pose par Rosemarie Mller (PSE) la Commission (6 fvrier 2002)

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toires. Leur dveloppement ne pourra se faire que sur le march local par lusage de signes dorigine et de qualit ou par des mentions valorisantes.b) Rglementation des mdicaments

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Il convient de noter ce sujet que le domaine pharmaceutique nest que trs partiellement harmonis au plan europen, et que les lments suivants sappliquent la seule situation franaise. Les mdicaments sont dfinis comme les produits destins soigner un tre malade, ou prvenir des maladies. A ce titre, et contrairement aux aliments ou cosmtiques, ils peuvent prsenter des risques lusage, avec un rapport bnfice/risque positif. Sauf exception, leur dlivrance au consommateur est rserve aux professionnels de sant agrs, notamment dans le cadre du monopole pharmaceutique (lautomdication tant une exception drogatoire contrle). Un mdicament est soumis une autorisation de mise sur le march (AMM) ou doit faire lobjet dune prparation magistrale selon les rgles de la pharmacope par un professionnel agr. On notera que les frontires restent floues et sujettes discussion entre mdicaments et aliments, par exemple concernant les allgations dusage des complments alimentaires, pour certains produits mal dfinis, les textes rgissant ces deux domaines voquant tous leffet physiologique des produits concerns. Cest ainsi que de nombreuses plantes stimulantes ont un statut trs htrogne selon leur histoire (th, caf, guarana, etc.). Les plantes mdicinales et produits mdicinaux traditionnels nchappent pas ces rgles gnrales. La profession dherboriste, professionnel de sant agr, nest plus reconnue en France depuis 1942, et seuls les pharmaciens peuvent dornavant exercer cette activit, au contraire de la situation qui prvaut dans nombre dautres pays dEurope et du monde. De nombreuses populations des DOM/COM ont une tradition mdicale diffrente des pratiques occidentales rglementes, avec soit : des formules de soins strictement individuelles adaptes au patient (gurisseurs, mdecine indienne...) ; des tradipraticiens (Polynsie, Bushinenge de Guyane) ; une absence de distinction entre aliment et mdicament, avec des pratiques dautomdication gnralises, de faon souvent non contradictoire avec lusage de la mdecine moderne (superposition ou complmentarit des systmes de soins). Il nentre pas dans le propos de ce rapport de traiter de lensemble de cette question, si ce nest pour souligner laspect trs restrictif cet gard de la rglementation franaise, en comparaison de la plupart des autres rglementations des pays dvelopps. Cette restriction sopre sous deux angles, par la rservation dactes de soins aux professionnels reconnus cet effet, et par le monopole pharmaceutique concernant la dlivrance de mdicaments et de produits thrapeutiques. Lexclusion progressive concomitante des spcialits base de plantes de larsenal thrapeutique soit pour des raisons de substitution par des principes actifs de synthse, soit pour des raisons defficacit compare ou dindications juges secondaires, a abouti au maintien sous monopole pharmaceutique de produits qui ne sont plus utiliss des fins thrapeutiques. Paralllement, les usages de complments alimentaires, dautomdication, de mdecines parallles plus ou moins reconnues se dveloppent, crant de grandes incertitudes techniques et juridiques, qui constituent un frein majeur aux productions de plantes mdicinales. Cette situation nest pas propre aux DOM/COM, mais la situation de soins dcrite trs sommairement ci-dessus rend plus aigus ces paradoxes dans ces rgions. Sauf des changements rglementaires profonds, que ce soit lchelle

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europenne (voir ci-dessous), lchelle nationale, ou par ladoption de mesures spcifiques ces collectivits et territoires, un dveloppement de lusage des biodiversits locales des fins mdicinales apparat actuellement difficilement envisageable. Sur le plan europen, on peut cependant voquer une possibilit apparue rcemment, qui suppose nanmoins, pour sa mise en uvre dans les DOM/COM, un investissement important des pharmaciens. Sous certaines conditions danciennet et dusage, des mdicaments traditionnels peuvent bnficier dune AMM simplifie, et la directive europenne sur les mdicaments traditionnels 2004/24 prvoit un enregistrement simplifi des mdicaments traditionnels sous diverses conditions, dont la suivante : Lenregistrement simplifi ne devrait tre acceptable que si le mdicament base de plantes peut se prvaloir dun usage mdical dune dure suffisamment longue dans la Communaut. Lusage mdical lextrieur de la Communaut ne devrait tre pris en considration que si le mdicament a t utilis dans la Communaut pendant une priode dtermine. Dans les cas o lusage dans la Communaut nest pas suffisamment tabli, il est ncessaire dvaluer avec soin la validit et le caractre appropri de lusage lextrieur de la Communaut . On note ici la diffrence de situation entre DOM et COM concernant les nouveaux aliments, et qui justifierait une adaptation rglementaire. La situation qui prvaut dans les DOM/COM est diffrente de celle de la mtropole en matire dusage des plantes mdicinales. Dun ct, ils bnficient des rgles et moyens disponibles en France, avec la Scurit Sociale et les mmes professionnels de sant travaillant selon les mmes rgles. De lautre, pour des raisons la fois culturelles et sociales, la population fait largement appel, au moins pour les soins courants, aux remdes traditionnels, gnralement des infusions de plantes. Certaines dentre elles sont inscrites la pharmacope, sans exhaustivit : la citronnelle, le colombo, le curcuma, le gingembre, le guarana, lipcacuanha, le kawa-kawa, les lemongrass, le matico (Piper angustifolium), lorthosiphon, le piment de Cayenne, le sassafras, la vanille etc. sans compter toutes les autres plantes tropicales ou tempres inscrites la pharmacope et susceptibles dtre cultives dans ces rgions. Cependant, un grand nombre de plantes couramment utilises titre mdicinal dans les DOM/COM ne sont pas connues en mtropole et trs peu sont recenses comme plantes mdicinales ou inscrites la pharmacope franaise ou europenne (deux plantes ont t rcemment inscrites aprs plusieurs annes dtudes). Divers ouvrages dethnopharmacologie recensent ces plantes et usages communs dans de larges bassins tropicaux culturels au-del des frontires dtat (bassin cariben, ocan Indien, ocan Pacifique), parmi lesquels les travaux issus des rseaux Tramil et Tramaz. La directive mdicaments traditionnels prcite est de nature rpondre au besoin de reconnaissance de cette situation, sous rserve dapporter une rponse la question de la diffrence de statut DOM/COM. Il conviendrait que les administrations locales semparent de cette directive pour faire reconnatre les produits de soins locaux afin de leur donner un cadre lgal de production et de dveloppement. Ces situations rglementaires et sociales modlent les perspectives de dveloppement de la production de plantes mdicinales dans les DOM/COM, avec deux voies possibles : lextraction de principes actifs de mdicaments des plantes issues des

DOM/COM. De tels travaux sont poursuivis dans le monde entier sous lgide de laboratoires pharmaceutiques, qui, partir de prlvements de plantes, tudient systmatiquement leur composition et leur activit potentielle. Si de tels travaux peuvent aboutir la dcouverte de nouveaux principes actifs et de nouveaux mdicaments, jusquici

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ils nont jamais ou trs rarement conduit un dveloppement de production ou de cueillette des plantes mdicinales dont ils sont issus. Les principes actifs sont gnralement synthtiss chimiquement et incorpors dans des spcialits pharmaceutiques par des laboratoires qui nont pas de lien particulier avec les DOM/COM. Cette optique est par exemple, celle qui prvaut dans les travaux conduits par le CNRS en Nouvelle-Caldonie. la production de spcialits phytothrapiques. Contrairement au cas prcdent, il

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sagit ici dutiliser tout ou partie dune plante en extrait. Dans un cadre officiel : la faible prsence des plantes tropicales dusage mdicinal courant dans la pharmacope nationale constitue un frein certain un tel dveloppement dans le cadre du circuit mdical et officiel, mme si quelques professionnels font exception. Il nest nanmoins pas avr que leur inscription la pharmacope entranerait ipso facto un accroissement de leur usage. En effet, on ne constate pas un tel effet avec nombre de plantes tropicales inscrites la pharmacope, parce quil existe gnralement de nombreux mdicaments pour les affections concernes, que ces plantes peuvent tre cultives ou cueillies un cot souvent infrieur dans dautres pays, et quen outre lusage culturel de telles plantes mdicinales se rsume leur zone dorigine. Les perspectives potentielles se limitent donc a priori au march pharmaceutique local, soit une population comptant entre 300 000 et un million dhabitants dans le cas de lensemble des DOM des Carabes. Dans un cadre traditionnel : par contre, comme indiqu plus haut, ces pratiques sont extrmement rpandues titre traditionnel et dans un cadre de soins familiaux et populaires. Les plantes les plus courantes sont cultives cet effet dans les jardins familiaux, et les tisaneurs runionnais, par exemple, pratiquent professionnellement la rcolte de vgtaux cette fin, une chelle telle quelle suscite des inquitudes pour la sauvegarde de certaines espces. La connaissance des usages et vertus de ces plantes est encore trs rpandue (de lordre de 50 % de la population, comme ctait le cas en mtropole la fin du XIXe sicle) et parfois trs pousse au sein de certaines populations autochtones. Il ne faut cependant pas confondre ces usages populaires simples et les mdecines parfois trs labores de tradipraticiens, qui font alors aussi appel des spcialistes - ce sujet relve alors de la prise en compte dautres pratiques mdicales que les pratiques occidentales et nest pas le sujet de ce rapport. La rcolte et la commercialisation de ces plantes mdicinales constitue une relle possibilit dactivit aux aspects culturels, de sant et conomiques entremls. Elle se heurte cependant deux freins majeurs : labsence de validation et de reconnaissance officielle des usages traditionnels, qui

conduit des pratiques de cueillette et de culture plus ou moins tolres et marginales, et qui ne peuvent permettre denvisager un dveloppement conomique classique de productions agricoles commercialises cet effet. Pour autant, une mobilisation spcifique du rseau pharmaceutique local autour de certaines productions peut y pallier, comme en attestent plusieurs tentatives, par exemple la Runion et en Guadeloupe, sans avoir cependant abouti ce jour des rsultats notables en termes de production, faute dorganisation. La reconnaissance des mdicaments traditionnels dans le cadre voqu plus haut serait sans doute de nature faire voluer cette situation. le cadre frquemment familial ou non montaire de ces pratiques (services rendus aux

voisins, changes et trocs...), dont on ne connat pas limportance, auquel il faut ajouter une dimension notable dconomie souterraine dans plusieurs rgions. Les diffrences ethniques considrables entre les DOM/COM ajoutent la varit des situations et la complexit des perspectives.

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c) Rglementation cosmtique

Celle-ci porte la fois sur lusage dingrdients connus et rpertoris (avec interdiction dusage de nombreux produits gnralement pour des raisons de dangers ou de risques) et sur ltiquetage de la prsence de divers composants (notamment de 26 molcules susceptibles dentraner des allergies de contact, dont 16 sont trs souvent prsentes dans les extraits naturels). Cette rglementation ne semble pas poser de problme particulier dapplication dans les DOM/COM, et ne constituerait donc pas un frein au dveloppement de la production cosmtique et de parfumerie issue des produits vgtaux de ces zones, que ce soit celle dingrdients exports ou de parfums et cosmtiques formuls. En tmoigne le succs de nombreuses productions tropicales ces fins, comme on peut par exemple le constater dans des contextes trs diffrents, au Brsil ou en Polynsie. Leur mise en uvre sappuie par contre ncessairement sur les entreprises de formulation et de commercialisation, alors quil en existe peu en outre-mer franais, lexception notable de Tahiti.d) Rglementation des armes et additifs

Base sur des textes spcifiques, celle-ci est constitue notamment de listes de substances autorises ou interdites, ou de restrictions dusages, sous forme de limites de doses dingestion par jour et par poids. Sans aller plus loin dans le dtail, on peut aussi signaler les rgles concernant les additifs dans lalimentation animale, avec une mention particulire pour les facteurs de croissance, linterdiction rcente dantibiotiques cet effet ouvrant de nouvelles perspectives aux extraits de nombreuses plantes effet bactricide, bactriostatique ou antioxydant, ct dusages traditionnels apptants. Ces textes ne soulvent pas non plus de problme dapplication spcifiques aux DOM/ COM, o on peut noter la disponibilit des moyens danalyse et de certification ncessaires, notamment dans les universits. Comme pour les cosmtiques, leur mise en uvre repose plus sur des comptences techniques industrielles et la prsence dindustries locales qui font actuellement dfaut. Dans ce cas, la condition de base du dveloppement de tels usages repose sur linvestissement dans la connaissance de la flore locale et son usage, notamment partir des nombreux travaux scientifiques disponibles sur la composition et lactivit de cette flore, au moins pour la production dingrdients.e) Rglementation des substances chimiques

Les vgtaux et extraits vgtaux dont lusage nest pas expressment rglement dans un des cadres voqus ci-avant ou utiliss en ltat (bois, fibres, matires cellulosiques, carburants, etc.) sont considrs, dfaut, comme des substances chimiques. Cest le cas de tous les extraits vgtaux avant leur incorporation au stade daliment, de mdicament ou de cosmtique identifi, des divers usages non dfinis (parfums dambiance, aromathrapie...) ou dingrdients pour lindustrie de la chimie dite verte (colles et vernis, adjuvants divers, monomres, etc.). Ainsi, les extraits vgtaux des PAPAM peuvent relever de la lgislation substances dangereuses en vigueur depuis 1967, mais rarement applique la plupart de ces extraits, ainsi que du prochain systme mondial harmonis de classification et dtiquetage (GHS). Ce statut et ce classement entrainent des consquences rglementaires sur les installations qui les fabriquent (installations classes pour la protection de lenvironnement ou ICPE) et les placent, depuis 2007, dans le cadre dapplication du rglement REACH, imposant la ralisation, dici 2018, dun dossier dvaluation des dangers et risques de ces extraits pour les tres vivants et pour lenvironnement.

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Pour chaque extrait, en fonction de ses caractristiques et des tonnages fabriqus, la complexit dudit dossier, son dlai de ralisation et donc son cot varient de faon importante. Dans tous les cas, ce travail reprsente un investissement technique et conomique souvent hors de porte des transformateurs, et plus particulirement des producteurs dhuiles essentielles ou dexsudats (gommes, encens, benjoins, etc.), mais aussi de macrats huileux ou hydro-alcooliques et autres extraits divers. Ce rglement tant conu tout dabord pour les substances chimiques de synthse, la ralisation des dossiers dvaluation savre particulirement difficile et coteuse pour les extraits naturels dont la composition chimique est complexe et variable. Dans ce cadre, et sauf exemption, comme celle qui va probablement tre dcide prochainement pour les huiles grasses, lapplication de ce texte constitue un obstacle important au dveloppement dunits dextractions dans les DOM/COM, si les autorits comptentes concernes (administrations nationales, gouvernement ou conseil territorial local) ne mettent pas rapidement en place les moyens de soutien ncessaires aux entreprises concernes qui sont souvent des PME. Ce soutien est la fois une condition du maintien des productions existantes comme les huiles essentielles de la Runion et de Mayotte, les macrats huileux de Polynsie (mono...), mais aussi du dveloppement de nouvelles productions dextraits partir des plantes constitutives de la biodiversit locale. A cet gard, linterprofession des huiles essentielles franaises (CIHEF) et lONIPPAM ont mis en place dans lurgence, en 2008, un mcanisme de soutien lapplication de REACH pour les producteurs dhuiles essentielles concerns, applicable autant dans les DOM et ventuellement les COM quen mtropole. Cette action (qui ne couvre cependant pas lensemble des extraits vgtaux et des entreprises concerns par ce texte) ncessitera des moyens consquents sur la dure dapplication prvue de ce rglement (jusquen 2018). Ladaptation du rglement aux spcificits des produits naturels est une ncessit qui simpose autant pour les DOM/COM que pour lensemble des tats membres de lUnion si on veut maintenir la production et lusage de tels extraits naturels.f) Rglementations biocides et pesticides, colorants

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Biocides et pesticides

Diffrentes plantes tropicales sont susceptibles de fournir des extraits usages biocide ou pesticide, comme les pyrthres (Chrysanthemum) ou les plantes rotnones (Derris, Neem...), etc. Ces produits prsentent le double intrt dtre mieux accepts par le consommateur, parce que naturels , et doffrir des possibilits dutilisation dans plusieurs cadres contraints, tels que la protection de produits issus de lagriculture biologique (bactricides et bactriostatiques, fongicides, dsinfectants, dsinsectisation, rpulsifs, etc.). Pour autant, la rglementation communautaire relative aux biocides mise en place par la directive 98/8/CE et suivantes, rend quasiment insurmontable toute homologation de nouveaux biocides dorigine naturelle et a abouti llimination de la plupart des extraits naturels utiliss ces fins. Sans discuter ici les lments de cette rglementation, cela rend, de fait, pratiquement impossible moyen terme toute perspective de dveloppement en la matire. Colorants

Les colorants relvent de rglementations diffrentes selon quil sagit de colorants alimentaires ou de colorants usages industriels (peintures, teintures...). Concernant les colorants alimentaires, la rglementation europenne est trs restrictive, avec une liste de colorants autoriss, rpertoris sous codes E . Bien que de nombreu-

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ses plantes alternatives ont des vertus colorantes potentielles, la mission na pas examin les travaux scientifiques disponibles cet effet, en labsence dacteurs industriels concerns localement par ce sujet et susceptibles de porter des dossiers dhabilitation. Les quelques plantes, trs connues, utilises classiquement ces fins (rocou, par exemple) ne font, dans aucun des DOM/COM, lobjet dune production locale notable, sauf pour les usages colorants domestiques ou traditionnels. Les tudes de faisabilit restent donc faire. Pour les usages industriels, les colorants naturels ont t trs largement remplacs par des substances de synthse depuis la fin du XIXe sicle, tant donn leur frquent manque de tenue dans le temps (lumire, oxydation, etc.). Si certains usages particuliers pourraient tre envisags nouveau, comme cest le cas en mtropole (textiles et peintures cologiques , teintes beaux-arts, etc.), la mission na pas recens dtude disponible sur ces sujets et dacteur conomique ou industriel. Les aspects rglementaires ne constituent donc pas, dans limmdiat, un problme particulier cet gard.g) Rglementation phytosanitaire

Elle est la mme en outre-mer et en mtropole, sachant que les fabricants de ces produits de traitement sont des industries chimiques internationales. Son application pose trois problmes spcifiques : celui des usages mineurs, quon retrouve pour de nombreuses cultures en mtropole.

Compte tenu des surfaces rduites consacres aux productions concernes, la plupart des plantes tudies ne disposent pas pour leur culture de produits de traitement homologus. celui des moyens de contrle des rsidus de pesticides, herbicides, fongicides, les labo-

ratoires locaux ne disposant pas toujours des moyens danalyse ncessaires. A cet gard, le dveloppement dexigences analytiques dans la production de mdicaments ou dhuiles essentielles sur le march international risque daccrotre lacuit de cette question dans un futur proche. celui des normes applicables aux plantes destines la production de mdicaments,

qui ne sont pas les normes applicables lindustrie alimentaire, et dont la dfinition dans la pharmacope europenne pose de nombreux problmes non rsolus ce jour. A titre subsidiaire, des problmes analogues se posent aussi pour les extraits industriels compte tenu des facteurs dvolution mal connus des rsidus de ces produits de traitement, lors des processus de transformation.

II.2. Enjeux environnementauxII.2.1. Protection de la biodiversitCette question revt une importance capitale dans ce secteur dactivit. Les dfenseurs de lenvironnement comme ceux des droits des populations locales exercent une vigilance particulire face au risque rel ou suppos de surexploitation de nombreuses espces, et particulirement les espces sauvages cueillies. On peut noter, ce titre, la surexploitation de certaines espces mdicinales La Runion, ou les conditions de cueillette dplorables de la salade Coumarou en Guyane. On peut aussi voquer la disparition de certaines espces, comme le bois de rose en Amazonie ou les santals de lInde dans les archipels du Pacifique.

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II.2.2. Organisation de la cueilletteCette dimension de la cueillette est souvent nglige par les autorits locales des DOM et COM visits, alors quelle constitue la base essentielle du dveloppement dactivits conomiques dans ce secteur. Ces cueillettes peuvent tout fait tre professionnalises et rendues compatibles (si elles ne le sont pas dj) avec les rgles de respect de lenvironnement et de maintien de la biodiversit, comme en attestent plusieurs exemples observs. Il suffit pour cela den tablir les conditions prcises dans les cahiers des charges, et denvisager si ncessaire les conditions de passage la culture (dpassement des besoins par rapport aux capacits de cueillette). Sur le plan international, les changes de vgtaux sont rgls, hormis les questions sanitaires, dans le cadre de la convention internationale CITES de protection de la biodiversit, qui tablit les listes de vgtaux, animaux et autres espces dont les changes sont interdits ou limits. Sur le plan national, il existe des listes de plantes interdites de cueillette, compltes par des listes dpartementales ou territoriales. Ces rglementations locales sont parfois dfaillantes dans certains DOM ou COM, alors quil existe dans les rgions visites une bonne connaissance de la biodiversit vgtale et des caractristiques des espces. Certains domaines de cueillette font, dautre part, lobjet de rgles particulires. Il sagit notamment des domaines forestier, fluvial et maritime. Sauf dans le cas dun arrt rcemment tabli aprs de longues tudes sur un cahier des charges de cueillette de la salade Coumarou en Guyane, la prsente mission na pas constat dorganisation satisfaisante ce niveau dans les DOM/COM. A La Runion, lassociation des cueilleurs (tisaneurs) et des botanistes conservateurs de la flore est ltude. De tels travaux, bass sur la connaissance la fois de chaque espce concerne et des besoins de la production, doivent tre systmatiss dans tous les DOM/COM lamont de chaque perspective de dveloppement. Des mises ou remises en culture peuvent elles aussi tre envisages et constituer un facteur de dveloppement : cest le cas du bois de rose en Guyane, qui gagnerait tre mieux connu, pour les besoins dune huile essentielle qui a, ce jour, une mauvaise image dans lindustrie compte tenu de limpact ngatif de sa production passe. Ce devrait tre le cas pour les santals du Pacifique, en Nouvelle-Caldonie, dont la production raisonne actuelle est infrieure aux besoins du march, mais surtout Wallis ou en Polynsie (santal rouge des Marquises), o la surexploitation passe doit tre compense. Enfin, la production horticole de plants spcifiques de ce type pourrait indniablement constituer un facteur de dveloppement conomique, avec nanmoins une limitation au march local ou de proximit (par opposition aux productions de fleurs coupes exportes en mtropole), compte tenu des barrires climatiques et sanitaires. Mme si ce domaine ne constituait pas lobjet direct de cette mission, nous avons relev des travaux intressants manant de lInstitut agronomique caldonien pour la vgtalisation des espaces publics ainsi que des tentatives de production en Guyane et aux Antilles (fourniture des jardins de case).

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II.3. Politiques de qualitComme cela a dj t soulign, la notion de garantie de qualit, sous des formes diverses, est essentielle au dveloppement de productions dans les DOM/COM. Ces garanties et signes peuvent prendre des formes diverses selon les marchs concerns (alimentaire, cosmtique, pharmaceutique, etc.) mais risquent aussi de conduire de nombreuses erreurs et confusions. Il semble notamment manquer au niveau local une expertise globale sur ces mentions et signes de qualit, qui serait adapte aux contraintes propres de chaque production et labellisation, ainsi quaux marchs viss. La certification organique ou biologique , qui nobit pas au mme cahier des charges en Europe et aux tats-Unis, nest pas disponible dans plusieurs des territoires visits, ce qui conduit faire appel des organismes certificateurs trangers divers (Australie ou Nouvelle Zlande dans le Pacifique, tats-Unis aux Antilles, etc.). Dans des territoires comme la Polynsie ou la NouvelleCaldonie, o cette notion de garantie dorigine, de procd ou de spcificit, est primordiale pour exporter les produits locaux compte tenu de leur prix de revient levs au regard de celui des pays voisins, les outils ne sont souvent pas disponibles, et le contrle du respect des cahiers des charges existants reste problmatique. Une certification de type dveloppement durable prsenterait un intrt vident pour les acheteurs de produits de cueillette (Guyane, Nouvelle-Caldonie, Polynsie, Runion). Un appui particulier ce niveau, indispensable pour les productions de PAPAM (mme sil ne se limite pas ces seules productions), devrait tre apport en outre-mer franais. Il convient dtre trs attentif cette question afin de ne pas la limiter aux certifications propres aux produits alimentaires. Les produits destination cosmtique, pharmaceutique ou chimique, relvent dautres procdures de certification et de besoins auxquels ne rpondent pas ncessairement les signes alimentaires. Au-del de lexpertise globale ncessaire au choix de certifications adaptes aux produits, les outils ou organismes de certification font aussi dfaut au plan local, ou plus gnralement au niveau de loutre-mer. Les modalits de facturation des certifications relatives aux productions biologiques les rendent, par exemple, parfois inoprantes. Une fois les certifications dfinies, la mise disposition de ces outils doit donc accompagner les projets de dveloppement.

II.4. Prservation des ressources et des savoir-faire locauxDe faon incidente, il convient dassocier la protection de la biodiversit la question du pillage des ressources aussi dnomm biopiraterie . Ce sujet, sensible lchelle internationale, prsente des aspects particuliers dans le cadre des savoir-faire propres aux populations autochtones. En effet, le risque dappropriation gntique des espces vgtales se double ici dun risque dappropriation de savoir-faire traditionnels. Il est trs prsent pour les plantes et produits qui constituent lobjet de cette mission, et a t longuement voqu au cours des visites de terrain dans plusieurs DOM et COM. La question recouvre de nombreux aspects politiques et juridiques dont lvocation et le traitement ne rentrent pas dans le cadre de ce rapport. Tout au plus peut-on constater que ce

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problme est surtout li aux entreprises trangres disposant dun droit de brevetabilit du vivant, qui nexiste pas en Europe pour les espces non slectionnes. La question des espces slectionnes ne se pose pratiquemen