195
- 1 - TUMEURS CUTANEES, EPITHELIALES ET MELANIQUES Pr JL SCHMUTZ - Question ECN n° 149 REFERENCES : - Mélanomes : voir Ann Dermatol Venereol 2005;132:7S140-7S146 - Carcinomes cutanés : voir Ann Dermatol Venereol 2005;132:7S127-7S133 disponible à la bibliothèque de médecine (Périodique de 3 ème Cycle) – Code Z7/WR

Referentiel Module 10 II

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Referentiel Module 10 II

- 1 -

TUMEURS CUTANEES, EPITHELIALES ET MELANIQUES Pr JL SCHMUTZ - Question ECN n° 149

REFERENCES :

- Mélanomes : voir Ann Dermatol Venereol 2005;132:7S140-7S146

- Carcinomes cutanés : voir Ann Dermatol Venereol 2005;132:7S127-7S133

disponible à la bibliothèque de médecine

(Périodique de 3ème Cycle) – Code Z7/WR

Page 2: Referentiel Module 10 II

- 1 -

PATHOLOGIE DE L'HEMOSTASE Pr T. Lecompte – Questions ECN n° 339 — 330 — 335

. Troubles de l’hémostase et de la coagulation (339) - Thrombopénies (330) - Purpuras (335)

PLAN — Syndromes hémorragiques

— Pathologies de l’hémostase primaire – pathologies plaquettaires

— Pathologies constitutionnelles hémorragipares de la coagulation et du facteur Willebrand (hémostase primaire)

— Une pathologie acquise très particulière et complexe : la coagulation intravasculaire disséminée (CIVD)

— Interprétation des allongements des temps de coagulation - Orientation diagnostique

— Grandes orientations face à une thrombopénie

Les principaux objectifs pédagogiques précis sont indiqués au fur et à mesure dans ce texte synthétique. Pour vérifier les libellés précis des objectifs, se reporter au site de la Société Française d’Hématologie : wwww.sfh.hematologie.net. (rubrique Informations Professionnelles / Enseignement).

Se reporter également au cours de physiologie de P2 et aux cours de séméiologie de D1. Des éléments complémentaires de réponse doivent être recherchés dans la documentation pertinente. RAPPEL (à propos de l'intitulé de la question 339) : La coagulation est un sous-ensemble de l'hémostase ; ce dernier terme désigne l'ensemble des processus impliqués dans la protection contre le saignement. Place de la biologie : Bien que la biologie doive toujours être seconde par rapport à la clinique, en réalité l'approche est intriquée avec possibilité de plusieurs allers – retours entre l'une et l'autre. Aucun diagnostic et traitement en hémostase ne se conçoit sans biologie, à l'exception de certaines CIVD suraiguës. Le temps minimal de mise à disposition d'un résultat biologique à compter de la réception du/des tube(s) au laboratoire : pour l'hémogramme, il est de l'ordre de 15 minutes, pour les paramètres biologiques courants relatifs à la coagulation (tests réalisés avec du plasma obtenu après centrifugation d'un sang total anticoagulé avec du citrate – sang recueilli dans des tubes à bouchon bleu), il est d'au moins 30 minutes.

Mise à jour : février 2008

Page 3: Referentiel Module 10 II

T. Lecompte – Questions ECN n° 339 — 330 — 335 — Pathologie de l'hémostase

- 2 -

I — IDENTIFICATION D'UN SYNDROME HEMORRAGIQUE ET ORIENTA-TION DIAGNOSTIQUE

Les syndromes hémorragiques envisagés ici sont liés à une pathologie de l’hémostase, thrombopénies incluses. Ils doivent être distingués des hémorragies liées exclusivement à une cause locale (cette cause explique entièrement l’hémorragie, qui est localisée – et son traitement arrête l’hémorragie et prévient sa récidive), et celles essentiellement dues à l’administration d’un traitement anti-thrombotique (effet indésirable inéluctable, attendu).

Toutefois, non rarement, le saignement dû à un désordre de l’hémostase est favorisé par une cause locale, ou dévoilé par la mise en route d’un traitement anti-thrombotique. OBJECTIF : Savoir conduire l'interrogatoire d'un sujet présentant un syndrome hémorragique ou à la

recherche d'une tendance anormale au saignement (en pré-opératoire par exemple)

L’objectif de l’interrogatoire, complété par l’examen clinique et les examens biologiques de débrouillage de "première ligne" (en pratique numération plaquettaire dans le cadre d’un hémogramme, temps de Quick, TC+A, ± fibrinogène d’emblée) est double :

— évoquer, voire authentifier une tendance anormale au saignement,

— aboutir à une orientation diagnostique (gravité, pathologies associées, traitements en cours non anti-thrombotiques mais susceptibles d’interférer avec l’hémostase, localisation possible de l’atteinte dans l’un des 3 sous-ensembles de l’hémostase*).

*

— l'hémostase primaire (saignements dans le derme superficiel – purpura – et muqueux, typiquement spontanés et immédiats)

— la coagulation (saignements profonds, typiquement déclenchés par un traumatisme minime et retardés – les hémarthroses étant très évocatrices d'une hémophilie)

— la fibrinolyse (essentiellement dans le cadre d'une coagulation intravasculaire disséminée – CIVD ; voir section consacrée à ce syndrome)

Cette phase importante de la démarche manque cependant de spécificité et parfois de sensibilité. Elle nécessite une bonne expérience clinique.

Le syndrome hémorragique peut être évident et actif, mais, il peut être plus discret et doit être précisé par un interrogatoire orienté et précis (notamment antécédents chirurgicaux, gynéco-obstétricaux et dentaires). Son importance clinique n’implique pas nécessairement l’existence d’un désordre biologiquement identifiable de l’hémostase, toutefois s’il en existe un, alors il y a souvent un bon accord entre la gravité clinique et l’importance jugée biologiquement du désordre (voir par ex. différentes classes de gravité de l’hémophilie).

« L’expérience montre qu’une objectivité totale lors de l’anamnèse est difficile : le patient qui saigne est anxieux et exagérera en général l’importance des petites hémorragies post-traumatiques du passé et il donnera souvent l’impression que la diathèse hémorragique a un caractère permanent. C’est pour cette raison que des données plus objectives et mieux contrôlables telles que le nombre et la durée des hospitalisations pour hémorragies, ainsi que le nombre de transfusions ont une valeur informative plus grande. Il est également important de connaître le moment où le patient (ou ses parents) a (ou ont) consulté pour la première fois un médecin pour une tendance aux hémorragies. » J. Vermylen et M. Verstraete « L’hémostase » 1981 J.B. Baillère.

Notion d’anémie ? de carence martiale ? de supplémentation en fer ?

Si dans l’enfance, une amygdalectomie, adénoïdectomie, extraction dentaire se sont déroulées sans incident, une diathèse hémorragipare constitutionnelle majeure peut être exclue.

L’interrogatoire comporte également la recherche d'antécédents familiaux - arbre généalogique - avec au moins les apparentés du premier degré, au mieux interroger directement les parents, ascendants directs.

Page 4: Referentiel Module 10 II

T. Lecompte – Questions ECN n° 339 — 330 — 335 — Pathologie de l'hémostase

- 3 -

Au terme de cet interrogatoire, il faut tenter d’apporter des éléments de réponse aux questions suivantes :

— existe-t-il une tendance réellement anormale au saignement ?

— si oui, le désordre concerne plutôt quel sous-ensemble de l’hémostase ?

— et enfin, ce désordre est-il constitutionnel (génétique, héréditaire) ou acquis ?

Schématiquement, sont des arguments en faveur du premier, le jeune âge du début des signes et les antécédents familiaux ; en faveur du second, l’apparition des signes après des années de vie normale et l’existence d’une pathologie connue ou d’emblée manifeste pouvant régulièrement s’accompagner d’anomalies de l’hémostase (par ex. pathologie hépatique). Examen clinique : essentiellement cutané (recherche d’un purpura) et buccal + tout autre élément contextuel (en plus du syndrome hémorragique) Dans le cas des pathologies constitutionnelles, la règle est la suivante : une seule anomalie, d’un seul gène, donc déficit d’une protéine, donc perturbation d’une seule fonction d’un seul secteur.

L’atteinte de plusieurs secteurs est évidemment fréquente au cours des pathologies acquises.

Il est important, lorsque les investigations biologiques ont été menées jusqu’à une conclusion, de bien vérifier que les constatations et le diagnostic (biologique) proposé rendent vraiment compte des manifestations cliniques.

II — PATHOLOGIES DE L’HEMOSTASE PRIMAIRE

Classiquement elles sont authentifiées par un allongement du temps de saignement (TS).

Le TS est un test d’exploration globale in vivo de l’hémostase primaire. Sa réalisation, délicate, est à faire au mieux en laboratoire spécialisé. Il est relativement imprécis même quand il est réalisé selon méthode d’Ivy (à l’avant-bras). Le type de TS réalisé doit être très explicitement mentionné dans le compte rendu d’analyse biologique. Le TS a tendance à être de moins en moins utilisé. OBJECTIF : Connaître les grands types de pathologies de l’hémostase primaire prédisposant au

saignement (énumérer les principaux mécanismes d’un allongement du TS).

Les pathologies de l’hémostase primaire correspondent à des:

— thrombopénies (QS), beaucoup plus souvent acquises que constitutionnelles,

— déficits en facteur (von) Willebrand (QS), anomalie constitutionnelle la plus fréquente de l’hémostase (parfois le déficit est acquis),

— thrombopathies.

Les thrombopathies sont des troubles fonctionnels plaquettaires (numération plaquettaire normale, sauf exception – vide infra). Les thrombopathies acquises sont les plus fréquentes ; médicamenteuses (mais est-ce que la simple prise d’aspirine explique le tableau ?) ; hématologiques (syndromes myéloprolifératifs et myélodysplaiques…). Les thrombopathies constitutionnelles sont rares à exceptionnelles : diagnostic par équipe spécialisée (il existe un centre de référence et des centres de compétences en France).

Une association thrombopénie – thrombopathie ou avec un autre désordre de l’hémostase est possible, exemples :

— maladie de Bernard-Soulier (exceptionnelle thrombopathie constitutionnelle) avec anomalie de la fonction adhérence au sous-endothélium dépendante du facteur (von) Willebrand),

— une forme particulière (variante qualitative) de maladie de Willebrand,

— mais, surtout par fréquence au cours des myélodysplasies (ce qui fait que le risque hémorragique ne peut être apprécié par la seule numération plaquettaire).

Les purpuras vasculaires constituent une catégorie à part : le saignement dans le derme superficiel est lié à une atteinte pariétale généralisée mais pas nécessairement homogène.

Page 5: Referentiel Module 10 II

T. Lecompte – Questions ECN n° 339 — 330 — 335 — Pathologie de l'hémostase

- 4 -

Dans les cas les plus simples, il n’existe pas de thrombopénie et les tests usuels d’exploration biologique de l’hémostase sont normaux.

Ces purpuras ont des présentations cliniques et des causes très diverses. La séméiologie cutanée (et éventuellement systémique) et le contexte sont souvent évocateurs : voir dermatologie, médecine interne, pédiatrie.

Quelques exemples : corticothérapie, purpura senilis, purpura fulminans méningo-coccémique (mais souvent aussi thrombopénie voire CIVD), purpura rhumatoïde et autres purpuras avec vascularite par ex. angéite nécrosante, cryoglobulinémies…

III — HEMOPHILIE ET MALADIE DE (VON) WILLEBRAND (MALADIES HEMORRAGIQUES CONSTITUTIONNELLES NON PLAQUETTAIRES)

Toutes les protéines plasmatiques peuvent être touchées (en règle une seule à la fois) par un déficit constitutionnel.

Le déficit génétiquement déterminé en facteur (von) Willebrand (maladie de Willebrand) est l’anomalie constitutionnelle la plus fréquente de l’hémostase.

Les déficits préoccupants en facteur de la coagulation hors hémophilie (facteurs VIII et IX) sont très rares (l’atteinte des 2 allèles étant nécessaire).

Le déficit est le plus souvent quantitatif (défaut de synthèse car allèle nul ou silencieux – parfois durée de vie raccourcie), mais peut être quelques fois qualitatif (schématiquement la protéine est présente dans le sang en concentration normale, ou à peu près, mais elle est anormale – peu active, ou inactive : mutation faux sens). Les tests de laboratoire permettent de faire la distinction phénotypique, qui peut avoir une certaine importance clinique (par ex. typiquement pour la maladie de Willebrand). Il en découle surtout qu’en hémostase, le dosage des protéines par leur activité est privilégié par rapport à un dosage immunologique, purement quantitatif.

Rarement le déficit d’un seul facteur est acquis, en dehors du F.VII (diminution préférentielle précoce en cas de certaines coagulopathies acquises, vide infra).

Type de description pour les facteurs de coagulation : auto-anticorps dirigé contre le F.VIII – incidence annuelle… quelques cas par million d’habitants (mais c’est le moins rare) !

Il existe des déficits acquis en facteur Willebrand, qui ne sont pas toujours de mécanisme auto-immun (exemple : associé à une gammapathie monoclonale de nature et d’étiologie quelconque – dont myélome). OBJECTIF : — modes de transmission génétique

— principes du diagnostic biologique

— hétérogénéité, notamment du risque hémorragique

— principes de la prise en charge thérapeutique ; rôle des centres régionaux des traitements des hémophiles (et autres sujets avec maladies hémorragipares)

— connaître les gestes et les traitements courants à éviter chez un hémophile - et un sujet avec déficit en facteur Willebrand

A — MALADIE DE WILLEBRAND

= pathologie de l’hémostase primaire de transmission AD

mais il existe aussi diminution du facteur VIII (donc anomalie associée de la coagulation : allongement isolé du TC+A - avec Quick normal - possible mais non obligatoire, car le déficit en facteur VIII peut être très modéré+++).

Déficits (héréditaires) assez fréquents, mais pas toujours symptomatiques. (Rappel : déficits acquis possibles, mais plus beaucoup plus rares).

Cf documentation usuelle

Page 6: Referentiel Module 10 II

T. Lecompte – Questions ECN n° 339 — 330 — 335 — Pathologie de l'hémostase

- 5 -

Dans la forme quantitative habituelle (dite type I), le déficit est plus ou moins marquée (de 10 à 30%). Il existe une forme quantitative exceptionnelle avec déficit complet (dite type III). Les formes qualitatives (dites type II) sont classées selon le phénotype et le génotype.

B — HEMOPHILIE

la moins rare des pathologies constitutionnelles de la coagulation avec une expression clinique évocatrice et un diagnostic biologique en général facile ; transmission récessive liée à l’X.

Les facteurs concernés, les facteurs VIII et IX, sont les éléments protéiques du complexe ‘tenase’ (‘ten’ in English = dix – F.X) de la voie intrinsèque. Ce complexe tenase est l’activateur principal (quantitativement) du F.X, in vivo (en présence de faibles concentrations en facteur tissulaire). Le facteur tissulaire est ainsi l’activateur de la coagulation principal voire exclusif in vivo dans des conditions physiologiques. L’activation du F.IX est assurée par le VIIa complexé au facteur tissulaire via la boucle de Josso ; et celle du F.VIII, qui est un cofacteur, par la thrombine – qui contribue ainsi à l’amplification de sa propre génération.

Dans le temps de Quick le facteur tissulaire est apporté au milieu réactionnel en très grande quantité, supra-physiologique. Cf schéma de la coagulation D2.

Il existe deux types (avec leur traitement de compensation propre) :

— hémophilie A : déficit en facteur VIII (cofacteur)

— hémophilie B : déficit en facteur IX (proenzyme dont la synthèse est dépendante de la vitamine K)

L’hémophilie A est nettement plus fréquente que la B.

Les hémophilies ont en commun :

— la présentation clinique (notamment les hémarthroses) ;

— la génétique : récessive liée au chromosome X (mais les anomalies des gènes sont variables ; l’étude de l’ADN est possible - par exemple inversion de l’intron 22 du gène du facteur VIII allèle silencieux) ;

— la présentation biologique : TC+A long, Quick normal ; c’est-à-dire isolé du TC+A. Diagnostic : voir isolé du TC+A.

La gravité est variable bien corrélée à la concentration du facteur déficitaire qui est fonction de l’anomalie du gène (donc identique au sein d’une même famille).

Parfois la concentration est indétectable, et l’anomalie génique peut prédire un défaut complet de synthèse – par ex. inversion de l’intron 22 du gène du FVIII, vide supra.

Les modalités thérapeutiques différent +++ selon que A ou B, et selon la gravité.

Etude génomique possible donc conseil génétique, diagnostic in utero…

Les mutations de novo sont fréquentes.

Voir aussi documentation de base.

IV — UNE PATHOLOGIE ACQUISE TRES PARTICULIERE ET COMPLEXE (ET GRAVE) : LA COAGULATION INTRA-VASCULAIRE DISSEMINEE – CIVD

= DIMINUTION ACQUISE DE LA CONCENTRATION DU FIBRINOGENE (TYPIQUEMENT HYPOFIBRINOGENEMIE NETTE) EN RAPPORT AVEC UNE CONSOMMATION EXAGEREE

La CIVD résulte d’une activation généralisée et incontrôlée de la coagulation, avec thrombine circulante (au lieu de rester localisée, à l’endroit de la brèche vasculaire).

La fibrino(géno)lyse dite primitive (activation généralisée du plasminogène en plasmine) est un diagnostic différentiel théorique - l’administration de streptokinase (agent « thrombolytique » utilisé par ex. – de moins en moins en France - à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde) réalise un tableau pur de fibrinogénolyse, mais elle est thérapeutique, exogène.

Page 7: Referentiel Module 10 II

T. Lecompte – Questions ECN n° 339 — 330 — 335 — Pathologie de l'hémostase

- 6 -

OBJECTIF : savoir prescrire et interpréter les examens biologiques utiles au diagnostic d’un syndrome

hémorragique avec diminution de la concentration en fibrinogène • contextes / causes : très divers, contextes souvent évocateurs

Quelques exemples : LAM3 ; cancer de la prostate ; CIVD obstétricales et infectieuses…

• examens biologiques de première ligne (de prescription urgente, disponibles rapidement et 24h/24)

— numération plaquettaire (dans le cadre d’un hémogramme)

— fibrinogène (diminution parfois masquée par le contexte : grossesse, inflammation due à l’infection…)

— Quick et TC+A (allongés tous les 2 du fait même de la fibrinogénopénie, et aussi de la consommation - présente à des degrés très variables - de certains autres facteurs de la coagulation)

— NB : fibrinogénopénie et hypofibrinogénémie sont des termes synonymes

• explorations complémentaires possiblement utiles

— monomères de fibrine / complexes solubles (ancien test à l’éthanol)

(interprétation selon biochimie hémostase - ne pas confondre avec D-dimères)

— produits de dégradation de la fibrine contenant des dimères de nodules D, ou D-dimères (souvent très élevés, qui est le test complémentaire le plus souvent utilisé, mais il n’est pas spécifique)

• Des troubles de synthèse du fibrinogène sont possibles :

— en cas d’insuffisance hépatique (quand elle est très grave)

— de nature constitutionnelle (très rares)

V — DEMARCHES DIAGNOSTIQUES POUR LES PATHOLOGIES DE LA COAGULATION

Il existe schématiquement 3 cas de figure possibles :

— Quick long, TC+A normal, TT et fibrinogène normaux — Quick et TC+A longs — TC+A long, Quick normal, TT et fibrinogène normaux ou allongement isolé du TC+A

Le plus souvent TT et fibrinogène sont mesurés en complément, si l’un au moins des temps de coagulation est long au-delà du seuil décisionnel indiqué sur le compte rendu du laboratoire (en général rapport temps malade / temps témoin > 1,2 – ce qui pour le temps de Quick correspond à une activité – ‘taux de prothrombine’ < 70%), avant de réaliser les tests complémentaires.

Le raisonnement repose sur la double analyse suivante :

— le schéma en Y de la coagulation (telle qu’elle survient in vitro) ; — le contexte clinique.

L’ ambiance est très variable : de la grande urgence (type CIVD suraiguë obstétricale, où il faut agir sans biologie) aux pathologies chroniques d’aggravation très progressive, voire bénignes et même parfois rapidement réversibles (avec l’atténuation voire la disparition de la cause). OBJECTIF : Principales étiologies d’un allongement du temps de Quick et examens supplémentaires

utiles au diagnostic OBJECTIF : Savoir établir le diagnostic différentiel entre une ‘hypovitaminose K’ et une insuffisance

hépato-cellulaire (avec les causes d’une ‘hypovitaminose K’ et les critères (tests de coagulation) de gravité d’une insuffisance hépato-cellulaire)

OBJECTIF : Principales étiologies d’un allongement isolé du TC+A et examens à réaliser Voir documentation usuelle — Les allongements du temps de Quick (diminution de l’activité en pourcentage : < 70%) sont dans la

très grande majorité des cas dus à une pathologie acquise, souvent facilement évoquée selon le contexte :

Page 8: Referentiel Module 10 II

T. Lecompte – Questions ECN n° 339 — 330 — 335 — Pathologie de l'hémostase

- 7 -

o coagulopathie de l’hémorragie aiguë et de la transfusion massive o CIVD o insuffisance hépato-cellulaire o ‘hypovitaminose K’

Causes 'd’hypovitaminose K’ chez l’adulte

— La diminution du F.VII (dont la durée de vie est brève) est précoce et donc préférentielle en cas

d’insuffisance hépato-cellulaire et de trouble du métabolisme de la vitamine K

— Connaître les principes du diagnostic d’un ‘anticoagulant circulant’ (ACC) :

l'épreuve du mélange M+T

— Connaître les principes du diagnostic d’un ACC dû à des anticorps ‘anti-phospholipides’ et signification clinique : voir thrombophilie)

— Connaître les recours légitimes à la mesure des facteurs de la coagulation, ceux du ‘complexe prothrombinique’ (tous les facteurs intervenant dans le Quick sauf le fibrinogène – voie extrinsèque), et ceux spécifiques de la voie intrinsèque.

Voir aussi hémophilie (et Willebrand… parfois !).

++++++ Quels sont les déficits constitutionnels hémorragipares et ceux qui ne le sont pas ? ++++++++ Dans quels cas un du TC+A n’est pas hémorragipare ? ++++++++

VI - THROMBOPENIES : GRANDES ORIENTATIONS

OBJECTIF : Connaître la fausse thrombopénie induite par l’EDTA – savoir qu’un biologiste doit s’assurer de la réalité d’une thrombopénie vraie Eliminer les fausses thrombopénies - essentiellement la thrombo(cyto)-agglutination en EDTA (l’anticoagulant utilisé pour recueillir le sang en vue d’un hémogramme, tubes à bouchon violet) - Seuil habituellement retenu à 150 G/L.

OBJECTIF: Facteurs de risque hémorragique Facteurs cliniques de risque (prépondérants)

— contexte

— signes hémorragiques (QS) Facteurs biologiques de risque

— numération plaquettaire : seuils habituellement retenus :150 / 100 / 50 / 20

— anomalie associée (voire reliée - CIVD) de la coagulation

OBJECTIF: Exposer les anomalies des tests biologiques courants d’exploration de la coagulation qui sont imputables à la seule thrombopénie AUCUNE

Page 9: Referentiel Module 10 II

T. Lecompte – Questions ECN n° 339 — 330 — 335 — Pathologie de l'hémostase

- 8 -

* Quick , TC+A, TT, fibrinogène, facteurs… ne sont pas influencés par les plaquettes (savoir expliquer pourquoi : réalisés avec le plasma du malade sans ses plaquettes). Leur réalisation est cependant très importante dans ce contexte car elle permet la recherche d’une coagulopathie associée, qui peut être : par dilution (hémorragies aiguës), par consommation (CIVD), par insuffisance hépatocellulaire (hépatopathie avec hypertension portale et splénomégalie donc hypersplénisme…) ; et également la recherche d’un ACC dit de type lupique ou anticorps antiphospholipides (syndrome dit « des antiphospholipides »).

Parmi les examens biologiques inscrits à la nomenclature des actes de biologie médicale, seul le TS (dont la réalisation dans ce contexte est rarement utile – test au demeurant de moins en moins réalisé vide supra) peut être allongé en cas de thrombopénie (surtout si elle est marquée, < 50 G/L).

Fragilité capillaire : historique (mais éruption pétéchiale sous le garrot pour prélèvement : oui !) OBJECTIF : Enoncer les principaux mécanismes

• central Rappel : souvent pancytopénie, mais pas toujours

• périphérique

— répartition / dilution

— raccourcissement de la durée de vie ◊ par consommation proprement dite ◊ par destruction (= immunologique)

OBJECTIF : énoncer l’intérêt du myélogramme

Si un mécanisme central est évoqué, faire une investigation médullaire morphologique (cytologique) ; le plus souvent myélogramme (ponction sternale sauf cas particuliers : sternotomie pour chirurgie cardiaque ; irradiation – par ex. Kc du sein)

Le myélogramme n’est jamais contre-indiqué (pour un hypothétique risque hémorragique - à l’inverse des autres ponctions, IM…). OBJECTIF : principales étiologies des thrombopénies périphériques

A — HYPERSPLENISME

(mécanisme : anomalie de répartition – accumulation dans la pulpe rouge avec ralentissement de la circulation à ce niveau)

— la thrombopénie est rarement inférieure à 50 G/L,

— elle est peu ou pas hémorragipare – les plaquettes ne sont pas « séquestrées » mais au contraire rapidement en grande partie disponibles en cas de besoin.

L’hypersplénisme est un syndrome dû à l’existence d’une splénomégalie mais il n’y a pas de proportionnalité stricte entre l’intensité du premier et le volume de la seconde.

L’augmentation de volume de la rate entraîne ce syndrome surtout lorsqu’il s’agit d’une « rate vasculaire » (d’hypertension portale) ou d’une « rate réactionnelle », ce syndrome est beucoup plus rare au cours des splénomégalies malignes.

Ce syndrome est constitué de 2 éléments principaux : outre la thrombopénie (modérée), une neutropénie (modérée elle aussi, rarement < 1,000 G/L – due essentiellement à la margination dans le compartiment splénique – neutrophiles eux aussi mobilisables).

L’anémie d’hypersplénisme est au contraire beaucoup plus rare, le plus souvent en fait, il s’agit d’une pseudo-anémie par dilution (augmentation du volume plasmatique par de la sécrétion d’aldostérone ?). Il peut y avoir une note d’hyper-hémolyse et les réticulocytes peuvent être modérément augmentés). Dans la maladie de Waldenström avec splénomégalie, la dilution est accentuée par la macroglobulinémie (l’IgM monoclonale sérique).

Page 10: Referentiel Module 10 II

T. Lecompte – Questions ECN n° 339 — 330 — 335 — Pathologie de l'hémostase

- 9 -

Il n’y a en général aucune thérapeutique à envisager dans ce syndrome car il est le plus souvent bien toléré. La splénectomie à visée purement thérapeutique est exceptionnellement envisagée.

B — HEMORRAGIES AIGUËS, THROMBOPENIES DITES DE DILUTION

(remplissage ; transfusions massives – polytraumatisé, association CIVD possible…) par ex. dans un contexte d’une chirurgie hémorragipare (prothèse totale de hanche…)

C — CONSOMMATIONS

— surfaces étrangères (par ex. chirurgie cardiaque avec CEC ; contre-pulsion par ballon intra-aortique ; hémofiltration…)

— anémie (hyper) hémolytique mécanique avec schizocytes (examen microscopique d’un frottis de sang coloré) => microangiopathies thrombotiques (SHU, PTT)

— CIVD (QS)

D — INFECTIEUSES

de mécanisme périphérique le plus souvent, mais pas toujours dans le contexte d’une CIVD (ex typique : paludisme, sans CIVD) ne pas oublier HIV parfois centrale (par ex. syndrome d’activation macrophagique)

E — MEDICAMENTS (DE MECANISME IMMUNOLOGIQUE)

nombreux possibles (y compris vaccins) type de description : quinine, quinidine forme particulière : héparines * thrombopénies induites par une héparine TIH — plutôt avec HNF, mais possibles aussi avec les HBPM (en principe pas avec fondaparinux

Arixtra®) — délai de survenue caractéristique = 5 à 7 jours (si première exposition) — nadir typique 50 - 70 G/L — peu / pas de signes hémorragiques — mais CIVD possible — en revanche risque thrombotique+++ — des tests biologiques se proposent de détecter les anticorps caractéristiques associés au

syndrome (laboratoire spécialisé) — l’évolution de la numération plaquettaire est favorable quelques jours après arrêt de toute

forme d’administration d’héparine (y compris KT…), mais le risque thrombotique persiste plusieurs jours+++

— donc recours à des anticoagulants administrés par voie parentérale de remplacement disponibles : danaparoïde (Orgaran®), lépirudine - hirudine recombinante (Refludan®) – ne pas passer aux AVK trop vite++

— prise en charge au mieux en milieu spécialisé et/ou par un médecin expérimenté en la matière++ ◊ contacter la pharmacovigilance

F — ETIOLOGIES

clairement de mécanisme périphérique, immunologique, en dehors des médicaments

a) allo-immunisation (systèmes spécifiques plaquettaires)

— thrombopénie néo-natale

— post-transfusionnelle (PSL cellulaires)

preuve biologique possible (mise en évidence de l’incompatibilité, et des allo-Ac)

b). auto-Ac

dont la preuve biologique directe est difficile à apporter (pas d’équivalent vrai du Coombs - érythrocytaire)

Page 11: Referentiel Module 10 II

T. Lecompte – Questions ECN n° 339 — 330 — 335 — Pathologie de l'hémostase

- 10 -

• dans le cadre d’une maladie dysimmunitaire (lupus ; syndrome dit des APL…) et/ou pathologie des lymphocytes (LLC…)

• thrombopénie isolée : « PTI » schématiquement

de l’enfant, plutôt aigu, post virose banale

PTI chronique, surtout chez l’adulte, vraiment auto-immun

G — DEUX CAS PARTICULIERS :

— intoxication alcoolique aiguë

(isolée, hyperleucocytose à PN possible ; mais plutôt de mécanisme central) - à distinguer de la thrombopénie (modérée), des cirrhoses éthyliques (de mécanisme intriqué complexe, y compris hypersplénisme)

— thrombopénie isolée gravidique bénigne (fin de grossesse, réversible dans les jours qui suivent l’accouchement)

OBJECTIF : conduite diagnostique

L’ambiance est très variable : de la grande urgence (type CIVD suraiguë obstétricale, où il faut agir sans biologie – ou encore thrombopénie isolée très marquée chez une femme de 25 ans, manifestement de mécanisme périphérique type PTI, avec syndrome hémorragique cutanéo-muqueux profus) aux pathologies chroniques d’aggravation très progressive, voire bénignes et même parfois rapidement réversibles (avec l’atténuation voire la disparition de la cause).

Les élements fondamentaux sur lesquels reposent la démarche sont de 4 ordres (seulement !) :

a) le contexte clinique +++ • âge (sexe) • syndrome infectieux ; chirurgie ; grossesse ; transfusion récente

• médicaments • chronologie – évolution de la numération plaquettaire – numérations antérieures

• éléments évocateurs d’une CIVD

• organomégalie / splénomégalie

• évolution sous surveillance, après le premier examen par un hématologiste expérimenté si pas de piste diagnostique claire

Ne pas oublier la recherche d’antécédents familiaux – il existe de rares formes familiales, héréditaires, s’inscrivant ou non dans des syndromes (autres signes présents), qui sont découvertes parfois tardivement dans la vie.

b) l’analyse attentive de l’hémogramme +++

avec reprise éventuelle de l’examen au microscope cliniques (qui est nécessaire pour éléminer une fausse thrombopénie par agglutination artéfactuelle – rappel) par un cytologiste expérimenté et disposant de renseignements : autres lignées, anomalies morphologiques plaquettaires

L’atteinte de plusieurs lignées (neutropénie, anémie - arégénérative) suggère fortement un mécanisme central, a fortiori s’il y a des cellules anormales circulantes type blastes. Mais un mécanisme périphérique est possible en cas de bi- voire pan- cytopénie (par ex. hypersplénisme, microangiopathie thrombotique…)

c) quelques tests de coagulation d’orientation (CIVD, ACC type APL…)

d) l’étude de la moelle qui est à faire si mécanisme central évoqué, donc si une pathologie médullaire paraît possible (donc pas nécessaire si manifestement périphérique, par. ex TIH, MAT…)

Parfois le diagnostic n’est obtenu qu’au terme d’une évolution sous surveillance, par ex. thrombopénie isolée de découverte fortuite chez un sujet âgé comme premier signe d’une myélodysplasie.

Page 12: Referentiel Module 10 II

T. Lecompte – Questions ECN n° 339 — 330 — 335 — Pathologie de l'hémostase

- 11 -

OBJECTIF : Connaître les gestes à éviter en cas de thrombopénie

Vis-à-vis du risque hémorragique (des référentiels français existent pour ponction biopsie hépatique, endoscopies digestives, chirurgie).

Rappel : myélogramme jamais interdit pour cette raison.

VII — QUOI D’AUTRE PEUT EXPLIQUER UNE PREDISPOSITION AU SAIGNEMENT ?

Autre formulation : au terme de toute cette démarche, qu’est-ce qui n’a pas été exploré ?

Très peu de choses :

— les activités procoagulantes plaquettaires (exceptionnelle thrombopathie par anomalie constitution-nelle de cette fonction plaquettaire) ;

— le facteur XIII (classique hémorragie à la chute du cordon chez les très rares enfants atteints d’un déficit majeur par atteinte des 2 allèles) ;

— la fibrinolyse (il existe d’exceptionnels cas d’hyperfibrinolyse constitutionnelle par déficit génétiquement déterminé en inhibiteur du système fibrinolytique).

Ne pas oublier la prise intermittente de médicaments perturbant le fonctionnement plaquettaire, les anomalies vasculaires type angiodysplasies digestives, télangiectasies d’une maladie de Rendu-Osler… et l’influence négative d’un hématocrite bas (< 30%) sur l’hémostase primaire.

RECAPITULATIF DES PRINCIPAUX TESTS* BIOLOGIQUES D’EXPLORATION DE L’HEMOSTASE CITES :

— numération plaquettaire (le plus souvent dans le cadre d’un hémogramme) ;

— myélogramme

— temps de saignement (TS)

— recherche d’auto-anticorps anti-plaquettes dirigés contre un facteur de la coagulation (par ex. anti-F.VIII) ‘antiphospholipides’

— temps de coagulation : Quick, TC+A, temps de thrombine (TT)

— dosage du fibrinogène par sa coagulabilité à la thrombine (selon von Clauss)

— D-dimères

— dosage de chacun des facteurs de la coagulation

(*) tous de réelle utilité pratique, à l’exception des suivants :

— TS — recherche d’auto-anticorps anti-plaquettes

REFERENCES CONSEILLEES :

. abrégé Masson

. site de la Société Française d’Hématologie : http://sfh.hematologie.net/fr/pages/rub-infopro-enseign.html

. site faculté Conférence de T. Lecompte sur « l’hémogramme » D1 et les 2 schémas du cours de P2

Page 13: Referentiel Module 10 II

- 1 -

SPLENOMEGALIE

Pr P. Feugier – Question ECN n° 332 • Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents

I - RAPPEL SEMIOLOGIQUE

Située dans la partie externe de la coupole diaphragmatique gauche, la rate normale est entièrement masquée par le rebord costal, en avant et latéralement, et échappe ainsi à toute palpation externe. TOUTE RATE PALPABLE EST DONC CONSIDEREE COMME ETANT UNE SPLENOMEGALIE. Le diagnostic clinique est habituellement suffisant (nécessité d'une technique impeccable : examen du malade en décubitus latéral droit, ou en décubitus dorsal avec le poing serré sous le flanc gauche, le patient effectuant de profondes inspirations.

En cas de doute, s'aider d'un cliché d'abdomen sans préparation, d'une échographie ou mieux d'un scanner qui, outre la taille, apportera éventuellement des renseignements précieux quant à la structure du parenchyme de l'organe (infarctus, kystes, nodules…).

La constatation d'une splénomégalie amène à une double démarche : appréciation du retentissement de la splénomégalie, mais surtout recherche d'une étiologie.

A – CONSEQUENCES DES SPLENOMEGALIES

− Augmentation du volume plasmatique total circulant, de physiopathologie discutée.

− Pancytopénie ou cytopénies dissociées, généralement d'intensité modérée, mais pouvant éventuellement être responsables de manifestations anémiques, infectieuses ou hémorragiques. La séquestration splénique est le responsable essentiel (mais peut être pas unique : facteur humoral ?) de cet hypersplénisme.

B – RECHERCHE ETIOLOGIQUE (CF. SCHEMA)

L'interrogatoire (voyages "exotiques", antécédents d'ictère, consommation alcoolique…).

L'examen clinique (recherche d'un syndrome fébrile ou hémorragique, adénopathies, hépatomégalie, circulation collatérale abdominale…) et quelques examens complémentaires simples (hémocultures, sérologies, recherches parasitologiques sur le sang et la moelle) suffisent bien souvent à faire le diagnostic.

Février 2008

Page 14: Referentiel Module 10 II

P. Feugier – Question ECN n° 332 – Splénomégalies

- 2 -

− C'est le cas de la majorité des RATES INFECTIEUSES (septicémies, typhoïdes, Osler,

mononucléose) et PARASITAIRES (paludisme, Kala-Azar, trypanosomiases, bilharzioses, échinococcose). Beaucoup plus difficiles sont les diagnostics, rares aujourd'hui, de tuberculose et de syphilis spléniques.

− La splénomégalie de l'HYPERTENSION PORTALE est également facile lorsque le tableau clinique est caractéristique à reconnaître et si l'on a la notion d'une hépatopathie préexistante (essentiellement cirrhose alcoolique en France). L'authenticité de la maladie de Banti "mésenchymopathie fibroblastique spléno-hépatique à précession splénique" (sic!) est controversée depuis plus de 80 ans et reste un diagnostic d'élimination, de même que celle des splénomégalies "méditerranéennes". La ponction biopsie hépatique (au besoin par voie transjugulaire en cas de troubles fréquents de l'hémostase) permet de préciser la nature de l'hépatopathie responsable.

− Les SPLENOMEGALIES "HEMATOLOGIQUES" ne posent guère de problème non plus, le diagnostic étant simplement assuré par la numération formule sanguine et plaquettaire et éventuellement le myélogramme. C'est le cas des SYNDROMES MYELOPROLIFERATIFS (leucémie myéloïde chronique, maladie de Vaquez, thrombocytémie essentielle, splénomégalie myéloïde) où la rate, toutefois énorme, constitue pendant longtemps la seule anomalie clinique.

Au cours des SYNDROMES LYMPHOPROLIFERATIFS, la rate est isolée, comme dans la leucémie à tricholeucocytes ou associée à des adénopathies : leucémie lymphoïde chronique, maladie de Waldenström (les lymphomes spléniques sont envisagés au chapitre des rates tumorales).

Les ANEMIES HEMOLYTIQUES sont aisément reconnues sur l'association à la splénomégalie d'un ictère et d'une pâleur anémique et biologiquement sur l'existence d'une anémie régénérative avec excès de bilirubine libre. L'étude des constituants de l'hématie, la recherche de toxiques divers, d'auto-anticorps anti érythrocytaires, éventuellement l'étude de la durée de vie des hématies au Cr 51, en iso et en allo transfusion, permettent de distinguer les hémolyses d'origine globulaire (Minkowski Chauffard, enzymopathies, hémoglobinopathie) des hémolyses extra corpusculaires (auto-immunes, médicamenteuses, toxiques…).

Dans le purpura thrombopénique idiopathique, par contre, la splénomégalie n'est pas constante (moins d'un quart des cas).

− Les RATES TUMORALES posent des problèmes de difficulté variable selon qu'elles sont isolées ou non. En cas d'adénopathies superficielles, la biopsie d'un ganglion permettra le diagnostic : MALADIE DE B.B.S., LYMPHOME MALIN, hodgkinien ou non. En leur absence, la splénectomie sera indiquée (voir paragraphe 7). Exceptionnels sont les sarcomes primitifs de la rate et les métastases spléniques.

− Une splénomégalie peut faire partie du tableau clinique de nombreuses MALADIES DE SYSTEME (exemple : maladie lupique). De volume généralement modeste, la splénomégalie peut parfois être à l'origine d'un hypersplénisme, en particulier au cours de la polyarthrite rhumatoïde (neutropénie parfois sévère du syndrome de Felty).

− Les MALADIES DE SURCHARGE (Gaucher, Niemann-Pick, Tangier, amylose) sont toutes susceptibles de comporter une splénomégalie, mais, en raison de leur rareté, constitue un diagnostic d'élimination.

− Il est possible qu'en dépit d'une enquête étiologique rigoureuse, la nature d'une splénomégalie ne puisse être déterminée avec certitude. Dans ces conditions, et si l'état général et l'âge du patient l'autorisent, il ne faudra pas hésiter à poser une indication de splénectomie, seul geste susceptible de permettre une étude anatomo-pathologique (on ne fait pas de ponction biopsie splénique ++ et on ne fait qu'avec réticence des cytoponctions). Dans plus de la moitié des cas, l'histologie de ces rates "nues" sera celle d'un lymphome malin.

NB : En cas de splénectomie, quelle qu'en soit la raison, ne pas oublier la fréquence du risque infectieux ultérieur (Overwhelming Post Splenectomy Infection), d'où la nécessité impérative de vacciner préalablement les patients vis-à-vis du pneumocoque et ultérieurement de traiter immédiatement par antibiothérapie tout épisode infectieux débutant non expliqué.

Page 15: Referentiel Module 10 II

P. Feugier – Question ECN n° 332 – Splénomégalies

- 3 -

Page 16: Referentiel Module 10 II

- 1 -

HEMATOLOGIE : MOTS CLES

Pr P. Feugier–– Question ECN n° 316 - Hémogramme : indications et interprétation

Juin 2004

Page 17: Referentiel Module 10 II

P. Feugier–– Question ECN n° 316 - Hémogramme : indications et interprétation

- 2 -

LEUCEMIE AIGUË : LES POINTS IMPORTANTS

✥ L’immense majorité des leucémies aiguës lymphoblastiques sont idiopathiques.

✥ Importance croissante des leucémies aiguës myéloblastiques secondaires (syndrome myéloprolifératif, chimiothérapies mutagènes).

✥ Bien connaître la différence entre les leucémies secondaires aux alkylants, qui ont un délai de survenue long (5 à 10 ans), avec des anomalies cytogénétiques caractéristiques (monosomie 7 5q-), et les leucémies secondaires aux inhibiteurs de la topoisomérase, le délai de survenue est plus court (1 à 3 ans) avec, comme anomalie cytogénétique caractéristique, une anomalie 11q2-3.

✥ Le diagnostic repose sur l’association de signes d’insuffisance médullaire, de signes de prolifération, et d’une altération de l’état général.

✥ Importance des douleurs osseuses chez l’enfant (contre-indication formelle de la corticothérapie sans diagnostic).

✥ Le diagnostic est orienté par la numération formule, montrant des signes d’insuffisance médullaire (anémie + thrombopénie), associés à des signes de prolifération (hyperleucocytose) avec leucoblastes sanguins.

✥ Le myélogramme permet le diagnostic de la leucémie aiguë, de son type (lymphoblastique ou myéloblastique) et de son sous-type cytologique, aidé par l’histochimie.

✥ Il permet par ailleurs la réalisation d’études cytogénétiques qui ont une importance pronostique et diagnostique majeure (extrême gravité de la t(9;22)) dans les LAL.

✥ L’étude des transcrits (par ex : brc abl dans la LAL avec chromosome Philadelphie) complète l’étude cytogénétique et permet de suivre la maladie résiduelle avec une sensibilité supérieure.

✥ Leucémie aiguë lymphoblastique plus fréquente chez l’enfant que chez l’adulte. Meilleur pronostic chez l’enfant que chez l’adulte (75 % de guérison contre 35-40 %).

✥ Importance des groupes pronostiques basés sur l’âge, le nombre de globules blancs et l’immunophénotype et sur la cytogénétique.

✥ Importance démontrée récemment de la chimiosensibilité (rapidité de mise en rémission complète).

✥ Leucémie aiguë lymphoblastique – Traitement :

✥ Il s’agit de chimiothérapies séquentielles avec association de nombreuses drogues avec 3 phases (induction, consolidation, entretien) d’une durée en moyenne de 2 ans.

✥ Leucémie aiguë myéloblastique :

Plus fréquente chez l’adulte que chez l’enfant. Fréquence chez le sujet âgé.

Pronostic : dépend de la forme cytologique et des anomalies cytogénétiques (bon pronostic LAM 2 avec t(8;21), LAM 3 avec t(15;17), LAM 4 éosinophile avec inv du 16) (mauvais pronostic LAM M5 M6 M7, LAM secondaire).

Traitement : adapté à l’âge et à la forme cytologique (acide tout-trans-rétinoïque dans les LAM 3).

2 phases : induction « agressive », consolidation courte (2-3 mois).

Amélioration des résultats chez les sujets âgés (+ de 60 ans). Indication des allogreffes géno-identiques dans les formes à haut risque en 1ère rémission complète chez les sujets de moins de 60 ans. RESULTATS : - enfants : 40 à 50 % de guérison - adultes moins de 60 ans : 30 à 40 % - plus de 60 ans : moins de 20 %

Page 18: Referentiel Module 10 II

P. Feugier–– Question ECN n° 316 - Hémogramme : indications et interprétation

- 3 -

MYELODYSPLASIE : LES POINTS IMPORTANTS

✥ Importance de la définition

✥ Importance de la classification, avec notamment les formes avec blastes et les formes sans blastes, dont le pronostic est très différent.

✥ Myélodysplasie + blastes > 20 % = leucémie aiguë myéloblastique.

✥ Myélodysplasie = état pré-leucémique.

✥ Maladie du sujet âgé (âge médian 70 ans), de fréquence croissante (augmentation de fréquence des formes secondaires à la radio-chimiothérapie).

✥ Diagnostic basé sur la numération formule plaquettes (diagnostic d’une cytopénie avec anémie macrocytaire) et sur le myélogramme (diagnostic d’une pancytopénie à moelle riche mais dysplasique).

✥ Importance de la monocytose > à 1x109/l = définition de la leucémie myélomonocytaire chronique.

✥ Importance pronostique et diagnostique de la cytogénétique (anomalies clonales), gravité des formes avec monosomie 7 souvent secondaires, bon pronostic des formes avec syndrome 5q-.

✥ Diagnostic différentiel souvent difficile entre myélodysplasie, aplasie et syndrome myéloprolifératif.

Facteurs pronostiques : âge, nombre de blastes, nombre de lignées atteintes, type d’anomalies cytogénétiques (formes secondaires). Score IPSS.

✥ Survie globale moyenne = 2 ans.

✥ Seul traitement curatif = allogreffe de moelle réservé aux sujets de moins de 55 ans.

Sujets âgés : traitement palliatif (confort de vie).

Page 19: Referentiel Module 10 II

P. Feugier–– Question ECN n° 316 - Hémogramme : indications et interprétation

- 4 -

AGRANULOCYTOSE MEDICAMENTEUSE : LES POINTS IMPORTANTS

✥ DEFINITION: Moins de 100 polyneutros avec respect des autres lignées, en dehors de toute chimiothérapie.

✥ INCIDENCE : rare (augmente avec l’âge + de 70 ans).

✥ MECANISME :

- soit immuno-allergique avec début brutal, dose-indépendant, très rare (ex : aminopyrine, pénicilline, anti-thyroïdiens de synthèse),

- soit toxicité directe sur les cellules souches granuleuses, progressif, dose-dépendant, fréquent (ex : Tégrétol, Dépakine…),

- soit par atteinte du micro-environnement médullaire, progressif, fréquence intermédiaire (ex : Lopril).

✥ Drogues en cause par ordre de fréquence : Anti-thyroïdiens de synthèse, Macrolides, Procainamide, Fiboran…).

✥ CLINIQUE:

- Forme « immunologique » : début brutal, syndrome fébrile sévère + infection (pneumonie).

- Forme « toxique » : début progressif, syndrome fébrile rare, diagnostic par NF systématique.

✥ Importance diagnostique et pronostique du myélogramme.

✥ Evolution : guérison dans 90 à 100 % des cas (importance de la rapidité du diagnostic et de la prise en charge).

✥ Prise en charge dans un milieu spécialisé.

✥ Imputabilité des médicaments reposant sur 4 critères.

✥ Traitement urgent. Importance de la prévention (NF systématique si drogue à risque).

Page 20: Referentiel Module 10 II

- 1 -

STRUCTURE DE L'HEMOGLOBINE Pr P. Feugier–– Question ECN n° 297 — Orientations diagnostiques devant une anémie

• Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents • Argumenter l'attitude thérapeutique dans les anémies carentielles et planifier leur suivi

4 molécules d'hème

4 chaînes polypeptidiques de globine identiques2 à 2

I – L'HEME

Union d'un atome de Fe2 et d'un cycle tétrapyrrolique (Protoporphyrine IX)

II – LA GLOBINE

Plusieurs chaînes de blobine :

• Chaîne α : 141 acides aminés

• Chaîne non α :

Chaîne β : 146 acides aminés

Structure secondaire en hélice

Structure tertiaire globulaire

III – L'HEMOGLOBINE

- Tétramère

- Chaque molécule fixe 4 molécules d'O2 sur le Fe

- Le 2-3 diphosphoglycérate règle l'affinité de l'hémoglobine pour l'O2

Février 2009

Page 21: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 2 -

Structure de la Globine(d’après A. LEHNINGER : Biochimie - Flammarion éd. 1972)

Page 22: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 3 -

Page 23: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 4 -

Catabolisme des hémoglobines au cours de l'hémolyse physiologique

- Durée de vie : 120 jours

- Hémolyse intratissulaire macrophages de la MO,du foie et dela rate

- Hémolyse intravasculaire

Page 24: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 5 -

Page 25: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 6 -

Electrophorèse de l'hémoglobine et variations physiologiques en fonction de l'âge

CHEZ L'ADULTE

Hb A α2β2 97 %

Hb A2 a2δ2 2 à 3,5 %

Hb α2γ2 < 1 %

Variation physiologiques en fonction de l'âge

CHEZ LE NOUVEAU-NE

Hb F 80 ù

Hb A 20%

Hb A2 non visible

Electrophorèse de l’hémoglobine sur acétate de cellulose à pH alcalin

The development of human hemoglobin chains

Page 26: Referentiel Module 10 II

- 1 -

MALADIE DE MINKOWSKI ET CHAUFFARD (Sphérocytose héréditaire)

Pr P. Feugier–– Question ECN n° 297 — Orientations diagnostiques devant une anémie

• Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents • Argumenter l'attitude thérapeutique dans les anémies carentielles et planifier leur suivi

I — TRANSMISSION

• AD à pénétrance variable (75 %)

• Sporadique (25 %)

II — PHYSIOPATHOLOGIE

• Anomalie protéique membranaire - ankyrine (30-45 % + spectrine) Mutations - spectrine (30%) gènes ANK1 SPTB - bande 3 (20 %)

Anomalie de structure ATPase

Flux NA + intracellulaire

Sphérocytose (hyper hydratation)

Perte lambeaux P-lipidiques

Microsphérocytose irréversible

Phagocytes spléno-hépatiques

Février 2009

Page 27: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 2 -

III — CLINIQUE

• Fréquence : 1 – 3 / 5000 (Europe)

• Naissance adulte

• 60 – 70 % des cas phase sévère néonatale (0-9 mois) puis amélioration spontanée (80 % des cas)

• Evolution très variable - asymptomatique - poussées paroxystiques avec ictère +/- splénomégalie +/- transfusion - crises érythroblastiques (Parvovirus B19) - lithiase biliaire - retard de croissance

IV — DIAGNOSTIC

• Microsphérocytose (90 %) non spécifique (A hémolytiques immunologiques (transitoires)) • Surface membranaire GR en gradient osmotique (Ektacytométrie) = constant (N nés) • fragilité GR en gradient osmotique (résistance osmotique globulaire) = insconstant

(25 % N nés) • Constantes globulaires (charge globulaire Hb)

- % cellules hyperdenses - CCHM (> 3,35 g / dl) - ethb (> 3,4 g / dl)

• Etude des protéines de membranes • Séquestration splénique (Cr 51)

Page 28: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 3 -

V — TRAITEMENT

Moyens

• Splénectomie totale (cœlioscopie) - + cholecystectomie (50 %) - prophylaxie infections germes encapsulés

Pénicilline (5 ans / puberté !) Vaccinations (pneumocoque /Hib)

Risques

Infections (AC antipolysaccharidiques) - germes Pénicilline-résistant - compliance au traitement

Athérosclérose ! HTAP !

• Splénectomie partielle - hémolyse - maintien phagocytose

Mais

Hémolyse modérée persistante

Lithiase Crises érythroblastiques

Indications

• < 5 ans - Hémolyse sévère (transfusions ⊕) - Splénectomie partielle - Vaccins antipneumocoques conjugués : Heptavalent (Prévenar) + PentaHib

• > 5 ans - Formes symptomatiques

Guérison constante

Page 29: Referentiel Module 10 II

- 1 -

HEMOGLOBINOPATHIES Pr P. Feugier–– Question ECN n° 297 — Orientations diagnostiques devant une anémie

• Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents • Argumenter l'attitude thérapeutique dans les anémies carentielles et planifier leur suivi

ANOMALIES CONSTITUTIONNELLES DE L'HEMOGLOBINE

• Quantitatives : Thalassémies Absence de synthèse d'une ou plusieurs chaînes de globine : α et α thalassémies

• Qualitatives : Autres Hémoglobinopathies en particulier Drépanocytose (hémoglobinose S) Synthèse d'une hémoglobineanormale

LES FORMES MAJEURES

• La β thalassémie majeure

• Les syndromes drépanocytaires majeurs

• Retentissement sévère, notamment anémie hémolytique (anémies hémolytiques constitut-ionnelles)

• Les thalassémies sont également des dysérythropoïeses (anémies microcytaires)

MALADIES GENETIQUES

• Transmission autosomique récessive

• Les homozygotes sont malades

• Les hétérozygotes sont le plus souvent sains

PATHOLOGIES FREQUENTES A l'ECHELLE MONDIALE

• Répartition géographique initiale particulière Zones passées et présentes d'endémie palustre Problèmes de santé publique pour ces pays

• Diffusion récente à l'Europe de l'Ouest et à l'Amérique du Nord Du fait des flux migratoires

• Drépanocytose : la plus fréquente des Hbpathies 2ème maladie monogénique en métropole après la mucoviscidose (≈ 4000 cas), 1ère en Ile de France

Février 2009

Page 30: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 2 -

PRISE EN CHARGE DES FORMES MAJEURES : POINTS COMMUNS

• Maladies chroniques Manifestations dès quelques mois de vie Nécessité traitement à vie (sauf allogreffe CSH)

• Risque de retentissement : Scolaire, Psychologique, Socio-Professionnel, Familial

• Importance de l'information : De la famille puis de l'enfant qui grandit : orale et écrite, répétée et adaptée

Sur les mécanismes, les manifestations, les traitements, les mesures préventives, les complications, l'espérance de vie, la transmission, les associations

• Maladies génétiques : - Enquête familiale

Les 2 parents sont hétérozygotes Etude de la fratrie Information de la famille élargie

- Conseil génétique Diagnostic prénatal possible pour les couples à risque

- Dépistage des hétézygotes Chez les sujets à risque (origine géographique)

• Maladies méconnues : - Importance information médecins et personnel soignant

- Intérêt prise en charge des patients dans des centres spécialisés (nombre suffisant de patients) en collaboration avec le médecin traitant

LES THALASSEMIES

• Hb A = α2β2 Soit 2 chaînes de globine α et 2 chaînes de globine β

• Défaut de synthèse chaine α α thalassémie

• Défaut de synthèse chaine β β thalassémie

ORIGINE GEOGRAPHIQUE DES PATIENTS

• α thalassémie - Sud et Est de l'Asie - Afrique - Bassin Méditerranéen

• β thalassémie - Bassin Méditerranéen - Moyen Orient - Sud et Est de l'Asie - Afrique, Antilles

- En métropole : - 400 cas de β thalassémie majeure

Page 31: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 3 -

LES THALASSEMIES, GENETIQUE

• 4 gènes α sur chromosome 16

• 2 gènes β sur chromosome 11

• Fœtus : 2 gènes γ sur chromosome 11 Hb F = α2γ2

• 2 gènes δ sur chromosome 11 Hb A2 = α2δ2

LES α THALASSEMIES, GENETIQUE

• Le plus souvent délétion

• 1 gène atteint : α+thal. hétérozygote

• 2 gènes atteints - cis : α°thal. hétérozygote - trans : α+thal. Homozygote

• 3 gènes atteints : hémoglobinose H

• 4 gènes atteints : hydrops fœtalis

LES β THALASSEMIES, GENETIQUE

• Le plus souvent mutation, plus de 100 décrites

• 1 gène atteint : β thalassémie hétérozygote

• 2 gènes atteints : β thalassémie homozygote

• 2 phénotypes d'homozygotes - pas de synthèse de chaine β = β°thalassémie - de la synthèse de chaine β = β+thalassémie

AUTRES THALASSEMIES, GENETIQUE

• δ - β thalassémie - anomalies des 2 gènes voisins δ - β

• E - β thalassémie - double hétérozygotie β thalassémie et hémoglobinose E

TABLEAUX DES α THALASSEMIES

• α+thalassémie hétérozygote (1 gène atteint) - cliniquement et biologiquement asymptomatique - un petit % d'Hb Bart's (γ4) possible à la naissance - ne peut être affirmé que par biologie moléculaire

• α°thalassémie hétérozygote et α+thalassémie homozygote (2 gènes atteints) - clinique asymptomatique - un petit % d'Hb Bart's (γ4) possible à la naissance - NF : discrète microcytose - électrophorèse de l'Hb : normale ou % A2

Page 32: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 4 -

• Hémoglobinose H (3 gènes atteints) - clinique de thalassémie intermédiaire le plus souvent - NF : anémie modérée - électrophorèse de l'Hb : présence d'Hb H (β4)

• Hydrops fœtalis (4 gènes atteints) - anasarque fœto-placentaire : décès in utero ou à la naissance - anémie intense, présence d'Hb Bart's

- intérêt diagnostic prénatal si couple de parents porteurs chacun d'une α thalassémie avec 2 gènes atteints

TABLEAUX DES β THALASSEMIES

• β thalassémie hétérozygote - le plus souvent porteur sain : thalassémie mineure (rarement tableau de thalassémie

intermédiaire) - petite splénomégalie possible

- NF : Hb N ou un peu , microcytose - électrophorèse Hb : Hb A2, mais peut-être masquée par une carence en fer, parfois

% Hb F - apparition possible d'une surcharge en fer au cours de l'évolution (hyperabsorption du fer),

d'une lithiase biliaire pigm. - importance du conseil génétique

• δβ thalassémie hétérozygote - Idem mais % Hb A2 normal (pb diagnostic)

• β thalassémie homozygote - tableau de thalassémie majeure le plus souvent = anémie de Cooley - clinique : début à quelques mois de vie, pâleur, ictère, HSM, hyperplasie os face (pas si

traitement adapté) - radio : aspect en poils de brosse des os du crâne corticales minces (pas si tt adapté) - hémato : anémie < 7g/dl, microcytaire, hypochrome bili. libre - électrophorèse Hb : Hb F, % Hb A2 N ou absence (β°thal) ou (β+thal) Hb A

• β thalassémie homozygote - tableau de thalassémie intermédiaire dans 5 à 10 % des cas - définition clinique :

anémie moins importante et bien tolérée pas de retentissement sur activité ludique ou scolaire ou développement

staturopondéral anomalies morphologiques et splénomégalie discrètes possibles

- pas de besoins transfusionnels au long cours - Hb > 7,5 g - électrophorèse : idem thalassémie majeure

• δβ thalassémie homozygote - Idem clinique et traitement β thalassémie homozygote

• E-β thalassémie - patients d'origine asiatique - le plus souvent tableau de thalassémie intermédiaire, parfois tableau de thalassémie

majeure

Page 33: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 5 -

TRAITEMENT DE LA THALASSEMIE MAJEURE

• Traitement conventionnel versus Allogreffe CSH

• 3 volets au traitement conventionnel - transfusions - chélation du fer - splénectomie

TRAITEMENT CONVENTIONNEL

• Transfusions (rappel : prélèvement sanguin pour bilan étiologique d'une anémie à faire avant toute tranfusion)

- dès que diagnostic de forme majeure Hb en permanence < 7 g Ou déformations crânio-faciales ou squelettiques

- CGR déleucocytés phénotypés aprèsRAI (importance GS avec phénotype étendu avant 1ère TS)

- Objectif = Hb pré TS ∼ 10 g pour correction anémie, prévention déformations osseuses et HSM

- ∼ toutes les 3 – 4 semaines - 15 à 20 ml/kg en HDJ - ne pas dépasser 14-15 g Hb post TS - TS prudente si atteinte cardiaque TS a transformé pronostic vital thalassémie majeure. Les enfants ne meurent plus de cette maladie. Mais risque de complications des TS

COMPLICATIONS DES TRANSFUSIONS AU LONG COURS

• Surcharge en fer - foie, rate, glandes endocrines, cœur - risque de complications dès la deuxième décennie - ferritine :

méthode la plus simple même si ce n'est pas la plus précise d'estimation de la surcharge

> 1000 ng / ml : risque important de complications à terme - autres méhodes :

évaluation surcharge sur IRM hépatique et cardiaque

• Complications cardiaques - évolution vers insuffisance cardiaque congestive - signes cliniques et ECG tardifs : échocardio régulières

• Complications endocriniennes - thyroïde, parathyroïde, diabète - axe gonadotrope (corticotrope, somatotrope)

• Complications endocriniennes - thyroïde, parathyroïde, diabète

• Complications hépatiques - fibrose, cirrhose

• Allo-immunisation

Page 34: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 6 -

• Erythrocytaire - pouvant poser de graves problèmes transfusionnels - importance de la prévention

• Leucoplaquettaire - responsable de syndromes frissons température

• Transmission virale - HIV, hépatites (vaccination hépatite B)

• Chélation du fer - la déféroxamine (DESFERAL), commercialisée depuis le milieu des années soixante,

restait jusqu'à il y a peu, le traitement de référence. - à commencer au bout d'environ un an de TS quand ferritine > 1000-1300 ng / ml - n'est efficace que par voie parentérale – utlisation des pompes portables adaptées à des

injections SC à domicile 10-12 h / j - posologie adaptée à l'âge : 30 mg / kg / j 3 ans, puis 50 mg / kg / j, à répartir sur 5

à 6 j / semaine - supplémentation en vitamine C améliore chélation

• Chélation du fer par Desferal - voie IV plus efficace. Utilisable le jour de la TS (1g/culot) ou en cures hospitalières de

plusieurs jours à fortes doses dans certaines indications - objectif chélation : ferritine < 1000 ng / ml coloration peau : bon reflet de la surcharge en

fer - l'apparition du Desfera a considérablement modifié l'espérance de vie des

thalassémiques qui auparavant décédaient à l'adolescence d'insuffisance cardiaque par hémochromatose. Ils atteignent et dépassent maintenant largement l'âge adulte.

- Effets secondaires du Desferal intolérance cutanée (voie SC), allergie complications oculaires complications auditives, acouphènes, vertiges, acuité auditive risque infection à Yersinia atteinte osseuse si posologie trop importante chez petit enfant

• Chélation du fer - chélateur oral : défériprone (Ferriprox) commercialisé deppuis 2000, mais

efficacité moindre effets secondaires : arthralgies parfois sévères, risque agranulocytose… Etait

réservé aux cas où Desferal non utilisable (ou non utilisé) - depuis 12/2006, nouveau chélateur oral disponible : - (deférasirox) - une prise quotidienne - 20 mg / kg / j à adapter à ferritine jusqu'à 30 mg / kg / j - surveillance fonction rénale (1/semaine, 1 mois, puis 1/mois) et hépatique (1/mois) - surveillance Oph et Orl (1/an) : Idem DESFERAL

• EXJADE, tolérance - troubles gastro-instestinaux : 26 % - rash cutané : 7 % - réactions dose dépendantes,

légères à modérées, généralement transitoires - augmentation de la créatininémie de plus de 33 % : 36 % - dose dépendante – transitoire

chez 2/3 des patients (dose idem) - augmentation des transaminases : 2 % - Non dose dépendante

• EXJADE, efficacité - étude 107, phase III, thalassémies majeures - DF (290 patients) / EXJADE (296) - Evaluation surcharge par PBF

Page 35: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 7 -

- Efficacité comparable pour posologie > ou = 20 mg / kg / j

• La splénectomie - à pratiquer si apparaît un hypersplénisme de la splénomégalie - des besoins transfusionnels > 200-220 ml / kg / an parfois leuco-thrombopénie - à accompagner d'une prévention vis à vis des infections à pneumocoque : vaccin,

pénicillinothérapie au long cours

ALLOGREFFE DE CSH DANS LA THALASSEMIE MAJEURE

• Seul traitement curatif actuellement possible

• 1500 greffes pratiquées dans cette indication depuis 1982 (moelle, cordon)

• A proposer systématiquement si donneur sain – HLA identique dans la fratrie, eu égard à la lourdeur et aux risques du traitement conventionnel

• Cryconserver sang cordon quand ATCD enfant atteint dans une famille

• Diagnostic implantatoire ?

• A pratiquer le plus tôt possible

• Pas d'HM, ni fibrose hépatique, chélation régulière 95 % de survie et 90 % de survie sans événement

• Risque gonadique cryoconservation tissu ovarien ou testiculaire

Dans l'avenir, greffe avec donneur non apparenté ? LA DREPANOCYTOSE

• Sickle cell disease, anémie falciforme

• Due à la présence d'hémoglobine S, conséquence d'une mutation unique sur le gène β (chr. 11)

• Dans certaines circonstances (hypoxie…), cette Hb anormale va polymériser déformation du GR en faucille (drépanocyte). Maladie rhéologique

• Syndromes drépanocytaires majeurs (SDM) - drépanocytose homozygote (S/S) - association S/β thalassémie (S/β°thal et S/β+thal) - association drépanocytose hémoglobinose C (S/C)

LA DREPANOCYTOSE - TABLEAU CLINIQUE

• En France, les patients sont originaires essentiellement d'Afrique Noire, des Antilles et du Maghreb

• Association possible avec enzymopathie – déficit en G6PD

• Les hétérozygotes (trait drépanocytaire A/S) sont sains, mais épisodes de déglobulisation, d'infarctus spléniques possibles lors hypoxie majeure (> 3500 m altitude, plongée en apnée…)

• Les homozygotes et les autres SDM présentent des formes de gravité variable - d'un sujet à l'autre (y compris dans la même famille) - au cours du temps chez le même sujet

• Facteurs pronostiques mal connus

• Facteurs modulateurs : α thal, Hb F, type de SDM, haplotype

• Facteurs de gravité : - Hb < 7g. dactylite < 1 an, hyperleucocytose

Page 36: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 8 -

- Hb < 7g. thrombocytose - Hb < 7. VGM > 80

• Manifestations cliniques de trois ordres : anémiques, vaso-occlusives, infectieuses. Maladie polymorphe

• Histoire naturelle de la maladie : 4 périodes - Néonatale, asymptomatique (Hb F), importante pour organiser la prévention depuis

1996 en métropole, dépistage néonatal à J3 chez les enfants à risque de par leurs origines géographiques

- 5 premières années de vie : risque important de mortalité : anémie aiguë, infection grave, crises douloureuses particulières : Σ pieds-main (dactylite)

- Seconde enfance, adolescence : crises douloureuses au 1er plan, accidents occlusifs graves possibles ainsi que lithiase biliaire

- Age adulte : diminution des épisodes aiguës, complications dégénératives chroniques d'origine ischémique

LA DREPANOCYTOSE - DIAGNOSTIC

• Repose sur l'électrophorèse de l'Hb - Absence d'Hb A dans les formes S/S, S/β°thal et S/C - Faible % d'Hb A dans les formes S/β+thal - HB A remplacée par de l'HB S (test d'Itano) - S'y ajoute à part égale de l'Hb C dans les formes S/C - On retrouve de l'Hb F et de l'Hb A2 - L'anémie est variable, régénérative, normochrome, normo ou microcytaire. On retrouve

des drépanocytes? - La bilirubine libre est augmentée.

LA DREPANOCYTOSE – PRISE EN CHARGE

Surveillance de l'état basal + mesures préventives - Prise en charge des complications aiguës et chroniques - Prise en charge des situations à risque : anesthésie, grossesse

• Surveillance de l'état basal - A débuter idéalement dès 1ères semaines de vie à la suite d'un dépistage néonatal - 1ères manifestations cliniques possibles dès 3 mois - Prise en charge précoce réduction significative mortalité, sinon importante, des

5 premières années - Consultations systématiques :

tous les 2-3 mois < 2 ans puis 2 à 4x/an surveillance clinique et paraclinique rappel des mesures préventives

• Mesures préventives - Prévention des infections

- Pénicillinothérapie au long cours : • 100 000 UI/ kg / j 10 kg • puis 50 000 UI / kg / j, en deux prises, au moins 5 ans

- vaccinations habituelles +hépatite B, pneumocoque, grippe - prophylaxie du paludisme si séjour en zone d'endémie - toute hyperthermie consultationn médicale = hospitalisation

- Prévention des crises vaso-occlusives = suppression des facteurs de falciformation : hypoxie, acidose, froid, déshydratation, hyperthermie, stase vasculaire, stress, efforts dyspnéisants

- assurer un large apport en boissons

Page 37: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 9 -

- éviter fatigue, variations de température, altitude > 1500 m, avions non ou mal pressurisés, sports violentset compétitions

- administrer antipyrétique si fièvre - dépister pathologie ORL hypoxémiante

- Prévention des anémies aiguës - prévention secondaire : apprendre aux parents à palper la rate – augmentation

brutale de la rate = hospitalisation en urgence - supplémentation en acide folique car besoins accrus en raison de

l'hyperactivitémédullaire

LA DREPANOCYTOSE – PRISE EN CHARGE DES COMPLICATIONS AIGUËS

• Le pronostic vital peut être mis en jeu en quelques heures - possibilité d'associations ou de successions de plusieurs complications

- anémie aigüe : • l'anémie chronique drépanocytaire = 7-8 g n'est pas une indication

transfusionnelle • majoration aiguë de l'anémie chronique possible dans 3 situations :

séquestration splénique, érythroblastopénie, hyperhémolyse - séquestration splénique aiguë = urgence transfusionnelle

• nourrisson et petit enfant • anémie sévère, brutale, < 4g Hb • volumineuse splénomégalie

- érythroblastopénie (parvovirus B 19) • transfusion

- hyperhémolyse lors infection ou crise douloureuse • transfusion à discuter

Ne pas remonter l'Hb au-dessus du taux habituel du patient

- Infections : 1ère cause de mortalité de l'enfant drépanocytaire fièvre ≥ 38,5° : hémoculture ± PL puis ABthérapie

- Méningites et septicémies • pneumocoques, hæmophilus, salmonelles... :

antibiothérapie, hyperhidratation (2,5 l/m2) - Pneumopathies :

• pneumocoques, hæmophilus, microplasme : antibiothérapie, hyperhidratation (2 l/m2), O2

• hypoxie sévère persistante échange transfusionnel dans l'hyptohèse d'un infarctus pulmonaire

- Ostéomyélites • salmonelles. staphylocoques :

diagnostic différentiel difficile avec infarctus osseux scinti osseuse n'est déterminante que si précoce hyperhydratation,antalgiques, au moindre doute antibiothérapie

Page 38: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 10 -

- Accidents vaso-occlusifs

- Crises douloureuses • osseuses, abdominales, dactylite chez nourrisson, douleurs souvent très

intenses hyperhydratation antalgiques de palier III si nécessaire (EVA) ± AINS TS ou échange TS si persiste, pour % HbS

- Crises douloureuses sévères itératives traitement au long cours : Hydrea / échanges TS

- Accidents vaso-occlusifs graves : urgence thérapeutique

- AVC 5 à 10 % des enfants drépanocytaires, âge moyen : 7 ans facteur prédictif : vitesses circulatoires DTC prévention suspicion AVC échange transfusionnel en urgence risque récidive élevé allogreffe CSH si donneur dans fratrie ou programme transfusionnel au long cours par HbS < 30 %

- Accidents vaso-occlusifs graves

- Syndromes thoraciques aigus (cf pneumopathies) survenue d'un STA doit faire discuter ttt préventif au long cours par Hydrea car risque de récidive élevé

- Le priapisme sans rapport avec puberté souvent précédé de priapisme intermittent : Effortil risque impuissance secondaire priapisme > 1 h : auto-injection Effortil priapisme > 3 h : échange transfusionnel ± drainage corps caverneux

- Thrombose rétinienne : échange tranfusionnel

- Nécrose papillaire rénale : repos, hydratation

Insuffisance hépatique aiguë ishémique

Nécrose médullaire étendue (pancytomie)

LA DREPANOCYTOSE – PRISE EN CHARGE DES COMPLICATIONS CHRONIQUES

- Lésions "dégénératives" d'origine ischémique • Complications de l'anémie hémolytique : lithiase biliaire pigmentaire, ulcères

de jambe • Complications des transfusions

- Rétinopathie • Surveillance régulière par angiographie rétinienne • Phocoagulation laser empêche évolution vers cécité

- Complications squelettiques • Ostonécrose tête fémorale • Traitement par décharge chez l'enfant • Chirurgie conservatrice chez l'adulte

Page 39: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 11 -

- Complications cardiaques • Cœur anémique, CPC, myocardiopathie

Insuffisance cardiaque : programme transfusionnel

- Insuffisance rénale • Néphropatie glomérulaire : cause majeure mortalité adulte

Programme transfusionnel Hémodyalise ± greffe rein

- Lithiase biliaire Chirurgie cœlioscopique à froid même si asymptomatique

LA DREPANOCYTOSE – PRISE EN CHARGE DES SITUATIONS A RISQUE

- L'anesthésie • Information de l'anesthésiste

Eviter facteurs de falciformation Prophylaxie anti-infectieuse Préparation transfusionnelle

- La grossesse • Du risque maternel et fœtal

Prise en charge multidisciplinaire Discussion programme transfusionnel (transfusion simple ou échange)

ALLOGREFFE DE CSH DANS LA DREPANOCYTOSE

- Seul traitement curatif actuellement

- 200 allogreffes réalisées dans cette indication

- En cas de donneur HLA identique dans la fratrie

- A proposer aux formes graves de drépanocytoses de l'enfant • vasculopathie cérébrale avec ou sans AVC (DTC, angio/ITM) • échec Hydrea (STA, crises douloureuses sévères à répétition) • indication programme TS au long cours • osteonécroses multiples • polyimmunisation antiérythrocytaires • (retour au pays)

- Résultats • 90 % de survie, 80-85 % sans évènement • meilleurs résultats si enfant jeune • stabilisation ou lésions • risque gonadique

- Idéal : sélectionner le plus tôt possible les patients à haut risque pour proposer l'allogreffe de CSH avant la survenue de séquelles définitives

• prise en compte des facteurs modulateurs et des facteurs de gravité • surveillance régulière par DTC ± IRM à partir de 1 an

Page 40: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 12 -

CONCLUSION

• Ces dernières décennies, les progrès dans la prise en charge de la β thalassémie et de la drépanocytose ont permis d'améliorer considérablement l'espérance de vie deces patients qui atteignent maintenant l'âge adulte.

• Les familles puis les patients doivent en être informés pour une insertion sociale de qualité.

• Les contraintes thérapeutiques liées à la β thalassémie restent néanmoins lourdes.

• Les drépanocytaires sont exposés en permanence à la survenir d'accident aigus.

• Actuellement, le seul traitement curatif est l'allogreffe de CSH en cas de donneur HLA identique dans la fratrie.

• Dans ce cas, ce traitement doit être proposé systématiquement dans la β thalassémie et dans les formes graves de drépanocytose.

Page 41: Referentiel Module 10 II

- 1 -

ANEMIES HEMOLYTIQUES Pr P. Feugier–– Question ECN n° 297 — Orientations diagnostiques devant une anémie

• Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents • Argumenter l'attitude thérapeutique dans les anémies carentielles et planifier leur suivi

I – MECANISME

Raccourcissement de la durée de vie du GR < 120 jours

Hypercatabolisme de l'Hb Hémolyse intravasculaire

A — HEMOLYSE INTRATISSULAIRE

Macrophages (foie – rate)

HypercatabolismeHb

Bilirubine libre

B — HEMOLYSE INTRAVASCULAIRE

Isolée ou associée à hémolyse intratissulaire (massive)

HB circulatoire fixation haptoglobine

Haptoglobine

Complexe Hb – Haptoglobine

Macrophages

Haptoglobine Hb Consommation Albumine Plasma Méthémalbumine Urines

Février 2009

Page 42: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 2 -

C — MECANISMES DES HYPERHEMOLYSES

Anomalies constitutionnelles ou acquises – Origine extra ou intracorpusculaire 1) Forme anormale

Plasticité

Rétention petits vaisseaux (rate)

A. Constitutionnelles Acquises

Sphérocytose Schizocytose

Elliptocytose

Drépanocytose 2) Membrane anormale

Surface altérée "reconnue" par macrophages

Phagocytose

GR + AC Inclusions + GR Complément + GR H immunes Corps de Heinz Hémolysine Déficits enzymatiques M. Michell Plasmodium AC non AC Intoxications

Agglutinants Agglutinants

Page 43: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 3 -

3) Résistance GR rate

A. métaboliques enzymatiques

Sphérocytose héréditaire

4) Mb GR rompue brutalement

Fracture mécanique

Agression chimique

Agression mécanique

II – CLINIQUE

Anémie NN (ou macrocytaire)

Régénérative ( réticulocytes)

Bilirubine libre +/-

Haptoglobine

LDH / Hbémie / Hburie

• Lithiase vésiculaire "pigmentaire" (A. constitutionnelles)

• Ulcères de jambes

• Conséquences de l'hémochromatose secondaire

• Conséquences de l'hypoxie chronique

• Conséquences de l'hyperplasie érythroblastique prolongée

III – HEMOLYSES IMMUNOLOGIQUES

A – ISO-IMMUNES

Ac Ag étranger

Transfusion récente Maladie hémolytique périnatale

Gr transfusés reconnus Ac mère

Par Ac naturels ou acquis

Ag fœtus (père) (Rh)

B – AUTO-IMMUNES

Ac Ag normal GR

Page 44: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 4 -

C – IMMUNO-ALLERGIQUES

Fixation (Ac + Ag) + GR (substrat passif)

Allergènes Sulfamides

(Pénicilline) quinine Rifampicine

DIAGNOSTIC

COOMBS Direct +

Iso Immune Auto Immune Circonstances Elution de l'AC + (IgG + C)

IMMUNO-ALLERGIE

Circonstances Elution - (c)

Pénicilline + Quinine Coombs indirect Sulfamides Sérum patient (+ allergènes) Rifampicine + GR témoins

IV – AH AUTO-IMMUNES

A – ETIOLOGIES

• LLC, LMNH, Waldenström • LE, sclérodermie • Viroses (MNI, CMV) (IgM / IgG anti-I) • Mycoplasme (IgM Polyclonale anti-I) • Hépatite virale • Infections rhino-pharyngées virales (enfant) (IgG anti-P + C) • Cirrhose • Tr ovaire • Toxiques (Aldomet, Levodopa, Ponstyl) • 50 % idiopathies

Maladie chronique des AF (IgM monoclonales anti-I) Auto-immunisation isolée(IgG ou IgM ou C ou mixte)

B – CLINIQUE

• Hémolytique aiguë ou chronique Agglutinines froides NF 37°C GS difficile (aggl spontanée)

Page 45: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 5 -

C – DIAGNOSTIC

COOMBS Direct +

Nature Ac Spécificité (élution)

IgG ou IgM Anti-I/i

+/- C Anti Rh

Anti P

C – EVOLUTION – TRAITEMENT

• AHAI aiguë virale ou mycoplasme Guérison spontanée +/- corticothérapie

• Formes chroniques Kc ovaire + médiaments Guérison après cause

• Hémopathies malignes Corticothérapie +++ Grave Persistant après RC LMNH LCC corticoïdes mal tolérés Splénectomie

• LE Evolution (+ / - Thrombopénie) // LE

• Maladie chronique des AF IgM monoclonales anti-I actives à froid + / - Hémopathies lymphoïdes Acrosyndrome Nécroses extrémités Cloraminophène + / - Waldenström Plasmaphérèses +/ - Abstention

• AHAI idiopathiques F aiguë Guérison spontanée + Cs F chronique (IgF ou mixtes) Pré… Idiopathiques Corticoïdes (1,5 – 2 mg/Kg/j) prolongés 1 mois + / - Splénectomie + / - I suppresseurs

Page 46: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 6 -

Page 47: Referentiel Module 10 II

- 1 -

ANEMIES FERRIPRIVES Pr P. Feugier–– Question ECN n° 297 — Orientations diagnostiques devant une anémie

• Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents • Argumenter l'attitude thérapeutique dans les anémies carentielles et planifier leur suivi

La plus fréquente des anémies : 30 % de la population (500 x 106)

- Pays "développés" 8 %

- Pays "sous-développés" 51 %

Février 2009

La plus fréquente des anémies

30 % de la population(500 x 106)

51 %8 %

Pays « sous développés »Pays « développés »

Page 48: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 2 -

I – CARENCES MARTIALES (JO 12/07/98)

Anémie microcytaire

• Hb < 130 g/l chez l'homme < 120 g/l chez la femme < 110 g/l chez la femme enceinte < 135 g/l naissance

Enfant < 110 g/l 0 – 6 ans < 120 g/l 6 – 14 ans VGM

• VGM > 70µ3 < 2 ans < 73µ3 2 – 6 ans < 80µ3 6 – 14 ans + adulte

Constitution de l’anémie ferriprive

• Réserves tissulaires infracliniques Ferritinémie Fer sérique +CS = nl Hb =nl

• Capacité saturation transferrine Ferritinémie Fer sérique + CS = nl Hb =nl

• Insuffisance de synthèse Hb Hb GR = nl + Mitoses Microcytose érythroblastiques

• Anémie hypochrome microcytaire Hb GR

Anémies hyposidérémiques – Fréquence +++

• Physiopathologie o Pertes excessives en fer

Hg distillantes +++ Hémolyses intravasculaires chroniques

o Insuffisances d'apport Nourrissons Femmes enceintes

o Malabsorptions Gastrectomies Pica Maladies inflammatoires du grête

Page 49: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 3 -

APPORTS ALIMENTAIRES

. Légumes verts, céréales, produits laitiers . Biodisponibilité < :

- 2 à 15 % absorption - dépend de la nature du repas

. Hb ou myoglobine des produits carnés / poissons (Foie +++)

. Biodisponibilité > :

- 20 à 40 % absorption

APPORTS ALIMENTAIRES – Fer = 15 à 20 mg/24 h

. FACTEURS FAVORISANTS : - Fer h – Fer non H - Acides ascorbiques Agents solubilisants le fer (AA, sucres…)

. FACTEURS INHIBANTS : - Chélateurs - Tannates (café, thé…) - Phytates, œuf…

ABSORPTION DUODENALE : 10 % quantité ingérée = 1 à 2 mg/24 h

FER NON HEMINIQUE

= inorganique (2/3 apports)

FER HEMINIQUE

= inorganique (1/3 apports)

Page 50: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 4 -

Hg distillantes – Principales étiologies

Page 51: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 5 -

• ORL Epistaxis répétées (Rendu Osler)

• Rénales Hématuries Maladie de Berger Hémodialyse

• Pulmonaires Hémosidérose

• Génitales Ménométrorragies o Organiques (fibromyomes) o Fonctionnelles règles abondantes

• Génitales Ménométrorragies o Organiques (fibromyomes)

• Digestives Hémorragies (+/- Tr hémostase)

Hernie hiatale (F > 50 ans) Gastrite Hg (alcool / AINS) Hémorroïdes Ulcère gastro-duodénal Recherche de sang dans les selles Gastrectomisés Bilan endoscopique +++ Cancers digestifs (gastrique + colon D) Parasitoses (ankylostome Bilharziose) Diverticule Meckel(enfant) Coureurs de fond

Souvent bilan négatif A répéter

Traitement d'épreuve Syndrome de Lasthénie de Ferjol

Insuffisances d'apport • Nourrissons (> 6ème mois)

Besoins 6 mg/j (0,75 mg de fer absorbé) Prématurés / jumeaux Hg prénatales Régime lacté prolongé (6ème mois)

• Adolescent (12 – 16 ans) Forte croissance +/- règles

• Grossesse (3ème trimestre) Pertes de fer importantes Multipares Apports au fœtus (500 – 700 mg) Hg délivrance (200 mg)

Diagnostic différentiel = hémodilution physiologique réserves (4ème mois) + absorption

Allaitement (Bilan équilibré)

• Tous les âges Carence alimentaire globale Régimes fantaisistes

Malabsorptions • Perversions alimentaires (Pica) • Malabsorption du grêle (fistules, M Whipple, Crohn, RCH, maladie cœliaque) • Erreurs alimentaires

Page 52: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 6 -

II – CLINIQUE

• Syndrome anémique Bien toléré

• Signes de sidéropénie Cheveux cassants Ongles aplatis fragiles : koïlonychie Lèvres sèches + fissures Glossite athrophique

Atrophie muqueuse gastrique Thromboses veineuses

Retard staturo-pondéral Infections Retard cognitif

III – BIOLOGIE

• NF Plaquettes Hb GR +/- Microcytose (VGM < 80µ3)

Valeurs nourrissons ++

Thrombocytose modérée Fer sérique + CS transferrine Coefficient saturation (< 10 %) Ferritine

IV – FRAGMENT SOLUBLE DU RECEPTEUR DE LA TRANSFERRINE

Domaine N – terminal cytoplasmique du récepteur de la transferrine circulant dans le plasma Reflète la quantité totale de récepteur Tf (80 % dans moëlle érythroïde)

Récepteur soluble Tf =

Activité médullaire érythrocytaire

Hyperplasie Hypoplasie Hémodialyse chronique Aplasie IRC + Carence en fer non augmentée si inflammation

Page 53: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 7 -

V – DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL

Anémies des maladies chroniques (Inflammatoires) (Perturbation du régime du fer)

Défaut biosynthèse des protoporphyrines

• Intoxication au plomb Plombémie + urie

• Carence Vit B6

• Anémies sidéroblastiques par déficit enzymatique (acide aminolévulinique synthétase)

Défaut de synthèse de la globine

• β thalassémie

• ∝ thalassémie

Hétérozygote

Electrophorèse hémoglobine

Hb A2 ≥ 3,5 %

Page 54: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 8 -

VI – TRAITEMENTS

• Etiologique

• Substitutifs Nourrissons 5 – 10 mg / kg / j) Adultes

Doses 150 – 200 mg/j en 2 prises hors repas (fer mieux absorbé dans estomac vide)

Formes : sels ferreux solubles Meilleure absorption Sulfate (Tardyferon (cp 250 mg)) Succinate (Inofer)(cp 100 mg)) Gluconate (Losferon (cp 80mg))

Fumarate (Fumafer (cp 200 mg)) Ascorbate (Ascofer (gél 245 mg)) Ferédrate (Ferrostane (c à c 34 mg))

Durée Restauration des réserves en fer Crise reticulocytaire (J10) Normalisation Hb (J30) Poursuite traitement 2 – 3 mois Contrôle ferritine à l'arrêt du traitement

Page 55: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 9 -

Si échec 1 – Observance du traitement ! 2 – Cause non traitée 3 – Erreur diagnostic 4 – Association à une autre étiologie 5 – Malabsorption du fer . Maladie intestinale

. Erreurs alimentaires (phophates, phytates, thé, lait, œufs, tétracyclines, chélateurs, carence vitamine C)

• Effets indésirables

Intolérance digestive (nausées, diarrhée) Formes liquides

VII – BILAN DU FER

• Alimentation 15 mg Fer / jour 1 mg absorbé

• Homme adulte stock mobilisable de fer = 1 g

• Pertes sanguines 10 – 20 ml sang 5 -10 mg pertes Fer

• Si carence en fer absorption intestinale (max : 3 – 4 mg/j)

• Homme adulte pertes 1–2 mg/j (peau – intestin – urines – sueur)

• Femme adulte pertes ≥ 15 mg/mois (menstruations = 2 - 3 mg/j)

Autres traitements

• Fer injectable 2 mg / Kg injection IV

Indications rares (mauvaise compliance, malabsorp-tion, déficit profond, gastrectomie)

Toxicité Choc anaphylactique (rare) Fièvre Pigmentation cutanée

• Transfusions : très rares anémies profondes et mal tolérées (sujets âgés, polypathologie, I coronariens...)

Page 56: Referentiel Module 10 II

P.Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 10 -

VIII – EXEMPLE – FEMME EN PERIODE D'ACTIVITE GENITALE

Page 57: Referentiel Module 10 II

- 1 -

ANEMIES – DEFINITION, ARBRE DECISIONNEL Pr P. Feugier –– Question ECN n° 297 — Orientations diagnostiques devant une anémie

• Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents • Argumenter l'attitude thérapeutique dans les anémies carentielles et planifier leur suivi

I — DEFINITION Diminution du taux d’hémoglobine

Normales • 13 g/dl M • 12 g/dl F • 11 g/dl Sujet « âgé » • 14 g/dl N Né • 11 g/dl Enfants < 7 ans • 10,5 g/dl Femme enceinte

Sans anomalie des leucocytes et des plaquettes

II — FAUSSES ANEMIES PAR HEMODILUTION Grossesse (2ème trimestre)

Vol plasmatique > Vol globulaire anémie si : Hb < 10,5 g/dl

(si normochrome et monocytaire

Splénomégalie importante (hypersplénisme)

Gammapathie monoclonale (IgM Waldenström)

Insuffisance cardiaque

III — SYMPTOMES LIES A L’ANEMIE Anémie chronique

• Pâleur cutanée et muqueuse • Polypnée - Tachycardie d’effort • Asthénie d’effort

• Polypnée permanente + Tachycardie • S. Systolique anorganique • Oedèmes membres inférieurs • Céphalées, vertiges, acouphènes, «mouches volantes»

Anémie aiguë • Mêmes symptômes (+ intenses) • Collapsus, soif intense

Février 2009

Page 58: Referentiel Module 10 II

P. Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 2 -

IV — CLASSIFICATION Diagnostic

1. VGM • Microcytaire < 80 µ3 • Macrocytaire > 100 µ3 • Normocytaire < 80 µ3

2. Réticulocytes

• Régénératif ≥ 120 G/l • Arégénératif < 120 G/l

3. Dosages

• Bilirubine libre " • LDH + Coombs direct • Haptoglobine " • Ferritine - Fer sérique + CSS

Hommes ♀ Femmes ♂ Percentiles

Tranches d'âges n 2,5 50 97.5 n 2,5 50 97.5

4-10 ans 60 77,8 82,60 89,9 64 78,00 84,0 89,5

11-14 ans 48 78,2 85,30 90,5 69 76,60 87,4 98,4

15-18 ans 42 80,4 89,10 93,5 45 75,20 88,5 96,8

19-25 ans 44 80,0 88,85 96,7 35 75,30 87,60 97,9

26-35 ans 57 80,9 89,9 99,9 47 73,10 91,0 99,2

36-45 ans 114 83,4 90,90 98,5 80 75,35 91,1 99,2

46-55 ans 74 83,0 92,65 104,1 41 86,40 91,3 99,3

56-65 ans 51 84,5 93,20 101,8 39 68,50 91,8 102,5

> 65 ans 21 86,1 93,5 99,2 13 80,30 91,1 97,2

Total 511 79,5 89,60 99,5 433 76,10 89,1 98,3

TOTAL 944

Hémolyse intravasculaire

Hbémie / Urie

Hémolyse

Carence en fer

Page 59: Referentiel Module 10 II

P. Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 3 -

Classification selon la taille des globules rouges

Page 60: Referentiel Module 10 II

P. Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 4 -

Page 61: Referentiel Module 10 II

P. Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 5 -

Page 62: Referentiel Module 10 II

P. Feugier — Question ECN n°297 – Orientations diagnostiques devant une anémie

- 6 -

Page 63: Referentiel Module 10 II

- 1 -

ADENOPATHIE SUPERFICIELLE Pr P. Feugier – Question ECN n° 291

• Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents

I - DEFINITION

Adénopathie : ganglion lymphatique > 1 cm de grand axe, dont la taille tend spontanément à augmenter au cours du temps.

II – RAPPEL ANATOMIQUE

Des différents gîtes ganglionnaires cliniquement accessibles. q.s.

III – DIAGNOSTIC POSITIF ET ETIOLOGIQUE

Il faut d’abord écarter ce qui n’est pas une adénopathie (ganglion physiologique, lipome, hernies, hidrosadénites, …) grâce à la clinique en s’aidant si besoin d’un examen échographique. L’interrogatoire notera ensuite les antécédents du patient : notion de cancer ou de lymphome, d’exérèse cutanée (même ancienne), de voyages récents en zone de parasitose, de promenades en forêt, liste de médicaments pris au long cours, allergie connue, activités professionnelles, jardinage, état vaccinal, facteurs de risque de MST, suivi dentaire, tabagisme, alcoolisme, … Il faut également rechercher d’éventuels signes généraux (fièvre, amaigrissement, prurit, …) et les quantifier. L’examen clinique recherchera l’existence d’adénopathies dans l’ensemble des aires ganglionnaires superficielles ainsi qu’une éventuelle hépatomégalie ou splénomégalie. Un schéma doit être réalisé. Il évalue la consistance, le nombre, le caractère mobile ou douloureux des adénopathies, leur mobilité, leur vitesse d’installation. Il sera complet, orienté par un éventuel point d’appel.

Mise à jour : mai 2011

Page 64: Referentiel Module 10 II

P. Feugier – Question ECN n° 332 – Splénomégalies

- 2 -

A l’issue de cette étape clinique, des examens complémentaires sont réalisés, le plus souvent orientés par les résultats de la première étape. En cas d’adénopathie isolée (ou regroupées au sein du même territoire), il faut rechercher une pathologie dans le territoire de drainage correspondant. Le caractère chaud douloureux mobile doit faire rechercher une cause infectieuse. Les microorganismes responsables sont nombreux qu’ils soient d’origine bactérienne (staphylocoque, streptocoque, brucellose, leptospirose, syphilis, tuberculose, maladie des griffes du chat….), virales (rougeole, rubéole, MNI, adenovirus, VIH,…) ou parasitaire (leishmaniose, toxoplasmose,…). L’absence de contexte infectieux doit faire évoquer une cause tumorale.

Si il n’y a aucun éléments d’orientation, il faut compléter le bilan en réalisant un hémogramme avec frottis, un bilan inflammatoire, une radiographie pulmonaire, une recherche de BK, des sérologies virales (VIH, MNI) ; enfin une cytoponction avec analyse microbiologique et cytologique peut orienter vers un diagnostic. Mais négative, elle n’élimine rien surtout en cas de suspicion de malignité où une biopsie doit venir confirmer ce diagnostic. L’attitude est proche en cas de polyadénopathies même si la répartition des étiologies est différente. Les polyadénopathies d’origine infectieuse sont souvent virales (MNI, VIH ). Sinon, les causes malignes (lymphomes, leucémie lymphoïde chronique, tumeurs solides) ou les maladies de système doivent être évoquées.

En cas de négativité, il faut surveiller le patient et refaire le point quelques semaines plus tard. Si besoin seront réalisés un scanner ou un morphoTEP avec injection, surtout en cas de suspicion de lymphomes. Une biopsie (par un chirurgien ou radioguidée) est systématiquement proposée si l’adénopathie ou les adénopathies persistent au delà d’un mois. Une attention toute particulière doit être portée aux conditions de prélèvements et à l’acheminement vers le laboratoire d’anatomopathologie.

IV – DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE

A – ADENOPATHIE ISOLEE (le plus souvent cervicale)

Penser avant tout à rechercher une cause loco-régionale : − Infectieuse : angine, abcès dentaire, furoncle, zona, plaie surinfectée, chancre syphilitique, maladie

des griffes du chat... − Néoplasique : exemple :

Si adénopathie cervicale : K. ORL+++, thyroïdien. Si adénopathie axillaire : K du sein++.

Cas particulier du ganglion de Troisier (adénopathie sus-claviculaire gauche interne) : souvent métastase d'un EOA sous-diaphragmatique : penser avant tout K. digestif ++.

Si aucune cause locale n'est retrouvée la biopsie est indispensable : Hodgkin, lymphome malin, B.B.S., tuberculose…)

B – POLYADENOPATHIES

− Le contexte clinique peut parfois les expliquer : maladie lupique, maladie de Still, polyarthrite rhumatoïde, maladie de Behcet.

− La numération formule sanguine a un bon "rapport qualité – prix" : o Elle permet parfois à elle seule de faire le diagnostic : leucémie aiguë, leucémie lymphoïde

chronique, syndrome mononucléosique (faire sérologies à la recherche de l'agent causal : EBV, CMV, toxoplasmose…).

o Elle montre des anomalies évocatrices : leuconeutropénie de la brucellose, des affections virales, de la primo infection à VIH (souvent associée à une thrombopénie).

Si la numération formule est normale, il faut biopsier l'une de ces adénopathies : Hodgkin, lymphomes, B.B.S. (et de préférence pas dans la région inguinale).

Page 65: Referentiel Module 10 II

P. Feugier – Question ECN n° 332 – Splénomégalies

- 3 -

V – CAS PARTICULIERS DES ADENOPATHIES PROFONDES

Généralement mises en évidence dans le cadre du bilan d'extension (scanner ou de plus en plus souvent morpho TEP avec injection, notamment si un lymphome est suspecté) d'une pathologie tumorale ganglionnaire révélée par une adénopathie superficielle (Hodgkin, LNH…), elles sont parfois découvertes de façon fortuite (RP systématique) ou peuvent être révélées par un tableau de compression : compressions cave-supérieure, bronchique, oesophagienne, nerveuse du syndrome de compression médiastinale, oedèmes des membres inférieurs en cas d'adénopathies lombo-aortiques ou iliaques.

S'il n'existe pas d'adénopathies superficielles susceptibles d'être biopsiées, un prélèvement pour étude histologique d'une de ces adénopathies profondes est généralement nécessaire. De plus en plus souvent, la chirurgie peut être évitée grâce aux techniques de radiologie interventionnelle qui permettent d'effectuer sous contrôle tomodensitométrique des ponctions biopsies transpariétales.

Page 66: Referentiel Module 10 II

- 1 -

MALADIE DE KAHLER

Pr P. Feugier – Question ECN n° 166 - Myélome multiple des os • Diagnostiquer un myélome multiple des os

I – DEFINITION

La maladie de Kahler ou myélome multiple (M.M.) des os est une prolifération maligne de la moelle osseuse, s'accompagnant habituellement d'une hyperproduction d'une immunoglobuline monoclonale. Cette maladie est généralement fatale.

II – EPIDEMIOLOGIE

Elle affecte l'adulte dans la 2ème moitié de la vie (95 % des patients sont âgés de plus de 40 ans, la plus grande fréquence se situant vers 60 ans) avec une légère prédominance masculine. Il n'y a pas d'étiologie connue. C’est une maladie rare représentant 1% de l’ensemble des cancers. Elle peut être précédée d’une gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS en anglais) dont 10% environ évolueront au cours de leur vie vers un véritable myélome.

III – PHYSIOPATHOLOGIE +++

La prolifération plasmocytaire

- Entraîne une destruction osseuse par sécrétion d'une cytokine qui active les ostéoclastes.

- Etouffe les cellules hématopoïétiques normales.

- Sécrète une immunoglobuline monoclonale.

Un M.M. peut donc se présenter sous 3 formes cliniques parfois associées :

- forme rhumatologique

- forme hématologique

- forme biochimique.

IV – SIGNES CLINIQUES

Il peut s’agir d’une découverte systématique sur un bilan biologique (gammapathie monoclonale). Le patient peut aussi se présenter avec des symptômes non spécifiques d'une baisse de l'état général liée à une anémie ou des douleurs mal systématisées.

Mise à jour : Mai 2011

Page 67: Referentiel Module 10 II

P. Feugier – Question ECN n° 166 – Myélome multiple des os

- 2 -

Forme osseuse ou rhumatologique :

- douleurs osseuses, en particulier au niveau des os plats soumis à des contraintes physiques (vertèbres ++ rachialgies, côtes) ; ces douleurs peuvent persister au repos (ce ne sont pas des douleurs mécaniques).

- fractures spontanées (liées à un traumatisme minime), tumeurs osseuses.

- hypercalcémie (urgence thérapeutique)

- compression médullaire qui est une urgence thérapeutique (IRM médullaire, avis neurochirurgical puis décompression chirurgicale ou radiothérapie en urgence)

Forme hématologique avec les signes d’insuffisance médullaire Forme biochimique :

• hyperprotidémie responsable d’une hyperviscosité

insuffisance rénale (urgence thérapeutique) aux mécanismes multiples : a) Tubulaire

— Tubulopathie par dépôt Ig (première cause) : — Iatrogène (iode) : Attention aux examens d'imagerie avec injection de produit de

contraste

b) Interstitielle : — Néphrocalcinose (hyercalcémie)

c) Obstructive : — lithiases calciques ou uriques

d) Glomérulaire : — Amylose AL secondaire, syndrome de Randall, cryoglobulinémie

e) Fonctionnelle : — déshydratation (hypercalcémie)

hypercalcémie (urgence thérapeutique)

V – SIGNES RADIOLOGIQUES

Inconstants, mais quasi-pathognomoniques lorsqu'ils existent, surtout au niveau du crâne et du bassin, des géodes ostéolytiques arrondies ou ovalaires, "à l'emporte pièce", sans condensation péri-lésionnelle. Au niveau du rachis, l'aspect est plus souvent celui d'une déminéralisation diffuse. En cas de suspicion de compression médullaire, une IRM du rachis doit être réalisée en urgence. Une IRM est aussi indiquée en cas de myélome asymptomatique, à la recherche de lésions infraradiologiques. Au moindre doute, une IRM du rachis doit être réalisée à la recherche de tassements vertébraux et d’éventuels signes de compression.

VI – SIGNES BIOLOGIQUES

— L'hémogramme est souvent normal au début. Sur les frottis : formation de rouleaux érythrocytaires. Au cours de l'évolution une pancytopénie apparaît progressivement (avec ses conséquences cliniques).

— Pas de plasmocytose sanguine habituellement. La VS est souvent très accélérée (> 100 mm à la 1ère heure).

Page 68: Referentiel Module 10 II

P. Feugier – Question ECN n° 166 – Myélome multiple des os

- 3 -

— Le myélogramme montre une moelle infiltrée par un pourcentage variable de plasmocytes (souvent > 10%) normaux ou anormaux. La biopsie ostéomédullaire est rarement nécessaire.

— Les anomalies biochimiques comportent dans les formes classiques une hyperprotidémie (souvent > 100 g/l), à l'électrophorèse un pic étroit le plus souvent dans la zone des gammaglobulines (un pic dans la région bêta est évocateur d’une gammapathie à IgA). L’électrophorèse met aussi en évidence une hypogammaglobulinémie. L'immuno-électrophorèse ou l’immunofixation précise le type de l'immunoglobuline monoclonale, dans la majorité des cas chaînes lourdes gamma et chaînes légères kappa. Le dosage quantitatif des immunoglobulines montre la diminution des immunoglobulines résiduelles. Il n’a ensuite aucun intérêt dans le suivi biologique du myélome. Plus récemment, le dosage des chaînes légères plasmatiques trouve son intérêt notamment dans les myélomes à chaînes légères. On retrouve dans les urines une protéinurie de Bence Jones qui est en fait la chaîne légère monoclonale. L'augmentation de la bêta 2 microglobuline est habituelle dans les formes évoluées et constitue un critère de mauvais pronostic. Une étude génétique est de plus en plus souvent réalisée à la recherche d’anomalies de type délétion du 13 (mauvais pronostic), délétion 17 ou translocation 4-14.

VII – FORMES CLINIQUES

— Selon le type d'immunoglobuline monoclonale. Myélomes IgG les plus fréquents, IgA souvent plus graves, IgD et IgE très rares.

— Les myélomes à chaînes légères (fréquent également et de mauvais pronostic) et les myélomes non sécrétants ne s'accompagnent pas du syndrome biologique habituel.

— Formes plus limitées : plasmocytome solitaire, osseux ou extra-osseux ou au contraire rares leucémies à plasmocytes.

VIII – DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL

Maladie de Waldenström (infiltration médullaire lymphoplasmocytaire et gammapathie à IgM) MGUS = Monoclonal Gammapathies of Undermined Significance qu'on distinguera des véritables M.M. en fonction des CRITERES du SWOG (Kyle) : Critères majeurs : I. Plasmocytose médullaire > 30 %

II. Plasmocytome histologiquement prouvé III. Pic monoclonal sérique IgG>35 g/l ou IgA>20 g/l – Bence Jones>1g/l

Critères mineurs : a. Plasmocytose 10 – 30 % b. Pic monoclonal IgG < 35 g/l, IgA < 20 g/l c. Lésions ostéolytiques d. Baisse des immunoglobulines polyclonales Le diagnostic est certain si : I + b, I + c, I + d

II + b, II + c, II + d III a + b + c a + b + d

Remarque Les critères diagnostiques et surtout de mise en route du traitement ont été définis sur le plan international et reposent sur la présence d’une plasmocytose supérieure ou égale à 10% dans la moelle, l’existence d’une gammapathie monoclonale et un symptome défini par une hypercalcmémie (C), une atteinte rénale (R), une anémie (A) ou une atteinte osseuse (Bone en anglais) correspondant aux critères « CRAB ».

Page 69: Referentiel Module 10 II

P. Feugier – Question ECN n° 166 – Myélome multiple des os

- 4 -

Ces critères internationaux permettent également de définir une MGUS comme associant une gammapathie (G ou A) inférieure à 3g et/ou une plasmocytose de moins de 10% médullaire en l’absence de critères CRAB.

IX – EVOLUTION – COMPLICATIONS

Infectieuses, neurologiques, amylose.

Métaboliques : hypercalcémie (urgence ++) Hyperprotidémie Insuffisance rénale (fréquence ++) Hématologiques (insuffisance médullaire)

X – PRONOSTIC

La survie moyenne est d'environ 3 ans et s'établit en fonction des critères de SALMON et DURIE. Stade I : IgG < 50 g/l – IgA < 30 g/l – BJ < 4 g/24 H Pas de lésion osseuse Hb, Ca : normaux Survie > 60 mois

Stade II : Ni I ni III Survie environ 41 mois

Stade III : IgG > 70 g/l – IgA > 50 g/l – BJ > 12 g/24 H Lésions osseuses diffuses Hb < 8,5 g - Ca > 120 Survie environ 23 mois

"Ces critères sont actuellement moins utilisés et progressivement remplacés par l'Index Pronostique International (IPI) suivant :

STADE CRITERES SURVIE MEDIANE

I β2m < 3,5 mg/l Albumine ≥ 35 g/l

62 mois

II

β2m < 3,5 mg/l et albumine < 35 ou

β2m ≥ 3,5 mg/l et < 5,5

44 mois

III β2m ≥ < 5,5 mg/l

29 mois

XI – TRAITEMENT

Symptomatique : des complications infectieuses et des anomalies biochimiques : hypercalcémie (biphosphonates IV), hyperprotidémie (plasmaphérèses), insuffisance rénale (hémodialyse).

Spécifique :

Les moyens thérapeutiques :

— Chimiothérapie « historique » de type « ALEXANIAN » (Melphalan + Prednisone per os en cures discontinues).

— Corticothérapie à fortes doses

— Intensification suivie d’autogreffe de cellules souches sanguines

— Thérapies ciblées dont le développement est en plein explosion :

— Inhibiteur du protéasome : Velcade

— Immunomodulateurs : Thalidomide, Revlimid,…

Page 70: Referentiel Module 10 II

P. Feugier – Question ECN n° 166 – Myélome multiple des os

- 5 -

Les myélomes asymptomatiques sont surveillés attentivement mais non traités.

Les patients symptomatiques de plus de 65 ans bénéficient de l’association « Alexanian » avec thalidomide ou velcade. Les sujets plus jeunes doivent bénéficier d’une intensification suivie d’autogreffe après un traitement d’induction qui a longtemps été une polychimiothérapie mais qui associe désormais des corticoïdes à fortes doses (dexaméthasone) et des thérapies ciblées (velcade, revlimid). Un traitement par biphosphonate doit être proposé en cas d’atteinte osseuse. Les soins de support notamment antalgiques, doivent être systématiquement associés dans une maladie encore incurable, responsable de douleurs majeures nécessitant presque toujours le recours aux morphiniques.

Page 71: Referentiel Module 10 II

- 1 -

MALADIE DE VAQUEZ Pr P. Feugier – Question ECN n° 165

• Diagnostiquer une maladie de Vaquez

I – DEFINITION – GENERALITES

La maladie de Vaquez (polycythemia vera) est le syndrome myéloprolifératif de la lignée érythrocytaire. Elle se caractérise par une polyglobulie plus ou moins associée à une inflation des deux autres lignées myéloïdes, granuleuse et mégacaryocyto-plaquettaire. Il s'agit d'une maladie de l'adulte généralement dans la 2ème moitié de l'existence, affectant un peu plus les hommes que les femmes (sex ratio 3/2). Son incidence est de 1 cas pour 100 000 habitants. On ne lui connaît aucune étiologie (par opposition aux polyglobulies secondaires).

Les quatre principaux syndromes myéloprolifératifs sont :

• La leucémie myéloïde chronique (LMC) caractérisée par la présence d’une translocation 9-22 (chromosome Philadelphie)

• 3 autres syndromes myéloprolifératifs « Philadelphie négatif » mais où peut être mis en évidence une mutation V617F de JAK 2 :

o La maladie de Vaquez

o La thrombocytémie essentielle

o La splénomégalie myéloïde ou myélofobrose aiguë

II – CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE

Le diagnostic est souvent fortuit, à l'occasion d'un hémogramme systématique mettant en évidence une inflation de la lignée rouge (Hématocrite >54 % chez l'homme, >47 % chez la femme).

Des signes fonctionnels peuvent révéler la maladie : "syndrome de pléthore cérébrale" : céphalées, vertiges, sensation de tête lourde… essentiellement. Plus rare, mais très évocateur est le prurit à l'eau survenant au contact de l'eau (signe du bain).

Rarement la maladie peut être découverte à l'occasion d'une complication : crises érythromélalgiques des extrémités (définies comme des douleurs paroxystiques avec gonflement et chaleur au niveau des extrémités des membres inférieurs ou supérieurs) déclenchées par le chaud le plus souvent

et surtout accidents thrombotiques +++ dans n'importe quel territoire vasculaire, ou paradoxalement accidents hémorragiques.

Mise à jour : Mai 2011

Page 72: Referentiel Module 10 II

P. Feugier – Question ECN n° 165 – Maladie de Vaquez

- 2 -

III – CONSTATATIONS CLINIQUES

L'érythrose cutanéo-muqueuse, particulièrement marquée au niveau de la face et des conjonctives, est un signe majeur mais néanmoins d'appréciation subjective. Une splénomégalie est palpable, rarement au tout début de la maladie, presque constamment après plusieurs d'années d'évolution.

IV – SIGNES BIOLOGIQUES

L'hémogramme met en évidence une polyglobulie : Hb > 18 g chez l'homme, > 17 g chez la femme ; hématocrite > 54% chez l’homme et > 47% chez la femme. Cela doit être confirmé par la mesure isotopique du volume globulaire total (> 36 ml/kg chez l'homme, > 32 mg/kg chez la femme, ou > 25 % du volume théorique), afin d'éliminer une fausse polyglobulie. Cette vérification est inutile si l’hématocrite dépasse 60%.

Dans plus de la moitié des cas on retrouve une hyperleucocytose et/ou une hyperplaquettose modérée qui constituent un argument important pour le diagnostic de maladie de Vaquez (syndrome myéloprolifératif). Les fréquentes anomalies fonctionnelles (hypoagrégabilité) des plaquettes expliquent les manifestations hémorragiques paradoxales chez ces patients hyperplaquettaires. Classiquement la vitesse de sédimentation est très basse ("anormalement normale") : 0 à 1 mm à la 1ère heure.

Le myélogramme et la biopsie médullaire ne sont pas toujours nécessaires au diagnostic (notamment en cas de mutation JAK2, cf infra les critères OMS). Habituellement la moelle est riche avec hyperplasie des 3 lignées. La biopsie médullaire permet d'évaluer une éventuelle fibrose médullaire faisant suspecter l'éventualité d'une transformation en splénomégalie myéloïde.

V – DIAGNOSTIC POSITIF

La constatation d'une polyglobulie, confirmée par méthode isotopique (volume globulaire total > de 25 % à la valeur théorique), s'accompagnant cliniquement d'une splénomégalie et biologiquement d'une augmentation leuco-plaquettaire, et ne relevant d'aucune cause secondaire (cf diagnostic différentiel…) est très évocateur de maladie de Vaquez. Pour confirmer ce diagnostic, différérents examens complémentaires sont utilsés qui permettent de rassembler les critères diagnostiques définis par la classification OMS 2008.

La biologie moléculaire a récemment (en 2005) permis de mettre en évidence dans plus de 90% des cas une mutation acquise (V617 F) dans le gène de la tyrosine kinase JAK2, localisé sur le chromosome 9. Cette anomalie peut également être retrouvée, mais moins fréquemment, dans la thrombocytémie essentielle et la splénomégalie myéloïde (50% des cas environ).

Le dosage de l'érythropoïétine (EPO) : Contrairement aux polyglobulies secondaires où le taux d'EPO est constamment élevé, l'EPO sérique est à la limite inférieure de la normale ou même franchement abaissée dans la maladie de Vaquez.

Le caryotype : il n'y a pas d'anomalie constante (comme le chromosome Phi dans la L.M.C.) mais une anomalie clonale peut être constatée dans 10 à 15 % des cas.

La culture de progéniteurs érythroblastiques : permet d'obtenir une pousse spontanée des colonies érythrocytaires (BFU-E) en l'absence d'érythropoïétine alors que chez le sujet normal (ou dans les polyglobulies secondaires) cette hormone est nécessaire pour obtenir une croissance cellulaire.

VI – CRITERES DIAGNOSTIQUES O.M.S. 2008 DE LA MALADIE DE VAQUEZ

Critères majeurs (A) Critères mineurs (B)

A1 VG Total >25 % de la valeur théorique B1 Prolifération des trois lignées sur la BOM

A2 Présence de la mutation V617 de JAK2 B2 EPO sérique basse

B3 colonies érythrocytaires endogènes

Page 73: Referentiel Module 10 II

P. Feugier – Question ECN n° 165 – Maladie de Vaquez

- 3 -

Le diagnostic est confirmé si : - présence des critères A1 et A2 + 1 critère mineur - ou critère A1 et deux critères B

VII – DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL

Fausses polyglobulies : déshydratation, hémoconcentration, thalassémie mineure

Polyglobulies secondaires : ce ne sont pas des syndromes myéloprolifératifs : la splénomégalie, l'hyperplaquettose, l'hyperleucocytose sont absentes. Il s'agit d'une stimulation de la lignée érythroblastique par un excès d'érythropoïétine le plus souvent d'origine hypoxémique (BPCO et toutes insuffisances respiratoires chroniques, cardiopathies congénitales, hémoglobines hyperaffines, plus rarement paranéoplasique (cancer du rein ++)

o En pratique, l’examen clinique recherche un syndrome cérébelleux (hémangioblastome du cervelet), une échographie abdomino-pelvienne ou un scanner rechercheront la présence d’une tumeur rénale, utérine ou hépatique et l’étude des gaz du sang permettra d’évoquer une maladie respiratoire.

Autres syndromes myéloprolifératifs : en fait des formes de passage sont possibles avec la thrombocytémie essentielle et surtout la splénomégalie myéloïde

Erythrocytose pure : caractérisée par une inflation isolée de la lignée rouge, ce n'est pas un syndrome myéloprolifératif et il n'y a donc pas de risque d'évolution ultérieure en leucémie aiguë. Par contre, le risque de complications thrombotiques est identique

VIII – EVOLUTION

Correctement surveillée et traitée, une maladie de Vaquez est susceptible d'évoluer de façon paisible durant de longues années (10 à 20 ans). L'espérance de vie, souvent normale, de ces patients est toutefois susceptible d'être minorée par la survenue de complications.

Complications thrombotiques : susceptibles d'intéresser tous les territoires vasculaires (artériels, veineux, splanchniques). Elles peuvent révéler la maladie et certaines localisations (syndrome de Budd-Chiari = thrombose des veines sus-hépatiques) sont très évocatrices. Elles justifient la prescription systématique d’antiagrégants plaquettaires

Complications hémorragiques relativement rares, dues aux anomalies fonctionnelles des plaquettes (hypoagrégabilité)

Transformation en splénomégalie myéloïde : généralement après de longues années d'évolution (10 à 20 ans) le tableau se modifie avec une augmentation parfois considérable du volume splénique et l'apparition de signes d'insuffisance médullaire : pancytopénie avec en outre une érythromyélémie modérée. La biopsie médullaire (indispensable à ce stade) met en évidence une myélofibrose collagène marquée avec raréfaction des plages hématopoïétiques. Le traitement est essentiellement symptomatique

Transformation en leucémie aiguë : c'est l'aboutissement inéluctable de la maladie de Vaquez si le patient n'est pas décédé auparavant d'une autre cause. Cette acutisation peut soit succéder directement à la polyglobulie, soit survenir après une éventuelle transformation en splénomégalie. Le pronostic est très mauvais – quelques mois de survie - quelle que soit la prise en charge thérapeutique

IX – TRAITEMENT

Son objectif est de normaliser le volume globulaire en permanence de façon à éviter au patient les complications thrombotiques susceptibles d'écourter une survie théoriquement longue.

Page 74: Referentiel Module 10 II

P. Feugier – Question ECN n° 165 – Maladie de Vaquez

- 4 -

Il comporte de toute façon la prise quotidienne (75 à 100 mg) d'anti-agrégant plaquettaire (par exemple acide acétylsalicylique à 75 ou 100 mg/J (sauf complications hémorragiques). Les saignées peuvent être utilisées en urgence pour diminuer rapidement l'hématocrite, mais ne constituent pas habituellement un traitement de fond car elles ne diminuent pas le risque thrombotique, elles entraînent une carence martiale et une hyperplaquettose qui pourrait favoriser l’évolution vers une myélofibrose.

Le traitement spécifique repose généralement sur :

1. les antiagrégants plaquettaires

2. la correction de tous les facteurs de risque cardiovasculaire associés

3. un traitement cytoréducteur :

- L’interferon pegylé chez les sujets « jeunes » (moins de 60 ans) (pas de risques d'augmenter les transformations)

- Des cytotoxiques chez les sujets de plus de 60 ans :

o HYDREA (hydroxyurée) de maniement commode et comportant peu d'effets secondaires (cutanéo-muqueux).

o Une alternative est le VERCYTE (Pipobroman) qui est toutefois susceptible d'augmenter le risque de transformation en leucémie aiguë, contrairement à l’HYDREA.

o Le Phosphore 32, utilisé en principe seulement chez les personnes âgées (>70 ans) est quasiment plus utilisé en raison des risques importants de myélodysplasies et leucémies aiguës secondaires.

Page 75: Referentiel Module 10 II

- 1 -

LYMPHOMES MALINS

Pr P Feugier – Question ECN n° 164 - Lymphomes malins

• Diagnostiquer un lymphome malin

DEFINITION

Les lymphomes malins sont des proliférations malignes, généralement non leucémiques, des éléments cellulaires qui composent le tissu lymphoïde.

Deux affections se partagent cette entité nosologique : La Maladie de Hodgkin (M.H.) et les Lymphomes Malins Non Hodgkiniens (L.N.H.).

I — LA MALADIE DE HODGKIN

Se caractérise sur le plan histologique par une hyperplasie du ganglion dont l'architecture est totalement remaniée, scléronodulaire ou diffuse. En son sein prolifèrent de grandes cellules mononucléées ou multinucléées (cellules de Hodgkin ou de Reed-Sternberg – "HRS cells" – cellules issues des lymphocytes B) qui coexistent avec un granulome inflammatoire (lymphocytes, polynucléaires neutrophiles et éosinophiles, histiocytes, plasmocytes). Cet aspect est caractéristique de la maladie dont le diagnostic positif repose donc obligatoirement sur l'étude histologique d'une biopsie ganglionnaire.

Son étiologie est inconnue, la maladie survenant le plus souvent chez l'adulte entre 20 et 40 ans ; il existe un deuxième pic de fréquence vers la soixantaine. Circonstances du diagnostic :

— La plus fréquente est l'apparition d'une ou plusieurs adénopathies dans les gîtes superficiels – le siège cervical est le plus fréquent – ou profonds – généralement au niveau du médiastin antéro-supérieur, découverts fortuitement lors d'une radiographie pulmonaire systématique ou au contraire révélés par un tableau de compression médiastinale (compression cave supérieure en particulier).

— Des signes généraux non spécifiques peuvent constituer les premiers symptômes de la maladie : fièvre inexpliquée depuis plus de 8 jours, sueurs nocturnes profuses, amaigrissement > 10 % du poids du corps. Le prurit "sine materia", c'est-à-dire sans lésion dermatologique est rare, les douleurs après ingestion d'alcool sont exceptionnelles.

— Enfin le patient peut entrer dans sa maladie à l'occasion d'une complication, essentiellement localisation tumorale au niveau d'un viscère (foie, poumon, moelle osseuse…).

— Bien entendu ces 3 tableaux sont susceptibles d'être associés de façon variable.

Mise à jour : Mai 2011

Page 76: Referentiel Module 10 II

P. Feugier – Question ECN n° 164 – Lymphomes malins

- 2 -

Les examens biologiques reflètent l'évolutivité de la maladie : accélération de la VS et anomalies des autres constantes à visée inflammatoire, éosinophilie aussi classique que rare, anémie inflammatoire, dosage des LDH, bilan hépatique (discuter une biopsie hépatique en cas de cytolyse).

Une fois le diagnostic assuré par l'étude histologique d'une biopsie ganglionnaire, il faut effectuer un bilan d'extension (en quelque sorte un "état des lieux") qui comportera au minimum un examen clinique rigoureux (faire un schéma ++ indiquant l'éventuelle atteinte des organes lymphoïdes superficiels : ganglions, rate), des examens d'imagerie (le morpho TEP avec injection, couplant scanner corps entier et TEP, a désormais supplanté le scanner corps entier pour le bilan initial d’une maladie de Hodgkin ; la radiographie pulmonaire reste d’actualité notamment pour éventuellement mesurer le diamètre médiothoracique d’une masse médiastinale),de même qu'une biopsie médullaire qui est systématiquement réalisée.

En fonction des résultats, le stade clinique (stades de la classification d'Ann-Arbor revue à Costwolds) sera déterminé :

Stade I : Atteinte d'une seule aire ganglionnaire Stade II : Atteinte de plusieurs aires ganglionnaires, du même côté du diaphragme. Stade III : Atteinte de plusieurs aires ganglionnaires de part et d'autre du diaphragme (la rate est

considérée comme un ganglion).

Stade IV : Atteinte d'un organe extra lymphatique non contigu à une adénopathie

A : Absence de signes généraux. B : Présence de signes généraux. E : Atteinte par contiguïté d'un organe non lymphatique X : Présence d'une masse ganglionnaire de + de 10 cm.

Exemple : Un homme de 25 ans, fébrile à 38,5° depuis 3 semaines présente une M.H. diagnostiquée sur la biopsie d'un ganglion sus-claviculaire gauche. Le bilan d'extension retrouve une volumineuse tumeur ganglionnaire médiastinale de 13 cm de grand axe, ayant érodé le sternum. La rate est palpable à 4 cm sous le rebord costal et le scanner montre des adénopathies lombo-aortiques gauches. La biopsie médullaire est négative. Conclusion : il s'agit d'un stade III EBX.

Cette classification a un double intérêt :

— Pronostique : on guérit actuellement 95 % des stades I et II A et seulement 60 % des stades III B et IV.

— Thérapeutique : elle permet de définir la stratégie thérapeutique, un stade II recevant évidemment un traitement beaucoup moins lourd qu'un stade IV.

Il convient ensuite de réaliser un bilan pré thérapeutique qui comportera un électrocardiogramme et une échographie cardiaque avec mesure de la fraction d’éjection (indispensable car le patient recevra un traitement à base d’anthracycline qui ont une toxicité cardiaque de même que la radiothérapie), des épreuves fonctionnelles respiratoires (toxicité potentielle de la bléomycine, de la radiothérapie), bilan hépatique et étude de la fonction rénale, sérologies hépatites B, C et VIH, congélation de sperme (CECOS), discuter une cryoconservation d’ovaires. Traitement :

Le schéma thérapeutique actuel repose dans les stades I et II sur une chimiothérapie première (le protocole de référence est dit ABVD : Adriamycine, Bléomycine, Vinblastine, DTIC) avec 3 ou 4 cures mensuelles complétées par une irradiation à 30 grays des gîtes initialement envahis. Dans les stades III et IV, le traitement de référence comporte 8 cures d’ABVD sans radiothérapie complémentaire. L’utilisation du TEP avec injection pourrait permettre, en détectant les bons et mauvais répondeurs précoces, d’adapter l’intensité du traitement (intensification en cas de réponse médiocre, diminution du nombre de cures en cas de réponse précoce complète) ; ceci est évalué dans le cadre d’essais cliniques.

Page 77: Referentiel Module 10 II

P. Feugier – Question ECN n° 164 – Lymphomes malins

- 3 -

Résultats :

Tous stades confondus, on parvient actuellement à guérir plus de 75 % des patients. Ces excellents résultats, pour une maladie qui était encore régulièrement mortelle il y a moins d'un demi-siècle, sont malheureusement grevés d'un certain nombre de risques et de séquelles :

— Toxicité des chimiothérapies (cardiaque pour l'Adriamycine, pulmonaire pour la Bléomycine, neurologique pour la Vinblastine…) et de l'irradiation médiastinale (cœur, poumon…). C’est pourquoi il est indispensable de corriger tous les facteurs de risque de pathologie cardio-pulmonaire associés, au premier rang desquels le tabagisme et de surveiller les patients guéris à long terme.

— Stérilité : fréquente chez l'homme (nécessité de réaliser avant traitement une congélation de sperme), plus rare chez la femme.

— Problèmes sociaux : retards scolaires, difficultés d'embauche et de prêts bancaires…

— Tumorogénèse : essentiellement risque élevé de leucémie aiguë secondaire dans les 5 à 10 ans suivant le traitement.

II — LES LYMPHOMES MALINS NON HODGKINIENS

Par rapport à la M.H., les L.N.H. constituent un groupe de tumeurs beaucoup plus disparates, tant en ce qui concerne leur aspect histologique, leur présentation clinique et leur pronostic qui, d'une façon générale, est beaucoup moins bon que celui de la M.H.

Fait important à noter, leur fréquence augmente régulièrement, d'environ 4 % par an depuis 20 ans (avec une stabilisation récemment), cette progression inquiétante étant pour l'instant inexpliquée. Ils peuvent survenir à tout âge de la vie avec un pic aux environs de 60 ans et affectent un peu plus souvent les hommes (60 %) que les femmes (40 %).

Leur étiologie reste inconnue même si parfois on peut incriminer l'intervention d'une infection virale (EBV, VIH, HTLV1, VHC) ou bactérienne (helicobacter pylori et lymphomes de la zone marginale de type MALT-lymphome développés aux dépens du tissu lymphoïde associé aux muqueuses gastriques). L’immunodépression joue également un rôle important (cf fréquence plus importante chez les sujets âgés, chez les patients VIH positifs, dans le cadre de déficit immunitaire, après transplantation d’organes,…). Enfin plus récemment ont été incriminés des facteurs environnementaux et notamment les pesticides dans le cadre des LNH de type folliculaire.

Le diagnostic est généralement facile et soupçonné d'emblée en fonction de la présentation clinique : polyadénopathies superficielles augmentant progressivement de volume, syndrome de compression cave supérieure traduisant une masse ganglionnaire médiastinale, tableau sub-occlusif lié à la présence d'adénopathies coelio-mésentériques que l'imagerie met en évidence. Il peut s'avérer plus délicat en cas d'atteinte extra-ganglionnaire isolée : anneau de Waldeyer, splénomégalie isolée ou localisations viscérales fréquentes (25 % des cas) et susceptibles d'intéresser n'importe quel organe de l'organisme. Beaucoup plus rarement les premiers symptômes d'un L.N.H. sont des signes généraux isolés.

Dans tous les cas, le diagnostic repose sur l'examen anatomo-pathologique d'un prélèvement de tissu tumoral afin d'en effectuer l'étude morphologique (cytologie et histologie) immuno-phénotypique et si possible moléculaire et cytogénétique.

La classification histologique actuellement en vigueur (classification 2001 de l'OMS) distingue schématiquement les L.N.H. selon leur immuno-phénotype B (85 % des cas) ou T ou NK puis en fonction

A partir de ces données, les cliniciens ont pris l'habitude de distinguer des lymphomes d’évolution agressive (l’exemple type en est le lymphome B diffus à grandes cellules) potentiellement mortels à court terme sans traitement, mais qui peuvent être guéris par un traitement intensif, par opposition aux lymphomes de faible grade de malignité (lymphomes folliculaires, lymphome de la zone marginale) moins chimiosensible mais d’évolution plus lente, souvent constitué de cellules lymphomateuses à petites cellules (l’exception est le lymphome du manteau, lymphome à petites cellules qui a une évolution agressive).

Page 78: Referentiel Module 10 II

P. Feugier – Question ECN n° 164 – Lymphomes malins

- 4 -

Cette distinction notamment concernant la chimiosensibilité doit être réévaluer avec les nouvelles immuno-chimiothérapies.

Au sein des proliférations B, les lymphomes folliculaires représentent un modèle de lymphome indolent alors que les lymphomes diffus à grandes cellules constituent le prototype des lymphomes agressifs ; les proliférations T sont généralement toutes considérées comme agressives.

Une fois le diagnostic assuré, l'extension de la maladie est évaluée de façon tout à fait habituelle par l'examen clinique et par l'imagerie : le scanner thoraco-abdomino-pelvien en est l'élément essentiel. Le morphoTEP avec injection (TEP couplé au scanner) est en train là aussi comme pour la maladie de Hodgkin de supplanter le scanner corps entier dans ce bilan d’extension, en tout cas pour les lymphomes agressifs et probablement pour les lymphomes folliculaires. La biopsie médullaire est indispensable dans tous les cas, de même que la ponction lombaire dans les lymphomes agressifs. La numération formule sanguine est systématique, de même que le dosage des LDH sériques qui constitue un bon témoin de la prolifération cellulaire. Cet inventaire permet de déterminer les facteurs de risque de l'Index Pronostic International : IPI (âge, stade clinique, état de performance, LDH) en fonction desquels on décide, dans le cadre de chaque entité histo-pathologique, de la stratégie thérapeutique adaptée au risque particulier encouru par chaque malade.

Un bilan pré-thérapeutique similaire à celui réalisé dans la maladie de Hodgkin est là aussi indispensable avant de débuter le traitement.

PRINCIPES THERAPEUTIQUES

En ce qui concerne les lymphomes agressifs le traitement d'induction repose toujours sur une polychimiothérapie s'efforçant de respecter au mieux le concept dose intensité, c'est à dire de délivrer le maximum tolérable de médicaments dans le minimum de temps. Le régime le plus communément utilisé est le CHOP (Cyclophosphamide, Adriamycine, Oncovin, Prednisone), souvent avantageusement remplacé par le protocole ACVBP (Adriamycine, Cyclophosphamide, Vépéside, Bléomycine, Prednisone). Les formes à très haut risque et les rechutes doivent bénéficier en consolidation d'une intensification chimiothérapique suivie d'une autogreffe de cellules souches hématopoïétiques. Il s'agit bien entendu de traitements lourds qui comportent une toxicité et une morbidité propres, et ne peuvent s'administrer qu'en milieu très spécialisé.

Le traitement des lymphomes indolents est moins bien codifié et contrairement à celui des lymphomes agressifs, son objectif n'est que très exceptionnellement curatif et s'attache surtout à obtenir une survie prolongée dans de bonnes conditions de qualité de vie.

L'introduction récente des anticorps monoclonaux anti CD20 (MABTHERA ou Rituximab) utilisables isolément ou associés à la chimiothérapie dans les lymphomes d'immunophénotype B a cependant bouleversé la prise en charge des lymphomes et notamment de ceux de phénotype B dont le traitement initial comporte désormais presque systématiquement une polychimiothérapie (de type CHOP ou ACVBP) associée à du Rituximab. Les LNH de phénotype T sont par contre toujours de pronostic beaucoup plus défavorable.

Quelle que soit la prise en charge thérapeutique, elle doit se faire dans les meilleures conditions possibles associant initialement une consultation d’annonce, la remise si possible au patient d’un programme personnalisé de soins (PPS), la déclaration par le médecin traitant de cette pathologie dans la liste ALD30. Idéalement, ce traitement se fait dans le cadre d’un essai thérapeutique. Enfin, il est indispensable d’insister sur l’importance des mesures associées : antiémétiques, facteurs de croissance, …

Page 79: Referentiel Module 10 II

- 1 -

LEUCEMIE LYMPHOÏDE CHRONIQUE (L.L.C.) Pr P. Feugier – Question ECN n° 163 - Leucémie lymphoïde chronique

• Diagnostiquer une leucémie lymphoïde chronique

I – DEFINITION

Infiltration sanguine, médullaire et éventuellement multiviscérale par une prolifération clonale de cellules lymphoïdes matures (lymphocytes), le plus souvent d'immunophénotype B.

II – EPIDEMIOLOGIE

— La plus fréquente des hémopathies de l'adulte âgé

— Age moyen de survenue : 65 ans, prédominance masculine (60 %)

— Etiologie inconnue

— Rare (5 %), formes familiales de syndromes lymphoprolifératifs

III – PRESENTATION CLINIQUE INITIALE

3 modes de début sont possibles :

— Le plus souvent, découverte fortuite lors d'un hémogramme systématique chez un malade asymptomatique

— Syndrome tumoral : polyadénopathies le plus souvent bilatérales, indolores, non compressives, + splénomégalie, hépatomégalie

— A l'occasion d'une complication : o Infections (première cause de mortalité) o Immunologique : anémie hémolytique auto immune

Remarque :

Les signes généraux (asthénie, fièvre, amaigrissement) sont inhabituels au début de l'affection ; ils peuvent apparaître durant l'évolution, mais doivent faire craindre une transformation en lymphome agressif (syndrome de Richter).

Mise à jour : Mai 2011

Page 80: Referentiel Module 10 II

P. Feugier –– Question ECN n° 163 – Leucémie lymphoïde chronique

- 2 -

IV – DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE

— L'hémogramme met en évidence une hyperleucocytose avec lymphocytose vraie : > 4 G/L. Le frottis sanguin, indispensable, permet d’observer de petits lymphocytes matures ; il peut exister des ombres de Gumbrecht qui sont des débris de lymphocytes pathologiques. Cytologiquement ces lymphocytes sont identiques aux lymphocytes normaux. La présence de prolymphocytes sera notée. L’hémogramme permet également de rechercher la présence d'une anémie et/ou d'une thrombopénie.

— L'immunophénotypage lymphocytaire sur sang est l'examen clé indispensable. Il montre l'existence d'une population monoclonale de lymphocytes B exprimant tous de façon quasi constante les antigènes CD5, CD 19. C 22 et CD 23, la présence d'immunoglobulines de surface en faible quantité et l'absence d'antigène FMC-7. Ceci permet de calculer le score de Matutes qui typiquement est de 4 ou 5.

— Pour affirmer une LLC, il faut donc :

o Un hémogramme avec frottis sanguin :

♣ Stricto sensu, la lymphocytose doit être supérieure à 5 G/L ; si il existe une population lymphocytaire monoclonale B mais inférieure à 5 G/L (et que le reste de l’hémogramme est normal et qu’il n’y a pas de syndrome tumoral), on parle alors de MBL (Monoclonal B Lymphocytosis) qui jusitife une surveillance car un faible pourcentage de ces patients évoluera vers une authentique LLC.

o Un immunophénotypage lymphocytaire sur sang typique, c'est-à-dire retrouvant une population lymphocytaire B monoclonale avec un score de Matutes à 4 ou 5.

Points

Marqueur 1 0

CD5 + -

CD23 + -

FMC7 - +

Ig de Surface (monotypie) faible moyen/fort

CD22/CD79b négatif/faible moyen/fort

Dans les formes typiques,

— Le myélogramme est inutile au diagnostic (sauf formes atypiques) ; il montre une moelle riche infiltrée par une population lymphoïde excédentaire (> 30 %)

— La biopsie ostéo-médullaire est inutile au diagnostic

— La biopsie ganglionnaire est inutile au diagnostic : si elle était pratiquée, l’anatomo-pathologiste ferait le diagnostic de lymphome lymphocytique qui est l’équivalent ganglionnaire de la LLC. Une biopsie ganglionnaire est indiquée si on suspecte une transformation de type syndrome de Richter

V – DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL

Le diagnostic de LLC ne pose généralement pas de problème car une lymphocytose vraie qui dure plus de deux mois chez un adulte est extrêmement évocatrice.

Cependant, il faut :

— Eliminer une erreur d'interprétation ; attention une lymphocytose relative ou inversion de formule (pourcentage de lymphocytes supérieur à celui de polynucléaires) ne veut rien dire en soi

— En cas de contexte infectieux, souvent évident cliniquement et souvent transitoire, évoquer une lymphocytose virale (varicelle, exanthème subit,…), bactérienne (coqueluche,…), évoquer aussi un

Page 81: Referentiel Module 10 II

P. Feugier –– Question ECN n° 163 – Leucémie lymphoïde chronique

- 3 -

syndrome mononucléosique, mais il y aura à la formule sanguine la présence de lymphocytes hyperbasophiles (cf QS)

— A part et en cas de tabagisme majeur, penser à la très rare lymphocytose à lymphocytes binucléées des fumeurs

— Restent alors les autres syndromes lymphoprolifératifs chroniques (leucémies prolymphocytaires, leucémies d’immunophénotype T, leucémies à tricholeucocytes, leucémies à lymphocytes villeux, phases leucémiques des lymphomes folliculaires et des lymphomes du manteau, maladie de Waldenström)

VI – PRONOSTIC

Il repose sur la classification de Binet, utilisée en Europe. Il existe une autre classification proche, dite de Rai, utilisée préférentiellement par les nords américains. La classification de Binet distingue trois stades :

Stade A Hb > 10g/dl et Plaquettes > 100 G/L < 3 « aires ganglionnaires » palpables Espérance de vie environ 12 ans

Stade B Hb > 10g/dl et Plaquettes > 100 G/L 3, 4 ou 5 « aires ganglionnaires » palpables Espérance de vie environ 6 ans

Stade C Hb < ou = à 10g/dl et/ou Plaquettes < ou = à 100 G/L Espérance de vie environ 4 ans

Les « aires ganglionnaires » considérées dans la classification de Binet sont : cervicale, axillaire et inguinale (qu’elles soient unilatérales ou bilatérales), la rate ou le foie.

Contrairement aux lymphomes malins non Hodgkiniens ou à la maladie de Hodgkin, il n’est pas indispensable (en dehors d’essais thérapeutiques) de réaliser une imagerie (scanner corps entier ou morpho-TEP) lors du bilan initial. En effet, la présence d’un syndrome tumoral profond n’influence pas l’évolution de la LLC.

De nombreux autres facteurs pronostiques ont été décrits dans cette maladie.

En pratique, il est intéressant de connaître le taux de beta2 microglobuline (un taux élevé est plus fréquent dans les formes évolutives, notamment les stades A) et le temps de doublement des lymphocytes (un temps de doublement court, inférieur à 6 mois, est lui aussi un témoin du caractère évolutif de la maladie, notamment dans les stades A).

Plus récemment ont été mis en évidence de nouveaux facteurs pronostiques qui pour la plupart doivent encore être validés dans des études prospectives.

Il en est ainsi :

— des anomalies génétiques (anomalies des chromosomes 11, 12, 13 ou 17) ; à noter cependant que la délétion 17 liée à une anomalie de p53, présente chez 5% des patients, est de mauvais pronostic en raison notamment d’une résistance à la fludarabine)

— du statut mutationnel du récepteur B

— et aussi : expression de CD38, de ZAP 70, temps de doublement lymphocytaire,…

Concernant ces nouveaux facteurs pronostiques, seule la recherche d’une délétion 17 doit être effectuée si l’on décide de mettre en route un traitement spécifique. Les autres facteurs sont évalués dans le cadre d’essais cliniques.

En pratique, les examens complémentaires nécessaires incluent :

— Un hémogramme avec frottis et dosage des réticulocytes (un taux élevé peut correspondre à une hémolyse)

— Un immunophénotypage lymphocytaire sur sang

— Une électrophorèse sanguine des protéines pouvant mettre en évidence une hypogammaglobulinémie ou une gammapathie monoclonale et le dosage de la bêta2 microglobulinémie

Page 82: Referentiel Module 10 II

P. Feugier –– Question ECN n° 163 – Leucémie lymphoïde chronique

- 4 -

Les autres examens dépendent du contexte : bilan d’hémolyse par exemple en cas de suspicion d’anémie hémolytique autoimmune, comportant outre les réticulocytes un test de Coombs direct, le dosage de l’haptoglobine, de la bilirubine totale et libre, dosage des LDH.

VII – EVOLUTION

Susceptible d'être longue (voir pronostic) mais fréquemment grevée de complications :

— Infectieuses : tous types de micro organismes : bactéries, virus (zona +++), champignons, favorisées notamment par la neutropénie, l'hypogammaglobulinémie et les traitements immunosuppresseurs

— Immunologiques : hypogammaglobulinémie et infections, autoanticorps concernant avant tout la lignée érythrocytaire (hémolyse autoimmune à test de Coombs positif) et parfois aussi plaquettaire (purpura thrombopénique)

— Insuffisance médullaire (neutropénie, anémie, thrombopénie)

— Tumorales : transformations de l'hémopathie en un lymphome malin agressif (syndrome de Richter). Dans la grande majorité des cas, il s’agit d’un lymphome malin non Hodgkinien ; plus rarement, c’est un lymphome Hodgkinien

VIII – PRINCIPES DU TRAITEMENT

Moyens thérapeutiques — Abstention (suivi clinique et hémogramme semestriel, vaccinations…)

— Chimiothérapie : o Alkylants (Chloraminophène, Cyclophosphamide) o Analogues purines (Fludarabine)

— Polychimiothérapies et notamment l'association fludarabine et cyclophosphamide (FC)

— Immunothérapie : anticorps monoclonaux : o Anti CD20 (rituximab) o Anti C52 (campath)

— Immunochimiothérapie : fludarabine et cyclophosphamide et Ac monoclonal

Indications — Stades A : l'abstention reste l'attitude de référence

— Stades B et C : selon le terrain et l'âge, les objectifs peuvent différer :

Simple stabilisation de la maladie chez un sujet très âgé par exemple : une chimiothérapie orale de type Chloraminophène peut alors être proposée dans un premier temps.

Sujet en bon état général, l’objectif est l’obtention d’une réponse complète, élément indispensable pour obtenir une amélioration de la survie globale. En l’absence de délétion 17, le traitement de première ligne de référence est l’association FCR avec comme objectif une rémission complète et une amélioration de la survie. Si il existe une délétion 17 (ou plus généralement une anomalie de p53), les patients sont résistants à la fludarabine et il est classique de proposer un traitement par anticorps monoclonal anti CD52(alemtuzumab) et éventuellement en cas de réponse une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques.

Mesures associées : — Prévention des infections

o vaccinations antigrippale et antipneumococcique, éradication des foyers infectieux potentiels,…

— Inclusion protocolaire dans un essai clinique si possible — Demande d’ALD

— - Consultation d’annonce

Page 83: Referentiel Module 10 II

- 1 -

LEUCEMIES AIGUES Pr P. Feugier – Question ECN n° 162 - Leucémies aiguës

• Diagnostiquer une leucémie aiguë

I — DEFINITION

Prolifération de précurseurs hématopoïétiques peu différenciés incapables d'achever leur maturation

Mutations somatiques précurseurs

Blocage de différenciation

Multiplications +++

Cellules identiques moelle

Essaimage

Mise à jour : mars 2008

Page 84: Referentiel Module 10 II

P. Feugier –– Question ECN n° 162 – Leucémies aiguës

- 2 -

II - ETIOLOGIE(S)

Idiopathiques +++

Etats préleucémiques constitutionnels

Evolution certaines hémopathies myéloïdes (LAM) (Myélodysplasies - LMC - Vaquez - Splénomégalies myéloïdes) (sujets âgés)

Chimiothérapies mutagènes

Benzene Alkylants Inhibiteurs topoïsomérase RX (Endoxan) (VP 16, Anthracyclines)

Délétion bras longs 11q2-3 Anomalies (5-7) cytogénétiques ± Myélodysplasie 5 - 10 ans 1 - 3 ans

III - CLINIQUE

A - SIGNES D'INSUFFISANCE MEDULLAIRE

B - SIGNES DE PROLIFERATION

- Syndrome tumoral Hépatosplénomégalie Adénopathies Médiastin

- Douleurs osseuses enfants +++ Bandes claires métaphysaires (corticoïdes)

- Atteinte gonadique

- Atteinte LCR

C - ALTERATION ETAT GENERAL

D - INFECTIONS A REPETITION

LEUCEMIES SECONDAIRES (=LAM)

Page 85: Referentiel Module 10 II

P. Feugier –– Question ECN n° 162 – Leucémies aiguës

- 3 -

IV - DIAGNOSTIC

Clinique "parlante"

Signes d'insuffisance médullaire Signes de prolifération Leucoblastes Hyperleucocytose

Envahissement massif

LAL LAM

V - DIAGNOSTIC CYTOLOGIQUE

LAL LAM

Blastes non granulaires PAS ⊕

Péroxydases

Immunophénotype

T B 20 - 30 % 70 - 80 % Pré B B (L3) rares

Blastes granuleux PAS

Péroxydases ⊕ Corps d'Auer ⊕

Classification FAB

LAM 1 Pauvres en grains LAM 2 Riches en grains LAM 3 Promyélocitaires LAM 4 Myélomonocytaires LAM 4eo + éosine anormaux LAM 5 Monoblastiques LAM 6 Erythroblastiques LAM 7 Mégacryoblastiques LAM 0 Indiff

NF plaquettes

Myélogramme (± PBO)

Page 86: Referentiel Module 10 II

P. Feugier –– Question ECN n° 162 – Leucémies aiguës

- 4 -

VI - CLASSIFICATION CYTOGENETIQUE

50 - 60 % LAL

50 - 70 % LAM

t (1;19) Pré B t (4;11) nulle (nourrissons) t (9;22) Phi ⊕ gravité +++ t (8;14) Burkitt L3 t (12;21) Pré B - Enfants (25 %)

t (8;21) LAM2 t (15;17) LAM3 Inv 16 LAM4 éo

IMPORTANCE PRONOSTIQUE MAJEURE

VII - CLASSIFICATION MOLECULAIRE

LAL LAM

t(9;22) : bcr-abl (5-30 %)

t(4;11) : MLL – AF4

t(12;21) : TEL – AML1

t (1;19) : E2A – PBX1

suivi maladie Résiduelle

LAM caryotype normal (60 %)

. Mutation FLT, (24-39 %) (FLT3 – ITD)

. Mutation NPM, (45-62 %) (+FLT3 – ITD : 40 %)

. Mutations MLL (11q23) (MLL-PTD : 5-11 %)

. Mutations CEBPA (15-19 %)

. Mutation BAALC (5-7 %) (+ 8 %)

Nouvelle classification Pronostic

Page 87: Referentiel Module 10 II

P. Feugier –– Question ECN n° 162 – Leucémies aiguës

- 5 -

VIII – LAL – Facteurs pronostiques

Enfants +++ (4-10 ans) LAL<LAM = 20 ans

A — ENFANTS

- Age

- Cytogénétique

- Leucocytose

- Immunophénotype T vs B

- Cortico-sensibilité

- Maladie résiduelle (TCR – IgH) : fin induction

Bas risque

> 1 an - < 10 ans B

< 50 000 GB

Risque standard

< 1 an - > 10 ans T

> 50 000 GB

Haut risque

Cytogénétique Chimiorésistance

> 250 000 GB

B — ADULTES

- Age > 35 ans : 35-37 % > 50 ans : 15-17 % > 60 ans :

- Leucocytose > 30 000 (B) > 100 000 (T)

- Caryotype ηt(9;22) 5 % : < 25 ans 14 % : 25-35 ans 33 % : 35-55 ans 53 % : > 56 ans ηt (4;11) ηt(1;19)

- Caryotypes complexes

- Immunophénotypes T (25 %) + pré B 560 ù° = pro B (CD10) (10 %)

- Cortico-sensibilité

- Chimio-sensibilité 0 Cytologique (J8) 0 2ème cure induction 0 Transcrits (bcr-abl) ou TCR-IgH Fin induction Post-consolidation A confirmer

Page 88: Referentiel Module 10 II

P. Feugier –– Question ECN n° 162 – Leucémies aiguës

- 6 -

IX – LAL – Survie (DFS)

A — ENFANTS

DFS % CAS

Bas risque 80 - 90 % 30 %

Risque standard 60 - 70 % 60 %

Haut risque < 40 % 10 %

TOTAL : 75 % de guérison ηt 5 - 7 ans ηt 2 - 3 ans traitement ηt 3 - 4 ans surveillance

B — ADULTES

- Total 35-40 % - Age 15-20 ans : 65-83 % (Protocoles péd) < 30 ans : 35-52 % 30-59 ans : 31-38 % > 60 ans : 11-36 %

- t(9;22) Chimiothérapie : < 10 % + Glivec : 90-95 % RC 70-80 % RC1 (1 an)

Autogreffe : 20 % Allogreffe : 30-65 %

X – LAM – Facteurs pronostiques - Adulte

A — IMPACT DE L'AGE

IMPACT DE l'AGE < 60 ans ≥ 60 ans

Favorable 9 % 31 %

Cytogénétique Défavorable – 7 + 8

3 % 4 %

8-9 % 6-10 %

LAM Secondaire 8 % 24-56 %

Mortalité liée au traitement 5-10 % 25-30 %

RC1 65-73 % 38-62 %

Survie RC 30 % 5-15 %

Page 89: Referentiel Module 10 II

P. Feugier –– Question ECN n° 162 – Leucémies aiguës

- 7 -

B — IMPACT DE LA CYTOGENETIQUE

- Bon risque (LAM CBF) (10-15 %) t(15;17) t(8;21) inv (16) 50-60 % RC 5 ans

- Mauvais risque (15-20 %) -5/5q, -7,3q, t(9;22) t(6;9), complexe (>3) 0-20 % RC 5 ans

- Intermédiaire (60 %) Caryotype normal (CN) 25-45 % RC 5 ans

Nouveaux facteurs pronostiques (84 % ⊕) Mutations FLT3 péjoratives (24-39 %) Mutations NPM1 (45-62 %)

Bon pronostic

- Traitement à la carte ! FLT3 ITD⊕ : allogreffe FLT3 ITD NPM1 : allogreffe NPM1⊕ : chimiothérapie ou autogreffe

XI – LAL – Traitement adapté à la forme pronostique

- Chimiothérapies séquentielles (association de drogues) : 50-60 % RC 5 ans - 3 phases

1) Induction (4-5 semaines) Oncovin, Prednisone, L-Asparaginase, Daunorubicine, Aracytine

95 - 99 % enfants

Unité spécialisée RC1 70 - 90 adultes

2) Consolidation - Intensification (6 mois) HDJ + US Intensité proportionnelle groupe pronostique

3) Entretien (1,5 - 2 ans) HDJ + Domicile Purinéthol, Méthotrexate

4) Prophylaxie rechutes méningées PL MTX hautes doses

5) Cas particulier LAL avec t(9;22) : Glivec

Page 90: Referentiel Module 10 II

P. Feugier –– Question ECN n° 162 – Leucémies aiguës

- 8 -

INDICATIONS GREFFE DE MOELLE

Adultes Enfants

Formes à haut risque (60 %)

DFS = 50 - 60 % 5 ans

Formes à très haut risque (6 - 8 %)

DFS = 50 - 60 % 5 ans

XII – LAM – Traitement adapté à la forme pronostique

- Chimiothérapies séquentielles (avec association de drogues) : Hypothèse de Goldie-Colman - 2 phases 1. Induction "lourde" (4-5 semaines)

Unité spécialisée Anthracyclines, Aracytine

2. Consolidation "lourde" (2-3 mois)

Chimiothérapie Aracytine hautes doses, VP16

+/-

Autogreffe Greffe de CSH

Allogreffe familiale HLA identique

Tolérance chimiothérapique Age = limite (> 65 ans) (adaptation doses)

Tolérance greffe (45-60 ans)

Cas particulier LAM3 : Acide tout-trans-rétinoïque

LAM sujet âgé : . chimio-résistance . mauvaise tolérance . soit chimiothérapie agressive (+ G-CSF) Survie 10 % . soit chimiothérapie peu agressive Aracytine faible dose

3. Entretien (1,5 - 2 ans)

HDJ + Domicile Purinéthol, Méthotrexate 4. Prophylaxie rechutes méningées PL MTX hautes doses 5. Cas particulier LAL avec t(9;22) : Glivec

Page 91: Referentiel Module 10 II

P. Feugier –– Question ECN n° 162 – Leucémies aiguës

- 9 -

INDICATIONS GREFFE DE MOELLE

Adultes Enfants

Formes à haut risque (60 %)

DFS = 50 - 60 % 5 ans

Formes à très haut risque (6 - 8 %)

DFS = 50 - 60 % 5 ans

XIII — RESULTATS LAM

A — RCI

- Enfants 80-90 % - Adultes < 65 ans 70-80 % < 65 ans 40-70 % Toxicité +++

B — GUERISON

Chimiothérapie : 40-45 % Enfants

Allogreffe : 60-70 %

Chimiothérapie : 30-40 % Adultes < 60 ans

Allogreffe : 50-60 % (<50 ans)

> 60 ans Médiane RCI : 15 mois

C — FACTEURS PRONOSTIQUES

ηAge < 1 an - > 65 ans ηHypercytose > 100 000 Bon PC : M3 - M4éo ηCytogénétique et cytologie Mauvais Pc : M5 - M6 ηChimio-sensibilité

POUR EN SAVOIR PLUS : Site Internet conseillé : Société Française d'Hématologie – Rubrique Actualités : Référentiels Edition 2006 www.sfh.hematologie.net

Page 92: Referentiel Module 10 II

- 1 -

LES SYNDROMES MYELODYSPLASIQUES Pr P. Feugier – Question ECN n° 161 - Dysmyélopoïèse

• Diagnostiquer une dysmyélopoïèse

DEFINITION

Désordres clonaux caractérisés par des cytopénies périphériques et une dysplasie médullaire résultant de processus de prolifération, différenciation et apodose des précurseurs hématopoïétiques, avec une fréquente évolution vers une leucémie aiguë myélo-blastique.

Les SMD sont caractérisés par l'existence d'anémies, de neutropénies, de thrombopénies, isolées ou diversement associées, contrastant avec une moelle normo ou hyper cellulaire (mais qui peut être hypocellulaire dans une minorité de cas).

Les SMD peuvent comporter une augmentation du taux de blastes médullaires, mais leur pourcentage est par définition inférieur à 20 % (un taux supérieur à 20 % de blastes définissant les LAM).

La progression en LAM peut survenir au cours de l'évolution, plus fréquemment dans les cas comportant un excès initial de blastes. Bien que la majorité des SMD soit caractérisée par l'apparition d'une insuffisance médullaire progressive, leur évolution est relativement indolente. Les SMD surviennent de façon prédominante chez les adultes âgés (âge médian 70 ans) avec une incidence de 20/100 000 au-dessus de 70 ans. Un nombre croissant d'infections "secondaires" (SMD et LAM) sont diagnostiquées, conséquence des traitements par chimio, radiothérapie des affections malignes. Leur incidence exacte n'est pas connue, mais elle doit s'élever jusqu'à 10-15 % des LAM et des SMD.

Mise à jour : mars 2008

Page 93: Referentiel Module 10 II

P. Feugier –– Question ECN n° 161 – Dysmyélopoïèse

- 2 -

EPIDEMIOLOGIE

AGE FREQUENCE

50 - 59 ans 5,3 / 106

60 - 69 ans 15 / 106

70 - 79 ans 49 / 106

> 80 ans 89 / 106

FREQUENCE avec le vieillissement de la population utilisation radio-chimiothérapies (formes secondaires)

FORMES PEDIATRIQUES η soit identiques adulte (de novo) η soit secondaires à cytopénies constitutionnelles et familiales η soit secondaires à la radiothérapie et à la chimiothérapie

Page 94: Referentiel Module 10 II

P. Feugier –– Question ECN n° 161 – Dysmyélopoïèse

- 3 -

CLASSIFICATION (OMS – 1998)

I — DE NOVO (PRIMAIRE)

- "Anémie" réfractaire (AR) (Blastes moelle < 5 %)

Pas de blastes - AR avec sidéroblastes en couronne (ARS) (> 15 %) (<5 %) η ARS avec dysplasie erythroblastique isolée η ARS avec dysplasie multilignée (ARSMD)

- Cytopénie réfractaire avec dysplasie multilignée (CRMD)

- AR avec excès de blastes (AREB) η+ AREB 1 (> 5 % - < 10 %) η+ AREB 2 (> 10 %- < 20 %)

- SMD non classables

- SMD associés à une anomalie isolée 5qθ (syndrome 5qθ) avec mégacaryocytes monolobés

II — SMD SECONDAIRES

CRMD Même classification AREB — Agents alkylants Hodgkin 13 % - Endoxan Inhibiteur de la Topoisométase (10 ans) - Busulfan (VP 16 - Anthracylclines) (48 - 68 mo) - Melphalan - Hydréa

— Benzène - Radiations ionisantes Solvants organiques

— Cytopénies constitutionnelles - Maladie de Fanconi - Maladie de Blackfan Diamond - Neurofibromatose - Trisomie 21

— Post aplasie médullaire primitive (traitée par immunosuppresseurs)

— Post autogreffe de CSH (lymphome) (10 - 15 %)

CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE

— Conséquences d'une(de) cytopénie(s) - ηFatigue - Dyspnée - ηPâleur - ηSyndrome hémorragique - ηInfections - ηFièvre inexpliquée - ηArthralgies

— Découverte fortuite

— Surveillance maladies prédisposantes

— Diagnostic d'une hémochromatose

Page 95: Referentiel Module 10 II

P. Feugier –– Question ECN n° 161 – Dysmyélopoïèse

- 4 -

DIAGNOSTIC = NF

Diagnostic d'une cytopénie (une ou plusieurs lignées) avec anémie macrocytaire arégénérative (45-93 %)

macrocytose < 110 fl

éliminer causes fréquentes macrocytoses (alcoolisme / hypothyroïdie / carences Vit. B12 folates)

DIAGNOSTIC HEMATOLOGIQUE

NF - Anémie macrocytaire arégénérative (45 - 93 %) - Neutropénie (20 - 35 % < 1000) - Thrombopénie (50 %) - Monocytose > 1 x 109/1 LMMC - Anomalies morphologiques η Macrocytose / anisopoïkilocytose

Myélofibrose Hématies en larme Schizocytes

η Plaquettes géantes η Neutrophiles Hypogranuleux avec anomalies nucléaires (hypo / hyper

segmentation) η Myélémie

si non

Page 96: Referentiel Module 10 II

P. Feugier –– Question ECN n° 161 – Dysmyélopoïèse

- 5 -

MOELLE Dysplasies

- Erythroblastes η- Mégaloblastes

η Formes multinuclées

η Sidéroblastes en couronne

- Plaquettes η Micromégacaryocytes

η Anomalies nucléaires

- Anomalies morphologiques η Mégalocytes

η myéloblastes

η Hypogranulation

CYTOGENETIQUE 30 - 70 %

Anomalies clonales η Importance diagnostique et pronostique

η Acquises avec le temps

- Types η Pertes de segments de chromosomes (5, 7 - 11 - 12 - 18 - 21)

η Translocations LAM de novo (t(15;17) - t(9;11) - t(8;21))

η Syndrome 5qθ (femme, hyperplaquettose, anémie - Bon pronostic)

PBO Myélofibrose associée (25 %)

Diagnostic différentiel avec myélofibrose primitive

SEROLOGIE HIV Cytopénies non clonales HIV⊕

Page 97: Referentiel Module 10 II

P. Feugier –– Question ECN n° 161 – Dysmyélopoïèse

- 6 -

DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL (parfois difficile)

SMD hypoplasique et aplasie (cytogénétique)

Enfants (aplasies constitutionnelles ou anémies sidéroblastiques) (antécédents)

EVOLUTION

- Evolution très variable

Indolente plusieurs années LAM = 30 % décès sans traitement

Complications Complications pancytopénie non liées à la maladie = 30 % décès = 30 % décès (sujets âgés) - Transformation LAM η AR / ARS : 20 - 30 % η AREB : 100 %

Page 98: Referentiel Module 10 II

P. Feugier –– Question ECN n° 161 – Dysmyélopoïèse

- 7 -

FACTEURS PRONOSTIQUES

I — LIES A LA CLASSIFICATION CYTOLOGIQUE

Survie 10 ans - Bon pronostic AR / ARS 30 % - Pronostic intermédiaire ARSMD 10 - 20 % - Mauvais pronostic CRMD 0 % (associée avec anomalies cytogénétiques "défavorables") AREB

II — LIES AUX ANOMALIES CYTOGENETIQUES

- Bon pronostic absence 5qθ del (20q), Yθ - Mauvais pronostic anomalies complexes (> 3) anomalies du 7 - Pronostic intermédiaire toutes les autres anomalies

III — LIES A L'AGE + / - 50 - 60 ANS

IV — LIES A L'ETIOLOGIE

- Gravité formes secondaires (+ anomalies cytogénétiques -5 ; -7)

V — LIES A LA THERAPEUTIQUE

Possibilité ou non de greffe de CSH η Age < 65 ans η HLA identité

Donneur Donneur Géno-identique phéno-identique

SCORE IPPS

I — BLASTES MEDULLAIRES

Blastes (%) Score

< 5 0

5 - 10 0,5

11 - 20 1,5

Page 99: Referentiel Module 10 II

P. Feugier –– Question ECN n° 161 – Dysmyélopoïèse

- 8 -

II — CYTOGENETIQUE

Caryotype Score

Bon pronostic 0

Intermédiaire 0,5

Mauvais 1

III — CYTOPENIES

Cytopénies Score

0 ou 1 0

2 ou 3 0,5

Score Survie

Bas 5, 7 ans

Intermédiaire 1 (0,5 - 1) 3, 5 ans

Intermédiaire 2 (1,5 - 2) 1, 2 ans

Elevé (≥ 2,5) 0,4 an

Survie globale moyenne = 2 ans

TRAITEMENT - MOYENS

I — PALLIATIFS - QUALITE DE VIE

- Transfusions (< 8 g/dl)

- Facteurs de croissance (Epo ± G-CSF) - Diminution hyperapoptose des progéniteurs hématopoïétiques - Prédiction efficacité

• η Nb transfusions / mois : ± 2 • η Taux d'érythropoïéine sérique (± 500 µ/l) • η Scores : 0 74 % réponses

1 : 23 % 2 : 7 %

- Efficace si AR ou ARS et scores 0-1 - Amélioration qualité de vie - Survie identique

- Chélation du fer (Exjade)

- Douleurs

Page 100: Referentiel Module 10 II

P. Feugier –– Question ECN n° 161 – Dysmyélopoïèse

- 9 -

II — CURATIFS

- Chimiothérapie intensive (< 60 ans)

� � 20 à 60 % réponses durée : 6 - 12 mois pas de guérison (15 % survie prolongée)

pas d'avantage en survie

dans le cadre de protocoles

formes avec -5 / -7 ( échecs

- Chimiothérapie autres

- Agents déméthylants (Décitabine - 5 AZA) Amélioration survie (2 ans) (10-36 % RC) Amélioration qualité de vie et transfusions

- Aracytine à faible dose Pas d'impact sur la survie

- Autres approches récentes SAL (f hypoplasiques) Antigiogéniques (Thalidomide) Inhibiteurs farnésyl transférase Inhibiteurs des histone-désacétylases (acide valproïque) Arsenic

Indications . Contre-indications allogreffes

Formes haut risque . Sujets âgés . Chimiothérapie pré-greffe

- Cas particulier : Syndrome 5q Lenalidomide / 2/3 réponses

- Autogreffe de moelle (< 65 ans) : en cours d'étude

- Allogreffe de moelle (< 65 ans) seul traitement curatif 40-60 % de guérison

Facteurs pronostiques

Stade de la maladie IPSS

Age

Durée d'évolution

AREB

Page 101: Referentiel Module 10 II

P. Feugier –– Question ECN n° 161 – Dysmyélopoïèse

- 10 -

Facteurs pronostiques

Stade de la maladie (IPSS)

Survie 5 ans

Intermédiaire 1 60 %

Intermédiaire 2 36 %

Elevé 28 %

Age Durée d'évolution

< 20 ans 60 % < 1 an 60 %

> 50 ans 20-40 % > 1 an 20 %

CONCLUSIONS GREFFE

η si donneur HLA identique (apparenté ou non)

η si < 65 ans

η si < 1 an d'évoluaion ou début d'évolution

η IPSS ≥ 0,5 IPSS = 0 si cytopénie sévère)

TRAITEMENT - INDICATIONS

IPPS bas ou intermédiaire 1

< 65 ans > 65 ans

Allogreffe si évolution Traitements symptomatiques clinico-biologique ou Cytopénie(s) sévère(s) ou Chimiothérapies faible intensité + Traitements symptomatiques

IPPS intermédiaire 2 ou sévère

< 65 ans > 65 ans

Allogreffe d'emblée Chimiothérapie faible intensité ± + Traitements symptomatiques Chimiothérapie pré-greffe ou chimio intensive (PS) ou Agents déméthylants

POUR EN SAVOIR PLUS : Site Internet conseillé : Société Française d'Hématologie – Rubrique Actualités : Référentiels Edition 2006 www.sfh.hematologie.net

Page 102: Referentiel Module 10 II

- 1 -

TUMEURS GERMINALES DU TESTICULE

Pr Conroy – Question ECN n° 160

• Diagnostiquer une tumeur du testicule

I – EPIDEMIOLOGIE ET GENERALITES

— 1 % des tumeurs malignes de l’homme, mais première tumeur de l’homme entre 20 et 40 ans

— 2 300 nouveaux cas en France en 2011

— Incidence en augmentation de 2,5 %/an (7,4/100 000 hommes en France)

— Cancer de l’adulte jeune avec une fréquence maximale entre 15 et 35 ans (médiane 28 ans) pour les tumeurs germinales non séminomateuses et, plus tardive, généralement entre 35 et 45 ans (médiane 38 ans) pour les séminomes. L'âge moyen pour l'ensemble des cancers du testicule est de 36 ans.

— Facteurs de risque : - Ils sont inexistants dans la plupart des cas. - Cryptorchidie (retrouvée dans 6 à 10 % des cas), même après une orchidopexie dans

l'enfance : risque x 5 environ et x 10 si cryptorchidie bilatérale - Hypospadias - L’atrophie testiculaire est également un facteur favorisant. - Syndrome de Klinefelter (chromosome X supplémentaire dans un caryotype masculin) - Antécédents personnel (1,5 %) ou familial (1,35 %) de cancer du testicule, mais aucun

gène de prédisposition n’a été mis en évidence. - Incidence plus élevée dans les pays industrialisés (sujets "caucasiens"), très faible en

Afrique et en Asie. L’exposition à des facteurs environnementaux pourrait expliquer l’augmentation d’incidence dans les pays développés.

- Le traumatisme testiculaire est un facteur révélateur et non une cause. - Il existe un lien épidémiologique entre infertilité masculine et tumeurs germinales, avec

des facteurs étiologiques communs, le risque relatif en cas d'infertilité étant de 1,3. Plus de 50 % des patients ayant un cancer du testicule ont des paramètres spermatiques altérés au moment du diagnostic. Une azoospermie au diagnostic est retrouvée dans 6 à 11 % des cas.

- Le risque de tumeur germinale non séminomateuse serait doublé chez les fumeurs de cannabis réguliers (≥ 1 joint/semaine depuis l'adolescence)

Mise à jour : mai 2013

Page 103: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 160 – Tumeurs germinales du testicule

- 2 -

— Les tumeurs germinales du testicule de l'adulte résultent de la transformation maligne de la cellule germinale du tube séminifère, qui se diffférencie normalement pour aboutir aux spermatozoïdes. Elles dérivent d’un précurseur commun, le carcinome in situ ou néoplasie germinale intratubulaire (NGIT). L’analyse du profil d’expression du carcinome testiculaire in situ par micro-puces à ADN montre une étroite similarité avec le profil d’expression des cellules souches embryonnaires, rendant compte d’une origine prénatale très probable des tumeurs germinales, suggérant l’importance de facteurs étiologiques agissant in utero.

— Les tumeurs germinales sont bilatérales dans 1,5 % des cas : 0,6 % synchrones, et 0,9 % métachrones.

— Il s’agit d’un modèle de curabilité depuis l’apparition de polychimiothérapies efficaces, à base de CISPLATINE (96 % de guérison en 2005). Une rigueur soutenue s'impose donc dans la prise en compte des facteurs pronostiques et dans le respect des protocoles thérapeutiques et des mesures préventives, tout écart pouvant compromettre les chances de guérison ou de majorer les complications.

Les tumeurs germinales extra-gonadiques (surtout rétropéritoine, médiastin, système nerveux central) ne seront pas traitées ici, car elles ne figurent pas au programme de l’internat national classant.

II – HISTOIRE NATURELLE ET VOIES DE DIFFUSION

Les tumeurs germinales sont de croissance rapide, surtout les choriocarcinomes, avec un temps de doublement habituel inférieur à 30 jours. Les chances de survie sont donc corrélées à la précocité du diagnostic et au stade de la maladie.

L’extension locale ne constitue pas un problème, car l’albuginée constitue une barrière naturelle. L’extension à l’épididyme et au cordon spermatique est rencontrée dans 10 à 15 % des cas.

L’extension métastatique se fait par 2 voies, le plus fréquemment par voie lymphatique, plus rarement par voie vasculaire.

— L’extension lymphatique, d’abord sous-diaphragmatique, suit le pédicule spermatique. Les premiers relais lymphatiques sont immédiatement sous-rénaux : en effet, chez l'embryon, le testicule se forme à hauteur des reins et descend ensuite dans les bourses. Une tumeur testiculaire droite est donc responsable d’un essaimage vers des ganglions péri-caves, préaortiques et inter-aortico-caves à hauteur de L2, au-dessous du pédicule rénal. Pour une tumeur testiculaire gauche, l’extension se fait vers un ganglion pré-aortique puis latéro-aortique gauche, au-dessous de la veine rénale gauche. Puis une extension est possible, via le canal thoracique, aux ganglions sus-claviculaires gauches et médiastinaux.

— L’extension hématogène passe par la veine spermatique et la veine cave inférieure : elle est responsable surtout de métastases pulmonaires et moins fréquemment de métastases cérébrales et encore plus rarement osseuses.

III – DIAGNOSTIC

• Interrogatoire

— L'interrogatoire recherche des antécédents familiaux, le délai d'apparition de la tumeur, un antécédent de cryptorchidie (ou la notion de chirurgie inguinale dans l'enfance) et la fertilité antérieure.

• Sémiologie clinique — Il s’agit essentiellement d’une augmentation du volume de la bourse ou de consistance d’un

testicule qui, au départ, n’inquiète pas le patient. Un retard diagnostique de 1 à 2 mois est donc fréquent. La formule classique est toujours d’actualité : « le patient s’étonne, se réjouit, puis s’inquiète ». Il peut y avoir une douleur associée. Le patient peut se plaindre d’une sensation de pesanteur. Si du fait des douleurs, amenant à poser un diagnostic erroné d’orchite ou

Page 104: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 160 – Tumeurs germinales du testicule

- 3 -

d’épididymite, il est prescrit un traitement antibiotique et anti-inflammatoire, celui-ci ne doit pas être poursuivi au-delà d’une semaine. Rarement la douleur peut être aiguë et brutale, simulant une torsion, correspondant à une hémorragie ou un infarcissement intra-tumoral.

— Ce peut être une découverte lors d'une échographie systématique dans un bilan d'infertilité chez un sujet asymptomatique.

— Il peut s'agir d'une bourse vide (cryptorchidie) associée ou non à une masse abdominale.

— Les signes d’appel généraux sont retrouvés dans environ 10 % des cas : surtout gynécomastie (5 %), parfois révélation par des métastases : adénopathie sus-claviculaire, douleurs lombaires liées aux adénopathies rétropéritonéales, masse abdominale, dyspnée liée à un lâcher de ballons pulmonaires.

— Examen clinique : l'examen des bourses est fondamental. Les deux testicules doivent être examinés pour permettre une étude comparative et dépister les exceptionnelles formes bilatérales synchrones. L'examen commence du côté sain et nécessite une description sur un schéma daté et signé. Le testicule est palpé entre les doigts avec les deux mains. On apprécie sa consistance et le sillon épididymo-testiculaire. On perçoit le plus souvent un nodule dur intratesticulaire ou un testicule induré globalement augmenté de volume. Il faut systématiquement palper le cordon à la recherche d'une infiltration. Le nodule peut être indolore, ou peu sensible. Il peut avoir perdu la sensibilité normale du testicule. Il n'est pas séparé du testicule par un sillon comme l'est l'épididyme. Une grosseur intrascrotale surmontée d'un épididyme normal que l'on peut pincer est forcément un gros testicule (signe de Chevassu). La tumeur est opaque à la transillumination. Une hydrocèle (qui peut être diagnostiquée par transillumination) est associée dans 5 % des cas. Le cordon et l'épididyme sont habituellement normaux. Au toucher rectal, la prostate et les vésicules séminales sont normales. Les urines sont claires. Toute lésion non douloureuse du testicule doit être considérée comme un cancer jusqu’à preuve histologique du contraire et impose une exploration chirurgicale. Dès que le diagnostic est soupçonné, il faut doser les marqueurs tumoraux : αFP, HCG et LDH.

— Outre l'examen des deux testicules, l'examen clinique recherche une masse abdominale, des adénopathies sus-claviculaires, une éventuelle hépatomégalie, une gynécomastie, une cicatrice inguinale. Il faut peser le patient pour évaluer une éventuelle perte de poids.

• Diagnostic différentiel d'une tumeur testiculaire

— Le diagnostic différentiel principal est l'orchiépididymite aiguë. Le contexte est bien différent, celui d'une grosse bourse douloureuse, avec des douleurs scrotales aiguës irradiant le long du cordon et soulagées par le repos. Il s'y ajoute une fièvre, parfois associée à des troubles mictionnels et une urétrite. A l'examen clinique, la bourse est inflammatoire. L'épididyme est épaissi, cartonné et douloureux. Le cordon peut être également infiltré et douloureux. La suspension soulage la douleur. Il peut s'y associer des urines troubles et un écoulement urétral. Le toucher rectal recherche une prostatite associée. Une échographie des bourses, un ECBU ou un prélèvement urétral permettent d'effectuer le diagnostic différentiel avec une hémorragie intratumorale du cancer du testicule ou un infarcissement intratumoral.

— Hydrocèle : intérêt de l'échographie

— Torsion du cordon : l'intensité de la douleur fait évoquer le diagnostic

— Totalement exceptionnel : tuberculose, gomme syphilitique

IV – BILAN PARACLINIQUE

L’échographie des deux testicules permet de confirmer le caractère unilatéral, solide, typiquement hétéro-échogène, et intra-testiculaire de la tumeur. Il faut rechercher :

- une lésion controlatérale ou non palpable,

- des micro-calcifications dans le testicule controlatéral (carcinome in situ, entraînant un risque de cancer x 12).

Page 105: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 160 – Tumeurs germinales du testicule

- 4 -

- parfois on ne retrouve à l'échographie qu'un aspect cicatriciel, éventuellement associé à des calcifications témoignant de la régression spontanée de la tumeur (burn out tumour), associé à une tumeur germinale rétropéritonéale d'allure primitive (en fait lié à une involution de la tumeur testiculaire primitive).

A cette étape, un avis chirurgical doit être pris en centre hautement spécialisé.

— Bilan complémentaire

Il faut doser 3 marqueurs tumoraux, dont 2 sont assez spécifiques des tumeurs germinales : l’alpha foeto protéine (αfp) et l’hormone chorionique gonadotrophine (hCG).

• L’alpha foeto protéine est une glycoprotéine oncofoetale. Sa demi-vie est de 5 à 7 jours. Le seuil de normalité (variable selon les laboratoires) se situe autour de valeurs inférieures à 6 ng/ml. Elle est sécrétée par les tumeurs vitellines et certains carcinomes embryonnaires. Une élévation supérieure à 10 000 ng/ml est de pronostic défavorable.

• L’hCG est secrétée physiologiquement par le placenta au cours de la grossesse. Elle est élevée dans 50 % des tumeurs germinales testiculaires non séminomateuses (dont tous les choriocarcinomes et environ la moitié des carcinombes embryonnaires) et 8 à 20 % des séminomes. Dans ce dernier cas, l’élévation est faible, généralement inférieure à 100 UI/L. Elle témoigne de la présence dans le séminome d’un contingent de grandes cellules syncytiotrophoblastiques. L’élévation de l’hCG au cours d’un séminome pur ne modifie pas le traitement. Sa demi-vie plasmatique est de 12 à 36 heures. On dose habituellement les hCG totales, qui recouvrent la molécule complète d'hCG et la sous-unité β libre. Il n'y a pas lieu de demander le dosage des sous-unités α et β. La valeur normale des hCG totales chez l’homme est inférieure à 2 UI/L. Des valeurs supérieures à 50 000 UI/L sont de pronostic défavorable.

• Enfin, les lacticodéshydrogénases (LDH) sont des marqueurs non spécifiques de volume tumoral : elles augmentent avec la masse tumorale.

• Les marqueurs de séminome (phosphatases alcalines placentaires, NSE) sont peu performants et ne sont habituellement pas utilisés.

Le taux des 3 marqueurs (αFP, hCG, LDH) a une valeur pronostique dans les tumeurs germinales non séminomateuses du testicule : plus la valeur est élevée, plus grave est la maladie. La normalité des marqueurs n'élimine pas le diagnostic. Un dosage hebdomadaire est effectué tant que les valeurs restent anormales. On demande également NF plaquettes, ionogramme, urée, créatinine, bilan biologique et hépatique.

— Diagnostic histologique

Les données de l’examen clinique, de l’échographie testiculaire et les résultats des dosages des marqueurs font poser le diagnostic. Celui-ci est affirmé par l’examen histologique de la pièce entière d’orchidectomie. La biopsie préopératoire d'une masse testiculaire de nature inconnue, de même que la ponction à l'aiguille fine sont proscrites du fait d'un risque prouvé de dissémination tumorale.

Avant l’orchidectomie, on doit discuter clairement des enjeux avec le patient et présenter un plan personnalisé de soins : hypothèse diagnostique, première étape du traitement, conséquences possibles sur la fertilité. Il faut expliquer que le geste n’entraîne pas d’impuissance. On doit proposer une cryoconservation des spermatozoïdes au patient, avant tout traitement si possible. Celle-ci est précédée de sérologies virales (HIV, Hépatites B et C, Syphilis). Il est réalisé une conservation de sperme avant orchidectomie et une à deux ensuite.

L’orchidectomie est toujours faite par une voie d’abord inguinale avec ligature première et haute du cordon. Une pièce d'orchidectomie comprend normalement le testicule entier avec ses enveloppes, l'épididyme entier et le cordon de longueur variable (6 à 10 cms). L’incision scrotale ne doit jamais être réalisée, car elle expose à des récidives scrotales. On peut mettre en place une prothèse testiculaire si le patient le souhaite.

V – ANATOMOPATHOLOGIE

Page 106: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 160 – Tumeurs germinales du testicule

- 5 -

95 % des tumeurs du testicule sont des tumeurs germinales. Les 5 % restant sont surtout des lymphomes non hodgkiniens (patients de plus de 50 ans), des tumeurs à cellules de Leydig, presque toujours bénignes (survenue après 50 ans également) ou des tumeurs à cellules de Sertoli. Les métastases (cancer bronchique mélanome en particulier) sont rares. Les tumeurs germinales peuvent être à une seule composante ou à plusieurs composantes (tumeurs mixtes).

A – TUMEUR GERMINALE A UNE SEULE COMPOSANTE

— Le séminome représente 40 % des tumeurs germinales. Il s’agit d’une tumeur d’aspect homogène comportant un infiltrat lymphocytaire. Elle survient chez l’homme de 35 à 45 ans, avec un âge moyen de 38 ans. L’αfoeto protéine est toujours normale. Les hCG peuvent être un peu élevées (généralement inférieures à 100 UI/L). La maladie est localisée au testicule (stade I) dans 70 à 80 % des cas. Il s’agit toutefois d’une tumeur très lymphophile, mais également très radiosensible et très chimiosensible.

— Le séminome spermatocytaire est une tumeur rare du patient de plus de 60 ans. Elle est habituellement limitée au testicule et curable par une orchidectomie. Il est bilatéral dans 10 % des cas et ne métastase pas. Les marqueurs sont toujours négatifs.

— Les tumeurs germinales non séminomateuses sont rarement pures (8 % des cas).

• Le carcinome embryonnaire pur est rare. Il peut sécréter de l’α foeto protéine et plus rarement de hCG.

• Les tumeurs vitellines pures s’observent surtout chez l’enfant (surtout avant 5 ans). L’α foeto protéine est toujours élevée. Les tumeurs vitellines pures (encore appelées tumeurs du sinus endodermique ou yolk sac tumors), peuvent également se rencontrer dans les tumeurs germinales de l’ovaire et les tumeurs germinales médiastinales primitives.

• Le choriocarcinome pur est très rare et hautement agressif. L’hCG est fréquemment élevée. La diffusion métastatique pulmonaire, hépatique et cérébrale est précoce.

• Les tératomes sont rares dans leur forme pure. Il s’agit d’une tumeur germinale composée de cellules provenant des trois feuillets embryonnaires (ecto- endo- mésoderme). Les tératomes associent le plus souvent un contingent immature au contingent mature et aux autres contingents. Un tératome mature est composé de tissus différenciés. Un tératome immature est composé de tissus embryonnaires. Un contingent immature est donc difficile à distinguer d’un carcinome embryonnaire ou d’une tumeur vitelline. Chez l’enfant, ils sont purs, matures et bnins. Chez l’adulte, ils sont mixtes (essentiellement associés au carcinome embryonnaire), immatures et toujours malins. Il n’existe pas de marqueur spécifique des tératomes.

B – TUMEURS GERMINALES MIXTES

Toutes les associations tissulaires peuvent se voir. L’association la plus fréquente est le carcinome embryonnaire avec du tératome (tératocarcinome). Les tumeurs mixtes peuvent associer : carcinome embryonnaire, tératome mature et immature, tumeur vitelline, choriocarcinome, séminome. Toute tumeur à deux composantes ou plus est appelée tumeur germinale non séminomateuse, même s’il y a un contingent de séminome prédominant.

La reconnaissance d'un composant tératomateux est important car il permet de prévoir l'indication d'une chirurgie d'exérèse après chimiothérapie.

Page 107: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 160 – Tumeurs germinales du testicule

- 6 -

CONTENU DU COMPTE-RENDU HISTOLOGIQUE POUR UNE TUMEUR GERMINALE DU TESTICULE

Il doit comporter :

• la taille de la tumeur • Le siège : intratesticulaire, envahissement de l'épididyme, du rete testis, de l'albuginée, du

cordon spermatique • La présence ou non de signes d'extension vasculaire dans la tumeur ou le cordon

spermatique • L'état de la recoupe du cordon testiculaire (tumoral ou non) • le type de la tumeur selon la classification ci-dessous

Les différents constituants sont énumérés :

• Néoplasie germinale intra-tubulaire (carcinome in situ) • Séminome • Séminome spermatocytaire • Carcinome embryonnaire • Tumeur vitelline • Tératome mature • Tératome immature • Choriocarcinome

Le diagnostic final est exprimé de manière synthétique :

• Séminome pur • Tumeur germinale non séminomateuse :

- pure (un seul constituant) - mixte

VI – BILAN D’EXTENSION

— Après l’orchidectomie, il faut doser chaque semaine les marqueurs tumoraux (toujours dans le même laboratoire). En effet, en cas de maladie limitée au testicule, les marqueurs doivent se normaliser dans un temps déterminé par leur demi-vie respective.

— Le bilan d’extension clinique est habituellement peu informatif : palpation des gîtes ganglionnaires, en particulier le territoire sus-claviculaire, recherche d’une masse abdominale palpable (adénopathies), recherche d’une hépatomégalie.

Le bilan d’extension radiologique comporte un scanner thoraco-abdomino-pelvien. Celui-ci doit être un scanner volumique, en prêtant une attention particulière au premier relais ganglionnaire (pédicules rénaux). L'IRM abdomino-pelvienne peut remplacer le scanner en cas de contre-indication à l'injection iodée. S’il existe des éléments de pronostic défavorables ou en cas de découverte de métastases viscérales (poumon, foie), on réalise une scanographie, ou mieux, une IRM cérébrale. La tomographie à émission de positons (TEP) n'a pratiquement aucune place dans le bilan initial d'une tumeur germinale testiculaire maligne. Elle est inutile au cours d'une tumeur germinale non séminomateuse (ce, d'autant qu'un éventuel contingent de tératomes – dont il faut réaliser l'exérèse chirurgicale – ne fixe jamais). Tout au plus peut-on discuter une TEP initiale pour les séminomes à haute masse tumorale (stades IIc et III), lorsqu'il y a un risque de masse résiduelle à l'issue de la chimiothérapie. Il s'agit toutefois d'un examen optionnel. Les autres examens ne sont effectués qu’en cas de point d’appel.

Lorsque le traitement va comporter une chimiothérapie, des congélations de sperme sont indispensables. C'est une obligation médico-légale. Il sera également réalisé une exploration fonctionnelle respiratoire, comportant en autres un test de transfert au CO (risque de pneumopathie interstitielle lié à l’utilisation de la BLEOMYCINE ; le risque est aggravé en cas de tabagisme).

Page 108: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 160 – Tumeurs germinales du testicule

- 7 -

VII – CLASSIFICATIONS

A – CLASSIFICATION AJCC/UICC

Le TNM est peu utilisé. On utilise habituellement les stades AJCC (American Joint Committee on Cancer) ou UICC (International Union Against Cancer).

Stade I : tumeur limitée au testicule

Stade II : atteinte ganglionnaire sous-diaphragmatique IIa : une seule adénopathie ≤ 2 cm IIb : une ou plusieurs adénopathies de taille inférieure à 5 cm IIc : adénopathie de plus de 5 cm.

Stade III : atteinte ganglionnaire sus-diaphragmatique ou atteinte viscérale

On parle de stade I sérologique pour un stade I clinique et scanographique, mais avec persistance plus de 6 semaines après l’orchidectomie de marqueurs tumoraux élevés, signant la persistance d’une maladie tumorale infra clinique.

B – FACTEURS PRONOSTIQUES AU STADE I :

— Séminomes : risques supérieurs de récidive si o Tumeur > 4 cm o Extension au rete testis

— Tumeurs germinales non séminomateuses o Embols veineux +++ o Embols lymphatiques +++ o Présence de cellules indifférenciées o Absence de contigent vitellin o Carcinome embryonnaire > 80 %

C – FACTEURS PRONOSTIQUES EN MALADIE METASTATIQUE :

En maladie métastatique, on utilise la classification pronostique consensuelle de l’IGCCCG (International Germ Cell Cancer Collaborative Group).

TUMEURS GERMINALES NON SÉMINOMATEUSES SÉMINOMES

Pronostic favorable :

- pas de métastase viscérale extrapulmonaire et aFP < 1 000 ng/ml et HCG < 5 000 U.I./l et LDH < 1,5 x N

Pas de métastases autres que ganglion-naires et pulmonaires

Pronostic intermédiaire :

- pas de métastase viscérale extrapulmonaire - aFP > 1000 ng/ml et < 10 000 ng/ml

ou HCG > 5 000 U.I./l et < 50 000 U.I./l ou LDH > 1,5 x N < 10 x N

Présence d’autres métastases viscérales (en dehors du poumon)

Pronostic défavorable :

- métastase viscérale extrapulmonaire ou - aFP > 10 000 ng/ml

ou HCG > 50 000 U.I./l ou LDH >10 x N

Il n’existe pas de séminomes de pronostic défavorable

Page 109: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 160 – Tumeurs germinales du testicule

- 8 -

VIII – TRAITEMENTS

A – TRAITEMENT INITIAL (POUR TOUS LES CANCERS DU TESTICULE)

— Consultation au CECOS pour conservation de sperme (obligation médico-légale)

— Orchidectomie par voie inguinale avec ligature première et haute du cordon (± prothèse).

— Dosages itératifs des marqueurs après orchidectomie (si ceux-ci étaient élevés avant orchidectomie), pour évaluer leur décroissance. Les marqueurs sont toujours dosés dans le même laboratoire.

— Le traitement complémentaire est effectué en fonction de la forme anatomopathologique la plus agressive et du stade de la maladie. Il est effectué en centre hautement spécialisé. Il faut remettre un Plan Personnalisé de Soins (PPS).

— Pour une tumeur germinale, décision de chimiothérapie obligatoirement prise par un médecin qualifié spécialiste en oncologie médicale (obligation depuis 2009).

B – TRAITEMENT COMPLEMENTAIRE D’UN SEMINOME PUR (pour information)

— Stade I

Depuis 1940, le traitement standard est une radiothérapie conformationnelle adjuvante sur un champ lombo-aortique, avec ou non la chaîne iliaque commune homolatérale. Cette radiothérapie adjuvante est à présent effectuée à une dose de 20 Gy en 10 fractions et 2 semaines. C’est une radiothérapie de précaution qui vise à stériliser une atteinte ganglionnaire rétro-péritonéale microscopique. La probabilité d’envahissement infra clinique des ganglions rétro-péritonéaux est en effet de 15 à 20 % (d'où 15-20 % de rechutes en l'absence de traitement).

D’autres alternatives sont apparues :

• Une cure de chimiothérapie par carboplatine donne les mêmes résultats en termes de survie sans rechute à 4 ans que la radiothérapie et diminue les tumeurs germinales controlatérales.

• La surveillance simple est également une approche possible, mais nécessite un suivi régulier (scanner abdomino-pelvien tous les 3 mois pendant 2 ans, puis tous les 6 mois pendant 5 ans). Les désavantages de cette approche sont l’augmentation des coûts, le stress psychologique du patient et le risque de non-observance.

Au stade I (70-80 % des cas), les chances de guérison sont de 99 à 100 %.

— Stades IIa et IIb :

Radiothérapie lombo-aortique et iliaque homolatérale 30 Gy en 15 fractions et 3 semaines, avec un complément de dose de 5 à 10 Gy sur les adénopathies initialement envahies.

Trois cures de chimiothérapie de type BEP (Bléomycine, Etoposide, Cisplatine) peuvent constituer une option au stade IIb, à la place de la radiothérapie.

Aux stades IIa et IIB (10-20 % des cas), les chances de guérison à 5 ans sont de 95 à 98 % des cas.

— Stades IIc et III :

Indication de 3 cures de BEP ou 4 cures de type EP (Cisplatine et Etoposide). La nécessité d’utiliser la BLEOMYCINE n’a jamais été clairement démontrée et celle-ci peut être omise, en particulier chez les patients de plus de 40 ans, les fumeurs ou ceux ayant une médiocre fonction respiratoire. Il persiste à l’issue de la chimiothérapie des résidus au scanner dans 2 tiers des cas. La régression des masses ganglionnaires résiduelles après chimiothérapie est souvent longue et peut nécessiter un à deux ans. A cette étape, il est difficile de savoir si le séminome est stérilisé ou s’il existe des tissus résiduels tumoraux. Il est consensuel d’effectuer une chirurgie d’exérèse de masses résiduelles de plus de 3 cm lorsque celles-ci ne régressent plus après chimiothérapie. Un morpho TEP (TEP scan) peut aider à la décision. Un hypermétabolisme au TEP scan témoigne de la viabilité des résidus tumoraux.

Aux stades IIc et III (10 % des cas), les chances de guérison sont de 80 %.

Page 110: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 160 – Tumeurs germinales du testicule

- 9 -

EN RESUME : TRAITEMENT DES SEMINOMES PURS

Stade I (≈ 70-80%)

Stades IIa et IIb (≈ 10-20%)

Stades IIc et III (10 %)

Radiothérapie lombo-aortique (20 Gy)

(ou une cure de carboplatine, ou surveillance)

Radiothérapie lombo-aortique et iliaque homolatérale

(35-40 Gy) (chimiothérapie à discuter

au stade IIB)

Chimiothérapie 3 cycles de BEP ou 4 cycles d’EP

C – TRAITEMENT COMPLEMENTAIRE DES TUMEURS GERMINALES NON SEMINOMATEUSES

a – Stade I : tumeur apparemment limitée au testicule (environ 40 % des cas)

La définition d’un stade I suppose que le bilan d’extension soit négatif et que les marqueurs tumoraux soient revenus à la normale 6 semaines après l’orchidectomie. Le risque d’envahissement ganglionnaire lombo-aortique au stade I est de 25 à 30 %. Trois options thérapeutiques peuvent être discutées avec le patient, en fonction de ses souhaits et des facteurs pronostiques.

S’il existe des facteurs pronostiques défavorables (surtout les emboles vasculaires), le risque de rechute est de 50 %.

Les trois options possibles sont les suivantes :

— Surveillance étroite. Elle est proposée en l’absence de facteur pronostique histologique défavorable et si le patient est motivé pour une surveillance étroite et s’il paraît coopérant. Cette surveillance va durer 5 à 7 ans.

Elle comporte un examen clinique, des dosages de marqueurs, une radiographie pulmonaire et un scanner abdomino-pelvien. Elle expose à un risque de récidive, presque toujours curable, de l’ordre de 10-20 % en l'absence de facteur pronostique défavorable.

— Chimiothérapie. S’il existe des facteurs pronostiques défavorables, surtout des emboles vasculaires, le risque de rechute sans traitement serait 50 % et 2 cures de chimiothérapie de type BEP apportent la guérison au prix d’une alopécie transitoire.

— Evidement lombo-aortique (« curage limité sous-hilaire »). Il consiste en un curage du pédicule spermatique. Pour les tumeurs du testicule droit, le « curage » retire les ganglions latéro-caves, pré-caves et inter-aortico-caves, et pour les tumeurs du testicule gauche, les ganglions para-aortiques, pré-aortiques et inter-aortico-caves. Le respect des nerfs sympathiques lombaires peut permettre d’éviter une éjaculation rétrograde, complication possible du curage. Ce risque est d’environ 10 % si le curage est unilatéral et limité. Cette option est pratiquement abandonnée aujourd’hui, sauf parfois sous cœlioscopie pour limiter la morbidité.

• Si le « curage » est négatif (pas de cellule tumorale ou tératome), il n’y a pas de traitement complémentaire, une surveillance simple est indiquée.

• Si le « curage » ramène de cellules tumorales, il est suivi de 2 cures de chimiothérapie de type BEP.

Au stade I, les chances de guérison à 5 ans sont de 98 %.

b – Stade I sérologique ou stade IIa

Deux options sont possibles :

— soit « curage » lombo-aortique suivi de 2 cures de type BEP (option quasi abandonnée),

— soit 3 cures de BEP suivies d’une évaluation de l’efficacité thérapeutique par les marqueurs et un scanner abdomino-pelvien. Une chirurgie seconde est indiquée en cas de résidus tumoraux au scanner (éventualité très peu probable).

Page 111: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 160 – Tumeurs germinales du testicule

- 10 -

c – Stades IIb, IIc et III (environ 60 % des cas).

Chimiothérapie par BEP avec facteur de croissance G-CSF. Le nombre de cures est déterminé par le classement selon le groupe pronostique de l’IGCCCG.

— Tumeurs de bon pronostic : 3 cures de BEP.

— Tumeurs de pronostic intermédiaire ou défavorable : 4 cures de BEP.

Le dosage des marqueurs à la fin de la première cure de chimiothérapie a une grande valeur pronostique et la vitesse de décroissance des marqueurs permet de distinguer un groupe favorable, de décroissance rapide (survie à 4 ans de 83 %) et un groupe à décroissance lente (survie à 4 ans de 58 %).

Un scanner thoraco-abdomino-pelvien et un dosage des marqueurs sont effectués après la chimiothérapie. S’il existe des lésions résiduelles et lorsque les marqueurs sont négativés, une exérèse chirurgicale de tous les résidus est envisagée (car laisser les résidus expose à un risque de récidive tumorale et, en présence de tératome, un risque de sarcome à long terme). En cas de sites multiples atteints, les patients ont en général en premier le curage lombo-aortique, puis l'exérèse de masses résiduelles d'autres sites.

La conduite à tenir ultérieure dépend des résultats anatomopathologiques :

— Tératome mature ou immature, fibrose ou nécrose : surveillance simple

— Présence de cellules tumorales résiduelles : 2 cures supplémentaires de chimiothérapie, soit par le protocole BEP, soit par une chimiothérapie de rattrapage, par exemple VeIP (Vinblastine, Ifosphamide, Cisplatine).

Stades II et III : résultats thérapeutiques, selon la classification de l’IGCCCG,

— bon pronostic : 92 % de survie à 5 ans,

— pronostic intermédiaire : 80 % de survie à 5 ans,

— pronostic défavorable : 48 % de survie à 5 ans.

TUMEUR NON SEMINOMATEUSE

Stade I (≈ 40 %)

3 options selon facteurs pronostiques

Stades II et III (≈ 60 %) +

Classification IGCCCG

Surveillance étroite

« curage » lombo-aortique

+ 2 cures de BEP

si curage +

Chimiothérapie (2 cures de BEP) surtout si emboles

vasculaires

Pronostic bon ou intermédiaire

Pronostic défavorable

Chimiothérapie (3 cycles de BEP)

Chimiothérapie (4 cycles de BEP)

Chirurgie d’exérèse des lésions résiduelles

IX – SURVEILLANCE

La surveillance s’exerce différemment selon que la tumeur est un séminome ou une tumeur germinale non séminomateuse. Elle comprend toujours un examen clinique général et un examen du testicule controlatéral, en principe annuellement à vie. Le risque de cancer du testicule controlatéral est inférieur à 1 % et devient quasi nul après 50 ans.

Après chimiothérapie, une surveillance annuelle da la créatininémie est conseillée. Compte-tenu du risque accru de second cancer, il faut obtenir l'arrêt du tabac, conseiller l'activité physique et lutter contre l'obésité, car ces patients sont à risque accru de syndrome métabolique et d'accidents cardiovasculaires.

Il faut s’assurer de la réinsertion professionnelle et l’absence de trouble de fertilité.

Page 112: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 160 – Tumeurs germinales du testicule

- 11 -

En cas de refus de prêt bancaire en raison des antécédents de cancer, il faut faire jouer la Convention AERAS (pour s'Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé). En effet, en cas de rejet d'une demande de prêt, il est plus difficile de mener des projets à terme et de se considérer comme guéri.

L’éjaculation rétrograde est la séquelle possible d’un curage étendu.

En cas de chimiothérapie, une contraception est recommandée pendant tout le traitement et au cours de la première année de suivi. Environ 70 % des patients désireux d’une paternité vont se révéler fertiles. Le risque d’azoospermie est surtout marqué en cas d’antécédent de cryptorchidie ou de traitement comportant une radiothérapie.

A – SURVEILLANCE DES SEMINOMES

— Au stade I, les patients ayant choisi l’option d’une surveillance simple sans irradiation doivent faire l’objet d’une surveillance rigoureuse, car la majorité des rechutes est curable. En ce cas, une scanographie abdomino-pelvienne est habituellement programmée tous les 3 mois pendant 2 ans et tous les 6 mois ensuite jusqu’à 5 ans. Après radiothérapie, certaines équipes conseillent une surveillance des marqueurs et une scanographie abdomino-pelvienne annuelle, mais la rentabilité en est très faible, le risque de rechute étant à inférieur à 1 % pour les patients irradiés.

— Pour les stades IIa et IIb irradiés, un scanner abdomino-pelvien à 6 mois est habituellement conseillé. Au stade IIc, un scanner abdomino-pelvien est prévu tous les 4 mois la première année, tous les 6 mois la seconde et annuellement jusqu’à 7 ans.

B – SURVEILLANCE DES TUMEURS GERMINALES NON SEMINOMATEUSES

Stade I clinique (après orchidectomie seule)

RP, marqueurs

1ère année / mois 2ème année / 2 mois 3ème année / 3 mois 4ème année / 4 mois 5ème année / 6 mois puis annuellement jusqu’à 7 ans

Scanographie abdomino-pelvienne 1ère année / 3 mois 2ème et 3ème années/6 mois puis annuellement jusqu’à 7 ans

Stade I (après curage et/ou chimiothérapie)

RP, marqueurs

1ère année / 3 mois 2ème année / 3 mois 3ème à 5ème années/6 mois puis annuellement jusqu’à 7 ans

Scanographie abdomino-pelvienne 6ème mois puis annuellement jusqu’à 7 ans

Stades II-III pronostic favorable ou intermédiaire

RP, marqueurs 1ère année / 4 mois 2ème année / 6 mois puis annuellement jusqu’à 7 ans

Scanographie abdomino-pelvienne ± thoracique si atteinte sus-diaphragmatique

Initiale à 4, 8, 12, 18, 24 mois puis annuellement jusqu’à 7 ans

Stades II-III pronostic défavorable

RP, marqueurs

1ère année / mois 2ème année / 2 mois 3ème à 5ème années / 4 mois puis annuellement jusqu’à 7 ans

Scanographie abdomino-pelvienne ± thoracique si atteinte sus-diaphragmatique ± IRM cérébrale si cerveau atteint

1ère année / 3 mois 2ème année / 6 mois puis annuellement jusqu’à 7 ans

Au total, le cancer du testicule est un modèle de prise en charge pluridisciplinaire et de curabilité, à condition que le traitement soit bien conduit, la surveillance régulière et le patient observant.

Page 113: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 160 – Tumeurs germinales du testicule

- 12 -

TUMEURS GERMINALES DU TESTICULE : LES POINTS IMPORTANTS

❖ Modèle de curabilité, même en maladie métastatique, depuis l’utilisation du cisplatine.

❖ Lymphophilie

- premier relais lymphatique inter-aortico-cave (à hauteur de L2) en cas de cancer du testicule D

- premier relais lymphatique latéro-aortique gauche, sous le hile rénal, si cancer du testicule G

❖ Examen clinique : testicule globalement induré ou nodule dur intra-testiculaire, le testicule restant séparé de l'épididyme par un sillon (signe de Chevassu). Toute masse intra-testiculaire solide est à considérer comme un cancer jusqu’à preuve du contraire

❖ Dosage des marqueurs tumoraux avant orchidectomie : αFP, HCG, LDH (puis dosage hebdomadaire tant que les valeurs restent anormales)

❖ Diagnostic : échographie : masse solide intra-testiculaire : jamais de biopsie, diagnostic histologique par orchidectomie par voie haute (inguinale) avec ligature première du cordon

❖ Bilan d’extension : scanographie thoraco-abdomino-pelvienne (scanner volumique), scanographie cérébrale si pronostic défavorable, ou si point d’appel, marqueurs postorchidectomie

❖ Classification AJCC (American Joint Committee on Cancer) Stade I : tumeur limitée au testicule

Stade I sérologique : stade I clinico-radiologique, mais persistance plus de 6 semaines après orchidectomie de marqueurs élevés

Stade II : atteinte ganglionnaire sous diaphragmatique II a : < 2 cm II b : 2 à 5 cm II c : > 5 cm

Stade III : atteinte ganglionnaire sus-diaphragmatique ou atteinte viscérale autre (poumons, foie, cerveau le plus souvent)

❖ L’afoetoprotéine est toujours normale en cas de séminome pur. L'HCG totale peut être élevée

<100UI

Page 114: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 160 – Tumeurs germinales du testicule

- 13 -

❖ Facteurs pronostiques en maladie métastatique : classification IGCCCG (International Germ Cell Cancer Collaborative Group)

TUMEURS GERMINALES NON SÉMINOMATEUSES SÉMINOMES

Pronostic favorable :

- pas de métastase viscérale extrapulmonaire et aFP < 1 000 ng/ml et HCG < 5 000 U.I./l et LDH < 1,5 x N

Pas de métastases autres que ganglion-naires et pulmonaires

Pronostic intermédiaire :

- pas de métastase viscérale extrapulmonaire - aFP > 1000 ng/ml et < 10 000 ng/ml

ou HCG > 5 000 U.I./l et < 50 000 U.I./l ou LDH > 1,5 x N < 10 x N

Présence d’autres métastases viscérales (en dehors du poumon)

Pronostic défavorable:

- métastase viscérale extrapulmonaire ou - aFP > 10 000 ng/ml

ou HCG > 50 000 U.I./l ou LDH >10 x N

Il n’existe pas de séminomes de pronostic défavorable

❖ Prélèvement de sperme pour autoconservation si possible avant tout traitement

❖ Prise en charge urgente en centre hautement spécialisé Références : Cancer du testicule : Revue du Praticien, 2007, 57 (n° 4) : 361-384 Revue du Praticien 2006;56:185-190 (question ECN) www.uropage.com

Page 115: Referentiel Module 10 II

- 1 -

LES MALADIES DU SEIN Pr F. Guillemin – Question ECN n° 159 - Tumeurs du sein

• Diagnostiquer une tumeur du sein

La pathologie du sein est très fréquente : une femme sur deux au moins est amenée à consulter à ce sujet. Pour cinq anomalies cliniques, il y en a environ deux pour mastose fibrokystique, une pour cancer, une pour adénome et une pour diverses pathologies inflammatoires, traumatiques ou autres.

Le dépistage du cancer –avant tout symptôme– est faisable par la mammographie. Il s’agit d’un problème de santé publique car le diagnostic très précoce réduit la mortalité par cancer du sein.

La possibilité d'un cancer domine tous examens cliniques ou paracliniques dont l'objet est d'abord d'éliminer ce diagnostic ou bien de le préciser avec certitude. En Europe Occidentale et en Amérique du Nord, presque 7 femmes sur 100 font un cancer du sein (incidence 85 pour 100 000 femmes par an pendant 81 années de durée moyenne de la vie féminine). Ces cancers guérissent grâce à un diagnostic précoce et à un traitement bien adapté en première main.

En pratique courante, la conduite à tenir devant une tuméfaction mammaire reste d'intérêt quotidien : un interrogatoire précis, un bon examen clinique, la prescription d'examens complémentaires parmi lesquels la mammographie, l’échographie mammaire et la cytoponction ou les microbiopsies sont les éléments essentiels.

LA MASTOSE FIBRO-KYSTIQUE (maladie de Reclus ou maladie de Schimmelbusch)

C'est la plus fréquente des maladies du sein. Il s'agit d'une dysplasie caractérisée par :

— des kystes uniques ou multiples ponctionnables

— des microkystes en grappes et des remaniements métaplasiques, idrosadénoïde par exemple, dont l'ensemble forme une tuméfaction irrégulière et suspecte

— des dilatations irrégulières des canaux galactophores avec des proliférations bénignes à l'intérieur qui peuvent induire un écoulement sérieux, voire sanglant, du mamelon

La maladie se manifeste le plus souvent par une tuméfaction kystique disparaissant après ponction évacuatrice, moins souvent par une tuméfaction mal circonscrite, nécessitant l'exérèse-biopsie en bloc de la région anormale, plus rarement par un écoulement sanglant du mamelon, nécessitant une lobectomie centrée sur le canal responsable, aux fins de biopsie.

Mise à jour : mai 2011

Page 116: Referentiel Module 10 II

F. Guillemin – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 2 -

Etiologie

L'affection, très fréquente, surtout à l'état infra-clinique, survient dans la seconde moitié de la vie génitale féminine, entre 35 ans et la ménopause. Cette dernière l'éteint entièrement, sauf imprégnation estrogénique post-ménopausique artificielle. La dysplasie est sans doute l'aboutissant organique d'un déséquilibre hormonal entre phases folliculinique et lutéïnique du cycle, intervenu pendant des années. Conduite à tenir

La radiographie du sein montre dans le cas de kyste, une opacité ronde, circonscrite et homogène, et l'échographie donne une image tout à fait spécifique d'un kyste à ponctionner. Les autres manifestations de la maladie ne donnent pas d'image qui puisse dispenser de l'exploration anatomo-chirurgicale.

La ponction évacuatrice du kyste assure à elle seule le diagnostic, mais si le kyste se reproduit ou si après l'évacuation, il persiste une quelconque tuméfaction anormale, l'exérèse-biopsie s'impose. Les autres manifestations de la maladie nécessitent d'emblée l'exérèse chirurgicale.

Les formes récidivantes et polyfocales de la maladie peuvent être traitées par voie générale en donnant de la progestérone dans la deuxième moitié du cycle.

L'ADENOME DU SEIN

C'est la tumeur bénigne la plus fréquente. Elle est faite d'une prolifération glandulaire et conjonctive pseudo-encapsulée. Elle survient typiquement dans la première moitié de la vie génitale active, de la puberté à 35 ans ; mais un adénome laissé en place demeure et peut se calcifier après des années. Il existe une forme particulière juvénile réalisant le fibroadénome géant de la jeune fille qui peut dépasser une dizaine de centimètres de diamètre.

L'aspect clinique est celui d'un nodule dense, circonscrit. L'aspect radiologique est celui d'une opacité dense, assez homogène, arrondie et bien circonscrite.

La tumeur phyllode a un structure en "feuille de chou". C'est un adénofibrome qui survient à 45 ans en moyenne. La composante epithéliale est associée à une composante mésenchymateuse très cellulaire. Il existe des formes bénignes, des formes border-line et des formes malignes dites sarcomes phyllodes.

AFFECTIONS MAMMAIRES DIVERSES

— Les lymphangites et abcès du sein à pyogènes banaux sont des accidents dus à la succion du mamelon, c'est-à-dire qu'on les observe essentiellement au cours de l'allaitement. Rougeur, douleur, chaleur les caractérisent.

— La tuberculose mammaire simule un cancer avancé du sein avec tuméfaction étendue, adhérence cutanée, peau d'orange, polyadénopathies axillaires : elle est rarissime en France, assez fréquente en Afrique.

— L'abcès sous-aréolaire récidivant est lié à une métaplasie epidermoïde du sinus lactifère. Son traitement requiert l’exérèse du sinus et du canal pathologique.

— La mastite à plasmocytes est essentiellement postménopausique : c'est un processus inflammatoire subaigu, à rechutes, autour des galactophores terminaux, sous-mamelonnaires ; elle simule un cancer sous-mamelonnaire par la chronicité, la rétractilité et la mauvaise limitation du processus. Le diagnostic est posé par l’examen anatomo–pathologique qui décrit une nécrose, un granulome et une infiltration plasmocytaire.

— La cytostéatonécrose résulte à long terme de la résorption sous-cutanée d'un hématome et d'une lipolyse, à la suite d'un traumatisme. Elle survient chez une femme obèse. à gros seins, qui présente plusieurs mois après un traumatisme souvent oublié un nodule rétractile, immédiatement sous-cutané, qui simule un cancer squirrheux et superficiel.

Page 117: Referentiel Module 10 II

F. Guillemin – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 3 -

LES HYPERPLASIES EPITHELIALES

Elles correspondent à une hypercellularité au niveau des lobules et/ou des canaux, elles sont plus ou moins atypiques jusqu’à réaliser de véritables états pré–cancéreux.

— L’adénose est observée vers 30—40 ans, c’est une multiplication des acini dont l’architecture reste conservée bien qu’il existe une fibrose centrale. Le centre prolifératif d’Aschoff (ou radial scan) associe du tissu fibreux cicatriciel et des résidus adénomateux ; cette forme peut faire évoquer un cancer et justifie une exérèse–biopsie.

— La papillomatose est une hyperplasie galactophorique intracanalaire ou intrakystique. L’écoulement sanglant du mamelon est souvent le signe révélateur d’un papillome intracanalaire isolé. La preuve est apportée par l’exérèse–biopsie.

— La neoplasie lobulaire in situ (ou carcinome lobulaire in situ) est formée par des cellules neoplasiques occupant la totalité des acini. C’est une pathologie multifocale, multicentrique et bilatérale. Le risque de développer un cancer invasif est de 10 % à 10 ans dans l’un ou l’autre sein. Le traitement est adapté à la répartition topographique des lésions. Le diagnostic est posé foruitement à l’occasion d’un prélèvement fait pour une autre raison ou du fait de l’existence de microcalcification.

— Le carcinome intracanalaire (ou carcinome canalaire in situ) est une forme sévère de dysplasie. Plusieurs aspects ont été décrits : comedocarcinome, formes cribriforme, papillaire ou massive ; actuellement, la classification sépare des formes de haut grade et des formes de bas grade. Le CIC est un état précancéreux qui expose à un risque de voir se développer un cancer invasif dans le même sein (estimation de 25 % sur une période de 10 ans). Le CIC est évoqué lors de la découverte de microcalcifications, typiquement irrégulières, en bâtonnets, répartis selon la topographie des canaux d’un segment du sein. Le CIC peut être associé à un cancer invasif. Le traitement du CIC associe une exérèse locale qu’on peut compléter par une irradiation du sein. Parfois, les lésions sont tellement étendues qu’il faut faire une mastectomie totale ; le curage axillaire devient obligatoire s’il existe des signes de micro–invasion. Il faut garder à l’esprit qu’une récidive s’exprimera le plus souvent sous forme invasive, d’un nettement moins bon pronostic.

LES CANCERS DU SEIN

Ce sont les proliférations malignes de la glande et quasiment toujours des adénocarcinomes. Formes anatomo-cliniques

La plus habituelle est le cancer nodulaire, dense, irrégulier, faisant corps avec la glande, indolore et froid. On voit, plus rarement, le cancer inflammatoire, localisé ou global (mastite carcinomateuse), le cancer colloïde et le cancer médullaire dont l'aspect clinique encapsulé simule un adénome ou un kyste, la maladie de Paget du mamelon dite encore "eczéma" du mamelon qui correspond à l'extériorisation d'un cancer canalaire sous-jacent, éventuellement impalpable.

Signes révélateurs

Il y en a sept. De loin le plus fréquent est la tuméfaction du sein qui, associée à un pli cutané en regard, est hautement caractéristique. Viennent ensuite l'attraction cutanée isolée, l'attraction, l'ulcération ou l'écoulement sanglant du mamelon, l'adénopathie axillaire monosymptomatique ou bien encore une manifestation métastatique osseuse, en particulier, lombaire ou pelvienne.

Examens complémentaires

Huit fois sur dix, la notion de l'âge de la malade et l'examen clinique attentif donnent une sérieuse présomption de malignité. A cet égard, la moindre attraction cutanée, en regard de la tuméfaction, a une valeur positive considérable. La cytoponction est simple, atraumatique, elle amène souvent des cellules malignes, mais sa négativité ne permet pas d'infirmer à coup sûr un cancer.

Page 118: Referentiel Module 10 II

F. Guillemin – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 4 -

La mammographie montre une opacité à limites irrégulières, des microcalcifications en amas ; on sait qu'elle peut révéler de tels signes, même en l'absence de tuméfaction palpable et qu'elle devient alors un véritable moyen de dépistage. L'échographie rend essentiellement service pour l’exploration des seins cliniquement et radiologiquement denses. Une zone hétérogène justifie une ponction echoguidée. L'exérèse-biopsie chirurgicale avec étude histologique en coupes multiples d'une lésion hétérogène, apporte seule la certitude entière du diagnostic. L'examen histologique extemporané, par congélation, peut éviter une réintervention chirurgicale chez une patiente préalablement informée.

DIAGNOSTIC PRECOCE DES CANCERS DU SEIN

Son importance est largement confirmée : plus la tumeur est petite, moins il y a de chances qu'elle ait donné des métastases ganglionnaires et/ou plus lointaines (viscérales ou osseuses). Le traitement précoce élève considérablement le taux de survie à 5 et à 10 ans, réduit d'un tiers environ la mortalité par cancer du sein. Pour amener le plus grand nombre possible de cancers de petit volume au traitement, il faut :

— promouvoir l'auto-examen mammaire périodique chez les femmes à partir de 35 ans

— encourager l'examen clinique systématique par le médecin généraliste à partir de 40 ans

— mettre en place le dépistage des précancers et cancers du sein par la radiographie. L'examen radiologique à ce titre n'a guère d'intérêt chez les femmes non ménopausées, à moins qu'elles ne présentent des antécédents personnels ou familiaux de cancer du sein. Par contre, après la ménopause non seulement l'incidence du cancer du sein est considérablement plus élevée, mais le sein, largement déshabité de glande, laisse apparaître avec évidence le développement du moindre cancer. Ainsi, le rapport du coût de l'examen avec l'efficacité est très élevé après la ménopause Il faut alors encourager la radiographie de dépistage tous les trois ans.

Une politique raisonnable, économiquement et scientifiquement fondée, est attendue car il s'agit d'une question de santé publique dont les conséquences sont lourdes Le dépistage désordonné, irrationnel, non trié sur les facteurs de risque, est économiquement insupportable pour la solidarité nationale.

Dans le cas d’une prédisposition familiale, la recherche de mutation sur le gène BRCA 1 ou 2 est indiquée après une consultation d’oncogénétique qui calculera le risque de mutation après élaboration d’un arbre généalogique. L’existence d’une mutation doit conduire à proposer une mastectomie bilatérale prophylactique dont la date sera fixée par la patiente après information.

Page 119: Referentiel Module 10 II

- 1 -

CANCER DU SEIN INVASIF T. Conroy – Question ECN n° 159 - Tumeurs du sein • Diagnostiquer une tumeur du sein • Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient

I – EPIDEMIOLOGIE (Question ECN n° 138)

A – EPIDEMIOLOGIE DESCRIPTIVE

1) Situation en France

- Première cause de décès par cancer chez la femme : 11 300 décès en 2011.

- Près de 53 000 nouveaux cas de cancers en 2011 (deux fois plus qu’en 1980).

- Touche 1 femme sur 8 ou 9 et un homme sur 2000. Le risque augmente pour les cohortes les plus jeunes, puisque pour la génération née en 1953, une femme sur 8 est touchée.

- Incidence en augmentation constante, mais nette amélioration de la survie au cours des 20 dernières années.

- Rare avant 35 ans, mais fréquence chez les jeunes femmes en augmentation. L’âge moyen du diagnostic est de 61 ans et 75 % des cas surviennent après 50 ans. L’incidence augmente progressivement avec l’âge à partir de 30 ans jusqu’à un pic maximum d’incidence entre 60 et 69 ans.

- Pour Information : Les variations d’incidence entre les régions françaises sont assez importantes, avec pour information un rapport de 1,8 entre l’incidence la plus basse (60 pour 100 000 en Corse) et l’incidence la plus forte (107 pour 100 000 dans le Nord-Pas-de-Calais).

2) Situation mondiale

Les pays à haut risque de cancer du sein sont ceux d’Amérique du Nord et d’Europe Occidentale (plutôt le Nord que le Sud) alors que ceux d’Asie présentent les taux les plus faibles. Dans tous les pays, l’incidence est plus élevée en zone urbaine qu’en zone rurale. C'est depuis 2006 le cancer le plus fréquent en Europe.

Mise à jour : mai 2013

Page 120: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 2 -

B – FACTEURS DE RISQUE ET FACTEURS PROTECTEURS

1) Sexe féminin

Moins de 1 % des cancers du sein surviennent chez l'homme. En ce cas, il faut penser à une prédisposition génétique, et plus particulièrement à une mutation BRCA2. 2) Facteurs de risque génétique

Des études menées sur des jumelles ont permis de conclure que les facteurs héréditaires contribuent pour environ un quart du risque alors que les facteurs environnementaux et de modes de vie interviennent pour les trois quarts restants.

2.1 – Formes familiales (5 à 10 % des cancers du sein).

La prédisposition génétique au cancer du sein est caractérisée par un risque élevé de cancer du sein, risque multiplié par un facteur 8-10 par rapport à la population générale. Les formes familiales de cancer du sein résultent de la transmission, généralement selon un mode autosomique dominant, d’un gène muté délétère prédisposant au cancer. Cependant, le processus cancéreux étant un phénomène multi-étapes, une mutation germinale seule n’est pas un phénomène suffisant. L’acquisition du phénotype malin nécessite d’accumuler dans une même cellule d’autres mutations ponctuelles, des délétions ou méthylation de promoteurs. Cela explique que la pénétrance soit forte, mais pas de 100 %.

On reconnaît au moins 3 principaux types de syndromes familiaux de cancer du sein :

- Des familles où l’atteinte mammaire représente la tumeur prédominante, voire exclusive.

- L’association de cancer du sein au cancer de l’ovaire.

- Des syndromes de cancers familiaux de sites variés, parmi lesquels le syndrome de Lynch.

Quand suspecter une histoire familiale de cancer du sein ? (indication de consultation d’oncogénétique) :

- 3 cas de cancer du sein et/ou de l’ovaire chez des apparentés au 1er ou au 2ème degré dans la même branche parentale

- 2 cas de cancer du sein chez des apparentés au 1er degré et avec au moins l’un des critères suivants : . âge < 40 ans . cancer bilatéral . cancer multifocal . cancer du sein et cancer de l’ovaire chez la même patiente

- un antécédent familial de cancer de l'ovaire - 2 membres de la famille atteints d’un cancer du sein < 50 ans - plusieurs foyers de cancer du sein primaires indépendants associés à un antécédent familial au 1er ou au

2ème degré

- Cancer du sein < 40 ans sans histoire familiale.

- Cancer du sein chez un homme (penser à une mutation de BRCA 2).

BRCA 1 et 2 (BReast CAncer)

Le rôle des allèles mutants des gènes BRCA 1 et BRCA 2 dans le développement des cancers du sein et de l’ovaire est établi depuis 1994 et 1995 respectivement. La transmission se fait sur le mode autosomique dominant à forte pénétrance. En cas de découverte d’une mutation BRCA, les autres membres de la famille peuvent faire l’objet de la recherche de la mutation. Les femmes porteuses de mutation constitutionnelle font l’objet d’une surveillance clinique biannuelle dès l'âge de 20 ans et d'un suivi radiologique mammaire dès l’âge de 30 ans.

Page 121: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 3 -

Le suivi radiologique consiste en la réalisation, sur une période n'excédant pas 2 mois, d'une mammographie, d'une échographie en cas de seins denses et d'un examen par IRM. Idéalement, l'examen IRM doit être réalisé en premier, ce qui permet d'orienter le bilan standard en cas d'anomalie détectée. Cette surveillance radiologique doit être réalisée à un rythme annuel. De plus, une échographie pelvienne est réalisée annuellement à partir de l'âge de 35 ans (surveillance des ovaires).

Chez la femme porteuse de mutation BCRA1/2, une annexectomie prophylactique est une option après 40 ans après validation pluridisciplinaire. Elle réduit le risque de cancer du sein de 50 % et celui de cancer de l’ovaire de plus de 90 %. La mammectomie bilatérale prophylactique est la mesure préventive la plus efficace ; elle réduit le cancer du sein d'au moins 90 %, mais pose des problèmes d'acceptabilité et de conséquences psychologiques (nécessité d’une consultation psychologique et d’un délai de réflexion minimum de 6 mois entre la proposition de mammectomie prophylactique et la réalisation de la chirurgie). - Le gène BRCA 1 est situé sur le chromosome 17. Environ 500 mutations germinales différentes ont été

rapportées. 90 % des cancers liés à une mutation BRCA 1 sont "triples négatifs" (RE, RP et c-erbB2 négatifs). Environ la moitié de ces cancers ont perdu le gène suppresseur PTEN.

En cas de mutation constitutionnelle, les risques cumulés de cancer à 70 ans sont les suivants :

- Risque de cancer du sein ou de l’ovaire : 94 % - Cancer du sein +++ : 65 % de risque, dont 25 % avant l'âge de 45 ans, suivi d’un second cancer

controlatéral dans 50 % des cas - Cancer de l’ovaire ++ : 40 %. - Augmentation majeure du risque de cancers des trompes de Fallope. - Cancers gastrique et colorectal : risque légèrement accru.

- Le gène BRCA 2 est situé en 13(q12-13). Environ 300 mutations connues. Il est associé au risque

cumulé d’avoir un cancer avant l’âge de 70 ans : - Cancer du sein +++ : 40 % des cas (risque de controlatéralité : 50 %), dont 7 % avant 45 ans - Cancer de l’ovaire ++ : 11 % des cas - Cancer du sein chez l’homme (risque cumulé de 4 % à l’âge de 70 ans) - Cancer de la prostate multiplié par 2-3 - Cancer du pancréas, mélanome cutané et de la choroïde : augmentation modérée du risque

Et pour information :

Syndrome de Lynch : association à des cancers colorectaux, de l’endomètre et de l’ovaire principalement.

Syndrome de Li et Fraumeni (très rare) : dû à une mutation inactivatrice de TP 53 : risque de cancer au cours de la vie de l’ordre de 90 % : cancers de survenue précoce (la moitié avant 30 ans) en particulier sarcomes (osseux ou tissus mous), tumeurs cérébrales, leucémies et cancers du sein.

Maladie de Cowden (très rare). Association d’une mastose fibrokystique sévère à des hamartomes multiples (mutation du gène suppresseur PTEN).

L’ataxie-télangiectasie : maladie rare autosomale récessive. Elle associe une ataxie, des télangiectasies, un déficit immunitaire et confère un risque élevé de pathologies cancéreuses, surtout hémopathies malignes et plus accessoirement cancers du sein.

L'incidence des mutations CHEK2 et PALB2 (des nouvelles mutations associées au cancer du sein héréditaire, découvertes en 2007) reste à déterminer en population française.

20 à 30 % des cancers du sein familiaux restent de causes inconnues, les gènes responsables restant à identifier.

2.2 – Autres causes génétiques

Certains polymorphismes enzymatiques altérant soit le métabolisme des hormones stéroïdes, soit la détoxification des composés carcinogènes, ont été isolés comme facteurs de risque.

Page 122: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 4 -

3) Facteurs de risques hormonaux

- Le risque de cancer du sein est fortement associé avec la durée de la vie reproductive et celle de la fonction ovarienne. Un âge précoce (avant 13 ans) des premières règles (ménarche), un âge tardif (> 30 ans) pour la première naissance ou la nulliparité, et un âge tardif de la ménopause (après 55 ans) augmentent le risque. Comparé aux femmes nullipares, celles qui ont mené à terme au moins une grossesse ont en moyenne un risque de cancer du sein réduit de 25 %. L'effet protecteur est plus important avant 25 ans. L’allaitement de plus de 6 mois/enfant est également un facteur protecteur et l’absence d’allaitement constitue un facteur de risque. L’ensemble de ces facteurs évoque une augmentation de risque liée à une surexposition aux oestrogènes endogènes.

- La grande majorité des enquêtes n’a pas mis en évidence de liaison significative entre l’utilisation d’un contraceptif oral et l’apparition d’un cancer du sein.

- Le traitement substitutif hormonal (THS) de la ménopause est un facteur de risque modéré, comme l’a démontré l’étude de la Women’s Health Initiative (WHI).

Pour information, cette étude randomisée en double aveugle a testé le THS versus placebo chez 16 600 femmes, mais les 3/4 des patientes étaient ménopausées depuis plus de 10 ans, ce qui n’est pas représentatif de la population française à qui un THS est proposé. L’étude montre que, pour 10 000 femmes, un an de traitement par THS induit 8 cas supplémentaires de cancer du sein et réduit de 6 cas le nombre de cancers du côlon. Le risque relatif de présenter un cancer du sein sous THS est de 1,26 par rapport aux femmes ayant reçu un placebo. L’ANAES (avril 2004) a donc recommandé de restreindre l’utilisation du THS aux patientes présentant des troubles climatériques invalidants (bouffées de chaleur, sudations nocturnes, sécheresse vaginale) et préconise une prescription limitée à 2 ou 3 ans en moyenne, après information des patientes sur le rapport bénéfice/risque et réalisation d’un bilan mammaire.

- L’obésité (après la ménopause), la sédentarité, un niveau socio-économique élevé, constituent des facteurs de risque. Le rôle de facteurs nutritionnels (alimentation riche en graisses ?) est incertain. Parmi les facteurs de risque récemment identifiés, il faut citer :

- Un poids de naissance élevé, - Un jeune âge lors de la croissance maximale, - Une taille élevée à 14 ans.

- La consommation d’alcool est un facteur de risque faible, avec une augmentation du risque linéaire de l’ordre de 7 % par 10 g d’alcool/j. Par exemple, 30 g d’alcool/j augmente le risque d'environ 20 %.

- Il semble y avoir une faible augmentation du risque de cancer du sein en cas de tabagisme. 4) Autres facteurs de risque

La majorité des patientes présentant une pathologie bénigne du sein n’a pas de risque accru de cancer du sein. Le groupe hétérogène de maladies bénignes du sein est souvent divisé en lésions non prolifératives et lésions prolifératives avec ou sans atypie. Les lésions non prolifératives sont généralement associées à une absence d’augmentation du risque de cancer du sein ou à une augmentation faible. Le fibroadénome isolé ne semble pas constituer un facteur de risque chez la femme de moins de 40 ans.

Les lésions prolifératives sans atypie augmentent le risque de cancer du sein par 2 et les hyperplasies atypiques augmentent le risque par 4 par rapport aux femmes sans maladie bénigne du sein. Le risque le plus élevé correspond aux maladies fibrokystiques associées à une hyperplasie proliférante et à un degré élevé d’atypie cellulaire.

Les femmes exposées à hautes doses de radiations ionisantes ont un risque augmenté de cancer du sein, comme en témoignent les études effectuées des survivantes japonaises aux bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, celles sur les femmes ayant eu de nombreux contrôles radiographiques pour tuberculose pulmonaire. L'irradiation thoracique accidentelle ou médicale est donc un facteur de risque.

L’exercice physique a un effet protecteur, avec une réduction de risque d’environ 30 % pour 3 heures hebdomadaires d’activité sportive.

Page 123: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 5 -

Résumé des principaux facteurs de risque de cancers du sein

Facteurs Risque relatif

(ordre de grandeur, pour information)

Age > 50 ans > 10

Age au 1er enfant > 30 ans 2-4

Cancer du sein bilatéral, avant la ménopause, familial > 4

Cancer du sein, de l’ovaire ou de l’endomètre chez la mère ou une sœur ou une tante

2-4

Maladie fibrokystique du sein 2-4

Maladie fibrokystique du sein avec hyperplasie atypique > 4

Irradiation thoracique 2-4

Age aux premières règles < 13 ans 1,5

Age à la ménopause > 55 ans 2,1

Obésité 2

Alcool 1,3

II – DEPISTAGE ORGANISE

Son but est de réduire la mortalité par cancer du sein. Il s’adresse à des sujets sains qui ne présentent ni symptôme, ni signe clinique, à la différence des examens diagnostiques.

Le dépistage organisé du cancer du sein est recommandé pour les femmes âgées de 50 à 74 ans, y compris celles ayant des antécédents de traumatisme, le port de prothèses, les antécédents de chirurgie (plasties, lésions bénignes) et les seins denses.

Sont exclues du dépistage organisé et orientées vers une prise en charge individualisée les femmes dans les situations suivantes :

- Surveillance d’une image anormale,

- Antécédent de néoplasie lobulaire ou d’hyperplasie épithéliale atypique,

- Antécédent personnel de cancer du sein,

- Découverte d’un gène de prédisposition familiale,

- Trois antécédents familiaux au premier ou deuxième degré dans la même branche,

- Deux antécédents familiaux dont l’un au moins avant 40 ans, ou cancer bilatéral, ou cancer du sein et cancer de l’ovaire, ou plusieurs cancers de l’ovaire.

L’autopalpation est conseillée chez toutes les femmes, mais elle n’a pas fait la preuve de son efficacité en terme de réduction de la mortalité. Ni l’autopalpation, ni l’échographie, ni les marqueurs ne sont des moyens fiables de dépistage. Le seul moyen efficace de dépistage du cancer du sein est la mammographie. C’est un bon examen après 50 ans car le sein est déshabité. Le dépistage de masse, organisé et évalué, est opposé au dépistage individuel, qui n’a pas fait la preuve de son efficacité. Il doit s’y substituer.

D’un point de vue de santé publique, le bénéfice du dépistage organisé du cancer du sein n’est pas prouvé avant 50 ans (ANAES, mars 2004). En effet, les tumeurs sont moins fréquentes qu’après 50 ans, la mammographie moins performante (seins plus denses), la progression tumorale plus rapide et la proportion de cancers peu différenciés ou avec envahissement ganglionnaire plus élevée. De plus, on ne

Page 124: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 6 -

dispose pas d’étude randomisée de bonne qualité méthodologique et de puissance satisfaisante dans la tranche d’âge 40-50 ans.

Entre 50 et 74 ans, une réduction de mortalité par cancer du sein de 30 % est possible si la participation au dépistage de masse est supérieure à 60 %. L’avance au diagnostic est en moyenne de 2 ans. Les traitements réalisés pour les tumeurs dépistées sont moins mutilants, car il est effectué dans 70 % des cas un traitement conservateur (contre 30 % des cas pour les tumeurs diagnostiquées à l’occasion d’un symptôme).

Le dépistage organisé en France, organisé selon un cahier des charges national, comporte un interrogatoire, un examen clinique effectué par le radiologue et une mammographie. Les femmes âgées de 50 à 74 ans sont convoquées tous les 2 ans. Ce dépistage est généralisé sur l’ensemble du territoire depuis 2004. Les modalités du dépistage organisé en Meurthe et Moselle et en Moselle sont disponibles sur le site www.oncolor.org, rubrique référentiel sein (dépistage).

La mammographie comporte deux incidences (un cliché en oblique externe et un autre de face). Elle est gratuite. Elle est toujours bilatérale. Quand on lit une mammographie, on affiche les radiographies et on les compare aux clichés précédents quand on a la chance d’en disposer. L’étape d’analyse compare les incidences identiques de chaque sein. Les clichés sont rendus à la patiente. Les tests négatifs font l’objet d’une double lecture. Des contrôles de qualité sont organisés dans l’ensemble des centres radiologiques agréés. Si le radiologue l’estime nécessaire, il est autorisé à réaliser une échographie en complément. Si une anomalie infraclinique est découverte sur les deux incidences initiales, la mammographie standard est immédiatement complétée par des incidences complémentaires. Les images mammographiques sont classées en 5 catégories en fonction du degré de suspicion, selon la classification Birads de l’American College of Radiology (ACR).

ACR0 : Des investigations complémentaires sont nécessaires. Le diagnostic est en attente que le bilan d’imagerie soit complété et permette une classification définitive.

ACR1 : Mammographie normale.

ACR2 : Anomalie bénigne ne nécessitant ni surveillance, ni examen complémentaire.

ACR3 : Anomalie probablement bénigne pour laquelle une surveillance à court terme est conseillée.

ACR4 : Anomalie indéterminée ou suspecte indiquant une vérification histologique.

ACR5 : Anomalie évocatrice d’un cancer : - Microcalcifications vermiculaires, arborescentes ou irrégulières, nombreuses et groupées.

- Microcalcifications associées à une anomalie architecturale ou à une opacité. - Microcalcifications groupées ayant augmenté en nombre. - Opacité mal circonscrite aux contours flous et irréguliers. - Opacité spiculée à centre dense.

III – DIAGNOSTIC

A – CIRCONSTANCES DU DIAGNOSTIC

- Palpation d’une masse ou d’un nodule par la patiente elle-même dans 80 % des cas. - Dépistage. - Ecoulement sanglant du mamelon : 5 % des cas. - Rétraction du mamelon. - Signes inflammatoires. - Découverte d’une adénopathie. - Découverte de métastases à l’occasion d’un point d’appel osseux, pulmonaire etc. - Lors d’un examen systématique, par exemple lors de la surveillance d’une patiente

antérieurement traitée pour cancer du sein ou lors du suivi gynécologique.

Page 125: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 7 -

B – EXAMEN CLINIQUE

Il faut noter l’âge. A partir de la quarantaine, en cas de tumeur du sein, il faut toujours envisager la possibilité d’une tumeur maligne. Après la ménopause, les tumeurs bénignes sont moins fréquentes.

Il faut réaliser un examen comparatif des deux seins, en commençant par le côté réputé indemne. Ne pas oublier de relever les antécédents personnels et familiaux de la patiente.

L’examen clinique comprend :

- Le sein et la paroi : inspection et palpation.

- Le mamelon : inspection et écoulement provoqué.

- Les aires ganglionnaires (axillaires et sus-claviculaires) : palpation. 1) Inspection :

L'inspection est effectuée d'abord lorsque la patiente est en position assise, en demandant de mettre les mains derrière la tête, ce qui fait remonter les seins. On s'assure ainsi qu'il n'existe pas d'anomalie spontanée provoquée du galbe et on peut évaluer la symétrie des seins. L'examen est ensuite effectué en position allongée. Il faut repérer une ascension du mamelon et de l’aréole, isolée ou associée à une élévation en masse du sein. On recherche une augmentation globale de volume du sein ou une déformation localisée qui peut être visualisée spontanément, ou apparaître aux changements de position de la patiente. Il faut également rechercher une rétraction cutanée et une modification du galbe du sein (méplats, fossettes, sillons).

Une tumeur maligne peut s’accompagner d’une ride cutanée ou d’une rétraction très légère des téguments à ce niveau, qui semblent déjà avoir perdu leur mobilité sur la tumeur sous-jacente. Cet aspect d’adhérence est souvent mieux visible à jour frisant. L’adhérence de la peau à la tumeur est mieux visible lorsque l’on pince la peau superficiellement par rapport à la tumeur. On obtient alors un aspect dit de « capiton ». L'aspect de « peau d’orange » relève d'un cancer inflammatoire.

La rétraction, l’ombilication du mamelon constituent un symptôme de valeur en faveur d’une tumeur maligne. Ce symptôme n’est à retenir que s’il est d’apparition récente, car certains mamelons ont toujours été ombiliqués et d’autres peuvent l’être du fait d’un antécédent d’abcès du sein. L’examen du mamelon et l’aréole recherche un œdème aréolaire, une déformation ou une rétraction mamelonnaire, une fixation du mamelon à la tumeur sous-jacente, un écoulement sanglant spontané ou provoqué, une ulcération ou une lésion eczématiforme du mamelon (maladie de Paget du sein). La maladie de Paget du sein débute par l’apparition d’une croûtelle sur le mamelon, qualifiée d’eczéma et que la patiente arrache. Ce peut aussi être un aspect abrasé ou dépoli du mamelon. Il n’y a aucune tendance à la cicatrisation spontanée et progressivement cette ulcération va amputer le mamelon. Longtemps négligée par la malade, ou traitée par des topiques locaux, cette ulcération est en fait un cancer du sein, qui venu de la profondeur, a envahi et ulcéré le mamelon. Il faut également rechercher la présence ou non de signes inflammatoires, d’une peau d’orange et la notion éventuelle de temps de doublement de la masse. Au niveau de la peau, on peut également mettre en évidence des nodules de perméation, une infiltration cutanée, une ulcération, un bourgeonnement. 2 – Palpation :

● Le sein se palpe quadrant par quadrant, mains chaudes à plat, la patiente étant allongée, le bras homolatéral relevé. Il faut se placer du côté opposé au sein à examiner et exercer une pression douce par mouvements rotatifs écrasant la glande sur le gril costal.

Le but est de détecter un nodule ou une masse, qui sont d’emblée suspects, et éventuellement une densification, des granulations ou des hétérogénéités. La tumeur est souvent dure mais pas toujours. Avant la ménopause, une tumeur maligne, contrairement à une dystrophie, ne présente aucune modification de son caractère en fonction des périodes menstruelles. Alors qu’une tumeur bénigne est mobile dans le sein (signe du ressaut), une tumeur maligne ne se mobilise pas ou se mobilise en masse avec la glande.

Page 126: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 8 -

Le seul temps de l’examen durant lequel il est permis de pincer la glande à pleine main s’applique à la recherche de l’adhérence profonde de la tumeur au muscle sous-jacent, que l’on met en tension par la manœuvre de l’adduction contrariée de Tillaux. Tenant la glande mammaire d’une main, le médecin s’oppose à l’adduction du bras de la malade, ce qui met en tension le muscle grand pectoral. Lorsque la tumeur du sein adhère au plan profond, la mobilité de la tumeur sur le plan musculaire s’en trouve diminuée. Cette adhérence au pectoral n'existe que pour des cancers évolués ou très profonds.

En cas de masse, il faut noter le côté, la distance par rapport à la plaque aréolo-mamelonnaire et la situation dans le sein (assimilé à un cadran de montre par exemple). La taille de la tumeur est évaluée avec une règle, la patiente étant en décubitus dorsal, bras homolatéral relevé, dans les deux grands axes perpendiculaires de la tumeur. Elle peut être difficile à établir pour les tumeurs rétro-aréolaires ou les tumeurs avec oedème. La topographie de la tumeur est précisée à l’intérieur des 5 régions les plus souvent envahies : les 4 quadrants et la région centrale auxquels s’ajoutent les régions périphériques du sein (prolongement axillaire, région parasternale, sillon sous-mammaire). Un schéma est utile. On y consigne également les dimensions de la tumeur, sa consistance, son caractère limité ou non et la présence d’adhérences. On relève également :

- La croissance évolutive clinique : notion de PEV (Poussée EVolutive) :

. PEV1 : doublement du volume tumoral en moins de 6 mois. C’est une notion souvent subjective, découlant le plus souvent de l’interrogatoire.

. PEV2 : inflammation d’au moins un tiers du sein.

. PEV3 : inflammation diffuse à l’ensemble de la glande réalisant l’aspect de « mastite carcinomateuse ».

Les tumeurs PEV2 et PEV3 correspondent au cancer du sein inflammatoire (T4d).

- Des signes inflammatoires : rougeur, douleur, chaleur. Le cancer du sein inflammatoire est défini par l’association des signes cliniques suivants : érythème cutané, œdème cutané ou peau d’orange, augmentation de la chaleur locale, douleur. L’inflammation peut apparaître d’emblée ou survenir sur une tumeur négligée.

- La palpation des aires ganglionnaires satellites axillaires et sus-claviculaires : elle permet de recueillir l’existence de ganglions banaux, ou d’adénopathies dures, asymétriques ou suspectes. L'examen des aisselles se pratique en faisant placer la main de la patiente sur l'épaule du médecin. Il faut effectuer l'examen en position assise, puis à nouveau en position couchée. Pour examiner les ganglions sus-claviculaires, il faut se placer dans un premier temps derrière la patiente en position assise, puis examiner à nouveau la patiente en se plaçant devant, puis une troisième fois en position allongée. Certaines adénopathies ne sont en effet décelées que dans une position donnée. Il faut alors en noter le nombre, la mobilité des uns par rapport aux autres ou par rapport aux parois du creux axillaire. On n’omettra pas d’examiner le côté opposé (ganglions axillaires, ganglions sus-claviculaires) susceptible lui aussi d’être atteint. (A noter qu’il existe également un drainage possible vers la chaîne mammaire interne. Mais les ganglions de la chaîne mammaire interne sont profonds et situés entre les espaces intercostaux, le long du bord du sternum et ne sont donc jamais palpables).

- L’examen sera terminé par un examen clinique général, en particulier à la recherche d’une hépatomégalie.

C – BILAN COMPLEMENTAIRE

L’imagerie diagnostique comme le bilan biologique et le bilan d’extension, n’a d’intérêt que précédé d’un interrogatoire et d’un examen clinique complet, dont dépendent les indications des examens complémentaires. Un examen ne sera pratiqué que s’il est susceptible d’être utile, c’est-à-dire si ses conclusions peuvent modifier la stratégie thérapeutique ou aider à l’appréciation de l’efficacité du traitement.

Page 127: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 9 -

1) Tumeurs infracliniques

1.1 – La mammographie

Une mammographie standard, toujours bilatérale, comporte deux incidences : cranio-podale (face) et oblique externe, complétée par un profil strict du côté pathologique. Lorsqu’une anomalie est découverte, des clichés complémentaires peuvent être effectués : clichés centrés, clichés en agrandissements localisés en cas de microcalcifications ou de petites anomalies. Elle recherche des signes de multifocalité et/ou de bilatéralité.

Les anomalies les plus fréquentes sont :

- des microcalcifications. Elles peuvent être le reflet d’une anomalie bénigne, d’une dystrophie fibrokystique ou d’une ectasie canalaire sécrétante. L’étude morphologique des microcalcifications permet d’avoir une idée du risque de malignité. L’analyse de leur morphologie, de la distribution, de leur nombre, de leur groupement, de leur évolutivité et leur association à des anomalies architecturales ou à une surdensité permettent d’établir une présomption de malignité.

- une masse opaque spiculaire ou une image spiculée sans centre dense.

- plus rarement une masse à contour net

- un œdème diffus en cas de cancer inflammatoire.

1.2 – Techniques de diagnostic des lésions infracliniques

- Microbiopsie sous anesthésie locale et sous guidage échographique ou stéréotaxique.

- Les macrobiopsies sont utilisées pour les micro-calcifications sans masse palpable. Il existe plusieurs types de matériel : le Mammotome et le VACORA. Il s’agit d’une biopsie mammaire parcellaire assistée par aspiration, indiquée en cas de microcalcifications ACR 4 à 5.

2) Tumeurs palpables La mammographie donne des renseignements dans 97% des lésions palpables. Elle est utile au bilan d’extension locorégional en recherchant des signes de multifocalité et/ou de bilatéralité.

L’échographie mammaire bilatérale : vient en complément de la mammographie (surtout si seins denses chez une jeune femme). Elle est réalisée avec une sonde dédiée aux hautes fréquences. On peut découvrir :

- Une lacune hypoéchogène - Une couronne hyperéchogène autour. - Parfois des végétations intrakystiques.

Elle est complétée par une échographie du creux axillaire, de la région interpectorale et de la région sus- et sous-claviculaire. Un épaissement cortical généralisé ou localisé d’un ganglion, sa forme arrondie, la disparition partielle ou complète du hile à l’échographie sont considérés comme des critères de malignité d’un ganglion. Un prélèvement percutané échoguidé est alors utile. Si celui-ci n’indique pas d’envahissement ganglionnaire, la procédure du ganglion sentinelle reste indiquée pour les petites tumeurs.

Au niveau mammaire, lorsqu’il y a des difficultés à obtenir une confirmation histologique et/ou un dosage des récepteurs hormonaux par microbiopsie guidée par la clinique, l’échographie permet de guider avec précision la microbiopsie. L’IRM est à proposer dans des cas particuliers, par exemple en cas de doute sur une multifocalité si l’imagerie classique est insuffisante (multifocalité plus fréquente en cas de carcinome lobulaire infiltrant). Elle est également utile en cas de composante intracanalaire étendue, de doute sur une image mammographique ou échographique, ou pour aider à l'évaluation d'une chimiothérapie adjuvante.

D – DIAGNOSTIC DE MALIGNITE

Le diagnostic de malignité d’une lésion mammaire est affirmé par une histologie. En pratique, il est souhaitable de disposer du diagnostic de malignité en préopératoire.

Page 128: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 10 -

1) Ponction cytologique (peu utilisée)

Le diagnostic de malignité peut être obtenu sur un prélèvement cytologique obtenu par ponction à l’aiguille fine d’une lésion mammaire. L’efficacité de la cytoponction dans le diagnostic de malignité est de l’ordre de 90 % et sa spécificité de 98 %. La ponction des ganglions satellites palpables est très utile.

Toutefois, l’examen cytologique ne permet pas de préciser le caractère in situ ou infiltrant d’une prolifération maligne. Chaque fois que possible, un examen anatomopathologique plus complet est recommandé et les microbiopsies se sont substituées à la cytoponction pour la plupart des équipes.

La cytoponction (guidée par la clinique ou par l’échographie) reste intéressante :

- Pour le diagnostic solide/liquide. - En cas de tumeur évidente chez une patiente âgée (pour laquelle l’opérabilité est peu probable). - Lorsque la lésion est très petite. - Lorsque les lésions sont multiples. - Pour le diagnostic d'une adénopathie palpable.

La cytoponction n’a de valeur diagnostique que si elle ramène des cellules malignes. 2) Examen histologique (standard)

2.1 – Le diagnostic de malignité d’une lésion mammaire peut être affirmé :

- Par des microbiopsies (standard) réalisées avec des aiguilles fines de 14-18 Gauges pour le diagnostic étiologique de microcalcifications, ou lorsqu’une chimiothérapie première est envisagée.

- La biopsie cutanée en zone inflammatoire est indispensable à l’évaluation des tumeurs inflammatoires.

- Par exérèse-biopsie chirurgicale (dans les rares cas où la microbiopsie n'a pas été contributive). Un examen extemporané est indiqué lorsqu’il peut modifier l’attitude chirurgicale par un geste complémentaire, soit au niveau du sein (reprise du lit tumoral ou mastectomie), soit au niveau de l’aisselle. L’examen extemporané n’est pas indiqué pour un foyer isolé de microcalcifications, ni pour une tumeur de moins de 10 mm. On attend de l’examen extemporané le diagnostic de malignité et la notion d’invasivité de la tumeur

- Pour les lésions non palpables, un repérage préopératoire est nécessaire (échographie guidée ou stéréotaxique) avec un marquage cutané à l’aplomb ou mise en place d’un fil métallique (harpon) permettant au chirurgien de localiser la lésion (tumeur non palpable ou microcalcifications).

Dans tous les cas, le compte-rendu anatomo-pathologique doit préciser :

. Le type histologique de la tumeur.

. Le grade histologique.

. Le pourcentage de carcinome in situ éventuellement associé et son type.

. La présence d’embols vasculaires. - La détermination des récepteurs hormonaux - L’évaluation du statut c-erb-B2

- Pour les pièces d’exérèse (mastectomie partielle ou totale), il faut préciser le siège, le nombre de tumeurs et leurs localisations, la présence éventuelle d’un envahissement du revêtement cutané, d’une extension au mamelon ou de l’aponévrose du pectoral. En cas de mastectomie partielle, l’étude des limites d’exérèse est cruciale. Il faut préciser l’état des berges de la pièce, y compris sur des recoupes éventuelles en mentionnant les marges minimales pour la composante infiltrante comme pour les lésions in situ.

2.2 – Curage axillaire :

Tous les ganglions d’un évidement axillaire doivent faire l’objet d’une étude histologique. Il est nécessaire que la pièce de curage comporte un minimum de 10 ganglions pour considérer comme fiable l’information pronostique fournie par l’étude histologique d’un curage axillaire. Un nombre trop faible de ganglions prélevés peut faire sous-estimer l’atteinte axillaire.

Page 129: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 11 -

Le compte-rendu histologique standard d’un évidement axillaire doit préciser :

. le nombre de ganglions examinés,

. le nombre de ganglions métastatiques,

. le nombre de ganglions métastatiques avec rupture capsulaire.

2.3 – Formes histologiques des carcinomes mammaires infiltrants :

2.3.1 – Variétés histo-pathologiques

Types histologiques les plus fréquents

- Carcinome canalaire infiltrant (carcinome canalaire infiltrant sans autre indication) : 80 % des cas. Il existe une composante intracanalaire associée (CCIS) dans 70 à 80 % des cas.

- Carcinome lobulaire infiltrant : 10-15%

- Types spéciaux : 5 - 10 %. . carcinome tubuleux. . carcinome mucineux ou colloïde. . carcinome médullaire.

Ces 3 formes histologiques sont réputées de meilleur pronostic que les formes communes.

- Formes mixtes associant plusieurs types histologiques.

- Formes rares : pour information, carcinome apocrine, carcinome cribriforme infiltrant, carcinome papillaire infiltrant, carcinome sécrétant, carcinome métaplasique, carcinome adénoïde kystique.

2.3.2 – Grade histopronostique

Le grade histopronostique est un facteur pronostique majeur, le système le plus utilisé étant le grade SBR (Scarff-Bloom-Richardson). Il est actuellement recommandé d’utiliser le grade proposé par Ellston et Ellis, système SBR modifié, de valeur pronostique équivalente et de reproductibilité supérieure.

Ce grade ne s’applique pas aux carcinomes in situ, ni au carcinome médullaire. Il prend en compte 3 critères, cotés de 1 à 3. 1. Différenciation tubulo-glandulaire : proportion de tubes ou de glandes dans la tumeur (en

pourcentage de surface tumorale) Cote

> 75 % : Tumeur bien différenciée 1

10-75 % : Tumeur moyennement différenciée 2

< 10 % : Tumeur peu différenciée 3

2. Pléomorphisme nucléaire : degré d’atypie

Noyaux petits, réguliers, uniformes 1

Pléomorphisme modéré 2

Variations marquées de taille, de forme, avec nucléoles proéminents 3

3. Nombre de mitoses

(à compter sur 10 champs au grossissement x 400)

0 à 6 mitoses 1

7 à 12 mitoses 2

> 12 mitoses 3

AU TOTAL

Grade I 3, 4, 5

Grade II 6, 7

Grade III 8, 9

Page 130: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 12 -

2.3.3 – Classification moléculaire (pour information)

A côté de la classification morphologique exposée plus haut, une nouvelle classification a été proposée selon les profils identifiés par la technique des puces à ADN :

- Profil luminal A ou B (le plus fréquent) : Tumeurs exprimant des cytokératines luminales et les récepteurs hormonaux. Ce sont donc des tumeurs hormonosensibles.

- Profil HER2 : Tumeurs agressives exprimant Ki67 et présentant une amplification de c-myc et HER2 (c-erbB2).

- Profil basal : Tumeurs exprimant Ki67 et des cytokératines de l'assise myoépithéliale (basale) et n'exprimant ni les récepteurs hormonaux RE et RP, ni HER2 (cancers "triple négatif"). Ce sont des tumeurs agressives touchant des patientes jeunes (souvent avec mutations de BRCA1). Ces tumeurs sont associées à un risque particulier d'évolution métastatique pulmonaire et cérébrale.

Cette classification ne rend pas compte de tous les cas, mais pourrait permettre dans l'avenir d'optimiser les décisions thérapeutiques.

E – BILAN D’EXTENSION

En l’absence de signe d’appel, le bilan d’extension n’est jamais réalisé avant la confirmation du diagnostic de carcinome infiltrant (par une biopsie ou l'exérèse). Il n’est réalisé qu’après évaluation des facteurs de risque métastatique, c’est-à-dire généralement en postopératoire car la fréquence des métastases au diagnostic d’une tumeur opérable est faible (5 %). Les métastases sont le plus souvent symptomatiques ou il y a un point d'appel biologique. Le bilan d’extension est donc le plus souvent inutile. Cependant, lorsqu’une mastectomie est envisagée, le bilan d’extension pourra être fait en préopératoire afin d’éviter une mutilation à une femme qui serait déjà en maladie métastatique, même si le risque est faible.

- Il est inutile aux stades I et II (Tis, T1, T2 N0-1) car la fréquence de métastases au diagnostic est très faible. En l’absence de signe d’appel, aucun bilan d’extension n’est nécessaire pour ces stades, sauf point d’appel clinique (recommandations INCa, juillet 2012).

- Pour les cancers à plus haut risque (cT3 – T4 ou cN+), un bilan d’extension est réalisé.

- Le bilan biologique comporte (outre le bilan d’opérabilité) les transaminases AST et ALT, éventuellement les γGT et une calcémie. Les phosphatases alcalines sont utiles car leur élévation peut être un signe de métastases hépatiques ou osseuses. Le CA 15.3 n’est pas recommandé en raison de sa faible sensibilité et de l’absence de démonstration d’un rôle pronostique indépendant. L’ACE, encore moins performant, est inutile.

- L’intérêt de la scintigraphie osseuse est discuté, car le taux de détection de métastases osseuses au diagnostic est de l’ordre de 0,9 %. Elle est réalisée en cas de signe d’appel ou de tumeur évoluée. En cas de zones hyperfixantes suspectes, elle est complétée par des clichés centrés.

- Echographie hépatique : c’est l’examen de première intention en cas d’anomalie clinique ou biologique. Elle n’est effectuée qu’en cas de risque élevé de dissémination métastatique. Le scanner hépatique peut être un examen complémentaire en cas de suspicion, ou d’échographie non contributive, et peut permettre la réalisation d’une biopsie sous scanner.

- La radiographie pulmonaire est inutile aux stades I et II, car la probabilité de découvrir une anomalie est inférieure à 1 pour 1000.

- La scanographie thoracique, abdominale ou cérébrale, la tomographie à émission de positons (TEP-Scan) sont discutés.

Page 131: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 13 -

Les données de la littérature ne nous permettent pas de comparer les performances des différentes méthodes de détection des méta stases à distance, en raison de limitations méthodologiques. Selon les recommandations professionnelles de l’INCa (juillet 2012), le bilan de première intention peut reposer sur l’une des trois options suivantes :

- radiographie de thorax, échographie abdominale et scintigraphie osseuse

- TDM thoraco-abdominale et scintigraphie osseuse

- TEP-TDM au fluoro-deoxy-glucose (TEP-SCAN)

L’IRM cérébral systématique dans le bilan initial n’est pas justifié, y compris en cas de tumeur avec surimpression de HER2.

- ECG et fraction d’éjection ventriculaire (isotopique ou échographique) sont réalisés si une chimiothérapie par anthracyclines est prévue.

Au total : indications d’un bilan d’extension

● Tumeur non palpable : pas de bilan d’extension

● Tumeur palpable et opérable : bilan d’extension seulement si mastectomie envisagée

● Bilan d’extension nécessaire si : - Tumeur localement évoluée cT3-T4 - Adénopathie axillaire cN+ ou pN+

IV – FACTEURS PREDICTIFS D’EVOLUTION METASTATIQUE

Sept facteurs sont incontestés :

1 - L’envahissement ganglionnaire axillaire histologique reste le paramètre pronostique le plus discriminant. Le nombre de ganglions envahis est déterminant. Trois groupes pronostiques sont généralement admis :

. Pas d’atteinte ganglionnaire : pN0 ou N- . 1 à 3 ganglions atteints (1 à 3 pN+) . 3 ganglions atteints ou plus (≥ 4 pN+)

En cas de pN+, le ratio nombre de ganglions métastatiques / nombre de ganglions examinés est important.

2 - Le grade histologique SBR.

3 - L’âge. Avant la ménopause, le pronostic est d’autant plus défavorable que la patiente est jeune. Après la ménopause, le risque de décès lié au cancer augmente après 70 ans.

4 - La taille tumorale reste un facteur pronostique important.

5 - La présence d’emboles vasculaires lymphatiques ou sanguins péritumoraux est liée à un risque élevé de métastases.

6 - Les récepteurs hormonaux, récepteurs d’oestrogènes (RE) et récepteurs de la progestérone (RP) sont des facteurs pronostiques puissants. Leur expression est déterminée par méthode immuno-histochimique.

Les cancers du sein sont dits hormonaux dépendants dès que l’un des deux récepteurs est exprimé dans plus de 10 % des cellules marquées. Plus de 2/3 des cancers du sein sont hormonaux dépendants.

La différence de survie à 5 ans entre des patientes RE+, RP+ et des patientes RE- et RP- est d’environ 15 %.

Page 132: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 14 -

7 - Oncogène c-erbB-2 ou HER2/neu : une amplification (technique FISH) ou une surexpression (immunohistochimie) de HER2 est retrouvée dans 20 à 30 % des cancers du sein et a une valeur pronostique défavorable. Mais c’est un modèle de cible thérapeutique, le trastuzumab ayant considérablement amélioré le pronostic.

Note : Attention de ne pas confondre surexpression de c-erbB-2 (indication d'Herceptin) et mutation du BRCA1 ou 2 (prédisposition héréditaire au cancer du sein).

8 - Autres facteurs pronostiques (pour information) :

. Effraction capsulaire ganglionnaire : rôle pronostique discuté.

. Marqueurs de prolifération : pourcentage de cellules en phase S en cytométrie en flux, expression de Ki67 : forte valeur pronostique, mais pas de certitude sur une valeur pronostique indépendante.

. CA 15.3 : son taux n’est pas un facteur pronostique indépendant.

. L’apport de la génomique pour prédire le potentiel métastatique reste mal précisé. Quelques équipes ont proposé qu’un petit nombre de gènes puissent révéler d’emblée le potentiel métastatique d’une tumeur primitive. Cependant, les gènes associés à un pronostic défavorable sont pour l’instant différents selon les équipes et des travaux coopératifs portant sur un grand nombre de patientes restent nécessaires pour préciser ce point.

Au total, facteurs prédictifs de l’évolution métastatique :

Types Poids pronostique

Facteurs cliniques

- Atteinte ganglionnaire axillaire

- Age jeune < 35 ans

- Taille tumorale

- Préménopause

- Age > 70 ans

+++

+++

+++

++

++

Facteurs histologiques et biologiques

- Atteinte ganglionnaire axillaire

- Taille tumorale

- Nombre de ganglions axillaires envahis (≥ 4)

- Grade SBR élevé

- Emboles vasculaires

- Absence de récepteurs hormonaux

- Marges d’exérèse envahie

+++

+++

+++

+++

+++

++

++

Marqueurs de prolifération élevés +++

Page 133: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 15 -

V – CLASSIFICATION TNM DES CANCERS DU SEIN, 7ème EDITION, 2009 - (POUR INFORMATION)

Tumeur primitive (T) Tx Evaluation de la tumeur primitive impossible T0 Pas de signes de tumeur primitive Tis Carcinome in situ : intra-canalaire, lobulaire in situ, maladie de Paget du mamelon sans tumeur

décelable T1 Tumeur ≤ 2 cm dans sa plus grande dimension T1mic micro-invasion ≤ 1 mm T1a > 0,1 cm et ≤ 0,5 cm T1b > 0,5 cm et ≤ 1 cm T1c > 1 cm et ≤ 2 cm T2 Tumeur > 2 cm et ≤ 5 cm dans sa plus grande dimension T3 Tumeur > 5 cm dans sa plus grande dimension T4 Tumeur de toute taille avec extension directe à la paroi thoracique ou à la peau T4a Extension à la paroi thoracique

T4b Œdème cutané (y compris peau d’orange) ou ulcération cutanée du sein, ou nodules de perméation cutanés limités au même sein

T4c A la fois 4a et 4b T4d Carcinome inflammatoire

Adénopathies régionales (N)

Nx Evaluation de l’atteinte ganglionnaire impossible (de fait, par exemple,d’une exérèse antérieure) N0 Absence de signe d’envahissement ganglionnaire régional N1 Métastases dans des ganglions axillaires homolatéraux mobiles, niveau I ou II de Berg N2

N2a Métastases dans des ganglions axillaires homolatéraux fixés entre eux ou à d’autres structures, niveau I ou II

N2b Métastases dans des ganglions mammaires internes homolatéraux cliniquement envahis et sans adénopathie axillaire cliniquement évidente

N3 N3a Métastases dans des ganglions sous-claviculaires homolatéraux (niveau III) N3b Métastases dans des ganglions mammaires internes homolatéraux et dans

des ganglions axillaires N3c Métastases dans des ganglions sus-claviculaires homolatéraux

Classification histo-pathologique (pN) pNx Evaluation impossible de l’envahissement ganglionnaire pN0 Pas d’envahissement des ganglions régionaux pN1 Métastases dans 1 à 3 ganglions axillaires et/ou métastases mammaires internes microscopiques

détectées par la technique du ganglion sentinelle mais non cliniquement apparentes

pN1mi Micro-métastases > 0,2 mm et ≤ 2 mm pN1a Métastases dans 1 à 3 ganglions axillaires pN1b Métastases ganglionnaires mammaires internes microscopiques détectées par la

technique du ganglion sentinelle mais non cliniquement apparentes pN1c pN1a + pN1b pN2 Métastases dans 4 à 9 ganglions axillaires ou présence clinique d’adénopathies

mammaires internes sans adénopathies axillaires métastatiques

pN2a Métastases dans 4 à 9 ganglions axillaires avec au moins un envahissement > 2 mm pN2b Présence clinique d’adénopathies mammaires internes sans adénopathies axillaires

métastatiques

Page 134: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 16 -

pN3 Métastases dans 10 ganglions axillaires ou plus, ou métastases ganglionnaires sous-claviculaires, ou métastases mammaires internes avec métastase axillaire, ou métastases ganglionnaires sus-claviculaires

pN3a Métastases dans 10 ganglions axillaires ou plus, ou métastases sous-claviculaires pN3b Ganglions mammaires internes cliniquement envahis avec au moins 1 ganglion

axillaire envahi ou micro- métastases mammaires internes détectées par la technique du ganglion sentinelle avec plus de 3 ganglions axillaires envahis

pN3c Métastases sus-claviculaires homolatérales

Métastases à distance (M)

Mx Evaluation impossible de l’extension métastatique M0 Absence de métastase à distance M1 Présence de métastase à distance

Groupement par stades

Stade 0 Tis N0 M0

Stade IA T1 N0 M0 Stade 1B T0,T1 N1Mi M0 Stade IIA T0 N1 M0 T1 N1 M0 T2 N0 M0 Stade IIB T2 N1 M0

T3 N0 M0 Stade IIIA T0 N2 M0 T1 N2 M0 T2 N2 M0 T3 N1. N2 M0 Stade IIIB T4 tous N M0

tous T N3 M0 Stade IV tous T tous N M1

VI – TRAITEMENTS

A – OBJECTIFS DE LA PRISE EN CHARGE

Les objectifs de la prise en charge du cancer du sein comportent 4 points essentiels pour obtenir la guérison et une bonne qualité de vie :

- Le contrôle locorégional : éviter la rechute au niveau de la tumeur initiale ou de la glande mammaire adjacente ainsi qu’au niveau régional dans les territoires de drainage axillaire, mammaire interne et sus-claviculaire.

- Le contrôle de la maladie générale qui a pour but d’éviter les rechutes métastatiques.

- Le contrôle des résultats fonctionnels et esthétiques.

- Le contrôle des effets secondaires des traitements proposés pour permettre une réinsertion de qualité.

Page 135: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 17 -

B – CHIRURGIE

Quatre buts sont dévolus à la chirurgie :

- Confirmer le diagnostic (généralement obtenu au préalable par une microbiopsie),

- Recueillir des éléments de pronostic par l’analyse histologique,

- Participer au traitement locorégional du cancer,

- Conserver ou restaurer la morphologie du sein. 1) L’exérèse de la tumeur

1.1 – Chirurgie conservatrice

- Quadrantectomie : enlève la tumeur avec une marge de 2 cm minimum, ce qui correspond le plus souvent à l’ablation d’un quadrant.

- Mammectomie partielle ou tumorectomie : exérèse en pleine épaisseur de la tumeur ainsi qu’une quantité suffisante de glande avoisinante jusqu’au plan du pectoral pour obtenir une résection tumorale complète et des berges saines. Une analyse extemporanée peut être demandée sur les berges. Les berges sont considérées comme envahies si la marge (séparant les cellules tumorales des tranches de section chirurgicale) est ≤ 1 mm. Elles sont réellement saines si la marge est ≥ 2 mm. Si la résection n’a pas été réalisée en zone saine, une résection complémentaire doit être effectuée. Pour que le préjudice esthétique soit minimal, la mammectomie partielle est le traitement de référence, associée au « curage axillaire » (mammectomie-curage axillaire = MPCA).

. Le choix d'un traitement conservateur implique une radiothérapie.

Note : Dans ces 2 situations, le résultat obtenu doit être esthétique et il n'y a pas lieu de prévoir de prothèse ou de reconstruction.

1.2 – Mastectomie

- Mastectomie radicale modifiée ou intervention de Patey

Elle comporte l’ablation de la totalité de la glande mammaire (y compris la plaque aréolo-mamelonnaire) par une incision horizontale, permettant par une voie d’abord unique de pratiquer un curage axillaire complet.

- La mastectomie sous-cutanée conserve l’aréole et la région rétroaréolaire. Elle laisse 15 % de tissu mammaire en place et expose à un risque de récidive. Elle n’a aucune indication en cancérologie.

2) Chirurgie des aires ganglionnaires

2.1 – Modalités de l’extension ganglionnaire

L’extension ganglionnaire des cancers du sein se fait au niveau axillaire, mammaire interne et sus-claviculaire.

Environ 90 % des canaux lymphatiques du sein se drainent vers les ganglions axillaires et ceci, quel que soit le quadrant du sein concerné. L'envahissement des ganglions axillaires est, en théorie, séquentiel du bas vers le haut, en débutant par le premier niveau, sans sauter de relais. On distingue trois niveaux dans l'aisselle, niveaux appelés "étages de Berg".

- Le niveau I (étage axillaire inférieur) comprend les ganglions situés en dehors du bord externe du muscle petit pectoral.

- Le niveau II (étage axillaire moyen) comprend les ganglions situés derrière le petit pectoral.

- Le niveau III (étage axillaire supérieur) comprend les ganglions du sommet de l’aisselle, situés en dedans et au-dessus du petit pectoral. Il se projette dans la région sous-claviculaire. Leur extension se fait ensuite vers les ganglions sus-claviculaires.

Lors de l'atteinte ganglionnaire, le premier relais est appelé "ganglion sentinelle", passage obligatoire de l'invasion des cellules cancéreuses.

Page 136: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 18 -

La qualité optimale de l’évidement axillaire correspond à l’exérèse d’au moins 10 ganglions. Cet objectif est en général atteint par l’évidement des deux premiers étages de Berg. Il existe une corrélation entre la taille tumorale clinique et le nombre de ganglions envahis. Le type histologique, le grade SBR, et la présence ou l’absence de récepteurs hormonaux influent sur le risque d’envahissement ganglionnaire.

Le risque d’atteinte de la chaîne mammaire interne est corrélé à l’atteinte ganglionnaire axillaire, la taille de la tumeur, le jeune âge et la topographie de la tumeur, les tumeurs centrales et internes étant plus à risque que les tumeurs externes.

L’atteinte sus-claviculaire homolatérale a longtemps été considérée comme métastatique (N3c aujourd’hui). Elle est fréquemment associée à d’autres localisations secondaires.

2.2 – Curages ganglionnaires

2.2.1 – Le curage mammaire interne

est abandonné. La radiothérapie est aujourd’hui le traitement de référence pour traiter un envahissement potentiel de la chaîne mammaire interne.

2.2.2 – Le curage axillaire

ou évidement axillaire reste un geste de stadification essentiel dans les cancers du sein. C’est un élément important de contrôle locorégional. Il a donc valeur pronostique et thérapeutique. L’évidement axillaire monobloc est la technique de référence. En cas de traitement conservateur, l’incision est le plus souvent séparée de celle de la tumorectomie. Pour obtenir un curage de qualité, c’est-à-dire contenant au moins 10 ganglions, il convient d’effectuer un évidement axillaire remontant en arrière du petit pectoral jusqu’à son bord interne (niveaux I et II de Berg). Dans la mastectomie dite de Patey, le curage axillaire comporte les trois étages de Berg.

Les indications peuvent être les suivantes selon le N axillaire clinique :

- N0 : évidement des 2 étages inférieurs de Berg.

- N1-2 : Curage 3 étages.

La kinésithérapie postopératoire peut aider à la récupération fonctionnelle de l'épaule. Des troubles sensitifs résiduels locaux et à la face interne du bras sont fréquents.

Les complications tardives du curage sont surtout le lymphoedème, des douleurs, ou une raideur de l’épaule. Une physiothérapie précoce de l’épaule et de la paroi est indiquée. Une information correcte des patients sur les précautions à prendre après curage ganglionnaire (ne pas porter de charges lourdes, pas de prise de sang au bras traité, désinfection de la moindre plaie, port de gants pour le jardinage) est le meilleur traitement préventif du lymphoedème.

2.2.3 – Ganglion axillaire sentinelle (T1 N0)

Cette option vient concurrencer le curage uniquement pour les petites tumeurs unifocales N0. Il s’agit de la recherche du premier relais ganglionnaire (en fait, 1 à 3 ganglions) par l’injection périaréolaire d’un produit lymphophile qui se drainera jusqu’à ce ganglion et permettra de le repérer. L’idée est de repérer le premier ganglion susceptible d’être envahi et d’en réaliser une analyse fine par une procédure histologique spécifique. Le produit utilisé est un colloïde marqué au technétium radioactif, nécessitant une détection isotopique pré et peropératoire. On peut y adjoindre un deuxième traceur, le bleu patent (un colorant) pour augmenter la sensibilité de la technique. L’identification du ganglion sentinelle est possible dans 90 à 98 % des cas. L’étude de ce ganglion est presque toujours représentatif du statut ganglionnaire axillaire. Dans les équipes expérimentées, le taux de faux négatifs est de l’ordre de 5 %. Si le ganglion sentinelle est envahi, il est réalisé un curage ganglionnaire classique. Au contraire, si le ganglion sentinelle n’est pas envahi, il est possible d’éviter le curage et ses séquelles. Cela permet également de diminuer la morbidité et la durée d’hospitalisation. Le risque de la technique (en cas de faux négatifs) est la survenue d’une récidive ganglionnaire axillaire, dont le pronostic est défavorable.

Ce concept n’est applicable qu’aux patientes n’ayant pas d’adénopathie palpable dans l’aisselle (donc exclusion des tumeurs N1 ou N2). Sa valeur est équivalente au curage classique pour les tumeurs unifocales de moins de 2 cm.

Page 137: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 19 -

2.3 – Reconstruction mammaire (en cas d'antécédent de mastectomie totale)

La perte d’un sein altère gravement l’image corporelle de la femme. C’est pourquoi une reconstruction mammaire doit être proposée chaque fois que la patiente le désire. Elle peut être immédiate (uniquement si mastectomie pour cancer in situ) ou différée après les traitements carcinologiques (chimiothérapie et/ou radiothérapie). Après un cancer invasif, elle est généralement proposée un an après la fin des traitements.

C – RADIOTHERAPIE

1) Objectifs - Réduire le risque de récidive locale et régionale : En cas de chirurgie conservatrice,

l’irradiation réduit le taux de récidives locales de 35% à moins de 10%.

- Augmenter la survie globale (de 5 % en moyenne). 2) Technique et indications

2.1 – Cancer localisé

Technique

. Utilisation de rayonnements de haute énergie : rayons X de 6 à 8 MV.

. 50 Gy en 25 fractions (2Gy/séance, 5 séances/semaine) sur l’ensemble du sein avec une surimpression localisée (ou boost) dans le lit tumoral de 16 Gy équivalent chez les femmes de moins de 70 ans (ou lorsque les berges sont proches (moins de 5 mm). Cette irradiation localisée est également possible par une curiethérapie.

Une irradiation hypofractionnée accélérée (42,5 Gy en 16 fractions et 22 jours) donne les mêmes résultats, mais ce traitement n'est indiqué que les patientes de plus de 50 ans, ayant eu une tumorectomie pour tumeur T1-T2 N0 RH+ avec des berges saines et en l'absence d'atteinte ganglionnaire pN0. L’hypofractionnement n’est pas recommandé en cas de chimiothérapie adjuvante, ou après mastectomie.

Indications

- Irradiation du sein ou de la paroi :

. Irradiation mammaire (tout le sein) systématique en cas de traitement conservateur (MPCA).

. Irradiation complémentaire de la paroi après mastectomie : limitée aux tumeurs de pronostic défavorable (N+ ; T > 4 cm).

Notes : - le sein controlatéral indemne n'est jamais irradié. - le sein atteint est entièrement irradié (pas seulement la seule zone atteinte).

- Irradiation ganglionnaire :

. L’irradiation des ganglions mammaires internes à la dose de 50 Gy est indiquée :

- Dans tous les cas si N+ axillaire

- Si N- en option, lorsque la tumeur est interne ou centrale, et de taille supérieure à 2 cm.

. L’irradiation des ganglions sus et sous-claviculaires est indiquée si N+

. L’aisselle n’est jamais irradiée, en raison du taux de complications locorégionales.

- Intégration de la radiothérapie dans la stratégie pluridisciplinaire :

. La radiothérapie doit être effectuée dans un délai de 8 semaines après la chirurgie s’il n’y a pas de chimiothérapie adjuvante.

. En cas de chimiothérapie adjuvante, la chimiothérapie est effectuée d’abord, car il y a un risque de perte du bénéfice d’une chimiothérapie si elle est commencée trop tardivement. La radiothérapie est effectuée après la fin de la chimiothérapie.

Page 138: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 20 -

. En cas de chimiothérapie néoadjuvante et traitement conservateur, l’irradiation de la glande mammaire avec surimpression du lit tumoral reste recommandée. Après chimiothérapie néoadjuvante et mastectomie totale, l’irradiation pariétale et ganglionnaire est recommandée pour les tumeurs ypN+.

2.2 – Cancers métastatiques

En phase métastatique, la radiothérapie est également indiquée en cas de métastases osseuses (irradiation antalgique), de compressions médullaires non opérables, ou de métastases cérébrales. 3) Ovariolyse radiothérapique

La radiothérapie peut également être utilisée pour obtenir une ovariolyse radique (cf chapitre hormonothérapie).

D – CHIMIOTHERAPIE

1) Maladie métastatique

En monothérapie, les médicaments les plus efficaces sont dans l’ordre le docetaxel (Taxotère®, un taxane), puis les anthracyclines (doxorubicine ou adriamycine, molécule de référence, ou l’épirubicine, un analogue moins cardiotoxique). Vient ensuite le paclitaxel (Taxol®, un taxane) et la vinorelbine (Navelbine®, un alcaloïde de la pervenche). Tous ces médicaments donnent des taux de réponse de l’ordre de 35 à 40 %. Les autres médicaments efficaces sont la cyclophosphamide, la mitomycine C, le méthotrexate, le 5-fluorouracile, la mixoxantrone, le cisplatine, la gemcitabine et la capécitabine. Ces agents ont un taux de réponse de 20 à 30 %. Les protocoles les plus utilisés sont l’association FAC (acronyme pour 5-Fluorouracile, Adriamycine et Cyclophosphamide), l’association FEC (5-Fluorouracile, Epirubicine, Cyclophosphamide). Bien d’autres associations sont utilisées en maladie métastatique, en particulier les protocoles adriamycine/docétaxel (AT) ou capécitabine/docétaxel.

Le trastuzumab (Herceptin®) est un anticorps monoclonal dirigé contre le domaine extracellulaire de la protéine HER2. Il est indiqué dans le traitement du cancer métastatique surexprimant fortement HER2 (+++), soit 20 à 30 % des cancers du sein. Chez les patientes HER2 +++, l’Herceptin augmente l’efficacité de la chimiothérapie au prix d’un risque accru de toxicité cardiaque.

En maladie métastatique et en 1ère ligne, la chimiothérapie du cancer du sein amène un taux de réponse de 50 à 70 % dont 10 à 15 % de réponses complètes. La durée de réponse est courte, de l’ordre de 6 à 10 mois. Lorsque les RH sont positifs, la chimiothérapie est préférée à l’hormonothérapie quand les métastases sont menaçantes (métastases hépatiques ou lymphangite carcinomateuse par exemple). En cas de progression tumorale ou de récidive, une chimiothérapie de 2ème intention (2ème ligne) donne à nouveau 20 à 40 % de taux de réponse. En maladie métastatique, des survies prolongées sont possibles, plus de 20 % des patientes survivant plus de 5 ans. 2) Chimiothérapie adjuvante

Une chimiothérapie adjuvante a pour but d’augmenter les chances de guérison en détruisant des cellules cancéreuses invisibles (maladie micro-métastatique) présentes lors du traitement locorégional. La chimiothérapie adjuvante améliore la survie, surtout avant la ménopause, mais elle amène un risque d’aménorrhée, aménorrhée corrélée à une meilleure survie.

Les indications dépendent de la surexpression ou non de c-erb2, de l'expression ou non des récepteurs hormonaux et sont modulées en fonction du bénéfice/risque, âge en particulier. Elle est systématique avant 35 ans. La séquence chimiothérapie-hormonothérapie si RH+ est consensuelle dès que la tumeur est de taille supérieure à 2 cm.

Le traitement de référence aujourd’hui avant 70 ans est une chimiothérapie à base d’anthracyclines et/ou un taxane, selon un schéma séquentiel ou concomitant. En France, c’est le protocole FEC qui est considéré comme le traitement de référence. Six cures de chimiothérapie adjuvante à 3 semaines

Page 139: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 21 -

d’intervalle sont administrées. La 1ère cure de chimiothérapie doit être dès que possible, dernier délai dans les trois mois après la chirurgie.

Le docétaxel (Taxotère®) est également utilisé en chimiothérapie adjuvante. C’est dans la population N+ RH- que le bénéfice maximal du docétaxel est observé. Un schéma séquentiel (3 cures de FEC suivies de 3 cures de docétaxel) est habituellement retenu.

La chimiothérapie comportant des anthracyclines (cardiotoxiques) un calcul de la fraction d’éjection systolique est effectué avant tout traitement. La pose d’un accès veineux central est également organisée, compte tenu du potentiel vésicant des anthracyclines en cas d’extravasation.

Aujourd’hui, presque tous les sous-groupes de patientes bénéficient d’une chimiothérapie adjuvante. Les tumeurs N-, inférieures à 1 cm, RH+ et HER2- sont considérées comme de bon pronostic.

Elle est indiquée : - Pour les patientes N+ (3 FEC100 + 3 docétaxel) - Pour la plupart des patientes N- ayant des facteurs de risque de récidive (6 FEC100) :

. RH-

. Grade II-III

. Age < 35 ans

. Tumeur > 2 cm

Le trastuzumab (Herceptin®) est indiqué après une chimiothérapie chez les patientes dont la tumeur présente, soit une surexpression de HER2, soit une amplification du gène HER2 (c-erbB2), y compris pour les tumeurs de petite taille T1a-b. En effet, pour les patientes ayant un cancer du sein HER2 positif N+, ou N- à haut risque, la prescription d’un an d’Herceptin® toutes les 3 semaines réduit le risque de récidive de moitié, avec toutefois un risque significatif de toxicité cardiaque, rendant impérative une surveillance de la fonction ventriculaire. Ce traitement est administré après la chimiothérapie adjuvante ou néoadjuvante et la radiothérapie et peut être administré de façon concomitante à l’hormonothérapie. 3) Chimiothérapie néoadjuvante

La chimiothérapie néoadjuvante a pour but d’obtenir une régression tumorale suffisante pour réaliser ensuite un traitement local dans de bonnes conditions carcinologiques. Ses indications sont les suivantes :

- Tumeur > 4 cm ou rapport T/volume du sein incompatible avec un résultat esthétique en cas de traitement conservateur : une chimiothérapie première permet d’éviter une mastectomie dans 60 % des cas, sans réduire les chances de survie.

- Tumeurs inopérables, dont les cancers inflammatoires, qui relèvent toujours d’une chimiothérapie première.

E – HORMONOTHERAPIE

Les médicaments sont décrits au chapitre correspondant. L’hormonothérapie n’est envisagée qu’en cas de récepteurs positifs (RE+ et/ou RP+).

1) Hormonothérapie adjuvante

Elle a pour but d’agir sur la maladie micro-métastatique pour améliorer la survie et réduire le risque de cancer controlatéral.

Trois moyens sont disponibles :

- La suppression de l’activité ovarienne : historiquement effectuée par chirurgie, elle est aujourd’hui réalisée soit par radiothérapie, soit par les agonistes de la LH-RH. Ce traitement n’est applicable qu’avant la ménopause. Le but est d’obtenir une privation oestrogénique.

. La chirurgie (ovariectomie bilatérale) n’a pas de place en situation adjuvante. Même en maladie métastatique, il s’agit d’un geste exceptionnel dont l’intérêt est d’obtenir une suppression oestrogénique instantanée.

. La radiothérapie comporte une dose de 12 à 16 Gy en 4 à 8 fractions.

Page 140: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 22 -

Les agonistes de la LH-RH ont la même efficacité que les autres méthodes de suppression ovarienne. Leur action est théoriquement réversible à l’arrêt du traitement. Ils n’ont pas d’autorisation de mise sur le marché en situation adjuvante.

- Les antiœstrogènes : le Tamoxifène, antioestrogène de référence, reste le médicament le plus utilisé. En situation adjuvante, la dose quotidienne optimale est de 20 mg. La durée optimale de prescription est de 5 ans. A 10 ans, il diminue le risque de récidive de moitié et le risque de mortalité de 26 %, en N- comme en N+. L’effet bénéfique est indépendant de celui de la chimiothérapie et du statut de ménopause. Il existe un risque thromboembolique d’environ 4 % et une augmentation faible du risque de cancer de l’endomètre. En cas de chimiothérapie, le tamoxifène est débuté après la chimiothérapie ; une utilisation concomitante du tamoxifène à la radiothérapie est possible.

- Les inhibiteurs de l’aromatase ne sont utilisés que chez les femmes ménopausées. Trois médicaments sont commercialisés, l’anastrozole (Arimidex), le létrozole (Femara) et l’exemestane (Aromasine). Les anti-aromatases ont par rapport au Tamoxifène l’avantage de ne pas avoir de risque thrombogène et une légère supériorité en terme de survie sans rechute (+ 2,9 %), mais sans allongement démontré de la survie. Par contre, ils augmentent le risque d’ostéoporose, de troubles sexuels et d’arthralgies. La prescription d’anti-aromatase pendant 5 ans est consensuelle chez les femmes ménopausées surtout dans les situations à haut risque par exemple : N+, surexpression d’erB2 ou récepteurs hormonaux dissociés (RE+RP-).

2) Hormonothérapie pour métastases

L’hormonothérapie peut constituer le traitement exclusif d’une maladie métastatique pour une tumeur RH+. Il n’est utilisé qu’un seul produit à la fois, jamais une association. Les indications les plus fréquentes sont les femmes âgées ou celles ayant une contre-indication à la chimiothérapie. En première ligne de maladie métastatique, les anti-aromatases sont à présent les molécules de référence chez les femmes ménopausées. Le Tamoxifène ou les progestatifs peuvent être utilisés en deuxième intention. L’hormonothérapie est également souvent un traitement de relais après la chimiothérapie après l’obtention d’une réponse à la chimiothérapie. En cas de métastases osseuses, les bisphosphonates sont systématiquement prescrits car ils retardent la survenue d’évènements osseux (fractures, tassement vertébral, douleurs osseuses).

VII – INDICATIONS THERAPEUTIQUES AU STADE LOCOREGIONAL

A – CANCER DU SEIN INFLAMMATOIRE

Le diagnostic étant affirmé par une microbiopsie diagnostique et une biopsie cutanée et le bilan d’extension étant complet, le traitement débute par une chimiothérapie (3 à 4 cures). La poursuite du traitement est décidée en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP). En cas de bonne réponse après chimiothérapie, celle-ci est généralement poursuivie jusqu’à 6 cures et il est alors envisagé une mastectomie totale avec curage axillaire suivie d’une radiothérapie complémentaire. Une hormonothérapie est entreprise si les récepteurs hormonaux sont positifs, ce qui est rarement le cas.

B – TUMEUR PALPABLE TRAITABLE PAR CHIRURGIE CONSERVATRICE

Pour les tumeurs ≤ 4 cm, uniques, N0 ou N1 < 2 cm, le traitement standard est une tumorectomie avec évidement axillaire (TVA). La radiothérapie complémentaire (mammaire + aires ganglionnaires) est alors toujours nécessaire. Celle-ci est effectuée après la fin d’une chimiothérapie adjuvante (6 cures) lorsque celle-ci est indiquée. Si les récepteurs sont positifs, l’hormonothérapie peut être débutée, soit en même temps que la radiothérapie (risque de fibrose accru), soit plutôt après la fin de la radiothérapie.

Page 141: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 23 -

Le choix entre mastectomie et tumorectomie suivie de radiothérapie est un choix très personnel, les chances de guérison étant les mêmes dans les deux approches. Une mastectomie radicale peut être réalisée en cas de refus du traitement conservateur par la patiente.

C – TUMEUR PALPABLE NE PERMETTANT PAS LA CONSERVATION DU SEIN

Il s’agit des tumeurs > 4 cm, ou plurifocales, ou N > 2 cm, ou celles dont le volume par rapport au volume du sein ne permettrait pas un résultat esthétique en cas de traitement conservateur.

Deux options :

- Evaluation de l’extension à distance : si pas de maladie métastatique, mastectomie radicale et curage axillaire.

- Pour les tumeurs non plurifocales, chimiothérapie première (ou éventuellement hormonothérapie première si récepteurs positifs) pour permettre la conservation du sein, MPCA si réponse.

Puis :

- Chimiothérapie et radiothérapie selon facteurs pronostiques.

- Herceptin® 1 an si HER2 amplifié ou surexprimé.

- Hormonothérapie adjuvante pendant 5 ans si récepteurs positifs. - tamoxifène (ou suppression ovarienne + tamoxifène) avant la ménopause - antiaromatase après la ménopause (tamoxifène acceptable si très bon pronostic, N- par

exemple) - Reconstruction mammaire si nécessaire.

VIII– SURVEILLANCE DES PATIENTES TRAITEES POUR UN CANCER DU SEIN NON METASTATIQUE

A – OBJECTIFS DE LA SURVEILLANCE

Les objectifs de la surveillance post-thérapeutique sont :

- Le dépistage, le diagnostic et la prise en charge précoce des récidives locales et d’un cancer controlatéral.

- Le diagnostic et la prise en charge de complications iatrogènes.

- Le dépistage des difficultés psychologiques.

- Il faut penser à une consultation d'oncogénétique si celle-ci est indiquée et n'a pas encore été effectuée.

La surveillance régulière fait partie des souhaits des patientes traitées pour cancer du sein. Ce besoin repose toutefois sur un malentendu, car surveiller ne met pas à l’abri d’une récidive. La surveillance permet donc de rassurer, mais n’a pas de valeur préventive ou thérapeutique.

La surveillance a donc pour intérêt de :

- Rassurer.

- S’assurer de la réintégration dans la vie normale.

- Dépister précocement une récidive locale ou un deuxième cancer du sein.

- Diagnostiquer des effets secondaires tardifs.

- Evaluer les résultats à long terme d’une stratégie thérapeutique.

B – METHODES DE SURVEILLANCE

Chez une femme asymptomatique et indemne de mutation BRCA 1/2, les seuls examens systématiques à recommander sont l’examen clinique et la mammographie. L’examen clinique comparatif réalisé par le

Page 142: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 24 -

médecin est primordial, mais il peut être rendu difficile par les séquelles locales d’un traitement conservateur. La première mammographie est effectuée six mois après la fin du traitement, puis il est réalisé une mammographie annuelle à vie. Le risque de cancer controlatéral est de 15 % à 20 ans et demeure constant au cours du temps.

Note : attention, mammographie annuelle à vie si antécédents de cancer du sein, à différencier de la mammographie de dépistage de masse (tous les deux ans jusqu'à 75 ans)

Il n’y a aucun bénéfice à une surveillance plus intensive. Deux essais randomisés ont démontré l’inutilité des examens systématiques de surveillance (RP, échographie hépatique, scintigraphie osseuse). Les bilans biologiques (hémogramme, biologie hépatique, marqueurs) ne sont pas recommandés. En effet, découvrir précocement des métastases ne confère aucun bénéfice, ni de survie, ni de qualité de vie. Le traitement n’est aujourd’hui pas différent et n’est pas plus efficace que les métastases aient été découvertes à un stade asymptomatique ou que les métastases aient été révélées par des signes cliniques. Le rythme de la surveillance n’a pas été étudié de façon scientifique. Il est recommandé d’alterner les surveillances entre le généraliste et les différents spécialistes qui ont assuré le diagnostic et le traitement. Un examen clinique tous les 6 mois les cinq premières années puis annuellement, sans limite de date. sont habituellement conseillées. Le rythme de surveillance peut être allégé et adapté aux facteurs de risque métastatique. Les examens complémentaires (autres que la mammographie) ne sont demandés qu’en fonction des signes d’appel. Une surveillance intensive est inutile, voire néfaste, car anxiogène.

Il est recommandé de rechercher systématiquement des symptômes de détresse psychologique, anxiété, troubles sexuels, dépression, troubles cognitifs. On recherche également des douleurs séquellaires, des bouffées de chaleur ou une prise de poids. Un antécédent de cancer du sein est une contre-indication formelle à un traitement hormonal substitutif. Un traitement trophique local à base de promestriène est possible. Des conseils doivent être prodigués pour limiter le risque de lymphoedème après curage ganglionnaire. Il est important de mettre en garde la patiente contre les propositions d’aide qui peuvent lui être faites par des mouvements sectaires.

Un interrogatoire à la recherche de métrorragies doit être effectué en cas de traitement par Tamoxifène. Une surveillance par échographie pelvienne n’est pas nécessaire en l’absence de symptômes.

Le maintien d'une activité physique est recommandé pour minimiser les risques de perte osseuse et les symptômes associés aux inhibiteurs de l'aromatase.

Si la patiente n’est pas ménopausée, une contraception orale est formellement contre-indiquée. Il faut conseiller les stérilets au cuivre ou les méthodes locales (astreignantes et dont l'efficacité n'est pas absolue). Une grossesse est possible, habituellement après une période de surveillance de 2 ans, et ne modifie pas le pronostic du cancer.

IX– RESULTATS

Enquête permanente cancer : 68 500 cas de 1980 à 1999.

Globalement : 83 % de survie à 5 ans, 73 % de survie à 10 ans, 64 % de survie à 20 ans.

Pour donner une idée, à 5 ans, survie stade par stade :

- M0 pT1 : 94 % pT2 : 80 % pT3 : 65 % pT4 : 54 % N0 : 93 % N+ < 4 : 84 % N+ > 4 : 60 % - M1 : 20 %

Page 143: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 25 -

POUR EN SAVOIR PLUS :

Sites internet conseillés : http://www.anaes.fr http://www.oncolor.fr http://www.cancer-sein.net http://www.fnclcc.fr/sor.htm Principales recommandations de prise en charge des femmes porteuses d'une mutation de BRCA1 ou BRCA2, avril 2009 http://www.e-cancer.fr/soins/prises-en-charge-specifiques/oncogenetique

Page 144: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 26 -

CANCERS DU SEIN : LES POINTS IMPORTANTS (traitement exclu)

✥ Fréquence : 1 femme /8 ou 9 au cours de sa vie ; 52 000 nouveaux cas/an 1ère cause de décès par cancer chez la femme (11 300/an en France, données 2010)

✥ Facteurs de risque :

• sexe féminin • âge (> 50 ans) : permet de cibler le dépistage • facteurs hormonaux : nulliparité ou âge tardif de la 1ère grossesse, longueur de la vie génitale,

obésité, traitement substitutif hormonal • facteurs familiaux (5 à 10 % environ) : BRCA 1 et 2 surtout

✥ Dépistage de masse : de 50 à 74 ans, examen clinique et mammographie (2 clichés par sein : une

face et un oblique) tous les 2 ans selon les recommandations de l'HAS. Résultats : réduction potentielle de mortalité de 30 % + augmentation des traitements conservateurs de 30 à 70 %

✥ Croissance évolutive = Potentiel EVolutif (PEV)

PEV 0 = pas d’évolutivité PEV 1 = doublement de la tumeur < 6 mois PEV 2 = inflammation d’au moins un tiers du sein PEV 3 = inflammation de tout le sein (mastite carcinomateuse)

❖ Diagnostic : par microbiopsie ou biopsie chirurgicale ❖ Facteurs pronostiques (par ordre d’importance)

1. Présence ou non de métastases

2. Présence de signes inflammatoires PEV 2 ou 3

3. Envahissement ganglionnaire axillaire :

• pas d’envahissement ganglionnaire au curage (N-) : 30 % de rechutes à 10 ans

• envahissement d’un ou plusieurs ganglions au curage (N+) : 60 % de survie à 10 ans

4. Grade histologique d’Elston et Ellis

tient compte de 3 facteurs cotés de 1 à 3 :

• la différenciation tubuloglandulaire • le pléomorphisme nucléaire • le nombre de mitoses

Le résultat (entre 3 et 9) donne un grade de gravité croissante entre I et III scores 3, 4, 5 = Grade I scores 6, 7 = Grade II scores 8, 9 = Grade III

Page 145: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 159 – Tumeurs du sein

- 27 -

5. Age défavorable si < 35 ans

6. Taille tumorale

favorable ≤ 1 cm défavorable > 3 cm

7. Emboles vasculaires

8. Récepteurs hormonaux [RH] (progestérone [RP], œstrogènes [RE])

• RP et RE tous deux négatifs = RH - = défavorable • au moins 1 des RH (RP ou RE) positif : RH + = favorable • La probabilité d’être RH+ augmente avec l’âge

9. Surexpression d'erbB2

❖ Bilan d’extension (à faire après chirurgie le plus souvent) local : mammographie bilatérale ± échographie (avant tout traitement) général : Il n’est effectué qu’en cas de point d’appel ou facteur de risque : PEV 2 ou 3, adénopathies axillaires fixées, N+ au curage, tout T4. Il comprend une scintigraphie osseuse et une échographie hépatique (radiographie pulmonaire optionnelle). Il n’y a aucune indication à un scanner thoracique et encore moins à un TEP-scan dans le bilan d’extension loco-régional

❖ Marqueurs : à ne pas faire

Page 146: Referentiel Module 10 II

C.Clément-Duchêne, Y. Martinet – Question ECN n° 157

LES MESOTHELIOMES PLEURAUX MALINS Dr C. Clément-Duchêne, Pr Y. Martinet – Question ECN n° 157 –

Tumeurs du poumon, primitives et secondaires

• Diagnostiquer une tumeur du poumon primitive et secondaire • Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient

I – INTRODUCTION

Les mésothéliomes pleuraux malins sont des tumeurs primitives développées à partir des cellules mésothéliales de la plèvre. Il existe également des mésothéliomes malins du péricarde, du péritoine ou de la tunique vaginale testiculaire, mais qui ont des histoires naturelles et une pathogénie très différente.

Il s’agit d’une tumeur rare puisque les estimations vont de 7,5 cas/106 habitants chez l’homme et 1,6 cas/106 habitants chez la femme en Ile de France (enquête cas-témoins), à 16 cas/106 chez l’homme [Expertise Collective de l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM), 1996].

Une exposition à l’amiante est retrouvée dans 70% des cas chez l’homme, du fait d’une exposition professionnelle directe ou indirecte, plus rarement chez la femme (20 à 30%) par exposition essentiellement domestique ou environnementale. Dans 20 à 30% des cas, aucune exposition à l’amiante n’est identifiée.

En France, l’incidence des mésothéliomes est de 750 nouveaux cas estimés en 1996 et ce chiffre est en augmentation constante.

La mortalité par mésothéliome est importante, pouvant atteindre 10 à 18% dans certaines cohortes de travailleurs fortement exposés. Le pronostic de cette tumeur est très sombre puisque la médiane de survie à partir de la date du diagnostic est inférieure à 1 an, quels que soient le stade de la maladie et le traitement entrepris.

II – PATHOGENIE

Après inhalation, les fibres d’amiante sont majoritairement expectorées ou avalées. Les fibres restantes sont évacuées de l’arbre trachéo-bronchique par l’escalator muco-ciliaire ou phagocytées par les macrophages alvéolaires.

Mise à jour : mai 2011

Page 147: Referentiel Module 10 II

C.Clément-Duchêne, Y. Martinet – Question ECN n° 157

D’autres fibres traversent le parenchyme pulmonaire jusqu’aux feuillets pleuraux (où elles induisent éventuellement des plaques fibro-hyalines, de la pachypleurite et/ou un mésothéliome) soit par le biais du réseau lymphatique, soit par pénétration trans-cellulaire et trans-tissulaire directe. Certaines fibres restent stockées dans le tissu interstitiel où elles induisent éventuellement une fibrose pulmonaire (asbestose parenchymateuse).

La carcinogénicité des fibres d’amiante semble être en rapport avec leur type et leurs caractéristiques physiques : diamètre, longueur. Ces fibres agiraient directement sur le génome des cellules mésothéliales en induisant à la fois une aneuploïdie et des aberrations chromosomiques.

III - PRESENTATION CLINIQUE

L’âge moyen au moment du diagnostic est de ≈ 60 ans avec une prédominance masculine (Sex Ratio : 4/1). Le début est habituellement insidieux, se manifestant le plus souvent par une dyspnée et/ou par une douleur et/ou une toux. L’épanchement pleural est très fréquent, d’abondance variable, parfois hémorragique, souvent récidivant dans un délai très variable. Les signes généraux sont souvent tardifs dans l’évolution (altération de l’état général avec asthénie, anorexie, amaigrissement et fièvre).

L’évolution se fait vers la rétraction thoracique et/ou l’envahissement de proche en proche avec parfois syndrome cave supérieur, dysphagie, dysphonie, péricardite, ascite et surtout vers la paroi sous la forme d’une masse palpable, entraînant des douleurs intolérables, nécessitant très rapidement des antalgiques opiacés.

Le décès se fait généralement dans un tableau d’insuffisance respiratoire et de cachexie parfois dans un tableau d’extension loco-régionale (paroi thoracique, extension intra-abdominale avec ascite).

IV - PRESENTATION RADIOLOGIQUE

La radiographie thoracique objective au début soit une pleurésie associée ou non à des épaississements pleuraux et/ou à des calcifications pleurales et/ou un élargissement médiastinal, soit un tableau d’hémi-rétraction thoracique.

La tomodensitométrie thoracique est plus sensible que la radiographie thoracique standard. Elle sera au mieux pratiquée après évacuation de la pleurésie et permet de rechercher des signes d’exposition à l’amiante, de faire le bilan d’extension locorégional et à distance et servira d’évaluation de la réponse au traitement. Elle met en évidence un épaississement circonférentiel de la plèvre pariétale, une rétraction de l’hémithorax, des festons pleuraux, des masses tumorales de la plèvre pariétale et une atteinte de la plèvre viscérale au niveau des scissures interlobaires. Elle permet d’apprécier l’envahissement des structures voisines (ganglions, péricarde, cœur, veine cave, œsophage et trachée) et de rechercher une extension au niveau péritonéal.

V – LA PONCTION PLEURALE :

La ponction pleurale est un geste à la fois diagnostique et thérapeutique. Elle soulage immédiatement le patient en cas de pleurésie massive. Elle ramène un liquide citrin, séro-hématique ou franchement hémorragique. C’est un liquide exsudatif et l’examen cytologique, montre une formule cellulaire mixte avec une proportion élevée de cellules mésothéliales.

Elle permet également la recherche de cellules néoplasiques. Le dosage intrapleural, à la demande, des marqueurs tumoraux n’a d’intérêt à la première ponction qu’au titre du diagnostic différentiel avec les métastases pleurales d’une tumeur extra ou intra-thoracique.

VI – PRESENTATION ENDOSCOPIQUE :

La fibroscopie bronchique permet d’éliminer un cancer bronchique lorsque la présentation clinique est celle d’une pleurésie sans étiologie évidente.

Page 148: Referentiel Module 10 II

C.Clément-Duchêne, Y. Martinet – Question ECN n° 157

La thoracoscopie est un examen clé dans le diagnostic et la prise en charge des mésothéliomes. L’aspect macroscopique évocateur est celui en « grains de raisin » sous forme de nodules blancs jaunâtres, clairs, translucides, peu vascularisés, de consistance variable, parfois friables et parfois durs, développés sur la plèvre pariétale. L’extension à la plèvre viscérale est plus tardive. Une exploration minutieuse et complète de la cavité pleurale est nécessaire ainsi que la pratique de biopsies multiples et de grande taille en zone saine et pathologique.

VII – TYPES HISTOLOGIQUES :

Le diagnostic histologique de mésothéliome est très difficile doit faire appel à des anatomopathologistes expérimentés (Groupe MESOPATH, Laboratoire d’Anatomie Pathologique, CHRU de Caen) et nécessite de specimens biopsiques de gros volumes, obtenus au mieux par thoracoscopie. La morphologie de cette tumeur est très variable. Il est classique de distinguer trois principaux types de mésothéliomes malins : épithélial (50 à 70%), sarcomateux (10 à 20%) et mixte ou biphasique (20 à 35%). L’immunohistochimie joue un rôle primordial pour le diagnostic et doit comporter au minimum : cytokératine, EMA, vimentine, ACE, Leu-M1. Le simple examen cytologique, même s’il est quelquefois très évocateur, est insuffisant

VII – STADIFICATION :

Les classifications les plus récentes se réfèrent à la classification TNM ; ainsi, la classification TNM de l’IMIG (International Mesothelioma Interest Group) permet de décrire tous les stades de développement du mésothéliome (voir tableau page suivante). Tableau : Classification TNM des tumeurs pleurales – TNM IMIG (International Mesothelioma Interest Group) T1a Tumeur localisée à la plèvre pariétale +/- diaphragmatique

T1b Atteinte de la plèvre viscérale

T2 Atteinte de la plèvre médiastinale, du muscle diaphragmatique, du parenchyme pulmonaire

T3 Tumeur localement avancée potentiellement résécable [facia endothoracique, graisse médiastinale, paroi thoracique (localisée), péricardiaque]

T4 Tumeur localement avancée non résécable : atteinte diffuse de la paroi thoracique, trans-diaphragmatique, péritoine, plèvre controlatérale, organes du médiastin, rachis, myocarde

N0 Absence d’envahissement ganglionnaire

N1 Envahissement ganglionnaire hilaire homolatéral

N2 Envahissement ganglionnaire médiastinal

N3 Envahissement ganglionnaire hilaire controlatéral, sus-claviculaire

Stade IA T1A N0 M0

Stade IB T1B N0 M0

Stade II T2 N0 M0

Stade III T3 N0-2 M0

Stade IV T4, N3 ou M1

Page 149: Referentiel Module 10 II

C.Clément-Duchêne, Y. Martinet – Question ECN n° 157

VIII – FACTEURS PRONOSTIQUES :

La survie moyenne à partir du diagnostic est inférieure à 12 mois, mais des cas de survie spontanément prolongée ont été décrits. Le taux de survie à 5 ans est inférieur à 5%. Les facteurs de bon pronostic les plus fréquemment retrouvés dans la littérature sont le stade TNM I ou II, le type histologique épithélial, le bon indice d’activité physique défini par un Performance Status (OMS) 0 ou 1 et l’âge jeune (< 65ans).

IX – MODALITES THERAPEUTIQUES :

La chirurgie :

On distingue la chirurgie radicale ou pleuropneumonectomie de la chirurgie palliative. La chirurgie radicale ne doit être proposée qu’aux patients présentant une forme localisée de la maladie, avec un âge jeune, un bon état général ET DANS LE CADRE D’ESSAIS THERAPEUTIQUES. La chirurgie palliative a pour but de contrôler la dyspnée liée à l’épanchement pleural et parfois la douleur pariétale liée à un envahissement localisé de la paroi.

La symphyse pleurale :

Elle est faite à la fin de la thoracoscopie à titre palliatif permettant d’éviter la récidive de l’épanchement.

La radiothérapie :

Seul la radiothérapie préventive des cicatrices ou trajets de drains par radiothérapie externe devra systématiquement être réalisée. Elle a pour but de prévenir l’apparition de nodules de perméation. La radiothérapie palliative permet de contrôler la douleur liée à l’extension directe de la tumeur à la paroi ou aux côtes. La radiothérapie à visée curative est le plus souvent employée en association avec la chimiothérapie dans le cadre d’essais thérapeutiques.

La chimiothérapie :

L’efficacité de la chimiothérapie est restée longtemps controversée, le mésothéliome étant considérée comme une tumeur chimiorésistante. Actuellement, les associations de chimiothérapie proposées sont :

1. Cisplatine + Pemetrexed (ALIMTA) : cette association a démontré dans une très grande série randomisée son efficacité en terme d’augmentation significative de la survie, d’amélioration des signes cliniques et de la qualité de vie

2. Cisplatine + Gemcitabine 3. Cisplatine + Mitomycine C

Les soins de confort (palliatifs) :

Le traitement médical par les antalgiques (opiacés ou non) et les anti-inflammatoires reste la règle.

X – ASPECTS PROFESSIONNELS :

L’enquête professionnelle à la recherche d’une exposition à l’amiante est primordiale. Il existe des consultations spécialisées de pneumologie et de médecine du travail pour la réalisation de ce type d’enquête. Les principaux gestes et tâches susceptibles d’entraîner une exposition à l’amiante sont :

1. Extraction et traitement du minerai 2. Fabrication d’objets en amiante : fibrociment, garnitures de friction, joints, … 3. Installation de flocages 4. Démolition de matériaux contenant de l’amiante : bâtiments, navires, wagons, … 5. Utilisation d’accessoires en amiante 6. Etc.

Les tableaux 30 et 30bis du régime général définissent les affections professionnelles consécutives à l’inhalation de poussières d’amiante. Un arrêté du 9 juillet 1998 fixe le modèle de l’attestation d’exposition à remplir par l’exploitant et le médecin du travail. Un certificat médical est fait par le médecin en 3 exemplaires et remis au patient. Une déclaration peut être faite au FIVA (Fond d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante).

Page 150: Referentiel Module 10 II

C.Clément-Duchêne, Y. Martinet – Question ECN n° 157

LES MESOTHELIOMES MALINS – MOTS CLES

- Tumeurs rares

- Exposition à l’amiante caractérisée dans plus de 70% des cas

- Incidence en augmentation

- Survie moyenne de 12 mois

- Signes cliniques d’appel les plus fréquents : pleurésie, dyspnée et/ou douleurs

- Nécessité d’un diagnostic histologique obtenu dans la grande majorité des cas par thoracoscopie

- Talcage pleural sous thoracoscopie pour éviter la récidive de la pleurésie

- Traitement chirurgical au stade I

- Chimiothérapie palliative peu efficace à base de cisplatine pour les stades avancés

- Radiothérapie préventive systématique des trajets des drains, parfois à but antalgique

- Enquête professionnelle et déclaration systématique en maladie professionnelle (tableaux 30, 30 bis du régime général et FIVA)

Page 151: Referentiel Module 10 II

- 1 -

LES CANCERS BRONCHO-PULMONAIRES SECONDAIRES Dr C. Clément-Duchêne, Pr Y. Martinet – Question ECN n° 157 –

Tumeurs du poumon, primitives et secondaires

• Diagnostiquer une tumeur du poumon primitive et secondaire • Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient

Le poumon est le site métastatique le plus fréquent de très nombreuses tumeurs. Parfois il est le seul site métastatique.

Le délai d’apparition de ces métastases est très variable, de quelques mois à plusieurs années après le diagnostic du cancer primitif. Parfois, elles peuvent révéler une tumeur occulte ou être découvertes lors du bilan initial de la tumeur.

I — MODE DE DISSEMINATION METASTATIQUE PULMONAIRE

Le mode de dissémination métastatique pulmonaire des tumeurs malignes est soit direct par contiguïté, soit indirect par voie sanguine ou lymphatique.

La voie sanguine est le principal mécanisme de dissémination métastatique de nombreux cancers tels que les mélanomes, les sarcomes, les tumeurs de la tête et du cou et les cancers thyroïdiens. Les cancers d’origine digestive (estomac, pancréas et colon), du fait de leur drainage veineux qui se fait par la circulation portale, sont rarement compliqués de métastases pulmonaires avant l’existence de métastases hépatiques.

La dissémination tumorale par voie lymphatique est la conséquence d’un envahissement des vaisseaux lymphatiques de drainage de la tumeur ou d’une dissémination par voie rétrograde à partir des ganglions métastatiques hilaires et médiastinaux.

II — DIAGNOSTIC DES CANCERS BRONCHO-PULMONAIRES SECONDAIRES

La présentation macroscopique des métastases pulmonaires est variée :

• Nodules multiples parenchymateux bilatéraux, représentant le tableau le plus caractéristique. Ces nodules naissent par embolisation des cellules malignes dans de petites artérioles pulmonaires, suivie de leur migration et implantation dans l’interstitium et le parenchyme. Les signes fonctionnels respiratoires (toux, dyspnée, hémoptysie, douleurs thoraciques) ou généraux (asthénie, amaigrissement) sont en général tardifs.

Le diagnostic est souvent fait au cours d’un bilan d’extension ou de surveillance de la maladie cancéreuse sous-jacente. Ces nodules sont arrondis, bien limités, sous pleuraux, de taille variable, prédominant aux lobes inférieurs. La présentation radiologique en « lâcher de ballons » est celle, par exemple, chez le sujet jeune des sarcomes osseux et du séminome testiculaire.

Mise à jour : mai 2011

Page 152: Referentiel Module 10 II

C. Clément-Duchêne, Y. Martinet – Question ECN n° 157 – Tumeurs du poumon, primitives et secondaires

- 2 -

Chez le sujet adulte, dans les deux sexes, elle est celle des carcinomes colo-rectaux et des cancers du rein ; chez l’homme plus spécialement, celle du cancer ORL ; chez la femme, celle des cancers endocrino-génitaux (sein, thyroïde et utérus).

Les nodules excavés, à paroi épaisse et irrégulière (abcès en cadre), correspondent à la nécrose tumorale de métastases pulmonaires d’un cancer extrathoracique (ostéosarcome, cancer colo-rectal ou ORL).

• Nodule unique, posant un problème de diagnostic étiologique. La tomodensitométrie thoracique aide à distinguer un nodule métastatique, arrondi, homogène, non calcifié, d’un cancer bronchique primitif aux contours volontiers irréguliers et spiculés. Le contexte clinique doit être pris en compte. La tomographie par émission de positons peut être utile pour confirmer le caractère malin de ce nodule parenchymateux unique, mais n’aide pas pour le diagnostic étiologique.

• Miliaire diffuse carcinomateuse, rencontrée avec les carcinomes ovariens et médullaires de la thyroïde. Elle est caractérisée par l’existence d’opacités arrondies, aux limites nettes, de nombre et de taille variable (jusqu’à 10 mm), plus ou moins disséminées dans les deux champs pulmonaires.

• Lymphangite carcinomateuse, conséquence d’une dissémination métastatique intra-pulmonaire par les canaux lymphatiques de cellules tumorales. Elle est fréquente au cours de l’évolution des adénocarcinomes pulmonaires, mammaires, gastriques, pancréatiques et prostatiques. Le tableau clinique le plus caractéristique est celui d’une dyspnée d’installation progressive associée à une toux sèche.

La radiographie thoracique est caractérisée par la présence d’opacités réticulées ou réticulo-nodulaires, uni ou bilatérales. S’y associent pleurésie(s) et adénopathies médiastinales et/ou hilaires. Parfois la radiographie thoracique est normale et le syndrome interstitiel est mis en évidence sur la tomodensitométrie thoracique en coupes millimétriques.

• Adénopathies métastatiques médiastinales et hilaires, souvent associées aux lésions parenchymateuses. Elles peuvent être isolées. Les tumeurs germinales, peu fréquentes, donnent souvent des adénopathies médiastinales. Une autre néoplasie souvent en cause est le mélanome malin.

• Bourgeon endobronchique : Ce type de lésion complique les cancers du sein, du rein, du colon et du pancréas. La présentation clinique n’est pas spécifique.

III — DEMARCHE DIAGNOSTIQUE

En présence d’un ou de plusieurs nodules parenchymateux, l’endoscopie bronchique est le premier examen à réaliser. Elle peut montrer des lésions endoscopiques macroscopiques accessibles à une biopsie. Elle peut être négative en cas de nodules périphériques. Des biopsies distales voire semi-distales sont réalisées en cas de lymphangite carcinomateuse dont l’aspect endoscopique est souvent peu spécifique (aspect inflammatoire de la muqueuse), mais les biopsies sont souvent positives.

L’apport de l’écho-endoscopie est non négligeable pour le diagnostic des adénopathies médiastinales.

En cas de négativité de ces examens, une ponction-biopsie transthoracique voire un abord chirurgical peut être réalisé.

IV — RECHERCHE D’UN CANCER PRIMITIF

Dans la plupart des cas, la découverte de métastases pulmonaires s’effectue chez des patients connus comme porteurs d’un cancer. Les anomalies pulmonaires correspondent donc à une évolution métastatique.

Cependant, au moindre doute, des investigations complémentaires doivent être réalisées, pour affirmer le caractère néoplasique et métastatique des lésions pulmonaires :

Page 153: Referentiel Module 10 II

C. Clément-Duchêne, Y. Martinet – Question ECN n° 157 – Tumeurs du poumon, primitives et secondaires

- 3 -

• Si le cancer est connu et de siège extrathoracique, on considère que les lésions pulmonaires correspondent à des métastases sans preuve histologique. Toutefois, l’histoire naturelle du cancer, les circonstances cliniques et les anomalies radiologiques doivent être concordants.

• Si le cancer n’est pas connu, l’interrogatoire et l’examen clinique doivent être minutieux pour orienter les examens complémentaires. Il importe de rechercher un cancer accessible à un traitement spécifique. Le type histologique de la métastase pulmonaire va ensuite orienter la suite des investigations.

Par exemple, en cas de carcinome épidermoïde, il faut rechercher une origine pulmonaire, oto-rhino-laryngée, oesophagienne, de la marge anale et du col utérin chez la femme. En cas d’adénocarcinome, le bilan doit comporter une tomodensitométrie abdomino-pelvienne. Chez l’homme, surtout après la cinquantaine, il faut pratiquer un toucher rectal, une echographie prostatique et un dosage de l’antigène spécifique de la prostate. Chez la femme, il faut réaliser un examen gynécologique et une mammographie. En fonction de l’orientation clinique, une endoscopie digestive sera réalisée. Si le bilan est négatif, un adénocarcinome est considéré comme primitif pulmonaire jusqu’à preuve du contraire.

En cas de tumeur peu différenciée chez l’homme jeune, la palpation des testicules, le dosage des marqueurs tumoraux des tumeurs germinales non séminomateuses (α foeto-protéine, HCG, βHCG et LDH) et éventuellement l’échographie testiculaire doivent être envisagés.

V — TRAITEMENT :

• Traitement médical :

Dans les rares cas de cancers curables, les patients doivent recevoir une chimiothérapie adaptée. C’est le cas des tumeurs germinales des testicules et des ovaires, du neuroblastome et de l’ostéosarcome.

Dans les autres cas, les métastases pulmonaires représentent un tournant évolutif de la maladie et le pronostic est souvent médiocre. Le traitement ne peut donc être que palliatif. Cependant, lorsqu’il existe une probabilité suffisante de réponse au traitement et que l’état général du patient le permet, on peut proposer un traitement associant ou non une chimiothérapie, une radiothérapie, une hormonothérapie et/ou une immunothérapie, voire une thérapeutique anti-cancéreuse ciblée.

• Traitement chirurgical :

La résection chirurgicale complète des métastases pulmonaires uniques ou même multiples et bilatérales, est parfois utile.

Les indications actuelles sont les suivantes : o Cancer primitif considéré comme contrôlé, o Absence d’évolution extrathoracique de la maladie, o Absence d’arguments tomodensitométriques pour une non-résécabilité complète, o Etat général correct.

La pertinence de l’indication chirurgicale selon la tumeur primitive est la suivante : ++++ Tumeurs germinales +++ Ostéosarcomes ++ Autres sarcomes, cancer colorectal + Cancers du sein, du rein ± Les autres tumeurs

Les contre-indications sont : • Un intervalle court entre le contrôle du cancer primitif et l’apparition de(s) métastase(s)

pulmonaires, et • Un temps de doublement rapide.

Toutefois, les résections doivent être les plus limitées possibles. La sélection des patients et l’association de la chimiothérapie à la chirurgie sont des facteurs conditionnant le pronostic après la chirurgie.

Page 154: Referentiel Module 10 II

- 1 -

CANCER DU POUMON Dr C. Clément-Duchêne, Pr Y. Martinet – Question ECN n° 157

Tumeurs du poumon, primitives et secondaires

• Diagnostiquer une tumeur du poumon primitive et secondaire • Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient

Le cancer du poumon (ou cancer bronchique) résulte de la transformation maligne de l’épithélium qui tapisse les voies aériennes intrathoraciques (trachée et bronches), c’est un cancer grave dont la fréquence élevée est liée en grande part à la consommation de tabac ainsi qu’à certaines pollutions professionnelles, atmosphériques et domestiques. Le cancer du poumon est responsable d’environ 25 000 morts par an en France. Il s’agit d’un problème de santé publique sérieux car « l’épidémie » actuelle devrait s’aggraver dans les pays développés au cours des prochaines décennies (compte tenu d’une stabilisation de l’incidence chez l’homme et d’une augmentation chez la femme). Enfin, l’incidence de cette maladie augmente rapidement dans les pays en voie de développement. Le pronostic du cancer bronchique est médiocre du fait, d’une part, de l’absence de dépistage précoce et de chimioprévention efficaces et d’autre part, de l’évolution rapidement métastatique de ce cancer (éliminant dans ce cas toute solution chirurgicale). En effet, la chirurgie est le seul traitement qui puisse apporter un espoir formel de guérison ; mais celui-ci ne s’adresse qu’à environ 1/5 des patients. Au total : à ce jour, l’espérance de survie à cinq ans d’un patient chez lequel un cancer bronchique vient d’être diagnostiqué est légèrement supérieure à 15%.

I — CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE

Elles sont multiples :

A — SIGNES FONCTIONNELS RESPIRATOIRES

— Toux : récente ou aggravée, chez un patient atteint de bronchite chronique (toux qui réveille le patient)

— Hémoptysie souvent minime (crachats hémoptoïques), qui impose toujours un bilan spécialisé

— Episodes infectieux récidivants bronchiques et/ou parenchymateux

— Dyspnée récente ou aggravée (témoin d’une sténose proximale ou d’une lymphangite carcinomateuse, …)

— Douleurs thoraciques : insidieuses, lancinantes, qui traduisent une complication de la tumeur par extension à la paroi ou au médiastin

Mise à jour : Mai 2013

Page 155: Referentiel Module 10 II

C. Clément-Duchêne, Y. Martinet – Question ECN n° 157 – Tumeurs du poumon, primitives et secondaires

- 2 -

B — EXTENSION LOCOREGIONALE

— Dysphonie : voix bitonale par paralysie récurrentielle gauche

— Dysphagie : marquant l’extension tumorale à l’œsophage

— Syndrome de compression veineuse : essentiellement, syndrome cave supérieur avec l’association de : vertiges, céphalées, oedèmes en pèlerine, circulation collatérale thoracique supérieure

— Syndrome de Claude Bernard Horner : énophtalmie, myosis, diminution de la fente palpébrale

— Extension pariétale : douleurs liées à une localisation au cadre osseux, névralgies cervico-brachiales, épanchement pleural

— Trouble du rythme cardiaque : extension au péricarde et au cœur

— Compression lymphatique : exceptionnel, syndrome de Ménétrier (avec œdème du bras et chylothorax)

C — EXTENSION METASTATIQUE

— Ganglionnaire : ganglions sus-claviculaires, cervicaux, axillaires, …

— Hépatique : foie marronné

— Neurologique : symptômes encéphaliques, méningés ou médullaires

— Osseuse : douleur et/ou fractures

— Surrénalienne : découverte scanographique, douleurs lombaires rares

— Cutanée : nodules douloureux à la palpation

D — SYNDROME PARANEOPLASIQUE

— Hyponatrémie

— Hypercalcémie

— Douleurs articulaires avec périostite

— Atteinte neurologique : polynévrite…

— Atteinte cutanée : zona……

— Maladie thrombo-embolique

E — BAISSE DE L’ETAT GENERAL

— Asthénie

— Amaigrissement

— Anorexie

— Dégoût du tabac

F — DECOUVERTE FORTUITE

— Radiographie pulmonaire effectuée dans le cadre d’un bilan préopératoire, de la médecine du travail

II — BILAN DIAGNOSTIQUE ET PRETHERAPEUTIQUE

A — EXAMEN CLINIQUE

L’interrogatoire précise le début des signes, le tabagisme, le curriculum laboris, ainsi que l’existence de tares associées (obésité, endocrinopathie, état cardiaque, …).

Un examen minutieux sera effectué, appareil par appareil, ainsi que de tous les gîtes ganglionnaires (et plus particulièrement les chaînes ganglionnaires cervicales sus-claviculaires, axillaires et inguinales).

Page 156: Referentiel Module 10 II

C. Clément-Duchêne, Y. Martinet – Question ECN n° 157 – Tumeurs du poumon, primitives et secondaires

- 3 -

— Recherche de localisations osseuses par interrogatoire, percussion et palpation

— Recherche de localisations cutanées

— Examen neurologique complet

— Recherche d’une hépatomégalie

B — EXAMENS RADIOLOGIQUES, EN TDM, ECHOGRAPHIQUES ET SCINTIGRAPHIQUES

Le cliché thoracique standard (face et profils droit et gauche) est fondamental. La recherche d’un éventuel cliché antérieur est importante pour comparer avec le cliché actuel.

Les aspects sont multiples :

1. Gros hile : opacité proximale, dense, hétérogène, aux contours plus ou moins réguliers (aspect chevelu, en pattes de crabe, …).

2. Opacités systématisées traduisant un trouble de ventilation d’un poumon, lobe ou segment avec caractère rétractile suggérant une sténose bronchique plus ou moins complète.

3. Image ronde : périphérique, distale, aux contours réguliers ou polycycliques à limites nettes ou irrégulières.

4. Abcès en cadre : irrégularités de la paroi, absence de bronche de drainage.

5. Elargissement médiastinal : témoin des adénomégalies (cheminée médiastinale essentiellement dans le cancer microcellulaire).

6. Paralysie phrénique, lyse du cadre osseux, pleurésie, pneumothorax spontané.

7. Le cliché thoracique peut être normal en cas d’atteinte proximale trachéale et bronchique.

Le cliché thoracique est complété par un examen tomodensitométrique (TDM) thoracique, en fenêtres médiastinales et parenchymateuses, avant et après injection, avec coupes abdominales (pour étude du foie et des surrénales) qui permet de préciser le site de la tumeur, sa taille, l’extension ganglionnaire, l’extension tumorale et ganglionnaire pariétale et médiastinale ainsi que l’existence de métastases au niveau des surrénales et du foie.

Une échographie abdominale permet de rechercher des métastases hépatiques qui sont mieux visibles par cet examen qu’en TDM.

Une scintigraphie osseuse et un scanner cérébral sont habituellement réalisés dans le cadre du bilan d’extension.

La tomographie par émission de positons (TEP) est une nouvelle technique d'imagerie nucléaire, utilisant un isotope de courte ½ vie. La détection des tumeurs par cette technique dépend essentiellement de 3 facteurs :

— le degré d'absorption du 18Fluorodésoxyglucose (marqueur utilisé) par les cellules tumorales

— la taille de la tumeur

— la présence ou non d'inflammation

Elle présente un intérêt pour différencier un nodule bénin d'une tumeur maligne, préciser l'envahissement ganglionnaire loco-régional, rechercher des métastases à distance, différencier les masses résiduelles post-thérapeutiques du tissu tumoral actif, mettre en évidence une récidive et enfin évaluer l'efficacité d'une chimiothérapie ou de la radiothérapie.

C - EXAMEN ENDOSCOPIQUE

La fibroscopie bronchique est un examen capital puisqu’elle permet de préciser l’histologie de la tumeur et l’extension locale endo-bronchique.

Page 157: Referentiel Module 10 II

C. Clément-Duchêne, Y. Martinet – Question ECN n° 157 – Tumeurs du poumon, primitives et secondaires

- 4 -

Les aspects sont multiples :

— Bourgeon nécrotico-hémorragique, blanchâtre, saignant au moindre contact

— Sténose en virole par extension sous-muqueuse ou compression extrinsèque

— Déformation d’un orifice bronchique

— Epaississement d’un éperon

— Aspect normal si la tumeur est périphérique

L’échoendoscopie est une nouvelle technique associant les techniques endoscopiques et échographiques. Elle permet le diagnostic et/ou le staging des cancers bronchiques par biopsie des adénopathies médiastinales.

D - EXAMEN ANATOMOPATHOLOGIQUE

Les examens histologiques se font sur des biopsies effectuées en fibroscopie : sous contrôle de la vue, plus rarement en semi distales ou trans-bronchiques sous contrôle de l’amplificateur de brillance.

Lorsqu’il n’est pas possible d’obtenir du tissu pathologique par ces méthodes, recours est fait à la médiastino-biopsie (en cas d’adénopathies médiastinales droites) voire à la thoracotomie exploratrice ou éventuellement à la ponction transpariétale sous scanner.

La classification OMS des carcinomes broncho-pulmonaires en cours est celle de l'OMS de 1999. Elle s'appuie sur des critères de microscopie optique standard.

Cependant pour certaines tumeurs, des informations complémentaires sont indispensables et peuvent être fournies par des techniques spéciales comme l'immunohistochimie.

On distingue les carcinomes bronchiques à petites cellules (CPC) des carcinomes bronchiques non à petites cellules (CNPC).

Parmi les CNPC, les formes histologiques les plus fréquentes sont les carcinomes épidermoïdes, les adénocarcinomes et les carcinomes à grandes cellules dont les carcinomes neuro-endocrines à grandes cellules. La recherche des mutations EGFR (Epithelial Growth Factor Receptor), K-ras et translocation ALK sont effectuées en routine pour les adénocarcinomes en raison de l’efficacité de certaines thérapeutiques.

Il existe également des tumeurs rares telles que les carcinoïdes bronchiques.

E — EXAMENS BIOLOGIQUES

— Syndrome inflammatoire quasi-constant

— Calcémie, natrémie, kaliémie

— Intérêt non démontré des marqueurs tumoraux

F — EXPLORATION FONCTIONNELLE RESPIRATOIRE

Elle complète le bilan si une intervention chirurgicale est envisagée.

— Cliniquement, on précise les antécédents broncho-pulmonaires (emphysème, bronchite chronique…), les signes fonctionnels (dyspnée, toux…), l’auscultation.

— Radiologiquement, aspect évoquant un emphysème, une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP)…

— Fonctionnellement, la gazométrie est complétée par une EFR et éventuellement une scintigraphie de ventilation – perfusion au xénon pour apprécier la qualité fonctionnelle du parenchyme restant lorsque la chirurgie est envisagée. Par exemple, un VEMS < 1 000 ml est une contre-indication presque absolue d’une pneumonectomie. Il est possible d’évaluer le « VEMS prédictif » post-chirurgical.

Page 158: Referentiel Module 10 II

C. Clément-Duchêne, Y. Martinet – Question ECN n° 157 – Tumeurs du poumon, primitives et secondaires

- 5 -

III — FORMES CLINIQUES

A — ANATOMOCLINIQUES

1) Cancers à petites cellules

Ils représentent environ 15 à 20% des cancers bronchiques. Son évolution est rapide avec localisations médiastino-pulmonaires volumineuses et diffusion métastatique très rapide. Le myélogramme et/ou la ponction-biopsie osseuse sont réalisés en cas de suspicion d’envahissement médullaire sur l’hémogramme Le traitement n’est presque jamais chirurgical ; par contre, ce cancer est chimiosensible et radiosensible. Toutefois, des chimiorésistances se développent rapidement. Le sous-type histologique n’intervient pas dans la décision thérapeutique.

2) Cancers épidermoïdes

Ils représentent environ 35 % des cancers bronchiques. C’est la forme la plus chirurgicale. Ils siègent surtout au niveau des grosses bronches avec aspect bourgeonnant à l’endoscopie et à la radiographie, images hilaires ou justa-hilaires et/ou troubles de ventilation. Ils peuvent aussi être périphériques (image ronde, abcès en cadre). Compte tenu des métastases plutôt tardives, c’est un cancer souvent opéré et de relativement meilleur pronostic. Il est peu sensible à la chimiothérapie et à la radiothérapie. Le caractère ± différencié n’intervient pas dans la décision thérapeutique.

3) Adénocarcinomes et grandes cellules

Il s’agit d’environ 45% des cancers bronchiques. De principe, il faut évoquer le caractère primitif ou secondaire de la tumeur ; toutefois, la nature primitive est le plus souvent facile à affirmer. Les primitifs extra thoraciques à rechercher sont essentiellement de localisation : mammaire, prostatique, digestive, thyroïdienne. L’évolution est souvent péjorative du fait de métastases précoces et de leur caractère peu chimiosensible et radiosensible. Le sous-type histologique n’intervient pas dans la décision thérapeutique.

4) Tumeurs composites

Dans certaines tumeurs (5 – 10%), des contingents cellulaires de nature différente peuvent être observés. Parfois, il s’agit de contingents à petites cellules et d’autres non à petites cellules, ce qui complique la décision thérapeutique, compte tenu des caractéristiques spécifiques de ces différentes formes anatomiques.

B — FORMES TOPOGRAPHIQUES

1) Cancers bifocaux synchrones

2) Syndrome de Pancoast et Tobias (tumeur de l’apex)

Avec envahissement du dôme pleural et des premières côtes, du rachis et du plexus brachial ainsi que du nerf sympathique cervical expliquant le syndrome de Claude Bernard Horner et les névralgies C8D1.

3) Syndrome cave supérieur

C — FORMES AVEC SYNDROME PARANEOPLASIQUE

Elles se voient essentiellement dans les carcinomes à petites cellules (sauf les manifestations ostéo-articulaires). Sont marqués d’une (+) les plus fréquents :

Page 159: Referentiel Module 10 II

C. Clément-Duchêne, Y. Martinet – Question ECN n° 157 – Tumeurs du poumon, primitives et secondaires

- 6 -

1) Manifestations ostéo-articulaires - Hippocratisme digital (+) ;

- Syndrome de Pierre-Marie Bamberger (+) (ostéo-arthropathie hypertrophiante pneumique) : douleurs et gonflements articulaires, périostite engainante radiologique et hippocratisme digital ;

2) Manifestations neurologiques (polynévrite)

3) Manifestations musculaires (myalgies)

4) Sécrétions de substances endocrine-like - Hypercalcémie (+) par sécrétion inappropriée de peptides PTH-like, à différencier des

hypercalcémies par lyse osseuse liée aux métastases. L’hypercalcémie peut se compliquer de troubles graves neurologiques et cardiovasculaires et constitue une urgence thérapeutique.

- Syndrome de Schwartz-Bartter (+) par sécrétion inappropriée d’ADH (hyponatrémie, hypernatriurie, clearance de l’eau libre négative).

5) Manifestations hématologiques - Phlébites à répétition (+).

6) Manifestations cutanées (zona)

7) Manifestations rénales (proténurie, glomérulonéphrite)

IV — LE TABAGISME

Le rôle du tabagisme actif dans la survenue des cancers bronchiques est clairement établi. Il existe une relation dose/effet entre le nombre d’années de tabagisme et la survenue d’un cancer bronchique. Cette durée du tabagisme est le facteur de risque principal. La quantité totale de tabac fumée contribue aussi au risque. Le rôle de l’âge de début du tabagisme, à consommation identique en quantité et durée, dans la survenue d’un cancer bronchique n’est pas formellement démontré. Le risque relatif de cancer bronchique chez le fumeur actif est de l’ordre de 10 par rapport à un non fumeur.

L’existence d’un tabagisme passif environnemental est démontrée par l’observation de la présence de nicotine dans les urines des non-fumeurs exposés. Ce tabagisme peut être familial, professionnel et/ou social. On estime que le risque relatif de cancer bronchique pour un non fumeur exposé est de 1,30.

V — FORMES PROFESSIONNELLES

Les données concernant les risques suivants sont formellement établies puisque reconnues par des tableaux professionnels.

— Les rayonnements ionisants (tableau n°6)

— L’acide chromique et les chromates et bichromates alcalins ou alcalinoterreux ainsi que le chromate de zinc (tableau n° 10 ter)

— Les goudrons de houille, les huiles de houille (comprenant les fractions de distillation dites phénoliques, naphtaléniques, acénaphténiques, anthracéniques et chryséniques), les brais de houille et les suies de combustion de charbon (tableau n° 16 bis)

— Les poussières ou vapeurs arsenicales (tableau n° 20 bis)

— Cancer bronchique primitif provoqué par l’inhalation de poussières ou de vapeurs renfermant des arseno-pyrites aurifères (tableau n°20 ter)

— L’amiante (tableau n°30 C et tableau n°30 bis)

— Opérations de grillage des mattes de nickel (tableau n° 37 ter)

— Poussières ou fumées d’oxyde de fer (tableau n° 44 bis)

— Poussières de cobalt associées au carbure de tungstène avant frittage (tableau n° 70 ter)

— Le bis (chlorométhyle) éther (tableau n° 81)

Page 160: Referentiel Module 10 II

C. Clément-Duchêne, Y. Martinet – Question ECN n° 157 – Tumeurs du poumon, primitives et secondaires

- 7 -

VI — CLASSIFICATION IASCLC (2009)

T TUMEUR PRIMITIVE Tx Tumeur prouvée par la présence de cellules malignes dans l’expectoration ou les

sécrétions broncho-pulmonaires sans que la lésion soit elle-même visible par imagerie ou bronchoscopie ou tumeur qui ne peut être évaluée.

TIS Carcinome in situ.

T0 Pas de signe de tumeur primitive.

T1 Tumeur < 3 cm dans sa plus grande dimension, entourée par le poumon ou la plèvre viscérale et sans signe endoscopique d’envahissement au-delà de la bronche lobaire.

T1a = Tumeur ≤ 2 cm. T1b = Tumeur > 2 cm et ≤ 3 cm.

T2 Tumeur avec l’un des caractères de taille ou d’extension suivants : > 3 cm dans sa plus grande dimension, envahissement de la bronche principale à 2 cm ou plus de la carène, envahissement de la plèvre viscérale, association d’un trouble ventilatoire qui s’étend à la région hilaire sans intéresser le poumon entier.

T2a = Tumeur > 3 cm et ≤ 5 cm. T2b = Tumeur > 5 cm et ≤ 7 cm.

T3 Tumeur > 7 cm, avec extension directe aux structures adjacentes telles que la paroi thoracique, le diaphragme, le péricarde, la plèvre médiastinale, ou tumeur à moins de 2 cm de la carène en bronchoscopie mais sans envahissement de la carène, ou association à un trouble de ventilation du poumon entier. La paralysie diaphragmatique est un T3.

T4 Tumeur quelle que soit sa taille, qui envahit l’une des structures suivantes : médiastin, coeur, gros vaisseaux, trachée, oesophage, corps vertébral, carène, tumeur avec pleurésie ou péricardite maligne, ou nodule tumoral dans un autre lobe mais homolatéral à la tumeur. La paralysie récurrentielle gauche est un T4.

N ADENOPATHIES REGIONALES NX Absence des conditions minimales requises pour classer les ganglions lymphatiques

régionaux.

N0 Pas de signe d’envahissement des ganglions régionaux.

N1 Signes d’envahissement des ganglions péribronchiques et/ou hilaires homolatéraux y compris par une extension directe de la tumeur primitive.

N2 Signes d’envahissement des ganglions lymphatiques médiastinaux homolatéraux ou sous-carénaires.

N3 Signes d’envahissement des ganglions lymphatiques médiastinaux hilaires controlatéraux et/ou des ganglions scaléniques ou sus-claviculaires.

M METASTASES A DISTANCE

MX Renseignements insuffisants pour classer les métastases à distance.

M0 Pas de métastase.

M1 Présence de métastases. M1a = Nodules dans un lobe controlatéral à la tumeur primitive, nodule et

épanchement pleuraux, épanchement péricardique. M1b = Autres sites métastatiques (cerveau, peau, foie, os, …)

Page 161: Referentiel Module 10 II

C. Clément-Duchêne, Y. Martinet – Question ECN n° 157 – Tumeurs du poumon, primitives et secondaires

- 8 -

VII - CLASSIFICATION EN STADES

Stade 0 Carcinome in situ Stade IA T1a,bN0M0 Stade IB T2aN0M0 Stade IIA T1a,bN1M0, T2aN0M0 et T2bN1M0 Stade IIB T2bN1M0 et T3N0M0 Stade IIIA T3N1M0, T1-3N2M0 et T4N0-1M0 Stade IIIB T1-4N0-3M0 et T4N2M0 Stade IV T1-4N0-3M1a,b

VIII - TRAITEMENT

A - CANCER BRONCHIQUE NON A PETITES CELLULES (CNPC)

— Le seul traitement curatif est la chirurgie, elle est indiquée chez les patients opérables sur le plan cancérologique (stades I et II) et sur le plan de l’état général. Un traitement néo adjuvant ou adjuvant peut y être associé (radiothérapie et/ou chimiothérapie).

— Dans les formes inopérables (sur le plan cancérologique ou sur le plan de l’état général), le traitement peut comporter une chimiothérapie et/ou une radiothérapie.

— Les formes localisées de moins de 3 centimètres peuvent être traitées par radiothérapie focale (Cyberknife).

— Le traitement des stades IIIB repose sur une association de chimiothérapie et radiothérapie concomitante.

— Le traitement des formes métastatiques (stades IV) est palliatif et repose sur la chimiothérapie (association de sels de platine et taxanes, anti-métabolites…).

Avec les progrès en biologie moléculaire, certaines thérapeutiques sont considérées comme des thérapeutiques ciblées suivant le statut mutationnel ou le type histologique.

B - CANCER BRONCHIQUE A PETITES CELLULES (CPC)

— Dans les CPC localisés au thorax, la chimiothérapie est associée à une radiothérapie médiastinale et à une radiothérapie cérébrale prophylactique.

— Par contre, seule la chimiothérapie est indiquée dans les CPC diffus.

IV - DEPISTAGE DU CANCER BRONCHIQUE

Compte tenu de l’incidence élevée du cancer bronchique et des possibilités thérapeutiques actuellement restreintes, le problème du dépistage du cancer bronchique se pose de façon préoccupante en particulier dans les populations fumeuses avec risque professionnel ajouté.

Les multiples études effectuées à ce jour ont échoué. Toutes reposaient sur le principe d’un cliché systématique ou de scanner thoracique chez des populations à risque avec ou sans dépistage cytologique sur expectoration. Actuellement, un tel dépistage n’est pas justifié.

X - LA PREVENTION DU CANCER BRONCHIQUE

Celle-ci repose essentiellement sur la prévention du tabagisme actif et passif et des risques professionnels spécifiques. De plus, une meilleure connaissance de la pollution atmosphérique est indispensable.

Dans certaines entreprises où le risque ne peut être totalement contrôlé, une détection des sujets à risque (phénotypes à risque des cytochromes P450 par exemple) pourrait être envisagée.

Page 162: Referentiel Module 10 II

C. Clément-Duchêne, Y. Martinet – Question ECN n° 157 – Tumeurs du poumon, primitives et secondaires

- 9 -

Enfin, la possibilité de prévention de la cancérogenèse bronchique par l’utilisation, par exemple, de dérivés de la vitamine A a été évoquée chez des patients à risque. Il n’existe aucune preuve d’efficacité à ce jour.

XI- CANCER BRONCHIQUE CHEZ LE NON-FUMEUR

Le cancer bronchique chez les non-fumeurs est plus fréquent chez les femmes, les patients asiatiques et est de type adénocarcinome.

Les non-fumeurs atteints de cancer bronchique sont porteurs de mutations particulières (EGFR). La survie et la réponse aux traitements sont meilleures que chez le fumeur.

Page 163: Referentiel Module 10 II

C. Clément-Duchêne, Y. Martinet – Question ECN n° 157 – Tumeurs du poumon, primitives et secondaires

- 10 -

CANCER DU POUMON : LES POINTS IMPORTANTS (TRAITEMENT EXCLU)

✥ Première cause de mort par cancer en France

✥ Incidence en progression rapide chez la femme

✥ Plus de 90 % des cas liés à la consommation de tabac

✥ Absence de chimioprévention et de dépistage efficaces

✥ Survie à 5 ans inférieure à 15 %

✥ Seule chance de guérison : chirurgie

✥ Signe clinique d’appel le plus fréquent : hémoptysie

✥ Nécessité d’un diagnostic histologique obtenu dans la grande majorité des cas par une endoscopie bronchique

✥ Les cancers à petites cellules sont radio- et chimio-sensibles dans un premier temps

✥ Les cancers non à petites cellules sont peu chimio et radio-sensibles

✥ Recherche de principe d’une origine professsionnelle chez tout patient

✥ La prise en charge s’appuie sur la classification histologique OMS, le stade TNM, le performance status OMS, l’examen clinique et les antécédents du patient

Page 164: Referentiel Module 10 II

- 1 -

DIAGNOSTIC D'UNE TUMEUR MALIGNE ÉPITHÉLIALE DE L’OVAIRE

Pr T. Conroy – Question ECN n° 153 - Tumeurs de l’ovaire • Diagnostiquer une tumeur de l'ovaire

I — GENERALITES

A — EPIDEMIOLOGIE

1) Incidence — Prévalence

L'incidence des cancers de l'ovaire est en France de 7,9/100 000 femmes. L'incidence augmente avec l'âge, le pic se situant autour de 65 ans. On estime le nombre de nouveaux cas à 4600 par an. Le cancer de l'ovaire est la quatrième cause de décès par cancer en France chez la femme, après les cancers du sein, du côlon-rectum et du poumon. Ce cancer est responsable d’environ 3100 décès par an. Il existe une grande disparité d'incidence. Elle est forte aux USA, au Canada et dans le Nord de l'Europe (Lettonie et Islande en particulier) et faible en Afrique, en Europe du Sud et au Japon.

2) Facteurs de risque

En dehors de l'âge, les facteurs de risque sont génétiques et hormonaux.

• Des antécédents familiaux de cancer de l'ovaire sont retrouvés dans 7 % des cas. On distingue principalement trois syndromes de prédisposition héréditaire :

- la forme familiale de cancer de l’ovaire seul : existence dans une branche familiale d’au moins trois cas de cancer de l’ovaire

- le syndrome du cancer du sein et de l’ovaire : existence dans une famille d’au moins 3 cas de cancers du sein chez des femmes jeunes et d’au moins 2 cancers primitifs de l’ovaire

- le syndrome HNPCC (ou Lynch II) : association de cancers du côlon, de l’endomètre, de l’estomac, du grêle et des ovaires

Des mutations des gènes BRCA1 ou BRCA2 sont responsables de la majorité des cancers ovariens héréditaires, celles du gène BRCA1 représentant les 2/3 des cas. En cas de mutation de BRCA1, le risque de cancer est de 30 % à 60 ans et de 40 à 50 % de risque cumulé sur la vie. Le risque cumulé en cas de mutation du gène BRCA2 est de l'ordre de 10-25 % des cas.

Une évaluation du risque génétique est nécessaire en consultation d'oncogénétique. En cas de prédisposition familiale, il est recommandé à partir de l'âge de 35 ans une échographie endovaginale annuelle par doppler pulsé, couplée à un examen clinique gynécologique semestriel. En effet, si le risque de cancer de l’ovaire est supérieur à 20 %, l’ovariectomie bilatérale prophylactique peut être proposée. Si le risque est de 40 %, elle est recommandée le plus tôt possible si la parité souhaitée est atteinte.

Mise à jour : avril 2012

Page 165: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 153 – Tumeurs de l’ovaire

- 2 -

• Le risque de cancer de l'ovaire sporadique est lié à un nombre élevé d'ovulations : ménopause tardive (supérieure à 55 ans), ménarche précoce (inférieure à 12 ans), nulliparité, 1ère grossesse tardive, hyperstimulations de l'ovulation pour procréation médicale assistée.

L'âge, l'obésité, l'exposition à l'amiante ou les antécédents d'irradiation pelvienne sont également des facteurs de risque.

Les grossesses, l'allaitement et l'utilisation de contraceptifs oraux qui conduisent à réduire le nombre des ovulations sont des facteurs protecteurs du cancer de l'ovaire (l'effet protecteur de la pilule dure plus de 30 ans) ; de même, l'hystérectomie ou la ligature des trompes.

B — HISTOIRE NATURELLE ET DISSEMINATION

L’extension tumorale s’effectue par :

— voie péritonéale surtout à l’ensemble du péritoine viscéral (exfoliation de cellules tumorales) : du cul de sac de Douglas aux coupoles diaphragmatiques (atteinte pleurale possible par voie transdiaphragmatique)

— voie lymphatique : aux ganglions iliaques (via les lymphatiques des paramètres), inguinaux et lombo-aortiques (via les lymphatiques ovariens)

— voie hématogène : parenchyme hépatique, poumons, ganglions périphériques, autres sites exceptionnels (sauf sur les trajets de ponction qui sont des perméations)

C — PRONOSTIC

1) Facteurs pronostiques

Les facteurs de pronostic favorable sont le jeune âge, un bon indice de performance, le caractère bien différencié de la tumeur, le faible stade, l’absence d’ascite et l’absence de résidus postopératoires. Les types histologiques mucineux et à cellules claires sont de pronostic plus péjoratif.

2) Survie

La survie globale à 5 ans est de 80 à 90 % pour les stades I, de 60 % pour les stades II, de 25 % pour les stades III et 10 % pour les stades IV.

D — DEPISTAGE

Le dépistage individuel ou de masse par échographie et/ou par dosage du Ca 125 n'est pas indiqué.

On retient comme obstacle au dépistage de masse, la faible prévalence des tumeurs malignes par rapport aux tumeurs bénignes, la faible spécificité des différents examens complémentaires et le fait que la certitude diagnostique est apportée par l’histologie. Un essai randomisé de dépistage de masse publié en 2011, portant sur 78 216 femmes dépistées ou non par CA 125 et échographie pelvienne, n'a montré aucune réduction de mortalité par cancer de l'ovaire et des effets délétères, du fait de faux positifs.

Un dépistage ciblé s’adresse aux patientes présentant des antécédents familiaux de cancer de l'ovaire ou un risque héréditaire. Elles doivent bénéficier d’une consultation d'oncogénétique.

E — CIRCONSTANCES DE DIAGNOSTIC

Les tumeurs de l’ovaire sont caractérisées par une longue période de latence clinique.

Les circonstances de diagnostic sont différentes selon les stades de la maladie.

Dans les formes avancées, les plus fréquentes, les symptômes révélateurs sont : une augmentation de volume de l'abdomen liée à l'ascite, des douleurs abdominales, une masse pelvienne palpable, des troubles du transit intestinal, des signes de compression rectale, vésicale ou veineuse, des métrorragies ou des signes liés à la dissémination métastatique (pleurésie...). Une altération de l'état général, une anorexie ou un syndrome paranoplasique sont parfois révélateurs.

Page 166: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 153 – Tumeurs de l’ovaire

- 3 -

Dans les formes localisées, la tumeur asymptomatique peut être découverte à l’occasion d'un examen gynécologique systématique ou lors d'une complication aiguë, telle une torsion d'annexe. Enfin, une tumeur ovarienne peut être découverte de façon fortuite lors d’une échographie abdomino-pelvienne réalisée pour une autre indication.

L'interrogatoire veillera à rechercher des antécédents familiaux, la date des dernières règles, une ménopause éventuelle, les facteurs de risque, le mode de contraception et l'âge.

F — AXES THERAPEUTIQUES

Le traitement repose sur une exérèse chirurgicale la plus complète possible, avec une évaluation de la taille et de la topographie des résidus tumoraux. La chimiothérapie est indiquée dans la grande majorité des cas. Les indications de radiothérapie sont exceptionnelles.

II — ANATOMIE PATHOLOGIQUE

La classification unifiée de l'OMS et de la FIGO (1995) distingue 9 grandes catégories, parmi lesquelles les tumeurs épithéliales représentent 85 % de l'ensemble des tumeurs malignes de l'ovaire. Il faut retenir les trois formes les plus fréquentes, issues d'un tissu, soit épithélial, soit germinal, soit du stroma gonadique ou des cordons sexuels.

A — LES TUMEURS EPITHELIALES COMMUNES

La classification repose sur le type de cellules qui prolifèrent, le degré de malignité, la participation ou non de contingent conjonctif à la prolifération épithéliale et le mode de développement au niveau de l'ovaire. Les tumeurs à la limite de la malignité (tumeurs borderline) sont des lésions intermédiaires entre les lésions bénignes et les lésions malignes. Elles surviennent chez des femmes 10 ans plus jeunes que les carcinomes, d'où le problème de fertilité chez les nulligestes.

Pour les tumeurs cancéreuses diagnostiquées à un stade clinique limité, le grade histologique a une signification pronostique. Ce grading repose sur le degré de différenciation architecturale et/ou les caractères cytologiques de la tumeur. Il permet de distinguer 3 grades (1, 2, 3) de gravité croissante. Les tumeurs de grade I sont bien différenciées et les tumeurs de grade III peu différenciées.

1) Les tumeurs séreuses

La prolifération rappelle celle de l'épithélium tubaire. Elles représentent les tumeurs les plus fréquentes de l'ovaire (40 à 50 % des tumeurs épithéliales malignes). Les tumeurs séreuses malignes sont essentiellement les adénocarcinomes et les cystadénocarcinomes séreux.

2) Les tumeurs mucineuses

Elles sont caractérisées par une prolifération de cellules muco-sécrétantes rappelant l'épithélium endocervical ou intestinal. Les adénocarcinomes et les cystadénocarcinomes mucineux représentent 36 % des tumeurs épithéliales de l'ovaire.

3) Les tumeurs endométrioïdes

Les tumeurs malignes endométrioïdes représentent 8 % des cancers épithéliaux de l'ovaire. Histologiquement, la tumeur est en apparence identique à un carcinome de l'endomètre.

4) Les tumeurs à cellules claires

Ces tumeurs représentent 3 % des tumeurs épithéliales de l'ovaire. Les cellules de ces tumeurs ont un cytoplasme clair, riche en glycogène.

5) Les tumeurs de Brenner et à cellules transitionnelles

Elles correspondent à une prolifération à la fois conjonctive et épithéliale, de type transitionnel ou excréto-urinaire. Elles sont très rares.

Page 167: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 153 – Tumeurs de l’ovaire

- 4 -

6) Les tumeurs mixtes épithéliales

Elles renferment au moins deux des cinq types histologiques précédents.

7) Les tumeurs indifférenciées

Elles représentent 2,5 % de l'ensemble des tumeurs épithéliales malignes.

B — LES TUMEURS DU MESENCHYME DES CORDONS SEXUELS

Elles représentent 6 % des tumeurs de l'ovaire. Elles comportent presque toujours un degré de différenciation dans le sens ovarien (tumeurs de la granulosa et stromales) ou testiculaire (tumeurs de Sertoli-Leydig ou androblastomes).

C — LES TUMEURS A CELLULES LIPIDIQUES

D — LES TUMEURS GERMINALES MALIGNES (TGM)

Elles sont développées à partir des cellules germinales primordiales de la gonade embryonnaire et représentent 15 à 20 % des tumeurs de l'ovaire, mais la très grande majorité des tumeurs de l'adolescente et de l'enfant. Les marqueurs tumoraux (HCG, ßHCG et alphafoetoprotéine) aident au diagnostic. On distingue :

1) les séminomes purs : — 3 à 5 % des cancers ovariens

— ils se présentent dans 65 % des cas sous forme de stades IA et se voient généralement avant 30 ans

— il est possible d’observer une augmentation modérée du taux de HCG

2) les tumeurs du sinus endodermique : — les tumeurs du sac vitellin ou tumeurs du sinus endodermique : 20 % des TGM,

(augmentation de l’alphafoetoprotéine quasi-constante)

— les carcinomes embryonnaires (augmentation possible de l'alphafoetoprotéine et des HCG et possibilité de puberté précoce), 3 % des TGM

— les choriocarcinomes (augmentation des HCG, parfois augmentation de l'alpha-foetoprotéine), âge ≤ 20 ans, ≤ 1 % des TGM

— les tératomes immatures, 20 % des TGM, grade I, II, III dans les tératomes immatures

3) les tumeurs mixtes Elles associent deux ou plus de deux composantes malignes germinales : 8 % des TGM.

Dans 1/3 des cas, il s’agit d’une association séminome et tumeur vitelline.

E — LES GONADOBLASTOMES

F — LES TUMEURS DES TISSUS MOUS NON SPECIFIQUES

G— LES TUMEURS NON CLASSEES

H — LES TUMEURS SECONDAIRES

Les ovaires sont un siège de prédilection pour le développement de métastases d'origine digestive ou mammaire. La tumeur de Krükenberg, forme histologique particulière, est le plus souvent d'origine gastrique.

La description macroscopique et histologique doit être précise, détaillée et intégrer la totalité des prélèvements. Elle fournit les éléments nécessaires à la stadification, au pronostic et au traitement : type histologique, degré de différenciation, description des lésions et extensions aux organes pelviens ou abdominaux, résultats de l'examen cytologique de l'ascite ou du lavage péritonéal.

Page 168: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 153 – Tumeurs de l’ovaire

- 5 -

III — DIAGNOSTIC ET BILAN D'EXTENSION

Il comprend :

— un examen clinique et gynécologique : il recherche une masse pelvienne, perceptible aux touchers pelviens. Il s'agit habituellement d'une masse dure, irrégulière, fixée à l'utérus. On recherche une éventuelle ascite et des signes de carcinose péritonéale. Il faut palper les gites ganglionnaires, en particulier inguinaux et sus-claviculaires.

— une échographie suspubienne et endovaginale : pour confirmer la présence d'une masse pelvienne, déterminer l'origine ovarienne, apprécier la taille, la nature pleine ou kystique, les contours de la masse, l’existence d’une ascite, l'extension dans la cavité pelvienne et /ou abdominale. On évoquera la malignité surtout après 50 ans, si la taille de la tumeur dépasse 10 cms, si elle est bilatérale, solide, présente des contours irréguliers avec un contenu hétérogène pouvant comporter des végétations, des cloisons ou une composante kystique, ou s'il y a une ascite associée.

— l'IRM pelvienne a un rôle majeur devant une tumeur ovarienne suspecte de malignité et aidera au diagnostic différentiel avec une lésion bénigne. Une lésion multiloculaire, bilatérale, à paroi épaisse, à cloison épaisse, à prédominance solide, avec des végétations externes ou internes, contenant des calcifications grossières et irrégulières ou un contingent nécrotique sera maligne. L'IRM précisera aussi l'extension de la tumeur aux organes de voisinage.

— une tomodensitométrie abdomino-pelvienne, qui précise les localisations péritonéales et l'extension ganglionnaire ; (en postopératoire, en cas de résidus, le scanner est effectué à titre d'examen de référence pour l'appréciation de la réponse à la chimiothérapie)

— une radiographie pulmonaire

— un dosage du CA 125 avant chirurgie et avant chimiothérapie (tumeurs séreuses)

— En cas de tumeur mucineuse, le dosage des marqueurs Ca 19-9 et ACE peut être utile

— dosages biologiques spécifiques hormonaux pour les tumeurs germinales (HCG, ßHCG et alphafoetoprotéine), selon l'âge et l'orientation histologique, détermination éventuelle du caryotype

— la ponction avec analyse cytologique d'une ascite, d'un épanchement pleural ou d'une adénopathie inguinale palpable

La ponction par voie transabdominale ou transvaginale pour examen cytologique de toute masse ovarienne (solide ou mixte) est contre-indiquée en raison du risque d’ensemencement tumoral du trajet de ponction.

IV — CLASSIFICATION (FIGO) UICC-FIGO 2010

STADE I : cancer de l'ovaire A) unilatéral, capsule intacte B) bilatéral, capsule intacte

C) végétations en surface, ou rupture tumorale, ou cellules tumorales dans une ascite ou un liquide de lavage péritonéal

STADE II : cancer de l'ovaire avec extension pelvienne A) utérus et/ou trompes B) autres organes pelviens C) cellules malignes dans l’ascite ou le liquide péritonéal

STADE III : cancer de l'ovaire avec extension péritonéale abdominale et/ou ganglionnaire régionale A) microscopique péritonéal sans extension ganglionnaire B) macroscopique ≤ 2 cm sans extension ganglionnaire

C) macroscopique > 2 cm (avec ou sans extension ganglionnaire rétropéritonéale ou inguinale)

STADE IV : cancer de l'ovaire avec métastases à distance : parenchyme hépatique, plèvre, ganglions périphériques, poumons, peau... (à l'exclusion des métastases péritonéales)

Page 169: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 153 – Tumeurs de l’ovaire

- 6 -

V —METHODES THERAPEUTIQUES D'UN CANCER EPITHELIAL DE L'OVAIRE

A - CHIRURGIE

1) Cytoréduction de première intention

Cette chirurgie initiale permet d'établir le diagnostic histologique et la stadification. L’objectif recherché est une réduction tumorale optimale (résidus < 1cm).

La voie d'abord standard est une laparotomie médiane (femme ménopausée ou ne désirant plus d'enfant).

Le geste comprend :

— une exploration de la cavité péritonéale et un descriptif des lésions,

— un prélèvement d'ascite ou un lavage péritonéal pour cytologie,

— une colpohystérectomie totale avec annexectomie bilatérale, sans rompre la capsule des ovaires,

— une omentectomie préservant ou non l'arcade gastroépiploïque,

— une appendicectomie

— des biopsies péritonéales multifocales (2 prélèvements par site) : les deux coupoles diaphragmatiques, gouttières pariétocoliques droites et gauches, péritoine pelvien, prévésical,

— dans les stades I : lymphadénectomie pelvienne et paraaortique bilatérale,

— dans les autres stades : adénectomies selon les constatations opératoires,

— selon l’extension tumorale, l’intervention pourra nécessiter une résection rectosigmoidienne, colique ou grêlique, une splénectomie, une péritonectomie ± résections diaphragmatiques.

S'il existe une suspicion de contamination pariétale lors d'une intervention diagnostique initiale, il est recommandé de réaliser une résection des orifices de trocarts de la zone de contamination pariétale potentielle.

En fin d’intervention, il faut disposer d’un descriptif et des mesures des lésions résiduelles.

La cœlioscopie (effectuée par une équipe expérimentée) est une option possible pour les stades I sous réserve de réaliser une stadification complète.

Dans les stades IA ou IB grade 1, non à cellules claires, ni anaplasique, chez une femme désirant une grossesse et observante à une surveillance régulière, on peut envisager une préservation de la fertilité :

— en cas de tumeur unilatérale sans végétations exokystiques : une hystéroscopie avec curetage, une annexectomie unilatérale et une vérification de l'ovaire controlatéral avec biopsie

— en cas de tumeur bilatérale : une annexectomie bilatérale avec conservation de l'utérus après vérification; le geste chirurgical sera complété après la grossesse (conservation ou don d’ovocytes)

2) Cytoréduction d’intervalle

Ce geste chirurgical est réalisé généralement après 2 ou 3 cures de chimiothérapie d’induction et un bilan d’évaluation clinique et radiologique de la réponse. L’objectif est une résection optimale, afin d’accroître la réponse à la chimiothérapie ultérieure et d’améliorer la survie.

Elle s'adresse aux tumeurs dont la chirurgie initiale n'a pu être optimale du fait du volume tumoral, aux tumeurs inextirpables ou inopérables d'emblée en raison d'un blindage pelvien et à certains stades IV (métastases hépatiques, lâcher de ballons ou lymphangite pulmonaire).

3) De réévaluation ou second regard ou second look

Cette chirurgie concerne les patientes en réponse complète clinique, biologique et scanographique après la fin de la chimiothérapie. Il n'est pas prouvé que cette chirurgie apporte un bénéfice en terme de survie

Page 170: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 153 – Tumeurs de l’ovaire

- 7 -

pour les patientes. Actuellement, elle n'a sa place que dans l'évaluation de la réponse à la chimiothérapie dans le cadre d’essais thérapeutiques.

4) Seconde cytoréduction

Elle s’adresse aux patientes présentant une maladie persistante après la fin de la chimiothérapie ou progressant après un intervalle libre.

Elle est réalisée le plus souvent pour des maladies récidivantes localisées. Les candidates à une telle chirurgie sont des patientes en bon état général, progressant après un intervalle libre de plus de 12 mois, qui ont répondu à la chimiothérapie initiale et chez lesquelles le bilan préopératoire peut laisser espérer une résection complète.

5) Chirurgie palliative

La laparotomie exclusivement exploratrice doit être évitée, sauf en cas de situation d'urgence et de masse ovarienne symptomatique.

Ces gestes sont réalisés chez des patientes présentant des signes de progression tumorale avec retentissement fonctionnel gênant, par exemple une obstruction intestinale. Une évaluation multidisciplinaire est nécessaire avant de retenir l’indication de tels gestes.

B — CHIMIOTHERAPIE

Les principaux produits de chimiothérapie utilisés sont :

— les alkylants : Cyclophosphamide

— les sels de platine : Cisplatine et Carboplatine sont équivalents en termes d’efficacité

— les anthracyclines, dont la doxorubicine liposomale pégylée (DLP)

— les taxanes

Le Topotécan, la Gemcitabine, l'Oxaliplatine, la DLP et la trabectédine sont utilisées au stade de rechute.

En 1ère ligne, le standard consensuel est une association carboplatine et paclitaxel, toutes les 3 semaines, 6 cycles, éventuellement avec du bévacizumab (Avastin®) à partir du deuxième cycle pour les stades III B et IV. La chimiothérapie intrapéritonéale procure un bénéfice supplémentaire, mais n'est pas recommandée du fait des difficultés techniques de mise en œuvre. La chimiothérapie permet d'obtenir une rémission complète clinique chez 75-80 % des patientes en maladie métastatique, mais ce bon résultat ne se maintient généralement pas et globalement 70 % des patientes vont rechuter dans les 5 ans.

Chez les patientes plus âgées, on peut utiliser du Carboplatine en monothérapie.

VI — STRATEGIE THERAPEUTIQUE DU CANCER EPITHELIAL DE L’OVAIRE

A — APRES CHIRURGIE DE REDUCTION OPTIMALE OU SUBOPTIMALE

— Stades IA ou IB, carcinomes bien ou moyennement différenciés grade 1 non à cellules claires : pas de traitement complémentaire

— Stades IA ou IB, carcinomes bien ou moyennement différenciés grade 2 non à cellules claires : chimiothérapie à discuter

— Autres stades : chimiothérapie, 6 cures associant Carboplatine et Cyclophosphamide dans les stades IA grade 3, IB grade 3, IC et IIA. Les données actuelles de la littérature sont en faveur d’une association Paclitaxel – Carboplatine à partir des stades IIB, IIC et III quelle que soit la taille des résidus.

La surveillance au cours du traitement repose sur l'examen clinique, le dosage du CA 125 (avant la première cure de chimiothérapie, après trois et six cures) et la scanographie abdomino-pelvienne en cas de résidus décelables par l'imagerie et en l'absence de sécrétion de CA 125.

En cas de refus de chimiothérapie par la patiente, une irradiation externe lui est proposée.

Page 171: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 153 – Tumeurs de l’ovaire

- 8 -

Hors essai thérapeutique, une chirurgie de second regard n’est pas effectuée. De même, aucun traitement de consolidation ni chimiothérapique (intrapéritonéale) ni radiothérapique n’est prévu.

En cas de progression ou de maladie stable lors de la chimiothérapie initiale, une modification est envisagée pour des produits non employés en phase initiale (Cyclophosphamide, Paclitaxel, Topotécan, Doxorubicine) ou un essai thérapeutique peut être proposé.

B — STADES CARCINOLOGIQUEMENT INOPERABLES OU CERTAINS STADES IV (ATTEINTE HEPATIQUE, LYMPHANGITE PULMONAIRE,..)

Après 3 cures de chimiothérapie, un bilan d'évaluation est effectué. En cas de réponse satisfaisante, la chirurgie est réalisée, suivie de 3 nouvelles cures de chimiothérapie.

VII — SURVEILLANCE

La surveillance d'un cancer épithélial de l'ovaire après traitement comprend l'examen clinique et éventuellement le dosage du marqueur tumoral en cas d’élévation initiale. Toutefois, une étude randomisée menée en 2009, a démontré l'inutilité de la surveillance du CA 125 : si une récidive est détectée plus précocement, la survie n'est pas pour autant améliorée. La scanographie abdominopelvienne est indiquée dans la surveillance si initialement le marqueur n'était pas élevé.

En cas de suspicion de récidive clinique ou biologique, une scanographie ou une IRM sera effectuée afin de mettre en évidence une masse tumorale pouvant bénéficier d’une réduction tumorale.

Un traitement hormonal substitutif oestroprogestatif n'est pas contre-indiqué dans les cancers de l'ovaire, quel que soit le type histologique.

Examens 1ère et 2ème année 3ème, 4ème, 5ème année

Après 5 ans

Examen clinique 4 mois 6 mois 1 fois/an à vie

TDM abdomino-pelvienne +/- CA 125 6 mois 6 mois 1 fois/an/7 ans

VIII — RECIDIVES (pour information)

Une chirurgie de cytoréduction ou de levée d’obstacle doit être discutée.

Le choix des produits de chimiothérapie sera défini selon l'intervalle entre la fin du traitement adjuvant et la récidive et les produits utilisés au préalable. Plus l’intervalle est long, plus le taux de réponse avec une deuxième chimiothérapie est élevé.

Les patientes récidivant après un intervalle libre supérieur à 6 mois après la chimiothérapie initiale à base de platine, peuvent répondre à nouveau à ce même protocole, ou être traitées par carboplatine seul et/ou carboplatine-paclitaxel en association.

Chez les patientes présentant un intervalle libre ≤ 6 mois, il est préférable d’envisager une nouvelle chimiothérapie selon le protocole initialement utilisé : Paclitaxel, Doxorubicine, Topotécan. D’autres produits d’efficacité reconnue peuvent être utilisés : Oxaliplatine, Gemcitabine, Docetaxel). L’inclusion des patientes dans des protocoles de recherche clinique est conseillée.

Page 172: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 153 – Tumeurs de l’ovaire

- 9 -

CANCERS DE L’ÉPITHÉLIUM OVARIEN : LES POINTS IMPORTANTS - (traitement exclu)

✥ Le plus grave des cancers gynécologiques : 4 600 nouveaux cas par an et 3 100 décès/an (données 2011).

✥ Diagnostic tardif : 80 % de stades avancés (III-IV). Les premiers signes (ballonnement, sensation de pression abdominale, douleur abdominale ou dorsale inhabituelle, pollakiurie, fatigue, constipation inhabituelle, anorexie) inquiètent souvent tardivement.

✥ Tout kyste de l'ovaire chez une femme ménopausée est un cancer jusqu'à preuve du

contraire.

✥ Pas de dépistage de masse possible

✥ Facteurs de risque génétiques et hormonaux : forme familiale de cancer de l'ovaire seul, forme familiale de cancer du sein et de l'ovaire, syndrome de Lynch ; grossesse, allaitement et contraceptifs oraux diminuent le risque de cancer de l'ovaire.

✥ Présomption de malignité par l’échographie : une masse annexielle est toujours suspecte si elle survient après la ménopause. L’échographie permet de confirmer son caractère solide ou mixte liquide/solide.

✥ La ponction à visée diagnostique pour examen cytologique par voie transabdominale (ponction d’ascite, cœlioscopie) ou transvaginale est à éviter.

✥ Un dosage du CA 125 sérique sera réalisé avant chirurgie, puis avant le début d’une éventuelle chimiothérapie et après 3 cures.

✥ Le bilan d’extension repose sur l’exploration chirurgicale par laparotomie qui permet le diagnostic positif et histologique et assure le traitement de base. La cœlioscopie est une option pour les seuls stades I.

✥ Les cancers épithéliaux communs sont le plus souvent de type séreux (46 %) ou mucineux (36 %), endométrioïdes (8 %), à cellules claires (3 %), indifférenciées (2,5 %). Les autres tumeurs sont plus rares. Les tumeurs à la limite de la malignité, intermédiaires entre des lésions bénignes (adénome et cystadénome) et malignes (adénocarcinome et cystadénocarcinome) sont appelées tumeurs “borderline”.

✥ La classification des tumeurs de l’ovaire la plus utilisée est celle de la Fédération Internationale des Gynécologues et Obstétriciens (FIGO). Il s’agit d’une classification anatomopathologique effectuée après chirurgie.

Page 173: Referentiel Module 10 II

- 1 -

CANCERS DE L’ŒSOPHAGE Pr T. Conroy – Question ECN n° 152 – Tumeurs de l’œsophage

• Diagnostiquer une tumeur de l'œsophage

I – EPIDEMIOLOGIE

Malgré une baisse de 38 % des nouveaux cas annuels entre 1980 et 2000, la France reste au premier rang européen de mortalité par cancer de l’œsophage. En 2011, il a été observé autour de 4 500 nouveaux cas et 3 450 décès. L’incidence dans les deux sexes restait en 2008 de 5,6 nouveaux cas pour 100 000 habitants (contre 4,5 pour 100 000 habitants sur l’ensemble de l’Europe). Alors que l’incidence chez l’homme baisse (5,8 en 2011 contre 15 pour 100 000 habitants en 1980), celle chez les femmes augmente (0,9 pour 100 000 habitants en 1980 et 1,6 en 2011). 70 % des cas surviennent chez les hommes. La fréquence augmente avec l’âge. L'âge médian au diagnostic est 65 ans. C’est le troisième cancer digestif en fréquence après le cancer colorectal et le cancer gastrique. Le pronostic reste sombre malgré l’essor des traitements médicaux, la mortalité étant estimée autour de 80 %.

La répartition géographique de ce cancer montre des zones à haut risque (Chine du Nord, Iran, Afrique du Sud) où l’incidence annuelle atteint 70 à 115 nouveaux cas pour 100 000 habitants. L’incidence est accrue en milieu rural et dans les milieux socio-économiques défavorisés. En France, il est surtout fréquent dans le Nord, la Normandie, la Bretagne, et la Lorraine.

Trois types anatomo-pathologiques représentent plus de 99 % des cancers de l’œsophage, le carcinome épidermoïde (70 %) et l’adénocarcinome (25 %) et les formes mixtes adénosquameuses. Les carcinomes à petites cellules, sarcomes et mélanomes sont exceptionnels, de même que les tumeurs bénignes.

En France, l’immense majorité des carcinomes épidermoïdes résultent de la conjonction alcool et tabac, avec une relation dose-effet. La conjonction de ces deux facteurs de risque présente un effet multiplicatif. La consommation chronique d’alcool a aussi été accusée d’entraîner des carences nutritionnelles, amenant une déficience en facteurs protecteurs du cancer tels que la riboflavine, la vitamine A, le zinc et le sélénium. La moitié de l'excès en Normandie s’explique par la consommation de calvados chaud (dans le café). Les cancers de l’œsophage peuvent succéder à un premier cancer des VADS, car ils partagent les mêmes facteurs de risque. Par ailleurs, l’examen ORL au diagnostic d’un cancer de l’œsophage permet de retrouver un cancer des VADS synchrone dans 10 à 15 % des cas et la fibroscopie bronchique décèle 1 à 2 % de cancers bronchiques synchrones.

Dans certains pays (Iran, Chine, Japon), c’est la consommation de thé ou de riz brûlant et d’aliments irritants qui est la cause de brûlures ou d’une œsophagite prédisposant au cancer. Les nitrosamines ainsi que les papillomavirus ont été évoqués comme facteurs de risque.

Mise à jour mai 2013

Page 174: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 152 – Tumeurs de l’œsophage

- 2 -

Parmi les étiologies exceptionnelles (pour information, ne pas retenir), il faut citer :

— une augmentation de risque (multiplié par 7 à 10) en cas de méga-œsophage idiopathique, — des lésions cicatricielles après brûlure caustique, — le syndrome de KELLY-PATERSON ou de PLUMMER-VINSON (dysphagie sidéropénique), une

affection exceptionnelle caractérisée par la présence d’anneaux membraneux du tiers supérieur de l’œsophage, associée à une anémie microcytaire hypochrome,

— la tylose est une affection tout à fait exceptionnelle évoquée devant une hyperkératose palmo-plantaire,

— l’irradiation médiastinale, par exemple pour maladie de Hodgkin.

L’incidence de l’adénocarcinome a considérablement augmenté au cours des 20 dernières années en Europe et aux Etats-Unis, et il représente actuellement environ 25 % des cancers de l’œsophage en France. L’adénocarcinome de l’œsophage peut être très difficile à distinguer d’un cancer du cardia lorsqu’il atteint la jonction œsogastrique.

— Il existe un rôle majeur du reflux gastro-œsophagien, surtout lorsque les symptômes de celui-ci sont anciens ou sévères. Une hernie hiatale est fréquemment associée.

— Siégeant le plus souvent au tiers inférieur, l’adénocarcinome résulte dans 5 % des cas de la dégénérescence d’un endobrachyœsophage (EBO ou œsophage de Barrett). L’EBO est une condition précancéreuse caractérisée sous le plan endoscopique par le remplacement de la muqueuse malpighienne de l’extrémité distale de l’œsophage par une muqueuse glandulaire, et sur le plan histologique, par la présence au sein de cette métaplasie d’un épithélium spécialisé de type intestinal. La prévalence de l’EBO n’est pas connue précisément, car la muqueuse de Barrett n’induit par elle-même aucun symptôme. Le plus souvent, ce sont les symptômes de reflux gastro-œsophagien ou ses complications qui conduisent à la découverte de l’EBO. L’âge moyen de découverte se situe entre 55 et 65 ans, avec une prévalence qui augmente avec l’âge. Dans l’EBO, les cardias anatomique et muqueux ne coïncident plus du fait d’un remplacement de la muqueuse malpighienne de l’œsophage par de la muqueuse glandulaire gastrique. C’est un mode de réparation inhabituel de l’œsophagite peptique par reflux. La dégénérescence d’un EBO est lente et passe par la séquence épithélium normal – métaplasie – dysplasie – adénocarcinome. Le risque de transformation maligne en adénocarcinome est voisin de 0,12 % par an, ce qui correspond à un risque de cancer accru de 11 fois par rapport à la population générale (Hvid-Jensen F et al. B Eng J Med 2011). La progression d’une muqueuse non dysplasique vers le cancer s’étale sur au moins 4 ans. En cas de dysplasie de haut grade, le risque d’évolution rapide vers l’adénocarcinome ou de coexistence d’un cancer est important. La découverte d’un EBO nécessite une surveillance avec des biopsies multiples et étagées (réalisation d’une cartographie lésionnelle). Celle-ci est surtout justifiée après 60 ans. Elle doit être renforcée s’il est découvert une dysplasie, même légère, aux biopsies.

— Le rôle aggravant du tabac est bien démontré mais pas celui de l’alcool.

— L’obésité augmente le risque d'adénocarcinome de l'œsophage.

Au total : Facteurs étiologiques principaux des cancers de l’œsophage en France

Carcinome épidermoïde Adénocarcinome

Tabac +++ Alcool ++

Brûlure caustique Mégaœsophage

Tabac ++ Reflux sévère et ancien +++/EBO +

Obésité ++ Sexe masculin

Page 175: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 152 – Tumeurs de l’œsophage

- 3 -

II – MODE DE PROPAGATION

■ L’extension locale se fait : En hauteur dans la sous-muqueuse. Des cellules cancéreuses peuvent être retrouvées à plus de 5 ou 6 cm de la tumeur principale. Elles peuvent apparaître au niveau de la muqueuse sous forme de nodules de perméation (skip métastases). La multicentricité n’est pas rare dans les carcinomes épidermoïdes. Latéralement, le cancer s’étend à travers la musculeuse puis l’adventice, et peut atteindre les organes de voisinage : aorte, trachée, bronche souche gauche, nerf récurrent gauche, péricarde de l’oreillette gauche.

■ L’extension loco-régionale se fait par voie lymphatique : Vers le haut, vers les ganglions cervicaux et sus-claviculaires, et vers le bas, vers les ganglions coronaires stomachiques et coeliaques. Le cancer de l’œsophage est très lymphophile et l’atteinte des ganglions médiastinaux, péritumoraux ou inter-trachéo-bronchiques est fréquente. Les vaisseaux lymphatiques sont très nombreux dans la lamina propria. Ces lymphatiques se drainent dans la sous-muqueuse riche en plexus lymphatiques et traversent la musculeuse par endroits pour drainer soit les ganglions lymphatiques régionaux, soit directement dans le canal thoracique. Ce double drainage lymphatique explique l’atteinte ganglionnaire et la dissémination précoce dès que le cancer envahit la lamina propria (stade T1a).

■ L’extension générale se fait par voie veineuse, les métastases hépatiques et pulmonaires étant les plus fréquentes.

III – PRONOSTIC

Plusieurs éléments défavorables expliquent la forte mortalité du cancer de l’œsophage :

— Le caractère tardif des symptômes.

— L’importance de l’amaigrissement.

— L’envahissement ganglionnaire précoce.

— Le diagnostic à un stade tardif (55 à 75 % des cancers de l’œsophage sont dits « localement avancés » c'est-à-dire non métastatiques mais inopérables. De plus, environ 5 % des cancers de l'œsophage sont métastatiques d'emblée.

— L’association des carcinomes épidermoïdes à d’autres localisations cancéreuses liées à l’alcool et au tabac : cancers ORL, bronchiques, de la vessie, ces cancers pouvant être de découverte simultanée ou apparaître au cours de la surveillance.

— Les pathologies associées (liées à l’alcool et au tabac pour les carcinomes épidermoïdes) : cirrhose, artérite des membres inférieurs, atteinte coronarienne, accident vasculaire cérébral, neuropathie éthylique, emphysème, BPCO. Pour l’adénocarcinome, la comorbidité associée la plus fréquente est l’obésité.

IV – SIEGE

Le cancer peut se situer au niveau de l’œsophage cervical, ou plus souvent au niveau de l’œsophage thoracique.

L’œsophage cervical (5 à 6 cm) correspond à l’œsophage situé entre la bouche de Killian (correspondant au bord inférieur du cartilage cricoïde) et la fourchette sternale située approximativement à 20 cm des arcades dentaires (lors d’une œsophagoscopie).

On distingue trois niveaux dans l’œsophage thoracique :

— le tiers supérieur, de l’entrée dans le thorax (20 cm des AD) jusqu’à la bifurcation trachéale, soit environ 25 cm des arcades dentaires. Il s’agit de cancers situés au-dessus de la crosse de l’aorte. Ils représentent environ 10 % des cas. Avec les tumeurs de l'œsophage cervical, ce

Page 176: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 152 – Tumeurs de l’œsophage

- 4 -

sont les moins accessibles à la chirurgie, car ils sont situés dans une zone où l’œsophage est à l’étroit, au contact de la trachée et masqué par des gros vaisseaux. Un curage ganglionnaire dans ce territoire est très difficile.

— le tiers moyen correspond à l’œsophage situé entre 25 et 30 cm des arcades dentaires. Soixante pour cent des cancers siègent à ce niveau, celui de la crosse aortique. Ils sont en rapport étroit avec la carène et la bronche souche gauche.

— le tiers inférieur est situé entre 30 et 40 cm des arcades dentaires. Il inclut l’œsophage abdominal. Environ 30 % des cancers sont situés à ce niveau. C’est la zone la plus accessible à la chirurgie.

L’œsophage abdominal se situe de 40 à 45 cm des AD et inclut la jonction œso-gastrique.

V – SIGNES CLINIQUES

La dysphagie : c’est le maître symptôme. Il va imposer une endoscopie. Il s’agit au départ d’un simple accrochage aux solides (pain et viande surtout), d’abord discret et intermittent (simple gêne), qui va s’aggraver avec le temps : dysphagie aux solides, puis dysphagie aux liquides, puis aphagie avec sialorrhée.

La dysphagie peut s’accompagner de douleurs (odynophagie). Le patient montre habituellement la sensation de blocage à un niveau généralement plus haut que le siège réel de la tumeur.

L’amaigrissement est souvent majeur (restriction alimentaire). Il faut le chiffrer en pourcentage du poids habituel.

Les autres signes cliniques sont moins fréquents :

— Un hoquet lors de la déglutition.

— Une gêne rétrosternale.

— L’hémorragie digestive est exceptionnelle.

— Les douleurs thoraciques, en particulier nocturnes, sont un signe tardif. Elles signent l’inopérabilité de la tumeur.

Une dysphonie, liée à une paralysie récurrentielle, généralement gauche, constitue également un signe tardif qui signe l’inopérabilité.

La présence de fausses routes lors de la déglutition par fistule trachéo-œsophagienne ou broncho-œsophagienne est un signe également très tardif.

Le cancer de l’œsophage est rarement révélé par des métastases : apparition d’adénopathies cervicales ou sus-claviculaires, encore plus rarement métastases à distance.

Sans traitement, l’état général s’altère avec amaigrissement pouvant atteindre 10 à 20 kg (cachexie). Les complications apparaissent ensuite, liées à l’extension loco-régionale : la tumeur s’étend, s’accole aux viscères adjacents puis se nécrose, provoquant une communication avec les organes voisins :

⇒ Fistule aorto-œsophagienne entraînant un décès brutal par hémorragie cataclysmique.

⇒ Fistule œso-trachéale responsable de quintes de toux et de pneumopathies.

VI – DIAGNOSTIC

Les signes cliniques doivent faire prescrire une œsogastroscopie s’accompagnant de biopsies. L’opérateur précisera :

— Le siège de la tumeur par rapport aux arcades dentaires et au cardia. — Le pourcentage de circonférence atteinte. — Eventuellement le diamètre de la lumière résiduelle. — Le caractère franchissable ou non de la tumeur. Si la tumeur est franchissable, sa longueur doit

être précisée.

Page 177: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 152 – Tumeurs de l’œsophage

- 5 -

— L’aspect macroscopique, habituellement ulcéro-végétant (en « lobe d’oreille »), plus rarement infiltrant.

— D’éventuels nodules de perméation. — La limite supérieure d’un éventuel EBO et l’état de l’estomac. — L’existence éventuelle de varices œsophagienne (cirrhose associée).

L’utilisation de colorations (lugol ou bleu de toluidine) améliore la rentabilité du diagnostic (en particulier pour le dépistage après cancer ORL, ou lorsque l’on recherche une deuxième lésion ou des lésions précancéreuses). L’examen clinique recherchera :

— Des adénopathies cervicales, jugulo-carotidiennes et/ou sus-claviculaires.

— Une éventuelle hépatomégalie ou des signes de cirrhose (dépilation, taches rubis, circulation collatérale, ascite). Il faudra dépister une éventuelle neuropathie des membres inférieurs et palper les pouls à la recherche d’une artérite. On recherchera d’autres tares liées à l’alcool ou au tabac : thorax en entonnoir (emphysème), hippocratisme digital, rhinophyma, angiomes stellaires, etc. La bouche sera attentivement examinée et palpée à la recherche d’une deuxième tumeur. L’état dentaire, souvent déplorable, devra être apprécié, et une mise en état dentaire conseillée, en particulier avant chimiothérapie.

Il faut évaluer l’état général selon l’échelle de l’OMS (de 0 à 4), et la dénutrition par l'IMC et l'indice de Buzby.

VII – DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL

■ Clinique

Il ne doit même pas être évoqué : toute dysphagie, si minime soit-elle, impose la réalisation d’une endoscopie avec biopsies dirigées. L’interrogatoire élimine les fausses dysphagies (anorexie, pathologies bucco-pharyngées, asialie, édentation).

Une dysphagie impose une endoscopie qui permettra d’évoquer un cancer ORL ou du cardia ; une tumeur bénigne ; une œsophagite peptique, infectieuse, médicamenteuse, radique ; une compression extrinsèque de l’œsophage par une tumeur extrinsèque ; un diverticule.

En cas de normalité de l’endoscopie, il faut prévoir un transit baryté +/- une manométrie +/- une échoendoscopie, pour diagnostiquer les compressions extrinsèques ou tumeurs sous-muqueuses ; les maladies motrices œsophagiennes (méga-œsophage, maladie des spasmes diffus, sclérodermie).

■ Diagnostic différentiel d’une sténose œsophagienne radiologique ou endoscopique

Il peut s’agir d’une sténose peptique, post-radique, caustique ou médicamenteuse (importance de l'interrogatoire). L’aspect endoscopique n’est pas le même et les biopsies ne sont pas toujours contributives.

VIII – BILAN D’EXTENSION

Le scanner hélicoïdal thoraco-abdominal, avec injection de produit de contraste :

Sa fiabilité est souvent en défaut pour l’appréciation de l’extension ganglionnaire, les faux négatifs comme les faux positifs étant fréquents. Le scanner a une sensibilité médiocre pour l’appréciation de l’extension ganglionnaire (50 à 60 %). On considère comme suspecte toute image nodulaire thoracique située dans un gîte ganglionnaire, dont le plus petit diamètre est supérieur à 10 mm. Au niveau coeliaque, la présence de plusieurs ganglions, même de petite taille, doit les faire considérer comme suspects.

A l’étage thoracique Il recherche des métastases pulmonaires ou l’existence d’un emphysème.

Page 178: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 152 – Tumeurs de l’œsophage

- 6 -

Il permet la mesure de la dimension transversale maximale de l’œsophage tumoral (dont la lumière est souvent invisible ou excentrée), un facteur pronostique important. Il juge de l’extension éventuelle aux organes de voisinage : l’étude de l’angle de contact de la tumeur avec l’aorte est un élément important pour juger de son invasion ou non : en considérant l’aorte comme un cercle, l’infiltration de celle-ci est hautement probable lorsqu’il n’y a plus de liseré graisseux sur plus d’un quart de circonférence (90°). A l’étage abdominal Il recherche des adénopathies coeliaques. Il apprécie l’état du foie (métastases, cirrhose). Il recherche des signes d’hypertension portale ou une ascite.

Fibroscopie bronchique, pour les tumeurs en contact avec l’arbre trachéo-bronchique (tiers supérieur et moyen). Elle recherche :

— Un refoulement ou un envahissement de la face postérieure de la trachée ou des bronches souches (contre indication opératoire).

— Moins fréquemment un deuxième cancer bronchique. Cet examen n’est pas indispensable pour les cancers du tiers inférieur de l’œsophage. L’examen ORL, surtout réalisé en cas de carcinome épidermoïde, recherche :

— Une paralysie d’une corde vocale, témoignant d’une atteinte récurrentielle contre-indiquant la chirurgie.

— Un deuxième cancer ORL synchrone. L’échoendoscopie œsophagienne permet de déterminer le stade T de la tumeur (ou plutôt uT) avec une fiabilité d’au moins 90 %. Elle aide à préciser l’extension en hauteur (car le cancer se propage dans la sous-muqueuse). Compte tenu du diamètre important des échoendoscopes actuels (13 mm), cet examen n’est pas possible lorsque la tumeur est sténosante. C’est donc surtout utile pour les petites tumeurs. L’examen n’a d’intérêt qu’en cas de tumeur opérable (ni envahissement trachéal, ni paralysie récurrentielle, ni métastase). Certains centres disposent de mini-sondes de haute fréquence (20-30 MHz) qui peuvent explorer des tumeurs sténosantes. En échoendoscopie, quatre critères permettent de prédire la nature métastatique des ganglions : leur hypoéchogénéïcité, les limites nettes, leur forme arrondie, et une taille supérieure à 10 mm. Certains échoendoscopes permettent des cytoponctions écho-guidées. La tomographie par émission de positons (TEP-Scan) est surtout intéressante dans les cancers épidermoïdes de l’œsophage a priori opérables. Elle est plus performante pour la détection de métastases à distance que l’association échoendoscopie et scanner, mais sa valeur est moindre pour la recherche d’adénopathies péri-tumorales.

Accessoirement :

— Elle facilite le diagnostic de récidive régionale.

— Elle pourrait constituer un facteur pronostique de réponse à une chimiothérapie ou à une radiochimiothérapie.

L’échographie cervicale est recommandée si la chirurgie est envisagée. Elle permet de dépister des adénopathies infracliniques. En cas d’anomalie, une cytoponction écho-guidée doit être réalisée. La présence de cellules néoplasiques sur une cytologie d’adénopathie cervicale est une contre-indication à la chirurgie. La laparoscopie reste du domaine de la recherche. Cet examen pourrait être intéressant pour les adénocarcinomes du cardia ou du tiers inférieur de l’œsophage. Le transit œsophagien (TO) ou le TOGD : a un intérêt surtout iconographique. En pratique, le TO visualise la tumeur pour les patients candidats à la chirurgie ou à une radiothérapie. Il permet de préciser la longueur de la tumeur, en particulier lorsque la tumeur est infranchissable à l’endoscopie, et une

Page 179: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 152 – Tumeurs de l’œsophage

- 7 -

éventuelle désaxation (contre-indication opératoire). Il met en évidence la lésion qui peut être bourgeonnante ou infiltrante et la sténose souvent associée à une dilatation sus-sténotique. C’est un document de référence pour apprécier la réponse à une radiochimiothérapie. Le TOGD permet d’apprécier les dimensions de l’estomac (en vue d’une reconstruction par tubulisation gastrique). La baryte étant contreindiquée, il faut utiliser les hydrosolubles si une fistule œso-respiratoire est suspectée.

Le scanner cérébral et la scintigraphie osseuse ne sont demandés qu’en cas de point d’appel (rare).

IX – INFORMATIONS MINIMALES POUR DECISION THERAPEUTIQUE EN REUNION DE CONCERTATION PLURIDISCIPLINAIRE (RCP)

— État général OMS. — Poids habituel et perte de poids — Albuminémie, indice de Buzby — Antécédents majeurs, en particulier cardiaques et artériels. — Fibroscopie oesophagienne et biopsies. — Fibroscopie bronchique. — Examen ORL. — Scanner thoraco-abdomino-pelvien.

X – BILAN D’OPERABILITE

Bilan pré-anesthésique (classification ASA) incluant systématiquement : Une évaluation de l’état nutritionnel : pourcentage d’amaigrissement, indice de masse corporelle, protidémie, albuminémie, indice de Buzby. Une exploration fonctionnelle respiratoire avec gaz du sang et radiographie de thorax. Un examen cardiovasculaire : palpation des pouls et recherche de souffles, ECG, avis cardiologique.

Bilan biologique (NF-plaquettes : voir le volume globulaire moyen (VGM) à la recherche d'une macrocytose (éthylisme) ; protidémie ; ionogramme ; créatininémie) et hépatique, γGT, électrophorèse des protéines (albuminémie et recherche de bloc β-γ), coagulation. Fibrotest / Fibroscan si suspicion de cirrhose (clinique + scanographie). Classification OMS de l’état général.

Un patient sur quatre environ est proposé au chirurgien après RCP. L’envahissement de l’arbre trachéobronchique, une paralysie récurrentielle, l’existence d’adénopathies sus-claviculaires ou coeliaques ou de métastases sont des contre-indications opératoires.

Il en est de même en cas de VEMS < 1,5 L, de tumeur classée T4 (sauf parfois avec extension pleurale). Les patients atteints de cirrhose ou très amaigris (amaigrissement > 15 %) sont également habituellement récusés pour la chirurgie.

XI – BILAN COMPLEMENTAIRE EN CAS DE CHIMIOTHERAPIE

ECG et consultation de cardiologie éventuelle pour 5-FU (risque de spasme coronarien sur terrain prédisposé) et hyperhydratation du Cisplatine. Examen neurologique (neuropathie périphérique ?) et créatininémie pour prescription de Cisplatine.

Page 180: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 152 – Tumeurs de l’œsophage

- 8 -

CLASSIFICATION TNM (UICC 2009)

T – Tumeur primitive : elle est classée à l’aide d’un examen clinique, de l’imagerie, de l’endoscopie (incluant une bronchoscopie) et/ou de l’exploration chirurgicale.

T0 Pas de signe de tumeur primitive

Tis Carcinome in situ / dysplasie de haut grade

T1 Tumeur envahissant la lamina propria, la muscularis mucosae ou la sous-muqueuse

T1a La tumeur envahit la lamina propria ou la muscularis mucosae T1b La tumeur envahit la sous-muqueuse

T2 Tumeur envahissant la musculeuse

T3 Tumeur envahissant l’adventice

T4 Tumeur envahissant les structures adjacentes

T4a La tumeur envahit la plèvre, le péricarde ou le diaphragme T4b La tumeur envahit d'autres structures adjacentes comme l'aorte, un corps

vertébral ou la trachée N – Adénopathies régionales Les ganglions régionaux sont ceux du territoire de l'œsophage incluant les ganglions de l'axe cœliaque et les ganglions para-œsophagiens du cou, mais pas les ganglions sus-claviculaires.

NX Le statut des ganglions régionaux ne peut être évalué

N0 Pas de signe d’atteinte des ganglions lymphatiques régionaux

N1 Métastases dans 1-2 ganglions lymphatiques régionaux

N2 Métastases dans 3-6 ganglions lymphatiques régionaux

N3 Métastases dans 7 ganglions régionaux ou plus

pn0 L'examen histologique d'une pièce opératoire de lymphadénectomie incluera habituellement 6 ganglions lymphatiques ou plus. Si les ganglions ne sont pas atteints, classer pN0 même si le nombre habituel de ganglions n'est pas atteint.

M – Métastases à distance

M0 Pas de métastase(s) à distance

M1 Présence de métastase(s) à distance Regroupement en stades :

Stade 0 Tis N0 M0

Stade IA T1 N0 M0

Stade I B T2 N0 M0

Stade II A T3 N0 M0

Stade II B T1,T2 N1 M0

Stade III A T4a N0 M0 T3 N1 M0 T1, T2 N2 M0

Stade III B T3 N2 M0 Stade III C T4a N1, N2 M0 T4b Tout N M0 Tout T N3 M0

Stade IV tout T tout N M1

Page 181: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 152 – Tumeurs de l’œsophage

- 9 -

XIII - FACTEURS PRONOSTIQUES DEFAVORABLES

— Présence de métastases

— Sévérité de la dysphagie, présence de douleurs

— Adénopathies médiastinales au scanner

— Amaigrissement > 10 %

— Etat général OMS >1

— Hauteur tumorale > 5 cm

— Diamètre tumoral transversal > 3 cm au scanner

— Age supérieur à 70 ans

— Tares associées

XIV – TRAITEMENTS (pour information)

MOYENS

A – CHIRURGIE

Elle est précédée d’une kinésithérapie respiratoire, de l’arrêt du tabagisme, et si nécessaire d’une renutrition.

Buts de la chirurgie :

Obtenir la résection complète (dite « R0 ») : elle ne doit laisser en place aucun site tumoral macroscopique ou microscopique. Une marge de 6-8 cm vers le haut est nécessaire. En pratique, elle comportera au minimum une œsophagectomie subtotale, un curage et une plastie de reconstruction œsophagienne.

Etendue de l’exérèse œsophagienne :

a – Cancers situés sous la crosse de l’aorte :

L’exérèse par laparotomie et thoracotomie droite (intervention d’Ivor Lewis ou de Lewis Santy). Il s’agit du geste standard : œsophagectomie par laparotomie et thoracotomie droite. Il s’agit d’une œsophagectomie subtotale emportant le tissu cellulo-ganglionnaire péri-œsophagien. Cette intervention est indiquée lorsque le pôle supérieur du cancer est situé en-dessous de la crosse de l’aorte.

Résection transhiatale (sans thoracotomie). Certains centres chirurgicaux estiment une exérèse extensive inutile (fréquence des disséminations métastatiques) et à risque. L’œsophagectomie est possible sans thoracotomie par tunnellisation cervico-médiastinale, le curage étant réalisé jusqu’à la carène. L’avantage de cette technique est une réduction de moitié des complications respiratoires, une durée de ventilation postopératoire plus courte et une réduction de la durée de séjour aux soins intensifs.

Il n’y a par contre pas de réduction significative du taux de fistules cervicales, ni de réduction de mortalité. Le taux de survie à 5 ans (29 %) a été inférieur, dans une étude randomisée récente (2003) à la survie obtenue après chirurgie transthoracique (39 % à 5 ans), mais la différence n’était pas significative. Cette technique est faisable pour les tumeurs situées sous la carène. L’exérèse œsophagienne par thoracoscopie et la préparation de la plastie gastrique par laparoscopie sont

possibles. Les avantages de cette chirurgie mini-invasive sur la chirurgie conventionnelle ne sont pas démontrés.

Page 182: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 152 – Tumeurs de l’œsophage

- 10 -

b – Cancers situés au-dessus de la crosse de l’aorte :

Lorsque le pôle inférieur de la tumeur siège au niveau de la crosse de l’aorte ou au-dessus, l’anastomose est reportée au cou pour obtenir une marge de sécurité plus importante entre le pôle supérieur de la tumeur et l’anastomose supérieure. Il s’agit d’une résection avec trois voies d’abord (laparotomie, thoracotomie, cervicotomie).La plastie constituée avec l’estomac peut-être placée dans le lit médiastinal postérieur (intervention de Mac Keown) ou en rétrosternal (intervention d’Akiyama). Les anastomoses cervicales se soldent par un plus grand nombre de fistules anastomotiques, de sténoses, et de paralysies

récurrentielles. Il s’agit d’un geste de nécessité, réalisé quand le siège de la tumeur l’impose.

L’œsopharyngolaryngectomie totale circulaire est réalisée pour les cancers de l’œsophage cervical ou ceux touchant la bouche de Killian. Le rétablissement de la continuité digestive est réalisé par une gastroplastie et une anastomose pharyngogastrique. La trachéostomie est définitive.

Pour le remplacement œsophagien, la plastie de référence est l’estomac. Lorsqu’il y a eu une gastrectomie antérieure, ou lorsque l’estomac n’est pas utilisable, le côlon transverse ou l’iléo-côlon droit

remplace l’œsophage. La mortalité postopératoire est alors plus élevée. Etendue du curage ganglionnaire : Dans le cancer de l’œsophage, l’envahissement ganglionnaire est fréquent et précoce. Quarante pour cent des rechutes sont dues à des envahissements ganglionnaires médiastinaux. La plupart des auteurs estiment que le curage

ganglionnaire a donc valeur thérapeutique. Cependant, l’étendue du curage reste un sujet de controverse. Deux types de curage ont été proposés :

— Un curage « deux champs » : abdominal et thoracique. — Un curage « trois champs » : abdominal, thoracique et cervical bilatéral.

Une étude randomisée récente comparant le curage « trois champs » et le curage « deux champs » n’a pas montré d’avantage de survie avec un curage cervical systématique. Résultats de la chirurgie : - Mortalité opératoire : 2 % à 10 % en cas de chirurgie seule. La mortalité diminue avec le nombre de gestes annuels réalisés par l’équipe. Il s’agit donc d’une chirurgie à réaliser en Centre Hautement Spécialisé. La mortalité opératoire augmente après radiochimiothérapie et reste de l’ordre de 10 %. - La morbidité reste élevée :

. 4 à 6 % de fistules pour les anastomoses intra-thoraciques.

. 12 à 16 % de fistules pour les anastomoses cervicales. - Survie à 5 ans :

. Environ 25 %.

. 40 % en cas de chirurgie complète R0.

. Un quart des patients a des séquelles alimentaires (reflux, dysphagie).

B – RADIOTHERAPIE

• Radiothérapie curative

Elle est rarement exclusive, sauf en cas de contre-indication à la chimiothérapie, car elle est beaucoup plus efficace

lorsqu’elle est sensibilisée par une chimiothérapie. Surveillance nutritionnelle pendant toute la radiothérapie. Compte tenu de la fréquence d’une œsophagite aiguë, la pose d’une sonde naso-gastrique d’emblée est conseillée, de façon à permettre la poursuite de l’irradiation.

Page 183: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 152 – Tumeurs de l’œsophage

- 11 -

Volume cible : tumeur + 5 cm de part et d’autre dans l’axe de l’œsophage et 2 cm latéralement.

Dose : 60 à 65 Gy en six à sept semaines à raison de 4 à 5 séances/semaine, les 10 à 15 derniers Gy étant délivrés

sur un champ réduit. Des rayons X de 10 méga-volts sont utilisés avec une technique à trois ou quatre champs permettant d’épargner les organes sensibles (moelle épinière, poumons). Complications : sténose radique (10 à 15 %), nécessitant des dilatations.

• Radiothérapie palliative :

Traitement accéléré en split course : 20 Gy (5 séances de 4 Gy) en une semaine, 2 séries à 15 jours d’intervalle.

• Radiothérapie préopératoire :

Les essais randomisés n’ont montré aucune amélioration, ni de la résécabilité des lésions, ni une amélioration du contrôle local, ni d’amélioration de la survie. Elle n’est donc pas utilisée.

• Radiothérapie postopératoire :

Les essais randomisés n’ont pas montré d’amélioration de survie et l’un montre même une surmortalité par complications hémorragiques dans le groupe irradié. L’irradiation postopératoire des cancers de l’œsophage est donc inappropriée.

• Curiethérapie endoluminale à haut débit de dose :

Il s’agit d’une technique d’irradiation utilisant la mise en place temporaire d’une source radioactive en regard de la

tumeur et délivrant une forte dose en une ou deux applications. Elle est surtout utilisée pour des petites tumeurs in situ, ou éventuellement pour les stades T1 N0 inopérables.

C – CHIMIOTHERAPIE

Palliative : les médicaments efficaces sont surtout le cisplatine, le 5-fluorouracile (5-FU) et la mitomycine C.

L’association la plus utilisée est la combinaison 5-FU/cisplatine, avec des taux de réponse de l’ordre de 35 à 50 %. La mortalité est élevée chez les patients présentant un mauvais terrain vasculaire (artérite des membres inférieurs, antécédents d’accident vasculaire cérébral). L’angor ou un infarctus récent présente une contre-indication. Le bénéfice de survie par rapport à un traitement purement symptomatique n’est pas démontré.

Chimiothérapie première ou néoadjuvante : deux essais randomisés récents ont montré un bénéfice de survie significatif pour les patients ayant reçus en préopératoire, deux cures à base de 5-FU en perfusion continue et

cisplatine. Ce traitement est à présent recommandé, en particulier en cas d’adénocarcinome.

Chimioradiothérapie concomitante préopératoire : le bénéfice en survie de cette triple association par rapport à la chirurgie seule est démontré.

Radiochimiothérapie exclusive : plusieurs essais randomisés ont montré que cette stratégie était très supérieure à la radiothérapie exclusive à visée curative. Dans la plupart des études, la radiothérapie ne laisse que peu ou pas de survivant à cinq ans alors que la radiochimiothérapie concomitante guérit 25 à 35 % des patients, des résultats en

apparence équivalents à ceux de la chirurgie. Le traitement de référence associe une radiothérapie à la dose de 50 Gy en cinq semaines avec deux cures de chimiothérapie concomitante de type 5-FU et cisplatine, suivies de deux cures de chimiothérapie complémentaire après la radiothérapie.

D – TRAITEMENTS PALLIATIFS

Les objectifs sont d’obtenir une palliation efficace de la dysphagie et le maintien d’une qualité de vie optimale.

a – Traitement de la dysphagie :

Prothèses œsophagiennes métalliques expansives : permettent une reprise rapide et durable de l’alimentation, au prix d’une faible morbidité. Elles ont remplacé les tubes plastiques semi-rigides.

Page 184: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 152 – Tumeurs de l’œsophage

- 12 -

Autres possibilités thérapeutiques :

. Dilatations œsophagiennes.

. Laser Nd-YAG : nécessite des séances rapprochées et un traitement d’entretien pour obtenir une désobstruction complète. . Electrocoagulation bipolaire. . Thérapie photodynamique. . Injection intra-tumorale d’alcool.

. Gastrostomie endoscopique ou chirurgicale.

b – Fistules trachéo-bronchiques : Avec sténose œsophagienne : prothèse métallique œsophagienne + prothèse trachéo-bronchique. Sans sténose œsophagienne : prothèse trachéo-bronchique + gastrostomie endos-copique, car une prothèse œsophagienne ne tiendra pas.

INDICATIONS THERAPEUTIQUES

Les indications thérapeutiques sont les mêmes pour les cancers épidermoïdes et les adénocarcinomes malgré leurs différences anatomopathologiques et physiopathologiques. Les traitements doivent être décidés en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire. La chirurgie doit être réalisée en Centre Hautement Spécialisé. • CANCERS NON METASTATIQUES :

A – CANCERS CERVICAUX :

Le traitement standard est une radiochimiothérapie concomitante. Lorsqu’elle est contre-indiquée, il est possible d’envisager une pharyngolaryngectomie associée à une œsophagectomie totale. La radiothérapie exclusive n’est retenue qu’en cas de contre-indication à la chimiothérapie et à la chirurgie.

B – CANCERS DE L’ŒSOPHAGE THORACIQUE :

Stades uT1 ou uT2 : chirurgie seule.

Cancers in situ : discuter en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire une œsophagectomie ou une mucosectomie ou une curiethérapie à haut débit de dose ou une thérapie photodynamique. La chirurgie reste le traitement de référence lorsqu’elle est possible et une mucosectomie ne doit être envisagée que si le diamètre du cancer est inférieur à 2 cm. L’échoendoscopie au préalable doit confirmer l’absence d’envahissement de la musculaire muqueuse. Une coloration par le Lugol est indispensable avant ce type de traitement. Cancers T3 ou T2 N+ : trois options peuvent être discutées en RCP

— La chirurgie, préférentiellement précédée d’une chimiothérapie néoadjuvante (surtout adénocarcinomes)

— Une radiochimiothérapie concomitante exclusive (surtout carcinomes épidermoïdes) — Une radiochimiothérapie préopératoire — En cas de contre-indication à la chirurgie ou à la chimiothérapie : radiothérapie seule

Cancers T4 : . Atteinte pleurale seule :

. chimiothérapie préopératoire suivie de chirurgie ou de radiochimiothérapie seule. . Autres stades T4, sans envahissement trachéo-bronchique :

. Radiochimiothérapie concomitante exclusive ou radiothérapie seule si contre-indication à la chimiothérapie.

Page 185: Referentiel Module 10 II

T. Conroy – Question ECN n° 152 – Tumeurs de l’œsophage

- 13 -

. Stade T4 avec envahissement trachéo-bronchique sans fistule : . Chimiothérapie première ou radiothérapie étalée à faible dose, réévaluation de l’efficacité

thérapeutique puis radiochimiothérapie en cas de disparition de l’envahissement trachéo-bronchique.

. Envahissement trachéo-bronchique avec fistule : . prothèse œsophagienne couverte avec ou sans prothèse trachéo-bronchique. . Gastrostomie si impossible.

• MALADIE METASTATIQUE :

. En cas de dysphagie importante : prothèse puis chimiothérapie.

. Pas de dysphagie : traitement purement symptomatique ou chimiothérapie.

XV — SURVEILLANCE APRES TRAITEMENT CURATIF

Elle vise moins la détection des reprises évolutives néoplasiques que le diagnostic précoce de nouvelles localisations ORL.

Examen clinique tous les 3 à 6 mois pendant 3 ans. Une aide au sevrage d’alcool et de tabac doit être proposée. Examen ORL annuel (après carcinome épidermoïde de l’œsophage). Les examens paracliniques ne seront demandés qu’en fonction des symptômes (transit œsophagien, fibroscopie digestive haute, cliché du thorax, échographie et/ou scanner).

La surveillance par fibroscopie œsophagienne apparaît justifiée en cas d’endobrachyœsophage persistant ou après radiochimiothérapie à la recherche d'un deuxième cancer. Références conseillées : www.oncolor.org : référentiels Carcinome épidermoïde de l'œsophage et Adénocarcinome de l'œsophage et de la jonction œso-gastrique Enzinger PC, Mayer RJ. Esophageal Cancer N. Eng. J. Med. 2003 ; 349 :2241-52

Page 186: Referentiel Module 10 II

- 1 -

TUMEURS DE L'ESTOMAC

Pr F. Marchal – Question ECN n° 150 - Tumeurs de l'estomac • Diagnostiquer une tumeur de l'estomac Mise à jour : avril 2011

I – INTRODUCTION

La symptomatologie du cancer de l’estomac ne devient suggestive que lorsque la lésion est déjà évoluée. Il convient donc de prescrire une endoscopie même pour des symptômes vagues et relativement banals.

II – EPIDEMIOLOGIE

C’est au Japon que l’incidence est la plus élevée (50 pour 100 000), justifiant un dépistage de masse (transit baryté, puis endoscopie). Suivent la Chine, l’Amérique du Sud, l’Europe de l’Est et du Sud. En France, comme en Europe occidentale et en Amérique du Nord, le cancer de l’estomac a vu son incidence décroître ces dernières décennies (13 pour 100 000), probablement en rapport avec le mode de conservation des aliments par le froid et une alimentation plus riche en légumes et fruits frais.

L’incidence des cancers gastriques est élevée, avec 755 000 nouveaux cas par an, deuxième rang des cancers dans le monde et au 5ième rang des cancers en France. Les cancers de l’estomac représentent 6 à 7% des causes de décès par cancer (4 756 décès par an pour 6 794 nouveaux cas annuels en 2005). Il est au deuxième rang des cancers digestifs après le cancer colorectal. Le sex-ratio est d’environ 3 en France (9,3/100.000 hommes, 3,4/100.000 femmes). L’âge moyen du diagnostic est de 75 ans.

Il n’y a pas de dépistage de masse ; on devra donc porter un diagnostic précoce. Au début du XXe siècle, la localisation distale, corps et antre étaient prédominantes, actuellement, c’est la localisation proximale qui est le plus souvent rencontrée. Le cancer de l’estomac touche deux fois plus souvent les hommes que les femmes. Rare avant 40 ans, l’âge moyen de survenue se situe à 75 ans (72 ans pour les hommes, 77 ans pour les femmes). Les personnes âgées de 50 ans et plus réunissent à elles seules 95 % des nouveaux cas estimés en 2005. 63 % des cas ont plus de 70 ans. Les survies relatives à 1 an et 5 ans sont de 48 % et de 25 %. La survie relative à 5 ans diminue avec l’âge, 36 % chez les 15-45 ans à 19 % chez les 75 ans et plus.

Mise à jour : avril 2013

Page 187: Referentiel Module 10 II

F. Marchal – Question ECN n° 150 – Tumeurs de l'estomac

- 2 -

III – FACTEURS DE RISQUE

Deux types d’adénocarcinome gastrique peuvent être distingués selon leur localisation : les adénocarcinomes du cardia et les adénocarcinomes de l’estomac distal. L’adénocarcinome du cardia a une incidence qui reste stable ou en légère augmentation. Il se développe indépendamment de l’infection par Hélicobacter pylori et est favorisé par le reflux gastro-oesophagien. L’adénocarcinome de l’estomac distal a une incidence qui diminue nettement et est lié à la gastrite atrophique induite par Helicobacter pylori. L’autre cause de gastrite chronique pouvant favoriser la survenue d’un cancer est la maladie de Biermer (atrophie fundique).

Les facteurs prédisposant connus sont l’anémie de Biermer (gastrite auto-immune comprenant une atrophie des glandes et de l’épithélium gastrique qui est à l’origine d’une métaplasie intestinale majorant le risque de cancer), la gastrite atrophique, la métaplasie intestinale, la maladie de Ménétrier (gastropathie hypertrophique, dégénérerait dans 10% des cas), la gastrectomie partielle (risque de développement d’un cancer de l’estomac quinze ans après une gastrectomie partielle, le risque étant multiplié par huit après 25 ans), les polypes gastriques adénomateux.

L’ulcère gastrique, longtemps considéré comme faisant le lit du cancer, est probablement une éventualité rare.

La dysplasie est un état précancéreux de découverte fortuite, précédant la forme superficielle du cancer.

L’infection à Hélicobacter pylori, associée à un ulcére, est une cause reconnue de cancer de l’estomac par l’OMS depuis 2004 et justifie un traitement antibiotique qui peut être remarquablement efficace. Hélicobacter pylori est un bacille gram négatif à transmission oro-fécale. Toutefois, seulement 1 à 3 % des patients infectés par Hélicobacter pylori développeront un cancer gastrique. L’infection à hélicobacter pylori n’est donc pas suffisante à elle seule pour induire un cancer, mais elle intervient à un stade précoce de la cancérogenèse, associée à d’autres facteurs de risque. La gastrite (inflammation de la muqueuse), induite par Hélicobacter pylori, peut évoluer vers la gastrite chronique atrophique, la métaplasie puis la dysplasie et le cancer. L’adénocarcinome distal de type intestinal fait suite à l’évolution de cette gastrite chronique.

Les autres facteurs sont l'alimentation (nitrites présents dans les salaisons et hydrocarbures présents dans les fumées), tabagisme, consommation élevée de sel, faible consommation de fruits et légumes et bas niveau socio-économique. L’interaction entre ces facteurs et l’infection par Hélicobacter pylori est probable. Ce rôle des facteurs environnementaux est étayé par le fait que la survenue de cancer de l’estomac chez les descendants de Japonais ayant émigré aux E.U est moins fréquente que les cancers de l’estomac survenant chez les Japonais vivant dans leur pays d’origine.

Les adénocarcinomes gastriques situés au niveau du cardia (jonction oeso-gastrique) sont en augmentation. Ils sont secondaires à une dysplasie liée au reflux gastro-oesophagien qui a un effet irritant sur la muqueuse oesophagienne distale. Son développement est indépendant de la présence d’une infection bactérienne à Hélicobacter pylori. L’adénocarcinome de l’estomac distal a une incidence qui diminue actuellement. Ceci serait lié à l’éradication de l’Hélicobacter pylori qui diminue la fréquence des gastrites atrophiques distales.

La recherche de prédispositions familiales (suspectée dans 10 % des cas environ) est recommandée (antécédents familiaux, survenue avant 40 ans) afin de poser l’indication d’une consultation d’oncogénétique. Les cancers gastriques diffus héréditaires sont dus à une mutation germinale du gène CDH1 à transmission autosomique dominante, responsable de la perte de fonction de la protéine E-Cadhérine.

Page 188: Referentiel Module 10 II

F. Marchal – Question ECN n° 150 – Tumeurs de l'estomac

- 3 -

Le diagnostic doit être évoqué quand :

- au moins deux cas de cancers gastriques de type diffus avérés chez des apparentés au premier ou second degré dont un cas diagnostiqué avant l’âge de 50 ans,

- au moins trois cas de cancers gastriques de type diffus avérés chez des apparentés au premier ou deuxième degré quel que soient les âges au diagnostic,

- cancer gastrique de type diffus diagnostiqué à un âge inférieur à 45 ans,

- association d’un cancer gastrique de type diffus et d’un carcinome mammaire de type lobulaire infiltrant ou d’un carcinome colorectal à cellules indépendantes chez un même individu ou chez deux apparentés au premier ou au second degré.

En cas de suspicion d’une forme héréditaire, le patient sera adressé en consultation d’oncogénétique.

Le risque de cancer gastrique est augmenté chez :

- – les apparentés au premier degré de malades ayant un cancer de l’estomac ;

- – les patients ayant un syndrome de Lynch (ou Hereditary non polyposis colorectal cancer = cancer colorectal non polyposique familial)

- – les patients atteints de polypose adénomateuse familiale (PAF).

Nouvelles recommandations de l’INCa concernant la recherche systématique d’Helicobacter pylori chez les apparentés au premier degré d’un patient atteint de cancer gastrique (Mars 2013):

DANS LA FAMILLE D’UN PATIENT ATTEINT DE CANCER DE L’ESTOMAC

Dans la famille d’un patient atteint de cancer de l’estomac, la recherche de l’infection à Helicobacter pylori des apparentés au 1er degré (enfants, frères/soeurs, parents) du patient est recommandée car :

- 80 % des cancers de l’estomac sont dus à la bactérie Helicobacter pylori (la plupart des 20 % restants sont des cancers du cardia associés au reflux gastro-oesophagien) ;

- l’infection à Helicobacter pylori s’acquiert dans l’enfance et persiste toute la vie ;

- les apparentés au 1er degré (enfants, frères/soeurs, parents) des personnes ayant un cancer de l’estomac, ont un risque de cancer de l’estomac doublé voire triplé par rapport au risque de la population générale ;

- la recherche puis l’éradication de la bactérie Helicobacter pylori constituent une méthode de prévention efficace contre le cancer gastrique, surtout lorsqu’elles sont mises en oeuvre tôt, c’est-à-dire avant l’apparition d’une lésion gastrique précancéreuse.

Comment ?

En pratique, les méthodes de recherche de l’infection à Helicobacter pylori seront choisies en fonction de l’âge des apparentés :

- Age < 40/45 ans : test respiratoire à l’urée marquée 13C (4 semaines après l’arrêt de l’antibiothérapie et 2 semaines après l’arrêt du traitement par inhibiteur de la pompe à protons) ou sérologie Helicobacter pylori

- Age > 40/45 ans : endoscopie et biopsies

CHEZ UN PATIENT ATTEINT DE CANCER DE L’ESTOMAC ET TRAITÉ PAR GASTRECTOMIE PARTIELLE

Pour empêcher le développement d’un cancer de l’estomac sur le moignon restant, il est essentiel de rechercher et de traiter une infection à Helicobacter pylori.

Page 189: Referentiel Module 10 II

F. Marchal – Question ECN n° 150 – Tumeurs de l'estomac

- 4 -

LE TRAITEMENT DE L’INFECTION

Le traitement IPP (inhibiteur de pompe à protons)-clarithomycine-amoxicilline de référence est devenu inefficace dans plus de 30 % des cas (résistance à la clarithomycine). De nouvelles possibilités de traitement, proposées par le consensus européen Maastricht IV/Florence, sont diffusées par la Société nationale française de gastroentérologie (SNFGE) et le Groupe d’études français des Helicobacters (GEFH) : www.helicobacter.fr.

Le contrôle de l’éradication : La vérification de l’éradication de la bactérie Helicobacter pylori est réalisée par un test respiratoire à l’urée marquée 13C (4 semaines après l’arrêt de l’antibiothérapie et 2 semaines après l’arrêt du traitement IPP). Elle peut aussi être réalisée par biopsies lors d’une endoscopie de contrôle. La sérologie n’est pas adaptée au contrôle de l’éradication.

IV – CLINIQUE

Le développement du cancer de l’estomac se fait de manière insidieuse. Le diagnostic n’est cliniquement évoqué que devant des signes non spécifiques témoignant d’une maladie avancée : altération de l'état général, douleurs épigastriques, pseudo-ulcéreuses (65 % des cas), dysphagie des cancers du cardia, vomissements des cancers prépyloriques, anorexie, dégoût des viandes, amaigrissement (par réduction des apports alimentaires plus que par augmentation du catabolisme), asthénie, pâleur et teint paille, tumeur palpable, ascite.

Pour porter un diagnostic précoce, on attachera une grande importance à une dyspepsie d’apparition

récente et qui a tendance à s’accentuer. Des symptômes fonctionnels comme une pesanteur épigastrique,

un inconfort prandial ou post-prandial, une baisse de l’appétit, une tendance aux éructations avec parfois

pyrosis, une digestion lente, devront être pris en compte. Les phénomènes douloureux à type de crampes

épigastriques post-prandiales dont on ne retrouve pas la périodicité classique de la maladie ulcéreuse

doivent alerter autant qu’une symptomatologie typique d’ulcère.

L’extension du cancer de l’estomac se fait :

- Par continuité : il s’agit d’une extension du cancer de l’estomac aux organes de voisinage, le péritoine étant le premier organe envahi. Le cancer peut ensuite s’étendre au pancréas, au foie, au diaphragme ...

- Par voie lymphatique : le cancer dissémine dans en premier temps aux ganglions de voisinage puis aux ganglions à distance.

- Par voie sanguine : cette extension est responsable des métastases au foie, aux poumons.

- Une extension particulière est l’extension aux ovaires (tumeur de Krükenberg)

Le siège du cancer peut avoir une traduction particulière :

- Une dysphagie progressive avec régurgitations et hoquet évoque une localisation oeso-cardiale. Les douleurs sont rétrosternales.

- Un syndrome de sténose pylorique évoque une localisation antro-pylorique (50% des cas). Lorsque celle-ci est complète les vomissements ne contiennent pas de bile, mais des aliments ingérés lors des repas précédents. La dilatation gastrique est parfois spontanément visible, sous forme d’une tuméfaction de l’hypochondre gauche. La palpation abdominale à jeun met en évidence lors de la mobilisation de l’abdomen un clappotage traduisant la stase gastrique.

Le cancer peut se révéler par une complication :

- Hémorragique, révélée par une anémie hypochrome ou plus rarement par une hématémèse ou un meléna.

- Péritonite par perforation en péritoine libre ou cloisonné.

Page 190: Referentiel Module 10 II

F. Marchal – Question ECN n° 150 – Tumeurs de l'estomac

- 5 -

Le cancer peut se révéler par son extension régionale ou métastatique :

- Hépatomégalie (foie marronné)

- Ascite, nodule de carcinose péritonéale perçu dans le cul-de-sac de Douglas, au TR

- Tumeur de Krükenberg (métastase ovarienne)

- Tumeur épigastrique, ganglion de Troisier

Les syndromes paranéoplasiques sont rares. On citera l’acanthosis nigricans (plaques hyperpigmentées symétriques localisées préferentiellemnt autour du nez, des aires axillaires ou de la région ano-génitale) et les syndromes ichtyosiformes, la diarrhée, des syndromes d’hypercoagulation (phlébite de Trousseau).

V – DIAGNOSTIC POSITIF

L’examen clef du diagnostic est la vidéoendoscopie. Associée à des biopsies, l’endoscopie permet le diagnostic dans 95 % des cas. Elle permet de préciser le siège de la lésion et son étendue : antre (40 %), corps (20 %), grosse tubérosité (20%), cardia (20 %) ainsi que la distance par rapport au cardia et au pylore. L’aspect macroscopique peut être ulcéreux, végétant, le plus souvent ulcéro-végétant. Le caractère irrégulier de la lésion, le saignement spontané ou au contact sont des signes très évocateurs. Une infiltration donne une rigidité plus ou moins étendue de la paroi, une muqueuse irrégulière aux plis épais. En pratique, tout aspect anormal de la muqueuse doit être biopsié. Les biopsies doivent être très nombreuses (au minimum 5 à 8), profondes, dirigées sur l’anomalie principale et à distance.

L’anatomie pathologique décrira le plus fréquemment un adénocarcinome (95% des cas), on en précisera le type et le grade. Le stade dans la classification TNM constitue le principal facteur pronostique.

Certains paramêtres susceptibles d’affecter le pronostic peuvent être enregistrés : l’ACE, l’expression de p53, la ploïdie, la phase S. La linite gastrique est une forme diffuse, touchant plus souvent les sujets jeunes et de pronostic péjoratif. Le diagnostic est évoqué sur l'aspect macroscopique (paroi rigide blanchâtre, épaissie et ayant l'aspect du lin) avec à l'examen anatomopathologique un adénocarcinome peu différencié infiltrant, constitué le plus souvent de cellules indépendantes en bague à chaton, envahissant les différentes couches de la paroi sans les détruire, et stroma fibreux. L'aspect est évoqué à l'endoscopie (paroi rigide), à l'échoendoscopie (épaississement pariétal), au scanner et au TOGD. Les biopsies doivent être profondes et étagées pour confirmer le diagnostic car la muqueuse est souvent saine. L'envahissement est intramural avec une diffusion ganglionnaire et péritonéale fréquentes.

Les lymphomes sont rares, mais ils sont devenus relativement plus fréquents et ont un traitement chimiothérapique. Les lymphomes MALT (mucosa-associated lymphoid tissue) guérissent par antibiothérapie dirigée contre H. Pylori.

Des biopsies négatives ne doivent pas être prises en compte dès que l’on suspecte un cancer ; l’examen doit être recommencé.

L'extension locale se fait vers la profondeur de la paroi gastrique pour se propager par contiguïté aux organes de voisinage. L'envahissement ganglionnaire est précoce et est présent dans 60 à 80 % des cas au moment du diagnostic. Il débute par les ganglions périgastriques proximaux puis s'étend vers les ganglions pédiculaires et enfin vers les ganglions distaux situés le long des gros axes vasculaires. La diffusion péritonéale est fréquente. L'extension métastatique viscérale se fait principalement vers le foie, les poumons, les os, la thyroïde et la peau.

LA VIDÉOENDOSCOPIE GASTRIQUE PERMET LE DIAGNOSTIC DIFFERENCIEL

- Ulcère gastrique : si la découverte de cellules malignes permet d’affirmer le cancer, leur absence n’autorise pas à l’éliminer.

- Tumeur gastrique bénigne : elle se révèle par des douleurs épigastriques atypiques ou une hémorragie digestive. La fibroscopie montre la tumeur sans préjuger de sa nature histologique. Celle-ci n’est affirmée que par l’examen anatomopathologique aprés exérèse.

Page 191: Referentiel Module 10 II

F. Marchal – Question ECN n° 150 – Tumeurs de l'estomac

- 6 -

- Envahissement gastrique de contiguité par une tumeur pancréatique ou colique transverse. Le scanner abdomino-pelvien et la coloscopie permettent de mettre en évidence la lésion primitive. Les biopsies en confirment la nature histologique.

- Bézoards ou corps étrangers sont diagnostiqués par l’endoscopie.

- Localisation gastrique de maladies hématologiques : lymphome gastrique de faible malignité de type MALT ou lymphome de plus haut grade. Le diagnostic est fait par l’anatomopathologie.

VI – BILAN D’EXTENSION

Une fois posé le diagnostic de cancer de l’estomac, l’écho-endoscopie permet d’apprécier :

- l’infiltration pariétale en visualisant les 5 couches de la paroi gastrique: épithélium, lamina propria, sous-muqueuse, musculeuse, sous-séreuse, séreuse (stade T de la classification TNM)

- l’extension par contiguïté : mésos, épiploon, côlon, pancréas, rate, voies biliaires..., l’atteinte ganglionnaire proximale et à distance (coeliaque, pédicule hépatique, para-aortique).

Au cours de cet examen, on peut pratiquer une cytoponction sur une adénomégalie. Cependant, le scanner est plus performant pour l’imagerie des ganglions distaux.

La tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne volumique apporte des informations sur l’extension locorégionale et métastatique. Le remplissage de l’estomac couplé à une injection intraveineuse de produit de contraste permet de mieux visualiser la tumeur (gastroscanner). Les autres localisations métastatiques ne sont recherchées que sur signe d’appel. Le transit baryté peut donner une information topographique utile au chirurgien.

L’ascite très évocatrice d’une atteinte péritonéale est souvent absente. Quand elle existe une paracentèse permet une étude cytopathologique.

La laparoscopie permet une exploration précise de la cavité abdominale pour identifier des nodules tumoraux et faire un lavage péritonéal pour une étude cytopathologique. Une atteinte péritonéale contre-indique l’exérèse chirurgicale. De petites métastases hépatiques superficielles passées inaperçues au scanner peuvent être visualisées. Cet examen peut éviter une laparotomie inutile jusqu’à 38 % des patients, notamment en cas de diagnostic de carcinomatose péritonéale ou de métastases hépatiques.

Le dosage des marqueurs CA-19.9 et ACE n'est pas utile au diagnostic. Il permet seulement de suivre l’efficacité du traitement s’il était élevé avant traitement.

Les prélèvements bactériologiques à la recherche d’Hélicobacter pylori seront systématiques. Il n’y a plus

de place pour l’épreuve thérapeutique antiulcéreuse. En tout état de cause, les traitements

symptomatiques doivent être courts et en cas d’efficacité incomplète doivent inciter à réaliser une

endoscopie.

Au terme de ce biland’extension (au moins endoscopie, échoendoscopie et scanner) est établi le stade cTNM.

Le bilan d’opérabilité consiste à apprécier :

- l’état nutritionnel (pourcentage d’amaigrissement, protidémie et albuminémie),

- l’âge physiologique avec éventuelle évaluation cardiologique (ECG, échocardiographie) et pulmonaire (Exploration fonctionnelle respiratoire) en fonction du terrain du patient.

Le stade TNM (Tumor Nodes Metastases) est établi de façon sûre et définitive après la chirurgie (pTNM = envahissement tumoral établi sur la pièce opératoire après examen anatomopathologique).

Page 192: Referentiel Module 10 II

F. Marchal – Question ECN n° 150 – Tumeurs de l'estomac

- 7 -

Classification TNM clinique 2009 Tis Carcinome in situ : tumeur intra-épithéliale sans invasion de la lamina propria (dysplasie de haut

grade)

T1 Tumeur envahissant la lamina propria , la muscularis mucosae ou la sous-muqueuse T2 Tumeur envahissant la muscularis propria T3 Tumeur envahissant la sous-séreuse, le tissu conjonctif sans envahissement des structures adjacentes

ou du péritoine viscéral T4 Tumeur envahissant la séreuse (péritone viscéral) ou les structures adjacentes

N0 Pas de signe d'atteinte des ganglions lymphatiques régionaux N1 Envahissement de 1 à 2 ganglions lymphatiques régionaux

N2 Envahissement de 3 à 6 ganglions lymphatiques régionaux

N3 Envahissement de 7 ou plus ganglions lymphatiques régionaux

M0 Pas de métastases à distance M1 Présence de métastases à distance

Symbole p : Elle est établie sur pièce opératoire. Les catégories pT, pN et pM correspondent aux

catégories T, N et M. Le pTNM correspond à la classification histologique post-opératoire, complétée ou

modifiée par les observations supplémentaires recueillies au cours de l'acte chirurgical et de l'examen

histopathologique.

Symbole y : Dans tous les cas où la classification est effectuée durant ou après traitement néoadjuvant,

le cTNM ou le pTNM est précédé du préfixe y.

Symbole c : le signe TNM ou cTNM correspond à la classification clinique préthérapeutique, résultat de

l'imagerie, de l'endoscopie, des biopsies, de l'exploration chirurgicale et des autres examens

complémentaires.

Stades UICC 2009

Stade 0 TisN0M0

Stade I T1N0M0, T2N0M0

Stade II T3N0M0, T2N1M0, T1N2M0, T4aN0M0, T3N1M0,

T2N2M0, T1N3M0

Stade III T4aN1M0, T3N2M0, T2N3M0, T4bN0M0,

T4bN1M0, T4aN2M0, T3N3M0, T4bN2M0,

T4bN3M0, T4aN3M0

Stade IV Tous T, tous N, M1

Page 193: Referentiel Module 10 II

F. Marchal – Question ECN n° 150 – Tumeurs de l'estomac

- 8 -

VII – PRINCIPES DE TRAITEMENT

A - TRAITEMENT A VISEE CURATIVE

Le traitement à visée curative repose sur l’exérèse chirurgicale plus ou moins associée à un traitement par chimiothérapie ou radio-chimiothérapie.

1. Traitement chirurgical

Le principe est l’exérèse complète de la tumeur associée à un curage ganglionnaire (sans splénopancréatectomie avec au minimum 15 ganglions examinés). L’étendue de l’exérèse dépend de la localisation initiale de la tumeur :

- gastrectomie des 4/5 avec anastomose gastro-jéjunale pour les cancers de l’antre (figure 1)

- gastrectomie totale avec anse grêle montée en Y (figure 2) pour les autres localisations La réduction ou la suppression de la poche gastrique oblige à fractionner l’alimentation, afin de diminuer l’inconfort postprandial. Il est conseillé au patient gastrectomisé d’éviter les repas abondants, de faire 6 à 7 petits repas quotidiens, d’éviter de boire au cours du repas, pour éviter les malaises postprandiaux (dumping syndrome)

2. Traitement néo-adjuvant

Une chimiothérapie péri-opératoire (pré- et post-opératoire) par 5-Fluorouracile et cisplatine (total de 6 cures) doit être proposée à tous les malades de stade supérieur à I (cf. infra).

3. Traitement adjuvant

Une radio-chimiothérapie post-opératoire (45 Gy + 5-Fluorouracile) doit être proposée aux malades n’ayant pas eu de chimiothérapie pré-opératoire :

- si le curage est insuffisant et que la tumeur est de stade supérieur à I

- en cas d’envahissement ganglionnaire pN2 ou N3 quel que soit le type de curage réalisé

- en cas d’envahissement ganglionnaire pN1 avec un curage ganglionnaire suffisant à discuter au cas par cas selon l’état général, nutritionnel du malade et son avis après information claire.

A

B Fig.6 : A :anastomose gastro-jéjunale termino latérale après gastrectomie des 4/5èmes B : anastomose gastro-jéjunale sur anse en Y Gastrectomie totale Exérèse de tout lBestomac, de la partie terminale de lBoesophage abdominal, du petit et du grand épiploon. Curage ganglionnaire emportant les ganglions sus, sous et rétropyloriques, gastriques gauches, para-cardiaux droits et gauches, du pédicule hépatique. La gastrectomie totale élargie associe en outre splénectomie et pancréatectomie caudale. Le rétablissement de la continuité se fait :

- en ne rétablissant pas le circuit duodénal . anastomose œso-jéjunale sur anse en Y montage le plus fréquent (fig 7) . une anse en � est aussi réalisable

Fig 7 : anastomose oeso-jéjunale termino-terminale sur anse en Y après gastrectomie totale Les procédés de remise en circuit du duodénum en interposant une anse intestinale sont rarement utilisé

actuellement

Gastrectomie polaire supérieure Exérèse des 2/3 supérieurs de lFestomac, du cardia et de la portion terminale de lFoesophage abdominal. Elle peut être élargie à la rate, à la queue du pancréas. La voie dFabord est abdominale exclusive, abdomino-thoracique gauche , ou thoracique exclusive dans le 7ème espace intercostal. La résection de nécessité des pneumogastriques impose une pyloroplastie ou pyloromyotomie de drainage. La continuité est rétablie par anastomose oeso-gastrique termino-terminale . Dégastro-gastrectomie Elle a pour but dFéffectuer lFexérèse du moignon gastrique restant aprés gastrectomie partielle , en cas de cancérisation de celui-ci. Il faut réséquer ce moignon gastrique et lFanse jéjunale afférente et éfférente . RESULTATS Complications Mortalité post-opératoire : inférieure à 10%. Elle est le plus souvent due à une fistule anastomotique.

Figure 1 : gastrectomie des 4/5èmes Figure 2 : gastrectomie totale avec anse en Y anse en Y

Page 194: Referentiel Module 10 II

F. Marchal – Question ECN n° 150 – Tumeurs de l'estomac

- 9 -

B - TRAITEMENT PALLIATIF

Il comporte la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie, et s’applique aux cancers gastriques non résécables et/ou métastatiques.

La chirurgie d’exérèse palliative est indiquée pour les tumeurs symptomatiques (hémorragie nécessitant des transfusions itératives, perforation) ; elle est préférable à la chirurgie de dérivation. La chimiothérapie permet d’améliorer la survie et la qualité de vie par rapport au simple traitement symptomatique chez des patients sélectionnés à l’état général conservé.

La radiothérapie est parfois indiquée dans les tumeurs hémorragiques à visée hémostatique. La pose d’une endoprothèse métallique par voie endoscopique permet dans certains cas de lever un obstacle tumoral responsable d’une occlusion haute.

VIII – PRONOSTIC ET SURVEILLANCE

Le pronostic dépend de l’extension tumorale pariétale et ganglionnaire qui est à la base de la classification TNM et du stade. Le nombre de ganglions examinés sur la pièce opératoire est primordial, en effet un ratio nombre élevé de ganglions envahis/nombre total prélevé a une valeur pronostique péjorative.

Tous stades confondus, le pronostic est mauvais avec une survie à 5 ans de 15 %.

Après exérèse chirurgicale à visée curative, le pronostic dépend surtout de l’envahissement ganglionnaire :

- en l’absence de ganglions envahis (N0), la survie à 5 ans est de 60 %, - si N1, la survie à 5 ans est de 35 %, - si N2 la survie à 5 ans est de 10 %.

Après un traitement à visée curative et chez les patients susceptibles de supporter une réintervention ou une chimiothérapie, on propose une surveillance pendant 5 ans par :

- un examen clinique tous les 3 mois la première année (signe de récidive et/ou de dénutrition) puis tous les 6 mois ;

- une numération sanguine tous les ans en cas de gastrectomie totale (possibilité d’anémie post-gastrectomie liée à une carence martiale ou en vitamine B12) ;

- Examens orientés en fonction de la symptomatologie clinique - En cas de gastrectomie partielle, l’endoscopie pour surveillance du moignon n’est conseillée

qu’après 10 à 15 ans.

Une prise en charge thérapeutique spécifique est nécessaire en cas de : - gastrectomie totale : supplémentation intramusculaire mensuelle à vie en vitamine B12 ; - splénectomie : antibioprophylaxie par pénicilline G et vaccinations contre le pneumocoque,

l’Haemophilus influenzae B, le méningocoque et la grippe.

Le dépistage organisé n’est pas recommandé en France, au contraire du Japon où l’incidence est plus forte.

IX – FORMES PARTICULIERES

A - ADENOCARCINOME SUPERFICIEL

L’adénocarcinome superficiel de l’estomac se définit comme un cancer ne dépassant pas la sous-muqueuse. Il se manifeste souvent sous une forme pseudo-ulcéreuse avec, en endoscopie, l’aspect d’ulcères superficiels plus ou moins étendus. Il peut être aussi polypoïde, surélevé, plan ou déprimé.

Le pronostic après le traitement chirurgical des formes superficielles est bon avec une survie à 5 ans

supérieure à 90 %.

Page 195: Referentiel Module 10 II

F. Marchal – Question ECN n° 150 – Tumeurs de l'estomac

- 10 -

B - LINITE GASTRIQUE

Il s’agit d’un adénocarcinome peu différencié, constitué le plus souvent de cellules indépendantes (dites « en bague à chaton ») envahissant les différentes couches de la paroi sans les détruire, associées à un stroma fibreux. Elle représente 10 % des cancers gastriques et survient chez des sujets plus jeunes avec une prédominance féminine. Cliniquement, la linite se révèle souvent par une altération importante de l’état général avec amaigrissement, parfois des signes d’occlusion haute. À l’endoscopie, il existe des gros plis rigides sans aspect tumoral. L’insufflation complète de l’estomac n’est pas obtenue. Les biopsies sont souvent négatives compte tenu du respect fréquent de la muqueuse. Le diagnostic peut être facilité par :

- le TOGD : aspect figé et rétréci de l’estomac ; - l’écho-endoscopie : épaississement de la paroi gastrique prédominante au niveau de la sous-

muqueuse. L’extension tumorale est essentiellement lymphatique et péritonéale.

L’exérèse chirurgicale est rarement curative et ce type de cancer est très peu chimiosensible. Le pronostic

est généralement mauvais.

C - LYMPHOMES GASTRIQUES PRIMITIFS

Les lymphomes gastriques représentent 3 % des tumeurs gastriques, mais sont les plus fréquents des lymphomes non hodgkiniens non ganglionnaires. Ils peuvent être de 2 types : lymphomes gastriques du Mucosa Associated Lymphoid Tissue ( Mucosa Associated Lymphoid Tissue) à petites cellules de bas grade de malignité et lymphomes à grandes cellules de haut grade de malignité. Les lymphomes gastriques de type MALT sont souvent peu symptomatiques et sans signe biologique spécifique. Le diagnostic repose sur l’endoscopie (lésions pseudo- inflammatoires ou tumorales) avec biopsies multiples. Ce lymphome est lié à l’infection chronique à H. pylori, avec une évolution très lente. Le traitement des formes localisées repose sur l’éradication de H. pylori qui permet la régression du lymphome dans 70 % des cas. Les lymphomes gastriques à grandes cellules sont plus rares. Ils se présentent sous la forme d’une tumeur plus volumineuse et ulcérée. Le traitement repose sur la polychimiothérapie.

D - TUMEURS STROMALES GASTRO-INTESTINALES (GIST)

Les tumeurs stromales gastro-intestinales sont des tumeurs mésenchymateuses rares se développant dans les 2 tiers des cas aux dépens de la couche musculeuse de l’estomac. Elles sont caractérisées par l’expression positive en immunohistochimie d’un récepteur transmembranaire c-kit. Elles sont souvent asymptomatiques de découverte fortuite. Les circonstances de découverte possibles sont une hémorragie digestive, une masse palpable ou une perforation. Le diagnostic repose sur l’endoscopie et l’écho-endoscopie qui mettent en évidence une masse ronde sous-muqueuse, parfois ulcérée, avec développement exogastrique fréquent.

Le traitement de base des tumeurs stromales est l’exérèse chirurgicale monobloc sans curage

ganglionnaire extensif. Pour les tumeurs non résécables et/ou métastatiques, un traitement par l’imatinib

(Glivec) est indiqué (inhibiteur enzymatique de l’activité du récepteur c-kit).

E. TUMEURS ENDOCRINES

Les tumeurs endocrines gastriques surviennent dans la majorité des cas sur un terrain de gastrite atrophique fundique auto-immune (maladie de Biermer). Elles sont alors multiples, de petite taille, d’évolution lente et métastasent exceptionnellement. Il existe aussi des tumeurs endocrines sporadiques, notamment des carcinomes peu différenciés de mauvais pronostic.