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Phoebe P. Campbell

LUI RÉSISTER... OU PAS

Volume 9

zoli_009

1. Un dangereux luxe...

– Je suis où ?

Je me précipite en entendant Tessa. Avant qu'elle ne touche son visage luisant de crèmeanesthésiante, j'attrape sa main bandée.

– C'est moi, c'est Olivia, murmuré-je d'une voix que j'espère calme et apaisante. Tu es à l'hôpital,tu as fait une réaction allergique, mais tout va bien.

– J'ai le visage qui brûle, gémit-elle.– Ça va passer, je te le promets.

Sans lui lâcher la main, j'appuie nerveusement sur le bouton d'appel. Le visage de Tessa aconsidérablement désenflé, mais sa peau reste rouge. Quant à son hébétude, elle est due aux calmantsqui lui ont été administrés, pour ménager son cœur qui s'est arrêté sous l'effet du choc anaphylactique.

Tessa aurait pu mourir.

Un frisson me parcourt l'échine. Sans l'infirmière d'Alistair, qui lui a rapidement fait une injectiond'adrénaline, je perdais ma meilleure amie.

La porte s'ouvre et un médecin entre aussitôt, me lançant un regard interrogatif.

– Elle a mal au visage, expliqué-je.– Ce sont les nerfs qui se réveillent, c'est désagréable, mais bon signe. Il ne faut pas qu'elle se

touche le visage, m'explique la femme en blouse blanche, en désignant des sangles.

Mais à l'idée qu'on attache Tessa, mon cœur se révolte.

– Non, je vais lui tenir les mains, dis-je fermement.– Vous êtes certaine ? Il va vous falloir attendre qu'elle se réveille tout à fait, ça peut prendre un

peu de temps.– J'ai tout mon temps.

Le médecin hoche la tête, comprenant visiblement ma réaction.

– Appelez si vous avez le moindre souci, d'accord ?– D'accord. Merci.

Saisissant délicatement l'autre main de mon amie, je m'installe plus confortablement, prête à réagirsi elle fait mine de vouloir toucher sa peau.

Lentement, de minute en minute, je la vois revenir à elle. D'abord, elle ouvre les yeux, puis Tessame questionne jusqu'à ce que, d'un seul coup, elle se souvienne de ce qui s'est passé.

– Je me souviens que j'ai senti un picotement dans mes doigts, puis ma gorge s'est comme…fermée d'un seul coup, me raconte-t-elle, les yeux exprimant encore l'angoisse qui a dû la saisir à cemoment-là. J'ai eu la sensation de perdre l'équilibre et puis… je me suis réveillée ici.

– Tu as fait un choc anaphylactique, lui expliqué-je finalement.– Le truc où on fait un arrêt cardiaque ?! s'exclame-t-elle, d'une voix blanche.– L'infirmière d'Alistair est intervenue tout de suite, fais-je, pour la rassurer. Tu es hors de danger.– Putain…

Je la laisse assimiler l'information. Je connais Tessa : si je la laisse dans l'incertitude de ce quis'est passé, elle imaginera le pire et risquera de paniquer.

– Tu veux que j'appelle tes parents ? proposé-je.– Non, pas maintenant, fait-elle immédiatement. Ils vont s'inquiéter et le temps qu'ils arrivent de

Portland… Tu es sûre que c'est fini ?– Sûre, affirmé-je, soutenant son regard.

L'équipe médicale m'a bien expliqué que grâce à la rapidité de notre intervention, Tessa nesouffrirait d'aucune séquelle.

À part peut-être psychologique…

– Putain, répète-t-elle. Ne les préviens pas, alors. Je le ferai… plus tard.

Nous restons silencieuses un long moment. Je me contente de lui caresser doucement les mains,tandis qu'elle ferme peu à peu les yeux, s'enfonçant dans un sommeil que j'espère réparateur.

Tessa dort profondément quand Joseph entre dans la chambre. Perdue dans mes pensées, je ne l'aipas entendu frapper à la porte et ne me rends compte de sa présence que lorsqu'il s'avance vers moi,une expression inquiète sur le visage.

– Comment va-t-elle ? murmure-t-il.– Le pire est derrière nous, fais-je sur le même ton.

Son soulagement est perceptible. Aussitôt, ses yeux turquoise plongent en moi. Joseph pose unemain réconfortante sur mon épaule. Ce simple contact diffuse une apaisante chaleur dans mes épaulesnouées.

– Et toi ? Tu vas bien ? me demande-t-il, de sa belle voix grave.– Oui, ça va… J'ai eu tellement peur pour elle, soupiré-je. Mais, et toi ? Et Alistair ?– Il va bien. L'infirmière a accepté de faire des heures supplémentaires et Agatha m'a relayé

auprès de lui.– Et comment va Charlotte Dubois ?

– Toujours dans le coma, m'informe Joseph, le visage crispé. Son cas est plus sérieux que celui deTessa.

– Mais qu'est-ce qui s'est passé ?– Pour le moment, rien n'est sûr, fait-il, tirant une chaise à côté de moi. J'ai tout bloqué le temps de

tirer les choses au clair, mais…

Je le vois hésiter, ses yeux turquoise glissant sur le visage encore abîmé de Tessa. Untressaillement vient perturber l'impassibilité de son beau visage viril, signe de la culpabilité qu'iléprouve.

– Il pourrait s'agir d'un sabotage, termine-t-il, mâchoire serrée.– Que vas-tu faire ?– J'ai mis Norman sur l'enquête. Un laboratoire indépendant est chargé d'examiner chaque pot de

crème pour remonter la source du problème, mais une erreur est impossible, compte tenu duprocessus de fabrication.

– Tu en es sûr ?

Son regard turquoise se tourne alors vers moi, subitement froid et métallique.

– Certain.– C'en est fini de Honey… murmuré-je, hébétée par la perspective de la catastrophe économique

qui s'annonce.– Non.

Incrédule, je le regarde, sans comprendre.

– Je vais trouver ce qui s'est passé, qui est responsable de ça et, même s'il faut que noustravaillions jour et nuit pour relancer la fabrication, Blessed Honey sortira dans les temps, décrète-t-il, le regard farouche.

– Mais…– Il a raison, souffle alors Tessa, d'une faible voix.– Tessa ! On t'a réveillée, pardon, m'excusé-je, gênée.– Comment te sens-tu ? lui demande Joseph, d'un ton plein de sollicitude.– Mieux… Si ce n'est que vous m'empêchez de dormir et que vous devriez aller choper l'abruti

responsable de ça, chuchote mon amie.

Joseph et moi en restons muets de stupéfaction. Tessa grimace un sourire, visiblement contente deson effet.

– Je vais bien, j'ai juste sommeil et… je veux savoir ce qui s'est passé, moi aussi. Allez choperles méchants, nous encourage-t-elle, refermant ses beaux yeux verts.

Après quelques secondes d'immobilité, Joseph et moi échangeons un regard et nous levonssilencieusement.

***

Durant le trajet vers la tour Butler, Joseph me prend dans ses bras et me questionne sur ce qui s'estpassé depuis que Tessa et moi avons quitté la demeure d'Alistair en ambulance. Répondant d'abordavec réticence, je finis par ne plus pouvoir m'arrêter, dépassée par un flot de paroles qui semble nejamais vouloir se tarir… J'ai beau me sermonner, penser qu'il me faut rester concentrée sur le factuel,le visage sans vie de Tessa me hante.

– Si Agatha n'était pas venue me chercher pour une réunion, je n'aurais pas offert mon exemplaireà Tessa et rien ne serait arrivé, soufflé-je, un sanglot dans la voix.

– Ce n'est pas de ta faute, me répète Joseph, grave.– C'est moi qui aurais dû être à sa place…– Comment ça ?– Je… J'ai failli mettre de la crème, mais Agatha m'a interrompue, confié-je lentement, réalisant à

peine ce que je suis en train de dire.

Joseph me regarde avec une telle expression d'angoisse que j'en reste tétanisée. D'un seul élan, ilme serre contre lui, à m'en étouffer.

– Je ferai payer celui qui est responsable de ça, jure-t-il, tandis que la Rolls-Royce se gare aupied de son empire.

***

Au sein de Butler Incorporation, la consternation se mêle à une atmosphère d'urgence : les visagessont fermés, les échanges se font à voix basse, les employés se déplacent au pas de course.

Joseph a exigé que je reste à ses côtés, arguant que je lui serai d'une grande aide pour découvrirl'origine du sabotage. À chaque moment, il a pour moi un geste, un regard, qui me fait comprendrequ'il a besoin de s'assurer que je vais bien… Bouleversée par son trouble, je comprends qu'il se sentcoupable de m'avoir fait courir un risque, quand bien même il n'y est pour rien !

Pour le moment, dans la salle de télésurveillance, nous fixons les écrans, à la recherche d'unindice, d'un événement anormal ayant ponctué le processus de fabrication de la première série depots de Blessed Honey. Derrière nous, le responsable se tient debout, raide et pâle.

S'il a raté quoi que ce soit, je ne donne pas cher de sa tête…

Autour de Joseph, l'air vibre tant il est tendu, le torse penché vers les écrans haute définition, sesyeux turquoise rivés sur les sept moniteurs qui nous font face.

– Là, fait-il soudain.

Sa voix a claqué dans le silence, comme un coup de fouet.

– Monsieur ? s'avance le responsable, une fine couche de sueur envahissant aussitôt son front.

Sans répondre, Joseph désigne le moniteur numéro cinq, sur lequel je n'aperçois d'abord qu'uneombre qui s'éloigne d'une cuve immense. Une main se tend, pianote sur un clavier et les imagesreculent, jusqu'à ce que la silhouette sorte de l'écran, puis…

– Bon sang, Camilla Banks ! m'exclamé-je, n'en croyant pas mes yeux.

Devant nous, l'ancienne chimiste de Butler Incorporation s'avance en catimini vers une des cuvesoù est fabriquée la précieuse crème de soin. Elle grimpe sur l'échelle de contrôle et semble y verserquelque chose, avant de redescendre précipitamment et de disparaître.

– Monsieur, je… commence le responsable de la sécurité.– Vous êtes viré, tranche froidement Joseph, en se levant. Dégagez d'ici ! Putain, je vais aller

chercher Banks chez elle s'il le faut, elle va s'expliquer !– Joseph, attends… tenté-je de le retenir.– Si c'est encore Max qui est derrière tout ça, je jure que je le plonge dans la cuve ! poursuit-il,

semblant perdre tout contrôle.

Le cœur battant, je tente de lui saisir le bras, mais Arnold qui entre précipitamment dans le centrede surveillance devient soudain le réceptacle de sa fureur.

– Vous avez trouvé quelque chose ?! lance-t-il, les yeux agrandis par l'angoisse derrière ses petiteslunettes rondes.

– Vous étiez au courant, hein !? rugit Joseph, effrayant, tant sa colère paraît sans limite.– Quoi ? Non !

Arnold recule, tétanisé.

– Camilla ! Sans doute envoyée par Max ! Voilà ce qu'on a trouvé !!

Stupéfaite, je crois un instant que Joseph va frapper Arnold, mais celui-ci fait preuve d'un courageque je n'aurais pas soupçonné.

– Camilla n'aurait jamais mis qui que ce soit en danger, j'en suis sûr, affirme-t-il, la voixvacillante, mais le regard franc.

– Ah oui ? Et comment vous expliquez ça, alors ? persifle Joseph, zoomant sur le plan de lachimiste en train de verser quelque chose dans la cuve.

Le visage d'Arnold semble se disloquer, tandis qu'il reconnaît sa petite amie sur les images detélésurveillance.

***

Après avoir confié la vidéosurveillance à Norman, arrivé en catastrophe, Joseph fonce dans le

couloir, sans un regard en arrière. Me doutant de ce qu'il a l'intention de faire, je lance un regarddésespéré au privé, qui hoche la tête avant de m'emboîter le pas, à la poursuite de son ami.

– Joseph ! l'appelle-t-il d'une voix de stentor.– Attends-nous ! fais-je à mon tour.

Arrivé à la hauteur de l'ascenseur, Joseph, forcé de marquer une pause, se tourne vers nous. Sesyeux me font le même effet que la neige carbonique : si froids qu'ils en deviennent brûlants.

– Je ne peux pas aller avec toi, il faut que je tire ça au clair, mais tu vas faire une connerie, là,commence Norman.

– C'est lui, je le sais. Il a failli tuer des gens, putain de merde ! gronde Joseph, secouant la tête.– Je sais, mais il nous faut des preuves, argumente Norman.– Ou des aveux, tranche alors Joseph, la voix sombre.

Un silence accueille sa sortie. Je comprends qu'il parle de Max, mais vu le résultat de leurdernière altercation, je redoute plus que tout une nouvelle confrontation entre les deux frères.

– J'y vais, déclare Joseph, sur le ton de l'évidence.

Rien ne le fera changer d'avis… Très bien.

– Alors moi aussi, déclaré-je d'un ton ferme, me dressant face à lui.– Tenez-moi au courant, Olivia, lâche Norman, à ma grande surprise.

Joseph tressaille, mais ne dit rien. C'est la première fois que Norman s'adresse à moi sans y avoirété invité par Joseph. Un échange de regards avec le détective ombrageux me fait sentir qu'il comptesur ma présence pour éviter tout dérapage de la part de son ami.

Message reçu.

***

Après nous être d'abord rendus au domicile de Max, nous voici au sein de FoolOfGoodFood, où ilse trouve apparemment. Je remercie le ciel pour ce contretemps, qui a permis à Joseph de se calmer.Un peu. Décidé à obtenir des aveux de la part de son frère, il n'a désormais plus l'intention del'étriper à mains nues.

Du moins, je l'espère.

Mais quand il aperçoit la haute stature de son frère, je le sens presser le pas, impatient d'endécoudre.

– Reste derrière moi, m'ordonne-t-il sans me regarder.– Je ne crois pas, non ! répliqué-je, en accélérant.

Si je peux éviter une catastrophe, je le ferai sans hésiter.

Sans cacher son agacement devant mon obstination, Joseph consent cependant à desserrer lespoings, à mon grand soulagement. Mais lorsque Max nous voit débouler vers lui, son visage perdtoutes couleurs, confirmant, s'il était nécessaire, qu'il n'a pas la conscience tranquille.

– Qu'est-ce que… commence-t-il, redressant les épaules dans une ultime tentative de paraître sûrde lui.

– Tu n'es pas seulement un malade, le coupe Joseph, d'une voix méprisante. Tu es à deux doigtsd'être un meurtrier !

Max ouvre la bouche, perdant toute contenance. Il cherche du regard un appui, un soutien, mais iln'y a que nous trois dans ce couloir désert. Ses yeux bleus vacillent, ses paupières clignentrapidement…

– J'ignore de quoi tu parles, commence-t-il d'un ton mal assuré, rajustant ses boutons de manchetted'un geste brusque. Tu affabules, une fois encore.

Joseph marche toujours vers lui, sans ralentir, le front buté, la mâchoire serrée.

– Deux femmes ont failli perdre la vie et l'une d'elles est toujours dans le coma, comment tu peuxencore te regarder en face ?

Cette fois, le saisissant à la gorge, il repousse Max contre le mur, serrant sa poigne d'un airfarouche. Max se débat, mais ses tentatives pour se libérer restent sans effet…

– Si je t'épargne, c'est par égard pour Alistair, rien de plus. C'est terminé, j'en ai fini de te trouverdes excuses. Tu es quelqu'un de nuisible avant d'être mon frère. Si Olivia avait compté au nombre desvictimes, je t'aurais tué. Tu comprends ce que je te dis ? ajoute-t-il d'une voix presque douce, encoreplus effrayante.

Max ferme les yeux, son visage prenant une teinte foncée. Il ne respire plus.

– Joseph… parvins-je à prononcer, d'une petite voix.

Semblant soudain revenir à la réalité, Joseph le lâche. Max s'effondre, tousse bruyamment, la mainautour de sa gorge qui porte la trace des doigts de son frère.

Mon Dieu…

Les bras légèrement écartés, la respiration courte, Joseph le toise, impitoyable, semblant attendreune réponse.

– J'ai…

Max peine à reprendre son souffle, le regard mangé par la peur.

– Je te conseille de ne pas nier, je ne crois pas que j'aurai la patience de t'écouter mentir une foisde plus, déclare Joseph, sans faire un seul geste. J'ai des images où on voit Camilla Banks saboter lacuve de Blessed Honey. Que lui as-tu promis ? C'est une question d'heures avant que je sache toutel'histoire… avec ou sans ta collaboration.

Le coup de bluff de Joseph, motivé par une profonde conviction, a un effet immédiat. Max lèvealors les yeux vers lui, livide.

– Tu aurais pu tuer des centaines de gens, affirme Joseph, glacial.– Mais je ne lui ai pas dit de faire ça ! gémit le frère de Joseph, toujours recroquevillé sur le sol.– Qu'est-ce que tu as encore fait ? tonne alors Joseph, impitoyable.– J'ai… Peter Dumsey m'a donné des infos compromettantes sur Camilla et, comme je n'avais plus

de quoi la payer, je lui ai… proposé un marché. Je gardais le silence si… elle sabotait la sortie de tanouvelle ligne, débite soudain Max, d'une voix affolée. Mais je pensais qu'elle allait simplementdétruire la production, pas l'empoisonner ou je ne sais quoi ! Je ne sais pas ce qu'elle a fait, je lejure !

– Tu ne pensais pas, tu ne sais pas, tu jures ? répète Joseph, cruel. Mais sans toi, Max, rien de toutça ne serait arrivé. Il ne te reste plus qu'à espérer que ta dernière victime sorte du coma.

– Oh, non, non, non… gémit alors son frère, se prenant la tête entre les mains.

2. Soupçons et convictions

Lorsque la police sort du domicile de Joseph, Camilla et Max sont toujours interrogés au poste.L'inspecteur chargé de l'enquête, un certain Daniel Chang, est un ancien collègue de Norman.

Ce qui ne l'a pas empêché de traiter Joseph comme un suspect potentiel, au départ…

Mais même si sa manière de lui poser les mêmes questions, formulées différemment, comme pourle prendre en défaut, m'a considérablement agacée, je sais qu'il ne faisait que son travail. Et de façonconsciencieuse.

Joseph me tend un verre de vin.

– Merci. Comment te sens-tu ?– J'ai connu pire, me répond-il laconiquement.

Sérieusement ?

Mon regard a dû être suffisamment expressif pour qu'il réalise ce qu'il vient de sous-entendre. Melâchant enfin un sourire un peu crispé, il hausse les épaules.

– J'aime autant avoir affaire à un enquêteur pointilleux qu'à quelqu'un de négligent, explique-t-il,pas franchement traumatisé.

– Oui, enfin, je ne vois pas quel intérêt tu aurais à saboter toi-même ton entreprise, à quelquesjours du lancement d'une ligne ! m'indigné-je.

– On ne sait jamais : un vice dans la production découvert récemment, l'espoir de récupérer mamise de départ en faisant jouer une assurance, la volonté de dissimuler des malversations, énumère-t-il tranquillement. Tu fais du droit, tu sais ce que les gens sont capables de faire.

– Les gens, oui, mais pas toi !

Ma réponse, vibrante, a le mérite de le faire sourire plus franchement, cette fois. Joseph me lanceun regard tendre, mais au même moment Norman se fait annoncer par le majordome.

– Alors ? lui demande sans attendre Joseph.– Max a raconté tout ce qu'il savait : ses échanges avec Peter Dumsey, la pression qu'il a mise sur

Camilla, raconte Norman, tout en retirant son blouson de cuir. Je crois pouvoir dire qu'il a réalisé queses actes ont eu de graves conséquences, cette fois.

– Il était temps ! m'écrié-je, furieuse.

Joseph hoche la tête, mais ne répond rien. Je me mords les lèvres : il s'agit de son frère, je ne doispas l'oublier… Il doit l'aimer tout autant qu'il le déteste, en cet instant. Mais le visage de Joseph nedévoile rien des pensées qui l'animent vis-à-vis de Max.

– Camilla Banks ? interroge-t-il froidement.– Quand je suis parti, elle était encore dans leurs locaux, mais ils ont dû suspendre

l'interrogatoire, elle est en état de choc.

En état de choc ? C'est un peu facile.

Je ne me reconnais plus. Je dois lutter en permanence pour ne pas penser à Tessa, si faible,étendue sur le sol… Et rien qu'à l'évocation des personnes responsables de son état, j'ai des enviesde justice expéditive.

Joseph ne fait aucun commentaire, attendant que Norman poursuive son récit. Celui-ci prend placesur un fauteuil, et Joseph qui se sert un verre de vin lui en propose également, ce qu'il refuse d'unsimple geste.

– Merci, ça ira. Je vais retourner au commissariat, explique le privé, impassible. Camilla Banks aconfirmé la version de Max : il lui a demandé de saboter la production de Blessed Honey contre sonsilence sur des informations compromettantes qu'il détient sur elle. Mais elle affirme qu'elle arenoncé à agir au dernier moment.

– Les images de la vidéosurveillance nous disent le contraire, commente Joseph d'une voix dure.– C'est lorsqu'on les lui a fait visionner qu'elle a perdu pied, poursuit Norman. Elle prétend qu'elle

avait initialement prévu de verser un produit sans danger, qui aurait rendu la crème impropre à lavente, mais elle aurait fui sans rien faire.

– C'est absurde, commenté-je. Elle a choisi sa ligne de défense et va plaider la folie, c'est tout !

Norman fait une moue sceptique.

– Peut-être… Elle a eu un doute en se voyant sur les images, puis a fait une crise d'hystérie, avantde s'évanouir et, quand je suis parti, elle était dans un état catatonique. Le médecin appelé sur placeexclut toute possibilité de simulation. Il est formel.

– Merde, fait simplement Joseph. Qu'en penses-tu ?– On risque de devoir chercher des réponses ailleurs. Si elle reste dans cet état, et c'est une

possibilité, elle sera envoyée en hôpital psychiatrique et, forcément, son témoignage…

Le ton désabusé qu'il emploie ne laisse aucun doute sur le poids qu'aura désormais la parole deCamilla. Nerveuse, je fais tourner mon vin dans mon verre, jusqu'à manquer de renverser le liquide.Agacée, je me lève, sans plus pouvoir rester en place.

– J'ai remis à Chang toutes mes notes sur Dumsey, on va creuser de ce côté-là, continue Norman.Pour le moment, il n'est pas dans la ligne de mire de la police, mais ils vont quand même chercher àl'interroger. Pour ma part, je pense que les fichiers vidéo ont été trafiqués.

– Quoi ?! s'exclame Joseph, plissant les yeux.– Ouais. J'ai contacté un vieil ami de la police scientifique pour lui demander de jeter un œil, on

en saura plus rapidement. Je ne néglige aucune piste, fait le privé, se remettant aussitôt debout. Jetrouve toujours, Joseph, tu le sais.

– Oui, ce qui m'inquiète, c'est quand tu vas trouver, répond simplement son ami, plantant ses yeuxturquoise dans les prunelles sombres du privé.

Norman hoche la tête et, sans ajouter un seul mot, enfile de nouveau son blouson et prend congé,imperturbable.

***

Après son départ, tandis que Joseph prend des nouvelles de Charlotte Dubois et de Lynn, notremaquilleuse et la petite amie de la top-modèle, par téléphone, je décide d'appeler Arnold. Je n'aimême pas le temps d'entendre la tonalité qu'il décroche.

– Olivia !

Sa voix, tremblante d'angoisse, m'émeut, même si pour le moment j'ai du mal à me sentircompatissante envers Camilla.

– Est-ce que tu as vu Camilla ? lui demandé-je, sans tourner autour du pot.– Oui. Elle est à la clinique Payne Whitney, c'est Max Keaton qui l'a fait conduire là-bas, il a dit

qu'il prenait tout en charge, mais ça ne sert à rien, elle est… Oh, merde, Olivia, elle est prostréecomme une enfant, répète en boucle que Peter sait tout, mais ne dit pas ce qu'il sait, c'est à devenirdingue ! débite-t-il à toute vitesse.

– Calme-toi…– J'ai pu la voir pendant le transport, mais depuis ils ont compris que je ne faisais pas partie de la

famille, ils ne me disent rien ! C'est pas possible que ce soit elle qui ait fait ça, je peux pas le croire.Je te le jure, reprend-il, la voix vibrante, elle ne peut pas avoir fait ça !

Je ne peux que garder le silence, ayant toujours en mémoire les images sur lesquelles Camillaverse bien une substance dans les cuves. Mais la voix de Norman résonne alors à mes oreilles : « Lesfichiers vidéo ont été trafiqués. » Prenant une grande inspiration, je ferme les yeux : la présomptiond'innocence.

Je ne peux pas me permettre d'oublier ce fondement de la justice parce que Tessa est unevictime.

– L'enquête va démêler tout ça, prononcé-je d'une voix que j'espère calme. Si tu apprends quelquechose, tu m'appelles et je fais pareil, OK ?

– OK… Olivia ?– Oui ?– Merci…

Je raccroche sans un mot. Pour le moment, c'est tout ce que je suis capable de faire. Au mêmeinstant, Joseph revient dans la pièce.

– Comment va Charlotte ?– Elle est sortie d'affaires, mais son visage est encore marqué.– Merde.– J'ai fait en sorte qu'elle reçoive les meilleurs soins, je fais venir le spécialiste de la chirurgie

réparatrice dès demain matin, ajoute-t-il machinalement.– Oh. Elle risque… de porter plainte, tu crois ? demandé-je, par réflexe.– Non, je pense qu'elle ne veut pas nuire à Lynn, me confie Joseph.

***

Nous passons une soirée étrange… Ni l'un ni l'autre n'aborde le sujet du sabotage, comme si nousavions décidé de nous accorder une trêve de quelques heures, avant de replonger dans la tempête.Blottie contre lui sur le sofa, mes doigts emmêlés aux siens, je regarde le feu crépiter dans lacheminée, l'air absent. À mes côtés, il fait tournoyer un whisky hors d'âge dans un verre en cristal, ytrempant de temps à autre ses lèvres, sans paraître réellement en apprécier la saveur.

– Monsieur ? nous interrompt soudain une voix masculine.– Oui ?

Tournant la tête, nous apercevons alors son majordome, l'air ennuyé. Visiblement, il vient nousdéranger à contrecœur.

– Votre frère est ici.

Immédiatement, je sens le corps de Joseph se tendre.

– Il dit vouloir vous présenter ses excuses, uniquement. Il m'a dit de vous répéter ces simplesmots, poursuit le majordome, mal à l'aise. « Je veux simplement lui présenter mes excuses. »

L'humilité de la demande me surprend. Je le revois, la tête dans les mains, prenant conscience deson méfait. Il est vrai aussi qu'il s'est lui-même livré à la police et, d'après Arnold, il a égalementpris en charge les soins de Camilla.

Peut-être est-il enfin décidé à faire amende honorable…

– Qu'il aille au diable, répond Joseph, détournant les yeux.– Peut-être qu'il… fais-je, hésitante.

Mais il me cloue sur place, les yeux brûlant d'une rage impossible à éteindre.

– Si je le vois, je ne pourrai pas me maîtriser, murmure-t-il entre ses dents.

J'accueille sa réponse par un silence, comprenant son refus. Mais j'ai peur que cela ne ravive lesanciennes rancunes des deux frères ennemis. De plus, la juriste en moi se réveille, pragmatique : pourles besoins de l'enquête, il vaut mieux que Max reste dans de bonnes dispositions.

– Je vais aller lui expliquer, me décidé-je.– Non. Je ne veux pas que tu l'approches, fait Joseph d'un ton sans appel.– Joseph, s'il est décidé à présenter des excuses et se confesser, c'est le moment ou jamais de l'y

encourager, tu ne crois pas ? dis-je franchement, le regard droit. Je sais ce que je fais.

Je vois dans les yeux turquoise la volonté de Joseph vaciller.

Fais-moi confiance, Joseph.

Enfin, après un silence, il soupire.

– Je n'arriverai pas à te faire céder, murmure-t-il, sans que je puisse deviner s'il est déçu ouadmiratif.

– Je reviens.

Juste devant l'ascenseur qui s'est refermé, Max se tient debout, les épaules courbées, commeployant sous un poids trop lourd. Lorsqu'il me voit arriver, précédée du majordome qui ne me quittepas, il serre les lèvres, comprenant que son frère ne viendra pas.

– Je viens présenter mes excuses à mon frère. Et à vous, aussi ! ajoute-t-il précipitamment.

Cet homme, que j'ai toujours vu inflexible, colérique et sûr de lui, n'est plus que l'ombre de lui-même. Il a pris dix ans… Sa ride du lion semble désormais incrustée dans son front, ses yeux bleussont enfoncés, soulignés par des cernes sombres et, pour la première fois, je remarque que sescheveux blonds sont striés d'acier.

Quand je pense que j'ai trouvé que Joseph et lui se ressemblaient…

– Je lui transmettrai. Quant à moi, il me faudra un peu de temps, je pense, lui dis-je, honnête.– Je comprends. Je ne sais pas moi-même si je pourrai me pardonner un jour, murmure-t-il. J'ai

appris que Tessa…

Je tressaille, aussitôt sur la défensive. Mais lorsque Max relève les yeux vers moi, je suisbouleversée. Il est au bord des larmes, mais ne semble pas s'en rendre compte.

– Elle m'a compris comme personne d'autre ne m'a compris depuis des années, et maintenant, parma faute… Comment va-t-elle ? Je vous en prie, dites-le-moi !

Sa voix suppliante se brise. J'esquisse un mouvement vers lui, puis me reprends.

– Elle se remettra, mais elle aurait pu mourir. Vous lui avez fait courir un risque énorme et… Tessaest la plus gentille personne que je connaisse, ajouté-je, sentant moi aussi mes larmes se mettre àcouler.

– Je suis désolé… Je suis désolé…

Nous voilà à deux mètres l'un de l'autre, en train de verser des larmes sur Tessa, devant lemajordome ébahi.

– J'aimerais m'excuser auprès d'elle, la voir… simplement la voir, Olivia, me supplie alors Max,pitoyable.

Rapidement, j'examine la situation sous tous les angles. D'un côté, je n'ai aucune envie qu'ilapproche de nouveau Tessa, mais d'un autre côté, que voudrait mon amie ? Est-ce que ça ne lui feraitpas du bien de savoir qu'enfin ce type reconnaît qu'il a mal agi envers elle ? De savoir qu'il pleure àcause de ce qu'il lui a fait ?

Ne vaut-il pas mieux qu'il accomplisse cette démarche sous ma surveillance, plutôt que d'essayerde le faire, coûte que coûte, à un moment où Tessa sera seule et vulnérable ? Ma décision est prise :je vais le conduire auprès de Tessa, le temps qu'il lui présente ses excuses, puis je le mettrai moi-même dehors, s'il le faut.

***

Cette fois, ça n'a pas été facile de convaincre Joseph, mais j'y suis arrivée. À la condition queNorman me serve de chaperon.

J'ai eu beau protester, argumenter que son ami serait plus utile sur le terrain, à enquêter plutôt qu'àjouer les baby-sitters à mes côtés, Joseph est resté ferme. Et sa manière de me traiter de tête de mulen'avait rien de tendre… J'ai donc fini par accepter, par avance mortifiée de devoir imposer cettedémarche au privé, dont la carrure évoque davantage le tueur à gages que la nounou… Maisapparemment, je suis la seule que la situation dérange, puisque ce dernier n'a fait aucun commentaire.

Finalement, ça me rassure plutôt, de l'avoir à mes côtés.

S'adossant au mur, près de la porte de la chambre, Norman se met à consulter son Smartphone,sans dire un mot. Je frappe deux coups et tourne la poignée, suivie de près par un Max fébrile.

Lorsque Tessa nous voit entrer, elle écarquille les yeux, sans comprendre. Son beau regard va deMax à moi, incrédule. Ce dernier fait un pas vers elle, mais mon amie pince aussitôt la bouche,remontant machinalement les draps sur sa poitrine. Je lève un bras protecteur. Max se fige et resteimmobile, semblant chercher ses mots.

– Je comprends que tu m'en veuilles, Tessa, commence-t-il, hésitant.

Mon amie le fusille du regard, sans rien dire.

– Tu as mal ? demande maladroitement Max.– À ton avis ? rétorque Tessa, cinglante.– Je suis désolé, je suis désolé, je ne voulais pas, s'effondre-t-il alors, une fois de plus. Je n'ai pas

voulu ça, je ne pensais pas qu'elle ferait ça, moi, je voulais juste que la crème ne sorte pas sur le

marché, mais jamais de la vie, jamais de la vie, je n'ai… voulu ça !

Merde.

Sous mes yeux, Tessa se décompose, au fur et à mesure qu'elle comprend que Max est en train deconfesser sa responsabilité.

– C'est toi qui m'as fait ça ? Ça aussi ? hurle-t-elle soudain, se redressant sur son lit.– Tessa, tenté-je, en m'approchant. Attends…– Mais t'es une pourriture ! Un malade ! Il faut t'enfermer, sans déconner ! Dégage de là, salaud !

Tessa est hystérique, je ne l'ai jamais vue comme ça. La porte s'ouvre en grand, Norman bondit,attrape Max, tétanisé par l'attaque furieuse de mon amie, et le sort de la pièce. Son intervention n'aurapas duré deux secondes.

Quant à moi, je me précipite vers Tessa, dont le regard se remplit de larmes.

– Des excuses, mon cul, oui ! Il est malade, ce type, putain ! Pourquoi pas du vitriol dans la face,aussi, tant qu'il y est !

– Calme-toi, s'il te plaît. Je vais tout t'expliquer, fais-je, navrée de voir que la situation m'atotalement échappé.

3. L'horizon s'éclaircit

Il ne reste plus une seule place assise dans la grande salle de conférences de Butler Incorporation.La dernière fois qu'une réunion du personnel y a eu lieu, c'était pour présenter les deux lignes deprestige Honey. Aujourd'hui, l'ambiance n'est pas à l'excitation et à l'impatience : les visages sonttirés, les discussions se font à voix basse et l'atmosphère est lourde.

Je m'adosse au mur du fond, cherchant des yeux mes collègues de l'équipe junior. Si je suis un peuen retard, c'est parce que j'ai assisté à la réunion préparatoire de cette déclaration officielle auxemployés. Joseph tient à m'avoir à ses côtés sous le prétexte de m'inclure dans le processus degestion de crise.

Mais c'est aussi pour s'assurer que je ne cours aucun risque.

Depuis qu'il sait que j'ai failli être moi aussi victime du sabotage, il est encore plus protecteurqu'auparavant, mais utilise mille et un subterfuges pour me garder près de lui sans risque que je m'enagace. À vrai dire, sa manière attentionnée de me protéger m'attendrit bien davantage qu'elle nem'irrite. D'autant qu'avec tous les récents rebondissements, j'apprécie particulièrement son soutien.

Hier, quand je suis rentrée de la clinique, après avoir calmé Tessa en lui expliquant quel rôle avaitexactement joué Max dans le sabotage, me réfugier dans les bras de Joseph était bien la seule chosecapable de m'apaiser.

Soudain, l'équipe dirigeante fait son apparition, provoquant instantanément un silence de plombdans l'amphithéâtre. Tous ont le visage fermé. Agatha, entièrement vêtue de noir pour l'occasion,affiche une mine sévère, les épaules droites, les lèvres pincées. Joseph, quant à lui, porte un costumesombre, mais son visage me paraît presque détendu, malgré une expression grave. Il s'installe cettefois au centre de son équipe. Il tient à annoncer lui-même l'étendue des dégâts et les décisions qui endécoulent.

– Bien, nous allons commencer sans attendre, inutile de faire durer le suspense, commence-t-il,d'un ton sérieux, mais calme.

Devant moi, les employés tendent le cou, attentifs. La voix de Joseph, amplifiée par le systèmeaudio, est assurée. Aucune hésitation ne transparaît. Son regard est direct, franc. Toute son attitudeindique que la situation est sous contrôle.

– D'abord, je tiens à vous remercier tous de votre réactivité et de votre calme, poursuit-il. Nousvenons de subir, pour la première fois depuis la création de Butler Incorporation, une tentative desabotage.

Un brouhaha stupéfait se fait aussitôt entendre. Joseph attend quelques secondes, puis reprend.

Aussitôt, le silence se refait.

– Une enquête est en cours, je ne peux vous donner aucun détail supplémentaire pour le moment,déclare-t-il d'une voix ferme. Deux personnes ont subi une réaction allergique violente à un produittoxique introduit dans la composition de Blessed Honey. Je me charge personnellement de m'assurerque ces deux personnes reçoivent les meilleurs soins… et un dédommagement à la hauteur dupréjudice subi, même si je me doute bien que rien ne pourra leur faire oublier ce qu'elles viennent detraverser. En tant que président de Butler Incorporation, j'assume personnellement la responsabilitéde ce qui vient de se passer. Il y a eu une faille dans notre système de sécurité, je ferai en sorte que çan'arrive plus. Jamais.

Sa voix s'est durcie. Je sais qu'il se considère sincèrement comme responsable de ce qui est arrivéà Tessa et à Charlotte Dubois. Son inquiétude pour elles n'est pas feinte, mais il est égalementresponsable de tous ses employés et doit donc veiller à ce que son groupe industriel ne subisse pasde contrecoup économique.

– Afin d'évaluer l'étendue des dégâts, reprend-il, nous avons immédiatement engagé un laboratoireindépendant pour procéder à des analyses, qui ont confirmé les résultats obtenus par la policescientifique : une seule cuve de crème a été contaminée.

Joseph soupire soudain.

– Cette cuve était celle qui a servi à produire le lot destiné à la distribution interne…

Même si tous savaient déjà que plus de personnes auraient pu être touchées, un frisson sembleparcourir les échines.

– Dorénavant, avant chaque distribution, un contrôle supplémentaire sera effectué sur deséchantillons prélevés dans les pots déjà confectionnés. Ce qui vient de se passer n'arrivera plusjamais, je vous le garantis, tonne-t-il, la voix vibrante de colère rentrée. Par ailleurs, il va de soi quele contenu de cette cuve a été entièrement détruit, la cuve sera elle-même démontée et remplacée,pour ne prendre aucun risque.

À ses côtés, Agatha promène ses yeux gris-bleu sur l'assistance, comme pour jauger de leursréactions. Certains prennent des notes, d'autres froncent les sourcils. Tous écoutent religieusement. Lecalme des employés contraste avec l'effervescence habituelle qui agite le personnel de ButlerIncorporation.

– Agatha Bayard, notre directrice générale, fera parvenir à chacun d'entre vous les nouvellesprocédures de sécurité qui sont d'ores et déjà mises en place. Si vous avez une question, unesuggestion, n'hésitez pas à nous en faire part. Nous sommes une équipe et nous agirons toujourscomme telle, ajoute alors Joseph, faisant hocher quelques têtes. Dans cette perspective et afin depréserver au mieux la réputation de notre marque, je vous demanderai à toutes et à tous de garder laplus extrême discrétion sur les récents événements, tout comme vous avez toujours su le faire àpropos de chacune des créations.

De nouveau, un brouhaha s'élève. Joseph attend patiemment que ces dernières informations soientassimilées pour reprendre.

– J'ai toutefois une bonne nouvelle à vous annoncer : le lancement de la ligne commercialisableaura bien lieu. Nous mettons Blessed Honey sur le marché à la date prévue. On a voulu nousdétruire… Il n'en sera rien !

Dans l'amphithéâtre, le soulagement est perceptible. Tous ici, en plus d'avoir été effrayés par lesconséquences spectaculaires du sabotage, ont craint une catastrophe économique, et Joseph vient deleur annoncer qu'il n'en sera rien. Il passe ensuite la parole à Agatha, qui explique à l'ensemble desemployés le planning des prochains jours.

***

– Olivia !

Je me retourne et vois Britney, qui se fraye un chemin à travers la foule des employés, à la sortiede la salle de conférences.

– La responsable du pôle communication m'a conviée à la réunion de crise. Tu en es aussi, jecrois, non ? fait-elle à mi-voix, une fois à ma hauteur.

– Oui, je suis tout le dossier, me justifié-je maladroitement.– On y va ensemble ? Ce sera ma première réunion d'envergure, je suis hyper excitée, me confie-t-

elle, avant de se reprendre. Pardon, bien sûr, je suis désolée de ce qui se passe, hein ! C'est justeque…

– C'est l'occasion pour des juniors de se confronter à une situation de crise, murmuré-je en laregardant dans les yeux.

Je lis le soulagement sur son visage.

– Oui… Mais c'est atroce, on est vraiment passés à côté d'une catastrophe, soupire-t-elle, tandisque nous nous dirigeons vers une autre salle de réunions, plus petite.

***

– Pour résumer, le risque de fuite dans la presse est énorme et porterait un préjudice sévère ànotre marque, conclut Agatha, après un exposé concis de la situation. Je ne parle pas seulement de lasortie des lignes Honey, mais de tous nos autres produits.

– Nous avons donc décidé d'anticiper cette éventualité, enchaîne Joseph. Nous devons être prêts.Un scandale public serait une catastrophe financière et humaine. Nous devons à tout prix éviter ça.

Le ton est dur, la voix ferme. Autour de la table, nous ne sommes qu'une dizaine : outre leprésident et la directrice générale, sont présents le responsable financier, l'équipe de communication

au complet, les avocats du groupe, Britney et moi…

Pendant vingt bonnes minutes, les suggestions fusent : campagne de communication à dégainer encas de fuite, rédaction de communiqués de presse pour réagir sans délais, élaboration de stratégiesjuridiques pour verrouiller au maximum les risques de dérapages, tout est examiné.

Je prends fébrilement des notes, mais remarque soudain que Britney tapote son calepin avec sonstylo, les sourcils froncés. D'un léger coup de coude, j'attire son attention et lui lance un regardinterrogateur. Concentrée, elle écrit rapidement quelque chose sur son calepin, qu'elle tourne ensuitevers moi.

« J'ai une idée. »

– Ben, vas-y, murmuré-je, pour l'encourager.

Elle secoue la tête, l'air un peu paniqué.

– On est là pour ça, je t'assure, fais-je, toujours en chuchotant.

Si je sais que Joseph appréciera toute initiative, même s'il rejette son idée, Britney est tropimpressionnée pour oser prendre la parole. Je lui prends son calepin des mains pour y écrire à montour.

« C'est quoi, ton idée ? »

« Demander à tous les employés de se porter garants de la marque, de parler de leur confianceenvers Butler Incorporation. »

Je lis la réponse et me mets à sourire.

– Je crois que Britney a une idée intéressante, fais-je alors, à voix haute.

À côté de moi, j'entends le hoquet de surprise de ma collègue junior.

Elle doit me maudire. Mais ça ne durera pas.

Joseph fronce les sourcils et hoche la tête, puis pose ses yeux turquoise sur Britney, qui devientrouge brique.

– Allez-y, nous vous écoutons, l'encourage-t-il sans perdre de temps.

Tous les regards se tournent vers ma collègue, intrigués. Celle-ci, le visage rouge incandescent,toussote et prend la parole, la voix étranglée par le trac.

– Je… Hum… Pardon… Vous le savez, je suis junior ici et… c'est la première fois que je suisconfrontée à une telle situation de crise, alors je m'excuse par avance si ma proposition n'est pas

pertinente, commence-t-elle, n'osant pas démarrer.– Vous n'avez rien à perdre que quelques secondes et Butler Incorporation pourra s'en remettre,

l'interrompt Joseph, tentant de dédramatiser la situation.

Britney tente de sourire, puis reprend.

– Merci. Voilà, pendant la réunion, j'ai été frappée par l'attitude des employés, commence-t-elle,faisant froncer quelques sourcils. Autour de moi, tout le monde semblait prendre le sabotage commeun affront personnel. Les gens étaient inquiets pour eux, bien sûr, mais aussi pour la structure ButlerIncorporation.

Joseph plisse les yeux, visiblement intéressé par ce qu'elle dit. Agatha conserve un air impassible,mais reste attentive.

– L'esprit de groupe est évident : les employés de Butler Incorporation aiment travailler ici et sontfiers de la marque qu'ils représentent, alors voilà mon idée : pourquoi ne pas leur demander d'en êtreles ambassadeurs ? fait-elle d'un seul coup, retrouvant son habileté oratoire.

– Développez, fait simplement Joseph.– On pourrait préparer une sorte de campagne de publicité, avec les visages des employés et leurs

propres mots par rapport à ce qu'ils pensent ou ressentent, à leur confiance envers nos produits…– Un peu comme ce que fait une marque comme American Apparel, fait songeusement sa

responsable.– Exactement ! renchérit Britney, soulagée de voir que sa hiérarchie la suit. Mais en plus

participatif : on ne se contente pas d'utiliser leur image, on leur donne la parole !– Comme les couturières des grandes maisons, passionnées par les créations des grands couturiers

qu'elles doivent fabriquer dans les ateliers, enchaîne Agatha, l'air approbateur. Quelque chose quireste glamour, impérativement.

– Mais qui dévoile éventuellement nos coulisses, dans un esprit de transparence, ajoute Joseph, unfin sourire aux lèvres. Excellent, Mlle Garfield.

Je souris, contente pour ma collègue… et pour Butler Incorporation ! À mes côtés, je sens Britneyse détendre d'un seul coup. Je griffonne à la va-vite un petit mot que je lui tends, pendant que Josephdemande à l'équipe de communication de réfléchir à cette idée et de lui présenter un projet pour la finde journée.

« Bravo ! »

– J'ai cru mourir de trouille, me souffle-t-elle.– Tu t'en es super bien tirée, fais-je sur le même ton.

***

Les réunions de crise se sont succédé, mais en début de soirée, quand Joseph me fait appeler dansson bureau, il m'annonce avec le sourire qu'un plan d'action a déjà été validé. Tous les services

savent ce qu'ils ont à faire, l'effervescence est de retour !

– Et l'idée de Britney ? demandé-je, intriguée.– Nous démarrons le tournage des vidéos dès que possible. Nous les sortirons uniquement en cas

de fuite dans la presse, mais si tous les employés sont impliqués, je pense que ça réduitdrastiquement le risque de voir cette histoire de sabotage se retrouver à la une des journaux. Nosproduits sont bons, nos équipes le savent. Bien sûr, on n'est jamais à l'abri, mais juste avant lesventes de Noël, qui génèrent des primes pour chaque service, personne n'ira se tirer une balle dans lepied, conclut-il, l'air sûr de lui.

– Sinon, au service juridique…– Assez parlé boulot, me coupe Joseph, tout en m'attrapant par la taille. Ces derniers temps, nous

avons trop parlé travail et pas assez…

Je souris, tandis qu'il se penche vers moi pour m'embrasser. Après ces journées complètementfolles, le sabotage, Tessa à l'hôpital, Max, la gestion de crise, ce moment de sensualité inattendu mebouleverse totalement.

Depuis plusieurs jours, chaque fois que je tourne les yeux vers Joseph, que je regarde son beauvisage viril, son corps parfait… je tente d'oublier que le moindre de ses gestes, à la fois souples etvolontaires, me remue jusqu'au fond du ventre.

Il me semble que depuis une éternité, je me suis empêchée d'avoir la moindre pensée charnellepour pouvoir affronter les épreuves. Mais là, entre ses bras, contre lui, c'est comme si un barragecédait… Tous mes sens sont en alerte et je réponds à son baiser avec fougue.

Nos langues s'emmêlent, je goûte la saveur de ses lèvres, avec avidité, mes mains fourrageantdans ses cheveux si doux… Je joue avec le col de sa chemise, cherche la peau sous l'étoffe, me collecontre son bassin…

Un gémissement grave monte du fond de sa gorge, qui me fait comprendre qu'il est dans le mêmeétat de manque que moi. Quand nos lèvres se séparent, la fièvre qui brûle au fond de ses yeux nelaisse planer aucun doute sur les pensées qui l'animent. Je souris, repensant à cette fois où nousavions fait l'amour dans ce même bureau, presque sauvagement.

– Qu'est-ce qui te fait sourire ? me demande Joseph, intrigué.– Je repense à ici… Tu sais, quoi, fais-je en jetant un œil à son grand bureau gris.– Cette fois, j'ai mieux à te proposer, me fait-il avec un sourire charmeur.

Oh, cette fossette, ce regard… Je craque !

– Je t'emmène au New York Palace, pour une détente absolue, m'annonce-t-il, caressant doucementma lèvre inférieure de son pouce.

– Pourquoi là-bas ? demandé-je, fermant les yeux, troublée par sa caresse obsédante.– Le service y est impeccable, répond-il. Et surtout, personne ne sait que nous y serons, on ne sera

pas dérangés.

Et du coup, il me saura à l'abri.

Mais avant que je puisse aborder le volet « sécurité », Joseph me prend au dépourvu en déposantun léger coup de langue sur ma lèvre supérieure. Je gémis, sans force, un frisson d'excitation meparcourant de la nuque jusqu'au creux des reins.

– Alors, allons-y avant que je ne t'arrache tous tes vêtements, murmuré-je avec fièvre.

Joseph lâche un petit rire et m'éloigne doucement de lui.

– C'est une expérience qui pourrait me tenter, fait-il, joueur. J'ai bien envie de me laisser faire.– Des promesses, toujours des promesses, rétorqué-je, essayant de reprendre mes esprits.

D'un geste vif, il empoigne sans façon mes fesses pour plaquer mon bassin contre sa virilitédurcie. Je pousse un léger cri de surprise… et de désir.

– Va chercher tes affaires, m'ordonne-t-il d'une voix rauque. J'ai trop envie de toi, mais j'ai enviede prendre le temps pour te faire l'amour…

Les jambes chancelantes, je sors de son bureau, les joues rouges et les reins en feu.

Quand nous nous engouffrons enfin dans sa Rolls, c'est le souffle court et les nerfs en feu que nousnous étreignons, agacés de ces minuscules contretemps qui nous ont empêchés de nous retrouver seulsplus tôt !

– J'ai réservé la suite Champagne, murmure Joseph, me mordillant le lobe de l'oreille.– Aucune idée de ce que c'est, mais pourvu que tu y sois avec moi, ce sera parfait, réponds-je dans

un souffle, un éclair de plaisir courant sur ma peau.

***

Un majordome en tenue nous ouvre la fameuse suite, et mes jambes, déjà flageolantes après letrajet plutôt… torride, manquent de se dérober sous moi. Un sourire de ravissement me monte auxlèvres sans que je puisse rien y faire. Située dans une des tours du palace, la suite Champagne est ununivers d'élégance luxueuse comme j'en ai rarement vu. Le salon offre une vue imprenable surManhattan, dont nous pouvons aussi profiter depuis la terrasse aménagée sur laquelle nous pouvonsaccéder par d'immenses baies vitrées. Partout, des matériaux précieux aux couleurs subtiles rappelantévidemment la robe du vin précieux. Les lignes sont épurées, sobres, mais chaleureuses. L'équilibreest parfait entre modernité et classicisme. Partout où le regard se porte, ce n'est que luxe, harmonie etraffinement.

Après quelques secondes, je me tourne vers Joseph, qui sourit lui aussi, visiblement content de maréaction.

– Ce n'est pas un peu grand pour une seule soirée ? demandé-je, presque amusée par sa démesure.– Une soirée et une nuit, précise Joseph, tandis que le majordome s'éclipse.

Cette perspective me fait frissonner.

– Écoute, me demande alors Joseph, en se rapprochant de moi.– Je n'entends rien, murmuré-je, levant le visage vers lui, tandis qu'il empoigne ma taille.– Non. En effet. Pas de téléphone, pas de réunion, personne d'autre que toi et moi, me dit-il

sérieusement, posant ses lèvres sur les miennes.

Je lui rends son baiser avec fougue, les yeux fermés. Sa phrase résonne dans ma tête et, en effet,plus rien d'autre n'existe que lui, moi contre lui, ses mains qui lentement me déshabillent et lesmiennes qui se glissent sous sa chemise de grand couturier.

Pressée de sentir enfin son corps nu contre le mien, mes gestes se font plus impérieux, plusfébriles. J'abandonne mes escarpins sur le sol, tout en m'attaquant à la ceinture de son pantalon.Comme je l'en ai menacé un peu plus tôt, je suis à deux doigts de lui arracher ses vêtements !

Mais avec le même sourire amusé, ses yeux turquoise brûlant d'une fièvre que je connais biendésormais, Joseph me saisit les poignets avec douceur, mais fermeté.

– Surtout, nous avons tout notre temps, ajoute-t-il, plongeant son regard translucide dans mes yeux.

La respiration haletante, je dois faire un effort pour me maîtriser. Rien que le contact de ses doigtsrefermés autour de mes poignets m'excite. J'ai envie qu'il me relève les mains au-dessus de la tête,qu'il me plaque contre le mur et me prenne, à la hussarde. Mon corps tout entier, après les jours quenous venons de traverser, réagit comme si nous n'avions que quelques minutes pour nous.

Je ferme les yeux et soupire, sans plus oser faire un seul geste. Lentement, Joseph desserre sonétreinte, puis pose mes mains sur son torse, tandis qu'il poursuit mon effeuillage.

Je me cale alors sur son rythme pour détacher un à un les boutons de sa chemise, que j'entrouvrelentement. Ma robe glisse sur le sol, accompagnée par les doigts de Joseph, qui effleurent doucementma peau déjà frémissante.

J'ouvre les yeux au moment exact où mes mains se posent sur le poitrail nu de Joseph. Nouséchangeons un regard mêlé de douceur et de fièvre… Heureux de nous retrouver enfin, mais encoremarqués l'un comme l'autre par les récentes épreuves.

Joseph me sourit, la respiration déjà plus rapide. Sa fossette creuse sa joue gauche, lui donnant cetair à la fois amusé et vulnérable qui me fait fondre à tous les coups. Une mèche de cheveux blondstombe sur ses yeux clairs…

Je ne peux pas résister.

Je me hisse sur la pointe des pieds et l'embrasse à pleine bouche. Je tente de museler monimpatience, mais le contact sensuel de ses lèvres, puis de sa langue, me fait gémir de désir…

Soudain, ses bras me soulèvent et il m'emporte, sans cesser de m'embrasser. Je me cramponne à sanuque, chavirée de me sentir presque nue contre sa peau tiède. Je respire son parfum à pleinspoumons, éprouve la dureté de ses muscles, la douceur de sa peau…

Au creux de mes reins, c'est un torrent brûlant qui déferle jusqu'entre mes jambes. Je sens moncorps réagir, mes seins se dresser, mon ventre se faire accueillant.

Quand il me dépose précautionneusement sur le lit immense de la chambre, je refuse de le lâcher,lui arrachant un rire joyeux qui me fait autant de bien qu'à lui. Agrippée à ses épaules musclées detoute la force de mes bras, je l'attire sur moi, refusant qu'il se relève ou pense seulement à s'éloigner.

– Reste contre moi, lui demandé-je d'un ton que j'espère convaincant. Jusqu'à demain matin,j'aimerais qu'on reste… comme ça.

Pour donner plus de poids à ma supplique, je noue mes jambes autour de sa taille étroite, dans unetentative pour l'immobiliser définitivement. Riant de bon cœur et bien qu'il puisse se dégager d'unseul mouvement, Joseph m'enlace et se couche sur moi, pour mon plus grand bonheur.

– Comment résister ? fait-il dans mon cou, qu'il mordille jusqu'à ce que je pousse un léger cri.

Le poids de son corps sur le mien m'apaise… J'embrasse ses épaules, caresse son dos musclé,relâchant peu à peu mon étreinte. D’un geste rapide, il dégrafe mon soutien-gorge et le remonte, pourembrasser mes seins.

Je me cambre, surprise par la sensation délicieuse de ses lèvres qui jouent avec mes tétons, lessaisissent délicatement, puis plus fermement, tout en faisant aller et venir sa langue sur leur pointedéjà érigée.

Je continue de promener mes mains sur sa peau, presque inconsciemment. J'ai besoin de sentir soncorps, sa chaleur, sa présence… La ligne bombée de ses biceps, la dureté minérale de ses fesses, lesmuscles qui roulent dans son dos, sa nuque, ses cheveux si doux, de nouveau ses épaules… Je ne m'enlasse pas.

Joseph embrasse maintenant mon ventre, puis mes hanches. Je me tortille, cherche à le rattraper,mais il m'échappe.

– Attends ! supplié-je dans un souffle.– J'attends, fait-il aussitôt, un sourcil levé.– On n'est pas à égalité, fais-je alors, désignant d'un geste son pantalon, déjà déformé par son

érection.

De nouveau, ce sourire irrésistible. Inclinant la tête, Joseph se lève et, les yeux plantés dans les

miens, entreprend de retirer son pantalon, debout devant moi. Hypnotisée, je m'assieds sur le lit pourmieux profiter du spectacle.

Ses cuisses musclées, dorées, apparaissent. Le caleçon qui ne cache plus grand-chose de savirilité triomphante m'arrache un soupir. Joueur, il me défie du regard, sûr de lui. Je dois me souvenirde fermer la bouche devant sa beauté incroyable…

Quand il se penche vers moi, je crois qu'il va me rejoindre sur le lit, mais il m'attrape par leschevilles et m'attire à lui d'un geste rapide. Je pousse un cri de surprise et avant que j'aie pucomprendre ce qui m'arrive il fait glisser ma culotte le long de mes jambes.

– J'ai envie de toi, gémis-je, exaspérée par l'attente.– Moi aussi… J'ai envie de toi depuis des heures, des jours, j'ai envie de toi en permanence,

Olivia, c'est à devenir dingue, souffle-t-il en s'avançant vers moi.– Viens, viens !

Je me jette littéralement sur sa bouche, le mords presque. Il me répond avec la même fougue, retireson caleçon d'un mouvement souple, presse son corps contre le mien. Je gémis. Mes nerfs crépitent,ma peau contre la sienne semble recevoir des décharges électriques… Il me semble qu'il y a uneéternité que nous n'avons pas fait l'amour ensemble, chaque cellule de mon corps hurle son manquede lui.

Ses mains se promènent sur moi, plongent dans mes cheveux, caressent mon visage, empoignentmes seins, pétrissent mes épaules, descendent sur ma taille… Je me cambre, m'offre, cherche cecontact, sans cesser de jouer avec sa langue. De la gorge de Joseph monte un gémissement rauque.

– Olivia… soupire-t-il, les yeux fermés.

Mon prénom, prononcé de cette manière, ne m'a jamais paru plus sexy. Excitée par nos caresses,je décide de mettre fin à mon supplice et entreprends de l'embrasser sur le torse, le guidantdoucement jusqu'à ce qu'il se couche sur le dos.

Avide de sa peau, je l'embrasse, goûte la saveur légèrement salée de sa peau, jusqu'à descendrejusqu'à son sexe que je parcours lentement de la pointe de la langue. De nouveau, Joseph gémit etj'aperçois, du coin de l’œil, son poing se serrer, comme s'il tentait de garder le contrôle, sansvraiment y parvenir. Encouragée, j'ouvre la bouche et l'avale, avec douceur, plaisir et attention… Ilretient son souffle jusqu'au moment où, vaincu par mes caresses, il lâche un léger cri, qui me faittressaillir d'excitation. Je continue mon va-et-vient, attentive à la moindre palpitation de sa chair, àses soupirs et aux tressaillements de ses muscles qui se crispent.

Mais d'un seul coup, je sens sa main qui cherche mon contact.

– Olivia ? fait-il d'une voix essoufflée.

Je comprends qu'il est près de jouir et décide de ne pas m'arrêter là. J'ai envie de le sentir perdre

pied, de le savourer jusqu'au bout.

De le sentir à ma merci.

Mais alors que je poursuis mes jeux de bouche, Joseph gémit une nouvelle fois, puis se redressebrusquement. Surprise, je m'interromps, levant vers lui un regard interrogatif.

Il est tellement beau !

Les yeux brillants du plaisir que je viens de lui donner, il me regarde, le souffle court, les cheveuxfoncés par la sueur. La beauté virile d'un homme qui accepte de s'abandonner pour moi.

– Si tu continues, je vais… commence-t-il, sourcils froncés.

Je me penche pour l'embrasser, sans cesser de caresser son sexe qui tressaille de plus en plusfort… Puis, rapidement, je m'installe sur lui et, d'un geste sûr, le guide en moi, lentement. Le soufflecoupé, Joseph ferme les yeux et empoigne mes hanches. Son bassin se tend pour venir à ma rencontre.Je crie de plaisir.

La sensation de nos deux corps imbriqués me fait trembler des pieds à la tête, il me semble que jeprends feu, d'un seul coup. Fermement, ses deux mains sur mes hanches m'imposent un rythme lent,délicieux…

J'ondule sur lui, prenant appui sur son torse musclé, tendu. Entre mes reins, le plaisir monte,intense et doux à la fois. Je me mords la lèvre, essayant de maintenir le rythme que Joseph m'indique.Les yeux dans les yeux, nous échangeons des messages muets, sans cesser d'observer le plaisirenvahir nos visages. Joseph serre les mâchoires, ses yeux me semblent plus foncés, d'une lueursauvage, presque animale.

Soudain, trois fois de suite, il soulève son bassin, me pénètre davantage, plus loin, m'arrachant descris de plaisir. Puis ses mains me pressent contre lui, plus rapidement. Mon clitoris envoie desdécharges de plaisir sans discontinuer. Je m'entends gémir de plus en plus fort, mes mains se crispentsur les muscles de Joseph. Je dois m'avancer un peu, saisir ses épaules pour réussir à le suivre.

Nous nous regardons toujours, le visage éperdu, nos corps unis dans cette danse sensuelle etprimitive. Je sens mes reins se recouvrir de sueur tandis que j'accélère encore. Joseph lâche un grandcri et se redresse subitement. Nos corps sont étroitement imbriqués. Ses mains pétrissent mes fesses,les soulèvent, me font retomber sur lui. Chaque fois, je pousse un cri de plaisir.

Je me sens perdre la tête, j'ai envie de fermer les yeux, de me laisser emporter par la déferlante delave que je sens enfler au creux de mon ventre… Saisissant son visage à deux mains, je m'accroche àses yeux clairs, comme au bord de me noyer.

– Je t'aime, Olivia, je t'aime, murmure-t-il, au moment même où je vois la flamme dans ses yeuxvaciller.

Son murmure s'achève dans un cri rauque. Les dernières palpitations de son sexe achèvent de meconduire jusqu'à l'orgasme et j'explose en mille éclats, mes yeux dans les siens.

– Je t'aime ! crié-je d'une voix expirante.

***

Quelques minutes plus tard, nous sommes étendus l'un contre l'autre, le souffle court, la peauperlée de sueur, sur le lit que nous n'avons pas pris le temps de défaire. La tête posée sur le torse deJoseph, une jambe passée sur lui, j'écoute religieusement les battements de son cœur, tandis que samain droite joue avec mes cheveux. De temps à autre, il porte ma main à sa bouche, pour y déposerun baiser.

– Rien que toi et moi, murmuré-je, les yeux fermés, un sourire aux lèvres.– Jusqu'à l'aube, ajoute-t-il, de sa belle voix grave.

Je voudrais que ça dure au moins… une semaine. Ou un mois !

– C'est un aperçu de ce qu'on pourrait vivre pour de bon, reprend soudainement Joseph, trèscalme.

– Tu… le penses vraiment ? demandé-je, touchée par ce qu'il vient de dire.– Je le ressens, me répond-il, sans hésiter.

Dans sa poitrine, je peux entendre son cœur battre imperceptiblement plus vite, comme pour meconfirmer ses dires. Bouleversée, je tourne la tête vers lui.

– J'adorerais, murmuré-je, lui souriant timidement.– Alors, ça arrivera, me répond-il, avant de m'embrasser doucement.

Chavirée, je sens presque des larmes d'émotion me monter aux yeux. Quand nos lèvres se quittent,Joseph tend la main vers le téléphone posé sur la table de nuit.

– Qui tu appelles ? demandé-je, un peu inquiète à l'idée qu'il veuille contacter quelqu'un de ButlerIncorporation.

– Le room service, fait-il sur le ton de l’évidence.

Bien sûr !

À ma grande surprise, je l'entends passer commande pour un véritable banquet ! Champagne, jusde fruits frais, rouleaux de printemps, salade italienne, plats divers, desserts… À croire qu'il adécidé de dévorer tout ce qui se trouve sur la carte !

– Je ne veux pas qu'on nous dérange, ni ce soir ni demain matin, m'explique-t-il, sans mêmeattendre que je me moque de lui. En plus, il va te falloir de l'endurance parce que je n'ai pasl'intention de te laisser dormir avant plusieurs heures !

Me renversant sur le matelas, il entreprend aussitôt de m'embrasser les épaules, les seins, leventre, tandis que je glousse de plaisir, me tortillant pour lui échapper, le corps encore frémissant denotre précédente étreinte.

4. On ne peut pas réussir partout !

Nerveuse, j'attends mon tour dans la loge collective. D'autres employés sont en train de se fairemaquiller, ils doivent passer après moi devant la caméra. Tous les collaborateurs de ButlerIncorporation qui le souhaitent vont participer à la vidéo promotionnelle visant à consolider l'imagepositive de la marque. Pour le moment, l'objectif avoué est d'avoir une réponse immédiate à faire encas de fuite dans la presse, à propos du sabotage. Mais déjà, l'autre but de cette vidéo, à savoirresserrer les liens de confiance entre les salariés et la société, est en passe d'être atteint. À maconnaissance, seule une minorité de collaborateurs a refusé de participer, davantage pour desquestions de timidité que de désaveu de Butler Incorporation.

J'avoue que je les comprends.

Je suis en train de découvrir que je suis terrifiée à l'idée de me faire filmer ! Je n'ose même pasimaginer dans quel état de stress je serais si Joseph ne m'avait pas emmenée hier soir pour une nuitentière au New York Palace. À l'évocation de cet intermède bienvenu (et particulièrement sensuel), unsoupir de regret m'échappe.

Je donnerais n'importe quoi pour remonter le temps, là, tout de suite.

Après notre escapade, nous sommes allés ensemble à la clinique où est encore hospitaliséeCharlotte Dubois, pour lui proposer un nouveau contrat, indiquant qu'elle sera l'égérie de laprochaine ligne de Butler Incorporation. Son visage est encore marqué, mais le chirurgien plastiquechoisi par Joseph assure qu'il n'y paraîtra plus dans quelques mois. Le jeune mannequin, bienqu'encore secoué par sa mésaventure, semble se remettre rapidement et a accueilli cette nouvelleproposition avec le sourire. Devenir l'égérie d'une telle marque de luxe va lancer sa carrière plusrapidement que prévu…

– Olivia Scott ! lance la scripte d'une voix claire.

C'est à moi ! L'angoisse…

– Courage, ça va aller, quasiment tout le monde y passe, il n'y a aucune raison que je n'y arrivepas, marmonné-je pour moi-même.

Je me dirige vers la salle de tournage, comme si je me rendais sur l'échafaud, paralysée par letrac. Moi qui ai passé un nombre incalculable d'entretiens, d'oraux, et qui suis capable d'intervenirlors de réunions, moi qui ai des parents documentaristes, voilà que je suis terrifiée à l'idée de parlerdevant une caméra !

– Prenez place, m'indique le réalisateur, avec un sourire.– Sur la chaise, là ? fais-je, la voix étranglée.

– Oui, s'il vous plaît.

Devant un fond vert, une chaise blanche, confortable, dont la hauteur est ajustable. Aussitôt, unassistant vient s'en occuper, vérifiant que mon visage arrivera bien au même niveau que tous lesautres, lorsqu'ils auront ajouté le logo de la société en postproduction. Mais si je comprends tout cequi se passe autour de moi, ayant quelques connaissances de la chose grâce au métier de mes parents,je n'en reste pas moins tétanisée.

– Allez, on va faire un essai, m'indique calmement le réalisateur, un jeune homme fluet, l'air gentil,le crâne rasé, vêtu de jean de la tête aux pieds.

– Ne vous inquiétez pas, tout ira bien, détendez-vous, me glisse l'assistant, qui n'a pas pu faireautrement que de remarquer mon état.

– Je vais essayer, murmuré-je, un peu sceptique.– Olivia, je vais vous poser des questions, qui seront coupées au montage, poursuit le réalisateur.

C'est juste pour vous lancer, mais si vous avez envie de dire quelque chose sur Butler Incorporation,allez-y, d'accord ?

– Hum… D'accord.– Silence plateau, crie la scripte. On tourne !– Olivia, quel est votre rôle au sein de Butler Incorporation ?– Je suis junior. Enfin, juriste junior… pas en poste, mais… Enfin si, je suis en poste, mais en

externship, parce que je suis étudiante. En droit, balbutié-je, me sentant devenir rouge sous macouche de fond de teint.

– Très bien. Est-ce que vous pouvez le redire d'une traite, s'il vous plaît ? Prenez votre temps.– OK. Pardon… Je m'appelle Olivia, je…– Non, me coupe le réalisateur, ne vous présentez pas, dites juste ce que vous faites.– Désolée… Je suis étudiante en droit, j'effectue mon externship ici. À Butler Incorporation.– Bon… On fera avec. Vous connaissiez la marque, avant de venir travailler ici ?– Oui… Comme tout le monde.

Le réalisateur continue de filmer, sans me relancer. Je comprends qu'il faut que j'en dise plus, maisje me retrouve le cerveau paralysé. Électroencéphalogramme plat. Je reste muette, ouvrant de grandsyeux paniqués, sans savoir quoi faire de mes mains, que je glisse sous mes cuisses, avant de lesretirer nerveusement.

– Vous voulez faire une pause ? me demande le réalisateur, prenant pitié de moi.– Je ne suis pas sûre que ça changera quoi que ce soit, soupiré-je.– On va essayer autre chose. Qu'avez-vous ressenti en arrivant au sein de Butler Incorporation ?

J'avale ma salive, me remémorant ce moment où j'ai appris que j'allais effectuer mon stage dans lasociété de Joseph. Je réalise immédiatement que je ne vais pas pouvoir répondre non plus à cettequestion.

J'ai ressenti de la rage envers Joseph… et de l'excitation à l'idée de travailler à ses côtés.

Je ne peux pas dire ça.

– Je, euh… J'étais contente.

Quelqu'un pouffe de rire, au fond du studio. Je rougis encore plus.

– Je suis vraiment désolée, je crois que je ne vais pas y arriver, fais-je, dépitée.– Bon… Si jamais vous voulez réessayer, n'hésitez pas à revenir, OK ? me fait gentiment le

réalisateur, sans pouvoir dissimuler son soulagement.

Cela dit, j'éprouve le même sentiment en quittant la chaise blanche, jusqu'à ce que j'aperçoiveBritney et Agatha, debout, les bras croisés, au fond de la salle, qui observent le tournage.

Oh, merde… La honte !

Ma collègue me fait un sourire désolé, tandis qu'Agatha me lance un regard surpris. Visiblement,la performance l'a un peu étonnée et pas dans le bon sens du terme !

C'est sûr que je l'ai habituée à mieux.

Après tout, mon métier, c'est de faire du droit, je ne suis pas une communicante, moi ! Pressée dechanger d'air, je me hâte en direction de la loge pour me démaquiller. En chemin, toutefois, je ne peuxpas manquer d'observer que les deux femmes semblent s'être un peu rapprochées à la faveur dutournage. J'imagine que ma collègue junior vient de gagner le respect professionnel de la directricegénérale avec son initiative.

Bien joué, Britney !

***

Quand je revois Agatha, dans l'après-midi, c'est dans le bureau de Joseph, avec celui-ci etNorman. Joseph et moi gardons une distance toute professionnelle. Heureusement pour moi, j'ai puprofiter de lui ce matin, parce qu'avec ce costume bleu-noir et cette chemise d'un subtil gris léger quisouligne la couleur incroyable de ses yeux et son teint hâlé, il est à tomber par terre ! Une mèche decheveux blonds tombe sur son front soucieux, venant déranger la perfection stricte de sa tenue debureau…

J'ai encore envie de lui arracher ses fringues.

Je sais par ailleurs que ma tenue, une jupe crayon couleur crème et un chemisier rouge, lui plaîtparticulièrement, puisqu'il me l'a dit, mais quand je suis entrée dans son bureau il m'a à peine jeté unregard, déjà concentré sur le sujet du jour : le sabotage.

Nous prenons tous place dans les fauteuils devant son bureau de président, derrière lequel il estinstallé. L'atmosphère se tend dès que Norman sort son dossier, qu'il ouvre sur ses genoux.

– Qu'as-tu trouvé ? lui demande sans attendre Joseph, sourcils froncés.– Mes contacts dans la police new-yorkaise m'ont fait part des développements de l'enquête,

démarre Norman, de sa voix de basse. Seules les empreintes de Camilla Banks ont été retrouvées surle bord de la cuve contaminée. Mais la police scientifique a bien trouvé un résidu d'image sur lefichier vidéo. J'ai formellement identifié Dumsey.

– La petite ordure ! lâche Joseph, entre ses dents serrées.

Peter est mouillé… Je ne suis même pas étonnée, finalement !

– Ce n'est pas tout, continue le privé. Ma propre enquête a donné des résultats : depuis le début deson contrat chez toi, Peter Dumsey était en contact avec une entreprise concurrente.

Il sort alors de son dossier une liasse de documents qu'il tend à Joseph, l'air sombre.

– Il s'agit de Lily's Blossom, une marque de cosmétique de luxe, plus ancienne…– « Dépassée » serait plus juste, l'interrompt Agatha, d'un ton sec.– Les anciens propriétaires et fondateurs ont d'ailleurs vendu l'année dernière, n'arrivant plus à

maintenir l'entreprise à flots, reprend Norman. Ce sont les nouveaux propriétaires qui ont versé del'argent à Peter dès son entrée à Butler Incorporation. Ils ont utilisé des comptes off shore, mais j'airetrouvé leur trace. La question est : pourquoi l'ont-ils payé ? Il me faut un peu plus de temps pourrépondre à cette question.

– Espionnage industriel, sans doute, lâche Joseph.– Impossible, je suis formelle, rétorque aussitôt Agatha. Aucune information n'a pu leur arriver !– L'expérience vient de nous apprendre que nos protocoles de sécurité n'étaient pas inviolables,

lui fait impitoyablement remarquer Joseph.– Attends, dis-je à mon tour, réfléchissant à toute allure. Si Peter avait été serein par rapport à

cette société, s'il avait pu répondre à leurs attentes, tu crois qu'il serait allé voir Max, quand tu l'asrenvoyé ? Et si, justement, il n'avait pas eu le temps de leur fournir d'informations valables ?

Norman m'approuve d'un regard. Apparemment, je ne suis pas la seule à avoir pensé à cetteéventualité.

– Au même moment où a lieu un sabotage ? C'est une étrange coïncidence… Et pourquoi, d'un seulcoup, passerait-il de l'espionnage au sabotage ? objecte Joseph, brusquement.

– J'ai eu accès aux comptes bancaires de Dumsey, reprend Norman, très calme. Il a déjà dépenséplus de la moitié de la somme que lui a versée Lily's Blossom. S'il ne leur a fourni aucuneinformation intéressante avant son renvoi, il s'est donc retrouvé dans une situation doublementdélicate. Voire triplement délicate, puisque ce jeune homme a, semble-t-il, une certaine capacité àdépenser de l'argent qu'il n'a pas : dettes de jeux, consommation de produits illicites, soirées en toutgenre… Ce Dumsey aime la belle vie.

Pendant qu'il énumère les nombreux passe-temps de Peter, Norman étale sur le bureau de Josephdes clichés, où mon ancien collègue apparaît dans des états divers, accompagné par des créatureshilares, dans des boîtes de nuit bondées et des clubs privés.

La vie cachée de Peter Dumsey…

– Il s'est montré dépensier et aussi très imprudent, poursuit Norman. Il doit beaucoup d'argent àdes personnes qui n'ont pas pour habitude d'effacer les dettes facilement.

– C'est-à-dire ? demande Agatha, intriguée.– Des relations qu'il s'est faites par ses amis d'enfance… dans la pègre.

Un silence accueille cette révélation. La personnalité de Peter m'apparaît de plus en plus sombre.Jamais je n'aurais cru que ce type pouvait tremper dans des combines aussi tordues.

– Et on sait où il se trouve, actuellement ? fait de nouveau Agatha, se tournant vers Norman, quisecoue la tête de gauche à droite.

– Je vais le traquer jusqu'à le faire sortir de son terrier, déclare alors Joseph, d'un ton si menaçantque j'en ai des frissons.

Ses yeux clairs fixent le visage de Peter, les yeux noyés d'alcool, sur un des clichés posés devantlui. La rage qui flamboie dans son regard, attisée par une détermination sans limite, me met presquemal à l'aise…

***

– Olivia, reste un instant, je te prie, me demande Joseph, tandis que Norman et Agatha quittent sonbureau, quelques minutes plus tard.

Heureuse d'avoir un moment en tête à tête avec lui, je me rassois en hâte.

– Que comptes-tu faire exactement pour Peter ? demandé-je, à peine la porte refermée.

Il me lance un regard implacable.

– Je l'ai dit, le retrouver. Mais changeons de sujet, c'est de ça que je voulais te parler, fait-il, sansme laisser le temps de préciser ma question.

Il me présente un DVD gravé, sur lequel je reconnais aussitôt l'écriture de mon père. « Le Trésorde madame Arikowa » annonce le titre.

– Le documentaire ! m'exclamé-je, enthousiaste.– Oui, il est excellent.– Tu l'as déjà visionné ?– Oui, pendant mes déplacements. Puisque tu connais comme moi l'histoire qui unit les ruches

Arikowa à Butler Incorporation, j'aimerais que tu le regardes et que tu me donnes ton avis, me fait-il,en désignant le DVD, avec un sourire fier.

– OK, pas de problème.– Si tu juges toi aussi que c'est bon, je validerai cette version et tu seras chargée de la dimension

légale concernant la distribution du film.

– Parfait, fais-je, ravie de ces nouvelles responsabilités, qui concernent aussi mes parents.

Joseph se recule sur son siège.

– Je suis sûr que tu seras plus à l'aise avec ce film-là…

Instantanément, je comprends l'allusion à ma récente contre-performance devant la caméra et lefusille du regard. Il éclate de rire, content de sa taquinerie.

– C'est malin, grommelé-je. Je vois que ma prestation t'a été rapportée.– Agatha n'a pas pu résister, m'explique-t-il. J'ai demandé qu'on me mette les rushs de côté.– Oh non, gémis-je.– Allons, je suis sûr que ce n'est pas si terrible que ça…– Si, ça l'est, j'ai l'air d'une idiote !

Joseph se lève immédiatement et prend mon menton dans sa main, puis plonge son regardtranslucide dans le mien, un sourire aux lèvres.

– Tu dois être adorable, murmure-t-il, se penchant vers moi pour m'embrasser.

Ses lèvres douces me réchauffent et m'apaisent. Mais quand nos bouches se séparent, je ne suispas totalement tranquillisée à l'idée qu'il visionne ma catastrophique participation au film corporate.

– Tu me feras ton retour sur le DVD rapidement, me demande-t-il, reprenant place dans sonfauteuil de président.

– Euh… Oui, dans la soirée, au plus tard.– Très bien.– Joseph…– Oui ? fait-il, levant un sourcil.– Je ne sais pas comment tu fais pour mener de front le lancement de Honey et… tout le reste.

Avec un sourire, il hausse les épaules.

– Question d'habitude. Et de concentration. Tu fais exactement la même chose, tu ne t'en rends pascompte. Tu as fait ton travail, passé des examens et… fait face à un certain nombre de revers, depuisquelques mois, me fait-il observer, d'un ton calme.

– Oui, mais je ne crois pas que je pourrais faire ça tout le temps ! insisté-je.– Vraiment ?

Son regard franc me transperce. D'un geste de la main, il pousse vers moi le DVD, resté posé surle bureau. Il me sourit. Sans rien ajouter, je saisis le film, comprenant qu'il vient simplement de meconfirmer sa confiance…

Quand je quitte son bureau, je me sens animée d'une nouvelle énergie, et c'est d'un pas assuré queje retourne dans l'open space, prête à affronter le monde.

5. Une terrible accusation

Même un samedi matin, après des examens, le campus universitaire est rempli d’étudiants. Jen'avais pas l'intention de m'y rendre aujourd'hui, mais le professeur Johanson m'a demandé de passerle voir. Je me hâte vers le bâtiment qui abrite les bureaux des enseignants. À peine ai-je passé lesportes que mon portable vibre.

[Envie de te voir, ce soir. 19 heures chez moi ? Joseph]

Je grimace. Moi aussi, j'ai envie de le voir, mais j'ai promis à Tessa, qui vient enfin de quitterl'hôpital, que nous passerions sa première soirée à l'appartement ensemble. Rapidement, j’expliquetout cela à Joseph. Sa réponse est quasiment immédiate.

[Alors disons 20 h 30 chez toi, et je viens avec un dîner pour trois ?]

Avec un sourire, j'accepte sa proposition, enchantée de cette perspective. Tessa aura deuxpersonnes pour prendre soin d'elle au lieu d'une seule !

Pour être sûre qu'aucune sonnerie intempestive ne viendra interrompre mon entrevue avec monmentor, j'éteins mon téléphone et grimpe quatre à quatre les larges escaliers qui mènent à son bureau.Comme toujours, je frappe et attends d'être invitée à entrer, mais cette fois, le professeur Johanson enpersonne vient m'ouvrir la porte.

– Olivia ! Je vous attendais, entrez donc, j'ai une très bonne nouvelle pour vous, me lance-t-il, sesyeux clairs pétillant sous ses sourcils broussailleux.

– Ah oui ? J'ai hâte d'entendre ça.

Je m'avance, intriguée par l'enthousiasme de mon professeur.

– Asseyez-vous, fait-il en reprenant lui-même place derrière son bureau envahi de livres de droit.Je ne voulais pas vous en parler avant car je n'étais pas complètement certain que ça fonctionne, maisje vous ai obtenu une place à l'essai dans un cabinet d'avocats qui fait du droit international !

Son annonce me prend tellement au dépourvu que je ne peux que balbutier quelquesremerciements.

– Vous les connaissez sûrement, du moins de réputation, il s'agit de Kirshten&Hobbes.– Oh !

Kirshten&Hobbes, ce n'est ni plus ni moins que le cabinet en tête du classement des meilleursrésultats en termes de procès gagnés et de bénéfices financiers des deux années passées, selon le ABAjournal, le magazine de l'association américaine du barreau ! Avoir un poste chez eux est une

opportunité incroyable.

– Et ce n'est pas tout, fait le professeur Johanson, un fin sourire aux lèvres, en levant son index.– Non ? Il y a encore quelque chose ? demandé-je, entre stupéfaction et rire nerveux.– Vous êtes aussi en lice pour l'obtention d'une bourse professionnelle et je crois pouvoir dire que

vous êtes plutôt bien placée, m'informe-t-il, content de son effet. Vous n'auriez plus besoin detravailler en parallèle de vos études, ce qui vous permettrait d'achever votre Juris Doctor rapidementet de passer l'examen du barreau plus tôt que vous ne le pensiez ! Avec votre passage chezKirshten&Hobbes, ce sera une combinaison gagnante pour les recruteurs et chasseurs de têtes.

Ce programme inespéré me procure cependant un sentiment étrange, mélange d'enthousiasme et deregret.

C'est pourtant ce dont j'ai toujours rêvé !

Sous le regard perçant de mon mentor, je me secoue intérieurement et le remercie avec chaleur,sans rien laisser paraître de mon malaise intérieur. Je ne m'attendais tellement pas à ce qu'ilm'apprenne de telles nouvelles que mon hésitation passe sans peine pour de la surprise.

– C'est tout simplement incroyable, je ne sais pas trop quoi dire.– Ah, je vous en prie, c'est bien normal, on n'a pas tous les ans une étudiante aussi brillante et

motivée que vous, répond-il, me faisant rougir.– Vous me flattez.– Ce n'est absolument pas mon genre et vous le savez.

La voix est ferme, sans appel.

– Allez donc fêter ça avec vos proches, nous verrons les détails à la fin de votre externship, quiarrive d'ailleurs à grands pas, si je ne me trompe, fait-il, se levant de son fauteuil.

Cette fois, aucun doute sur ce que je ressens : un véritable pincement de regret à l'idée de quitterButler Incorporation pour retrouver mon quotidien d'étudiante en droit.

C'est passé si vite…

– Oui, à la fin du mois, confirmé-je, tandis qu'il me raccompagne jusqu'à la porte de son bureau.– Alors revenez me voir quand ce sera terminé. En attendant, je vous souhaite une belle fin d'année

et… Je ne doute pas que vos résultats d'examens seront à la hauteur !– Merci de votre confiance.– Allons, pas de fausse modestie, vous la méritez amplement. À bientôt, Olivia.– À bientôt, professeur.

Quand la porte de son bureau se referme derrière moi, je tourne rapidement les talons et descendsl'escalier à toute allure, pressée de me retrouver dehors. J'ai besoin de marcher pour réfléchir.

L'air frais me fait du bien.

– Bon, réfléchis, Olivia, réfléchis, murmuré-je en remontant mon écharpe sur ma bouche.

Les mains enfoncées dans mon manteau, marchant d'un bon pas dans mes UGG, je sors du campuset décide de rentrer chez moi à pied, dédaignant le métro. Ce qui m'arrive est totalement insensé. Onvient de m'annoncer que j'ai obtenu une bourse et un poste à l'essai dans un prestigieux cabinetd'avocats, ce qui est exactement ce que j'aurais pu me souhaiter de mieux, et ce que je ressens est plusproche de la panique que de l'enthousiasme ! Pourtant, il y a à peine quelques mois, quand j'aiconstaté que les cabinets d'avocats n'étaient pas intéressés par ma candidature pour un externship,j'ai été déçue… J'entends encore le professeur Johanson me rassurer, m'expliquer qu'ils préféraienten général prendre des étudiants plus avancés dans leurs études.

Le problème, c'est qu'aujourd'hui, après quelques mois passés au sein de Butler Incorporation, àdécouvrir le monde de l'entreprise, ses emballements comme ses catastrophes… travailler dans uncabinet d'avocats ne me paraît plus aussi attractif.

Bien sûr, il y a Joseph, mais… pas seulement.

Je sais qu'une partie de moi aime travailler avec lui, mais ce n'est pas uniquement à cause de notrerelation et des sentiments que j'éprouve à son égard. Non, il y a autre chose.

J'aime l'émulation qui règne dans les locaux juste avant le lancement d'un produit. J'ai adoréassister au processus de création, à la naissance d’une ligne, batailler pour la voir arriver sur lemarché, et je suis impatiente de savoir quels seront les résultats concrets une fois que ce sera fait !Les retours dans la presse, les chiffres des ventes… Et quels seront les prochains projets de lamarque Butler ?

Je souffle bruyamment, encore perdue dans les méandres de mes pensées. Ne suis-je pas en trainde me tromper moi-même ? Ai-je vraiment envie de renoncer à mon ancien rêve d'être une brillanteavocate pour devenir juriste d'entreprise ? Qui a pris les commandes ? Mon cœur ou ma tête ?Comment est-ce possible qu'en quelques mois à peine je change ainsi d'objectif professionnel ?

Ce n'est pas mon genre, pourtant…

Joseph me dit obstinée, mais je dirais plutôt décidée. Et depuis des années je suis décidée àdevenir avocate. J'ai fait de nombreux sacrifices pour atteindre cet objectif et, d'un seul coup, jedévierais de ma route pour Butler Incorporation ?

– Merde, qu'est-ce qui m'arrive ?

Encore sous le coup de la nouvelle, j'ai du mal à comprendre ce qui se passe en moi. Lâchant unsoupir nerveux, j'accélère le pas. Peut-être est-ce les dernières semaines qui ont épuisé ma capacité àréagir de façon rationnelle ? J'ai vécu tant de rebondissements, récemment, que mon « baromètreinterne » est déréglé.

Oui, c'est sûrement ça.

Je décide d'écarter de mes pensées la nouvelle du professeur Johanson, du moins pour la journée.Je lève les yeux, machinalement, et croise la devanture d'un des plus vieux cinémas de New York, quiaffiche aujourd'hui le classique Autant en emporte le vent. Un sourire m'échappe : je me remémoreaussitôt une des plus célèbres répliques de ce film.

– Tu as bien raison, Scarlett : « Demain est un autre jour » !

***

Heureusement pour moi, la présence de Tessa m'offre la possibilité de cesser de tourner etretourner mon nouveau dilemme dans ma tête. Je sais que je ne trouverai pas la réponse en une seulejournée, il me faut du temps pour réfléchir, laisser les choses se décanter, avant de prendre lamoindre décision.

Toute la journée, je prends soin de mon amie, tout comme elle l'a fait durant ma périoded'examens. Je nous prépare un déjeuner, lui propose de regarder un film. Mais à ma grande surprise,Tessa m'avoue être impatiente de retrouver son manuscrit et parle même de se remettre à la photo.

– Tu sais, me confie-t-elle à un moment, je crois que j'ai pris conscience que personne d'autre nevivrait ma vie à ma place et qu'il était peut-être temps que je m'y mette.

– Je comprends.

Le fait d'avoir frôlé la mort a visiblement eu l'effet d'un électrochoc sur mon amie, qui sembledécidée à tordre le cou à son dilettantisme habituel.

– J'en ai marre de ne jamais terminer ce que je commence, ça devient n'importe quoi, reprend-elle,la voix ferme. Je crois qu'en fait, je fais ça parce que j'ai la trouille d'échouer… Et résultat : commeje ne termine rien, j'échoue quand même !

– C'est vrai que vu comme ça…– Ouais, c'est navrant, fait mon amie, levant au ciel ses beaux yeux verts.– T'es pas un peu dure avec toi ?– Non, je crois pas. J'ai assez glandé comme ça.

Je me permets une moue désapprobatrice.

– Sinon, tu peux aussi voir les choses sous un autre angle : jusqu'à présent, tu as essayé plein detrucs, et aujourd'hui tu es en mesure de choisir ce que tu veux faire, suggéré-je.

Tessa lâche un sourire.

– Qu'est-ce qui t'arrive, tu viens de lire un bouquin de psychologie positive ou quoi ? fait-elle, unbrin ironique.

– Moque-toi, tiens ! Non, mais tu sors de l'hôpital, c'est pas forcément le moment pour te flageller,

rétorqué-je directement.– OK, pas faux… Alors disons qu'il est temps désormais pour moi d'aller au bout de mes projets.

C'est ma résolution post-apocalypse : je termine ce que j'entreprends.– Ça me paraît bien mieux, dis-je avec un sourire.

Tandis que mon amie décide de mettre immédiatement sa décision en pratique en allant travaillerdans sa chambre, je ne peux m'empêcher de penser qu'il s'agit d'une belle ironie du sort : Tessa se metà savoir ce qu'elle veut, et moi… je suis complètement paumée !

***

Un peu avant 20 h 30 , on sonne à notre porte. Tessa est enfermée dans sa chambre en train detravailler à ses photos ou à son manuscrit, aussi je ne la dérange pas et vais ouvrir à Joseph,impatiente de le retrouver.

– Olivia, bonjour.

Max !

Devant moi, le frère de Joseph, le visage hâve, l'air nerveux.

– Je suis allé à l'hôpital, on m'a dit que Tessa n'y était plus, elle est rentrée ? Elle va bien ?

Son inquiétude me paraît sincère, mais je n'ai aucune envie de provoquer une nouvelle entrevueentre ma meilleure amie et son ancien amant. Si Tessa veut un jour le revoir, elle le décidera quandelle sera prête.

– Elle se remet doucement, réponds-je, essayant de ne pas accabler Max. Mais vous comprenezbien que je ne peux pas vous laisser entrer la voir.

Il soupire, tête baissée. Au même instant, Tessa passe la tête par la porte de la chambre, aperçoitMax et claque aussitôt la porte, bruyamment. Il sursaute, comme si Tessa l'avait giflé. Sa détresse metouche, presque malgré moi.

– Je comprends, sincèrement, reprend-il, me regardant droit dans les yeux. J'ai agi comme unepourriture, un abject personnage.

– Euh…

Je ne sais quoi lui répondre. Son mea culpa est bienvenu, mais il n'efface rien.

– J'ai commencé une thérapie, lâche-t-il abruptement, me déstabilisant davantage encore. J'en aibesoin, Joseph a raison, j'ai… des problèmes et je dois me faire aider. Ça remonte à notre enfance, jecommence à peine à comprendre l'origine de tout ça.

Gênée par sa confession inattendue, je n'ose ni le faire entrer ni refermer la porte, tandis qu'il

semble ne plus vouloir cesser de parler.

– Le soir où ma mère est morte, je n'avais que 10 ans, et finalement je ne m'en suis jamaisvraiment remis. J'avais déjà perdu mon père avant de le connaître, alors… Ça a été très dur, d'autantque je savais, au plus profond de moi, qu'ils n'auraient pas dû partir, ce soir-là.

– Comment ça ? fais-je, ma curiosité éveillée.– Il y avait de l'orage, ils ont pris leur jet privé parce que le mari de ma mère se sentait capable de

piloter, mais… les éclairs, le tonnerre, le vent… c'était imprudent, fait-il, secouant la tête.

« Le mari de ma mère »… C'est ainsi qu'il parle du père de Joseph, de l'homme qui l'a adopté.

– Et puis il y a quelque chose que je n'arrive pas à pardonner à Joseph, quelque chose de tropgrave, murmure-t-il alors, les dents serrées.

Mon cœur se serre aussitôt. Soudainement, je veux qu'il se taise, je n'ai plus envie d'en savoirplus.

– Peut-être que tu vas enfin me dire de quoi il s'agit ! lance alors une voix grave, que je reconnaisaussitôt.

Max se retourne, le visage déformé par la surprise. Les deux frères se font face, une fois encore.Joseph est calme, aussi calme que Max est tendu, bouleversé.

– Tu le sais bien, grince alors ce dernier.– Je sais quoi, bon Dieu ?! s'exclame Joseph, exaspéré.– C'est de ta faute s'ils sont morts ! C'est de ta faute si ma mère est morte ! lui hurle Max, semblant

perdre la tête.

Joseph fait un pas en arrière, le visage décomposé. Je lui lance un regard perplexe, mais ildétourne aussitôt les yeux, d'un mouvement fuyant qui me tétanise. Les mots de son frère semblentrésonner affreusement dans le couloir, faisant descendre sur moi un voile glacé.

Qu'a voulu dire Max ? Et pourquoi Joseph, d'habitude si prompt à réagir face à son frère, ne nie-t-il pas la terrible accusation ?

À suivre,ne manquez pas le prochain épisode.

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