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Repas ambulants Informalité urbaine et modernité industrielle à la frontière nord du Mexique > Street food: urban informality and industrial modernity along Mexico’s northern border Hilda García, Francisco Lara * School of public health, university of Michigan, 611 Church Street, Room 362, Ann Arbor, MI 48104, USA Résumé Cet article analyse la relation entre informalité urbaine et modernité industrielle en examinant un ensemble de microcommerces spécialisés dans la vente d’aliments préparés pour les travailleurs des entreprises manufacturières transnationales à la frontière nord du Mexique (maquiladoras). L’argu- ment principal est que dans le contexte urbain de la frontière nord du Mexique, le modèle d’indus- trialisation exportatrice est non seulement compatible avec les traits prémodernes des activités économiques de subsistance mais a besoin de ces dernières pour exister. Par conséquent, autour de l’industrie maquiladora émerge tout un ensemble de pourvoyeurs informels de services qui contri- buent à assurer la disponibilité et la stabilité de la force de travail dont l’industrie a besoin. Une enquête réalisée auprès des propriétaires de microcommerces fournit les données permettant d’ana- lyser leur organisation, leur fonctionnement et leur relation avec la cellule familiale. — Numéro spécial : Amérique latine. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The relation between urban informality and industrial modernity is analyzed by examining very small businesses specialized in selling prepared food to workers in the transnational manufacturing > Traduit de l’espagnol par Pierre Desmarez et Madeleine Litt. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Lara). Sociologie du travail 46 (2004) 42–53 www.elsevier.com/locate/soctra © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.soctra.2004.01.004

Repas ambulants Informalité urbaine et modernité industrielle à la frontière nord du Mexique

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Repas ambulantsInformalité urbaine et modernité industrielle

à la frontière nord du Mexique>

Street food: urban informality and industrialmodernity along Mexico’s northern border

Hilda García, Francisco Lara *

School of public health, university of Michigan, 611 Church Street, Room 362, Ann Arbor, MI 48104, USA

Résumé

Cet article analyse la relation entre informalité urbaine et modernité industrielle en examinant unensemble de microcommerces spécialisés dans la vente d’aliments préparés pour les travailleurs desentreprises manufacturières transnationales à la frontière nord du Mexique (maquiladoras). L’argu-ment principal est que dans le contexte urbain de la frontière nord du Mexique, le modèle d’indus-trialisation exportatrice est non seulement compatible avec les traits prémodernes des activitéséconomiques de subsistance mais a besoin de ces dernières pour exister. Par conséquent, autour del’industrie maquiladora émerge tout un ensemble de pourvoyeurs informels de services qui contri-buent à assurer la disponibilité et la stabilité de la force de travail dont l’industrie a besoin. Uneenquête réalisée auprès des propriétaires de microcommerces fournit les données permettant d’ana-lyser leur organisation, leur fonctionnement et leur relation avec la cellule familiale. — Numérospécial : Amérique latine.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

The relation between urban informality and industrial modernity is analyzed by examining verysmall businesses specialized in selling prepared food to workers in the transnational manufacturing

> Traduit de l’espagnol par Pierre Desmarez et Madeleine Litt.* Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (F. Lara).

Sociologie du travail 46 (2004) 42–53

www.elsevier.com/locate/soctra

© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.soctra.2004.01.004

plants (maquiladoras) along Mexico’s northern border. In the urban setting along this border, themodel of an export-driven industrialization is compatible with premodern aspects of the subsistenceeconomy. In fact, it depends on subsistence activities for its very existence. As a consequence,informal services have emerged that help stabilize the work force needed by these plants. A survey ofthe owners of these microbusinesses has provided data for analyzing the organization and operationof this commerce and its relation with the family as a social unit. — Special issue: Latin America.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Économie informelle ; Maquiladoras ; Mexique ; Petit commerce

Keywords: Informal economy; Maquiladoras; Small businesses; Informal sector; Mexico

1. Introduction

Le but de cet article1 est d’analyser une composante des économies urbaines de lafrontière nord du Mexique qui reflète les contradictions d’un projet de développementrégional fondé sur le modèle d’industrialisation exportatrice. Cette composante est forméed’un ensemble de microcommerces consacrés à la vente d’aliments préparés pour lestravailleurs de compagnies transnationales situées dans les parcs industriels de la villefrontalière de Nogales, Sonora. Ces microcommerces, complètement intégrés au secteur leplus moderne et dynamique de l’économie frontalière représentée par des entreprisesindustrielles appelées maquiladoras, gardent néanmoins les caractéristiques prémodernesdes activités économiques de subsistance. Nous soutenons que le développement industrielexportateur dans un contexte semi-urbain comme celui qui prévaut à la frontière nord duMexique est non seulement compatible avec ces activités mais surtout que ces dernièressont nécessaires à son existence. En d’autres termes, nous avançons que l’apparition, lefonctionnement et la permanence des microcommerces spécialisés dans la préparation et lavente de nourriture de rue garantit l’approvisionnement en main-d’œuvre des nombreusesentreprises transnationales et permet à cette force de travail de se reproduire. La mise enœuvre des formes spécifiques d’organisation du travail et l’accomplissement des objectifsde productivité et de qualité dans l’industrie maquiladora sont fortement liés à la disponi-bilité d’une force de travail stable, à l’entretien de laquelle ces microcommerces contri-buent indirectement.

Bien qu’il joue un rôle stratégique dans le fonctionnement de l’économie urbaine, on aprêté peu d’attention à ce secteur dans les études régionales. Sa place dans l’économielocale permet, d’une part, aux entreprises maquiladoras d’appliquer plus facilement desschémas de production fondés sur l’utilisation intensive de la force de travail dans le cadred’une structure urbaine peu intégrée et n’offrant qu’un développement embryonnaire debon nombre de services et d’infrastructures. D’autre part, les travailleurs de l’industriemaquiladora en sont également les bénéficiaires puisque ces microcommerces montrentune grande capacité d’adaptation à leurs horaires de travail et leur permettent de satisfaire

1 Version revue et traduite d’un article publié dans la revue Región y Sociedad (García et Lara, 2000), paru sousle titre « Comida callejera: proveedores informales de servicios a la industria maquiladora en Nogales, Sonora ».Nous remercions la revue Región y Sociedad pour son aimable autorisation (NDLR).

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leurs besoins primaires grâce à des systèmes de crédits. Enfin, les activités considérées danscette étude permettent à un segment de la population locale de développer ses propressources de revenus et de créer des emplois pour les familles des propriétaires et d’autrestravailleurs qui, pour diverses raisons, se trouvent exclus du marché de l’emploi formel.Ainsi, nous soutiendrons dans cet article que l’existence et les modalités de fonctionnementdes microcommerces d’aliments préparés sont de toute évidence liées au développement del’industrie maquiladora et à la reproduction de sa force de travail.

2. Antécédents et point de vue conceptuel

2.1. Ville, industrie et renouvellement quotidien de la force de travail

L’industrie maquiladora a été mise en place en 1965 par le gouvernement mexicain,dans le cadre du PIF (Programme d’industrialisation frontalier). Celui-ci a été créé dans lebut de réduire le chômage et d’offrir des occasions d’embauche et de revenus à lapopulation mexicaine de la région frontalière avec les États-Unis. L’archétype de l’indus-trie maquiladora est celui d’une industrie intensive employant une force de travail quiassemble des matériaux et composants importés pour la production de biens d’exportation.La majorité de ces usines appartiennent à des entreprises transnationales, principalementaméricaines. Même si un certain nombre de transformations importantes caractérisentl’évolution des maquiladoras2, ces usines restent concentrées à la frontière et continuent àfaire un usage intensif de la force de travail. Malgré une croissance lente au départ, lesecteur a connu une expansion accélérée après la crise de l’économie mexicaine des années1980. Pendant cette crise, la valeur du peso mexicain est passée de 25 pesos le dollar en1982 à 122 pesos le dollar en 1983. Cet événement a entraîné la chute des salaires destravailleurs des maquiladoras : de 1,67 à 0,97 dollar par heure (MacLachlan et Aguilar,1998). La crise de 1994 a provoqué une nouvelle dévaluation du peso mexicain, réduisantles salaires à 0,70 dollar par heure en 1995 (MacLachlan et Aguilar, 1998). Les difficultésde l’économie mexicaine, ainsi que la mise en place du Traité de libre échange d’Amériquedu Nord (Nafta) à partir de 1994, ont contribué à accélérer l’expansion de l’investissementdans les industries maquiladoras ces dernières années. Établies au départ comme centresurbains axés sur les services avec une base économique fortement liée au commerce et autourisme, les villes mexicaines frontalières sont devenues au cours des vingt dernièresannées des centres actifs d’un réseau industriel transnational. Dans la mesure où l’industriemaquiladora a pris de l’ampleur, les villes ont aussi grandi, créant de nouveaux parcsindustriels et de nouvelles aires résidentielles abritant les milliers de travailleurs immi-grants attirés par les occasions créées par le développement industriel de la frontière.

La ville de Nogales est un des centres urbains ayant connu l’expansion la plus rapidedans la région et une des économies frontalières présentant le plus grand degré de

2 Les transformations les plus significatives incluent la participation croissante des hommes à la force de travail(Canales, 1995), la déconcentration territoriale de la production maquiladora (MacLachlan et Aguilar, 1998), etl’apparition de nouvelles technologies de production et d’organisation du travail dans certains secteurs industriels(Contreras, 2000 ; Hualde, 2002).

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dépendance par rapport au secteur maquilador. Selon le recensement de population, lapopulation de cette ville est passée de 52 000 habitants en 1970 à près de 160 000 habitantsen 2000 (Inegi, 2000). Les taux de chômage à Nogales sont bas et près de 40 % de la forcede travail locale travaille dans l’industrie maquiladora. Durant l’année 2000, les maquila-doras à Nogales généraient approximativement 50 000 emplois dans presque 100 établis-sements industriels, bien que ces chiffres aient baissé suite à la chute de l’économieaméricaine en 2001 (Inegi, 2001). La croissance industrielle et démographique de Nogalesa aggravé les carences en matière de logement, de services urbains et de loisirs. De plus, àla périphérie de la ville, sont apparus de nombreux quartiers ouvriers privés d’un équipe-ment urbain de base : eau potable, égouts, collecte des déchets et transports publics.

En conclusion, le processus accéléré d’industrialisation et d’urbanisation qu’a connuNogales pendant les dernières années a eu comme principales caractéristiques :

• une croissance accélérée du marché du travail suivie d’une augmentation importantede l’activité professionnelle des femmes ;

• une importante croissance de la population résultant de migrations de travail ;• un développement urbain incomplet et une structure urbaine déficiente.

Le but de notre étude est de montrer que l’effet le plus important de ce processus a été laséparation croissante entre les activités quotidiennes de renouvellement de la force detravail et les fonctions traditionnellement accomplies par la cellule familiale dans cedomaine. D’après l’analyse de Benjamin Coriat (Coriat, 1979), cette séparation est unphénomène qui accompagne tout processus d’industrialisation : l’émergence de l’industriemanufacturière à grande échelle implique le besoin de contrôler la reproduction et laconsommation des facteurs de production, y compris la force de travail. B. Coriat aégalement montré que la séparation entre la reproduction au quotidien de la main-d’œuvreemployée dans les processus industriels et la sphère domestique amène à « l’universalisa-tion de la marchandise et de l’échange marchand des biens d’usage nécessaires » (p. 104),phénomène qui s’explique par la nécessité d’introduire des formes d’organisation du travailcaractérisées par des journées de travail longues et continues. L’intensité de l’usure de lacapacité productive des ouvriers implique aussi la « standardisation » de la consommationouvrière, incluant l’absorption d’aliments dans des conditions, des quantités et des qualitésgarantissant la reconstitution rapide des capacités temporairement épuisées.

En suivant cette ligne d’analyse, il semble évident que les exigences de la production etde la reproduction de la capacité productive des travailleurs, liées aux caractéristiques duprocessus d’accumulation du capital propre au modèle maquilador à Nogales ont engendréle besoin de trouver un substitut au rôle habituellement joué par la sphère domestique. Ladifférenciation sociospatiale urbaine, avec la création de parcs industriels, a contribué àaccentuer cette rupture, puisqu’elle sépare l’industrie des lieux de résidence des tra-vailleurs.

Parmi les manifestations concrètes par lesquelles s’exprime cette distanciation crois-sante entre environnement domestique et reproduction de la force de travail, on relèvera lacréation de dortoirs, de bains-douches, de lavoirs et de cantines destinés aux travailleurs. En1991, on comptait à Nogales 11 dortoirs gérés par 5 entreprises individuelles, ainsi qu’uneorganisation, « Shelter », liée à 22 usines. Ces dortoirs accueillaient un nombre approxi-matif de 1200 travailleurs, principalement de jeunes migrants, attirés vers la ville par lesoffres d’emploi de l’industrie maquiladora (Lara, 1993). Au même moment, 85 % des

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travailleurs des entreprises maquiladoras situées dans les six parcs industriels de la villedisposaient d’un service de cafétéria à l’intérieur de l’usine.

À l’extérieur des entreprises, mais fortement liés à celles-ci, existent également desdispensaires, des bains et lavoirs publics, des tavernes et des salles à manger publiques, enplus d’établissements fixes et mobiles spécialisés dans la préparation et la vente d’alimentspopulaires. Le développement de ces services est une condition nécessaire au déploiementde l’industrie étant donné qu’ils contribuent directement et indirectement à assurer l’appro-visionnement continu de la force de travail nécessaire à la mise en œuvre de formesspécifiques d’organisation du travail et à l’accomplissement des objectifs de productivité etde qualité fixés par l’entreprise. C’est dans ce contexte que nous analyserons l’apparition,l’organisation et le fonctionnement des microcommerces dédiés à la vente d’alimentspréparés pour les travailleurs de l’industrie maquiladora à Nogales, Sonora3.

2.2. Pourvoyeurs informels de l’industrie

Les microcommerces qui vendent de la nourriture préparée aux travailleurs des maqui-ladoras à Nogales sont une composante de l’économie locale qui relève des activitésinformelles urbaines. L’apparition de ces activités s’explique dans la majeure partie de lalittérature comme la conséquence du développement économique naissant sur la structureproductive et sur l’emploi des villes du Tiers Monde. Selon ces théories, en Amérique latineet dans d’autres régions en voie de développement, l’expansion de l’emploi dans le secteurmoderne de l’économie n’a pas été suffisante pour absorber la demande croissante detravail résultant principalement de la migration de paysans vers la ville (Souza et Tokman,1976). D’après ces auteurs, la croissance de la demande de travail dans le secteur informelne dépend pas tellement de sa capacité d’accumulation du capital mais surtout de l’excé-dent de main-d’œuvre généré par l’attrait du secteur industriel et des possibilités concrètesde produire ou de vendre quelque produit ou service permettant d’obtenir de petits revenus.

Cependant, l’expansion des activités du secteur informel urbain n’est pas seulement lerésultat d’une incapacité de la part des industries à répondre à la demande croissanted’emplois, mais aussi des niveaux de rémunération offerts. Au Mexique, les salaires dusecteur industriel représentaient, en 1993, 69,6 % des salaires de 1980 et sont descendus à56,5 % en 1999 (OIT, 2001). L’ampleur de la chute des salaires réels a été telle durant cettepériode de crise qu’elle a entraîné l’incorporation d’un nombre croissant de membres de lafamille à ces activités génératrices de revenus4. De cette manière, la chute du pouvoird’achat des salariés dans le cadre d’un marché de travail en récession, « a été propice à laprolifération de petits commerces fondés sur l’auto-emploi » (Rendón et Salas, 1992).

Concrètement, les activités informelles rassemblent des propriétaires et des employés decommerces à petite échelle, indépendants et travailleurs familiaux sans salaire. Ces petitesentreprises se caractérisent par de bas salaires, de mauvaises conditions de travail et des

3 Ces microcommerces se consacrent à la vente d’aliments qui requièrent une certaine préparation dans lefoyer ou dans l’établissement ; ils emploient cinq travailleurs ou moins.

4 Entre 1984 et 1989, le nombre moyen de travailleurs par famille est passé de 1,56 à 1,63. Pendant la mêmepériode, le nombre de salaires minimum nécessaires pour couvrir les besoins de base d’une famille de cinq mem-bres est passé de 3,64 à 4,78 salaires minimum (Rendon et Salas, 1994).

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possibilités limitées de développement du capital humain. La flexibilité et l’adaptabilitésont deux éléments qui ont permis aux activités informelles de jouer un rôle stratégiquecomme source alternative ou complémentaire de revenu pour les travailleurs marginaux dela ville et elles ont été nécessaires à la réduction des pressions sociales dues au chômage età la pauvreté. Ceux qui n’ont pas une vision dualiste de l’emploi urbain reconnaissentl’articulation entre le secteur formel et informel tant à travers le marché du travail puisquele premier fournit de la main-d’œuvre au second dans les périodes d’expansion économiqueou la reçoit dans les périodes de récession, qu’à travers le marché des biens commeconsommateur des produits de l’industrie ou comme fournisseur flexible de services à basprix. Cette position analytique paraît la plus appropriée pour comprendre la relationfonctionnelle entre maquila et microcommerces, intérêt premier de notre étude.

Lors de l’inventaire des microcommerces de préparation et de vente d’aliments5, en1994, il y avait 39 établissements de ce type dans les alentours des plus grands parcsindustriels (Pinsa et Sanchez) de la ville de Nogales. Selon leur mobilité, les microcom-merces ont été considérés comme fixes, semi-fixes ou ambulants. Les premiers consistaienten de petites boutiques préfabriquées ou construites par leurs propriétaires avec desmatériaux de recyclage. Le reste des boutiques était des voitures, bicyclettes, charrettes oucamions équipés pour cette activité. Ces microcommerces fonctionnaient pendant delongues journées, puisqu’un nombre important d’entre eux (18,5 %) avaient des horairespermettant d’entrer en contact avec les trois équipes qui se relayaient dans les usines. Parconséquent, certains de ces microcommerces commençaient leur activité au petit matintandis que d’autres finissaient la nuit. Plus de la moitié de ces petits commerces (51,8 %)étaient en contact avec les équipes du matin et de l’après-midi. Les trois quarts étaientouverts entre 45 et 48 semaines par an, excepté en décembre, quand la majorité desmaquiladoras ferment trois semaines6. En outre, les capacités d’adaptation et de flexibilitédes microcommerces se trouvent renforcées par leur mobilité, puisque la moitié de cesboutiques étaient des commerces ambulants qui parcouraient au moins trois usines situéesdans les deux parcs industriels.

3. Les microcommerces et leurs propriétaires

3.1. Les microcommerces

Dans cette partie, nous analyserons quelques aspects de l’apparition, l’organisation et dufonctionnement des microcommerces. Bien qu’on ait constaté des cas où l’entrée enactivité impliquait des frais considérables pour l’acquisition du commerce et son équipe-

5 Le relevé d’information a eu lieu en deux étapes. La première a consisté à faire l’inventaire des microcom-merces de préparation et vente d’aliments à l’œuvre dans les parcs Pinsa et Sanchez. Pour la seconde étape, unquestionnaire a été élaboré sur le modèle de l’Enquête nationale sur l’économie informelle réalisée par l’Institutnational de statistique, géographie et informatique (1989). Des informations ont été recueillies sur 39 microcom-merces en juillet 1994.

6 Cette fermeture est possible grâce à une activité supplémentaire au cours des semaines qui précèdent.

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ment7, en général, le montant de l’investissement initial était relativement bas. En effet, unegrande partie des activités fixes et semi-fixes se déroulaient dans des installations prêtées oulouées, et pour les commerces ambulants, le plus commun était d’utiliser un véhicule privéfamilial pour transporter, exposer et vendre les aliments préparés.

La mobilité des microcommerces a un effet important sur la rentabilité. D’aprèsl’enquête, alors que près d’un quart des établissements fixes et semi-fixes générait desrevenus inférieurs au salaire minimum mensuel, aucun des microcommerces ambulants nese trouvait dans cette situation. À l’inverse, le pourcentage de commerces générant desrentrées supérieures à trois salaires était de 17,5 % pour les fixes et semi-fixes et de 26,2 %pour les ambulants. Par conséquent, il existe un lien clair entre le type de commerce, sarentabilité et donc ses chances de succès.

On a également constaté que le travail de préparation d’aliments ainsi que leur conser-vation se réalisait avec le matériel disponible dans les foyers des propriétaires de sorte quela boutique constituait une extension du foyer dans la majorité des cas. Le manqued’installations et d’équipements adaptés à cette activité avait des implications tant pour leprocessus de travail qu’en matière d’hygiène des produits qui se vendaient aux travailleursde la maquila. D’un côté, le manque de moyens matériels induisait l’utilisation intensive dela force de travail des commerçants eux-mêmes et de leurs familles, qui préparaient engénéral leur marchandise quotidiennement et pour des journées qui commençaient souventau petit matin. D’un autre côté, l’absence d’équipements appropriés à la conservation et à lamanipulation des aliments créait des conditions sanitaires mettant en péril la santé desconsommateurs8.

Dans tous les cas, le lancement de l’activité était conditionné par la disponibilité ou lapossibilité de trouver les ressources nécessaires pour couvrir les coûts de l’investissementinitial, même s’il était faible. Un peu plus de la moitié des propriétaires avait utilisé leurpropre épargne pour commencer leur activité et un autre pourcentage important avait eurecours à des amis ou des membres de la famille pour disposer des fonds liés au démarragede l’activité. Aucun propriétaire n’a dit avoir fait appel à une institution de crédit. Lepourcentage de propriétaires qui avaient bénéficié de prêts provenant de particuliers (5,1 %)est le même que celui des propriétaires qui avaient utilisé la paye de leur emploi précédentpour lancer leur commerce. Ainsi, une des caractéristiques propres de ces microcommercesest le fait de posséder un faible capital et de dépendre de ressources personnelles etfamiliales.

Représentant avant tout un moyen de subsistance pour la famille, les microcommercesétaient souvent des entreprises d’une personne et les éventuels travailleurs qui y étaientoccupés ne l’étaient presque jamais dans le cadre d’un emploi salarié. De fait, l’enquête arévélé que la taille moyenne des microcommerces dans les deux parcs industriels étaitinférieure à deux personnes par unité. Plus précisément, 17,9 % des commerces étaienttenus par leurs seuls propriétaires, 46,1 % par deux personnes, 23,1 % par trois personnes

7 Dans les deux parcs industriels, il est fréquent de rencontrer des véhicules équipés de poêles, réfrigérateurs,rayonnages, et autres installations destinées à la préparation et à la vente des aliments.

8 D’après les observations, l’équipement commun de la plupart des commerces se compose de glacières, decasseroles à usage domestique, de seaux en plastiques pour conserver la nourriture, de morceaux de tissu ou desacs en plastique pour la couvrir.

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et les 12,9 % restants par quatre personnes. Dans le parc de Pinsa, par exemple, dans quatrecommerces sur cinq, les travailleurs ne recevaient pas de salaire.

Dans la littérature relative au travail informel, l’importance du taux de mortalité desmicrocommerces est souvent soulignée (Salas, 1992). Comme l’entrée en activité estrelativement facile, il est fréquent de voir les propriétaires se retirer suite à une améliorationdes conditions économiques. Certaines études ont montré une tendance à la diminution dela croissance du secteur informel durant les périodes d’expansion du marché du travail(Anderson, 1988). La taille et la structure des unités familiales, en relation avec la phase ducycle domestique dans lequel elles se trouvent, est aussi un facteur qui influence leva-et-vient des commerces à petite échelle dans le secteur informel (Cortéz et Benítez,1991). Par opposition à ces constatations, la grande majorité des commerces inclus danscette étude se caractérisait par une grande stabilité qui se manifestait par de bons taux desurvie. Seuls 25 % de ces établissements avaient une ancienneté de moins de douze mois etplus de 46 % existaient depuis plus de six ans. Si on ajoute qu’environ 40 % despropriétaires étaient en charge de leur commerce depuis plus de six ans, on peut supposerque la propriété des commerces est elle aussi assez stable. Ces résultats permettentégalement de supposer que l’existence de ces microcommerces représentait une source plusou moins permanente de revenu pour les propriétaires et leurs familles.

Enfin, il est important de signaler que, comme la majorité des entreprises maquiladorasoffrait à leurs employés une cantine ou une cafétéria, les petits commerçants avaient dûdévelopper une série de stratégies pour capter et maintenir la demande d’aliments destravailleurs de la maquila. Ces stratégies se caractérisaient par des horaires de travailétendus et flexibles, l’offre de menus adaptés aux habitudes de consommation des tra-vailleurs et la possibilité de s’abonner et d’acheter les aliments « à crédit »9.

3.2. Les propriétaires

Certaines études ont révélé une propension plus importante de femmes que d’hommes àtravailler dans le secteur informel. Ceci s’explique par une plus grande difficulté pour lesfemmes à trouver un emploi dans le secteur formel et l’incompatibilité des conditions detravail dans l’industrie et le commerce moderne avec leur rôle reproductif (Tiano, 1987).On a pu remarquer en outre l’existence d’un lien entre les activités des femmes dans lecontexte familial et celles qu’elles accomplissent dans le monde du travail informel (DeBarbieri, 1991, p. 207). Dans notre cas, les résultats de l’enquête ont montré que lesfemmes représentaient deux tiers des propriétaires de microcommerces. La participationdes femmes à ces activités était également considérable, puisqu’elles représentaient 70 %des travailleurs des microcommerces.

Par ailleurs, l’enquête a révélé que les salaires des femmes propriétaires étaient infé-rieurs à ceux des hommes, malgré un nombre plus élevé de jours de travail sur l’année et desjournées de travail plus longues. D’après l’information obtenue, durant une semainenormale de travail, 80 % des propriétaires qui consacraient moins de 20 heures à leur tâcheétaient des hommes. En revanche, parmi les propriétaires qui consacraient plus de 60 heu-

9 Lors de l’enquête, il est apparu que 61,5 % des microcommerces vendaient les aliments à crédit. Le jour depaie des travailleurs de la maquila est aussi le jour de remboursement des dettes dans les commerces.

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res par semaine à leur commerce, près de 90 % étaient des femmes. En outre, dans lacatégorie des revenus les plus bas (au plus deux fois le salaire minimum), 73 % descommerces étaient tenus par des femmes. À l’inverse, 57 % des microcommerces quirapportaient au moins trois fois le salaire minimum étaient gérés par des hommes. Il paraîtainsi envisageable de penser que les disparités de rentabilité étaient directement liées auxconditions d’entrée en activité et indirectement liées à la somme des ressources disponibleset au contrôle exercé sur elles par les individus et pas au temps de travail accompli.

Les données concernant l’âge et la migration contredisent les anciennes idées selonlesquelles les travailleurs du secteur informel sont principalement de jeunes immigrants à larecherche d’un emploi dans le secteur formel (Rodriguez et al., 1988). En fait, lespropriétaires des microcommerces étaient souvent des adultes d’âge mûr et des résidantsrelativement anciens de Nogales. L’âge moyen des propriétaires était de 40 ans et, confor-mément aux résultats de l’enquête, 10,5 % avaient entre 20 et 25 ans, environ 26 % entre25 et 35 ans et les 63,5 % restants plus de 35 ans. En ce qui concerne leurs conditionsmigratoires, seuls 30 % des propriétaires étaient nés à Nogales ; le reste avait migré vers laville à un moment de leur vie. Cependant, un seul y résidait depuis moins de cinq ans, et75 % y habitaient depuis dix ans au moins.

Il est important de noter que même si le montant initial d’investissement pour lesactivités informelles est relativement bas et le marché non réglementé, l’entrée en activitésuppose de surmonter certains obstacles. Il faut par exemple disposer d’une épargnepréalable ou de réseaux personnels facilitant l’entrée. Dans de nombreux cas, cela demandeégalement une connaissance des réseaux d’influence et de gestion existant dans la villepuisque l’installation des commerces requiert le consentement ou la permission d’indivi-dus, d’organisations professionnelles et d’institutions régulatrices locales10. Ces conditionssont tellement importantes qu’elles impliquent presque automatiquement une période derésidence plus ou moins longue dans la ville ; c’est aussi la raison pour laquelle les migrantsrécemment arrivés ne peuvent se lancer aisément dans ces activités.

À propos du parcours des travailleurs, l’enquête a montré que la majorité d’entre euxavaient exercé une autre activité avant d’entreprendre celle-ci. D’après l’enquête, 7 pro-priétaires sur 10 interrogés avaient été engagés dans des entreprises de plus de 50 tra-vailleurs, principalement dans l’industrie maquiladora. Dans cet emploi antérieur, lagrande majorité des propriétaires étaient des travailleurs salariés (90,4 %). Le pourcentagede travailleurs provenant d’activités à petite échelle était de 12,9 % seulement. Les motifspour lesquels ces travailleurs ont abandonné leur emploi antérieur étaient principalementles bas salaires, le licenciement ou la compression du personnel dans les établissements,ainsi que le désir de se rendre indépendant. Ainsi, la participation préalable au marché dutravail est une caractéristique dominante pour les propriétaires de microcommerces. Cette

10 Le règlement du commerce et des professions dans la vie publique de la mairie de Nogales stipule qu’unecommission constituée par des responsables de la santé, des services publics, de la mobilité et de la planificationurbaine est l’instance qui donne et annule les permis pour travailler sur la voie publique (Gobierno del Estado deSonora, 1990). Cette commission a également le pouvoir d’autoriser des changements d’horaires, de tournées oud’emplacement. En pratique, ces décisions sont laissées aux mains des inspecteurs qui agissent sur base« d’arrangements » avec les propriétaires. Dans d’autres contextes, on s’est rendu compte que, de par sa grandevisibilité, la vente de nourriture de rue est une des activités informelles qui font l’objet de nombreuses tracasseriesde la part des autorités locales (Tinker, 1987, p. 5).

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situation, conjuguée à une marginalisation par rapport aux activités formelles due aux bassalaires ou à la perte de l’emploi, montre que l’insertion dans les activités informelles estune alternative forcée par le besoin de revenus et la nécessité d’assurer la reproductionindividuelle et familiale.

3.3. La famille

Une stratégie de vie reposant sur le commerce d’aliments préparés implique l’utilisationde chacune des ressources disponibles dans la famille, y compris du point de vue de la forcede travail. Selon nos observations, les fils, les conjoints ou les deux étaient ceux quiaccompagnaient le plus souvent les propriétaires dans leur activité. En fait, pratiquementles trois quarts des travailleurs des microcommerces avaient un lien de parenté avec lepropriétaire. Cet indicateur était de 100 % dans le parc Sanchez qui concentrait le plusgrand nombre de commerces caractérisés par des moyens d’équipement très précaires etl’un des plus bas niveaux de revenus. En revanche, dans les microcommerces installés dansle parc Pinsa, mieux équipés et plus rentables, 63 % seulement de la force de travail avait unlien avec la famille.

Ainsi, il semble que plus les conditions de travail dans les commerces sont précaires,plus l’utilisation de la force de travail familiale est grande, chose qui paraît logique quandon sait que le manque d’équipements et d’installations adéquates entraîne une augmenta-tion considérable du besoin d’aide. Par exemple, le manque de moyens de transport proprescrée une nécessité d’aide pour le transport des produits de base depuis les centres d’appro-visionnement ou des aliments préparés et des ustensiles jusqu’au point de vente. De même,l’utilisation d’installations temporaires comme il y en avait beaucoup dans le parc Sanchez,demandait un travail plus important pour monter et démonter la boutique, une fois lajournée terminée.

La flexibilité de cette force de travail familiale est une caractéristique essentielle dufonctionnement de ces microcommerces. En effet, les travailleurs familiaux sont normale-ment cohabitants et leur disponibilité au travail, si elle n’est pas illimitée, est biensupérieure à celle des travailleurs recrutés sur le marché du travail. « Être à la maison »implique pour les membres de la famille en âge de travailler la possibilité d’intervenir àchacune des phases du processus de production et pas seulement pendant la phase decirculation.

4. Conclusions

La consolidation de l’industrie maquiladora comme élément principal de la baseéconomique de la frontière et son expansion dans un contexte de libre échange risquent demener à l’approfondissement des différents processus analysés dans cet article. Il estévident que l’intérêt de l’étude du processus d’industrialisation ne se limite pas auxconséquences que provoque l’extension de la maquila sur la structure économique eturbaine de la frontière. Elle consiste aussi à déceler les implications de ces évolutions surles aspects plus microsociaux du tissu social de la région. On voit par exemple comment ladissociation entre la reproduction de la force de travail et la famille crée, dans un contexte

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urbain, les conditions propices à l’avènement de pourvoyeurs informels de services pourl’industrie comme les microcommerces présentés ci-dessus.

Les résultats obtenus permettent de mettre en évidence la base domestique de cesmicrocommerces, non seulement parce qu’ils reposent sur les ressources matérielles ethumaines provenant de la famille, mais aussi parce qu’ils sont directement liés à l’ensembledes conduites adoptées par celle-ci dans le but d’assurer la reproduction individuelle etcollective. L’approche adoptée nous a permis de constater que ce secteur s’alimentait detravailleurs provenant directement du secteur formel de l’économie et principalement del’industrie maquiladora. Cette étude a aussi montré que la création et l’entretien de cescommerces reposaient sur une base à dominante féminine et que les conditions de travailétaient plus défavorables dans les commerces tenus par des femmes que dans ceux tenus parles hommes. Un élément qui accentue encore les différences est le fait que les conditionsd’entrée sont beaucoup plus précaires pour les femmes que pour les hommes, non seule-ment parce qu’elles n’ont souvent pas le contrôle des ressources familiales, mais encoreparce que les ressources qu’elles peuvent utiliser sont peu abondantes au sein de la famille.

Bien que la nature des activités examinées ici rende difficile l’élaboration de stratégiesadéquates, il est néanmoins possible de formuler certaines recommandations visant àaméliorer les conditions de travail, les salaires et la qualité des aliments consommés dansles microcommerces. Ces recommandations sont les suivantes :

• Promouvoir l’organisation de l’achat collectif de produits de base. Le fait de gérer ladistribution des produits à travers une coopérative par exemple permettrait aux pro-priétaires d’améliorer leur capacité de négociation avec les fournisseurs et autoriseraitun contrôle de qualité des ingrédients utilisés pour la préparation des aliments.

• Accorder aux microcommerces le même traitement que celui qui est octroyé auxentreprises concessionnaires de restaurants et de cafétérias qui opèrent à l’intérieur desindustries maquiladoras. Ces concessionnaires ne paient pas de loyer et bénéficientgratuitement des infrastructures, alors même qu’ils reçoivent une aide directe de la partdu gouvernement puisque le service qu’ils offrent est exempt d’impôts.

• Créer une organisation autonome supervisée de près par une instance techniquecomme l’université pourrait permettre aux propriétaires d’améliorer les conditionsd’hygiène et la qualité nutritionnelle de leurs produits. L’assistance à un cours sur lamanipulation hygiénique des aliments et sur la nutrition pourrait devenir un pré requispour travailler dans les parcs industriels.

• Enfin, pour la santé des travailleurs, le plus gros risque dû à la consommationd’aliments vendus dans les microcommerces étudiés provient de la piètre qualité desinstallations. La majorité des échoppes ne disposent pas d’eau courante ni d’électricitéet sont à l’air libre. Les entreprises maquiladoras pourraient faire pression sur lespromoteurs et les propriétaires des parcs industriels en vue de mettre fin à cettesituation.

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