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26 novembre - 2 décembre 2007 N o 1454 INC Hebdo I INC document JURISPRUDENCE RESPONSABILITÉ CIVILE ET ASSURANCE AUTOMOBILE Plus de vingt ans après l’entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 1985, qui avait pour objectif d’améliorer l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation, le constat peut être fait que des difficultés d’application persistent. L’abondante juris- prudence en la matière est là pour en témoigner. Les incertitudes quant à l’application de la loi sont diverses et liées à l’imprécision des termes employés. Ainsi, à la lecture de la jurisprudence, on se rend compte que la notion même d’accident de la circulation pose encore problème. Et que celle d’implication d’un véhicule dans l’accident n’est toujours pas complètement cernée. De même, la faute du conducteur victime pouvant limiter ou exclure son droit à indemnisation reste difficile à appréhender pour les magistrats… c’est dire ! Cette fiche fait le point sur les principales décisions rendues en matière de responsabilité civile automobile et d’assurance responsabilité civile automobile. L’indemnisation du conducteur victime ivre (2 arrêts) 1 re espèce : un automobiliste roulait sur sa voie normale de cir- culation lorsqu’il a été percuté au niveau d’une intersection, en raison du non-respect du panneau “stop” par un autre automo- biliste. Il a été établi que l’automobiliste victime présentait une alcoolémie de 0,85 gramme par litre. L’assureur du responsable de l’accident faisait valoir que l’alcoolémie du conducteur vic- time était une faute de nature à exclure son droit à indemni- sation. La cour d’appel comme la Cour de cassation vont refuser de li- miter ou d’exclure l’indemnisation de la victime en raison de l’absence de causalité entre l’alcoolémie de la victime et la réa- lisation de son dommage. Cass. plén., 6 avril 2007, pourvoi n o 05-81 350. 2 e espèce : une collision s’est produite entre une voiture et une moto circulant en sens inverse. Pour obtenir indemnisation du préjudice, l’automobiliste et son assureur faisaient valoir que le motard se trouvait sous l’emprise de l’alcool. La cour d’appel a jugé que le motard n’avait commis aucune faute et que son alcoolémie était sans incidence sur son droit à réparation. La Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir déduit l’absence de lien de causalité entre l’état du con- ducteur victime et la réalisation de son préjudice. Cass. plén., 6 avril 2007, pourvoi n o 05-15 950. Ces deux arrêts de l’assemblée plénière de la Cour de cassation sont importants car ils devraient mettre fin à une jurisprudence “en dents de scie” de plus de vingt ans, sur laquelle il convient de revenir brièvement. L’article 4 de la loi du 5 juillet 1985 prévoit que la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis. Or, la jurisprudence de la faute du conducteur dans son droit à réparation est plus que fluctuante depuis l’entrée en vi- gueur de ladite loi. À la différence des non-conducteurs, pour qui seule leur faute inexcusable conduit à limiter leur indem- nisation (à l’exception des moins de 16 ans et des plus de 70 ans), FAUTE DU CONDUCTEUR ET INDEMNISATION

RESPONSABILITÉ CIVILE ET ASSURANCE AUTOMOBILE · ET ASSURANCE AUTOMOBILE Plus de vingt ans après l’entrée en vigueur de la loi du 5juillet 1985, qui avait pour objectif d’améliorer

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26 novembre-2 décembre 2007No 1454INC Hebdo I

INC documentJURISPRUDENCE

RESPONSABILITÉ CIVILE

ET ASSURANCE AUTOMOBILEPlus de vingt ans après l’entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 1985, qui avait pour objectif d’améliorer l’indemnisation des

victimes d’accidents de la circulation, le constat peut être fait que des difficultés d’application persistent. L’abondante juris -

prudence en la matière est là pour en témoigner.

Les incertitudes quant à l’application de la loi sont diverses et liées à l’imprécision des termes employés. Ainsi, à la lecture

de la jurisprudence, on se rend compte que la notion même d’accident de la circulation pose encore problème. Et que celle

d’implication d’un véhicule dans l’accident n’est toujours pas complètement cernée. De même, la faute du conducteur victime

pouvant limiter ou exclure son droit à indemnisation reste difficile à appréhender pour les magistrats… c’est dire!

Cette fiche fait le point sur les principales décisions rendues en matière de responsabilité civile automobile et d’assu rance

responsabilité civile automobile.

L’indemnisation du conducteur victime ivre (2 arrêts)1re espèce : un automobiliste roulait sur sa voie normale de cir-culation lorsqu’il a été percuté au niveau d’une intersection, enraison du non-respect du panneau “stop” par un autre automo -biliste. Il a été établi que l’automobiliste victime présentait unealcoolémie de 0,85 gramme par litre. L’assureur du responsablede l’accident faisait valoir que l’alcoolémie du conducteur vic-time était une faute de nature à exclure son droit à indemni-sation.La cour d’appel comme la Cour de cassation vont refuser de li-miter ou d’exclure l’indemnisation de la victime en raison del’absence de causalité entre l’alcoolémie de la victime et la réa -lisation de son dommage.

Cass. plén., 6 avril 2007, pourvoi no 05-81350.

2e espèce : une collision s’est produite entre une voiture et unemoto circulant en sens inverse. Pour obtenir indemnisation dupréjudice, l’automobiliste et son assureur faisaient valoir quele motard se trouvait sous l’emprise de l’alcool.

La cour d’appel a jugé que le motard n’avait commis aucunefaute et que son alcoolémie était sans incidence sur son droità réparation. La Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir déduit l’absence de lien de causalité entre l’état du con -ducteur victime et la réalisation de son préjudice.

Cass. plén., 6 avril 2007, pourvoi no 05-15950.

Ces deux arrêts de l’assemblée plénière de la Cour de cassationsont importants car ils devraient mettre fin à une jurisprudence“en dents de scie” de plus de vingt ans, sur laquelle il convientde revenir brièvement.

L’article 4 de la loi du 5 juillet 1985 prévoit que la faute commisepar le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effetde limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il asubis. Or, la jurisprudence de la faute du conducteur dans sondroit à réparation est plus que fluctuante depuis l’entrée en vi-gueur de ladite loi. À la différence des non-conducteurs, pourqui seule leur faute inexcusable conduit à limiter leur indem-nisation (à l’exception des moins de 16 ans et des plus de 70 ans),

FAUTE DU CONDUCTEUR ET INDEMNISATION

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26 novembre-2 décembre 2007No 1454INC HebdoII

Traverser à pied une autoroute avec 3,45 g d’alcooldans le sang n’est pas une faute inexcusable !À 3h30 du matin, un piéton qui traversait une voie d’autoroutea été heurté par une voiture. Selon le rapport de police, la vic-time avait un taux d’alcool de 3,45 grammes par litre de sanget a traversé les deux voies de circulation de l’autoroute aprèsavoir quitté une discothèque à proximité.

L’automobiliste et son assureur tentent de faire établir la fauteinexcusable du piéton afin de s’exonérer. Pour cela, ils font valoirque le piéton qui traverse volontairement une autoroute aprèsavoir franchi les barrières de sécurité a commis une faute inex -cusable, et que son état d’ébriété n’est nullement exonératoire.

Toutefois, il apparaît également dans le rapport qu’à la question«Comment expliquez-vous la présence d’un piéton sur la chaus-sée?», l’automobiliste répond : «Je ne peux pas l’expliquer réel -lement. Rétrospectivement, soit j’ai regardé mon GPS au momentdu choc, soit le piéton a traversé soudainement. Ou alors il estpossible que je ne l’aie pas vu car il n’était pas visible. » Malgrél’attitude du piéton, les propos de l’automobiliste traduisentune incertitude quant à la cause de l’accident. Pour cette rai-son, la cour d’appel ne va pas retenir cette défense. Elle consi-dère que le piéton n’a pas commis de faute inexcusable, du faitque son attitude n’est pas la cause exclusive de l’accident.

CA Paris, 23 janvier 2006, Gaz. Pal., 18-20 juin 2006, p. 9.

FAUTE INEXCUSABLE DE LA VICTIME

—————1 Dans le cas où le propriétaire d’un animal reste inconnu, les victimes peuvent s’adresser aux commissions d’indemnisation des victimes d’infractions(CIVI) dont les coordonnées sont disponibles via < www.fgti.fr/francais/adresses/adresses-civi.htm >.

les conducteurs se voient opposer leur faute pour limiter – voireexclure – leur indemnisation.

Ce principe a été appliqué strictement jusqu’à un arrêt de la Courde cassation du 29 mars 1997 qui a considéré que la faute duconducteur n’entraîne pas automatiquement l’exclusion de sonindemnisation. À l’inverse, le 4 juillet de la même année, ladeuxième chambre civile a jugé que le simple fait de prendrele volant avec une alcoolémie supérieure au taux légal est unefaute de nature à exclure le droit à indemnisation du conduc-teur. Il s’en est suivi une longue liste d’arrêts appliquant cetteposition (notamment Cass. civ. II, 10 mars 2004, pourvoi no 02-19841; Cass. crim., 18 octobre 2005, pourvoi no 05-81834), et lamême solution est appliquée en cas d’usage de stupéfiants (Cass.civ. II, 13 octobre 2005, pourvoi no 04-17 428).

Les deux arrêts du 6 avril 2007 rendus par l’assemblée plénièresemblent mettre un terme à l’incertitude existante concernantl’indemnisation du conducteur, et ramener de la cohérence enla matière. Selon la Cour, quand bien même le conducteur pré-sente un taux d’alcool non nul dans le sang, si aucune faute deconduite (excès de vitesse, perte de contrôle, etc.) n’a joué unrôle dans l’accident, il conserve son droit à indemnisation. End’autres termes, le seul fait de boire ne constitue plus une fautede nature à limiter ou exclure le droit à indemnisation du con -ducteur en cas d’accident.

Le défaut d’entretien du véhicule constitue une faute ayant pour effet d’exclure l’indemnisation du conducteurM. X… a acheté en Belgique un véhicule âgé de dix ans et l’a faitimmatriculer en France sans lui faire passer de con trôle tech-nique. Peu de temps après l’achat, le véhicule est impliqué dansun accident au cours duquel le conducteur a été blessé. Il de-mande l’indemnisation de ses préjudices.

Alors qu’aucune faute de conduite (vitesse, défaut de maîtrise…)n’est à reprocher aux deux conducteurs impliqués, la deman-de d’indemnisation de M. X… est rejetée par le tribunal de grandeinstance en raison du défaut d’entretien du véhicule. Le con -duc teur ne pouvait pas prouver l’état du véhicule importé, etil ressort du procès-verbal de gendarmerie qu’il a perdu une rouelors de l’accident.

La cour d’appel confirme l’arrêt rendu par le tribunal pour énon-cer que le défaut d’entretien d’un véhicule, à défaut de toute au-tre faute, constitue une faute ayant pour effet d’exclure l’in dem -

nisation du conducteur. Conformément à l’article 4 de la loi du5 juillet 1985, toute faute commise par le conducteur a pour effetde limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il asubis.

CA Nîmes, 31 janvier 2006, référence jurisp. INC no 3954.

L’irruption d’un animal sur la route n’est pas un cas de force majeure

Une collision entre deux véhicules a eu lieu sur une route dé -partementale. Au moment de l’accident, un conducteur a tentéd’éviter un animal qui a surgi sur la route. Pour cela, il a braquéà gauche tout en freinant, ce qui lui a fait perdre le contrôle deson véhicule et se retrouver dans la voie de circulation inverse.Ce conducteur est décédé des suites de l’accident. Ses ayantsdroit demandent réparation, sur le fondement de la loi de 1985relative à l’indemnisation des victimes d’accidents de la cir-culation, à l’autre conducteur qui circulait dans son propre cou-loir de circulation ainsi qu’à son assureur.

L’arrêt est partiellement cassé, mais la Cour de cassation ap-prouve la cour d’appel sur un point important : le conducteurqui a subi l’irruption d’un animal sur la route et perdu le contrôlede son véhicule ne peut pas invoquer un cas de force majeurepour s’exonérer de toute faute (faute constituée ici par la pertede contrôle du véhicule). Dès lors, si aucune faute ne peut êtreimputée à l’autre conducteur, le conducteur fautif devra subirtoutes les conséquences de l’irruption de l’animal sur la chaus -sée. L’irruption d’un animal sur une route départementale à lasortie d’un village ne constitue pas, selon la juridiction suprême,un obstacle imprévisible et irrésistible assimilable à un cas deforce majeure.

Le seul recours qui s’offre alors aux ayants droit du conducteurest l’engagement de la responsabilité du propriétaire de l’animalsur le fondement de l’article 1385 du code civil, à condition qu’ilsoit connu1. Dans le cas où l’animal n’a pas de propriétaire (che-vreuil, sanglier, etc.), le conducteur pourra demander une in-demnisation sur le fondement de l’article 1382 en cas de mau-vaise signalisation du danger (responsabilité d’une commune,d’une société d’autoroute, etc.) ou, en dernier recours, auprèsdu Fonds de garantie des assurances obligatoires de domma-ges (FGAO) qui a vocation à indemniser les dommages subisen cas de collision avec des animaux sauvages.

Cass. civ. II, 11 janvier 2007, pourvoi no 05-21551.

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26 novembre-2 décembre 2007No 1454INC Hebdo III

Victime dont le véhicule est seul impliqué dans l’accidentUne conductrice, après avoir sorti la voiture de son garage, des-cend de son véhicule pour refermer la porte derrière elle. Maisen raison d’un terrain légèrement incliné et d’un frein à mainprobablement mal serré, l’automobile part en marche arrièreet l’écrase.Pour obtenir une indemnisation de ses dommages, elle a as-signé l’assureur de son véhicule. Les juges du fond ont rejetésa demande d’indemnisation au motif que la loi du 5 juillet 1985n’était pas applicable. La victime a alors formé un pourvoi de-vant la Cour de cassation en avançant qu’étant descendue duvéhicule, elle avait perdu la qualité de conducteur. En consé-quence et conformément à la loi du 5 juillet 1985, seule une fauteinexcusable de sa part pouvait lui être opposée pour limiter ouexclure son droit à l’indemnisation de ses dommages.La Cour de cassation rejette le pourvoi en retenant que le gar-dien d’un véhicule terrestre à moteur, victime d’un accident dela circulation, ne peut se prévaloir des dispositions de la loi du5 juillet 1985 à l’encontre de son propre assureur en l’absenced’un tiers conducteur du véhicule, débiteur d’une indemnisationà son égard. En effet, la victime, bien que n’étant plus conduc-trice du véhicule au moment de l’accident, en conserve la gardeen sa qualité de propriétaire. Aucun débiteur d’une indemni-sation n’étant en cause dans l’accident, la loi du 5 juillet 1985n’est pas applicable; en conséquence, la victime ne peut pas ré-clamer d’indemnisation à son assureur. Bien que sévère pourla victime, la solution est logique : l’assurance automobile estune assurance de responsabilité. Dans ce cas de figure, le seuldébiteur qui existe est la victime elle-même… Or, on ne peut êtreresponsable envers soi-même. D’où l’utilité de souscrire des as-surances complémentaires “individuelle accident” ou “accidentsde la vie”.

Cass. civ. II, 13 juillet 2006, pourvoi no 05-17095.

Le dommage causé par un tendeur arrimé sur le toit d’une voiture doit être réparé sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985Une personne qui se trouvait à proximité d’un véhicule en sta-tionnement sur lequel avait été arrimée une plaque de contre-plaqué, au moyen d’un tendeur, a été blessée à l’œil par la pro-jection du tendeur et de la plaque de contreplaqué au momentoù le conducteur prenait place dans le véhicule et refermait laportière.L’assureur du véhicule a refusé d’indemniser la victime. Elle l’aalors assigné en vue de l’indemnisation de ses dommages consé-cutifs à l’accident sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985.La cour d’appel déboute la victime en énonçant que l’indem-nisation prévue par la loi du 5 juillet 1985 suppose qu’il y ait euaccident de la circulation – c’est-à-dire que le véhicule impli-

qué ait été en train de circuler, qu’il ait été en mouvement oudu moins, s’il était immobile, qu’un élément du véhicule lié àsa fonction de déplacement soit en cause.La Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d’ap -pel concernant la notion même d’accident de la circulation. Pourcela, elle retient que les blessures avaient été provoquées par laprojection d’un objet transporté et d’un tendeur, accessoire né-cessaire au transport autorisé sur le toit du véhicule, indépen -damment du fait qu’il soit en stationnement sur la voie publique,moteur arrêté. La Cour conclut qu’il s’agit d’un accident de lacirculation et donc que la garantie de l’assureur était due.L’intérêt de cet arrêt est de rappeler d’une part que le station-nement ou l’arrêt du véhicule n’a pas d’incidence sur l’applica -tion de la loi du 5 juillet 1985. Un véhicule peut être impliquédans un accident de la circulation alors qu’il est immobile.D’autre part, lorsqu’un élément est nécessaire à la fonction dedéplacement du véhicule (ici, le tendeur sert à maintenir la plan-che sur le toit), il rentre dans le cadre de la loi du 5 juillet 1985.En conséquence, les dommages causés par un tendeur arriméà une voiture constituent un accident de la circulation et doi-vent être réparés sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 rela -tive à l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation.

Cass. civ. II, 20 octobre 2005, pourvoi no 04-15418.

Implication du véhicule en l’absence de contactUne cavalière effectuait une randonnée sur un chemin de terre.Au moment de son passage près d’une ferme, un tracteur a étémis en marche alors qu’il était caché à la vue. Le démarrage dutracteur a effrayé le cheval qui a jeté la cavalière à terre. Cettedernière a tenté de se redresser en tirant sur les rênes, ce quia déséquilibré le cheval qui est tombé sur elle. La cavalière étantdécédée suite à cet accident, son conjoint demande réparationsur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 relative à l’indemni -sation des victimes d’accidents de la circulation.Dans le cas d’espèce, la cour d’appel a considéré que le con -joint de la victime est fondé à se prévaloir de l’application dela loi précitée qui s’applique alors que le véhicule, même en l’ab-sence de contact, est impliqué. Le lien de causalité entre la miseen marche du tracteur et la chute de la victime étant établi, lacour d’appel considère qu’il s’agit d’un accident de la circulation.Cette décision est intéressante car elle met en lumière le caractèreextensif de la notion d’implication, difficilement compréhen-sible mais régulièrement retenue par les tribunaux.

CA Reims, 22 mai 2006, JCP éd. G., 11 mars 2007, no 1566.

NOTION D’IMPLICATION DU VÉHICULE DANS L’ACCIDENT

En cas de prêt de véhicule, l’assuré doit vérifier la validité du permis du conducteurUn véhicule a été impliqué dans un accident de la circulationalors qu’il était conduit par une personne dont le permis de con -duire avait été annulé. Le propriétaire du véhicule n’avait pasdéclaré le changement de conducteur, ce qui aurait permis àl’assureur de résilier le contrat.

L’assureur qui a été contraint d’indemniser les victimes de l’ac-cident a assigné le propriétaire du véhicule en remboursementdes sommes versées aux victimes en application d’une clause d’ex-clusion de garantie fondée sur le défaut de permis de conduire.

La Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir fait ap-plication de cette clause permettant à l’assureur d’exercer contrel’assuré une action en remboursement des sommes qu’il a dû

ASSURANCE AUTOMOBILE ET CLAUSES D’EXCLUSION

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26 novembre-2 décembre 2007No 1454INC HebdoIV

L’incendie provoqué par un chargeur de batterie ne peut pas être réparé sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985Un automobiliste a confié son véhicule à un garage pour re-charger la batterie. Au cours de cette opération, un incendie s’estdéclaré et a partiellement détruit le garage. Les représentantsdu garage demandent l’indemnisation de leurs préjudices aupropriétaire du véhicule sur le fondement de l’article 1 de la loidu 5 juillet 1985 relative à l’indemnisation des victimes d’acci -dents de la circulation 2.

Pour refuser l’indemnisation demandée par le garage, la courd’appel, qui sera approuvée par la Cour de cassation, retient qu’ilressort du rapport d’expertise que c’est un échauffement ou uncourt-circuit dans le chargeur de batterie déposé sur la roue desecours dans le compartiment moteur qui est à l’origine du si-nistre.

Selon la cour d’appel, au regard des conclusions de l’expert, l’as-sureur ne doit pas sa garantie pour un équipement qui ne consti -tue pas, au regard de l’article R. 211-5 du code des assurances,un accessoire servant à l’utilisation du véhicule 3.

Cette décision doit être approuvée car la police responsabilitécivile automobile obligatoire garantit les dommages que peu-vent provoquer les véhicules. Or, le chargeur de batterie n’estpas un accessoire servant à l’utilisation du véhicule mais cons -titue un outil qui n’a pas vocation à se déplacer avec le véhicule.

Le sinistre ne pouvait donc pas être indemnisé sur le fondementde la loi du 5 juillet 1985 : cet incendie n’est pas un accident dela circulation.

Cass. civ. II, 3 mai 2006, pourvoi no 04-17724.

L’accident survenant lors d’une séanced’entraînement sur circuit fermé n’est pas un accident de la circulation

Au cours d’une séance d’entraînement sur circuit fermé, un mo-tard a été heurté par une moto alors que, s’étant aperçu à la sor-tie d’un virage dangereux qu’un autre motard était en panne,il aidait ce dernier à dégager son véhicule du circuit. Le motardqui a été grièvement blessé dans l’accident a assigné l’autre mo-tard en responsabilité et indemnisation devant le tribunal degrande instance.

Les juges du fond ont décidé que la loi du 5 juillet 1985 était ap-plicable en raison du comportement du motard. Ils ont consi-déré que le fait de s’arrêter pour aider un autre compétiteur apour effet de faire sortir le motard de la compétition.

Ce raisonnement est rejeté par la Cour de cassation, qui rappelleque l’accident survenant à l’entraînement entre des concurrentsévoluant sur un circuit fermé exclusivement dédié à l’activitésportive n’est pas un accident de la circulation.

Cass. civ. II, 4 janvier 2006, pourvoi no 04-14841.

LA NOTION D’ACCIDENT DE LA CIRCULATION

————2 « Les dispositions du présent chapitre s’appliquent, même lorsqu’elles sont transportées en vertu d’un contrat, aux victimes d’un accident de la cir-culation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l’exception des chemins de fer et destramways circulant sur des voies qui leur sont propres. »3 « L’obligation d’assurance s’applique à la réparation des dommages corporels ou matériels résultant :

1º Des accidents, incendies ou explosions causés par le véhicule, les accessoires et produits servant à son utilisation, les objets et substances qu’il transporte ;

2º De la chute de ces accessoires, objets, substances ou produits. »

verser aux victimes. En effet, dans un but de protection des vic-times, le code des assurances (art. R. 211-10 et R. 211-13) pré-voit l’inopposabilité aux victimes des clauses d’exclusion de ga-rantie. L’assureur est alors tenu d’indemniser les victimes à laplace du responsable. Mais les mêmes articles autorisent l’as-sureur à se retourner contre son assuré pour le remboursementdes sommes versées.Dans cette affaire, la non-déclaration à l’assureur du change-ment de conducteur habituel constitue une faute contractuellejustifiant l’application de la clause et l’exercice de l’action enremboursement. On retiendra que le propriétaire d’un véhiculeassuré doit vérifier la validité du permis de conduire de la per-sonne à qui il prête son véhicule.

Cass. civ. II, 8 février 2006, pourvoi no 05-16031.

Responsabilité des parents du fait de leur enfant mineurUne automobile est achetée et conduite par un mineur de 16 ansqui cause un accident au cours duquel une personne est bles-sée. Les parents de ce mineur, en tant que civilement responsa -bles, appellent en garantie leur assureur de responsabilité civile(contrat multirisques habitation).Les juges du fond ont condamné la compagnie d’assurance àgarantir les parents du mineur des condamnations prononcéescontre lui.

L’assureur, qui dénie sa garantie, forme un pourvoi en raisond’une clause d’exclusion du contrat qui stipule que «ne sont paspris en charge les dommages causés par les véhicules […] saufpour les dommages causés par un enfant mineur dont vous se-riez reconnu civilement responsable et qui conduit un véhiculedont vous n’êtes ni propriétaire, ni gardien, personnellement àvos enfants mineurs». Il résultait donc de cette clause que l’en-fant ne devait pas avoir la propriété du véhicule, ce qui n’étaitpas le cas en l’espèce.La Cour de cassation censure la cour d’appel. Elle lui reproched’avoir mal interprété la clause d’exclusion, en relevant qu’il ré-sulte du contrat que les garanties sont exclues si l’enfant a lagarde ou la propriété du véhicule.En l’espèce, on souligne avec regrets que la solution aurait étémoins sévère pour les parents en cas de vol du véhicule, alorsque la situation est assez semblable pour ces derniers qui n’é-taient certainement pas au fait de l’achat du véhicule par leurfils de 16 ans. De plus, la souscription d’un contrat d’assuranceautomobile n’aurait été d’aucune utilité en raison des mêmesclauses d’exclusion.

Cass. crim., 5 décembre 2006, pourvoi no 06-81968.

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80, rue Lecourbe – 75015 Paris – <www.conso.net>Institut national de la consommation

En cas de destruction d’un véhicule, les victimes ont droit à sa valeur de remplacementLe véhicule des époux Baena, acheté partiellement à l’aide d’uncrédit, a été détruit suite à un accident de la circulation. Les épouxdemandent en justice à l’assureur le remboursement du véhiculeainsi que les intérêts afférents au remboursement du prêt con -tracté pour son acquisition.La cour d’appel les déboute de leur demande et se réfère à lavaleur vénale du véhicule pour fixer leur indemnisation. La Courde cassation censure fermement la cour d’appel qui s’est à tortréférée à la valeur vénale du véhicule. Elle rappelle que les épouxBaena ont droit à la réparation intégrale de leurs dommages,et que celle-ci n’est assurée que par le remboursement des fraisde remise en état de la chose ou par le paiement d’une sommereprésentant la valeur de son remplacement. La Cour en déduitque la victime dont le véhicule est détruit suite à un accidentde la circulation est en droit d’obtenir le remboursement deséchéances du prêt contracté pour son acquisition.Cet arrêt nous apporte deux enseignements importants.Le premier est qu’en cas de destruction d’un véhicule dans unaccident de la circulation, c’est à la valeur de remplacement quedoivent se référer les juges pour réparer le préjudice de la vic-time. La Cour de cassation rappelle utilement qu’en vertu del’article 1382 du code civil, la victime d’un dommage est en droit

d’obtenir la réparation intégrale de son préjudice – ce qui cor-respond, lorsque cela est possible, aux frais de remise en étatde la chose ou au paiement d’une somme représentant la va-leur de remplacement du bien. Dans l’affaire, l’indemnisationdoit permettre à la victime de se procurer un véhicule équivalent,c’est-à-dire tel qu’il pouvait être négocié sur le marché avantl’accident additionné des frais annexes (frais de recherche duvéhicule, carte grise par exemple).Le second enseignement est que les échéances du prêt sous-crit par la victime pour acquérir son véhicule doivent être in-cluses dans la valeur de remplacement. Ne sont donc concer-nées que les échéances à venir dans la limite d’une plus-valuepour le remboursement des intérêts du prêt. Le responsable nedoit pas payer à la fois le remplacement du véhicule et le rem-boursement du prêt.

Cass. civ. II, 8 mars 2006, pourvoi no 04-14946.

Nicolas Tilmant-Tatischeff

INDEMNISATION DU DOMMAGE

Quel fondement pour la réparation des dommagescausés par un piéton à un motocycliste ?Un motocycliste qui circulait dans une rue a été déséquilibrépar un piéton et a été blessé. Ce motocycliste a demandé répa -ration de son dommage devant les tribunaux. Le piéton n’étantpas assuré, le Fonds de garantie est intervenu à l’instance. Lesjuges du fond ont considéré le piéton seul responsable de l’ac-cident et l’ont condamné à réparer les dommages subis par lemotocycliste.N’étant pas satisfait par l’offre d’indemnisation proposée parle fonds d’indemnisation, le motocycliste a fait appel en s’ap-puyant sur la loi du 5 juillet 1985.

Les prétentions de ce dernier sont rejetées par la Cour de cassa -tion, du fait que les dommages causés par un piéton au conduc-teur d’un véhicule terrestre à moteur ne peuvent être réparésque sur le fondement de la responsabilité civile (articles 1382et suivants du code civil) à l’exclusion de la loi du 5 juillet 1985qui n’est pas applicable dans ce cas. En effet, la loi est applicablelorsqu’un véhicule terrestre à moteur cause un dommage à unpiéton, mais pas en cas de dommage causé par un piéton à untel véhicule (article 1er de la loi).

Cass. civ. II, 15 mars 2007, pourvoi no 06-12680.