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1 7 e numéro – mars/avril mars/avril mars/avril mars/avril 2010 2010 2010 2010 ACTUALITES ACTUALITES ACTUALITES ACTUALITES Jalons d’une gestion efficace des contrats commerciaux en temps de crise Me Mamadou KONATE (P 2) ETUDES ETUDES ETUDES ETUDES Brèves réflexions sur la révocation des dirigeants sociaux dans l’espace OHADA Me Bérenger MEUKE (P 10) Recours en annulation et exécution forcée des sentences arbitrales Me Bouréma SAGARA (P 14) CHRONIQUES CHRONIQUES CHRONIQUES CHRONIQUES De l’applicabilité du statut de bail commercial en OHADA – Note sous Cour d’Appel de Dakar Arrêt n° 825 du 13/09/2005 Ch civ et com 2 e , (TOTAL ELF FINA c/ Ladora KONATE) Me Bakary DIALLO (P 17) INFORMATIONS PRATIQUES INFORMATIONS PRATIQUES INFORMATIONS PRATIQUES INFORMATIONS PRATIQUES Transfert d’entreprise en droit malien : De la dénonciation des accords collectifs Me Bérenger MEUKE (P 20) LU POUR VOUS LU POUR VOUS LU POUR VOUS LU POUR VOUS Relecture des Actes Uniformes OHADA relatifs au Droit Commercial Général et aux Sûretés FIAS WORLD BANK GROUP (P 22) Me Mamadou KONATE, Avocat Associé JURIFIS CONSULT (Séminaire de l’IUA à Dakar) Photo réalisée par B. DIENG Dans cette septième parution, La Revue Jurifis Info revient sur la gestion des contrats commerciaux en temps de crise, thème ayant fait l’objet d’un exposé détaillé lors du 3 e Congrès Africain des Juristes d’Entreprise qui s’est tenu à Cotonou du 4 au 7 mai 2010. Comme Me Mamadou KONATE l’a précisé dans son intervention, « l’époque et l’environnement socio-économiques dans lesquels nous vivons, exposent davantage les parties à un contrat, à différentes situations visées par la théorie de l’imprévision ou du changement des circonstances économiques, situations au nombre desquelles on compte : la crise pétrolière, la dévaluation du francs CFA ou encore le récent effondrement du système bancaire et financier. Cependant, la maîtrise du contrat sur l'avenir est tout à fait possible lorsque les parties décident d'inclure des clauses dites d'adaptation qui sont des techniques d'intégration du risque liées aux évolutions des données sous l'empire desquelles les parties se sont accordées. » Pour tout renseignement ou pour recevoir la Revue Jurifis Info par e-mail, écrivez à [email protected] Consultez La Revue en ligne : www.jurifis.com Quartier Hamdallaye, ACI 2000, face Nouvelle Ambassade des USA - BP E 1326 Bamako/Mali Tél : (+223)20.23.40.24/20.23.53.96/20.22.53.97 - Fax (+223) 20.22.40.22

Rev Jurifis Info N° 7 _mars-avr_ 2010

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7e numéro – mars/avrilmars/avrilmars/avrilmars/avril 2010201020102010

ACTUALITESACTUALITESACTUALITESACTUALITES

Jalons d’une gestion efficace des contrats

commerciaux en temps de crise

Me Mamadou KONATE (P 2)

ETUDESETUDESETUDESETUDES

Brèves réflexions sur la révocation des dirigeants

sociaux dans l’espace OHADA Me Bérenger MEUKE

(P 10)

Recours en annulation et exécution forcée des sentences arbitrales

Me Bouréma SAGARA (P 14)

CHRONIQUESCHRONIQUESCHRONIQUESCHRONIQUES

De l’applicabilité du statut de bail commercial en

OHADA – Note sous Cour d’Appel de Dakar Arrêt n° 825 du 13/09/2005 Ch civ et com 2e, (TOTAL ELF FINA c/ Ladora KONATE)

Me Bakary DIALLO (P 17)

INFORMATIONS PRATIQUESINFORMATIONS PRATIQUESINFORMATIONS PRATIQUESINFORMATIONS PRATIQUES

Transfert d’entreprise en droit malien : De la

dénonciation des accords collectifs

Me Bérenger MEUKE (P 20)

LU POUR VOUSLU POUR VOUSLU POUR VOUSLU POUR VOUS

Relecture des Actes Uniformes OHADA relatifs au Droit

Commercial Général et aux Sûretés

FIAS WORLD BANK GROUP

(P 22)

Me Mamadou KONATE, Avocat Associé JURIFIS CONSULT (Séminaire de l’IUA à Dakar)

Photo réalisée par B. DIENG

Dans cette septième parution, La Revue Jurifis Info revient sur la gestion des contrats commerciaux en temps de crise, thème ayant fait l’objet d’un exposé détaillé lors du 3e Congrès Africain des Juristes d’Entreprise qui s’est tenu à Cotonou du 4 au 7 mai 2010. Comme Me Mamadou KONATE l’a précisé dans son intervention, « l’époque et l’environnement socio-économiques dans lesquels nous vivons, exposent davantage les parties à un contrat, à différentes situations visées par la théorie de l’imprévision ou du changement des circonstances économiques, situations au nombre desquelles on compte : la crise pétrolière, la dévaluation du francs CFA ou encore le récent effondrement du système bancaire et financier. Cependant, la maîtrise du contrat sur l'avenir est tout à fait possible lorsque les parties décident d'inclure des clauses dites d'adaptation qui sont des techniques d'intégration du risque liées aux évolutions des données sous l'empire desquelles les parties se sont accordées. »

Pour tout renseignement ou pour recevoir la Revue Jurifis Info par e-mail, écrivez à [email protected] Consultez La Revue en ligne : www.jurifis.com

Quartier Hamdallaye, ACI 2000, face Nouvelle Ambassade des USA - BP E 1326 Bamako/Mali Tél : (+223)20.23.40.24/20.23.53.96/20.22.53.97 - Fax (+223) 20.22.40.22

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JALONS D’UNE GESTION EFFICACE DES CONTRATS COMMERCIAUX EN TEMPS DE CRISE

Mamadou I. KONATE

Avocat Associé JURIFIS CONSULT

« Le droit est la plus puissante école de l’imagination, jamais un poète n’a pu interpréter la nature, aussi librement qu’un juriste le contrat… ! »

Jean GERAUDOUX Tout contrat suppose la durée. Si ordinairement la formation du contrat résulte d’un accord soudain et procède parfois d’une laborieuse préparation qui s’inscrit elle-même dans le temps son exécution, elle, s’étale beaucoup plus nettement et beaucoup plus fréquemment encore, dans la durée. Tel est le cas notamment des contrats continus ; qu’ils soient à exécution successive ou à prestations différées. Le temps est donc est une donnée dont les parties ne peuvent faire abstraction. Ce faisant, la situation initiale qui a donné lieu à l’accord contractuel risque d’être modifiée de manière substantielle, déjouant ainsi les prévisions légitimes des parties. Mais à ces risques encourus par le contrat, le droit privé répond fermement par la maxime « Pacta Sunt servenda » traduite dans l’article 1134 du code civil français et reprise sous diverses dispositions dans les législations africaines qui proclame la force obligatoire des contrats que rien ne pourra affecter. Ce principe s’appuie sur le fondement moral de la parole donnée mais il s’explique également par une justification économique et sociale. Le droit doit assurer la sécurité des transactions ; or, si l’on veut permettre aux parties d’affecter d’un terme leurs conventions, il faut leur garantir une exécution intégrale : le contrat doit être une emprise sur l’avenir. Aussi, plaçant pour des raisons de moralité et de sécurité juridique la volonté humaine en pierre angulaire de sa construction, déniant aux tiers tout pouvoir d’intervenir dans l’édifice et réservant aux parties, la liberté non seulement de conclure, mais aussi d’adapter leurs conventions, la jurisprudence rejette avec constance depuis le célèbre arrêt dit « du Canal de Craponne » rendu le 6 mars 1876 par la Chambre civile de la Cour de cassation, la théorie de l'imprévision. Or, l’époque et l’environnement socio-économiques dans lesquels nous vivons, exposent davantage les parties à un contrat à différentes situations visées par la théorie de l’imprévision ou du changement des circonstances économiques, situations au nombre desquelles on compte : les crises pétrolières successives et plus fraîchement la crise consécutive à l’effondrement du système bancaire et des marchés financiers. Par ailleurs, les conséquences de la dévaluation de la monnaie survenue au sein de Communauté Financière Africaine et l’imprévisibilité qui caractérise les politiques économiques nationales de nos Etats ont laissé des traces profondes et révélé à la face du monde et des opérateurs économiques, les insuffisances de ce droit contractuel classique qui ignore le principe de la renégociation lorsque la relation contractuelle, par nature équilibrée est affectée par la conjoncture ou les aléas économiques. Cependant, la maîtrise du contrat sur l'avenir est tout à fait possible lorsque les parties décident d'inclure des clauses dites

d'adaptation qui sont des techniques d'intégration du risque liées aux évolutions des données sous l'empire desquelles les

parties se sont accordées.

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On sait que l’ingéniosité des juristes a permis de mettre au point une gamme assez étendue de ces types de clauses. Le jeu de l’adaptation va alors transformer le contrat qui n’aura plus la même physionomie du jour de sa conclusion à celui de son exécution. Ces clauses vont provoquer sur sa structure toute une série d’effets qu’il importe d’analyser. Soit les parties s’en remettent à un mécanisme qui permettra la modification du contrat sans qu’elles aient à intervenir pour donner leur accord et l’adaptation sera automatique (I) ; soit elles préfèrent contrôler l’adaptation en l’agréant ou même en la négociant, au fur et à mesure que les déséquilibres apparaissent et l’adaptation sera non automatique (II).

I. LES CLAUSES D’ADAPTATION AUTOMATIQUE

On entend par clauses d’adaptation automatique, l’ensemble des dispositions présentes dans les contrats dont l’activation, déclenchée par la survenance d’un événement prédéfini, entraîne une modification substantielle des conditions initiales dans lesquelles le contrat a été consenti. Mais le mécanisme d’adaptation est souvent plus ou moins complexe car il va avoir pour objet de déterminer le contenu de l’adaptation. Selon le cas, les parties peuvent faire appel à une procédure d’adaptation immédiate ou à une procédure d’adaptation dite médiate.

1.1. La procédure d’adaptation immédiate

L’adaptation du contrat peut s’effectuer immédiatement sans intermédiaire par une procédure mathématique. Elle suppose dès lors qu’un élément variable du contrat soit placé en relation avec une référence désignée par les parties et qu’un système d’adaptation établisse la relation. Cette technique contractuelle est généralement relative à la détermination du prix. La détermination du prix suscite, en effet, de nombreux contentieux et mérite donc une attention toute particulière lors de la rédaction d'un contrat. Afin d'éviter toute ambiguïté ultérieure, les conditions de paiement ainsi que les éléments inclus dans le prix doivent être très clairement précisés. C'est le mode de fixation du prix qui doit être examiné avec le plus de précision afin qu'une des parties n'impose pas arbitrairement son ou le prix à l'autre partie. Sans être exhaustif on peut relever les clauses les plus pertinentes. a) La clause d'indexation : C’est une clause de contrat qui prévoit qu'un de ses éléments (prix, pension) évoluera en fonction de l'évolution d'une autre donnée (indicateur économique). En particulier, les clauses d'indexation rédigées dans les contrats d'achat ou de vente internationale visent à prévoir contractuellement les modalités de partage du risque de change de transaction entre l'acheteur et le vendeur, dans l'hypothèse où une variation du cours de change de la devise choisie par les parties interviendrait. b) La clause de l’Earn out : Dans le cadre d'un transfert d'entreprise par la voie d'une vente d'actions, la détermination du prix de vente des actions constitue fréquemment un point crucial mettant en péril la conclusion même de la vente. Cette difficulté provient essentiellement du fait que, d'une part, le vendeur refuse - à juste titre - de négliger le potentiel de l'entreprise qu'il vend, tandis que d'autre part, l'acheteur hésite à reconnaître une valeur spéculative à cette même entreprise, tant et aussi longtemps qu'il n'a pas la certitude que l'entreprise pourra effectivement générer le rendement escompté sur son capital. Pour éviter l'impasse qu'une telle situation peut engendrer, les parties peuvent s'entendre sur une formule de détermination du prix de vente en deux temps, qu'on nomme clauses " earn out ", qui prévoit l'indexation d'une partie ou de la totalité du prix de cession des parts ou des actions d'une société. L'objectif est de calculer le prix de vente en intégrant les résultats futurs de la société vendue. Dans de nombreuses transactions, le prix est versé en deux fois :

1. un prix de base convenu de l'entreprise. On peut le comparer à un " prix plancher " : il est en général

versé au moment de la cession effective ;

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2. et un complément de prix, qui représente une sorte de prime de rendement variant selon la performance

financière de l'entreprise vendue (cette prime peut comporter un plafond mais cela n'est pas toujours le

cas). Cette portion du prix de vente dite "earn-out" se veut conditionnelle à l'atteinte de résultats

spécifiques, faute de quoi elle ne saurait être exigible.

c) Clause du premier refus Par cette clause, une partie donne une préférence à son cocontractant pour une affaire nouvelle et éventuelle. Cette clause peut être rédigée :

• en faveur du vendeur : si l'acheteur lié au vendeur dans un contrat d'approvisionnement a besoin d'une

quantité supplémentaire de marchandises (par rapport à ce qui est prévu dans le contrat), il doit, par

cette clause, demander en priorité au vendeur de lui livrer cette quantité supplémentaire. Ce n'est que si

ce dernier refuse qu'il peut aller commander ailleurs ;

• en faveur de l'acheteur : si le vendeur dispose de quantités supplémentaires à livrer, il doit d'abord les

proposer à l'acheteur avant de les offrir à quelqu'un d'autre.

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d) La clause dite « de hausse et de baisse »

Cette clause permet de réviser les conditions financières du contrat en cas de hausse ou de baisse du niveau des salaires ou du coût des matières premières.

e) La clause de garantie d’actifs ou de passif

Lors d'une opération de fusion-acquisition, la garantie d'actif et de passif permet à l'acquéreur de limiter les risques

inhérents à la société cible.

Il s'agit d'une clause conclue entre l'acheteur et le vendeur, garantissant l'authenticité des éléments comptables qui ont

permis de valoriser la société cible lors des négociations.

Il permet de faire supporter au cédant le passif supplémentaire et/ou l’insuffisance d’actif, liés à des événements antérieurs à l’opération et qui pourraient apparaître après la cession.

La clause garantit la valeur des éléments comptables qui ont permis de valoriser la société dans le processus de négociation. La durée des garanties est fréquemment comprise entre trois et cinq ans.

En général l’engagement prévoit trois éléments majeurs :

• une description détaillée, qui engage la responsabilité du cédant, de l’actif, du passif, des capitaux propres, des engagements hors bilan ;

• un engagement du cédant sur une gestion normale de son entreprise entre la date de clôture de l’exercice et la date de cession ;

• les modalités d’indemnisation en cas de préjudice.

Il est important de stipuler qui sont les bénéficiaires. Le bénéfice se fait soit au profit de la société cédée (sous forme d’indemnité), soit au profit de l’acquéreur (sous forme d’indemnité ou d’une réduction du prix de cession). Généralement, il y a un plafond à ses garanties qui équivaut à un pourcentage de 10 % à 30 % du montant total de la cession.

Attention toutefois, le montant est très aléatoire selon les périodes et les entreprises.

A coté de ces clauses qui ont pour effet la modification immédiate des conditions contractuelles, il existe d’autres types de clauses automatiques mais qui ne sont pas automatiques.

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1.2. La procédure d’adaptation médiate

Bien souvent, une procédure d’adaptation immédiate peut paraitre trop rigide, parce que par exemple qu’il n’y a pas dans le secteur considéré de références satisfaisantes, les parties peuvent préférer faire établir l’adaptation par un médiateur dont elles agréent par avance l’intervention pour ne pas fausser le caractère automatique de la procédure. L’hypothèse se rencontre fréquemment lorsque les parties craignent de ne pas pouvoir se mettre d’accord, elles optent alors comme recours en cas d’échec de leurs négociations, pour une solution d’adaptation semi-automatique ou médiane. Elles se chargent alors de désigner un tiers ou sont tenues, simplement, de saisir une instance prévue à l’avance qui l’effectuera. Le contrat doit très nettement désigner l’auteur de l’adaptation du contrat. Celui-ci peut très bien être l’une des parties au contrat. Ces situations se rencontrent par exemple dans le cas de contrat intervenant dans un secteur très concurrentiel. Tel est le cas des clauses : a) Clause de l'offre concurrente Lorsqu'un acheteur, lié à un vendeur par un contrat d'approvisionnement à long terme pour un prix donné trouve une autre source d'approvisionnement plus avantageuse, par cette clause, le vendeur doit s’aligner sur les conditions de I’ offre concurrente. Mais dans la pratique, ce type de clause peut faire naître certaines difficultés :

• la comparaison des deux offres n'est pas toujours facile car plusieurs conditions peuvent se mêler (prix,

livraison,...) ;

• il faut éviter les offres de connivence : l'acheteur, afin de pouvoir modifier son contrat actuel, se met délibérément

en relation avec un autre vendeur qui offre des conditions plus avantageuses. Pour éviter cela, on écrit souvent

que l'offre doit être " sérieuse et connue ";

• il faut apporter la preuve de l'offre concurrente. Mais cela pose un problème de déontologie : peut-on en effet

exhiber l'offre d'un tiers à l'un de ses concurrents ? On a alors parfois recours à un tiers indépendant, tenu par le

secret professionnel qui est chargé de vérifier l'existence de l'offre et d'effectuer la comparaison des deux offres ;

• elle risque de restreindre la concurrence. L'Union Européenne refuse parfois cette clause en regard du droit de la

concurrence.

b) Clause du client le plus favorisé Cette clause prévoit que si le vendeur accorde certaines conditions plus avantageuses à l'un de ses clients, il doit les accorder également au client qui a inclus ce type de clause dans le contrat. Mais l’adaptation peut être le fait d’un tiers au contrat. L’hypothèse se rencontre lorsque les parties craignent de ne pouvoir se mettre d’accord ou prévoient ce recours comme solution de secours en cas d’échec de leurs négociations. Les parties prendront alors soin de procéder à cette désignation ou bien s’engagent à saisir une instance qui à son tour sera chargée de cette désignation. Une fois désigné, ce « tiers expert » est chargé de fixer en toute indépendance le contenu de l’adaptation du contrat. Il devra dans ce cas s’en tenir à la mission confiée par les parties et qui a été détaillée par le contrat pour rééquilibrer les prestations du contrat. Le plus souvent, il s’agit de la « clause à dire d’expert » qui prévoit la fixation du prix par ce tiers évaluateur. La présence d’une clause d’adaptation automatique permet, en tout cas, la transformation du contrat, sans qu’il en découle le moindre risque pour la solidité de l’opération.

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Les parties ne peuvent, en effet, à cette occasion remettre en cause l’adaptation dont elles ont accepté le principe et les modalités à la signature de la convention. Ce genre de clause n’est toutefois possible qu’avec un risque prévisible dont on puisse tenir compte lors de la conclusion du contrat, en établissant un mécanisme capable d’en atténuer les effets.

II. Les Clauses d’adaptation non automatiques

Lorsque les parties ont elles-mêmes prévu que les obligations contractuelles pourraient être renégociées, le principe de l’intangibilité de la convention cède devant celui d’autonomie de la volonté et de celui, connexe, de liberté contractuelle. Les clauses d’adaptation de sauvegarde sont couramment utilisées, notamment dans les contrats internationaux et les tribunaux judiciaires et arbitraux reconnaissent pleinement leur efficacité. Parmi ces clauses, c’est la clause de « hardship », qui retiendra tout spécialement notre attention ici, car c'est assurément celle qui correspond au mécanisme le plus élaboré et le plus général d'adaptation d'un contrat à de nouvelles données et qui, à ce titre, offre le plus d’intérêt. Il y a lieu de considérer les circonstances dans lesquelles cette clause doit être prévue et les soins qu’il faut apporter à sa rédaction.

2.1 L’aménagement contractuel de la clause « hardship » La clause hardship permet aux parties de demander un réaménagement du contrat qui les lie si un changement de circonstances économiques intervenu dans les données initiales au regard desquelles elles s'étaient engagées vient à modifier l'équilibre de ce contrat au point de faire subir à l'une d'elles une rigueur injuste. Elle est la variante de la clause rebus sic stantibus du droit administratif et de la clause de sauvegarde du droit public international. Elle se différencie de la clause de force majeure dans le sens où dans le cadre de cette dernière, l’exécution de l’obligation est devenue impossible pour une partie. Au contraire, pour qu’il y ait hardship, il faut qu’un bouleversement des circonstances, raisonnablement imprévisible et extérieur aux parties, fasse subir à l’une d’entre elles un préjudice tel que l’équilibre initial soit rompu, mais susceptible d’être rétabli. La mission première de la clause de hardship est en effet de permettre la continuité des rapports contractuels, et donc d’éviter la résiliation, et ceci tout en restant dans le domaine contractuel. La finalité de la clause de hardship est ainsi de régler les conséquences économiques qui se traduisent par un

bouleversement de l'équilibre du contrat, et ceci afin de le maintenir. Les parties peuvent déterminer par avance les

circonstances à l'origine du bouleversement : événement général, économique, politique, social…ou circonstances

particulières, le caractère substantiel du hardship (déséquilibre du contrat ou d'un élément particulier).

Par ailleurs, les parties pourront préciser le caractère inéquitable des conséquences du hardship. Enfin, elles peuvent

déterminer par avance l'objet de l'adaptation (général ou particulier, prix taux…), et même le délai nécessaire suivant la

conclusion du contrat pour qu’une telle clause soit actionnée.

Ainsi, le contenu de la clause est abandonné à la liberté contractuelle. Etudier les conditions dans lesquelles les parties

conviennent qu’il y aura hardship nous mènerait en conséquence à une étude casuistique, dont il serait difficile de tirer des

généralités. Certes, des différends peuvent apparaître entre les parties dès la phase initiale, à propos de l’existence même

des conditions de la réadaptation. Néanmoins, les problèmes susceptibles de se poser sont identiques à ceux rencontrés

lors de la phase de renégociation proprement dite.

La clause de hardship peut être formulée de façon expresse ou tacite comme toute clause d'origine contractuelle et ce sous des vocables différents : clauses de révision, d'imprévision…Peu importe la lettre du texte, ce qui compte c'est l'intention réelle des parties. Les règles d'UNIDROIT rappellent que la liberté contractuelle et la liberté d'élaborer des clauses dans les contrats sont des principes de base (art.1.1). Cependant, il n'apparaît pas que la clause de hardship, malgré son intérêt, puisse être considérée comme une clause implicite, présente dans tous les contrats commerciaux et fondée sur la lex mercatoria.

C'est la volonté seule des parties qui fonde l'introduction de la clause dans le contrat. C'est encore cette seule volonté qui justifie la mise en œuvre de la clause.

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L’utilité de la clause de hardship n’est plus à démontrer, son insertion fréquente dans des contrats internationaux de

longue durée en témoigne. Toutefois, une clause mal libellée posera nombre de difficultés.

Partant, nous ne pouvons que conseiller aux rédacteurs de contrats de faire preuve de grande vigilance, soin et

méticulosité dans la rédaction de la clause de hardship, se basant sur les recommandations ci-après.

2.2 La rédaction de la clause hardship

L'objet principal de la clause de "hardship" est de renégocier le contrat en cas de modification des circonstances extérieures, d'ordre économique, technique, commercial ou autre. Mais, pour qu'une telle clause puisse fonctionner de manière satisfaisante, il est indispensable qu'elle prévoie les modalités de sa mise en œuvre : le critère qui détermine la réadaptation, les personnes habilitées à y procéder, les modalités de la négociation et les conséquences qui en découlent etc. La rédaction d'une telle clause est en conséquence particulièrement sensible, il convient de prêter une attention toute particulière à sa rédaction. Elle est toujours divisée en deux parties :

� définition et énumération des hypothèses visées : il s’agit de déterminer dans quelles circonstances la clause

pourra être invoquée. En pratique, ces clauses sont souvent très vagues et les critères sont souvent subjectifs. Ce

manque de précision peut conduire à une situation dans laquelle une partie invoque la clause de hardship alors

que l'autre partie estime que les conditions ne sont pas rencontrées;

� définition du régime juridique applicable : En cas d'évènements imprévisibles bouleversant l'équilibre du contrat,

les parties doivent prévoir les effets de cette clause, à savoir résiliation/réadaptation du contrat.

Elles devront notamment prévoir :

• les modalités de rééquilibrage du contrat (recherche de la solution la plus adaptée pour faire disparaître le

déséquilibre constaté, en procédant si nécessaire à un amendement de certaines dispositions du contrat);

• les solutions à adopter en cas d'échec de la concertation des parties pour rééquilibrer le contrat (recours

à un tiers choisi d'un commun accord ou désigné par voie judiciaire);

• les modalités financières de l'éventuelle conciliation (partage des frais d'honoraires)

Des conseils avisés :

Afin de permettre à la clause de hardship de sortir tous ses effets, son rédacteur veillera à :

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� adopter une formule générale ;

� déterminer les circonstances dans lesquelles la clause jouera et insister sur le caractère imprévisible de celles-ci ;

� prévoir les effets de la clause de hardship: réadaptation ou résiliation. Ainsi ne conseillera-t-on pas assez au

rédacteur de la clause de bien prévoir la procédure à appliquer en cas d’échec de la renégociation des parties.

Dans ce cas, une simple résiliation du contrat ou une réadaptation par un tiers sera la piste la plus souvent

rencontrée ;

� préciser que la demande de réadaptation de la partie lésée n’implique pas le droit pour elle de suspendre

l’exécution de la convention ;

� prévoir que la partie lésée sera tenue d’adresser à son cocontractant sa demande de réadaptation dans un délai

déterminé par un écrit motivé et de lui communiquer des documents justifiant cette demande. La rédaction avisée

ne manquera pas de prévoir également la sanction d’un avertissement tardif ou non motivé.

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BREVES REFLEXIONS SUR LA REVOCATION DES DIRIGEANTS SOCIAUX DANS L’ESPACE

OHADA

Bérenger Y. MEUKE

Docteur en droit des affaires Avocat aux Barreaux de Lyon et du Cameroun

Collaborateur Principal – JURIFIS CONSULT Chargé d’Enseignement à l’Université de Bamako et anciennement à l’Université de Nantes

L’acte uniforme relatif au droit des sociétés et du groupement d’intérêt économique entré en vigueur depuis le 1er janvier 1998 contient d’importantes innovations, notamment sur les sociétés unipersonnelles, les groupements d’intérêt économique1, les procédures d’appel public à l’épargne, la société anonyme à administrateur unique, une approche remarquable des relations de groupe entre sociétés et un véritable arsenal d’information et de contrôle de la gestion sociale2. Si sur la forme il s’agit d’un texte assez conséquent car comportant 920 articles, sur le fond l’un des objectifs majeurs de l’Acte reste l’amélioration de l’information et la sécurité des associés ainsi que des tiers, on relève en particulier que l’assemblée d’actionnaires est et reste «l’organe souverain » de la société ; c’est elle qui nomme, révoque ou remplace le gérant , les membres du conseil d’administration ou encore l’administrateur général, les personnes chargées d’assurer la direction de l’entreprise (président du conseil, président-directeur général, directeur général ou directeur général adjoint, selon les cas). C’est aussi cette assemblée qui désigne les commissaires aux comptes, qui approuve ou rejette les comptes, qui fixe la répartition des bénéfices, qui modifie les statuts et prononce la dissolution anticipée de la société. La Cour d’appel d’Abidjan3 a d’ailleurs récemment rappelé à ce sujet et conformément aux articles 546 et 551, que « l’organe compétent pour révoquer un président directeur général et son équipe dirigeante est l’assemblée générale (…) ». Il faut remarquer que si la problématique du statut et de la nomination des dirigeants sociaux ne pose pas de difficultés particulières, celle de leur révocation paraît assez controversé et mérite qu’on s’y attarde car elle constitue l’une des difficultés les plus sensibles du droit des sociétés car touchant essentiellement à la stabilité des dirigeants sociaux et aux garanties que le droit est en mesure de leur offrir pour une activité parfois aux risques multiples et élevés. Cependant, la révocation constitue pour les associés le moyen le plus efficace de sanctionner l’action des dirigeants ; c’est la raison pour laquelle la règle prônée par le législateur africain reste la libre révocabilité (révocation ad nutum). A côté de ce principe de libre révocabilité, l’Acte uniforme prévoit aussi une possibilité de révocation pour justes motifs, ce qui ne serait pas de nature à rendre aisé la tâche du juge africain. Libre révocabilité (I) ou révocation pour justes motifs (II) que choisir ? Qu’il s’agisse de l’une ou de l’autre de ces modalités, on est en présence d’une cessation prématurée des fonctions du mandataire social qui reste à la discrétion des associés, même s’il faut reconnaître que ce choix qui est totalement discrétionnaire dans le premier cas, l’est moins dans le second, dans la mesure où le juge appréciera les motifs de la révocation. I- LA LIBRE REVOCABILITE A- Exposé du principe La libre révocabilité est une révocation sans motif, sans préavis et sans indemnité. Il semble logique de considérer cette règle comme étant d’ordre public4. Serait alors en principe nulle toute clause qui viendrait écarter ou limiter ce droit de révocation. Comme le prévoit les articles 469, 484, 492 et 509, ce principe joue essentiellement dans les sociétés anonymes. On peut s’attendre comme en droit français que cette règle donne lieu à un contentieux assez important, dans

1 Qui étaient déjà présents certes au Burkina-Faso, au Mali, au Niger et au Sénégal.

2 C’est le cas notamment des procédures d’alerte des articles 150 à 158 et de l’expertise de gestion des articles 159 à 160.

3 Cour d’appel d’Abidjan 24 octobre 2003, arrêt n° 1161 Sté ASH Internationale c/ Maurice KACOU ; www.ohada.com (ohadata J-03-317)

4 En droit français, la jurisprudence a d’ailleurs eu à réaffirmer à plusieurs reprises sans équivoque ce principe. Voir Cass. Com 21 juin 1988 et 11 octobre 1988 ;

J.C.P éd E 1989, II, 15415, n° 12 et 13 obs A. VIANDIER et J-J. CAUSSAIN / Cass. Com 30 mars 1999 ; Dr. Soc 1999, n° 102

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la mesure où les dirigeants sociaux vont chercher à échapper à la précarité de la situation dans laquelle ils se trouvent, puisqu’ils peuvent être démis de leur fonction d’un « coup de tête ». C’est la raison pour laquelle le juge africain devrait préciser chacune des caractéristiques de cette règle pour en fixer le régime juridique. A s’en tenir aux seuls caractéristiques de ce principe, on peut noter : Tout d’abord, qu’il est question d’une révocation sans motivation. Les actionnaires détiennent alors un véritable droit discrétionnaire dans la mesure où ils n’ont pas à justifier leur décision de révoquer le mandataire qui se trouve ainsi à leur merci. Ce qui peut paraître injuste au premier abord ne l’est pas réellement, il est tout à fait logique que dès lors que le mandataire social n’a plus la confiance des actionnaires, qu’il soit révoqué de cette façon là. Ensuite, que cette révocation ne nécessite aucun préavis. Le dirigeant peut être démis du jour au lendemain sans qu’il y soit besoin de le prévenir ou même de le mettre en demeure5. C’est ainsi qu’on pourrait être tenté de faire jouer la théorie des incidents de séance selon laquelle les actionnaires décident au cours d’une assemblée de démettre le dirigeant quand bien même cette résolution n’aurait pas été inscrite à l’ordre du jour. Le Tribunal régional hors classe de Dakar a ainsi décidé qu’ « il n’est non plus utile de fixer dans l’ordre du jour le point sur la révocation du gérant, ce dernier point pouvant être discuté dans les questions diverses »6. Enfin, que cette révocation ne donne droit en principe à aucune indemnisation du seul fait de la cessation des fonctions du dirigeant. On pourrait penser que comme en droit français, seront donc prohibées, les conventions prévoyant à l’avance l’allocation d’une indemnité de départ7. Le dirigeant démis ne bénéficie alors d’aucune protection matérielle et financière puisqu’il n’existe pas de droit à réparation. On peut à la limite lui octroyer des dommages et intérêts en cas d’abus de droit, si atteinte a été porté par exemple à son honneur ou sa dignité8 ou encore si la révocation intervient dans des conditions injurieuses, vexatoires ou décidée avec brusquerie9. Voilà qui démontre la liberté totale qui prévaut en matière de révocation des mandataires sociaux. Cependant, plusieurs techniques permettraient d’atténuer ce principe. B- Les techniques d’atténuation On utilise généralement pour atténuer la libre révocabilité des dirigeants sociaux, la pratique des golden parachute ou « parachutes dorés » d’une part ou encore la technique consistant à cumuler le mandat social avec un contrat de travail d’autre part. S’agissant des golden parachute, il faut préciser que le législateur de l’O.H.A.D.A est resté muet sur cette pratique assez développé en droit français. Il s’agit en fait pour le dirigeant, de se ménager conventionnellement une possibilité visant à limiter les conséquences financières néfastes de la révocation. Certaines clauses contractuelles doivent donc dans ce cas prévoir une indemnisation du dirigeant révoqué. Après avoir longtemps hésité, la Cour de cassation française reconnaît explicitement depuis quelques années que ces clauses ne sont pas illicites, à condition que de tels accords soient conformes à l’intérêt social et eu égard de la somme promise qui ne doit pas être d’un montant tel qu’il serait dissuasif empêchant par la même toute révocation. Ainsi, est « illicite la convention qui a pour objet ou pour effet de restreindre ou d’entraver la révocation ad nutum du directeur général d’une société anonyme par les conséquences financières importantes qu’elle entraîne pour un tiers qui peut exercer une influence sensible sur la décision de révocation »10. On peut aisément penser que le juge africain s’inscrira dans la même logique, dès lors que l’indemnité conventionnelle prévue ne constitue pas une charge excessive pour les actionnaires, de sorte qu’elle aurait une influence sur la décision de révoquer. En fait, cette indemnisation peut permettre au dirigeant révoqué d’obtenir une compensation financière pour service rendu. Il revient alors au juge africain de déterminer, au cas par cas, à partir de quand l’indemnité constitue une charge excessive pour les actionnaires. Cette pratique permet en outre de renforcer la stabilité des dirigeants sociaux, gage d’une politique cohérente et suivie au sein de la société, surtout que l’objectif affiché de l’Acte uniforme est de stabiliser et sécuriser les rapports de droits entre les différents acteurs sociaux.

5 Voir en droit français par exemple. Cass. Com 25 juin 1975 ; Rev. Soc 1976. 321note Y. CHARTIER / Voir aussi à propos d’une convention prévoyant un préavis

en cas de révocation Cass. Com 17 janv 1984 ; Gaz. Pal 1984, I. 339 note J. DUPICHOT 6 Tribunal Régional hors classe de Dakar, jugement n° 327 du 19 février 2003, Pèdre DIOP c/ Oumar SECK et BAG SARL ; www.ohada.com (ohadata J-03-180)

7 Cass. Com 5 févr 1974 ; Bull. Civ IV, n° 51 / C. A Paris, 5 juill 1996; Bull. Joly 1996. 1028 note P. LE CANNU

8 Voir en droit français par exemple Cass. Com 19 oct 1981 ; Rev. Soc 1982. 821 note J-L. SIBON

9 Voir en droit français par exemple Cass. Com 2 oct 1978 ; Rev. Soc 1978. 328 note SIPON

10 Voir par exemple Cass. Com 7 févr 1989 ; Rev. Soc 1989. 643 note Y. CHARTIER / Cass. Com 4 juin 1996 ; Bull. Joly 1996. 930 note A. COURET / Cass. Com 30

mars 1999 ; Préc

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La seconde technique qu’on pourrait imaginer pour atténuer le principe de la libre révocabilité est le cumul d’un contrat de travail et d’un mandat social. De manière générale, les dirigeants sociaux ne sont pas des salariés de la société, ils sont considérés comme des mandataires sociaux dans leur rapport avec les autres membres du groupement. A l’égard des tiers, on considère qu’ils sont le groupement lui-même et que par conséquent tout acte accompli par eux engage en principe le groupement. Le terme mandataire ici ne devant pas être entendu au sens des dispositions sur le contrat de mandat, il s’agit tout simplement de traduire que les dirigeants sociaux ne sont pas liés à la société par un lien de subordination comme le prévoit le contrat de travail. Cependant, l’article 426 de l’Acte uniforme précise que, « sauf stipulation contraire des statuts, un salarié de la société peut être nommé administrateur » et que « De même, un administrateur peut conclure un contrat de travail avec la société », à condition que le contrat de travail corresponde à un emploi effectif11 et à une rémunération distincte. Le dirigeant social doit alors dans ce cas, dans l’exercice de ses fonctions techniques, être placé dans un état de subordination à l’égard de la personne morale et par conséquent, ne doit pas jouir d’une totale indépendance12. L’avantage de cet autre mécanisme qui consiste à cumuler le contrat de travail et le mandat social réside dans le fait qu’on offre au dirigeant-salarié les protections du droit social qui sont sans commune mesure avec celles du droit des sociétés. Mais comme là bien préciser le législateur africain, pour prétendre bénéficier d’un contrat de travail, il faut justifier d’un emploi effectif, correspondant à des fonctions bien distinctes, à une rémunération distincte et supposant un lien de subordination. Ainsi, si on suppose que le contrat de travail devrait être suspendu pendant le mandat social, le dirigeant révoqué de son poste de direction retrouve son contrat de travail par la suite. C’est sans conteste pour lui une très bonne garantie, car même en cas de licenciement, il bénéficie de la protection inhérente à toute la procédure de licenciement. II- LA REVOCATION POUR JUSTES MOTIFS A- L’exigence d’un juste motif Comme son nom l’indique, la révocation pour justes motifs suppose l’existence d’un juste motif pour pouvoir mettre fin aux fonctions du dirigeant. Le législateur africain a prévu ce système pour la grande majorité des sociétés. C’est le cas de la révocation des gérants de société à responsabilité limité prévue à l’article 326, de la révocation des gérants de société à nom collectif prévue à l’article 281. Il faut tout même souligner qu’une telle révocation demeure aussi à la discrétion des associés, dans la mesure où les conditions de majorité fixées par l’Acte uniforme, en général, la majorité simple pour les sociétés à responsabilité limitée (article 326 alinéa 1), l’unanimité des associés pour les sociétés en nom collectif si tout les associés sont gérants (article 279) et la majorité en nombre et en capital des associés si le gérant n’est pas nommé par les statuts ou s’il est lui même associé (article 280 alinéa 2 et 3) restent assez conséquentes. Cependant, à la différence de la révocation ad nutum, cet autre procédé s’opère sous le contrôle du juge. C’est la possibilité d’obtenir des dommages et intérêts qui fait toute la différence avec le procédé de la libre révocabilité, puisqu’en l’absence de justes motifs, le dirigeant évincé a droit à être indemnisé. Il en découle que s’il existe au contraire des motifs, telle une faute de gestion, il semblerait logique que le mandataire social soit démis sans aucune contrepartie financière. Il est toutefois regrettable que le législateur de l’O.H.A.D.A n’ait pas profité de cette occasion pour préciser les caractéristiques de la notion de juste motif, il semblerait qu’il n’était pas judicieux d’enfermer une notion aussi fluide dans une définition qui l’aurait sans doute rendu difficile dans son application, c’est donc au juge qu’il appartiendra d’en apprécier l’existence. De toutes les façons, le juste motif le plus facilement identifiable est constitué par la faute de gestion du mandataire. Il en sera ainsi lorsque par exemple ce dernier a commis des actes frauduleux, des manquements graves et répétés aux lois et règlements, des actes de concurrence déloyale, tout en se désintéressant de ses fonctions13. Le juste motif pourrait aussi s’apprécier à la lueur de l’intérêt social14.

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Existence de fonctions délimitées et nécessitant une technique particulière. 12

Soulignons tout de même que tout acte émanant des dirigeants sociaux engage en principe la personne morale à l’égard des tiers s’il a été accompli au nom

de la personne morale et dans le cadre de son objet social. Lorsque l’acte est hors de l’objet social, la personne morale peut en demander la nullité. Ce

principe connaît une exception dans les sociétés par actions et les sociétés à responsabilité limitée : Ces sociétés sont engagées dans les rapports avec les

tiers comme le prévoit l’article 329, même par les actes des dirigeants qui ne relèveraient pas de l’objet social, sauf si elles prouvent que le tiers savait que

l’acte litigieux dépassait l’objet social ou qu’il ne pouvait pas l’ignorer compte tenu des circonstances. 13

Voir par exemple en droit français C. A Paris 6 nov 1991 ; Rev. Soc 1992. 123 note Y. GUYON / C. A Rennes 28 mars 1973 ; R.T.D. Com 1973. 575 note R.

HOUIN 14

Voir en ce sens Cass. Com 4 mai 1999 ; Bull. Joly 1993. 769 note R. BAILLOD

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Le juste motif peut donc s’apprécier finalement avec une grande souplesse, dans la mesure où on pourrait passer d’un critère objectif essentiellement lié à la faute de gestion, à un critère subjectif pouvant aller jusqu’à l’admission d’un simple climat de méfiance réciproque dès lors que l’intérêt social est en jeu. Mais admettre aussi facilement l’existence d’un juste motif c’est faire de ce procédé de révocation, une véritable révocation discrétionnaire à tel point que rien ne le différencie plus réellement de la révocation ad nutum. Le juge africain doit cependant distinguer entre la révocation sans juste motif et celle prononcée dans des conditions telles qu’il y aurait un abus de droit. Une question se pose alors ; peut-on déroger conventionnellement à l’exigence d’un juste motif de révocation ? B- La possibilité d’une dérogation conventionnelle à l’exigence du juste motif Le droit français admet de plus en plus que les statuts sociaux puissent déroger à l’exigence d’un motif légitime15, on tendrait alors vers une contractualisation des modalités de révocation. Quand bien même les statuts laisseraient-ils le soin aux associés de décider des modalités de la révocation des mandataires sociaux en excluant toute référence à un juste motif de révocation, on est en droit de penser que la théorie de l’abus dans l’exercice du droit de révocation pourrait jouer en toute circonstance.16 On peut donc être séduit par le système contractuel en laissant le soin aux associés d’organiser librement les modalités de révocation de leurs dirigeants, ce qui participerait au mouvement de contractualisation des modalités de révocation existant déjà aujourd’hui en droit français dans les sociétés par actions simplifiées et les sociétés en commandites par actions. On imaginerait alors des clauses statutaires de libre révocabilité dans les sociétés où toute révocation injustifiée donne droit à indemnisation17. Le recours à un système conventionnel de révocation favoriserait ainsi une uniformisation du régime de la révocation des dirigeants sociaux. Reste alors à se poser la question de savoir d’une part si on peut se fier aux principes initialement posés par le législateur africain sur la révocation des dirigeants sociaux18 et d’autre part si à défaut de contractualisation du régime de la révocation, il ne faut pas généraliser la révocation pour juste motif à l’ensemble des dirigeants sociaux ? De toutes les façons, que ce soit la libre révocabilité, la révocation pour justes motifs ou encore la contractualisation de la révocation, il reviendra au juge africain de préciser avec justesse le régime juridique de la révocation des dirigeants sociaux de l’espace O.H.A.D.A.

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Voir dans ce sens Cass. Civ 3e 6 janv 1999 ; Dr. Soc mars 1999, n° 34 note T. BONNEAU

16 Voir dans ce sens M-H DE LAENDER « La révocation des dirigeants sociaux » ; Dr. Soc mai 2004 Chr, n°9

17 Voir sur cette possibilité D. MIELLET « Liberté statutaire et contrôle de la révocation des mandataires sociaux protégés »; J.C.P éd E 1999. 1278

18 Surtout lorsque l’on sait que tout praticien doit nécessairement se mettre à l’abri de toute surprise désagréable.

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RECOURS EN ANNULATION ET EXECUTION FORCEE DE LA SENTENCE ARBITRALE

Bouréma SAGARA

Avocat Associé JURIFIS CONSULT

Le droit de l'arbitrage occupe une place importante dans le Traité OHADA. Depuis son adoption le 11 mars 1999 et publié au J.O de l’OHADA le 15/05/1999, l’Acte Uniforme de l’OHADA est devenu le droit commun de l’arbitrage dans l’espace OHADA. Fixant ainsi désormais le nouveau cadre législatif de l'arbitrage dans les Etats-parties au Traité OHADA, l'Acte Uniforme sur le droit de l'arbitrage est un texte de trente-six articles repartis en plusieurs chapitres dont celui V est consacré aux différentes voies de recours. Il s’agit du recours en annulation qui est une voie de recours ordinaire d’une part, et la tierce opposition et la révision qui sont des voies de recours extraordinaires, d’autre part. Parmi ces voies de recours, seul le recours en annulation retiendra notre attention dans le cadre de la présente étude. Le recours en annulation peut être défini comme étant « une voie de droit ordinaire qui tend à

faire annuler par le Juge compétent dans l’Etat-Partie une sentence rendue par un tribunal arbitral dans le cadre d’un arbitrage organisé par l’Acte Uniforme de l’OHADA relatif au droit de l’arbitrage » : Avant d’entamer l’étude proprement dite sur le recours en annulation et ses effets, il y a lieu de distinguer l’arbitrage ad’ hoc de l’arbitrage institutionnel. L'arbitrage ad hoc est l'arbitrage qui se déroule en dehors de toute institution permanente d'arbitrage et qui est organisé par les parties elles-mêmes, alors que l’arbitrage institutionnel est celui dont les parties ont confié l'organisation à une institution permanente d'arbitrage, et qui se déroule conformément au règlement d'arbitrage élaboré par cette institution (Ex : CECAM, CCJA, CACI…). Le cadre légal du recours en annulation est déterminé par les dispositions de l'article 25 alinéas 1 à 3 de l'Acte Uniforme de l’OHADA qui énoncent que la sentence arbitrale n'est pas susceptible d'opposition, d'appel, ni de pourvoi en cassation, mais qu'elle peut toutefois faire l'objet d'un recours en annulation qui doit être porté devant le juge compétent dans l'Etat-Partie…. Ce recours, une fois exercé, suspend en principe l’exécution de la sentence rendue et produit des effets à l’égard de l’ordonnance d’exéquatur. I. Le principe de l’effet suspensif du recours I.1 Les effets à l’égard de la sentence Le principe de l’effet suspensif du recours en annulation à l’égard de la sentence est énoncé par les dispositions de l’article 28 de l’AU aux termes desquelles, sauf si l’exécution provisoire de la sentence a été ordonnée par le tribunal arbitral, l’exercice du recours en annulation suspend l’exécution de la sentence arbitrale jusqu’à ce que le Juge compétent dans l’Etat-Partie ait statué…. L’Acte Uniforme de l’AU de l’OHADA s’inspire ainsi largement des dispositions de l'article 1506 du Nouveau Code de Procédure Civile française qui prévoit que le délai pour exercer les recours prévus par le NCPC sont suspensifs d'exécution comme l'est le recours lui-même. L’interprétation de ce texte en apparence simple a cependant donné lieu à d’autres interrogations. S’agit-il d’une règle d'ordre public ou si les parties peuvent y déroger et prévoir que la sentence sera exécutoire de plein droit nonobstant l'exercice de recours contre celle-ci. La question qui s'était donc posée est de savoir si la référence à un Règlement d’arbitrage donné constituait une telle exclusion et permettait l'exécution de la sentence au cours de la procédure d'annulation.

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L’intérêt d’un tel débat reste cependant limité en droit OHADA dans la mesure où les commentateurs dudit Acte Uniforme semblent exclure l’hypothèse d’une telle possibilité de renonciation en raison de ce que l’article 25 est muet sur la question. Ils estiment en outre qu’une telle faculté de renonciation devrait être expressément prévue par l’Acte Uniforme lui-même. Telle serait également la position de la CCJA dans son Avis N°010/2003, 19 juin 2003. Juriscope.org. Ohada.com/ Ohadata J-04-108. En droit français, la réponse à la question n'a pas toujours été la même. Ainsi, dans une ordonnance du 11 décembre 2002, le juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de Paris estimait que la référence au Règlement CCI excluait le caractère suspensif du recours en annulation. Après quelques hésitations, la Cour d'appel de Paris a, dans un arrêt du 10 mars 2005, estimé que la référence au Règlement CCI ne pouvait exclure le caractère suspensif du recours. C'est cet arrêt qui a été confirmé par la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation (Civ. 1ère, 4 juillet 2007, Pourvois N° 05-16.586 et C 05-16.605). Dans cet arrêt récent, tout en mettant fin au débat, la Cour de cassation rappelle que la simple référence au Règlement d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale ne saurait suffire pour que la sentence soit exécutoire de plein droit et que les recours en annulation contre les sentences sont suspensifs d'exécution. I.2 Les effets à l’ égard de l’Ordonnance d’exéquatur Les dispositions des articles 30 et 32 alinéa 2 de l’AU prévoient que la sentence arbitrale n’est susceptible d’exécution forcée qu’en vertu d’une décision d’exéquatur rendue par le juge compétent dans l’Etat-Partie. La décision qui accorde l’exéquatur n’est susceptible d’aucune voie de recours. Si ce texte pose le principe d’absence de recours direct contre l’ordonnance ayant accordé l’exéquatur, force est de reconnaître que cette règle est mise en échec par le truchement de l'article 32 de l'Acte Uniforme qui indiquent clairement que le recours en annulation de la sentence emporte de plein droit dans les limites de la saisine du juge compétent de l'Etat-partie, recours contre la décision ayant accordé l'exequatur. De l’interprétation de ce texte, il ressort que le seul recours en annulation exercé contre la sentence vaut de plein droit non seulement dessaisissement du juge de l’exéquatur s’il n’a pas encore statué mais également recours contre son ordonnance ayant accordé l‘exéquatur. Ces dispositions sont également reprises à l'identique par le législateur français dans deux articles du Code de Procédure Civile, (Articles 1488 et 1507 relatifs à l'arbitrage interne et international). La jurisprudence relative à l'interaction entre l'ordonnance d'exequatur et le recours en annulation est peu abondante. La Haute juridiction a cependant eu l'occasion d'appliquer le principe selon lequel un recours en annulation emporte de plein droit recours contre l'ordonnance ayant accordé l'exequatur. Par conséquent, le recours en annulation tient en échec la règle selon laquelle l'ordonnance d'exequatur n'est susceptible d'aucun recours. Ainsi, il a été admis que le recours en annulation contre l'ordonnance d'exequatur est bien recevable dès lors que le recours en annulation de la sentence arbitrale emporte de plein droit recours contre l'ordonnance d'exequatur » (CA Bordeaux, 9 mai 2005). Il a également été jugé qu'il n'était pas nécessaire de former un recours spécifique contre l'Ordonnance d'exequatur, le recours en annulation emportant automatiquement cet effet (CA Paris, 21 octobre 1986) et que l'ordonnance d'exequatur obtenue d'un juge qui était dessaisi par application de l'article 1504 doit être annulée (CA Paris, 14 déc. 1999, Rev. arb. 2000.471, note Racine). Il y a cependant lieu de rappeler que le principe selon lequel le recours en annulation suspend l’exécution de la sentence arbitrale, connaît des limites.

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II- Limites au principe de l’effet suspensif du recours La règle selon laquelle le recours en annulation est suspensif d’exécution de la sentence est mise en échec lorsque le tribunal arbitral ordonne l'exécution provisoire de la sentence. Cette limite résulte des dispositions de l’article 28 de l’AU de l’OHADA aux termes duquel, sauf si l’exécution provisoire de la sentence a été ordonnée par le tribunal arbitral, l’exercice du recours en annulation suspend l’exécution de la sentence…. ; Les dispositions de l’article 24 de l’AU de l’OHADA prévoient que les arbitres peuvent accorder l’exécution provisoire à la sentence arbitrale, si cette exécution a été sollicitée. Une telle limite ne rejoint –elle pas celle posée par les dispositions de l’article 1479 du CPC français qui prévoient que : « les règles sur l’exécution provisoire des jugements sont applicables aux sentences arbitrales. Cependant, l’AU ne précise pas les conditions auxquelles l’exécution provisoire peut être accordée, mais le même texte précise néanmoins que la mesure doit être pleinement motivée. A ce niveau, il est important de faire une nette distinction entre l’exécution provisoire et la mesure d’astreinte. Si les décisions qui bénéficient de l’exécution provisoire sont exécutoires de plein droit, l'astreinte, à la différence de celles-ci n'est pas en elle-même une mesure d'exécution forcée et son but principal est seulement de contraindre le débiteur à l'exécution volontaire de l'obligation mise à sa charge. CONCLUSIONS Quoique certains commentateurs et praticiens aient décrié cette solution consacrée par la Cour de cassation, force est de reconnaître qu’en l’état actuel de la législation OHADA sur l’arbitrage et la position du droit positif français, le recours en annulation constitue une cause légale de suspension de l’exécution de la sentence même si les parties se sont référées à un règlement d’arbitrage donné. Ce recours exercé dans le délai vaut également de plein droit contre l’ordonnance d’exéquatur. en vigueur en 1988 de l’acte uniforme sur le droit commercial général, il y avait lieu de se référer aux dispositions de l’ article 617 du code des obligations civiles et commerciales , loi qui faisait obligation aux parties de respecter un certain formalisme pour la validité des contrats de location gérance ; notamment de le faire constater par écrit enregistré et inscrit au registre du commerce. Constatant que la preuve du respect de ce formalisme n’avait pas été apportée par TOTAL FINA ELF la cour d’appel a confirmé le jugement du tribunal régional en qualifiant le contrat de bail commercial. Pourtant, la location-gérance doit être scrupuleusement distinguée du bail portant sur les locaux où le fonds de commerce est exploité.

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DE L’APPLICABILITE DU STATUT DE BAIL COMMERCIAL EN OHADA

Note sous Cour d’Appel de Dakar Arrêt n° 825 du 13/09/2005Ch civ et com 2e ,

(TAOTAL ELF FINA c/ Landora KONATE)

Bakary DIALLO

Docteur en droit privé Avocat inscrit au Barreau de Paris

Collaborateur Externe - JURIFIS CONSULT Chargé d’Enseignement à l’Université de Paris I Sorbonne et anciennement à l’Université de Bamako

La jurisprudence sénégalaise est abondamment riche sur le contentieux des baux commerciaux. La cour d’appel de Dakar rend chaque année un nombre important d’arrêts, et souvent d’arrêts importants sur ce contentieux particulier. Dans l’espèce rapportée (arrêt inédit rendu par la chambre civile et commerciale de la Cour d’appel de Dakar le 13 septembre 2005). La question de l’applicabilité du statut du bail commercial se posait à propos d’une station service qui vend aux automobilistes des produits pétroliers d’une marque déterminée. En l’espèce, un pompiste (M. L. KONATE) exploitait une station service sous la marque de la société TOTAL FINA ELF. A la date du 12/07/2001 cette dernière a notifié à l’exploitant un préavis de 3 mois en vue de la résiliation du contrat qu’elle qualifie de contrat de location gérance. Ce que conteste M. KONATE puisqu’il nie avoir passer un tel contrat avec la société Total FINA ELF. Il estime, par ailleurs, que ses relations contractuelles se sont nouées bien avant l’ entrée en vigueur de l’ acte uniforme portant sur le droit commercial général, de sorte que ces dernières restent régies par le droit interne en vigueur au moment de la conclusion du contrat. Or, c’est l’article 617 du code des obligations civiles et commerciales qui subordonne la validité du contrat de location gérance à la préconstitution d’un écrit enregistré. Il revenait à la Cour d’ appel saisie, à la suite du Tribunal Régional de Dakar qui a annulé le congé de résiliation après avoir conclu qu’ il s’ agissait d’ un contrat de bail commercial, de procéder à la qualification du contrat qui liait les parties. Les juges d’appel se sont bornés à constater que les parties ayant contracté antérieurement à l’entrée en vigueur en 1988 de l’acte uniforme sur le droit commercial général, il y avait lieu de se référer aux dispositions de l’ article 617 du code des obligations civiles et commerciales , loi qui faisait obligation aux parties de respecter un certain formalisme pour la validité des contrats de location gérance ; notamment de le faire constater par écrit enregistré et inscrit au registre du commerce. Constatant que la preuve du respect de ce formalisme n’avait pas été apportée par TOTAL FINA ELF la cour d’appel a confirmé le jugement du tribunal régional en qualifiant le contrat de bail commercial. Pourtant, la location-gérance doit être scrupuleusement distinguée du bail portant sur les locaux où le fonds de commerce est exploité.

I. DISTINCTION DU CONTRAT DE LOCATION GERANCE ET CONTRAT DE BAIL COMMERCIAL Même si le terme de location peut-être utilisé dans les deux cas, il ne faut pas confondre ces deux concepts. Il est d’autant plus nécessaire de bien distinguer les deux types de contrats que l’un et l’autre sont soumis, chacun en ce qui le concerne à des législations spécifiques qui poursuivent des finalités et sont animées de logiques différentes. Notamment la législation des baux commerciaux cherche à assurer au locataire une stabilité du lien contractuel, ce qui n’est absolument pas le cas du droit de la location - gérance qui admet le caractère temporaire ou transitoire de la relation, et donc ne reconnaît aucun droit au renouvellement au locataire -gérant.

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La location - gérance, encore appelée parfois gérance libre (par opposition à la gérance salariée) est définie comme « une convention par laquelle le propriétaire du fonds de commerce en concède la location à un gérant qui l’exploite à ses risques et périls » article 106 al.3 de l’AUDCG19. Si bien que, la location- gérance porte sur un fonds de commerce, bien meuble incorporel, alors que le bail porte sur un immeuble dans lequel le fonds est exploité. Cette forme d’exploitation est une solution adaptée lorsque le propriétaire d’un fonds de commerce ne souhaite pas ou ne peut plus, momentanément ou définitivement, exploiter le fonds lui-même20. Mais le plus souvent la location- gérance peut également être utilisée à des fins d’organisation de l’entreprise. Elle peut être utilisée alors comme une technique d’organisation d’un réseau de distribution. Le producteur de biens crée plusieurs fonds de commerce destinés à écouler sa production auprès du public. Il réduit les coûts de distribution et s’assure des « débouchés » sans assumer la charge de l’exploitation qu’il confie à des locataires- gérants. L’exemple le plus courant est effectivement comme dans le cas en espèce, celui des pétroliers propriétaires des stations services mises en gérance libre. Assez fréquemment, en effet, l’installation matérielle et l’immeuble appartiennent à la compagnie pétrolière qui loue aux pompistes. Le contrat est souvent qualifié de location – gérance comme s’il s’agissait de donner à bail le fonds et non l’immeuble. On comprend qu’il soit tentant pour le propriétaire (TOTAL FINA ELF) des locaux d’exploitation d’essayer de déguiser sous forme d’un contrat de gérance libre une convention portant en réalité sur les locaux : cette dissimulation est destinée à lui permettre d’échapper aux contraintes que fait peser sur le bailleur des locaux commerciaux l’AUDCG. En effet, le locataire gérant (L. KONATE) n’aurait aucun droit au renouvellement à l’expiration de son contrat, celui-ci portant sur le fonds de commerce et non sur les locaux. Tandis que pour nombre de pompistes il serait plus utile de soutenir qu’il s’agit d’un bail commercial pour bénéficier de ce statut plus protecteur. Pour ce faire, ils arguent que dans le cas d’une station neuve par exemple, la clientèle appartient à l’exploitant qui l’attire et la retient par ses qualités personnelles. On sait qu’en France la Cour de cassation refuse ce mode de raisonnement. Elle n’admet pas le bénéfice de la propriété commerciale au pompiste. Elle constate dans un arrêt de principe21 que la clientèle, qui fait confiance à la marque, existe de façon certaine, et non pas seulement, potentielle ou virtuelle dès l’ouverture de la station. Elle appartient à la compagnie pétrolière et non au pompiste22 . Par conséquent le contrat est un contrat de location -gérance de fonds de commerce et non un bail commercial. Dans le cas d’espèce les données sont autres, car le litige ne relevait pas de la nouvelle législation du droit des affaires OHADA. La législation nationale sénégalaise en vigueur à l’époque de la conclusion du contrat soumettait la formation du contrat de location gérance à un certain formalisme dont l’inobservation a été ici sanctionnée. II- SANCTION DE L’INOBSERVATION DES REGLES RELATIVES AU CONTRAT DE LOCATION GERANCE Le contrat objet de la controverse a été , en effet, formé bien avant l’entrée en vigueur du droit harmonisé, de sorte que la loi applicable reste l’ article 617 du code des obligations civiles et commerciales en vigueur au moment de la conclusion du contrat. Du fait de la particularité du bien loué (le fonds de commerce), ce contrat est soumis dans la législation sénégalaise antérieure à plusieurs conditions particulières. La première est que le contrat pour être valable doit être écrit. Ensuite, il doit être enregistré et inscrit au registre de commerce. Si ces conditions, ne sont pas respectées, le contrat est nul ou plus exactement est requalifié en contrat de bail commercial tel qu’il ressort de l’arrêt rapporté.

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Le législateur africain a repris la définition de l’article 1er

de la loi française du 20 mars 1956- art.l.144-1.N.C.Com. Mais il n’a pas repris à son compte la

location gérance pour un fonds artisanal. 20

Certaines condamnations pénales peuvent entraîner une déchéance spéciale du droit de louer, afin d’obliger ces personnes à vendre leur fonds dans le but

d’assainir les professions commerciales et industrielles. 21

Cass. Com. 27 février 1973. JCP 1973, II 17403 note A.S.D.1974, 1974, 283 note Derrupé. 22

Schaeffer, le pompiste en station service partagé. JCP 1972, I, 2503.

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L’interprétation donnée en espèce par la juridiction d’appel laisse donc penser que les dispositions de l’article 617 du COCC sont d’ordre public. Le juge d’appel reproche effectivement à la société TOTAL FINA ELF de n’avoir pas apporté la preuve par écrit de l’existence d’un tel contrat. Cette position, même si elle peut dérouter dans une matière commerciale peut se comprendre. La publication du contrat de location-gérance au registre du commerce est d’importance à l’égard des tiers car il existe une solidarité des dettes entre le locataire du fonds et son bailleur, pendant une certaine période qui suit la publication dans le journal d'annonce légale. Le strict respect de l’article 617 du COCC justifierait donc l’accomplissement d’une formalité tendant à établir un écrit et procéder à son enregistrement. La société TOTAL FINA ELF doit apporter la preuve d’actes positifs manifestant, sans ambiguïté, l’existence d’un contrat location- gérance entre les parties. Le fait que M. KONATE n’ait pas contesté l’existence de ce contrat dans le procès – verbal de sommation interpellative établi par acte d’huissier ne change pas les données du problème. Au niveau communautaire, l’article 106 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général ne fait pas de l’écrit une condition de validité du contrat de location – gérance. Ce qui laisse ouverte la question de la qualification juridique qu’aurait pu donner la juridiction supranationale à ce contrat liant la société TOTAL FINA ELF et M. KONATE si l’AUDCG était applicable au litige et que celui-ci avait été élevé devant elle. Classiquement, en effet, il appartient aux tribunaux de rétablir la véritable nature de l’acte sans être liés par la dénomination que les parties lui ont donné, tel est le cas d’un bail commercial, déguisé sous forme de location- gérance ou d’ une sous- location déguisée en contrat de location- gérance. Pour qualifier une convention de location -gérance, les juges vérifient souvent si une clientèle existe au moment de la conclusion du contrat. A défaut de clientèle propre au loueur, l’on se trouve dans le cas d’une location d’un local dans lequel un locataire crée un fonds et devient propriétaire. Si la solution de cet arrêt relativement à l’espèce ne peut soulever de difficultés particulières, elle pose, par ailleurs, de nouvelles questions sur lesquelles la position du juge supranational est attendue.

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TRANSFERT D’ENTREPRISE EN DROIT MALIEN :

De la dénonciation des accords collectifs

Bérenger Y. MEUKE

Docteur en droit des affaires Avocat aux Barreaux de Lyon et du Cameroun

Collaborateur Principal – JURIFIS CONSULT Chargé d’Enseignement à l’Université de Bamako et anciennement à l’Université de Nantes

En principe, en cas de transfert d’entreprise, à défaut se poursuivre, les accords doivent être dénoncés soit par le nouvel employeur, soit par les salariés. Cependant, il est important de nuancée les choses en distinguant les usages, les engagements unilatéraux et les accords atypiques pris par l'ancien employeur des conventions ou accords collectifs. Si les premiers continueront à s’appliquer aux salariés de l’entreprise concédée tant que le concessionnaire ne procèdera pas à leur remise en cause ou à leur dénonciation (cas rentrant dans la logique du comité de suivi), les seconds ne sont pas automatiquement transférés, leur maintien en vigueur chez le nouvel employeur relevant d’un régime particulier : d’où la nécessaire négociation.

I- s’agissant des engagements unilatéraux, des usages et des accords atypiques

Il faut noter que :

� l’engagement unilatéral est un avantage accordé aux salariés par une décision unilatérale de l’ancien employeur. Il peut prendre des formes diverses : déclaration d’intention, règlement intérieur, note de service par exemple. Il peut porter sur le mode de calcul du salaire, une prime, les congés ou un aménagement plus favorable dans le traitement du licenciement.

� les usages peuvent consister en un avantage qui, en raison de son caractère constant, fixe et général devient un

droit pour tous les salariés concernés. (Exemple : une prime de fin d’année que l’employeur a pris l’habitude de verser aux cadres de l’entreprise.)

� les accords atypiques sont conclus avec des représentants du personnel de l’entreprise transférée, autres que des

syndicats représentatifs dans l’entreprise. (Exemples de signataires : le comité d’entreprise, les délégués du personnel et le représentant de la section syndicale.)

Le nouvel employeur est tenu de respecter les usages, les engagements unilatéraux et les accords atypiques pris par l'ancien employeur à l'égard des salariés transférés. Toutefois, la législation malienne ne s’étant point prononcer sur la question, rien ne s’opposerait en principe à ce qu’il procède à leur dénonciation en informant chaque salarié concerné individuellement et les représentants du personnel de son intention de ne plus appliquer l’avantage jusqu’alors accordé. Mieux, l'usage instauré par l'ancien employeur peut être remis en cause par un accord collectif applicable chez le nouvel employeur. Cependant dès lors que les dispositions de l'usage et de l'accord collectif ont exactement le même objet, la remise en cause s’avère peu probable. On pourrait en conclure qu’à défaut de dénonciation par l’une des parties, l’usage, l’engament unilatéral ou encore l’accord atypique se poursuit.

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II- S’agissant des conventions ou accords collectifs

Lorsque l’application d’une convention ou d’un accord est mise en cause dans une entreprise en raison d’une mise en concession, d’une fusion, d’une cession, d’une scission ou d’un changement d’activité, la convention ou l’accord continue de produire effet jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention ou de l’accord qui lui sera substitué. Une négociation entre le concessionnaire et les syndicats permet d’adapter les dispositions anciennes à celles nouvellement applicables ou bien d’élaborer de nouvelles dispositions conventionnelles. La négociation permet ici d’adapter l’accord ou la convention à la nouvelle structure de l’entreprise ou de définir de nouvelles dispositions. Il y a mise en cause de l'acte collectif dès lors que le nouvel employeur n'y est pas assujetti par exemple. Les anciennes dispositions doivent demeurer applicable jusqu’à l’entrée en vigueur des nouvelles qui seront issues de la négociation entre les parties. Le législateur malien ne s’étant pas prononcer sur les délais nécessaires pour cette opération, un délai raisonnable pourrait être observé. Passé ce délai, les salariés de l’entreprise transférée pourront se prévaloir des avantages issus des dispositions conventionnelles anciennes que s’ils en ont bénéficiés à titre personnel. Il s’agit d’avantages individuels acquis, qui seront de ce fait intégrés au contrat de travail des salariés concernés. (Par exemple, une prime annuelle accordée à partir d’un certain nombre d’années d’ancienneté dans l’entreprise à laquelle a pu déjà bénéficier certains salariés.) En tout état de cause, les salariés de l’entreprise transférée pourront s’en prévaloir, dès le transfert, des dispositions conventionnelles applicables dans l’entreprise d’accueil. En cas de conflit entre les avantages prévus aux anciennes dispositions conventionnelles provisoirement maintenues et celles de l’entreprise d’accueil, les plus favorables aux salariés s’appliqueront.

Ce qui pourrait se schématiser de la façon suivante :

L’entreprise concédée (ne) possède

Le concessionnaire (ne) possède

Conséquences

Pas de convention ou accord collectif

Pas de convention ou accord collectif

Pas de négociation nécessaire

Pas de convention ou accord collectif

Un(e) convention ou accord collectif

Pas de négociation nécessaire

les salariés repris peuvent se prévaloir de la convention ou

l’accord collectif de l’entreprise d’accueil

Un(e) convention ou accord collectif

Pas de convention ou accord collectif

Négociation possible

Si pas de négociation : maintien pendant un délai

raisonnable des avantages individuels acquis

Un(e) convention ou accord collectif

La même convention ou accord collectif

Pas de négociation

Un(e) convention ou accord collectif

Une autre convention ou accord collectif

Négociation nécessaire

Si pas de négociation : maintien pendant un délai

raisonnable des avantages individuels acquis

Les salariés repris peuvent se prévaloir de la convention ou

l’accord collectif de l’entreprise d’accueil dès le transfert.

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RELECTURE DES ACTES UNIFORMES OHADA RELATIFS AU DROIT COMMERCIAL GENERAL ET

AUX SURETES

FIAS

WORLD BANK GROUP

Enjeu Économique de l’Amélioration des Actes uniformes

Plus de dix ans après l’entrée en vigueur des premiers Actes Uniformes (AU), une évaluation systématique et exhaustive de ces lois s’est avérée indispensable pour identifier les qualités et défauts intrinsèques de ces textes au regard de l’objectif de développement du secteur privé que poursuit l’OHADA. Un projet de révision et d’amélioration des Actes Uniformes OHADA a ainsi été conçu en 2007 suite aux discussions entre le Secrétariat Permanent de l’OHADA (SP), le FIAS (Groupe Banque Mondiale) et l’Agence Française de Développement (AFD). Ses objectifs sont de renforcer l’adaptabilité, l’effectivité et l’attractivité du droit des affaires harmonisé et de faciliter son utilisation par les agents économiques opérant dans les 17 États membres de l’OHADA. Il contribuera ainsi à garantir davantage la sécurité juridique et judiciaire des activités économiques et transactions financières et à favoriser l’essor de celles-ci en encourageant l’investissement local et étranger. Le SP et le FIAS, avec l’aval du Conseil des Ministres de l’OHADA, ont ainsi mis en place un processus de revue des Actes Uniformes actuellement en vigueur, afin de les moderniser et d’en adapter le contenu aux évolutions juridiques et économiques observées depuis leur adoption. Ce travail comprend trois grandes phases: (i) Revue/Analyse/Recommandations : cette phase de « diagnostic » a permis de mettre en lumière les problèmes intrinsèques aux actes uniformes. Plus de trente experts locaux et internationaux ont été mobilisés lors de cette phase qui a débouché sur des propositions d’améliorations et de révisions des Actes uniformes ; (ii) Préparation des avant-projets d’amendements : ce travail a été assuré par des experts sur la base du diagnostic et des « notes d’orientations » préparées par le FIAS. Des équipes de deux groupes d’experts (chacun composé de 2 spécialistes de la rédaction de textes législatifs et de deux Experts de la matière concernée) ont travaillé sur chaque Acte uniforme ; (iii) Concertation, Appropriation et Finalisation : la concertation préalable s’effectue à travers des présentations aux représentants des secteurs publics et privés des États parties des orientations stratégiques de la relecture de certaines dispositions des actes uniformes et de leurs enjeux en termes d’amélioration de l’environnement du Droit des affaires dans la Zone OHADA par le biais de l’actualisation de l’Acte uniforme; l’appropriation se fera dans le cadre d’ « assemblées plénières » organisées dans les États membres par le SP, avec l’appui de la France, du FIAS et d’ICF, qui aménagera la participation de certains des Experts ayant effectué la revue des actes uniformes et la rédaction des avant-projets d’amendements ; enfin, les avant-projets seront soumis par le SP à l’avis de la CCJA puis à l’examen du Conseil des Ministres, conformément aux disposition du Traité OHADA. Il a été proposé de lancer le processus d’amélioration des actes uniformes en envisageant, dans un premier temps, les actes uniformes relatifs au droit commercial général et aux sûretés. Les avant-projets d’amendements à ces deux actes ont été transmis aux Etats membres. Les avant-projets remis au Secrétariat permanent restent fidèles aux orientations des textes d’origine et en parfaite cohérence avec les concepts de l’OHADA et des pratiques entrepreneuriales. Cependant, les projets de nouveaux textes devraient être plus adaptés aux besoins des agents économiques des États parties, notamment parce qu’ils introduisent de nouvelles dispositions jusque-là ignorées par les actes uniformes en vigueur, et parce qu’ils précisent également les définitions et les régimes de certaines notions juridiques.

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L’enjeu économique de ces améliorations est significatif : le potentiel d’impact sur l’activité économique en général et sur le développement des activités de crédit en particulier dans chacun des États membres est particulièrement grand.

• Enjeu économique de l’amélioration de l’Acte Uniforme relatif au droit commercial général (AUDCG) Pour répondre au besoin de sécurisation des activités économiques, l’avant-projet d’amendements de l’AUDCG se doit d’améliorer l’arsenal juridique tant au niveau des relations commerciales qu’au niveau de l’information sur la réalité juridique et économique des entreprises et des commerçants en améliorant le cadre légal de l’environnement des affaires et en réorganisant le registre du commerce et du crédit mobilier. L’importance de ce texte sur le plan économique est proportionnelle à son rôle juridique central dans le dispositif législatif nécessaire pour assurer une bonne gouvernance des entreprises ainsi qu’une meilleure régulation des activités commerciales. Le statut des acteurs, le régime des contrats commerciaux et l’information des partenaires du commerce sont des thèmes déterminants dans le travail de mise en place du climat de confiance qui doit caractériser les relations commerciales et faciliter les échanges rapides. Dans cette perspective, le texte de l’AUDCG est amené à jouer un rôle économique croissant, il s’inscrit en effet dans un mouvement de dynamisation des échanges commerciaux régionaux initié notamment au niveau des autorités de la CEDEAO, de l’UEMOA et de la CEMAC. Si la création d’un droit commercial général uniforme a constitué un progrès significatif et que le texte original était généralement d’une bonne qualité, le diagnostic a permis d’identifier des améliorations possibles, voire nécessaires. Ainsi, l’avant-projet d’amendements à l’AUDCG entreprend de moderniser le texte initial, notamment en proposant de : - Améliorer les régimes du bail commercial, de la vente, de la prescription… ; - Faciliter le passage des opérateurs du secteur informel au secteur formel par la création d’un statut d’ « entreprenant » ; - Rendre légal et opposable l’utilisation des moyens électroniques, notamment en reconnaissant l’écrit électronique et la signature électronique ; - Faire du Registre du commerce et du crédit mobilier un instrument moderne d’information sur l’activité économique des Etats parties en intégrant le plus grand nombre d’informations relatives aux entreprises, en organisant le droit d’accès des tiers à ces informations, et en permettant l’utilisation des moyens électroniques.

• Enjeu économique de la révision de l’Acte Uniforme portant organisation des sûretés (AUS) Le soutien des établissements de crédit dans les financements apportés aux opérateurs économiques pour leurs investissements et aux particuliers pour soutenir la consommation des ménages constitue une condition essentielle au développement du secteur privé dans l’espace OHADA. Malgré le poids des PME dans les économies locales et leur rôle moteur en matière de développement économique, ces agents économiques ont un accès extrêmement limité au marché du crédit. Nombre d’études ont montré que les difficultés d’accès aux financements sont le premier obstacle au développement des PME en Afrique, notamment dans la zone OHADA, loin devant les problèmes de corruption, de déficience des infrastructures ou de fiscalités abusives. En moyenne, dans les États membres de l’OHADA, 64% des entreprises identifient l’accès aux financements comme étant un obstacle majeur aux activités économiques. Cette situation diffère d’un État à un autre (73,2 et 79,8% au Benin et au Burkina Faso, 49,2% au Sénégal) mais, partout, elle constitue une barrière importante au développement économique.

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Il y a aujourd’hui consensus autour de l’idée qu’un environnement juridique favorable et des institutions judiciaires efficaces sont des conditions indispensables pour créer un climat propice au développement du crédit et du marché financier qui est en partie conditionné par le cadre légal. Ce cadre doit faciliter l’accès aux financements en permettant de circonscrire les risques juridiques et judiciaires des établissements de crédit tout en protégeant les souscripteurs et emprunteurs. Plus généralement, le droit des sûretés doit être un vecteur du développement du secteur privé et de stabilité du secteur financier. L’accès au financement et le développement du crédit sont déterminés en grande partie par la capacité d’un débiteur à offrir librement une garantie fiable aux prêteurs. C’est essentiellement sur cet aspect que l’AUS doit apporter des réponses juridiques appropriées. Les opérateurs reprochent en particulier une absence de souplesse et un excès de formalisme dans la constitution des garanties du crédit. Il importe également que les opérateurs économiques disposent d’informations fiables sur leurs partenaires : l’absence d’informations et l’insuffisante fiabilité de celles-ci, notamment du fait des défauts de fonctionnement des registres du commerce et du crédit mobilier, constituent d’importants freins au développement des activités de crédit. L’avant-projet d’amendement entreprend ainsi de moderniser le texte initial, notamment en proposant les évolutions suivantes : - Simplifier/alléger les procédures de création et de publication des sûretés ; - Étendre l’assiette des sûretés réelles mobilières en permettant de constituer des sûretés sur tous types de biens, présents et futurs, et de garantir toutes sortes d’obligations (futures, conditionnelles, monétaires ou non) ; - Créer un Fichier National du Crédit Mobilier informatisé où seront enregistrées toutes les sûretés constituées sur le territoire d’un État membre ; - Simplifier les modalités de réalisation des sûretés réelles, notamment en introduisant des mécanismes de réalisation extrajudiciaire ; - Assouplir le régime des hypothèques. Des réformes en ce sens entreprises au cours de l’année 2000 en Roumanie ont eu un impact considérable sur l’accès au crédit : en trois ans, le nombre d’emprunteurs a été multiplié par quatre, et le volume total de crédit émis par les banques privées a augmenté de près de cinq milliards de dollars, représentant une augmentation en part du PNB de 11,3% en 2000 à 15,8% en 2003. De même, les prêts en devises étrangères ont augmenté de 5,6% du PNB en 2000 à 8,5% du PNB en septembre 2003. La récente réforme du droit des sûretés en Albanie a donné des résultats semblables. S’il est difficile de calculer l’impact économique que pourraient avoir les propositions envisagées dans l’avant-projet d’amendement à l’AUS, il est possible de faire des estimations en termes d’augmentation du nombre de crédits accordés et de la valeur totale de cette augmentation. Sur la base de calculs préliminaires du Département du Climat des Investissements du Groupe Banque mondiale, et en reconnaissant la faible qualité des données disponibles, nous estimons un impact positif sur trois ans de 266 millions de US dollars de crédits supplémentaires mis à la disposition du secteur privé des pays de la zone OHADA. Les sûretés contribuent au développement du secteur privé en :

� Augmentant le niveau de crédit : Dans des pays où les créanciers peuvent se fier aux procédures de recouvrement et aux règles de rang et de priorité précises en cas de défaut de paiement et/ou de procédures collectives, le volume des crédits représente environ 60% du PIB contre seulement 30% pour les pays n’ayant pas de système de protection efficace du prêteur.

� Réduisant les coûts de crédit : Dans les pays industrialisés, les emprunteurs offrant une garantie fiable obtiennent des crédits dont le volume est neuf fois supérieur à celui de ceux n’offrant aucune garantie. Leurs périodes de remboursement sont 11 fois supérieures et leur taux d’intérêt est 50% inférieur. Il est relevé que les taux d’intérêts réels pratiqués dans la zone CEMAC pour les PME dépassent généralement les 15% (FMI 2006 b).

• Impact des propositions d’améliorations sur l’indicateur Doing Business

L’adoption des avant-projets proposés aurait un impact sensible sur le classement Doing Business des États membres de l’OHADA. En effet, si l’avant-projet d’amendements à l’AUS est adopté avant le 31 mai 2010, chaque État sera crédité d’une réforme et gagnera trois points sur l’indicateur « Obtention de prêts » dans le rapport Doing Business 2011, ce qui représente un progrès significatif. Ces propositions pourraient encore apporter des points aux États membres dans le rapport 2012 si des registres efficaces et informatisés sont mis en place de manière effective avant le 31 mai 2011.

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De la même manière, l’adoption des améliorations proposées par l’avant-projet d’amendements à l’AUDCG permettrait aux États d’être crédités d’une réforme et de gagner un certain nombre de points sur l’indicateur « création d’entreprise » dans le rapport Doing Business 2012. En effet, ces améliorations ne seront prises en compte qu’une fois qu’elles auront été mises en œuvre et observées sur le terrain dans les États membres.

• Échéancier pour la réforme des Actes Uniformes Il est proposé que les amendements à l’AUDCG et à l’AUS soient soumis au premier Conseil des Ministres OHADA de l’année 2010, devant se tenir dans le courant du premier semestre (en principe en mai 2010), pour examen et adoption. Les amendements aux Actes Uniformes relatifs au droit des sociétés et aux procédures collectives pourraient ensuite être adoptés par le second Conseil des Ministres de l’OHADA de l’année 2010 (décembre). Enfin, les amendements aux Actes uniformes relatifs à l’arbitrage et aux procédures de recouvrement et voies d’exécution pourraient être adoptés lors du premier Conseil des Ministres de l’année 2011.