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    II COUR DES COMPTES

    Pages

    Chapitre III - Llaboration et la conduite dunepolitique de protection de lenfance 101

    I - Les acteurs.. 103

    A - Le dpartement 103

    B - Ltat... 112

    C - La cration de lONED 123II - Les fonctions communes... 126

    A - La collecte des statistiques.. 126

    B - Lvaluation des rsultats 131

    Conclusion gnrale. 137

    Annexe Rpertoire des sigles. 143

    Rponse du Ministre dEtat, Garde des Sceaux,Ministre de la justice et des liberts 145

    Rponse de la Secrtaire dEtat charge de la famille et dela solidarit, auprs du Ministre du travail, des relationssociales, de la famille, de la solidarit et de la ville 148

    Rponse du prsident de lUnion nationale des associationsde sauvegarde de lenfance, de ladolescence etdes adultes (UNASEA) 155

    Rponse du Prsident de lobservatoire nationalde laction sociale dcentralise (ODAS) 156

    Rponse du Prsident de la Fondation dAuteuil................... 160

    Rponse du Prsident du conseil gnraldes Alpes-Maritimes 161

    Rponse du Prsident du conseil gnral du Cantal 161

    Rponse du Prsident du conseil gnral du Rhne 162

    Rponse du Maire de Paris. 164

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    DLIBR III

    DLIBR

    La Cour des comptes publie un rapport thmatique intitul La protection de lenfance .

    Conformment aux dispositions lgislatives et rglementaires du codedes juridictions financires, la Cour des comptes, dlibrant en chambre duconseil, a adopt le prsent rapport public.

    Ce texte a t arrt au vu du projet qui avait t communiqu aupralable, en totalit ou par extraits, aux administrations et organismesconcerns, et aprs avoir tenu compte, quand il y avait lieu, des rponses

    fournies par ceux-ci. En application des dispositions prcites, ces rponsessont publies ; elles engagent la seule responsabilit de leurs auteurs.

    Etaient prsents : M. Sguin, Premier prsident, MM. Pichon, Picq,Babusiaux, Mme Ruellan, MM. Descheemaeker, Hespel, Bayle, prsidents dechambre, Mme Bazy Malaurie, prsident de chambre, rapporteur gnral,MM. Sallois, Hernandez, Mme Cornette, prsidents de chambre maintenu enactivit, MM. Billaud, de Mourgues, Richard, Devaux, Arnaud, Bouquet,Gillette, Duret, Ganser, X.H Martin, Troesch, Thrond, Mme Froment-Meurice, MM. Beysson, Cazanave, Mme Bellon, MM. Gasse, Moreau,Freches, Duchadeuil, Moulin, Lesouhaitier, Lefas, Schwerer, Durrleman,Cazala, Gauron, Dupuy, Mmes Morell, Fradin, MM. Braunstein, Brochier,Mmes Saliou (Franoise), Dayries, MM. Lvy, Bernicot, Deconfin, Phline,

    Mme Ulmann, MM. Bertucci, Tournier, Mme Darragon, MM. Bonin, Vachia,Vivet, Mme Moati, MM. Cossin, Davy de Virville, Couty, Mme Aubin-Saulire, MM. Sabbe, Ptel, Mme Camby, MM. Valdigui, Tnier, Lair,Mme Trupin, M. Corbin, Mme Froment-Vdrine, MM. Ravier, Doyelle,Mnard, Mme Dos Reis, MM. De Gaulle, Uguen, Prat, Salsmann, Martin(Claude), Bourlanges, Le Mn, Castex, Urgin, Baccou, Mme Malgorn,MM. Spulchre, Arnaud dAndilly, Mousson, Guroult, Mme Bouygard,M. Chouvet, Mme Dmier, M. Hernu, Mme Vergnet, conseillers matres,MM. Bille, Cadet, Plissier, Schott, Hagelsteen, Klinger, conseillers matresen service extraordinaire.

    Etait prsent et a particip aux dbats : M. Bnard, Procureur gnral,assist de M. Colin, charg de mission.

    Etait prsent en qualit de rapporteur et na pas pris part auxdlibrations : M. Christian Carcagno, prsident de section (chambrergionale des comptes dIle-de-France).

    Madame Mayenobe, secrtaire gnral, assurait le secrtariat de lachambre du conseil.

    Fait la Cour, le 30 septembre 2009

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    IV COUR DES COMPTES

    Ce rapport a t labor par une formation commune auxjuridictions financires partir denqutes effectues par

    deux chambres de la Cour des comptes et dix chambres rgionaleset territoriales des comptes (CRTC)

    A prsid la formation commune :M. Bertrand Schwerer, conseiller matre, prsident de la chambrergionale des comptes de Provence-Alpes-Cte dAzur ;

    Ont t membres de la formation commune :Au titre de la Cour des comptes :M. Jean-Pierre Bayle, conseiller matre (actuellement Prsident de lacinquime chambre de la Cour des comptes) ;Mme Dominique Malgat-Mly, conseillre matre (cinquimechambre) ;M. Grard Moreau, conseiller matre (quatrime chambre) ;M. Jacques Tnier, conseiller maitre (cinquime chambre) ;M. Graud Guibert, conseiller matre (quatrime chambre).Au titre des chambres rgionales et territoriales des comptes :

    M. Michel Rasra, Prsident de la CRC de Bretagne ;M. Thierry Mourier des Gayets, Prsident de la CRC du Nord-Pas-de-Calais ;M. Pierre Rocca, Prsident de la CRC du Centre ;M. Christian Carcagno, Prsident de section (CRC dIle-de-France).

    Ont effectu la synthse des enqutes :Au titre de la Cour des comptes :Mme Nathalie Casas, conseillre rfrendaire (quatrime chambre) ;Mme Marie-Christine Dokhlar, conseillre rfrendaire (cinquimechambre) ;M. Jean-Baptiste Gourdin, conseiller rfrendaire (quatrimechambre) ;Au titre des chambres rgionales et territoriales des comptes :Mme Sylvie Boutereau-Tichet, premire conseillre (CRC dIle-de-France) (actuellement conseillre rfrendaire la Cour descomptes);M. Gilles Bizeul, premier conseiller (CRC dIle-de-France) ;M. Fabien Filliatre, premier conseiller (CRC de Bretagne).

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    COUR DES COMPTES V

    Ont particip aux enqutes :

    Au titre de la Cour des comptes :M. Marc Breyton, conseiller matre ;

    M. Jean-Yves Audouin, conseiller matre en service extraordinaire ;

    Mme Christine Abrossimov, rapporteure ;

    M. Pierre-Henri Culaud, rapporteur ;

    Mme Chantal Audouin-Galmard, assistante ;

    M. Claude Grin-Roze, assistant ;

    Au titre des chambres rgionales et territoriales des comptes :MM. Michel Gnteaud, Roberto Schmidt, Prsidents de section ;

    Mmes Anne Gandon, Paule Guillot, Bernadette Longchamp, MichellePannetier-Alabert, Danile Rois, premires conseillres ;

    MM. Patrice-Luc Adment, Patrick Barbaste, Frdric Blache, FranoisGajan, Luc Hritier, Stphane Lucien-Brun, Richard Monlon,Stphane Morel, Philippe Parlent-Pinet, Prioleaud, Thomas Roche,Jean Voizeux, premiers conseillers ;

    Mmes Monique Chabin, Catherine Clavier, Marie-Chantal Duperval,Frdrique Flix, Esprance Gomez, Monique Mace,Anne Miscopein, Evelyne Uzan, assistantes ;

    MM. Xavier Boschet, Fabrice Boudou, Antoine Gilbert, RichardJouquan, David Le Men, assistants ;

    Mlle Carole Marteau, documentaliste rfrente.

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    Introduction

    Au sens le plus large, la protection de lenfance dsigne unensemble de rgles et dinstitutions, qui ont pour objet de prvenir lesdangers auxquels un mineur peut tre expos. Ainsi la surveillance durespect des obligations scolaires, les visites mdicales obligatoires, laprvention des comportements addictifs, la police des sites Internet,constituent des mesures de protection de lenfance. Dans un sens plus

    restreint, qui sera celui du rapport, la protection de lenfance vise lespolitiques ou les mesures directement tournes vers les mineurs, tendant prvenir ou suppler une dfaillance familiale. Elle se caractrise parlimmixtion consentie ou impose dun tiers dans lducation des enfants,en soutien, voire en substitution partielle ou totale des parents.

    Elle est dfinie larticle L. 112-3 du code de laction sociale etdes familles (CASF) : la protection de lenfance a pour but de prvenirles difficults auxquelles les parents peuvent tre confronts danslexercice de leurs responsabilits ducatives, daccompagner lesfamilles et dassurer, le cas chant, selon des modalits adaptes leursbesoins, une prise en charge partielle ou totale des mineurs 1. Cest cette conception que se rfre implicitement larticle 375 du code civil

    si la sant, la scurit ou la moralit dun mineur non mancip sont endanger, ou si les conditions de son ducation ou de son dveloppementphysique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, desmesures dassistance ducative peuvent tre ordonnes par la justice.

    En France, la protection de lenfance ainsi conue peut tre assuresous une forme administrative ou sous une forme judiciaire. La protectionadministrative est place sous la responsabilit du prsident du conseilgnral, qui lassure par la voie du service de laide sociale lenfance(ASE) ; la protection judiciaire est mise en uvre par un juge spcialis,le juge pour enfant.

    1 - Une organisation complexe, hrite de lhistoire

    Lassistance aux enfants a t longtemps laisse linitiative desuvres religieuses et limite aux enfants abandonns. En 1793, laConvention affirme que la Nation doit assurer lducation physique et

    1) La protection de lenfance concerne galement les jeunes majeures de mois de21 ans qui peuvent, depuis labaissement de la majorit 18 ans, faire lobjet demesures de protection. Par simplification, le terme enfants employ dans leprsent rapport inclut lensemble des personnes protges.

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    2 COUR DES COMPTES

    morale des enfants connus sous le nom denfants abandonns . En1811, la prise en charge des enfants abandonns devient une mesured'assistance obligatoire : hpitaux et hospices sont tenus daccueillir lesenfants trouvs, abandonns ou orphelins, et bnficient cette fin definancements publics.

    Le dernier quart du 19me sicle voit saffirmer la place de ltatdans le domaine social. La loi du 24 juillet 1889, en crant la possibilitde dchance judiciaire de la puissance paternelle, fonde vritablement laprotection judiciaire de lenfance face au pouvoir discrtionnaire du pre

    qui prvalait auparavant.La protection administrative et la protection judiciaire de lenfance

    en danger se sont ensuite dveloppes de manire parallle. En 1958apparat clairement la distinction entre les deux niveaux de protection. Laprotection judiciaire est rgie par lordonnance n 58-1301 du 23dcembre 1958 relative la protection de l'enfance et de l'adolescence endanger. Cette ordonnance regroupe au sein du code civil, sous le termedassistance ducative, la lgislation relative la protection judiciaire desmineurs et la modernise ; elle la confie au juge des enfants cr parlordonnance n 456174 du 2 fvrier 1945, relative la justice pnale desmineurs. La protection administrative de lenfance est organise parlordonnance n59-35 du 5 janvier 1959 modifiant et compltant le code

    de la famille et de laide sociale, qui confie cette mission un directeurdpartemental sous lautorit du prfet (directeur dpartemental delaction sanitaire et sociale qui devient, en 1977, directeur dpartementaldes affaires sanitaires et sociales).

    Avec la dcentralisation opre par la loi du 22 juillet 1983, lechoix a t fait de tracer une frontire subtile entre les comptencesexerces par les dpartements et celles qui continuent de relever de ltat.On aurait pu concevoir un systme dcentralisant la protectionadministrative aux dpartements et laissant aux services de ltat lacomptence en matire de protection judiciaire. Mais le lgislateur aprfr confier au dpartement non seulement la protectionadministrative, sous le terme daide sociale lenfance, mais aussi la mise

    en uvre des mesures de protection judiciaire. Seules les mesuresconfies au secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ),les mesures dinvestigation et les mesures de protection des jeunesmajeurs fondes sur le dcret du 18 fvrier 1975 restent de la comptencede ltat.

    Ce faisant, le lgislateur a voulu viter que se dveloppe unebranche judiciaire de la protection de lenfance coupe des autresdispositifs, avec le risque la fois de surquipements et de filires

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    INTRODUCTION 3

    sgrgatives 2, alors que les jeunes qui font lobjet dune mesurejudiciaire ont, souvent, fait lobjet dune mesure administrativeauparavant. Subsidiairement, il a pu sagir aussi dinciter le dpartement mieux assumer sa mission de protection administrative sans sendcharger sur le juge, puisque le financement des mesures de protectionjudiciaire lui incombe aussi.

    Ces choix ont contribu crer une situation complexe. Dun ct,le dpartement est responsable de la politique daide sociale lenfance,cest--dire de la protection administrative des mineurs en danger, mais la

    majorit des dcisions lui chappent et sont prises par les juges. Dunautre ct, sagissant du volet judiciaire de la protection de lenfance, ledispositif actuel ne repose pas sur un vritable transfert de comptences,mais plutt sur un exercice partag des comptences qui a tinstitutionnalis : les dpartements, collectivits territoriales autonomes,se trouvent au cur de lexcution de dcisions de justice qui, en tant quetelles, continuent de relever des missions rgaliennes de ltat. La loi du5 mars 2007 rformant la protection de lenfance a raffirm le rle pilotedu dpartement.

    La loi du 5 mars 2007 rformant la protectionde l'enfance

    La loi dfinit pour la premire fois les objectifs et le champ de laprotection de lenfance (voir supra), qui concerne la sphre familiale etl'exercice des responsabilits ducatives.

    La loi vise renforcer la prvention pour venir en aide aux enfants et leurs parents. Pour dtecter plus tt et traiter plus efficacement les situationsde danger, elle prvoit la mise en place dans les dpartements d'une cellulede recueil, de traitement et d'valuation des informations proccupantes etun partage d'informations entre professionnels du travail social et de laprotection de l'enfance habilits au secret professionnel . Elle distinguedune part la notion dinformation proccupante, transmise la celluledpartementale, dautre part le signalement, rserv aux transmissions lautorit judiciaire.

    Elle raffirme le rle central du dpartement, notamment dans lerecueil des informations, et cre des observatoires dpartementaux de la

    protection de l'enfance.Elle diversifie les modes de prise en charge, donnant une base lgale

    laccueil de jour sans hbergement pour apporter lenfant un soutienducatif et sa famille un accompagnement dans lexercice de sa fonctionparentale ; elle instaure laccueil priodique qui permet dloignertemporairement le mineur de sa famille.

    2) Le dispositif franais de protection de lenfance, J.P. Rosenczveig, Editionsjeunesse et droit, 2005, p. 1066

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    4 COUR DES COMPTES

    La complexit de lorganisation de la protection de lenfance tientgalement la place minente des associations dans les dispositifsadministratifs comme judiciaires. Hritires dinstitutions quisoccupaient denfants en difficults bien avant la cration du cadrejuridique actuel de la protection judiciaire et administrative, elles peuventse prvaloir dune lgitimit historique.

    Elles assurent lexcution dune part importante, bien que difficile quantifier, des mesures administratives et judiciaires. Plus de 80 % desmaisons denfants caractre social, par exemple, sont gres par des

    associations. Limmense majorit des mesures ducatives sont excutespar elles. La plupart des ducateurs sont leurs salaris. Les associationssont donc les oprateurs principaux de la protection de lenfanceadministrative comme judiciaire.

    Au total, dans le dispositif, tel quil existe aujourdhui, desmesures de protection de mme nature peuvent tre dcides par lesautorits administratives et les autorits judiciaires. Dans un cas commedans lautre, elles sont mises en uvre le plus souvent par les mmesprofessionnels, extrieurs la justice et ladministration.

    2 - Les mesures de protection de lenfance

    Seules les aides financires ou les aides domicile effectues parun technicien de lintervention sociale et familiale (TISF) relventexclusivement de la protection administrative. Les autres mesures,quelles soient dcides dans un cadre judiciaire ou administratif,recouvrent des prestations identiques. Elles peuvent tre :

    une mesure ducative dsigne sous le nom daide ducative enmilieu ouvert (AEMO) lorsquelle est dcide par un juge et, engnral, sous lappellation daide ducative domicile (AED)lorsque lorigine en est le dpartement. Dans les deux cas, lamesure est excute au domicile de lenfant par un ducateurfonctionnaire ou salari dune association habilite ;

    le retrait de lenfant de son milieu familial, convenu entre lesreprsentants de lautorit parentale et le Dpartement ou surdcision de lautorit judiciaire (procureur ou juge pourenfants). Le mineur est alors plac au foyer dune assistantematernelle ou dans un tablissement spcialis qui peutdpendre du ministre de la justice (PJJ), du Dpartement oudune association habilite. Lorsque le placement est dcid parle juge pour enfants, ce dernier peut aussi confier le mineur un tiers digne de confiance ou dsigner lui-mme la structuredaccueil (on parle alors de placement direct).

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    INTRODUCTION 5

    Au 31 dcembre 2007, la DREES dnombrait 292 417 mesuresdAED/AEMO ou de placement, concernant environ 1,7 % des jeunes dela tranche dge de moins de 21 ans.

    Les mesures de protection sont rparties presque galit entre lesaides ducatives au domicile parental et laccueil des enfants hors dudomicile : 145 566 enfants bnficiaient dune action ducative tandisque 146 851 enfants taient accueillis hors du domicile parental. Environ30 % des enfants accueillis lASE ont entre 11 et 15 ans.

    Tableau 1 : Effectifs de lAide Sociale lEnfance (ASE)

    au 31 dcembre France entire (*)

    2003 2004 2005 2006 2007

    AIDE SOCIALE L'ENFANCE 272 251 278 973 283 126 287 692 292 417

    Enfants accueillis l'ASE 139 833 144 104 142 430 145 437 146 851

    Enfants confis lASE 116 196 119 366 121 298 123 663 125 889

    Placements directs par un juge 23 637 23 088 22 782 21 774 20 962

    Actions ducatives 132 418 136 519 139 046 142 255 145 566

    Actions ducatives domicile 35 719 37 284 36 517 38 029 40 427

    Actions ducatives en milieu ouvert 96 699 99 235 102 529 104 226 105 139

    (*) Hors mesures finances par le ministre de la justice, soit en 2006 environ8 500 mesures, principalement dAEMO.

    Source : DREES, Sries statistiques n 130 avril 2009

    Environ 80 % des mesures sont dorigine judiciaire. Cetteprpondrance aussi appele judiciarisation - est une ralitancienne, qui sest accentue : en 1992, les dcisions judiciairesreprsentaient dj prs de 72 % des mesures. La hausse de lactivitcivile des juges des enfants continue se vrifier en 2007 quel quen soitlindicateur de mesure, quil sagisse du nombre de mineurs suivis pass de 187 430 217 884 entre 2000 et 2006, soit une hausse de 16 % -ou du nombre des mesures prononces (mesures nouvelles et mesures

    renouveles), en augmentation de 265 347 329 501 soit de 24 % durantla mme priode.

    3 - Les dpenses de protection de lenfance

    La charge financire de la protection de lenfance incombeessentiellement aux dpartements puisquils financent lensemble desmesures quils dcident mais aussi la majorit des mesures dcides par lejuge. Seules les mesures dinvestigation dcides par les juges et les

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    mesures que ces derniers confient aux tablissements et services de la PJJsont la charge de lEtat.

    Les dpenses brutes des dpartements au titre de lASEreprsentaient 5,85 Md en 2007. Les dpenses nettes, cest--dire lesdpenses effectivement assumes par les dpartements3, taient peinemoins leves (5,82 M).

    Tableau 2 : Dpense brute dASE des dpartements (2007)

    En euros

    Total 5 853 646 242Prvention spcialise 250 390 648Allocations 291 410 493Actions ducatives 381 837 484Placements 4 572 263 133

    dont assistants familiaux 1 533 067 568dont tablissements 2 917 440 363

    Source : DREES. Donnes provisoires

    Les placements reprsentent en 2007 une dpense brute de4,57 Md, soit 78 % de la dpense brute daide sociale lenfance desdpartements. Les placements en tablissements, 2,9 Md, reprsentent la

    moiti de la dpense brute totale, alors mme que les enfants placs entablissement (57 961 au 31 dcembre 2007) sont moins nombreux queles enfants placs en familles daccueil (68 306). Ceci sexplique par lecot de prise en charge, plus lev en tablissement quen familledaccueil : en 2007, un placement en tablissement cote en moyenne60 804 , contre 22 157 pour un placement en famille daccueil (Franceentire).

    Les autres dpenses sont plus faibles : la prvention spcialise(250 M en 2007), les allocations verses au titre de la protection delenfance (291 M) ou les mesures ducatives (382 M) reprsententglobalement moins de 16 % des dpenses brutes.

    Les dpenses sont en accroissement rgulier depuis au moins 10ans : en euros constants, laccroissement de la dpense brute totale a tde 9 % depuis 2002 et de 24 % depuis 1996. Faute de donnes pertinentes

    3) Les dpartements peuvent exercer des recours en rcupration auprs desbnficiaires de laide sociale ou de leur succession. ces rcuprations s'ajoutent desrecouvrements sur d'autres collectivits territoriales, des remboursements departicipations et de prestations, des mandats annuls ou atteints par la dchance etdes subventions. Les dpenses nettes des dpartements sont celles restant la chargedes dpartements aprs enregistrement de ces recettes.

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    INTRODUCTION 7

    sur le nombre de mesures4, il nest pas possible de distinguer, dans cetteaugmentation globale, la part lie au nombre des bnficiaires et celletenant au cot unitaire des mesures. La dpense relative aux placements,qui reprsente en 2007 prs de 80 % de la dpense totale dASE,enregistre la progression la plus rapide.

    Tableau 3 : volution des dpenses dASE

    Evolutionen euros constants

    1996 2002 2007*Depuis

    1996

    Depuis

    2002Dpensesbrutes

    3 989 633 986 4 885 589 404 5 853 646 242 +24,1% +9,4%

    Dpensesnettes

    3 904 201 893 4 808 309 741 5 818 864 004 +26,1% +10,5%

    Source : DREES France entire (* les donnes 2007 sont provisoires)

    Alors que lASE occupait la premire place dans les dpensesdaide sociale des dpartements en 2002, elle est en troisime positiondepuis 2006, derrire les charges lies au RMI et aux personnes ges. Enpeu de temps, les dpartements ont d intgrer, dans leur stratgie et leurorganisation interne, lattribution de lAPA, du RMI, la cration desmaisons dpartementales du handicap, et les volutions de larglementation de la protection de lenfance.

    Leffort de ltat est moindre. Il est aussi dispers entre plusieursadministrations et, de ce fait, difficile quantifier.

    En ce qui concerne les ministres sociaux, la protection desmineurs en danger relve principalement du programme Actions enfaveur des familles vulnrables . Seuls les crdits dintervention enfaveur de la protection des enfants en danger ont pu tre valus par ladirection gnrale de laction sociale (DGAS). Il en ressort quen 2007, laprotection de lenfance reprsente un montant total de 22,9 M, soit unepart trs limite des crdits du programme5. Encore ce montant inclut-il20,2 M de dpenses qui ne relvent pas proprement parler de la

    4) Les seules donnes disponibles portent sur le nombre de mesures en cours au 31dcembre de lanne. Ce chiffre constitue une photographie de la population prise encharge un instant donn et ne peut tre compar au montant de la dpense.5) Lallocation parent isol (API) et la protection juridique des majeurs mobilisent lamajeure partie des crdits du programme 106 mais nentrent pas dans le champ delenqute.

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    protection de lenfance, dans une dfinition stricte6. Le reste de la dpense(2,7 M), recouvre principalement les subventions verses au groupementdintrt public (GIP) Enfance en danger (2 M), qui regroupe le servicenational tlphonique de lenfance en danger (SNATEM) etlObservatoire national de lenfance en danger (ONED) cr par la loi du2 janvier 20047, et aux unions et fdrations dassociations de protectionde lenfance (0,7 M). La dpense en faveur de la protection de lenfancecorrespond donc des crdits trs limits, mal individualiss, dans unprogramme disparate.

    De mme, au sein du ministre de la justice, les moyens mobilisspar la justice des mineurs, rpartis sur plusieurs programmes budgtaires,sont difficiles valuer. La PJJ dispose dune vision prcise des moyensquelle consacre la prise en charge des mineurs en danger. Leprogramme 182 protection judiciaire de la jeunesse distingue en deuxactions lexcution des dcisions civiles et celle des dcisions pnales dujuge des enfants. En revanche, il est difficile de quantifier le cot globalde fonctionnement des tribunaux pour enfants (TPE) et, a fortiori, disolerau sein de ce cot global la part imputable lactivit civile de cesjuridictions. En effet, les tribunaux pour enfants tant dpourvusdautonomie organique et budgtaire, leurs crdits de fonctionnementsont englobs dans ceux des tribunaux de grande instance et leurseffectifs ne sont pas connus avec prcision : si le nombre des juges desenfants est suivi, la Chancellerie nest pas en mesure dindiquer lenombre de substituts chargs des mineurs au sein des parquets. Elleignore en outre combien de greffiers et autres fonctionnaires travaillentaux cts des juges des enfants.

    Llaboration dun document de politique transversale (DPT)relatif la justice des mineurs, conformment la recommandationformule par la Cour dans son rapport public de 2007, devrait termepermettre de mieux quantifier les moyens consacrs par ltat ladimension judiciaire de cette politique. Selon une version provisoire duDPT de dcembre 2007, le cot total de la justice des mineurs sest leven 2006 environ 913 M. Sur ce total, le volet civil de la justice des

    mineurs reprsentait une dpense denviron 290 M, dont la majeurepartie (85 %) tait imputable la PJJ. Ce chiffre constitue en tout tat decause une estimation minimum, car le projet de DPT comporte, ct desvolets civil et pnal de la justice des mineurs, des fonctions transversessur lesquelles sont imputs plus de 20 % des crdits.

    6) Les rseaux dcoute, dappui et daccompagnement des parents (REAAP) et lesmaisons des adolescents, qui runissent les dispositifs sanitaires, sociaux, ducatifs etjuridiques auxquels les jeunes en difficults peuvent avoir recours.7) Loi n 2004-1 du 2 janvier 2004 relative l'accueil et la protection de l'enfance.

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    INTRODUCTION 9

    Au total, leffort de ltat en faveur de la protection administrativeet judiciaire des mineurs en danger slve donc au minimum 320 M etmane trs majoritairement des services du ministre de la justice. Cettedpense est environ vingt fois infrieure celle des dpartements, quifinancent lessentiel des prises en charge.

    4 - Lenqute des juridictions financires

    La complexit de lorganisation mise en place pour grer desmasses financires significatives et lextrme importance du sujet

    justifient elles seules que les juridictions financires examinent lapolitique de la protection de lenfance.

    Elles ont choisi de limiter leur enqute la protection de lenfanceau sens strict. Elles nont pas tendu leurs investigations aux organismesou aux politiques qui concernent tous les mineurs (ducation nationale,sant publique, protection maternelle et infantile). Elles nont pas, nonplus, examin les dispositifs de lutte contre la dlinquance. Enfin, laprvention spcialise, juridiquement rattache lASE mais troitementlie dautres politiques relevant dintervenants divers, na pas ttudie en dtail (cf. encadr ci-dessous).

    La prvention spcialise

    La prvention spcialise, fonde sur le travail de rue, est une formedaction ducative individuelle ou collective en direction de jeunes et desfamilles en difficult ou en rupture avec leur milieu , dans des territoiresparticuliers (zones urbaines sensibles et lieux o se manifestent des risquesd'inadaptation sociale ). Elle constitue une comptence du dpartement8.

    Cette mission est confie par la loi au service de lASE9 mais, enpratique, son rattachement administratif est variable : dans lun desdpartements contrls, les actions de prvention spcialise sont prises encharge par le ple Intgration sociale et non par le ple Enfance-Famille-PMI . Paris, la date du contrle, le choix des territoires de laprvention spcialise nassocie aucun des services chargs de protger lesenfants (ASE, services polyvalents de secteur, services des actions mdico-

    sociales scolaires ou PMI). De nouvelles mesures prvues en 2009 (nouveauschma, nouvelles conventions avec les clubs de prvention, cration decomits de prvention-protection de lenfance locaux) et la dcentralisationannonce des services de protection de lenfance devraient permettre unemeilleure articulation de services.

    8) Article L. 121-2 du CASF.9) Article L. 221-1-2 du CASF.

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    10 COUR DES COMPTES

    Dans lYonne, il nexistait pas non plus en 2007 darticulation entreles quipes de prvention spcialise et ces services.

    Par ailleurs, laction du dpartement nest pas exclusive de celledautres intervenants. Si la loi la rattache lASE, la prvention spcialiseconstitue souvent lun des volets dune politique de prvention plus globale,dans le cadre de la lutte contre lexclusion, de la politique de la ville ou de laprvention de la dlinquance10. Le risque est celui dune superpositiondinterventions dans les mmes quartiers et lgard des mmes jeunes,relevant dautorits diffrentes et avec des objectifs divers.

    En 2007, les dpenses des dpartements pour la prvention spcialisereprsentaient 250 M. Entre 2002 et 2007, elles ont progress de 30 % eneuros courants, soit plus rapidement que les dpenses dASE (20 %). Pourautant, elles ne reprsentent que 4 % de la dpense totale, ce qui infirme lecaractre prioritaire souvent attribu la prvention. Dans les Alpes-Maritimes, nanmoins, ces dpenses ont progress de 72 % entre 2002 et2007, et constituent 6 % de la dpense totale.

    Les dpartements urbains consacrent davantage de moyens laprvention spcialise, en proportion de la dpense dASE totale, que lesdpartements plus ruraux, ce qui accrdite lide dun lien troit entreprvention spcialise et politique de la ville.

    Les dix chambres rgionales et territoriales des comptes (CRTC)(Antilles Guyane ; Auvergne ; Bourgogne ; Bretagne ; Centre ; Ile-de-France ; Lorraine ; Nord-Pas-de-Calais ; Provence-Alpes-Cte dAzur ;Rhne-Alpes) qui ont particip lenquteont contrl en 2008 le servicedpartemental de laide sociale lenfance (ASE) de 17 dpartements11etcinq foyers ou centres dpartementaux de lenfance12.

    Les investigations de la Cour des comptes ont port sur la justicecivile des mineurs et sur les actions des services sociaux de l'tat. Lechoix des services dconcentrs de l'tat a t dict par deuxconsidrations : constituer un chantillon reprsentatif des diversessituations locales ; privilgier les dpartements simultanment contrlspar les CRC.

    10) Ainsi, le guide pratique sur la prvention en faveur de lenfant et deladolescent , produit par la DGAS la suite du vote de la loi du 5 mars 2007,rattache la prvention spcialise laccompagnement des jeunes en situation derisque dexclusion sociale (avec les contrats jeunes majeurs et les chantiers dejeunes bnvoles).

    11) Alpes-Maritimes ; Bouches-du-Rhne ; Cantal ; Ctes-d'Armor ;Ain; Drme ;Finistre ; Ille-et-Vilaine ; Indre-et-Loire ; Loiret ; Morbihan ; Pas-de-Calais ; Rhne ;Paris ; Seine-et-Marne ; Yonne ; Guadeloupe.

    12) Loire, Moselle, Haute-Savoie, Morbihan, Ille-et-Vilaine.

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    INTRODUCTION 11

    Au ministre de la justice, l'enqute a concern les services deladministration centrale [directions des services judiciaires (DSJ), de laprotection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), des affaires civiles et du Sceau(DACS), des affaires pnales et des grces (DAPG), des affairesgnrales et de lquipement (DAGE)] et les services dconcentrs[directions dpartementales (DD) et rgionales (DR) de la PJJ]. Lesinvestigations ont port aussi sur 18 tribunaux de grande instance (TGI),auxquels sont rattachs les tribunaux pour enfants, et cinq cours dappel.Un chantillon plus large de juridictions a t sollicit par voie dequestionnaires (18 TGI, huit cours dappel).

    Au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarit,l'enqute a t conduite auprs de la direction gnrale de laction sociale(DGAS) et de la direction de la recherche, de lvaluation, des tudes etdes statistiques (DREES). La gestion de la tutelle des pupilles de l'tat at examine dans 10 directions dpartementales des affaires sanitaires etsociales (DDASS).

    La direction gnrale des collectivits locales (DGCL) duministre de lintrieur a t consulte, de mme que lAssemble desdpartements de France (ADF).

    Afin dtudier lensemble de la chane des interventions, la Cour acomplt ses investigations par les contrles dorganismes nationaux

    reprsentant les usagers, dorganismes gestionnaires13

    et par des visitesdtablissements grs par les services de ltat ou par des associations14.

    En revanche, les juridictions financires nont pu contrler quunnombre restreint dtablissements qui mettent en uvre les mesures,directement rattachs aux dpartements ou la PJJ. En effet, lorsquilssont financs sur la base des prix de journe par les collectivitspubliques au titre de laide sociale, les tablissements associatifs,majoritaires en nombre, ne sont pas soumis au contrle des juridictionsfinancires. Celles-ci nont donc pu que recueillir leurs avis.

    13) Union nationale des associations de sauvegarde de lenfance, de ladolescence etdes adultes (UNASEA) ; Fdration nationale des associations dentraide des pupilleset anciens pupilles de lEtat (FNADEPAPE) ; Groupement dintrt public enfanceen danger (GIPED) ; Fondation dAuteuil Les Orphelins apprentis dAuteuil ;Fondation pour lenfance. (voir rapport de la Cour des comptes, mars 2009).14) Dans la Cte-dOr, le Gers, le Loiret, le Morbihan et lYonne.

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    Dans le cadre de leurs comptences, les juridictions financiresnont pas cherch se prononcer sur le bien fond des dcisionsindividuelles, judiciaires pour la plupart. En revanche, elles ont examinles conditions de lentre dans le dispositif de protection (I) et de la priseen charge des enfants (II). Elles ont enfin analys lanimation et lepilotage de cette politique par les autorits publiques (III), avec la volontde dterminer lefficacit de la dpense publique.

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    Chapitre ILentre dans le dispositif de protection

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    LENTRE DANS LE DISPOSITIF DE PROTECTION 15

    Lentre dans le dispositif de protection de lenfance reposeprincipalement sur le dpartement, qui recueille les informationsproccupantes et oriente lenfant, aprs valuation, vers une prise encharge administrative ou judiciaire.

    Lefficacit de la protection de lenfance dpend en grande partiede lorganisation de lentre dans le dispositif : il sagit, dune part,dassurer lidentification de toutes les situations de danger justifiant unemesure de protection (I) et, dautre part, de dcider ces mesures dans desconditions qui garantissent la fois lintrt de lenfant et le respect des

    droits des familles (II).

    I - Lidentification des situations de danger

    Le reprage des enfants dont la situation de danger justifie unemesure de protection est un enjeu crucial dont dpend directementlefficacit des dispositifs. Les nombreux acteurs susceptibles detransmettre des informations proccupantes doivent tre sensibiliss limportance de lenjeu et informs des procdures en vigueur (A). Il fautensuite veiller recueillir et traiter toutes ces informations dans des dlaismatriss et selon des modalits homognes (B).

    A - La provenance des informations proccupantes

    1 - Une ralit mal connue

    Il est aujourdhui impossible de connatre le nombredinformations proccupantes adresses chaque anne aux dpartements.

    La DREES les a interrogs mais a jug les donnes peu fiables etne les a pas exploites. La Cour a de fait constat, dans certainsdpartements, que la fiabilit des donnes transmises tait trs incertaine,notamment en raison de labsence de dfinition lgale de la notiondinformation proccupante, qui laisse aux dpartements une grande

    marge dapprciation. Sy ajoute, dans certains dpartements (Rhne,Pas-de-Calais), la difficult recenser lensemble des informationsrecueillies au sein des diffrentes units territoriales.

    LObservatoire national de laction sociale dcentralise (ODAS)est une association qui publiait jusquen 2007 une enqute annuelle sur les signalements denfants en danger et qui a combl un vide enlabsence dobservatoire public15. Le nombre de signalements a enregistr

    15) Voir en dernier lieu la Lettre de lODAS, Protection de lenfance, novembre 2007.

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    (SNATED), qui rpercute ces informations vers le dpartementcomptent16.

    Le dcret du 19 dcembre 200817, qui charge lobservatoirenational de lenfance en danger (ONED) du recueil de donnes sur lesinformations proccupantes, leur provenance et leur nature, constitue unetape importante. Il appartiendra lONED de prciser la mthodologiedes dnombrements des informations qui devront donner lieu suite.Certains ont commenc y rflchir et le ministre a prcis que le travaildevait aboutir avant la fin 2009.

    2 - Des professionnels ingalement sensibiliss

    Le dispositif de recueil des informations proccupantes doitminimiser le risque de non dtection denfants en danger mais,galement, viter lafflux massif dinformations infondes. Il est doncessentiel que le dpartement veille, comme larticle L. 226-2 du CASFlexige, ce que lensemble des personnes susceptibles de reprer unenfant en danger connaissent les modalits selon lesquelles ils doivent eninformer le dpartement.

    a)Les actions de sensibilisation engages

    Dans la majorit des dpartements, linformation et lasensibilisation des professionnels au contact des enfants sappuient surllaboration et la diffusion de guides spcifiques. Ces documentsrecensent les diffrentes formes de dangers, prsentent les modalits desaisine des autorits comptentes et dispensent des consignes spcifiques ladresse des personnels concerns.

    Ainsi, Paris, ds 1997, un guide du signalement a t ralis parles cadres mdico-sociaux et administratifs du dpartement et soumis,notamment, au parquet des mineurs et au tribunal pour enfants avant sadiffusion aux professionnels de lenfance. De mme, en Ille-et-Vilaine, le

    16) En 2006, 6 048 des 38 332 appels qui ont donn lieu un entretien tlphoniqueeffectif (soit 16 %) correspondaient une situation dans laquelle on souponnaitquun ou plusieurs enfants taient en danger (les 84% restants incluent notamment desdemandes dinformation) et ont fait lobjet dun compte rendu transmis audpartement. Cette transmission tait pertinente dans prs de 80 % des cas et lasituation dj connue du dpartement dans la moiti des cas, selon les retoursdinformation adresss au SNATED par les dpartements. Ainsi, le SNATED apermis le reprage denviron 3 000 nouvelles situations17) Dcret n 2008-1422 du 19 dcembre 2008 organisant la transmissiond'informations sous forme anonyme aux observatoires dpartementaux de laprotection de l'enfance et l'Observatoire national de l'enfance en danger.

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    18 COUR DES COMPTES

    dpartement a produit un guide intitul Enfants en danger diffus 8 000 exemplaires ds 1999 et ractualis en 2004. Dans les Alpes-Maritimes, le guide est aussi disponible en version lectronique sur le sitedu dpartement. Ces guides devraient, pour conserver leur efficacit, fairelobjet de mises jour rgulires et denvois rpts, ce qui nest pastoujours le cas.

    Le travail dinformation et de sensibilisation passe galement parlorganisation de formations ou de journes thmatiques ou laparticipation aux formations externes destines aux travailleurs sociaux et

    mdico-sociaux, aux tudiants en mdecine ou aux animateursintervenant dans les centres de loisirs (Alpes-Maritimes, Ille-et-Vilaine).

    Enfin, dans la grande majorit des dpartements, des protocoles ouconventions ont t conclus entre le dpartement et les diffrents acteursafin dorganiser le circuit du signalement, conformment larticleL. 226-3 du CASF18. Ce constat rejoint celui de lONED, qui relve, dansson rapport annuel 2008, que 28 dpartements ne se sont pas encore dotsde protocoles avec lautorit judiciaire et les autres partenairesinstitutionnels19.

    Certains dpartements ont conclu des protocoles bilatraux,comme les Alpes-Maritimes avec les diffrents partenaires (TGI,ducation nationale, forces de lordre). Dautres ont prfr laborer undocument unique pour lensemble des acteurs ; cest notamment le casdans le Rhne o un protocole unique rassemble, depuis mai 2008,28 signataires institutionnels, ainsi quen Ille-et-Vilaine o, depuis 1999,une charte dpartementale de prvention et de protection de lenfance endanger associe le prfet, le prsident du tribunal de grande instance, leprocureur de la Rpublique, linspecteur dacadmie et le prsident delunion dpartementale des associations.

    Lefficacit de ces instruments contractuels suppose quilscontiennent des lments concrets sur la cellule dpartementale decentralisation (v. ci-aprs), les conditions de sa saisie et le circuit desinformations proccupantes. En outre la mise en uvre effective requiert

    des runions priodiques, des actions dinformations conjointes et des

    18) Cet article impose des protocoles entre prsident du conseil gnral, lereprsentant de lEtat dans le dpartement, les partenaires institutionnels concerns etlautorit judiciaire. Selon le guide de la DGAS sur la cellule dpartementale, cesprotocoles doivent prciser le mode opratoire concernant chaque acteur, et lesmodalits de retour dinformation vers les personnes qui ont transmis les informationsproccupantes.19) Cependant, dans de nombreux cas, le protocole est finalis mais pas encore sign,ou mme simplement en cours de rdaction. Seuls 22 dpartements sont ainsi dotsdun protocole finalis et sign.

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    LENTRE DANS LE DISPOSITIF DE PROTECTION 19

    actualisations rgulires. Or, le dpartement de lYonne, interrog sur sesactions pour faire vivre le protocole quil projetait de conclure aveclducation nationale et la PJJ, na pas fourni de rponse prcise.

    b)

    Des rsultats ingaux

    Les actions de sensibilisation nont pas permis de remdier lensemble des difficults constates dans les relations entre lesdpartements et les acteurs institutionnels au contact des enfants.

    La plupart des dpartements jugent satisfaisant le partenariat aveclducation nationale. Certaines inspections acadmiques ont engag desactions de formation en direction des directeurs dcole, dvelopp desoutils mthodologiques pour les personnels des coles, et identifi despersonnes ressources au sein des tablissements (conseiller pdagogiqueou mdecin de sant scolaire). Les tablissements scolaires connaissentgnralement lexistence de la cellule dpartementale, lui communiquentles informations proccupantes et linforment des signalements judiciairesdirects quils effectuent.

    Dans certains dpartements, lducation nationale est lorigined'une part significative des informations proccupantes (32 % danslYonne, 20 % dans le Pas-de-Calais, 18 % dans le Finistre, 15 % dans

    lIndre-et-Loire). Toutefois, le service mdico-social de lducationnationale du Morbihan na adress aucune information proccupante audpartement de 2004 2006, ce qui laisse supposer quil orientesystmatiquement ces informations vers le parquet.

    Limpulsion nationale demeure toutefois en retrait : ni la formationdes personnels enseignants, prvue depuis 1989, ni linformation desenfants prvue depuis 2000 20 navaient fait lobjet de textesrglementaires ncessaires lors de lenqute des juridictions financires.Un dcret a finalement t pris le 23 juin 2009, dont il conviendra desuivre la mise en uvre. De mme, ladministration centrale nassure pasle suivi des informations proccupantes adresses par ses services auxdpartements. Si la direction gnrale de l'enseignement scolaire

    (DGESCO) recueille chaque anne, auprs des acadmies, des donnessur laction sociale en faveur des lves et sur leur sant 21, qui incluent

    20) La loi du 6 mars 2000 visant renforcer le rle de l'cole dans la prvention et ladtection des faits de mauvais traitements prvoyait une sance annuelledinformation et de sensibilisation des lves inscrite dans leur emploi du temps. Undcret devait fixer les conditions dapplication de ces deux obligations.21) Depuis 2002, lenqute est commune aux mdecins, infirmiers et assistants deservice social, et centralise par le conseiller technique social et de sant delacadmie avant envoi la DGESCO, sans validation par le chef dtablissement.

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    des informations sur les enfants en danger, ces donnes, au motif quellesseraient peu fiables, ne sont ni exploites, ni diffuses.

    Les mdecins, pour leur part, adressent trs peu dinformationsproccupantes aux dpartements et il semble que beaucoup ignorentjusqu lexistence de la cellule dpartementale22. Par exemple, Paris,les mdecins libraux et hospitaliers ont transmis au dpartementseulement trois informations proccupantes en 2003, deux en 2005 etaucune en 2006.

    Pour combler cette lacune, des actions dinformation et de

    sensibilisation des mdecins libraux et hospitaliers, rappelant,notamment, les nouvelles dispositions lgislatives sur le secretprofessionnel partag sont ncessaires, de mme que llaboration par lesdpartements de guides et protocoles du signalement associant lesconseils locaux de lordre des mdecins et la participation de ces derniersaux travaux des observatoires dpartementaux de protection de lenfance.A Paris, le nouveau protocole tabli en janvier 2009 a t sign par ladirection gnrale de lAssistance Publique - Hpitaux de Paris etprsent au conseil de lordre des mdecins et aux reprsentants desrseaux de mdecins pdopsychiatriques.

    En outre, il apparait opportun de prvoir la dsignation dunmdecin rfrent comme interlocuteur privilgi de ses confrres pour lerecueil dinformations proccupantes.

    B - Le recueil et le traitement des informationsproccupantes

    1 - Une centralisation en cours

    La loi du 10 juillet 198923 faisait dj obligation au prsident duconseil gnral de mettre en place un dispositif de recueil dinformationsrelatives aux mineurs maltraits et de rponse aux situations durgence.Larticle L. 226-3 du CASF, dans sa version issue de la loi du 5 mars

    2007, renforce le rle du dpartement et charge le prsident du conseilgnral du recueil, du traitement et de l'valuation, tout moment etquelle qu'en soit l'origine, des informations proccupantes relatives auxmineurs en danger ou qui risquent de l'tre .

    22) Voir en ce sens le rapport annuel 2008 de lONED.23) Loi n89-487 du 10 juillet 1989 relative la prvention des mauvais traitements lgard des mineurs et la protection de lenfance.

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    LENTRE DANS LE DISPOSITIF DE PROTECTION 21

    Pour assumer cette responsabilit cruciale, les dpartements se sontdots dorganisations trs diverses qui connaissent aujourdhui desvolutions profondes.

    Le recueil des informations proccupantes est centralis au sigedans certains dpartements alors que dans dautres, il est confi auxunits territoriales. Dans la plupart des cas, les informations peuvent trerecueillies indiffremment par le sige ou par les units territoriales(Alpes-Maritimes, Ctes-dArmor). Seul le recueil des informationsprovenant des appels au 119 est toujours centralis, car le SNATED a

    souhait disposer dun correspondant unique par dpartement.Labsence de centralisation des informations proccupantes

    recueillies par le dpartement empche de disposer dune visiondensemble sur la provenance de ces informations, les suites qui leur sontdonnes et les dlais de traitement. Surtout, elle complique le suivipourtant indispensable pour garantir que toutes les informationsproccupantes recueillies ont bien t traites. Cest la raison pourlaquelle la loi du 5 mars 2007 impose de centraliser le recueil, letraitement et lvaluation de ces informations au sein d'une celluledpartementale unique.

    Lenqute conduite par lONED auprs des dpartements montrequ la mi-2008, environ deux tiers des dpartements taient dots dundispositif de centralisation du recueil des informations proccupantes oquelles soient recueillies. Si dans 14 dpartements ce dispositif a t crpour rpondre lobligation nouvelle impose par la loi, le plus souvent,il lui prexistait et a simplement t adapt voire maintenu tel quel.

    Lenqute des juridictions financires a confirm que la plupart desdpartements staient mis en conformit avec la loi du 5 mars 2007 (Pas-de-Calais, Rhne, Seine-et-Marne, Yonne) ou taient sur le point de lefaire (Alpes-Maritimes). En revanche, la date de lenqute, les Bouches-du-Rhne, les Ctes-dArmor et lIlle-et-Vilaine, ntaient pas encoredots dun dispositif centralis.

    La cellule est le plus souvent une structure lgre (3,6 agents

    quivalents temps plein ETP - en moyenne) ; les variations de sa taillerefltent les missions qui lui sont assignes. En effet, elle peut recueillir etorienter elle-mme les informations proccupantes, ou voir son rle limit lenregistrement des informations recueillies lchelon local.

    La continuit du service est assure de faons diverses. Certainsdpartements ont tir les consquences de larticle L. 226-3 du CASF quiprvoit que le prsident du conseil gnral est charg du traitement desinformations proccupantes tout moment ; ils ont organis un

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    dispositif de veille ou dastreinte, la nuit et le week-end, au sein duservice de lASE ou par dlgation au foyer dpartemental.

    Enfin, des dpartements ont mis en place un numro local detlphone ddi au recueil dinformations proccupantes. Selon uneenqute de lONED, cest le cas dans environ la moiti des dpartements.Par exemple, lIlle-et-Vilaine dispose dun numro vert dpartementalaccessible 24 heures sur 24, gr par une cellule spcialise du centrehospitalo-universitaire de Rennes et par le centre dpartemental delenfance (CDE) en dehors des heures ouvrables. Dans certains

    dpartements, laccueil tlphonique concerne toute prsomption demaltraitance, denfants et dadultes.

    Le maintien de deux niveaux, dpartemental et national, de recueildinformations proccupantes par tlphone, nest justifi que sousrserve de leur traitement par des professionnels qualifis et delorganisation de la rception des appels tout moment24, ventuellementpar conventionnement avec le SNATED.

    2 - Une valuation dvelopper

    Les dpartements ne disposent gnralement pas dun tableau debord centralis permettant de suivre les informations proccupantes

    reues, leur provenance et les suites donnes. Cela sexplique souvent parlabsence doutil informatique adapt ; dans les Bouches-du-Rhne, unmodule informatique tait en cours de finalisation en 2007.

    Un tableau de bord est pourtant indispensable pour sassurerquaucune information recueillie ne reste sans suite et pour connatre lesdlais dans lesquels ces informations sont traites.

    Un tel outil permettrait aussi dvaluer lefficacit et la pertinencedes procdures de signalement. Par exemple, une part importante dessignalements dbouchant sur une saisine de lautorit judiciaire ou surune dcision de placement peut amener les services de lASE sinterroger sur le caractre trop tardif de leur saisine, et sur les situations

    de danger auxquelles les enfants sont confronts. A linverse, un tauxlev de classement sans suite peut rvler une tendance de certainsparticuliers ou de partenaires abuser des transmissions dinformationsproccupantes.

    Faute de disposer dun tel outil, les dpartements ne se sont gureinvestis dans lvaluation de lefficacit de leurs procdures de

    24) Certains dpartements effectuent, lorsque leur service ferme, le renvoiautomatique des appels sur le 119, parfois mme sans en prvenir le SNATED.

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    LENTRE DANS LE DISPOSITIF DE PROTECTION 23

    signalement. Dans le Pas-de-Calais, par exemple, la convention relative la procdure de signalement de lenfance en danger, conclue entre leconseil gnral et les partenaires institutionnels, prvoit lvaluation dudispositif au moins une fois par an mais elle na jamais t effectue.

    La cration des cellules dpartementales fournit loccasion demettre en place, dans chaque dpartement, un dispositif dvaluationappuy sur un tableau de bord permettant de suivre les informationsproccupantes recueillies, leur provenance et les suites qui leur sontdonnes.

    II - Les dcisions de protection

    Lorsque le dpartement recueille une information proccupante, ilpeut dcider une mesure durgence, procder une valuationapprofondie en vue dapprcier la gravit de la situation et la volont oula capacit de collaboration de la famille et, en accord avec elle, dciderdune mesure de fond, ou encore estimer que linformation ne suffit pas tablir lexistence dun danger et attendre dventuelles informationscomplmentaires pour enclencher une valuation. Il peut aussi, danscertaines conditions, saisir lautorit judiciaire qui pourra son tour

    prononcer une mesure de protection.La coexistence de deux autorits dcisionnelles, le prsident du

    conseil gnral et le juge des enfants, nest pas spcifique lorganisationfranaise, mais pose la question de lquilibre entre ces deux formes dedcision (A). Que la dcision soit de nature administrative ou judiciaire,la sensibilit des enjeux justifie quelle soit prise selon des modalitsdfinies avec prcision et appliques avec rigueur, ce qui nest pastoujours le cas (B).

    A - Lquilibre entre dcisions administratives etjudiciaires

    Lquilibre actuel entre les dcisions administratives et judiciairesde protection, caractris par une prpondrance des mesures judiciairessouvent critique et par une incertitude sur lobjet mme de linterventiondu juge, nest pas satisfaisant.

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    LENTRE DANS LE DISPOSITIF DE PROTECTION 25

    Une tude de lgislation compare du Snat ralise dans sept payseuropens29 montre que, sauf au Danemark, le double niveau deprotection, administratif et judiciaire, est une constante : notammentlorsquil est impossible dobtenir laccord des parents, ou lorsque ceux-cine se conforment pas aux mesures prescrites, lorgane administratifcharg de la protection peut saisir la justice. Mais, selon le rapportdactivit de 2004 du Dfenseur des enfants, limportance donne larponse judiciaire distingue la France des autres pays30, qui privilgientlpuisement pralable de toutes les autres possibilits de ngociationsavec les parents. Cest le cas des Pays-Bas et de lAllemagne, mais aussi

    de lAngleterre, de la Belgique et du Portugal. Il en va de mme auQubec (cf. encadr ci-dessous).

    La protection de lenfance au Qubec

    Au Canada, la lgislation civile relve des provinces et, comme la loifranaise, la loi qubcoise sur la protection de la jeunesse privilgie laresponsabilisation des parents et le maintien de lenfant dans son milieufamilial. En 2008, 31 689 mineurs bnficiaient de mesures de protection ;38 % dentre eux taient placs, le plus souvent en famille daccueil.

    Le dispositif qubcois comporte, comme le dispositif franais, deuxtypes de protection civile des mineurs, administratif et judiciaire, maislquilibre y est plus favorable au premier. Lorganisation administrative

    repose sur 18 centres jeunesse rgionaux dots chacun dun directeur de laprotection de la jeunesse (DPJ) dont le rle est prpondrant.

    Le DPJ gre lensemble du processus de protection. Destinataire uniquedes signalements, il dclenche, sil lestime ncessaire, lvaluation de lasituation avec lobligation den informer la famille. Ses pouvoirsdinvestigation sont importants et il peut recourir aux forces de police. Il tablitun plan de mesures (aides financires, assistance en milieu ouvert,placement), qui peut aller jusqu une recommandation dadoption plnire.

    Le DPJ dcide de lorientation de la procdure : entente sur lesmesures volontaires ou procdure judiciaire. Il est seul, hormis la famille oule mineur de plus de 14 ans, pouvoir saisir le juge civil ; le procureur nagitquen matire pnale. Lintervention du juge concerne les situations dans

    lesquelles la famille refuse de cooprer ou pour lesquelles le DPJ envisage unplacement prolong. Aprs avoir statu sur la ncessit dune protection, lejuge ordonne les mesures sur la base de propositions du DPJ. Une commissionindpendante peut tre saisie par la famille si la dcision dun DPJ ne luisemble pas correspondre au besoin dun enfant.

    29)Les structures de protection de lenfance.Snat, Lgislation compare, nLC 170,fvrier 2007. Allemagne, Angleterre, Belgique, Danemark, Italie, Portugal et Sude.30) Le Dfenseur parle dexception franaise .

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    26 COUR DES COMPTES

    Le ministre charg de la sant et des services sociaux a dvelopp unplan stratgique 2005-2010 pour dynamiser ce secteur sensible. Lorientationgnrale est lintervention prcoce, intensive et en continuit, le plus prspossible des milieux de vie. Les proccupations sont proches de celles de laFrance : amliorer la prvention (accs des familles vulnrables aux servicespour la petite enfance) et laccessibilit des services psychosociaux pour les

    jeunes et leur famille. Le raccourcissement des dlais est un objectif prioritaire(12 jours pour les investigations, 30 pour la mise en uvre des dcisions deprotection).

    b)

    Une judiciarisation aux ressorts complexes

    La prpondrance des mesures judiciaires suscite des dbats depuisde nombreuses annes. Pour sen tenir des exemples rcents, lacommission des affaires sociales du Snat relve, dans son rapport n 393du 14 juin 2006, quun signalement pour risque sur deux fait lobjet dunetransmission la justice alors quil justifierait la mise en place dunemesure de protection administrative. De mme, lONED regrette, dansson rapport annuel de septembre 2005, que le recours direct au parquetpar les personnels de lducation nationale et les mdecins perdure pourdes situations ne relevant pas dabus sexuels ou de maltraitance grave.

    Le recours trop systmatique au juge est prjudiciable aux servicesjudiciaires comme aux dpartements. Ces derniers sont responsables de ladfinition dune politique globale de prise en charge des enfants, mais setrouvent en position de simples excutants de dcisions prises par lesjuges et qui simposent eux.

    Pour les services judiciaires, ce recours excessif entrane uneaugmentation de leur volume dactivit, qui peut dboucher sur unengorgement et contraindre les juges rduire la dure moyenne desaudiences, privilgier le traitement des nouveaux dossiers au dtrimentdu suivi des dossiers en cours, ou encore ngliger le dialogue avec lespartenaires de la protection de lenfance. Il incite ltat renforcer lesmoyens humains des juridictions pour mineurs ; le nombre total de juges

    des enfants est ainsi pass de 329 en 1998 447 en 2008, soit uneaugmentation denviron 36 %, alors que dans le mme temps, lapopulation de moins de 20 ans na progress que de 1 %.

    Il reste cependant trs difficile dinterprter le taux de mesuresjudiciaires et son volution. Ce taux peut en effet reflter un contextesocial dans lequel les familles ont plus de difficults cooprer. Il peut, linverse, traduire une propension des magistrats se saisir de situationsdans lesquelles une intervention judiciaire nest pas justifie. Cetteattitude peut tre imputable au parquet qui nexerce pas, lgard des

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    implicitement, la subsidiarit de lintervention judiciaire. En outre, le circuitdu signalement, quil mane du conseil gnral ou des services publics ettablissements publics ou privs31, passe dsormais systmatiquement par leprocureur de la Rpublique.

    Sil est trop tt pour valuer les effets de cette loi, elle devrait, terme, modifier lquilibre entre la protection administrative et la protectionjudiciaire dans le sens dune meilleure complmentarit et dun recoursmoins systmatique au juge32. Toutefois, les nouvelles dispositions neproduiront vritablement leurs effets que si deux conditions sont runies.

    Dune part, la diminution du nombre de signalements judiciairesdirects dpendra largement de la rorganisation, dans les dpartements, ducircuit du signalement (cf. supra). La cration dune cellule unique derecueil et de traitement des informations proccupantes devrait contribuer lharmonisation des pratiques au sein du dpartement et la diminution dunombre de signalements judiciaires directs. Il conviendra galementdinformer les personnes au contact des enfants de lexistence de la celluleet des conditions limitatives dans lesquelles la saisine directe de lautoritjudiciaire reste possible.

    Dautre part, lefficacit des nouvelles dispositions suppose que lesparquets exercent effectivement le rle de filtrage que ce texte leurconfie. Que leur saisine mane dun particulier, dun professionnel ou des

    services de lASE, il leur appartient de vrifier que les conditions delintervention du juge sont runies et de renvoyer les signalements nerpondant pas ces critres aux services de lASE, pour valuationcomplmentaire ou mise en place dune mesure de protection dans un cadreadministratif.

    Or, les magistrats du parquet des mineurs, concentrs sur les affairespnales et de plus en plus sollicits lextrieur des juridictions, ont peu detemps consacrer la protection de lenfance en danger. Ils ninterviennentdailleurs quexceptionnellement au cours des audiences dassistanceducative et concluent uniquement sur les affaires particulirementsensibles ou dlicates.

    31) Les services publics, ainsi que les tablissements publics et privs susceptiblesde connatre des situations de mineurs en danger ou qui risquent de l'treconservent la facult de saisir directement, du fait de la gravit de la situation, leprocureur de la Rpublique mais, dans ce cas, ils doivent adresser copie dusignalement au prsident du conseil gnral.32) Il est nanmoins probable quau moins en ce qui concerne les placements, lerecours au juge restera prdominant.

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    LENTRE DANS LE DISPOSITIF DE PROTECTION 29

    De surcrot, ils ne disposent pas doutil informatique pour oprer unsuivi des signalements qui leur sont adresss, de leur provenance et dessuites qui leur sont donnes. La seule information disponible concerne lesclassements sans suite ; or, les raisons nen sont jamais explicites et lesparquets ne suivent pas le nombre de cas o ils ont t saisis tort, sauf conduire une tude rtrospective ad hoccomme dans le Finistre et Paris.De telles enqutes ont montr que les parquets sefforaient de renvoyer audpartement les saisines abusives33.

    La Chancellerie doit veiller ce que les parquets exercent leur rle

    de filtrage en les dotant de moyens suffisants et en suivant le nombre designalements renvoys aux services de lASE.

    La problmatique de lquilibre entre protection judiciaire et protectionadministrative : le cas des jeunes majeurs

    Depuis labaissement de lge de la majorit, les jeunes majeurs(de 18 21 ans) peuvent bnficier dun double rgime de protection, sur lefondement dune dcision du juge des enfants (dcret du 18 fvrier 1975) ou duprsident du conseil gnral (article L. 222-5 du CASF). Dans les deux cas, lamesure de protection peut prendre des formes varies : observation, actionducative, accueil en tablissement. Les frais lis aux mesures judiciaires sont lacharge de ltat (lorsque le juge accorde une dcharge au demandeur) tandis queceux lis aux mesures administratives incombent au dpartement.

    Au 31 dcembre 2005, on comptait, daprs lONED, 22 838 jeunesmajeurs protgs, dont 18 617 dans un cadre administratif et 4 221 sur unfondement judiciaire. Parmi eux, une grande majorit (84 %) bnficiait dunemesure daccueil.

    Jusquen 2005, les juridictions et les services de la PJJ avaient unepratique extensive du dispositif de protection judiciaire, comme la Cour lavaitrelev dans son rapport public particulier publi en juin 2003 La protection

    judiciaire de la jeunesse .

    La pertinence dune prise en charge judiciaire prtait discussion,lintervention du juge ntant plus justifie, comme pour les mineurs en danger,par latteinte porte aux prrogatives des titulaires de lautorit parentale.

    La PJJ a dcid de rduire les prises en charge de jeunes majeurs quellefinanait. La rduction des financements a t organise par une circulaire du 21mars 2005 et les directeurs de services ont t invits vrifier la pertinence desmotifs invoqus pour demander la prise en charge de jeunes majeurs.

    33) A Paris, le nombre des signalements renvoys par le parquet vers la celluledpartementale a augment de manire continue entre 2001 et 2006 ; en 2005, dans60 % des cas, le renvoi au dpartement a t suivi dune prise en chargeadministrative. Dans le Finistre en 2006, sur 458 dossiers transmis par lASE, leprocureur en a class 34 sans suite et renvoy 30 au dpartement.

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    En dpit de la difficult de lexercice, la dmarche a abouti. Les crditsallous par la PJJ au secteur associatif pour la prise en charge des jeunes majeurssont passs de 114 M en 2005 58 M en 2007 et devraient tre ramens moins de 16 M en 2009.

    De leur ct, les dpartements ont continu de prendre en charge desjeunes majeurs sans quun vritable effet de transfert puisse tre enregistr. Danscertains dpartements, on constate certes une progression significative des prisesen charge entre 2002 et 2006 (+21% dans les Alpes-Maritimes, +18% dans lePas-de-Calais) mais il est difficile den identifier les causes. Dans dautresdpartements, le nombre de jeunes majeurs pris en charge reste stable

    (Paris, Rhne).Lajustement opr depuis 2005 dans la prise en charge des jeunes majeurs

    illustre le caractre mouvant de lquilibre entre protection administrative etjudiciaire. Il dmontre quune politique volontariste peut contribuer au recentragedu juge sur sa vocation premire, savoir assurer la protection de lenfant lorsquesa famille ne peut ou ne veut cooprer.

    2 - Lobjet de lintervention du juge

    La question de lquilibre entre protection administrative etprotection judiciaire conduit aussi se demander jusquo le juge doitdcider. Le rle du juge est en effet caractris, aujourdhui, par unecertaine ambigut : selon les cas, il peut dcider dun type de prise encharge, ou bien dsigner galement la structure, publique ou associative,charge den assurer lexcution.

    En ce qui concerne le placement, le juge des enfants a ainsi le choixentre confier lenfant au service de lASE ( charge pour ce dernier dechoisir la structure charge dexcuter la mesure) ou le placer lui-mmeauprs dun tiers digne de confiance ou dun tablissement ou servicenommment dsign. On parle dans le premier cas de mandat global etdans le second de placement direct . En cas de mandat global , lagarde juridique du mineur incombe au dpartement, alors quen cas de placement direct elle choit ltablissement ou service charg

    dexcuter le placement.Sils demeurent attachs la facult de placement direct, lesmagistrats lutilisent avec parcimonie : au 31 dcembre 2007, on comptait20 962 mesures de placement direct34pour 93 884 enfants confis par lejuge lASE ; le nombre de placements directs diminue constammentdepuis 2000. Ce chiffre global masque toutefois dimportantes disparitsterritoriales : la part des placements directs en tablissement par rapport

    34) Ce chiffre global inclut les placements auprs dun tiers digne de confiance(11 371) et les placements directs en tablissement (8 893).

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    LENTRE DANS LE DISPOSITIF DE PROTECTION 31

    aux enfants accueillis lASE, en moyenne 6 %, atteint plus de 20 % danssix dpartements (Cantal, Haute-Loire, Loire, Lot-et-Garonne, Pyrnes-Atlantiques, Tarn-et-Garonne) tandis que les juges ny ont semble-t-il pasrecours dans cinq dpartements (Hautes-Alpes, Haute-Corse, Guyane,Martinique, Oise).

    En matire dAEMO, en revanche, larticle 375-2 du code civilimpose au juge de choisir lui-mme le service charg dexcuter la mesure.Souvent, lorsque le juge confie lexcution de la mesure une association,le dpartement nest pas inform en temps rel et dcouvre lexistence de

    la mesure lorsquil en reoit la facture. Cest le cas, par exemple, Paris oudans les Bouches-du-Rhne. A Paris, la signature dun nouveau protocolede signalement devrait amliorer la transmission dinformations. Saufexceptions, comme dans lYonne, le service de lASE ne participe pas laudience lissue de laquelle le juge prononce la mesure dAEMO. Laplupart des dpartements interrogs ont ainsi admis ne pas disposerdinformations prcises sur les mesures dAEMO quils financent.

    Il ne parat pas opportun de supprimer la possibilit pour le juge dechoisir lui-mme ltablissement ou service charg dexcuter la mesure,que ce soit pour le placement ou lAEMO : cest un facteur de souplesseutile, notamment pour surmonter les rticences des tablissements accueillir certains enfants jugs particulirement difficiles.

    En revanche, il est souhaitable dinciter le juge recourir aussisouvent que possible au mandat global , qui prsente, pour le juge,plusieurs avantages : il lui permet de centrer sa dcision sur les objectifs etle contenu de la mesure en fonction des besoins de lenfant, et lui vite, deprocder la recherche dune place disponible et de prendre une nouvelleordonnance en cas de changement de service responsable. En outre, lemandat global permet au dpartement un suivi plus troit des mesures quilfinance et ainsi doptimiser lutilisation des capacits de prise en charge ; ilresponsabilise le dpartement quant la qualit et la rapidit de lexcutiondes mesures et quant la coordination des diffrentes interventions. Pourlenfant, il garantit la continuit du regard extrieur tout au long de sonparcours (cf. infra).

    Il est donc souhaitable dencourager le recours au mandat global,dj frquent en matire de placement, et den permettre lutilisation pourles mesures dAEMO, ce qui suppose une modification de larticle 375-2du code civil. En toute hypothse, il est indispensable que le dpartementsoit inform immdiatement et systmatiquement lorsque le juge confieune mesure un service associatif. A dfaut, le prsident du conseilgnral ne peut assumer le rle de coordination que la loi du 5 mars 2007(art. L. 221-4 du CASF) lui confie.

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    B - Les modalits de dcision

    Les dcisions administratives et judiciaires sont prises selon desmodalits trs diffrentes mais qui soulvent des questions semblables,tenant au degr de formalisation des procdures, aux modalits delvaluation pralable la dcision et au respect des garanties accordesaux familles et aux enfants concerns par ces mesures.

    1 - Les dcisions administratives

    a)

    Des organisations territoriales diversifies

    Le traitement des informations proccupantes et la prise dedcision qui en dcoule sont organiss de manire trs variable dundpartement lautre. Il nexiste pas de lien systmatique entrelorganisation du recueil des informations proccupantes et celle de laprise de dcision.

    Daprs une enqute de lONED ralise en 200835, la dcision esttotalement concentre dans 29 dpartements et totalement dconcentredans 20 autres. Par exemple, dans les Alpes-Maritimes, toutes lesdcisions sont prises par le responsable de groupement ASE au sige dudpartement, sauf loctroi des aides financires qui est dconcentr.A linverse, une forte dconcentration de la dcision caractrise le Pas-de-Calais : les neuf maisons dpartementales de la solidarit cres en2002 sont dotes dun responsable de secteur ASE qui prend toutes lesdcisions et entrine souvent, en pratique, les propositions des quipesterritoriales. LIlle-et-Vilaine et les Ctes-dArmor ont aussi opt pourune organisation fortement dconcentre.

    Dans la plupart des cas, cependant, le schma dorganisationcombine des dcisions prises par les circonscriptions territoriales, souventdotes dune comptence transversale en matire sociale, et dautres,juges plus graves ou plus urgentes (placement, saisine de lautorit

    judiciaire), relevant de la comptence exclusive de lchelon central.Le cas parisien est trs particulier : le bureau de lASE est organis

    en secteurs mais les quipes de secteur sont toutes localises une mmeadresse. Le dpartement juge cette organisation peu favorable lintgration de la protection de lenfance dans lintervention sociale deproximit et tudie des projets de dlocalisation gographique.

    35 Rapport annuel de lONED, 2008.

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    Au total, il existe presque autant de modles dorganisation que dedpartements. Lenqute des juridictions financires ne permet pas deconclure la supriorit de tel ou tel modle dorganisation.

    Le choix dune forte dconcentration peut contribuer limiter lesdlais entre lidentification dune situation de danger et la prise dedcision. Il peut cependant conduire dimportantes diffrences depratiques au sein mme du dpartement, si lautonomie des servicesdcisionnaires nest pas encadre par des directives prcises. Or, raressont les dpartements qui disposent dun projet de service de lASE ou

    dun document quivalent. Le Pas-de-Calais, dont lorganisation estfortement dconcentre, na pas tabli de projet de service ; les guidesmthodologiques labors dans lYonne et Paris en tiennent lieu, sansen avoir toujours laspect managrial.

    Les juridictions financires recommandent de systmatiserllaboration dun projet de service de lASE, comme lexige larticleL. 221-2 du CASF, sans le limiter laccueil durgence et lencadrement des assistants familiaux, ce qui est trop souvent le cas.

    b)Des procdures insuffisamment formalises

    Ltude de lgislation compare du Snat prcite montre qu

    ltranger, les dcisions administratives sont gnralement prises par lacollectivit comptente36 selon une procdure collgiale. La dcisionrelve frquemment dune commission pluridisciplinaire spcialise decomposition variable : en Allemagne, elle comporte des personneschoisies pour leur comptence, des reprsentants des associations et desmembres de lassemble dlibrante ; en Belgique, il est fait appel desreprsentants de diffrentes administrations (sant, ducation) ; auDanemark, cinq personnes dont un juge et un psychopdagogue ; auPortugal, des reprsentants des associations et des professionnels encontact avec des jeunes. La Sude fait exception : la dcision deprotection y repose sur des membres de lassemble dlibrante(commission sociale du conseil municipal).

    En France, les dcisions administratives sont prises par lesprsidents des conseils gnraux. En pratique, elles reposent le plussouvent sur lintervention de plusieurs professionnels, mais selon desprocdures trs diverses dun dpartement lautre et trop rarementformalises. En rgle gnrale, lagent ou le service charg dvaluer la

    36) Dans plusieurs pays (Danemark, Italie, Portugal et Sude), il sagit de lacommune ; ailleurs, la collectivit qui intervient est de niveau suprieur : enAllemagne et en Belgique, il sagit des arrondissements et en Angleterre, du comt(qui ont une population quivalente celle des dpartements franais).

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    situation de lenfant et de sa famille est distinct de celui qui dcide de lamise en uvre de la mesure par dlgation du prsident.

    La loi du 5 mars 2007 a donn une reconnaissance lgale lapratique de lvaluation des situations. Le guide de la DGAS sur la celluledpartementale de recueil, de traitement et dvaluation des informationsproccupantes37 en a prcis les contours : il assigne la cellule unevaluation de premier niveau des informations proccupantes etindique les principes pour lvaluation ultrieure de la situation. Desdlais sont mentionns, des tapes clefs dcrites et la ncessit dun

    rapport et dune synthse pluridisciplinaire voque.En pratique, lvaluation est assure selon les cas par le service

    social polyvalent de secteur ou par le foyer dpartemental. Lenqute amontr que la plupart des dpartements sappuient sur un dispositifdvaluation relativement professionnalis et, en gnral,pluridisciplinaire.

    En revanche, la mthodologie de cette valuation est trop rarementformalise, notamment quant aux dlais raisonnables et aux diligencesminimales (visite au domicile, bilan de sant, contacts avec lcole ou lemode de garde habituel). Le dispositif instaur en Indre-et-Loire pour lesenfants accueillis en urgence fait exception : dans le mois qui suitlaccueil durgence, un programme daide personnalise est mis en placesur la base des informations recueillies par ltablissement, et lchance de la mesure de placement, la direction adresse au service delASE une proposition dorientation pour chaque mineur accueilli.LONED mentionne galement dans son rapport annuel 2008 les bonnespratiques en vigueur dans le dpartement de la Manche.

    Quant la dcision proprement dite, elle relve le plus souventdun inspecteur ASE, attach dadministration qui dispose dunedlgation de signature du prsident du conseil gnral.

    Cependant, dans de nombreux dpartements, les cas les plusdifficiles sont soumis lavis pralable dune commissionpluridisciplinaire, de composition variable. Ces commissions, souvent

    nommes commission technique enfance , sont mobilises diffrentes tapes du parcours de lenfant : dcision initiale, rorientation,sortie. Dans les Bouches-du-Rhne, par exemple, une commissionformule une proposition daction linspecteur ASE, en cas dedsaccords, il est prvu une succession dappels.

    37) Guide pratique Protection de lenfance : La cellule dpartementale de recueil, detraitement et dvaluation, Ministre du travail, des relations sociales et de lasolidarit, La documentation franaise, fvrier 2008.

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    LENTRE DANS LE DISPOSITIF DE PROTECTION 35

    Les modalits de recueil du consentement des familles,indispensable en raison du caractre non obligatoire des dcisionsadministratives38, gagneraient tre mieux encadres. De nombreuxdpartements, notamment les Alpes-Maritimes et le Finistre, ont tablides formulaires standardiss. Toutefois, dans le Rhne, le rappel par unenote de service du caractre obligatoire de cette procdure (2007) suggrequelle ntait pas systmatiquement respecte auparavant.

    Au total, il parat indispensable de progresser dans la formalisationdes procdures dvaluation et de dcision, en veillant favoriser aussi

    souvent que possible lapproche collgiale et pluridisciplinaire et assurerle recueil systmatique de laccord crit des familles. Le projet de servicede lASE, dont chaque dpartement devrait se doter, constitue linstrumentnaturel de cette formalisation. Il devrait dfinir avec prcision les situationsncessitant lintervention de la commission technique ainsi que la porte delavis rendu par cette instance.

    Une collgialit institutionnalise : la tutelle des pupilles de ltat

    Au 31 dcembre 2007, 2 312 enfants avaient le statut de pupille deltat. Dans lanne, 956 nouveaux enfants ont obtenu ce statut (les deux-tiersparce quils taient dpourvus de filiation car ns sous le secret, 18 % la suitedune dclaration judiciaire dabandon) tandis que 1 069 lont quitt (les deuxtiers la suite dun jugement dadoption, 21 % parce quils ont atteint la

    majorit).Les principales dcisions relatives aux pupilles incombent au tuteur,

    cest--dire au prfet (le DDASS par dlgation), assist dun conseil defamille spcifique dont le secrtariat est assur par la DDASS et qui comprend8 membres : deux lus du dpartement, quatre reprsentants dassociations(associations familiales, association dpartementale des pupilles et ancienspupilles, association dassistantes familiales), et deux personnes qualifiesdsignes par le prfet.

    Le tuteur dcide si ladoption est adapte la situation de lenfant etchoisit ladoptant propos par le service du dpartement, en accord avec leconseil de famille. Lorsque lenfant ne peut bnficier dun placement en vuedadoption, le conseil de famille examine sa situation au moins une fois par an.

    Tuteur et conseil de famille donnent leur accord sur le lieu et le mode deplacement des pupilles avant toute dcision du prsident du conseil gnral.

    Les situations sur lesquelles tuteurs et conseils de famille sont conduits se prononcer sont parfois dune extrme difficult : enfant plac en vuedadoption dont les parents biologiques rclament la restitution (le conseil doitse prononcer sur la restitution de lenfant ses parents biologiques) ; enfant

    38) Ces dcisions sont prises la demande ou avec laccord du pre, de la mre,ou de la personne qui assume la charge effective de lenfant.

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    plac en vue dadoption, maltrait par la famille dans laquelle il est plac avantle prononc du jugement dadoption plnire (le conseil doit se prononcer surle retrait de lenfant puis sur un nouveau placement, en vue dadoption ounon) ; jeune fille devenue pupille aprs avoir t abuse par son pre, placedans une famille daccueil o elle a t abuse par le mari (le tuteur doit lareprsenter en justice et dcider avec le conseil du nouveau placement).

    La collgialit st essentielle pour prendre de telles dcisions etlexistence dun conseil de famille rpond ce besoin.

    2 - Les dcisions judiciairesa)Une valuation souvent dlgue

    La plupart des mesures judiciaires sont prises lissue duneinvestigation confie par le juge des enfants au secteur associatif ou unservice de la PJJ, et finances par ltat. Facultatives en assistanceducative (article 1183 du code de procdure civile), les mesuresdinvestigation sont dutilisation frquente : prs de deux saisines sur troisdonnent lieu une mesure dinvestigation ; en 2006, 66 923 mesuresdinvestigations ont ainsi t prescrites par les juges des enfants en matirecivile39. Ces mesures sont principalement des enqutes sociales et demesures dinvestigation et dorientation ducative (IOE) dune dure dequatre six mois, qui reposent sur lintervention dune quipepluridisciplinaire (travailleurs sociaux, psychologues, psychiatres).

    Les mesures dinvestigation incluent souvent une forme de travailavec le mineur et sa famille qui permet dclairer et de prparer la dcisiondu juge. Selon lAIDAPHI, association interdpartementale qui gre Orlans deux services dinvestigation, la mesure permet mme parfois deremdier, elle seule, aux difficults rencontres par la famille.

    Une enqute de la PJJ auprs des magistrats montre que ces dernierssont globalement satisfaits du produit qui leur est fourni au point quesouvent, la mesure dinvestigation prfigure la dcision judiciaire. Le tauxde dcisions judiciaires conformes aux prconisations formules dans

    lenqute sociale ou lIOE ne fait lobjet daucun suivi mais Bthune lesjuges des enfants estiment que seule une dcision sur dix scarte desprconisations. Vannes, le vice-prsident charg des fonctions de jugedes enfants dit les suivre dans 98 % des cas.

    39) Enqute de satisfaction de la PJJ, 2006. Cependant, le recours aux mesuresdinvestigation judiciaires devrait lavenir diminuer. La logique de la rformeopre par la loi du 5 mars 2007 veut en effet que le juge soit dsormais saisi, pourlessentiel, par la cellule dpartementale, qui est en rgle gnrale cense valuer lasituation avant de la transmettre au juge (sauf en cas dimpossibilit).

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    LENTRE DANS LE DISPOSITIF DE PROTECTION 37

    Le juge est seul habilit prendre, aprs un dbat contradictoire, unemesure qui porte atteinte aux liberts des familles. Nanmoins, sa dcisiontant fortement conditionne par les prconisations du servicedinvestigation sollicit, on peut se demander sil est sain quune mmeentit assure la fois des investigations et des prises en charge, commecest frquent. Cette question a t voque par les magistrats de la courdappel de Douai et certains juges veillent, dans la mesure du possible, nepas confier lenfant lassociation qui a ralis linvestigation.

    Il serait irraliste de prconiser une spcialisation rigide de chaque

    association, soit en investigation soit en prise en charge : la ralit du tissuassociatif ne le permet pas. La ncessaire prvention des conflits dintrtne peut reposer que sur les magistrats prescripteurs et sur les autoritscharges de lhabilitation et de la tarification, au cas par cas.

    b)

    Une dcision rendue dans des conditions perfectibles

    Les mesures judiciaires sont presque toujours prononces par unjuge unique. Le tribunal pour enfants (TPE), juridiction pnale composedun juge des enfants et de deux assesseurs, na pas dquivalent au civil.

    Toutefois, certains magistrats pratiquent une forme de collgialitinformelle afin de bnficier de regards croiss sur un mme dossier,

    comme au tribunal pour enfants de Lyon, o ont t instaurs un dispositifde supervision40 et une procdure collgiale facultative41. Ledveloppement souhaitable de ces pratiques suppose de leur donner uncadre juridique car elles sont aujourdhui aux frontires de la lgalit.Toutefois, un tribunal pour enfants sur trois ne compte quun juge desenfants, ce qui empche le recours systmatique la collgialit.

    Par ailleurs, les audiences se tiennent souvent en labsence dugreffier, dont le rle est pourtant fondamental puisquil est notammentcharg dauthentifier la procdure et de prendre note du droulement desdbats. Les TPE ont, en effet, assez peu profit des crations demplois

    40) Une fois par mois, les juges des enfants qui le souhaitent changent entre eux etavec laide dun psychiatre sur leurs dossiers les plus difficiles. Les familles ne sontpas informes et nont pas accs lavis du psychiatre.41) A la demande du juge, un dossier difficile est examin par une collgialit de troisjuges, en prsence du parquet. Cette procdure est utilise environ dix fois par an, et la condition que la famille et lavocat ne sy opposent pas ; le recours la collgialitest mentionn sur le jugement. Le rapport du Dfenseur des enfants de 2005 indique :plusieurs tribunaux, dont ceux de Marseille et Grenoble, ont dj tent, avec dessuccs divers, des formes de collgialit mais que cette pratique nest pas prvuepar le code de procdure civile.

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    38 COUR DES COMPTES

    depuis 2000 et, dans une grande partie des juridictions, leffectif ne permetpas dassurer la prsence systmatique du greffier laudience42.

    Labsence du greffier laudience constitue une atteinte aux droitsdes justiciables et un vice de nature entacher le jugement de nullit,mme si certaines cours dappel sappuient sur larticle 430 du nouveaucode de procdure civile pour rejeter ce moyen sil na pas t prsent dslouverture des dbats. En outre, labsence du greffier empche lemagistrat de se concentrer sur la conduite de lentretien et sur lcoute dumineur et de sa famille, dont il doit sefforcer de recueillir ladhsion.

    c)

    La diversit des pratiques des juges des enfants

    Comme tout magistrat du sige, le juge des enfants voit sonindpendance garantie par larticle 64 de la Constitution. Les pratiquesprofessionnelles, dans le respect des dispositions lgislatives etrglementaires applicables, peuvent varier. Les dpartements sont doncconfronts une pluralit de donneurs dordre qui nont pas tous lesmmes habitudes ni les mmes exigences.

    La difficult est dautant plus grande que les juges des enfantsconnaissent un taux de rotation lev (un juge des enfants reste enmoyenne trois ans dans son poste et prs dun sur deux a moins de deux

    annes danciennet dans la fonction) et quils sont rpartis sur le territoireselon une gographie qui ne correspond pas celle des d