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5/21/2018 S.LaugierSurDescombes-slidepdf.com http://slidepdf.com/reader/full/s-laugier-sur-descombes 1/48 Le livre de Vincent Descombes Le Complément de sujet , veut repenser la notion de sujet à partir de Wittgenstein, l’élucider, c’est-à-dire se donner les conditions pour poser clairement, à savoir grammaticalement, la question du sujet. Cet usage de Wittgenstein donne sa tonalité, sa pro- blématique et sa justification au livre. C’est aussi cet usage qui fait de ce livre, de façon générale bien sûr, mais aussi et en particulier pour nous, wittgensteiniens, un événement si important, puisque pour la première fois ce n’est pas seule- ment une problématique du sujet, mais une problématique du social – du sujet social qui nous est ainsi donné, à partir de Wittgenstein. Et c’est bien une certaine lecture de  Wittgenstein qui nous est proposée, et du coup le mode même d’élucidation du concept de sujet est orienté par cette lecture: positivement, car tout le déploiement gram- matical des constructions verbales qui y est opéré par Descombes donne à son livre son exhaustivité et sa préci- sion conjuguées, par une véritable description du langage 103 SUBJECTIVITÉ ET AGENTIVITÉ Sandra Laugier MP V. Descombes 26/02/07 9:48 Page 103

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  • Le livre de Vincent Descombes Le Complment de sujet,veut repenser la notion de sujet partir de Wittgenstein,llucider, cest--dire se donner les conditions pour poserclairement, savoir grammaticalement, la question dusujet. Cet usage de Wittgenstein donne sa tonalit, sa pro-blmatique et sa justification au livre. Cest aussi cet usagequi fait de ce livre, de faon gnrale bien sr, mais aussi eten particulier pour nous, wittgensteiniens, un vnement siimportant, puisque pour la premire fois ce nest pas seule-ment une problmatique du sujet, mais une problmatiquedu social du sujet social qui nous est ainsi donn, partirde Wittgenstein. Et cest bien une certaine lecture deWittgenstein qui nous est propose, et du coup le modemme dlucidation du concept de sujet est orient parcette lecture : positivement, car tout le dploiement gram-matical des constructions verbales qui y est opr parDescombes donne son livre son exhaustivit et sa prci-sion conjugues, par une vritable description du langage

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    ordinaire, de la syntaxe et des usages, et permet une critiqueradicale de la notion de sujet telle quelle a t dveloppeet promue sous diverses formes au XXe sicle. Ngativementaussi, car en lisant demble chez Wittgenstein une critiquegrammaticale du sujet, Descombes exclut toute une dimen-sion de loutil mme quil utilise, la philosophie du langageordinaire : le fait que le langage soit de fait ordinaire, parlet donc, dune certaine faon que je vais essayer de mettreen vidence, subjectif, et que cette subjectivit est dfinieprcisment par lagentivit dans lusage commun du lan-gage. En ramenant le sujet de la conscience celui de lac-tion, ce qui est certainement le mouvement le plus impor-tant qui pouvait tre opr en ce dbut du XXIe sicle,Descombes na pas seulement dplac le problme du sujet.Il a permis de poser aussi la question du sujet de laction defaon nouvelle et den suggrer (volontairement ou non,comme dirait Austin dans Excuses ) quelques difficults.Ce sont elles que nous allons prsenter, non pour critiquerle projet du livre, mais pour en montrer toute la fcondit,et pour mettre en vidence, partir du Complment de sujet,ce que Wittgenstein peut apporter aujourdhui une phi-losophie sociale de lesprit.

    Llucidation et la grammaire

    La mthode dlucidation prne par Descombes estwittgensteinienne : dans le Tractatus, la fin, Wittgensteinparle ainsi de llucidation quil a recherche comme dunefaon de surmonter les propositions du Tractatus (6.54).Mais il faut faire attention : on conoit parfois la notion

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    dlucidation sur le modle de lanalyse ou de la dfinition,comme si lucider une question ctait sen dbarrasser, cequi est bien une des vises de Descombes : non pas sedbarrasser du sujet (il dit bien quil ny a pas plus de sens vouloir nier le sujet que laffirmer) mais se dbarrasser dela querelle du sujet , en clarifiant ce que nous voulonsdire. Mais quest-ce quune lucidation wittgensteinienne ?Nous devons rendre claires les propositions du langage(celles qui contiennent notamment des verbes psycholo-giques quanalyse Descombes) qui sinon seraientconfuses. On peut pour cela procder par la voie gramma-ticale, admirablement dcrite par Descombes : les motssemploient dans un contexte et on explique leur sens enles y replaant : dabord dans celui de la construction dunephrase, ensuite dans ceux dun jeu de langage pour lem-ploi de cette phrase et dune forme de vie pour la pratiquedu jeu de langage (p. 11-12). Cette progression contex-tualiste, du mot la forme de vie est exactement lamthode des Recherches Philosophiques. Cest aussi unemthode qui explore nos modes de description : qui veutdcrire la faon dont nous dcrivons. Descombes citeWittgenstein : en philosophie, notre recherche est dirigenon vers les phnomnes mais vers les possibilits des ph-nomnes, sur le genre dnoncs que nous faisons sur lesphnomnes (p. 221). Il me semble que toute laconstruction du livre, dans le dtail de ses parties et cha-pitres, est dtermine par ce plan ; elle mriterait une ana-lyse elle seule, par son exploration systmatique des pos-sibilits, et du genre dnoncs que nous faisons sur lesphnomnes de la subjectivit.

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    Mais une telle lucidation (dsembrouillage, pourreprendre lexpression de Descombes) nest pas une clarifi-cation dun donn obscur ou confus : Le rsultat de laphilosophie, dit Wittgenstein, nest pas de produire des propositions philosophiques , mais de rendre claires lespropositions. Il semble premire lecture que le rledune lucidation soit dintroduire de la clart dans lespropositions qui, avant llucidation, manquent de clart :llucidation rend prcis ce qui est logiquement trouble etconfus, par une transposition dans un langage clair. MaisWittgenstein, dans sa correspondance avec Ogden, rcusecela : il rejette la traduction de das Klarwerden von Stzenpar la clarification des propositions , et suggre : lespropositions sont dsormais devenues claires quelles SONTclaires [the propositions now have become clear that theyARE clear.] lucider revient montrer une clart dj pr-sente dans ce que nous disons, ou voulons dire. De cepoint de vue le langage ordinaire est entirement clair,reste montrer quil lest. Ce nest pas la position deDescombes, comme le montre sa note sur le non-primatdu langage ordinaire o trs honntement il prcise dem-ble quil ne sintressera pas lusage commun. En ce sensil est moins un philosophe du langage (ordinaire) que delanalyse conceptuelle, grammaticale en ce sens.

    Cette analyse, mme si elle se veut lucidatoire, est donccorrectrice, ce qui a beaucoup davantages puisquelle meten vidence toutes sortes de confusions dont sentourentles thories contemporaines du sujet. Elle permet, confor-mment au point de vue de Wittgenstein, dbranler descaractristiques couramment attribues au sujet, comme la

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    connaissance de soi, la conscience de soi, lautoposition dusujet, le rapport subjectif soi. Mais chez Wittgenstein lagrammaire, on la dit, est autant descriptive que norma-tive : elle ne dit pas quoi notre rflexion ou notre langagedoivent se conformer, mais nous permet de savoir ce quenous voulons dire (mean), de nous rendre intelligibles nous-mmes, comme y aspire explicitement le Tractatusavant mme plus la seconde et la dernire philosophie. Lewittgensteinien ne peut que suivre Descombes dans savolont de clarification thorique sur le sujet, et dans sacritique grammaticale des philosophies de la conscience,mais peut aussi tre perplexe dans sa volont de gram-maticalisation de ce discours. Car quand on examine nosusages, il sagit bien de ce que nous voulons dire : et nous,comme la not Cavell, est aussi une premire personne. Lebut de llucidation est bien de nous montrer ce que nousvoulons dire, et savoir ce que nous voulons dire est bienune question qui engage une forme de subjectivit.

    Nous ne suggrons pas une voie de rhabilitation dunsujet du langage, mais plutt une difficult : fonder sur letournant linguistique une mthode (fconde) danalyse desusages et du langage ordinaire, tout en refusant daccepterce qui est inhrent cette mthode et la rend fconde, savoir un certain type de thrapeutique subjective quelle met en uvre : comment savons-nous ce que nousdisons ? Quels vont tre les critres de lanalyse ?

    Ce sera la question que nous allons dvelopper ici. Si onrcuse la fondation du sujet en lui-mme, que lon reven-dique un sujet dsubjectiv de lagir, on retrouve pourlagent toute une srie des problmes que lon voulait dis-

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    soudre propos du sujet. Descombes le sait trs bien, etcest toute la puissance du livre de dvelopper grammatica-lement ces problmes. Mais on peut trouver quil manqueencore quelque chose la solution, et en tout cas quelusage qui est fait de Wittgenstein finit par en loigner.

    Notons que linterprtation de Wittgenstein parDescombes est fconde un peu comme le sont, parexemple, celles de Cavell ou de Taylor, parce quelle faitun usage de lauteur et le radicalise, en y lisant, traversune grammaire, une politique, au sens o la question dulangage et de ses rgles serait au fond la question politique,celle du rapport du je au nous, de lindividu au collectif,du locuteur aux rgles. Pour Descombes : Le terme delenqute est atteint lorsquil apparat que les questions deWittgenstein sur la possibilit de suivre une rgle dfinis-sent le programme dune philosophie de lesprit renouve-le la suite du tournant linguistique (p. 22). Mais par-tir de cette articulation fondamentale du sujet (du langage)au social (lesprit objectif), en ralit des rponses bien dif-frentes peuvent tre donnes en lisant Wittgenstein.

    La subjectivit dans le langage

    Un point aveugle de la thorie de Descombes est donc lestatut du langage ordinaire : non pas la rfrence lusagecommun, mais aussi le fait que le langage est le langage parl,et toujours parl par quelquun (par une voix humaine). Celasignifie quelque chose et il faut en tenir compte si lon veuttraiter la question du sujet comme sujet (du langage) ordi-naire, sujet daprs le tournant linguistique.

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    Ce que lexamen des usages apporte aux thories dusujet, cest lide que je est un complment, un usage gram-matical. L-dessus, le livre est particulirement clarifiant, etDescombes a saisi et rendu accessible, sous une formeconcrte, un lment fondamental de luvre deWittgenstein savoir le caractre non rfrentiel du je, le faitquil ne renvoie pas un objet (de connaissance).Descombes dit bien quil ne veut pas liminer le sujet : ilveut critiquer ce quon pourrait appeler, pour reprendre unterme quil aime bien et quil a employ dans Philosophiepar gros temps en rfrence Clment Rosset, la grandilo-quence que lon place sur le sujet (le style grandiloquent) :ce qua de remarquable sa critique, cest quelle montre bienquil y a la mme grandiloquence dans laffirmation dusujet classique (le je, le cogito) matre et conscient de soi, etdans celle du sujet contemporain divis, historicis, etc.,jusqu Foucault (p. 255) : la grandiloquence du sujetfaible. Rosset dnonait ainsi lemphase de la sobrit, et ily a quelque chose de cela, que Descombes pingle aveclironie qui lui est propre, dans laffirmation rpte etcomplaisante du sujet comme divis, fragile, et qui finit parpuiser de la force et une nouvelle lgitimit dans sonimpuissance. Paradoxalement, il y a quelque chose dasseznietzschen dans le livre. Un des acquis du Complment desujet, cest en effet que les versions du sujet que nous offrela pense contemporaine ne sont pas si radicales, quil nya au fond gure de diffrence autre que de tonalit entre laposition des adversaires du sujet, qui veulent toujoursmettre le sujet (mme dpourvu de sa transparence et de sasouverainet etc.) au centre de lordre du monde, et les

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    classiques philosophies de la conscience. Un autre acquisimportant est de nous faire renoncer dfinir le sujet parlauto-rfrence et lauto-dsignation et en gnral, denfinir avec la mythologie contemporaine de la rflexivit,toujours prsente dans les approches contemporaines(notamment dans le champ de la pragmatique, comme dela philosophie de lesprit, par les thories de lindexicalit).Cette mythologie de la rflexivit ressortit bien, pour lecoup, une mythologie de la grammaire, et une sacralisa-tion du langage sur le mode religieux, telle que la dnon-ait Austin. Le Complment prne, linverse, le renonce-ment au self non seulement comme entit, objet, maiscomme oprateur grammatical self- : lauto-position, laconnaissance de soi, ou au rapport soi comme rapport deconnaissance, transparent ou non, et l Descombes a nonseulement raison de dire que Wittgenstein a eu des argu-ments trs forts et dfinitifs (p. 20), mais il les dveloppe defaon trs novatrice.

    partir de l, on peut formuler deux objections :Pour Descombes, lautorit de la premire personne

    nest pas fonde sur la conscience, mais sur laction, et leconcept de sujet dont nous avons besoin est celui delagent . Cest la thse principale, et autant son premierpas suscite ladhsion, autant le second demande des com-plments. On a envie de demander : pourquoi pas la sub-jectivit de lagent ? Car sil ny a pas chez Descombes derejet systmatique du sujet, il y a bien dans le livre un rejetde la subjectivit, de lexpression subjective.

    Le point (ou le dilemme) serait le suivant : doit-on lirechez Wittgenstein une critique du subjectif, ou du men-

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    tal ? Sil y a effectivement une critique wittgensteiniennedu sujet traditionnel, en tant quego et rflexivit, pour-quoi vouloir la faire porter essentiellement sur la subjecti-vit et pas dabord sur lesprit ? Wittgenstein sest toujoursintress aux phnomnes de lesprit (pour reprendrelheureuse expression de Descombes). Pourquoi ne passintresser alors aux phnomnes de la subjectivit ? Ilme semble que cest l une dimension importante deluvre de Wittgenstein, et quen faisant du sujet unequestion grammaticale Descombes rcuse la ralit duphnomne de la subjectivit dans le langage, en mettantsur le mme plan sujet et subjectivit, sans explorer la solu-tion qui consisterait examiner la subjectivit commecaractre de nos discours, comme lagency serait un carac-tre de certains phnomnes voire actions. Si lon veutredfinir le sujet par lagent, on risque de rintroduire unemythologie de lagent et lon ne voit pas pourquoi lagen-tivit aurait un tel privilge sur la subjectivit, alors que lesdeux termes peuvent tre employs pour caractriser lesphnomnes, sans hypostase.

    Ce quon pourrait opposer la grammaire, cest quelquechose comme la voix, ce qui revient opposer au cerclevertueux de linstitution sociale et de lapprentissage prnen conclusion par Descombes le cercle sceptique de la voix.Descombes parle de faon trs intressante du cercle dulangage, qui est aussi celui de la rgle, p. 457 : commentenseigner le langage quelquun qui ne sait pas dj le lan-gage ? Mais : comment enseigner le langage quelquunqui sait dj le langage ? Et quest-ce quavoir une voixdans le langage ? La voix dans une telle approche nest pas

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    celle de la certitude ou de la possession de soi ou du self-au sens classique : cest ma capacit vouloir dire ce que jedis. (Mean What We Say, pour reprendre un thme deCavell, mais aussi de Davidson). Il semble que cettedimension de revendication de la voix est constammentprsente chez Wittgenstein, et ce ds le projet lucidatoiredu Tractatus, et quelle permet de dfinir la subjectivit dulangage, de faon lmentaire, naturelle en quelque sorte,sans pour autant revenir au sujet ou LA subjectivit.Cest lide mme de langage ordinaire : lide que cest dela parole vivante que doit partir la philosophie (cf. ce quedit Cavell dans Un ton pour la philosophie), que la philoso-phie a pour seul donn ce que nous disons (ce que nousdirions quand, dit Austin). Si lon veut tirer toutes lesconsquences de ce recours au langage ordinaire pourla problmatique du sujet, la grammaire en tant que sys-tme normatif, la grammaire de la premire personne,lasymtrie 3e/1re personne etc. ne suffisent pas. Dfinir lesujet par sa grammaire, cest--dire par sa place, nest radi-cal quen apparence. Car si cette place est dtermine(mme si elle nest pas a priori ni dfinitive) par le tout desinstitutions sociales, seul garant et lieu de lautorit dusujet/agent, on perd certes lautoposition du sujet, mais auprofit du conformisme de linstitution.

    La grammaire indique, on la dit, des possibilits, et desmanires de vouloir dire, des modes de notre description.Elle ne peut alors viter la question de lexpression, commelindique toute la grammaire des usserungen chezWittgenstein. On doit tenir compte du fait quune granderfrence de Vincent Descombes, pour lire Wittgenstein,

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    est Bouveresse, et particulirement le Mythe de lintriorit.Mais ce livre, outre quil ne constituait pas une simple cri-tique de la subjectivit, ne tenait pas compte (car il visaitdj, comme Descombes aujourdhui, combattre unecertaine mythologie du sujet sr et certain de soi) de tona-lits de Wittgenstein dans sa toute dernire philosophie,celle des crits sur la philosophie de la psychologie,domaine prcisment dont relve le livre de Descombes.La diffrence sujet/objet, comme la diffrenceintrieur/extrieur, est grammaticale, pas au sens dunenormativit, mais dune structure : intrieur, comme sub-jectif ne dsigne pas un objet ou un lieu, mais une carac-tristique des phnomnes de notre description des ph-nomnes. Cavell note ce propos :

    Mais pourquoi concevons-nous un tat, disons desprit,comme intrieur ? Ce qui appartient lme est conucomme intrieur. Mais pourquoi ? Intrieur renvoiepour une part au registre de linaccessible, du cach ; maiscest aussi lide dune propagation (comme celle duneatmosphre, ou des pulsations du cur). Je pense ici des expressions comme beaut intrieure , convictionintrieure , rayonnement intrieur , calme int-rieur . Toutes expressions qui suggrent que plus pro-fond une caractristique a pntr une me, plus mani-feste elle est. (Les Voix de la raison, p. 159)

    Descombes rejoint cela en grammaticalisant le sujet eten le dfinissant en termes de complmentarit dans le dis-cours (p. 156), mais refuse trs logiquement la prsence du

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    subjectif dans le discours mme, puisque le subjectif seraitpour lui dfini par les conditions extrieures (sociales, ins-titutionnelles objectives) du discours.

    Il semble que ce qui fait problme pour Descombes, leplaant ainsi en lger porte faux par rapport sa reven-dication du tournant linguistique, cest le fait mme (natu-rel et social) que le discours soit dit. Or cette ide, que lelangage est dit par une bouche, un corps, est bien lobses-sion de Wittgenstein, et est insparable de sa critique dusujet. Ce qui fait partie de llucidation philosophique,cest le fait (que Descombes appelle grammatical et traiteen termes dasymtrie, suivant en cela Wittgenstein) que jenai pas le mme rapport mes actions et mes parolesqu mon voisin et ses paroles. Mme si on limine larhtorique et la mythologie du sujet, il reste cette asym-trie, constamment releve par Wittgenstein. Descombescite ce propos Anscombe et lanecdote amusante delvque quon surprend la main sur le genou de la voisineet qui peut prtendre quil a pris ce genou pour le sien,mais pas quil sest pris pour la dame. On peut se tromperdobjet, mais pas de sujet, note Descombes, qui fait usagede lanecdote pour illustrer lide wittgensteinienne selonlaquelle on ne peut employer je tort. Car il sagit ldune rgle grammaticale du jeu de lusage du mot je .Mais le surralisme de lpisode (comment prendre legenou dun autre pour le sien) plutt que de leffacer,ouvre plutt la question de la subjectivit, de linquitantetranget de lasymtrie, du rapport non rflexif soi,exactement comme dautres histoires que raconteDescombes, comme celle (qui rappelle quelque chose

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    chacun) de Mach (p. 131) se demandant, descendant duntrain, qui est ce professeur un peu miteux, avant de saper-cevoir que cest son propre reflet dans un miroir.

    On peut penser cette occasion des expressions deWittgenstein : Je peux savoir ce que pense quelquundautre, non pas ce que je pense (Recherches, II, xi) ; Onne peut absolument pas dire de moi (sauf peut-tre parplaisanterie) que je sais que je souffre ( 246). Il sagit deremarques grammaticales, qui dcrivent une asymtriesans privilge ; elles dfont la conscience et la connaissancede soi mais ne nient pas la subjectivit, puisque je suis pr-cisment ce qui nest pas connu.

    Certitude, voix et psychologie

    De mme pour les noncs analyss par Wittgensteindans De la certitude (cf. les dbats du volume Dernirespenses). Descombes analyse dans le chapitre XIII duComplment de sujet des noncs comme Je sais p, je crois p qui font intervenir ce que Wittgenstein appelle les verbes psychologiques . Mais Descombes cherchemoins, linverse de Wittgenstein, dpsychologiser cesnoncs qu les dsubjectiver. De tels noncs sont dcritspertinemment par Descombes comme non exprientiels :un nonc comme je sais p ou je crois p ne dcritpas une exprience, mais accomplit un jugement.Descombes a raison dinsister sur la varit des verbes psy-chologiques et de montrer quils ne renvoient pas quelque chose de fixe qui serait la conscience ou le je. Maisil a tort, empiriquement, de dire que la validit des noncs

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    comme je crois etc. ne tient qu leur contenu intellectuel.Wittgenstein note par exemple :

    Nous nous demandons ce que nous faisons avec unnonc comme je sais . Car ce nest pas une affaire deprocessus mentaux ou dtats mentaux. Et cest ainsi quelon doit dcider si quelque chose est du savoir, ou pas.(UG, 230)

    Ce que nous faisons avec ces noncs psychologiquesordinaires, cest bien quelque chose. Sinon il ny aurait pasbesoin de dire je crois ou je sais. Ici se pose encore une foisla question, mentionne en commenant, du rapport aulangage ordinaire chez Descombes. Wittgenstein seraitdaccord pour dire que lnonc de croyance en premirepersonne nest pas un nonc dattribution (nonc quiattribuerait ma croyance quelquun, qui se trouverait tremoi), et donc en lui, il ny a pas de rfrence au sujet.Mais nempche, cest bien moi (si indtermine que soitcette notation) qui dis quelque chose quand je parle. Lhomme qui crie de douleur ou qui dit quil a mal nechoisit pas la bouche qui le dit , Je ne peux mobservercomme je le ferais de quelquun dautre, me demander :quest-ce quil va faire maintenant, celui-l . Wittgensteinparle de coordination diffrente . Descombes montreque le sujet nest pas un supplment ce qui est dit, cru ousu, quil nest pas dcrit par nos noncs, lesquels ny fontpas rfrence, daucune faon. Le problme est quune foisquon a limin lhypothse du sujet comme quelque chosequi viendrait sajouter au contenu et qui serait, comme tel,

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    dcrit (rfr, suppos) par lnonc (je crois, je sais, etc.)cest l que commence le problme de la subjectivit : aprsle sujet. Descombes veut liminer la fois le sujet rfren-tiel, et le sujet nonciateur, le locuteur. Il critique efficace-ment le sujet autorfrentiel, fond dans la rflexivit. Maisque faire de la subjectivit du fait trivial, humain, de par-ler ? De cette subjectivit de laction? En quoi suis-je agent,sujet de mes actions ? Quest-ce quune action sociale ?

    Wittgenstein, dans sa critique du psychologisme, napas voulu nier lexistence de phnomnes du mental ,des processus internes, psychiques, etc. Qui dailleurs vou-drait la nier ? Et ainsi nous avons lair davoir ni les pro-cessus psychiques. Alors que nous ne voulons naturelle-ment pas les nier ! (Recherches 308). Wittgensteinsintresse ce que nous disons, notre usage public du lan-gage. Reste savoir ce quest ce nous, comment le langage veut dire , quest-ce qui lui donne vie (cf. 432). Cequi donne vie aux signes morts , ce nest pas le proces-sus mental (quil existe ou pas), mais lusage, et la com-munaut de cet usage, la socit, et l se trouve la rponse la question du sujet.

    Je regarde la vie comme quelque chose qui est ajout lachose dpourvue de vie. (Atmosphre psychologique)(Fiches, 128).

    Cest lexamen de nos usages ( recherche grammati-cale , prcise Wittgenstein) qui peut nous dire tout cequil y a dimportant dire sur les processus dont croitsoccuper la psychologie. Notre usage des mots comme

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    penser, attendre etc., est obscurci pour nous par les imagesde processus intrieur , de croyance, qui nous bloquentlaccs lusage du mot tel quil est (305), la descriptionde ses emplois. Revenir au langage ordinaire, cest retrou-ver un accord avec nous-mmes, et notre usage du langage.Ce nest pas liminer la subjectivit, mais la dfinir parlensemble du social, laccord dans le langage.

    Lorsque nous sommes en dsaccord avec les expressionsdu langage ordinaire (qui ne font que leur travail) nousavons une image dans notre tte qui est en conflit aveclimage de notre manire ordinaire de parler. Alors noussommes tents de dire que notre manire de parler nedcrit pas les faits tels quils sont vraiment. (R 402)

    Reconnatre que ce sont les usages qui donnent vie ausigne, et pas des tats ou processus, ni un sujet psycholo-gique, ce nest pas renoncer la rigueur de la logique ,mais la retrouver pragmatiquement, dans notre usage dulangage.

    Tout se trouve dj dans Comment se fait-il que cetteflche >>> montre ? Ne semble-t-elle pas por-ter en elle quelque chose dautre quelle-mme ? Non,ce nest pas ce trait mort ; seul le psychique, la significa-tion le peut. Cest vrai, et cest faux. La flche montreseulement dans lapplication que ltre humain en fait.Ce montrer nest pas un abracadabra [Hokuspokus] queseule lme pourrait excuter. (R, 454)

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    On voit lenjeu dune critique sociale de la psychologie :abandonner la mythologie, soit du psychique, soit de lasignification, cest rechercher ce quon attendait de cesentits dans notre pratique du langage mme. Mais il enest de mme pour la subjectivit. Car le langage , quest-ce que cest, si ce nest plus le psychologique, ni la mat-rialit physique des mots (le trait mort) ? La rponse deWittgenstein lusage nest comprhensible dans saradicalit qu la lecture de lensemble de sa philosophie dela psychologie. Lusage nest pas le mien, il est ntre, maisil nest pas rsultat daccords ou de conventions sociales, niproduit de linstitution. Il est laccord dans le langage et laccord avec soi en tant que projection de laccord dansle langage, ma capacit tenir cet accord. Notre thse iciest que cet accord, loin dtre intersubjectif, ou conven-tionnel, permet de dfinir une subjectivit sans psychologie :

    Cest ce que les tres humains disent qui est vrai et faux ;et ils saccordent dans le langage quils utilisent [in derSprache stimmen die Menschen berein]. Ce nest pas unaccord dans les opinions mais dans la forme de vie.Pour que langage soit moyen de communication, il doity avoir non seulement accord [bereinstimmung] dansles dfinitions, mais (aussi trange que cela puisseparatre) accord dans les jugements. Cela semble abolir lalogique, mais ce nest pas le cas. (Recherches, 241-242).

    Cette subjectivit nest plus le sujet, ni un objet de cer-titude supplmentaire (un objet qui sappelle moi, que jeconnatrais ou auquel jaurais accs par les autres).

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    Jai mes propres mots une relation entirement diff-rente de celle quont les autres. Si jcoutais les mots sor-tir de ma bouche, je pourrais dire que quelquun dautreparle dans ma bouche (Recherches II, p. 219).

    Que la parole en quelque sorte soit dlocalise, ne puissetre localise dans un sujet, Descombes le note, mais ilnen tire pas une consquence sceptique, comme le feraitCavell, qui explore lide dune voix qui mchappe et tou-jours revient vers moi. Pourtant on pourrait utiliser la cri-tique brillante et systmatique des varits dapproches durapport soi que fait Descombes dans les parties II et IIIdu Complment de sujet pour une conclusion trs diffrenteque celle quil en tire apparemment : celle de la dposses-sion de soi, audible dans de nombreux passages deWittgenstein y compris ceux quon peut utiliser dans lesens de limpersonnalisation : Lorsque quelquun dit jaiun corps, on peut lui demander qui parle ici avec cettebouche ? (UG 244)

    Cette impression, rcurrente dans les derniers textes,dune vacuit non pas de la parole mais de son lieu dmis-sion, dfinit le sujet en termes de scepticisme.Wittgenstein, en affirmant laccessibilit de lautre, estainsi conduit suggrer lignorance ou la mconnaissancede soi, dont Cavell fera le thme central des Recherches, et mettre en cause conjointement Lapparente certitudede la premire personne, lincertitude de la troisime (LSI, 951). Il est de artificiel de sparer les deux questions,celle de laccessibilit moi de ce qui se passe en moi tantaussi celle de laccessibilit lautre lui-mme :

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    Loppos de mon incertitude quant ce qui se passe enlui, ce nest pas sa certitude. Car je peux tre aussi certaindes sentiments dautrui, mais ce ne sont pas pour autantles miens (LS I, 963).

    Linconnaissabilit prtendue dautrui dguise, suggreCavell, le refus, ou langoisse de se connatre, de se sentirsoi-mme. Ce que dit souvent Wittgenstein de la confu-sion inhrente lide que nous navons pas accs autruiet ses penses, et celle dun accs transparent soi, ren-voie cette anxit centrale, celle du rapport ses propressensations et penses. La critique par Descombes du sujetsr et certain de soi natteint pas le sujet du scepticisme,qui prcisment nest pas l, est fuyant.

    Alors la volont den finir avec le sujet, perceptible chezbeaucoup dusagers de Wittgenstein, serait un symptmede cette anxit, de la mconnaissance de sa propre sub-jectivit. traiter systmatiquement la question de la pre-mire personne par celle de lipsit, de la conscience et dela connaissance de soi, on manque un lment de lap-proche proprement wittgensteinienne de la subjectivit de lexpression, de la parole et du langage comme exposi-tion autrui, et revendication.

    Wittgenstein insiste souvent sur la spcificit de la voix : mon intonation . Une chose qua souligne Cavell dansUn ton pour la philosophie, cest la tonalit du discours, lavoix, cette voix par exemple que je ne reconnais pas (etsouvent que je dteste) quand je lentends enregistre etquautrui seul reconnat. Ce qui est important aussi chezWittgenstein, et insparable de la critique du sujet, cest la

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    voix, et la subjectivit (pas exactement un sujet) que veutfaire entendre, et que recherche, cette voix. Cest bien laquestion de lexpression. Lnonc na de sens quexprim(en un sens non psychologique ddramatis de lexpres-sion) par quelquun qui en prend la responsabilit. Cettesubjectivit dans le dire est suggre par Descombes dansle chapitre consacr Castoriadis, propos du vivant.

    Je sais na de sens que sil est exprim par une per-sonne. Mais cest la mme chose si son expression est Jesais ou Cest cela (De la certitude 588-589)

    Laction comme expression sociale

    Une telle approche de la voix peut conduire rendreplus problmatique la notion dautorit, dveloppe parDescombes. Car la voix nest pas une autorit. La thma-tique de la voix chez Wittgenstein est plutt l pour dpsy-chologiser et dlocaliser le sujet, pas pour le refonder. Lamultiplicit des voix qui se font entendre dans les crits dusecond et du dernier Wittgenstein met en vidence cettesape du sujet par la subjectivit, par la recherche de la voix.On ne saurait sparer chez Wittgenstein la volont clairede d-subjectiver les propositions en je de celle de sub-jectiviser tout ce que nous disons, y compris les proposi-tions dapparence impersonnelle. Cest ce que leshommes disent qui est vrai, et faux.

    Est-ce que Je sais que ceci est un arbre dit quelquechose dautre que Ceci est ? Dans la premire

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    proposition, il y a mention dune personne, dans laseconde non. Mais cela ne montre pas quelles ont dessens diffrents. De toute faon, on remplace souvent lapremire forme par la seconde en donnant celle-ci uneintonation spciale. Je sais na de sens qumis de labouche dune personne. (De la certitude, 587-588)

    Tout est dans le ton. Cela permet de repenser lautorit,laccord, et la rgle, et de reprendre le parallle entre verbessociologiques et verbes psychologiques que construitDescombes, utilisant Wittgenstein pour le passage du sujetau social (p. 312). Laccord est premier, certes, et je suisdfini socialement par cet accord : mais cest moi, ditWittgenstein, qui suis daccord.

    Moi, L.W., crois, suis sr, que mon ami na pas de lasciure dans son corps et dans sa tte, mme si je nai pasde preuve directe et sensorielle du contraire. [] Avoirdes doutes ce propos me semblerait tre de la folie bien sr, l aussi cest en accord avec dautres ; mais cestmoi qui suis en accord avec eux. (De la certitude, 281)

    Dfinir le sujet comme celui du langage ou du social par-tag, ce qui est la conclusion quon tire souvent (de faonjustifie) des Recherches ou de De la certitude, ne peut alorsconstituer une solution au scepticisme, ni la question poli-tique. Que nous nous accordions dans le langage nest pasla fin du scepticisme, ni leffacement de la subjectivit dansle langage. Il ne suffit pas de dire que ma certitude (monaction) se fonde sur un ensemble dinstitutions acceptes et

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    une forme de vie (je dois donner mon accord, bereinstim-men avec les autres). Il reste que cest moi qui suis daccord,comme cest toujours moi qui sais que p, moi qui suis largle. Cela ne me place pas au fondement de laccord ou dela rgle, car il ny a pas de tel fondement (cf. les analyses dePhilosophie par gros temps). Descombes observe pertinem-ment la fin (et on touche l au point essentiel du livre)quil ny a pas de rgle qui dise quil faut suivre des rgles engnral (il ny aura que des rgles particulires). On peutpenser ce sujet la division opre par Rawls, et reprise endautres termes par Searle, entre summary rules et practicerules. Il ny a que des practice rules, immanentes laccepta-tion gnrale dune pratique (des pratiques diverses et pasde dfinition univoque de la rgle). Cest l le cur de lacritique descombienne du sujet : ce qui est avant le sujet,cest la forme de vie (on retrouve le contextualisme dfinidans les premires pages du Complment). Mais la forme devie est premire par rapport au jeu de langage et la rgle.Elle ne constitue pas un ensemble de rgles, ni un arrire-plan causal. Comme le suggre Descombes au dbut dulivre, et dans le chapitre LIV, et dans une note renvoyantaux Remarques sur le Rameau dor de Frazer, le convention-nel senracine dans le naturel. Mais si la forme de vie, ce queWittgenstein appelle le donn est cette nature, et quecest la voix de la nature , comme dit Descombes, quisexprime dans nos conventions, la solution ne peut pas tredans la rgle et lesprit objectif, mais bien dans une formede naturalisme, ou de dfinition de la convention en termesde naturalit, comme ce que revendique Cavell dans unetonalit proche de celle dun Pascal (et de Descombes) :

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    On peut dire que les conventions auxquelles nous faisonsappel sont fixes , adoptes , acceptes parnous, etc. ; mais cela ne signifie pas en retour que ce quenous avons fix ou adopt soit (simplement) les noms(conventionnels) des choses. Les conventions qui gouver-nent lapplication des critres grammaticaux ne sont pasfixes par la coutume, ou par quelque accord ou concor-dat que lon pourrait, sans que soit rompu le tissu de nosexistences, modifier pour des raisons de commodit. Cestbien plutt de la nature de la vie humaine elle-mme queles conventions tiennent leur fixit, de lhumaine fixitelle-mme, de ces faits de nature trs gnraux , inaperus parce que si vidents , et en particulier,daprs moi, de faits absolument gnraux au sein de lanature humaine : par exemple, que la ralisation duneintention requiert laction, que laction requiert le mouve-ment, que le mouvement inclut des consquences quenotre intention ne contenait pas, que notre connaissance(et ignorance) de nous-mmes et des autres dpend de lamanire dont nos penses sont exprimes (et distordues) travers paroles, actions, et passions ; que les actions et lespassions ont une histoire.

    Ainsi conue, la srie des conventions ne renvoie pas des structures de vie qui diffrencient les tres humainsentre eux, mais ces exigences, de conduite comme de sen-timent, que tous les humains partagent. Ce queWittgenstein a dcouvert, ou redcouvert, cest la profon-deur de la convention dans la vie humaine ; or, cettedcouverte ne met pas seulement laccent sur ce quil y a

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    de conventionnel dans la socit humaine, mais aussi,pourrions-nous dire, sur ce quil y a de conventionnel dansla nature humaine elle-mme. (Cavell, VR)

    Je renverrai aussi un passage de Philosophie par grostemps o Descombes explique que les jeux de langagenont pas besoin de justification ou de fondement, et ren-voie un manuscrit indit o Wittgenstein compare lesrgles des checs (qui ne correspondent pas lessence deschecs, mais donnent leur essence aux pices) et celles dela cuisine et de la rtisserie, qui doivent correspondre lanature de la viande (p. 172). Wittgenstein prcise de cetteremarque quelle est grammaticale , ce qui ne veut pasdire quelle est de lordre de la pure normativit. Le mythede lautonomie de la grammaire est un mythe de la validitessentielle et isolable de la rgle, qui conduit ensuite enavoir une vision trop abstraite et comme le dit Diamond(voir O se trouvent les rgles , Laugier 2001), et safaon Descombes, empche de regarder au bon endroit pour trouver les rgles, cest--dire dans notre forme devie. La forme de vie, cest aussi la nature.

    Ce que nous apportent le second et le dernierWittgenstein, cest lide que les rgles qui gouvernentnotre vie et notre langage et cela vaut pour le politique mme si parfois on peut les comparer celles des checs,sont aussi proches de celles (voire : plutt comme celles) dela cuisine et de la rtisserie. Descombes a bien raison devouloir critiquer lindividualisme et la mythologie dunindividu instituant la rgle ou choisissant librement de lasuivre. L dessus le livre est magistral, et notamment, auplan politique, dans sa critique de lindividualisme mtho-

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    dologique. Mais il faudrait aller jusquau bout et opposeraussi lindividualisme la naturalit sociale de la forme devie, qui

    est affaire de ce que nous avons en commun des voiesdintrt et de sentiment, des modes de raction, des sensde lhumour, de limportance et de laccomplissement, lesens de ce qui est scandaleux, de quelle chose est sem-blable telle autre chose, de ce quest un reproche, de cequest le pardon, des cas o tel nonc est une affirma-tion, o cest un appel, et o cest une explication toutce tourbillon de lorganisme que Wittgenstein appelledes formes de vie . La parole et lactivit humaines,leur sant mentale et leur communaut ne reposent surrien de plus que cela, mais sur rien de moins non plus.Cest une vision aussi simple quelle est difficile et aussidifficile quelle est (et parce quelle est) terrifiante. ( TheAvailability of Wittgenteins later philosophy )

    Une fois quon a accept le donn , cest l que acommence. Descombes trouve dans la rgle et son suivisocial la rponse linquitude qui saisit le philosophe dulangage quand il dcouvre quon ne peut enseigner le lan-gage quelquun qui naurait pas de langage (p. 458).Mais cela ne dissout pas linquitude, ou le scepticisme surla capacit enseigner quoi que ce soit : le rapport du sujetau social est constitutif du scepticisme.

    Cest toute la question, dveloppe par Taylor dans plu-sieurs articles importants, de lexpression naturelle :

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    Lexpression naturelle du vouloir est dessayer dobtenir.[]Essayer dobtenir est vraiment lexpression naturelle dudsir, non seulement pour laspect physionomique leplus immdiat, mais aussi comme quelque chose dins-parable du dsir par nature , en entendant par l lesfaits fondamentaux de la condition humaine, qui sontdterminants pour notre langage ( Laction commeexpression ).

    La subjectivit dans le discours, ainsi entendue entermes naturalistes, ceux de notre style personnel de repr-sentation (au sens de Darstellung, de se faire reprsentant)de la nature humaine, na pas besoin de trace grammati-cale. Un discours peut tre subjectif en tant la troisimeou la deuxime personne (le on proustien du journaliste,voqu p. 135). Cest une subjectivit dfinie par la capa-cit dexpression, ou mieux quune capacit : une disposi-tion (passive) lexpression.

    Subjectivit, performativit et flicit

    Il nous semble que cette approche du sujet absent,rclam par lexpression mme, chappe aux critiques de lasubjectivit moderne, rnove, que nous a fourniesDescombes, et quil permettrait aussi de redonner unesignification au sujet de droit tel quil le dfait dans sa par-tie VI. son propos, il note p. 21 : Je ne me suis pas dutout donn les moyens de dterminer si nous avons tel outel droit, mais seulement ceux de juger si nous avons un

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    langage pour exprimer de faon pour nous satisfaisante lesdroits que nous pensons avoir. Ce qui rintroduit uneproblmatique de lexpression. Mais l est bien tout le pro-blme, de savoir ce que signifie avoir un langage pourexprimer certains droits, et comment on trouve ce lan-gage, comment on apprend matriser un jeu de langage, trouve lautorit, larrogance pour tre sujet de sa parole.Du coup on peut tenter de repenser la question de la sub-jectivit juridique dans des termes qui viteraient sonessentialisation.

    En redfinissant le sujet par la subjectivit du langagedfinie par la voix, et pas dans la tradition classique oumoderne de rflexion sur le sujet, on insiste sur sa natura-lit plus que sur la grammaire, dans une entente du langageo lon sintresse ce que les hommes disent . Le sujetcomme sujet de la parole au sens prcisment du suppt,celui qui a supporter : le sujet passif, celui de lagency.

    Un bon exemple de ce mode daction de la subjectivitest celui des actes de langage. Austin, dans sa classificationdes actes de langage, prsente de faon gnrale un carac-tre de toute action, savoir quelle est destine rater,manquer son but, tre inadquate. Cest bien le cas delacte ordinaire de parler, constamment menac de linad-quation (mme dans laffirmation et la description). Le faitde voir lacte de langage dans sa totalit sociale conduitAustin tendre la catgorie felicity/infelicity aux affirma-tions, et tout cours daction : mon affirmation peut rater,comme un ordre inadquat que je ne suis pas en positionde donner. Austin prsente ce point ainsi dans son inter-vention Royaumont :

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    Dans ce cas mon jaffirme est au mme niveau quevotre jordonne , dit, nous nous souvenons bien, sansavoir le droit pour ordonner. Encore un exemple. Vousme confiez je mennuie , je rponds dun ton impas-sible vous ne vous ennuyez pas ! . Et vous : que vou-lez-vous dire par l, que je ne mennuie pas ? De queldroit ? (PA 278)

    La subjectivit existe aussi dans cette possibilit perma-nente de lchec et de linappropri. De mme que la sub-jectivit juridique se trouve dans la transgression ou lenon-suivi de la rgle. Cest ainsi quil faudrait dfinir etrhabiliter le moderne, pas dans le dbat effectivement st-rile entre adversaires et partisans du sujet, ou entre les dfi-nitions positives-fondatrices et les dfinitions ngatives-fragilisantes du sujet. Mais cela conduit invitablement penser la question du sujet en terme de qute, de rpara-tion et de revendication, et ainsi amnera (par une autrevoie que celle de Descombes) au terrain politique.

    La dimension de lchec nest pas accidentelle, compl-mentaire, mais inhrente, naturelle au langage et sonagency. Ce nest pas seulement la fragilit ou la pluralit oulobscurit du sujet, mais sa passivit qui est mettre envidence il doit supporter la voix, comme laction (le sup-pt). La subjectivit de laction, cest lagency elle-mme.

    Lexamen des checs des performatifs a ainsi des cons-quences remarquables pour la pense sur le sujet : il permetde voir comment les affirmations (constatives) peuventaussi mal fonctionner et rvle la nature de tous nos non-cs : les constatifs sont sujets tous les malheurs qui affec-

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    tent les performatifs, ce qui dfait la dichotomie perfor-matifs (heureux-malheureux)/ constatifs (vrai-faux).Lessai dAustin Excuses est, symtriquement Quanddire cest faire, un rpertoire des checs et actes de parolemanqus. Les malheurs des performatifs sont un lmentessentiel de sa thorie (et il est curieux que Benveniste aitvoulu exclure les rats de la catgorie des performatifs, etde sa dfinition de la subjectivit dans le langage, et quengnral cet aspect de la thorie dAustin soit nglig). Lafausset nest pas le seul dysfonctionnement du langage, etle langage nchoue pas seulement, comme limagine laphilosophie, en manquant le rel, le vrai ; il peut rater, maltourner, go wrong dit Austin, comme toute activithumaine. En ce sens, lacte de langage dfinit le propre delacte. Austin attire malicieusement lattention sur lesconnotations sexuelles (quil appelle normales) destermes quil choisit pour dsigner les checs des performa-tifs (misfires, abuses, cest--dire fiascos et abus).

    Rciproquement, par son insistance sur lchec, Austin,par un revirement (sea change) typique, se retrouve du ctdune mise en cause de laction, dfinie, sur le modle delnonc performatif, comme ce qui peut chouer, maltourner, et du sujet de laction comme prcisment vou-lant fuir ses responsabilits, ntre pas celui qui Ainsi legrand thme du pragmatisme (le titre How to do thingswith words a t choisi par Austin, hommage ironique aupragmatisme, pour ses William James Lectures) est ren-vers ; laction, loin dtre au commencement de tout,devient aussi problmatique que la parole, dfinie par lapossibilit de rater.

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    Excuses et agentivit

    On constate, si lon y fait attention, que la productionverbale dexcuses a toujours occup une part essentielledes activits humaines . Or, remarque Austin, nous nesavons pas ce quon entend ou non par accomplir uneaction , faire quelque chose, et ce que lon inclut, ou non (p. 139). Il ne faut pas oublier qu larrire-plan de la tho-rie des performatifs, il y a une perplexit sur ce que cest quefaire quelque chose. Les philosophes qui rflchissent laquestion se laissent prendre au mythe du verbe, selon lequelil y aurait quelque chose ou un concept, accomplir uneaction , qui rsumerait les caractristiques essentielles de cequon classe sous accomplir une action .

    Toutes les actions , en tant quactions (cest--dire ?), sont gales, se quereller est gal gratter une allu-mette, gagner la guerre ternuer. Pis encore, nous lesassimilons toutes aux cas les plus faciles et les plus vi-dents, comme par ex. poster une lettre ou bouger lesdoigts, comme nous assimilons toutes les choses deschevaux ou des lits.

    Austin veut inverser la dmarche philosophique clas-sique, qui pose dabord laction, et en examine les justifi-cations. Ce sont les excuses ce que nous disons quand ilapparat que nous avons mal (maladroitement, inadqua-tement, etc.) fait qui permettent de mieux savoir cequest une action, ou plutt de commencer classer ce quenous rassemblons sous le vocable gnral, le dummy

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    action. Lexistence des excuses est mme essentielle lanature de laction humaine elles ne viennent pas enquelque sorte aprs-coup, mais y sont impliques. Lactionpour Austin a quelque chose de spcifiquement humain,parce quelle est incluse dans notre forme de vie en tant quedfinie par la varit des excuses.

    On a encore trop peu enqut sur ces expressions pourelles-mmes, tout comme en logique on traite encoreavec trop de lgret la notion gnrale de dire quelquechose. Il y a en effet larrire-plan lide vague et rassu-rante que, en dernire analyse, accomplir une action doitrevenir faire des mouvements avec des parties de soncorps ; ide peu prs aussi vraie que celle qui consiste penser que, en dernire analyse, dire quelque choserevient faire des mouvements avec la langue.

    Cest ainsi quAustin prsente la complexit des actionshumaines et de leur possible classification par les excuses.On peut en avoir un aperu par des exemples connus, parexemple lexemple de lne tu par erreur (repris parGoffman). Lexemple dAustin montre quil y a des diff-rences entre faire quelque chose par erreur ou par accident,alors quon croit souvent que les deux expressions sontquivalentes ; mais il montre aussi qu partir du langageordinaire, on peut comprendre quelque chose de la natureou de la typologie des actions. Austin constate quonnemploie pas nimporte quelle excuse avec nimportequelle action. On peut sexcuser dallumer une cigarette oude couvrir ses livres par la force de lhabitude , mais un

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    tueur ne peut sexcuser dassassiner par la force de lhabi-tude . La diversit des excuses montre la varit desactions, et classifie nos diffrents degrs dinvestissementsubjectif de laction.

    Ltude des excuses peut clairer ces thmes fondamen-taux essentiellement de deux faons. Tout dabord, tu-dier les excuses, cest tudier les cas ou sest produitquelque anomalie ou chec ; et comme cest souvent lecas ; lanormal met au jour ce qui est normal ; et nousaide dchirer le voile aveuglant de facilit et dvidencequi dissimule les mcanismes de lacte naturel et russi. Ildevient vite clair que les ruptures signales par diversesexcuses sont de types radicalement diffrents. Ils affec-tent diffrentes parties ou tapes du mcanisme, que lesexcuses slectionnent et trient pour nous. Il apparat quetous les carts ne se produisent pas en rapport avec tout ceque lon pourrait appeler action et que toutes lesexcuses ne sont pas appropries tous les verbes, loin senfaut ; ce qui nous fournit le moyen dintroduire une cer-taine classification dans le vaste ensemble des actions .(Austin, PP p. 142)

    Austin note que la philosophie sest trop centre, pourdfinir la notion de responsabilit, sur les justifications etpas assez sur les excuses. Ici, on peut percevoir linfluencede H.L.A. Hart et de ses analyses de la dfaisabilit desconcepts juridiques. Hart, dans The ascription of res-ponsibility and rights , traite la dfaisabilit du concept decontrat par le type de dfenses quon peut y opposer. Il

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    propose une liste et classification des dfenses qui a unestructure similaire la classification austinienne :

    Laffirmation Smith la frappe peut tre conteste,dans la manire caractristique des affirmations lgalesdfaisables, de deux faons distinctes. Smith ou quelquundautre peut nier tout simplement lnonc des faitspysiques : Non, ctait Jones, pas Smith. Ou alors Smithet ses partisans peuvent produire un argument parmi unevaste srie de dfenses de faon , sinon dtruire entire-ment laccusation, du moins ladoucir ou la modrer .

    Ainsi, vis--vis de Il la fait ( Il la frappe ) on peutplaider :1. Accidentellement (elle est passe devant lui alorsquil plantait un clou avec un marteau)2. Par inadvertance (pendant quil plantait un clou,sans prendre de prcautions suffisantes)3. Par erreur (Il a cru quil sagissait de May, quilavait frapp auparavant)4. En situation dautodfense (Elle allait le frapperavec un marteau)5. Aprs avoir t gravement provoqu (elle lui avaitbalanc de lencre)6. Il sest laiss impressionner (John a dit quil le tra-nerait dans la boue)7. Mais il est fou, ce pauvre type (Hart, The ascription of responsibility and of rights ,(Flew p. 162-163)

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    Ce qui est crucial selon Hart, qui renvoie Austin, pourla responsabilit pnale (voir Laugier 2005), cest le faitdavoir une excuse, par exemple une incapacit bien juger.

    Lorsque ces capacits et cette chance quitable fontdfaut, comme cest le cas dans les divers cas daccident,derreur, de paralysie, daction rflexe, de coercition, defolie etc. largument moral est quil nest pas conformeau droit moral de punir parce que : il na pas pu senempcher ou il na pas pu faire autrement ou il napas eu de choix vritable. (Hart, Punishment andResponsibility).

    On nest pas plus matre ou sujet de ses actions que deses penses. Cette dimension passive ou attitudinale estclaire dans lusage du terme anglais agency. Lagency seraitce qui caractrise, parmi les vnements du monde, ce quiest de lordre de laction humaine reponsable. Davidson apos le problme dans ses essais classiques sur laction etplus particulirement dans Agency , dont on voit lins-piration austinienne :

    Quels sont les vnements qui, dans lexistence dune per-sonne, signalent la prsence de lagir ? quoi reconnat-onses actes ou les choses quil a faites, par opposition auxchoses qui lui sont simplement arrives? Quelle est lamarque distinctive de ses actions? (Actions and Events,p. 43, tr. fr. p. 67)

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    La difficult, pour Davidson comme pour Austin, dunedfinition gnrale de lagency est prcisment la difficult ranger des vnements spcifiques sous la catgorie : action.

    Les philosophes semblent souvent penser quil doit yavoir un rvlateur grammatical simple de lagir, mais onnen a dcouvert aucun. Jai drogu la sentinelle, jaicontract la malaria, jai dans, je me suis vanoui,Durand a reu de moi un coup de pied, jai survcu Dupond : cette srie dexemples peut montrer quune per-sonne nomme comme sujet dans ces phrases lactif oucomme objet dans des phrases au passif peut ou ne peutpas tre lagent de lvnement rapport. (Ibid. 44, 68)

    Un moyen de dfinir laction et lagency serait alors din-troduire le concept dintention comme la fait toute uneligne de rflexion sur laction (Anscombe, Geach,Kenny). Chez Davidson comme chez les thoriciens inten-tionalistes, la question de lagency est alors efface au pro-fit dune rflexion sur la causalit des actions et sur larti-culation du mental au physique. Le dbat entre ces deuxgrands courants de rflexion sur laction, comme le noteDescombes, porte ainsi sur la ralit ontologique de lac-tion. Mais au-del de ce dbat, ou en de, reste la ques-tion, point de dpart de ces rflexions sur laction et lin-tention : y a-t-il une dfinition ou un critre de lagency ?

    La varit des excuses met en vidence limpossibilitde dfinir de faon gnrale lagency et la subjectivit delaction autrement que dans le dtail et la diversit de nosmodes de responsabilit et dexplication. Laction est pr-

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    cisment ce dont on peut sexcuser, ce quon ne fait pasexactement : voir le texte dAustin Three ways of spillingink, et la conclusion de son article Pretending, quil inscritdans un projet plus gnral de description des ratages desactions et du mode dagentivit de ces checs :

    Le projet long terme de classifier et de clarifier toutesles faons possibles de ne pas exactement faire quelquechose, qui doit tre men terme si nous voulons un jourcomprendre adquatement ce que cest que faire quelquechose. ( Feindre , Pretending, p. 271)

    Lexistence des excuses montre, outre la pluralit et lhumanit de lagency, sa passivit (lexcuse voulanttoujours dire dune certaine faon : ce nest pas moilagent). Comme le dit Cavell propos dAustin :

    Que rvle, des actions humaines, le fait que cetteconstellation des prdicats dexcuse soit constitue pourelles quelles puissent tre accomplies de manire nonintentionnelle, sans le vouloir, involontairement, sans ypenser, par inadvertance, par inattention, par ngligence,sous influence, par piti, par erreur, par accident, etc. ?Cela rvle, pourrions-nous dire, la vulnrabilit sans finde laction humaine, son ouverture lindpendance dumonde et la proccupation de lesprit. (A pitch of phi-losophy, Harvard University Press, 1994, p. 87)

    Lintrt de la rflexion dAustin est quelle exclut detoute faon comme celle de Wittgenstein la solution

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    trop aise qui consisterait dfinir lagency par la prsencedune volont mtaphysique ou subjective, ou dun artistedans les coulisses . Agency forme alors un couple intres-sant avec performance, et dterminerait une polarit diff-rente, dans le champ de laction, que le couple actif/passif.La dualit de la russite et lchec (mise en place par Austin propos de ces actions particulires, ni actives ni passives,que sont les Speech acts) dfinit ainsi lagency.

    Lagency nest pas une qualification gnrale de laction,mais la marque de son indfinissabilit et de son dcentre-ment. Le mot agency brouille le couple actif passif commele couple cause-effet. Le passif, dont la place est plusimportante en anglais quen franais, nest pas toujours unretournement de lactif, et ne dcrit pas un subir ,comme le montre supra la remarque de Davidson. Plusremarquablement, dans le passif anglais, on assiste souvent la pure et simple disparition de lagent, le passif devenantla forme privilgie de description dune action. Un teleffacement de lagent gnralise le phnomne de diathsercessive (perte de lactant) dont Descombes, la suitedAnscombe, fait aujourdhui grand usage (cf. avant leComplment, Descombes, Laction ), p. 143-146. On asouvent remarqu en anglais une double orientationactive/passive dun certain nombre de verbes, source dedifficult pour le traducteur mais caractristique de lam-bivalence de lagency, comme dans lexpression : this bookreads well, you feel good. Tout se passe dans la langueanglaise comme si la distinction entre passif et actif sedfaisait, comme si le passif tait une dimension essentiellede lagency et non une inversion de laction.

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    Cest ce que montre aussi une srie dusages plus spci-fiques. Le vocabulaire de lagency dans le domaine du droitet de lconomie permet de dcrire des modes daction quisont en quelque sorte par procuration , accomplis parquelquun la place de quelquun dautre. Ce nest pas laction sans sujet que Ricur reproche Davidsondinstituer, mais une action dont le sujet nest pas o on lepense, pas chez lagent. On vite ainsi de retomber dans lavision ricoeurienne dun sujet moralis de laction, tout enprservant le lien entre action et langage, par la notiondexpression.

    Action, description et expression

    On peut encore une fois opposer formes de vie et formesde vie : on affaire au tourbillon de notre vie dans le lan-gage, arrire-plan de description de nos expressions, non des rgles sociales que nous serions plus ou moins incli-ns suivre .

    Cette structure expressive, selon Taylor, senracine dansune forme de vie indissolublement naturelle et sociale.Cest la forme de vie qui dtermine la structure de notreaction, en est le cadre de description.

    Le langage devient dans cette perspective une structuredactivit au moyen de laquelle nous exprimons/ralisonsune certaine faon dtre au monde. Cette structure nepeut tre mise en uvre que sur le fond dun arrire-planque nous ne pouvons jamais dominer compltement, carnous le remodelons sans arrt, sans dominer et sans pou-

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    voir avoir de vue densemble. (Taylor, Le langage et lanature humaine )

    Cest le point o merge ce statut de la subjectivit delaction, dfini par cet intrt spcifique, expressif, quon a ce quon dit ou fait : cette coordination , ditWittgenstein, diffrente entre dune part le moi et sesmots et actions, dautre part entre le moi et les mots etactions des autres.

    Jai une attitude entirement diffrente envers mes motsde celle des autres personnes (LS II, 9, et aussi PU II, 192)Je ne les coute pas de faon apprendre quelque chosede moi-mme. Ils ont une relation compltement diff-rente mes actions quaux actions des autres. (LS II, 9)Mes mots sont parallles mes actions, les siens auxsiennes.Une coordination diffrente (LS II, 10)

    La question, point central du Tractatus, dune coordi-nation entre le langage (ce que je dis) et le monde, coordi-nation qui se montre (ne peut tre dite ni exprime) dans lelangage, revient sous la forme dun questionnement sur lapossibilit dune coordination entre le je et ce que je disou fais. Comme si la question du sujet du langage celle,dans le Tractatus, du langage que je suis seul comprendreou parler, cf. PU 243 ntait plus celle (solipsiste, ettranscendantale) du monde comme tant mon monde,mais celle du sujet de laction en tant que sujet (sceptique)de lexpression humaine.

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    Mes mots ne sont autres que mes expressions de ma vie ;et je ragis aux mots des autres comme des expressionsdeux : autrement dit, je ne ragis pas seulement ce queleurs mots veulent dire, mais galement ce queux veu-lent dire par ces mots. Je considre quils veulent dire(quils impliquent ) quelque chose dans leurs mots, oupar leurs mots ; ou bien quils parlent ironiquement, etc.Il se peut naturellement que mes expressions et mes rac-tions ne soient pas exactes. Imaginer une expression(faire lexprience de la signification dun mot), cestlimaginer donnant expression une me. []

    Lide contenue dans lallgorie des mots, cest que lesexpressions humaines, la silhouette humaine doivent,pour tre saisies, tre lues. Connatre un autre esprit, cestinterprter une physionomie, et ce passage des Recherchesnous fait savoir que ce nest pas l affaire de pure etsimple connaissance . Je dois dchiffrer la physionomie,mon regard sur la crature sera fonction de ma lecture, etje la traiterai selon ce que jaurai vu. Le corps humain estla meilleure image de lme humaine non pas tantparce quil reprsente lme, mais parce quil lui donneexpression. (Cavell, VR)

    Ce qui est dcrit ainsi sur un mode sceptique chezCavell lest sur un mode plus positif et hermneutique par Taylor, mais lun et lautre aboutissent un question-nement social sur lexpression mutuelle, et lexpressionvritable comme activit collective inscrite dans la formede vie, manifestation directe de nos dsirs : cest alors que

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    la question phnomnologique des annes trente, celle durapport rel phnomne, se traduit trs directement dansles derniers textes en celle de lexpression de lintrieur parlextrieur (versant individuel) mais aussi en celle de lex-pression du sujet par (et pas seulement dans) le social.

    Pour reconnatre rciproquement notre disposition communiquer, prsuppose dans toutes nos activitsexpressives, nous devons tre capables de nous lire lesuns les autres. Nos dsirs doivent tre manifestes pour lesautres. Cest le niveau naturel de lexpression, sur lequelrepose lexpression vritable []. La mimique et le stylesappuient l-dessus []. Mais il ny aurait rien sur quoisappuyer si nos dsirs ntaient pas incarns dans lespacepublic, dans ce que nous faisons et essayons de faire, danslarrire-plan naturel du dvoilement de soi, que lex-pression humaine travaille sans fin. (Taylor, Lactioncomme expression ).

    Taylor a une vision plus positive et directe de la com-munication, de notre style dexpression dans laction,Cavell sest intress linexpression. Mais lide est lamme. Ainsi se dcouvre une source de lide de langagepriv : nous prfrons lide que notre priv est inacces-sible, plutt que de reconnatre la nature de ce priv, dtrepris dans une structure dexpression, de dvoilement de soinon plus volontaire, mais passif, fatal. Accepter lexpres-sion, cest accepter la ralit de lextriorit (corporelle) duvouloir-dire et de lexpressivit naturelle du corps. Lecorps humain est la meilleure image de lme humaine

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    non pas en tant quil la reprsente ou la possde, mais entant quil lui donne expression. Cela, comme le rapportintrieur extrieur ainsi redfini, fait partie de notre formede vie (cest cela, le donn), ce qui doit tre accept .Reconnatre ce rapport grammatical intrieur/extrieur,

    Cest galement reconnatre que vos expressions vousexpriment, quelles sont vous, et que vous tes en elles.Cela signifie que vous vous autorisez tre compris,chose que vous pouvez toujours refuser. (VR, p. 551).

    Cest ce qui fait le fond naturel de lexpression, qui estcelui mme de la feinte et de limitation de subtilits dansle ton, le regard, le geste (LSI 936). Wittgenstein note propos de lexpressivit du geste et de la tonalit :

    Quun acteur puisse reprsenter la tristesse montre le carac-tre incertain de lvidence, mais quil puisse reprsenter latristesse montre aussi la ralit de lvidence. (LS II p. 67)

    Il ny a donc plus de sens opposer forme de vie/sociale(ou grouillement de la forme de vie) et subjectivit, parceque le sujet de laction est ce sujet de lexpression, et dcrire comme tel. Ce sont les modes grammaticaux de ladescription (description de nos manires de dcrire, despossibilits de phnomnes) qui font merger cette subjec-tivit sur larrire- plan de nos formes de vie.

    Nous jugeons une action daprs son arrire-plan dans lavie humaine []. Larrire-plan est le train de la vie. Et

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    notre concept dsigne quelque chose dans ce train. (BPPII, 624-625)

    Comment pourrait-on dcrire la faon dagir humaine ?Seulement en montrant comment les actions de la diver-sit des tres humains se mlent en un grouillement ? Cenest pas ce quun individu fait, mais tout lensemblegrouillant (Gewimmel) qui constitue larrire plan surlequel nous voyons laction ( 629 ; cf. Zettel, 567).

    Une faon de prolonger le travail de Descombes seraitde reconstruire la subjectivit sur le modle de lagency,comme un trait des phnomnes humains et sociaux (sub-jectness ? subjectcy ?) quil nous resterait dcrire. Lagencyindique autant une passivit, une disposition la soumis-sion des actions un ordre expressif. Ici cest Goffman lesuccesseur de Wittgenstein dans sa dfinition du sujet parson expression sociale, dans le rel extrieur.

    Ce que lindividu est pour lui-mme, il ne la pas invent.Cest ce que les autres qui comptent pour lui ont fini parconsidrer quil devrait tre, ce comme quoi ils ont finipar le traiter et par suite, ce comme quoi il doit lui-mmese traiter sil veut tre en rapport avec les rapports quilsont avec lui. (Les relations en public, Mise en scne de la viequotidienne 2, p. 263)

    On sait quel point Goffman, dans son analyse de lin-teraction, est attentif tous ces moments de rupture par les-quels la reprsentation sociale se dfait dans la gne, parce

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    que le sujet se dfinit, non par un intrieur, mais par uneface sociale quil maintient dans le cours de ses actions. Laface tant la valeur sociale positive quune personnerevendique effectivement travers la ligne daction que lesautres supposent quelle a adopte au cours dun contactparticulier (Goffman 1974, p. 9). Lindividu se dfinit parle social au sens o non seulement ses actions, mais les v-nements autour de lui se conforment sa face sociale.

    Ds quelle pntre dans une situation o elle reoit unecertaine face garder, une personne prend la responsabi-lit de surveiller le flux des vnements quelle croise. Elledoit sassurer du maintien dun certain ordre expressif,ordre qui rgule le flux des vnements, importants oumineurs, de telle sorte que tout ce quils paraissent expri-mer soit compatible avec la face quelle prsente.(Goffman 1974, p. 13)

    Cest cet ordre expressif de laction sociale qui permet demaintenir la subjectivit, face aux critiques de Descombes elle nest plus dans le sujet connaissant, ni dans le sujetmoral : elle est capacit exprimer notre relation la socitet aux institutions dans nos actions. Capacit qui est, on lesait, au cur de lanalyse de Descombes. La subjectivit semaintient comme capacit sexprimer dans laction, prendre en compte lesprit de lautre, capacit de lecturemutuelle et sociale des expressions dautrui.

    Bref, chaque fois que nous entrons en contact avecautrui, que ce soit par la poste, au tlphone, en lui par-

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    lant face face, voire en vertu dune simple coprsence,nous nous trouvons avec une obligation sociale : rendrenotre comportement comprhensible et pertinentcompte tenu des vnements tels que lautre va srementles percevoir. Quoi quil en soit par ailleurs, nos actesdoivent prendre en compte lesprit dautrui, cest--dire sacapacit lire dans nos mots et nos gestes les signes de nossentiments, de nos penses et de nos intentions. Voilqui limite ce que nous pouvons dire ou faire ; mais voilaussi ce qui nous permet de faire autant dallusions aumonde quautrui peut en saisir. (Goffman 1987, p. 270)

    On a vu que pour Austin, nous ne savons pas ce que cestquune action, et les philosophes qui rflchissent laquestion en termes gnraux se laissent prendre au mythe , selon lequel il y aurait quelque chose , accomplir une action . Exactement ce que Descombesnous dit du sujet. Mais Austin en tirait un projet longterme de classifier et de clarifier toutes les faons possiblesde ne pas exactement faire quelque chose . On pourrait ainsidfinir, partir des critiques de Descombes mme, un pro-jet de clarifier et classifier toutes les faons possibles de nepas exactement tre celui qui (noublions pas que leComplment de sujet part de la question qui ?).

    Vers la fin de son livre, prs avoir parl des raisons(varies) quon a daccepter les rgles (ou non), Descombescrit : Il y a de multiples raisons pratiques pour lesquelleson peut tre amen dcider de ne pas suivre telle coutumepourtant bien tablie, de ne pas se conformer telle rglede ltiquette, de ne pas reconnatre tel droit acquis. Ainsi

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    nous navons pas nous mettre en qute dun motifunique pour toutes les conventions humaines. (p. 464).On citera encore une fois Goffman (qui avait le plus grandintrt pour la thorie austinienne sur les excuses, en lienavec son obsession des ruptures et transgressions de rgles). Cette tendance interprter les actes comme des symp-tmes confre une qualit expressive et indicative mme des actions tout fait matrielles, car elles rvlent la rela-tion gnrale que leur auteur entretient une rgle donneet par extension, sa relation au systme de rgles. (Goffman 1973, p. 103). Ces raisons pratiques, ces styleset manires de (ne pas, pas tout fait, ou mal) faire quinous expriment naturellement, dans nos allusions pratiquesau monde, sont bien le lieu de la subjectivit. Reste lesdcrire mais cest le moment o les explications gramma-ticales viennent peut-tre leur fin.

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