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1 Segments introducteurs de discours direct et repérages énonciatifs en latin biblique : éléments pour une étude diastratique et diachronique Lyliane SZNAJDER (Université Paris-Ouest Nanterre, Centre Ernout) [email protected] Qu’il soit inséré dans un récit, partie d’un échange dialogué, ou enchâssé en abîme dans un autre discours rapporté, le DD, forme propositionnelle explicitement marquée de la parole d’autrui, se définit d’abord par des rattachements énonciatifs spécifiques d’autres marques, qui guident le lecteur/auditeur dans l’assignation de la source énonciative. Les lecteurs modernes sont en outre habitués à repérer visuellement le DD grâce à des marqueurs textuels externes spécifiques, les signes de ponctuation, tirets, guillemets, les fameux « deux points ouvrez les guillemets » dont l’usage s’est progressivement et plus ou moins codifié depuis la naissance de l’imprimerie 1 . L’absence de ces soutiens typographiques dans les textes anciens conduit à porter une attention accrue aux phénomènes discursifs de bornage identifiant formellement le discours direct, et notamment au segment introducteur gauche du dire représenté, segment comprenant, explicitement ou implicitement, l’indication de la source de l’acte d’énonciation représenté, et la précision, par un verbe de parole, qu’il s’agit bien d’un acte d’énonciation. À ce propos, on remarquera que l’essor du DD libre et le développement contemporain de verbes introducteurs sans lien direct avec des verbes de dire 2 (ex. 1) sont sans doute favorisés par l’usage moderne de ces marqueurs typographiques (souvent associés à la position en incise du verbe non déclaratif) 3 . 1 Sur l’histoire de la ponctuation, et entre autres de la ponctuation des discours cités, voir entre autres MARCELLO-NIZIA (1978 : 40-41), BRANCA-ROSOFF (1993 : 178-202), CATACH 1994). On s’accorde par ex. à dater l’apparition des guillemets au 16° s. (CATACH 1968 : 299). 2 Développement particulièrement frappant dans le domaine journalistique (cf. NITA 2011). 3 B.VÉRINE 2005 a relevé plus de 265 verbes introducteurs de DD en Français contemporain.

Segments introducteurs de discours direct et repérages ...lettres.sorbonne-universite.fr/IMG/pdf/DLL11_SZNAJDER.pdf · De façon générale, on peut classer les verbes introducteurs

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    Segments introducteurs de discours direct et

    reprages nonciatifs en latin biblique : lments

    pour une tude diastratique et diachronique

    Lyliane SZNAJDER

    (Universit Paris-Ouest Nanterre, Centre Ernout)

    [email protected]

    Quil soit insr dans un rcit, partie dun change dialogu, ou enchss

    en abme dans un autre discours rapport, le DD, forme propositionnelle

    explicitement marque de la parole dautrui, se dfinit dabord par des

    rattachements nonciatifs spcifiques dautres marques, qui guident le

    lecteur/auditeur dans lassignation de la source nonciative.

    Les lecteurs modernes sont en outre habitus reprer visuellement le

    DD grce des marqueurs textuels externes spcifiques, les signes de

    ponctuation, tirets, guillemets, les fameux deux points ouvrez les

    guillemets dont lusage sest progressivement et plus ou moins codifi

    depuis la naissance de limprimerie1.

    Labsence de ces soutiens typographiques dans les textes anciens conduit

    porter une attention accrue aux phnomnes discursifs de bornage

    identifiant formellement le discours direct, et notamment au segment

    introducteur gauche du dire reprsent, segment comprenant,

    explicitement ou implicitement, lindication de la source de lacte

    dnonciation reprsent, et la prcision, par un verbe de parole, quil

    sagit bien dun acte dnonciation. ce propos, on remarquera que

    lessor du DD libre et le dveloppement contemporain de verbes

    introducteurs sans lien direct avec des verbes de dire2 (ex. 1) sont sans

    doute favoriss par lusage moderne de ces marqueurs typographiques

    (souvent associs la position en incise du verbe non dclaratif)3.

    1 Sur lhistoire de la ponctuation, et entre autres de la ponctuation des discours cits, voir

    entre autres MARCELLO-NIZIA (1978 : 40-41), BRANCA-ROSOFF (1993 : 178-202), CATACH

    1994). On saccorde par ex. dater lapparition des guillemets au 16 s. (CATACH 1968 :

    299).

    2 Dveloppement particulirement frappant dans le domaine journalistique (cf. NITA

    2011).

    3 B.VRINE 2005 a relev plus de 265 verbes introducteurs de DD en Franais

    contemporain.

  • 2

    (1)Danina sanglote : Je vais plus sortir, je vais rester prs de ma

    grand-mre . Le procureur rigole : Ces larmes de crocodile, je les

    ai vues au moins 3 ans ! Cest remarquable, elle ne vieillit pas !

    (extraits de Carnets de justice de D.Simonnot, Libration 25-4- 2005,

    cits par R. Nita 2011)

    Seront tudis ici les divers procds dannonce et de dmarcation

    gauche du discours direct en latin biblique. Quil soit insr dans la

    narration, ou partie dun change dialogu, ou enchss dans un autre

    DD, le DD est le type de discours rapport de loin le plus reprsent dans

    le texte biblique. Les innombrables prises de paroles constituent la trame

    du texte ; la mise en scne des personnages se fait travers les changes

    dialogus4, et trs souvent laction y dpend et dcoule dun dire

    pralable. Ltude des segments introducteurs sera mene dun point de

    vue contrastif, travers les diffrences entre les deux traductions latines

    successives de la Bible, les Vieilles Latines et la traduction de Jrme,

    assimile par simplification abusive la Vulgate : la divergence sur les

    textes sources se superpose en effet une diffrence dans le registre de

    langue, plus littraire chez Jrme, plus proche du parler quotidien

    ambiant et plus formulaire aussi dans les Vieilles Latines. Lenqute

    portera galement sur les traits innovants par rapport au latin classique

    dans ces procds de dmarcation gauche du DD, sur leurs sources, et sur

    linfluence exerce par le latin biblique dans ce domaine sur le latin

    chrtien et le latin tardif.

    On notera quil est une forme de disposition typographique propre au

    texte de Jrme, en tout cas un certain nombre de ses manuscrits, et

    reproduite dans les ditions modernes de la Vulgate, dont on pourrait

    croire quil contribuerait ventuellement la dlimitation discours citant-

    discours cit. Cest la disposition prconise par Jrme en cola et

    commata5, quil prsente comme une aide la comprhension et la

    lecture.

    (2)(Hic liber) per cola scriptus et commata, manifestiorem sensum

    legentibus tribuit. (prol. Ezech.)

    4 Sur la citation de paroles comme moyen utilis par le narrateur biblique pour

    caractriser les personnages, cf JOOSTEN (2001 : 233).

    5 Sur cola et commata chez Jrme, voir PETITMANGIN (1985 : 104-106). Dans sa prface

    la traduction dIsae, Jrme invoque des prcdents dans les ditions de Dmosthne

    et de Cicron.

  • 3

    Le dispositif en question regroupe en courtes lignes successives les

    squences formant une unit smantique. Mais cette prsentation

    textuelle ne peut pas systmatiquement servir la dmarcation du DD

    car souvent un mme colon associe plutt le segment introducteur et le

    DD qu'il introduit :

    (3) qui ait non comedam donec loquar sermones meos

    respondit ei loquere

    at ille seruus inquit Abraham sum (gen. 24, 33-34)

    Il dit : Je ne mangerai pas avant davoir dit ce que jai dire

    Il lui rpondit : Parle

    Et lui de dire : Je suis le serviteur dAbraham

    Dans ces conditions, le segment introducteur semble tre le ncessaire

    marqueur des diverses prises de parole. Cette tude des segments

    introducteurs de DD sarticulera en 2 temps : dans une premire partie

    seront examines et analyses les diffrences entre les procds

    introducteurs des Vieilles Latines et ceux de Jrme ; dans une deuxime

    partie seront tudies les formes spcifiques de sur-marquage et de

    duplication du Dire introducteur propres aux deux traductions bibliques et

    leur extension par-del le domaine biblique initial.

    1.PROCDS DANNONCE DU DD ET CARACTRISTIQUES DES SEGMENTS

    INTRODUCTEURS ; DIFFRENCES ENTRE LES 2 TRADUCTIONS BIBLIQUES

    1.1. Place du discours citant et de ses constituants

    Insr dans la trame du rcit, le DD du latin biblique est toujours introduit

    par un segment propositionnel antpos ou plus rarement en incise,

    spcifiant explicitement la source de lacte dnonciation.

    1.1.1. Rappel sur les places et formes du discours citant en latin classique

    et imprial

    De faon gnrale en latin, et avec bien plus de libert quen latin

    biblique, un segment introducteur propositionnel pouvait prcder le DD,

    ou tre insr en incise, ou tre post-pos au discours cit.

    (4) Ille ait: uis est et necessitas, ubi uelim nolim succumbendum est

    mihiDicet alius: necesse mihi erat (Sen. Contr. 9, 3, 8)

  • 4

    (5) Timeo, inquit, ne, si duos licebit creari patricios, neminem creetis

    plebeium (Liv. 6, 40, 19)

    (6a) dialecticam mihi uideris dicere, inquit (Cic. Brut. 153)

    (6b) febrim ut tussim sitim, ait Plinius (Char. 164,19 ed. C. Barwick,

    1964)

    Loption droite des exs 6, moins frquente, implique que le

    lecteur/auditeur ait une apprhension globale de lensemble discours

    citant-cit. Quand le verbe de parole est post-pos, lnonc rapport est

    mis au premier plan et nest pas demble distingu de la narration, ce qui

    peut dailleurs permettre au narrateur ou locuteur initial de laisser un

    temps planer le doute sur linstance validante ; dans le texte de Charisius

    (6b), le grammairien cite certes sa source, mais au dernier moment.

    Dans loption mdiane, la plus frquente (ex.5), le verbe de dire est seul

    en incise ou alors associ son sujet nominal ou pronominal ; en tout cas,

    ses expansions ventuelles ne sont pas en incise ; elles sont initiales (voir

    7a) ; une situation frquente est la disjonction Sujet initial V en incise, et

    les expansions sont toujours disjointes du verbe, juxtaposes au sujet

    initial (7b) :

    (7a) Quantum maxima uoce potuit : quem nunc, inquit, Roma

    uirum fortissimum habet, procedat (Liv. 7, 9, 8)

    (7b)Tum dictator silentio facto: utinam, inquit, mihi patribusque

    Romanis ita de ceteris rebus cum plebe conveniat (Liv. 6, 15, 4)

    La place des expansions est donc diffrente de celles des incises du

    Franais moderne par ex.:

    (8) Eh bien ! Monsieur, lui dit-il enfin avec un soupir et de lair

    dont il et appel le chirurgien pour lopration la plus

    douloureuse, jaccde votre demande (Stendhal, Le Rouge et le

    Noir, Paris, Gallimard Folio Classique, 2000, p. 116)

    Il y a un quatrime cas de figure possible : le DD peut aussi tre insr

    sans segment introducteur, notamment dans un change dialogu; mais

    la ncessit didentifier clairement le L limite fortement lemploi de ces

    discours directs non introduits en latin.

    (9)- subduxisti te, inquam, a praeceptoris colloquio. -quid ego, homo stultissime, facere debui, cum fame morerer?

    (Petr. 9.9 10. 1)

    Une solution intermdiaire est un segment introducteur sans verbe de dire

    mais dans lequel seul le locuteur est spcifi :

  • 5

    (10a) At ille : Vicisti; ista enim aui uolat nulla uehementius. (Cic. diu.

    2, 144)

    (10b) Tum Romanus legatus: Totam orationis meae formam

    Macedones primum, deinde Athenienses mutarunt (Liv. 31, 31, 1)

    (10c) Ergo igitur senex ille : Veritatis arbitrium in diuinam

    prouidentiam reponamus. (Ap. met. 2, 28,1)

    1.1.2. Le latin biblique limite fortement les variations dans la forme et la

    place des discours citants et de leurs constituants

    Les DD du texte biblique en revanche sont toujours explicitement

    introduits par un verbe de dire, gnralement antpos ou plus rarement

    plac en incise :

    (11) Et adpropinquans ait numquid perdes iustum cum impio ?

    (gen. 18, 23) (12) Et ille noli inquit nos relinquere (num. 10, 29)

    La postposition dun segment citant est exceptionnelle :

    (13)Sanusne est? inquit ; ualet, inquiunt (gen. 29, 6).

    La parole cite dans le cours du rcit doit tre explicitement attribuable6 ;

    Jrme rejette donc de sa traduction des formes non marques du

    discours dautrui, comme les lots textuels prdicatifs de lex. 14. Ce rejet

    est moins systmatique dans la premire traduction biblique. Jrme

    prfre recourir une forme totalement explicite de DD avec linsertion

    dun segment introducteur dicens (14 b) absent des textes sources et des

    Vieilles Latines (14 a).

    (14) gen. 41, 51-52 :

    (14a) VL (ap. Hier. Quaest. (Cl. 0580 (ed. Lagarde) p. 61, l. 15-17)

    Vocauit autem Ioseph nomen primogeniti Manasse, quia obliuisci me

    fecit Deus omnium laborum meorum ... Nomen autem secundi uocauit

    Ephraim, quia crescere me fecit Deus in terra humilitatis meae. Joseph appela lan Manass parce que Dieu ma fait oublier

    toutes mes peines ; il appela le second Ephram parce que Dieu ma fait prosprer sur le sol de mes misres

    Vs.

    (14b) Vulgate :

    6 Si lambigit dans lattribution du dire est rejete dans le cadre du rcit, en revanche

    (cf. infra), elle est tolre voire recherche dans la parole relaye ou enchsse en

    abime.

  • 6

    Vocauitque nomen primogeniti Manasse, dicens : obliuisci me fecit

    Deus omnium laborum meorum ; nomen quoque secundi appellauit

    Ephraim, dicens : crescere me fecit Deus in terra paupertatis meae.

    Il appela lan Manass, en disant : Dieu ma fait oublier toutes mes peines ; il appela le second Ephram, en disant : Dieu ma fait

    prosprer sur le sol de mes misres.

    1.2. Procds dattribution du dire dans les dialogues : VL vs.

    Jrme

    Lidentification des tours de parole dans les dialogues ne repose pas sur

    les mmes procds dans les deux traductions bibliques. Les diffrences

    sont une illustration des formes dannonce du discours direct propres un

    style oral et formulaire dun ct, et un registre plus conforme lcrit

    standard de lautre.

    1.2.1. Vieilles Latines : ambiguts de lhyperonyme DIRE ; anaphores

    lexicales et non pronominales

    De faon gnrale, on peut classer les verbes introducteurs de discours

    rapports en deux grandes catgories smantiques :

    -soit ils appartiennent la classe des hyperonymes de dire , le locuteur initial se contentant dintroduire loccurrence de parole (par ex. en latin dicere, ait, inquit).

    (15) et adpropinquans ait : numquid perdes iustum cum impio ? (gen. 18, 23)

    -soit ils vhiculent en outre une valuation du narrateur sur lacte de

    parole second7, faon de profrer les paroles (crier, chuchoter), formes

    internes ou intersubjectales de la communication, tapes de

    largumentation ou de la relation dialogale (affirmer, rpliquer, ajouter,

    conclure), contenu modal de la parole profre (ordonner, interroger).

    1.2.1.1. Les premires traductions bibliques latines prsentaient, dans le

    sillage fidle de leur source grecque8, peu de diversit et de prcision

    dans les verbes introducteurs : c'est lhyperonyme dire qui tait

    7 A propos des verbes introducteurs vhiculant un jugement qualitatif du narrateur sur la

    parole cite, voir particulirement le classement de DELAVEAU (1988 : 127-128). Divers

    autres classements ont t proposs (voir VRINE 2009).

    8 Et en amont de celle-ci, dans le sillage de la source hbraque.

  • 7

    rptitivement utilis, au besoin sans sujet morphologiquement exprim,

    sans quil y ait alors identification ou r-identification explicite du locuteur

    secondaire. D'o une ambigit potentielle sur lattribution du dire leve

    par le seul contenu des propos.

    Le dialogue entre Jacob et lange lissue de leur combat (gen. 32, 26-

    30), est donn ci-dessous, avec son accumulation de dixit introducteurs,

    dans deux versions du texte vieux latin :

    (16) gen. 32, 26-30 :

    (16a) VL1 (ap. Aug. c. Maximin. 2, 9, PL 42, col. 810) :

    Et dixit illi: Dimitte me; ascendit enim aurora. Ille autem dixit : Non

    te dimittam, nisi me benedixeris. Dixit autem ei : Quod est nomen

    tuum? Ille autem dixit: Iacob. Et dixit ei : Non uocabitur amplius

    nomen tuum Iacob; sed Israel erit nomen tuumRogauit autem eum

    Iacob dicens : Enuntia mihi nomen tuum. Et dixit : Quare hoc

    interrogas tu nomen meum?

    (16b) VL2 (ap.Nouatian. trin.19, 7, CC 4, (Diercks) 1972, p. 49) :

    Et dixit ei: Dimitte me, ascendit enim Lucifer. Et ille dixit : Non te

    dimittam, nisi me benedixeris. Et dixit : Quod est nomen tuum? Et ille

    dixit : Iacob. Dixitque ei : Non uocabitur iam nunc nomen tuum

    Iacob, sed Israel erit nomen tuum

    Il lui dit : "Laisse-moi aller car l'aube s'est leve". L'autre lui dit: "Non,

    je ne te laisserai pas aller que tu ne m'aies bni." Il lui dit : "Quel est

    ton nom?" L'autre lui dit : "Jacob". Il lui dit: "On ne t'appellera plus du

    nom de Jacob mais Israel sera ton nom." Jacob l'interrogea et lui dit :

    "Dis-moi ton nom". Il dit : "Pourquoi me demandes-tu mon nom?"9

    1.2.1.2. Lidentification des locuteurs dans les tours de parole se fait par

    la rptition lexicale.

    9 Les deux textes sources en amont, hbreu originel, puis grec de la Septante,

    prsentaient la mme accumulation dhyperonymes dire :

    HBTM : Et il dit ( wayyomr ) : " Renvoie-moi car laurore est monte" . Et il dit

    ( wayyomr ) : " Je ne te renverrai pas avant que tu ne maies bni". Et il lui dit

    ( wayyomr ) : " Ton nom ?". Et il dit ( wayyomr ) : "Jacob". Et il dit

    ( wayyomr ) : "On ne tappellera plus Jacob mais Israel" Jacob linterrogea et dit

    ( wayyomr ) : "Dis, je ten prie, ton nom". Et il dit ( wayyomr ) : "Pourquoi me

    demandes-tu mon nom ? "

    LXX : . ,

    . .

    ,

    .

    ;

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    (17 a) Et dixit Dominus ad Moysen Et dixit Moyses ad Dominum

    Et dixit Dominus : Et dixit Dominus ad Moysen ... Et dixit Dominus : . (ex. 33, 17 -21 ; VL cod. lugd.)

    (17b) Et dixit Moyses ad Ioab filium Raguel Et dixit ad eum

    RaguelEt dixit Moyses (num. 10 29 ; VL cod. lugd.)

    (17 c) Et dixit illi Gedeon et dixit illi Dominus Et dixit Gedeon :ne

    moueas te hincEt dixit : Ecce sedeo (Iud. 6, 14-18 ; VL cod. lugd.)

    Sil ny a pas rptition lexicale, un travail interprtatif est ncessaire pour identifier lauteur dun dire dans un tour de parole ; dans la dernire

    squence de (17c) par ex., (Et dixit : Ecce sedeo), puisque cest Gdon, lexicalement exprim, qui parlait prcdemment et qui adressait une

    requte Dieu : Ne tloigne pas de moi , on en dduit que cest Dieu qui lui rpond en disant Ecce sedeo, Je ne bouge pas.

    1.2.2.Les 3 changements introduits par Jrme dans les segments

    introducteurs : (1) varit des verbes introducteurs prcisant les tours de

    parole, (2) ajout de connecteurs textuels, (3) introduction du maillage

    pronominal anaphorique

    Jrme sest toujours prsent comme un traducteur scrupuleusement

    fidle du texte biblique, affirmant quil ne faut rien changer au texte

    source mme quand on nen comprend pas la ncessit, de peur de perdre

    ou pervertir quelque chose de son caractre sacr10. Ici cependant, sil na

    certes rien retranch, il a en revanche ajout, en sur-traduisant, dans le

    but de clarifier les tours de parole. Sa traduction relve de lexplicitation

    selon la formule de Delcourt (1995 : 47).

    1.2.2.1. Changements dans les verbes introducteurs : verbes prcisant les

    tapes de la relation dialogale substitus lhyperonyme dire des

    textes sources conservs dans les Vieilles Latines

    la place de lhyperonyme dire rptitivement utilis dans les textes

    sources et dans les VL, caractristique dune forme dexpression orale et

    dune littrature formulaire, Jrme a substitu une grille de verbes

    introducteurs prcisant la place quoccupent les paroles dans lchange

    discursif (typiquement : "ajouter" addere, "rpondre" respondere) : dans

    la nouvelle traduction de Jrme, le verbe introducteur non seulement

    signale louverture dun discours cit mais aide lidentification des

    10 Melius est autem in diuinis libris transferre quod dictum est, licet non intellegas quare dictum sit, quam auferre quod nescias (comm. in Ezech. 1,1,13 CC 75, 17)

  • 9

    locuteurs secondaires, addidit signalant ainsi que cest le mme L qui

    poursuit son propos prcdent, respondit quun autre prend la parole.

    (18) Dixitque Abram Domine Deus, quid dabis mihi ?

    ego uadam absque liberis

    addiditque Abram mihi autem non dedisti semen (gen. 15, 2-3)

    Dans le dialogue entre Jacob et lange (gen. 32, 26-30 ; ex. 16a-16b

    supra), Jrme prcise les tours de paroles successifs par des verbes

    introducteurs chaque fois diffrents, dixit, respondit, ait, respondit, inquit,

    interrogauit, respondit:

    (19) Dixitque ad eum Dimitte me iam enim ascendit aurora

    Respondit Non dimittam te nisi benedixeris mihi

    Ait ergo Quod nomen est tibi

    Respondit Iacob

    At ille Nequaquam inquit Iacob appellabitur nomen tuum sed Israhel

    Interrogauit eum Iacob

    Dic mihi quo appellaris nomine

    Respondit Cur quaeris nomen meum (Vulg. gen. 32, 26-30)

    Vs. VL (ex. 16 a-b) : rptition de dixit

    Cette diversit substitue par Jrme la neutralit rpte de

    l'hyperonyme dire des textes-sources, pour signaler les alternances et

    reprises de parole dans les dialogues, est une constante de sa traduction

    (voir gen. 4, 9-10 ; 14, 21-22 ; 15, 2-3 ; 15, 7-9 ; 22, 1-2 ; 24, 23-25 ;

    24, 33-34 etc.).

    Ceci dit, ces verbes introducteurs plus prcis substitus par Jrme

    lhyperonyme dire dcrivent simplement les tours de parole et ne sont

    pas associs un jugement apprciatif ; Jrme garde videmment la

    position neutre du narrateur initial, certes omniscient, en position

    extradigtique, mais laissant parler les personnages et les donnant

    connatre travers leurs seuls propos. Rien qui sapparente un jugement

    du narrateur comme on peut en trouver chez les historiens latins :

    (20) memorabilem illam meritoque laudatam uocem edidit: amici,

    diem perdidi. (Suet. Tit. 7, 2)

    1.2.2.2. Lajout de connecteurs : rursum/iterum vs. at

    On retrouve cette mme volont d'explicitation des relations dialogales

    avec l'insertion dans la traduction de connecteurs absents eux aussi des

    textes-sources : Jrme ajoute rgulirement

  • 10

    -rursum (quoque rursum) ou iterum ou deinceps pour scander les tapes

    du discours et prciser qu'il y a reprise ou poursuite de parole dun mme

    locuteur,

    -et at pour signaler le changement d'interlocuteur.

    (21) gen. 41, 39-41

    (21a) Vulgate : Dixit ergo ad Ioseph

    Quia ostendit Deus tibi omnia quae locutus es

    numquid sapientiorem et similem tui invenire potero ?

    Tu eris super domum meam

    Dicens quoque rursum Pharao ad Ioseph

    Ecce constitui te super universam terram Aegypti

    tulit anulum de manu sua

    vs.

    (21b) textes sources :

    -Texte source hbreu (TM) : Pharaon dit Joseph (wayyomr Paroh

    l- Ysp) : " Puisque Dieu t'a fait connatre tout cela, personne n'est

    aussi intelligent et aussi sage que toi ; c'est toi qui seras la tte de

    ma maison" Pharaon dit Joseph (wayyomr Paroh l- Ysp) :

    "Vois : je t'ai tabli sur tout le pays d'Egypte."

    - Traduction grecque de la LXX :

    ,

    Pharaon dit Joseph : "Puisque Dieu t'a montr tout cela, il n'y a pas

    d'homme plus avis et plus intelligent que toi ; tu seras la tte de ma

    maison" Pharaon dit Joseph : "Voici, je t'tablis aujourd'hui sur tout

    le pays d'Egypte." (trad. M.Harl)

    (22) ex. 33, 17 -21 :

    (22a) Vulg. : dixit autem Dominus ad Mosen

    et uerbum istud quod locutus es faciam

    qui ait ostende mihi gloriam tuam ;

    respondit ego ostendam omne bonum tibi

    rursumque ait non poteris videre faciem meam

    non enim uidebit me homo et uiuet

    et iterum ecce inquit est locus apud me stabis super petram

    Vs. (22b = 17 a) texte VL: Et dixit Dominus ad Moysen Et dixit

    Moyses ad Dominum Et dixit Dominus : Et dixit Dominus ad

    Moysen ... Et dixit Dominus

    javascript:ci(8,'B503B903C003B503BD03')javascript:ci(8,'B403B503')javascript:ci(8,'D503B103C103B103C903')javascript:ci(8,'C403C903')javascript:ci(8,'B903C903C303B703D503')javascript:ci(8,'B503C003B503B903B403B703')javascript:ci(8,'B503B403B503B903BE03B503BD03')javascript:ci(8,'BF03')javascript:ci(8,'D103B503BF03C303')javascript:ci(8,'C303BF03B903')javascript:ci(8,'C003B103BD03C403B103')javascript:ci(8,'C403B103C503C403B103')javascript:ci(8,'BF03C503BA03')javascript:ci(8,'B503C303C403B903BD03')javascript:ci(8,'B103BD03D103C103C903C003BF03C303')javascript:ci(8,'D503C103BF03BD03B903BC03C903C403B503C103BF03C303')javascript:ci(8,'BA03B103B903')javascript:ci(8,'C303C503BD03B503C403C903C403B503C103BF03C303')javascript:ci(8,'C303BF03C503')javascript:ci(8,'C303C503')javascript:ci(8,'B503C303B703')javascript:ci(8,'B503C003B903')javascript:ci(8,'C403C903')javascript:ci(8,'BF03B903BA03C903')javascript:ci(8,'BC03BF03C503')javascript:ci(8,'B503B903C003B503BD03')javascript:ci(8,'B403B503')javascript:ci(8,'D503B103C103B103C903')javascript:ci(8,'C403C903')javascript:ci(8,'B903C903C303B703D503')javascript:ci(8,'B903B403BF03C503')javascript:ci(8,'BA03B103D103B903C303C403B703BC03B903')javascript:ci(8,'C303B503')javascript:ci(8,'C303B703BC03B503C103BF03BD03')javascript:ci(8,'B503C003B903')javascript:ci(8,'C003B103C303B703C303')javascript:ci(8,'B303B703C303')javascript:ci(8,'B103B903B303C503C003C403BF03C503')

  • 11

    (23) gen.24, 33-34 :

    (23a) = (3) Vulg. : qui ait non comedam donec loquar sermones meos

    respondit ei loquere

    at ille seruus inquit Abraham sum

    (23b) HBTM : Il dit (wayyomr): "Je ne mangerai que je n'ai dit

    mes paroles." Il dit (wayyomr): "Parle." Il dit : "Je suis le serviteur

    d'Abraham." .

    (23c) LXX : .

    . .

    Et il dit :" Je ne mangerai pas avant d'avoir parl." Et ils dirent : "Parle

    !" Et il dit : "Je suis le serviteur d'Abraham."

    1.2.2.3. Le rle de lanaphore pronominale dans lidentification des

    locuteurs

    La troisime modification de Jrme relve du maillage anaphorique. la

    rptition lexicale ou lanaphore nulle indistincte des textes prcdents,

    Jrme substitue un maillage anaphorique reposant sur le jeu alternant du

    relatif de liaison, de lanaphorique distal ille11 (ille et jamais un autre) et

    de lanaphore nulle.

    On peut ainsi regarder le jeu crois qui sinstaure entre sujet lexical,

    anaphore nulle, relatif de liaison, ille, dans les exs 24 a et 26 a.

    (24) ex. 3, 4 (dialogue entre Dieu et Mose):

    Et le Seigneur dit : Mose Mose ! ; celui-ci rpondit : Me voici .

    Et le Seigneur lui dit : Ne tapproche pas .

    (24a) Vulg. : Et ait Moses Moses. Qui respondit adsum.

    At ille ne adpropies inquit huc.

    vs.

    (24b) VL (cod. lugd.) : Dominus ait : Moyses Moyses . Qui respondit :

    Adsum. Et dixit illi Dominus : Ne accesseris huc.

    (25) Iud. 6, 14-18 (dialogue entre Dieu et Gdon)

    (25a) Vulg. Respexitque ad eum Dominus et ait

    Vade in hac fortitudine tua et liberabis Israhel

    Qui respondens ait

    Obsecro Domine mi in quo liberabo Israhel ecce familia mea infima

    est

    Dixitque ei Dominus

    Ego ero tecum

    11 Cf. lemploi du pronom dmonstratif cil et jamais cist en A. Fr. pour indiquer un

    changement de locuteur lintrieur dune interaction orale (cf. C.GUILLOT 2012)

    javascript:ci(8,'BA03B103B903')javascript:ci(8,'B503B903C003B503BD03')javascript:ci(8,'BF03C503')javascript:ci(8,'BC03B703')javascript:ci(8,'D503B103B303C903')javascript:ci(8,'B503C903C303')javascript:ci(8,'C403BF03C503')javascript:ci(8,'BB03B103BB03B703C303B103B903')javascript:ci(8,'BC03B503')javascript:ci(8,'C403B103')javascript:ci(8,'C103B703BC03B103C403B103')javascript:ci(8,'BC03BF03C503')javascript:ci(8,'BA03B103B903')javascript:ci(8,'B503B903C003B103BD03')javascript:ci(8,'BB03B103BB03B703C303BF03BD03')javascript:ci(8,'BA03B103B903')javascript:ci(8,'B503B903C003B503BD03')javascript:ci(8,'C003B103B903C303')javascript:ci(8,'B103B203C103B103B103BC03')javascript:ci(8,'B503B303C903')javascript:ci(8,'B503B903BC03B903')

  • 12

    Et ille si inueni inquit gratiam coram te da mihi signum ne recedas

    hinc donec reuertar

    Qui respondit Ego praestolabor aduentum tuum

    vs.

    (25b) (= 17c) VL : et inspexit super illum nuntius domini et dixit ad

    eum et dixit illi Gedeon et dixit illi Dominus et dixit Gedeon et

    dixit

    Dans le systme des anaphoriques, cest ille qui est systmatiquement

    privilgi pour signaler les changements de locuteurs ; mais lintrieur

    dun segment introducteur, pour dsigner lallocutaire qui un locuteur

    sadresse, cest plus souvent ei/ad eum qui est slectionn. Il en dcoule

    que, lorsquun allocutaire devient, son tour de parole, locuteur, de ei/ad

    eum il se transforme en ille. En revanche, le relatif de liaison peut tre

    la fois allocutaire au datif puis locuteur au nominatif.

    Ce systme est toutefois insuffisant lui seul pour assurer une

    identification discriminante des locuteurs dans le tour de parole, comme

    en tmoigne la succession des ille renvoyant conscutivement deux

    locuteurs diffrents en num. 10,29 :

    (26) num. 10, 29-31 Vulg. : Dixitque Moses Hobab filio Rahuhel

    proficiscimur ad locum quem Dominus daturus est nobis ueni nobiscum

    Cui ille respondit

    non uadam tecum sed reuertar in terram meam

    Et ille noli inquit nos relinquere

    Mose dit Hobab fils de Rahuhel : Nous partons . Il (ille1 =

    Rahuhel) lui rpondit : Je ne partirai pas avec toi . Et il ((ille2 =

    Mose) dit : Ne nous abandonne pas .

    Face la monotonie du dire et la ritration lexicale de lidentit des

    sous-locuteurs des VL, ce sont donc ces trois donnes conjointes

    spcifiques de la traduction de Jrme qui assurent la dmarcation des

    tours de parole : les verbes et les connecteurs prcisant les tapes du

    dialogue et le jeu des anaphoriques.

    1.3. Les dires en abime ou enchssements de discours directs

    1.3.1. Les paroles enchsses ou relais de paroles

    Un trait rcurrent des discours rapports dans le texte biblique, li

    limportance accorde la parole transmise et relaye, est que ces

    discours se prsentent souvent en abime, avec des niveaux

  • 13

    denchssement trs complexes, doubles, triples, voire quadruples.

    Souvent le premier acte de parole est directif, un locuteur second

    missionnant le suivant pour parler en son nom, ce qui fait que ce locuteur

    second (L2) rapparat au troisime degr denchssement en tant que

    L4 :

    (27a) gen. 32, 4 : Jacob qui redoute un affrontement avec son frre

    Esa envoie des missaires de paix sa rencontre pour ngocier:

    Praecepitque eis dicens (L2 Jacob)

    Sic loquimini (L3 les missaires) domino meo Esau

    Haec dicit frater tuus Iacob (L4 = L2)

    Apud Laban peregrinatus sum et fui usque in praesentem diem

    Il leur donna des ordres en disant : Parlez ainsi mon seigneur Esa :

    voici ce que dit ton serviteur Jacob : jai sjourn chez Laban et jy

    suis rest jusqu aujourdhui .

    (27 b) lev. 17, 1-2 : Locutus est Dominus (L2) ad Mosem dicens

    loquere (L3) Aaron et filiis Israhel

    et dices ad eos

    iste est sermo quem mandauit Dominus (L4 = L2) dicens :

    (27 c) 2 Sam. 7, 4 : Ecce sermo Domini (L2) ad Nathan dicens

    Vade et loquere (L3 : Nathan) ad seruum meum David

    haec dicit Dominus (L4 = L2)

    numquid tu aedificabis mihi domum ad habitandum ?

    Voici ce que dit le Seigneur Nathan : Va et dis mon serviteur

    David : telles sont les paroles du Seigneur :Me construiras-tu une

    demeure ?

    1.3.2. Sous-locuteurs devenant co-nonciateurs ; ambiguts dans

    lattribution du dire

    1.3.2.1. Sous-nonciateurs devenant co-nonciateurs

    Dans le cadre de cette parole circulante, le rsultat est que frquemment

    les sous-locuteurs successifs en viennent accder dune certaine

    manire au rang de co-nonciateurs, le discours enchss de niveau 3

    pouvant souvent tre pris en charge nonciativement la fois par le L2-L4

    et le L3. Une figure typique cet gard est celle de Mose : dpositaire et

    relais de la parole divine, il participe de cette parole, en devient le co-

    nonciateur, et dans bien des cas le rattachement nonciatif peut se faire

    aussi bien Dieu qu Mose (cf. les remarques de Rabatel 2007 : 92).

    (28) Dixit autem Dominus (L2) ad Mosen

    Dicesque (L3) ad eum ( Pharaon)

    Dominus Deus Hebraeorum misit me ad te dicens (L4 =L2)

  • 14

    Dimitte populum meum ( laisse partir mon peuple vaut pour L2-4

    Dieu et pour L3 Mose) (ex. 7, 14-17)

    (cf. ex.8, 1 ; 8, 20, 9,1 ; 9,13 etc.)

    1.3.2.2. Ambigut possible sur le rattachement nonciatif, au niveau du

    dcodage, en cas denchssements successifs

    Sil ny a pas de co-rattachement possible, alors lambigut peut surgir,

    dans lattribution du dire, quand plusieurs Ps se succdent aprs un

    discours citant enchss de niveau 3 ou 4 : quel segment rattacher une

    P cite qui ne suit pas immdiatement un D citant ? Il faut alors un travail

    interprtatif du rcepteur pour valuer les rattachements nonciatifs :

    (29) ex. 3, 15 :

    dixitque iterum Deus (Deus L2) ad Mosen :

    [D2] haec dices (Mose L3) filiis Israhel :

    [D3 manant de Mose] Dominus Deus patrum uestrorum

    Deus Abraham Deus Isaac et Deus Iacob misit me (me renvoie ici

    Mose L3) ad uos ;

    [Retour D2] hoc nomen mihi (mihi renvoie ici Dieu L2) est in

    aeternum

    Dieu dit encore Mose : Voici ce que tu diras aux enfants dIsral : le

    Seigneur Dieu de vos pres, Dieu dAbraham, Isaac et Jacob, ma

    envoy vers vous ceci est mon nom pour lternit.

    1.3.2.3. Confusion dans le rattachement nonciatif de la part de

    lencodeur en cas denchssements successifs

    De ces enchssements successifs peut aussi natre un embrouillamini

    nonciatif, L2 reprenant son compte des paroles qui auraient dues tre

    rattaches L3 comme dans le passage suivant tir du livre de Josu :

    (30) (L2) Rubenitis quoque ait :

    Mementote sermonis quem praecepit uobis Moses dicens (Mose L3) : Dominus Deus uester dedit uobis requiem et omnem terram ;

    uxores vestrae et filii manebunt in terra quam tradidit uobis Moses trans Iordanem ;

    uos autem transite armati et pugnate pro eis (Ios. 1,12-15) Josu (L2) dit galement aux membres de la tribu de Ruben :

    Souvenez-vous de lordre que vous a donn Mose (L3) en ces termes : le Seigneur votre Dieu vous a accord le repos et toute la

    terre ; vos femmes et enfants resteront dans le pays que vous a donn Mose par-del le Jourdain tandis que vous le traverserez en

    armes et combattrez pour eux

  • 15

    Deux propositions suivent le segment introducteur injonctif enchss

    praecepit Moses dicens : la premire P, descriptive (Dieu vous a accord

    le repos et la terre) est la justification nonciative de la seconde, qui seule

    est injonctive et aurait d tre rattache au propos de Mose (praecepit).

    Or, cest Josu qui semble reprendre linjonction son compte : Vos

    femmes et enfants resteront dans le pays que Mose vous a donns .

    1.3.3. Dire de niveau infrieur annonc par un cataphorique : haec dicit

    (L3/L4) + DD

    Trs souvent un discours plusieurs fois enchss est annonc par un

    cataphorique, pronom ou dterminant nominal, de la srie hic ou plus

    rarement iste, ce qui ne clarifie pas le rattachement nonciatif mais

    annonce doublement le nouveau D cit :

    (27a)Praecepitque eis dicens (L2 Jacob)

    Sic loquimini (L3 les missaires) domino meo Esau

    Haec dicit frater tuus Iacob (L4 = L2)

    Apud Laban peregrinatus sum et fui usque in praesentem diem

    (27b) lev. 17, 1-2 : Locutus est Dominus (L2) ad Mosem dicens

    loquere (L3) Aaron et filiis Israhel

    et dices ad eos

    iste est sermo quem mandauit Dominus (L4 = L2) dicens

    (27 c) 2 Sam. 7, 4 : ecce sermo Domini (L2) ad Nathan dicens

    Vade et loquere (L3 : Nathan) ad seruum meum David

    haec dicit Dominus (L4 = L2)

    numquid tu aedificabis mihi domum ad habitandum ?

    1.3.4. La parole dlgue sans ltre : misit nuntios

    Une expression rcurrente de la parole dlgue, enfin, ne lest pas

    malgr les apparences : cest lexpression misit nuntios o L2 reste en fait

    en position de sur-nonciateur, court-circuitant les messagers L3 comme

    le prouve laccord du participe dicens au singulier la place de nuntios

    dicentes/qui dicerent : la parole nest pas relaye mais nonce au nom

    de L1.

    (28a) misitque nuntios ad regem Edom dicens :dimitte ut transeam

    per terram tuam (Iud. 11, 17)

    (28b) misit ergo Saul nuntios ad Isai dicens : mitte ad me David (1

    reg. 16, 19)

  • 16

    2. LES SEGMENTS INTRODUCTEURS SURMARQUS : AUX SOURCES DU

    BIBLISME DIXIT DICENS

    2.1. Sur les formes de surmarquage dun dire introducteur en latin

    2.1.1. On observe tout au long de la Latinit, de faon sporadique mais

    continue, des phnomnes de redondance expressive ou intensive dans le

    dire introducteur, soit par relais hyponyme-hyperonyme, soit par

    ritration synonymique de deux hyperonymes. Le deuxime verbe est

    dans tous les cas inquit en incise.

    2.1.1.1. Relais hyponyme-hyperonyme :

    (29a) Vbi ab[i]it, conclamo: heus, quid agis tu, inquam, in tegulis?

    (Plaut. Mil. 178)

    (29b) Ibi ante signa Sex. Tullius, de quo ante dictum est, exclamat:

    Aspice, imperator, inquit, quem ad modum exercitus tuus tibi

    promissa praestet (Liv. 7, 16, 5)

    (29c) Et uicinus ita respondit : Vt ager, inquit, mundus purusque

    fiat(Gell. 19, 12, 8)

    (29d) longe maiore nisu clamauit: taces, inquit, gladiator obscene

    (Petr. 9, 7-8)

    2.1.1.2. Ritration dun hyperonyme :

    (30a)cum de iure diceret, dixit : Sub arbitrio, inquit, patris es (Sen.

    contr. 2, 1, 19)

    (30b) Silo Pompeivs dixit: Filia, inquit, mihi conscia est (Sen. contr. 9,

    6, 17)

    La duplication du dire est le plus souvent un signe de la langue familire ;

    elle na pas forcment pour vocation dinsister sur la r-identification du

    locuteur dans un dialogue ; le surmarquage insiste plutt sur le dire lui-

    mme (do un emploi dans la langue du droit).

    2.1.2. Ces phnomnes de redondances sont toujours observables en latin

    tardif o ils prolongent formellement le schma latin prcdent avec inquit

    en incise reprenant un verbe de dire antrieur :

    (31a) Et stupentibus omnibus ait : Quando, inquit, producimur ad

    uaccam illam nescio quam? (Pass. Perp. 20, 8 ; Amat SC 417,1996)

    (31b) Cumque haec mihi recitare iussisset, ait: Sic, inquid, uolo

    (Greg. Tur. Franc. 5, 44)

  • 17

    (31c) ait Lupicinus germano suo: Dic, inquid, mihi ? (Greg. Tur. vit.

    patr. 1, 6)12.

    2.2. Formes de surmarquage spcifiques en latin biblique : le

    surmarquage par dicens

    Diffrent et spcifique est le surmarquage du dire introducteur en latin

    biblique ; spcifique par lampleur du phnomne et surtout par la

    particularit de la construction : la ritration du dire ny repose pas sur

    inquit en incise comme dans tous les exemples prcdents, mais sur le

    participe dicens reprenant, la fin du segment introducteur, un verbe de

    dire conjugu prcdent, soit hyponyme de dire contenu spcifique

    (imperauit,interrogauit, clamauitdicens) soit hyperonyme redoubl

    (ait..dicens, dixitdicens).

    Les constructions les plus nombreuses sont celles dans lesquelles dicens

    fait cho et suite un hyponyme conjugu de dire , verbe dnotant un

    acte de langage (mandare, praecipere, imperare, interrogare, sciscitari,

    consulere, iurare, spondere), verbe indiquant une tape du dialogue ou

    focalisant une information (respondere, addere, nuntiare), ou verbe

    prcisant la forme ou le vecteur de lacte locutoire (murmurare, clamare,

    scribere).

    (32a) mandauit Mosi dicens : Ego cognatus tuus Iethro venio ad te

    (ex. 18, 6)

    (32b) et respondit Samuhel Sauli dicens (1 reg. (1 Sam.) 9, 19)

    (32c) nuntiauerunt Iudae dicentes (gen.38, 24)

    (32d) et addidit dicens (gen. 24, 24-25)

    Une variante possible est une proposition et dixit coordonne :

    (33) Praecepit ergo Moses Eleazaro sacerdoti et Iosue filio Nun et

    dixit ad eos (num. 32, 28)

    Le relais dixit-dicens, ait dicens avec redondance totale dhyperonyme

    hyperonyme, est un peu moins frquent, mais bien attest, et en

    particulier dans le NT :

    (34a) et non dicat filius aduenae qui adheret Domino dicens :

    separatione diuidet me Dominus a populo suo (Is. 56, 3)

    12 Cf. BONNET (1890: 71), LFSTEDT (1911: 229-230), HOFMANN-SZANTYR (1965: 418) ou

    dans ce mme numro M.GAYNO 2015.

  • 18

    (34b) Ait autem Samuhel ad uniuersam domum Israhel dicens (1

    reg.(1Sam.) 7, 3)

    (34c) Et ait David ad uiros qui stabant secum dicens (1 reg.(1Sam.)

    17, 26)

    (34d) Et respondens Iesus dixit iterum in parabolis eis dicens : Simile

    factum est regnum caelorum (Matth. 22,1)

    (34e) Et aiunt dicentes ad illum : Dic nobis (Luc.20, 2)

    Toutes ces constructions avec ritration du dire introducteur par le

    participe dicens taient largement reprsentes dj dans les Vieilles

    Latines. Elles taient en revanche apparemment inconnues avant les

    textes chrtiens o elles apparaissent surtout sous forme de citations ou

    rminiscences bibliques (exs 35 a et b) et -bien plus rarement- comme

    tournures autonomes (36), ce qui constitue videmment un indice fort en

    faveur de leur origine biblique13.

    (35 a) Respondit ei Petrus dicens : Domine, ad quem ibimus? (Cypr.

    epist. 66, 8, 2 citant Ioh. 6, 67-69)

    (35 b) Tum fiet illud quod hic per Nathan locutus est Deus dicens

    (Aug. Ciu. Dei 17, 12 citant 2 reg. (2 Sam.)7, 10-11)

    (36) requisiui ab eo dicens : "rogo te, domine" (Eger. 20, 9)

    Syntaxiquement, cest quelquefois dicens seul que le DD peut tre

    rattach ; cest le cas avec les tournures du type negauit ...dicens (+ DD

    de forme et de contenu ngatifs) : le DD ne peut tre rattach qu dicens

    puisque nego nintroduit pas de DD.

    (37a) Negauit Sarra dicens : "Non risi " (gen. 18, 15)

    (37b) Ille negauit dicens : "Neque scio neque nolui " (Marc. 14, 68)

    Dicens nest pas fig : il reste loccasion soumis aux variations de

    nombre14, et mme de cas :

    (38a) Nuntiauerunt autem Saul dicentes (1 reg.(1 Sam. 14, 33)

    (38b) Nuntiatum est autem Sauli a dicentibus : "Ecce David" ((1 reg.(1

    Sam.) 19, 19)

    13 Sur la propagation de cette construction dans la littrature chrtienne, et par-del,

    dans la plupart des textes dpoque tardive, cf. M.FRUYT (2015 :2) et M.GAYNO 2015, dans

    ce mme numro, 2,2.

    14 Les cas o dicens singulier est rapporter un sujet pluriel ne reposent pas sur un

    figement de dicens mais sur des phnomnes daccord par syllepse ou avec le plus

    rapproch (cf. ier. 44, 15).

  • 19

    2.3. Origine du surmarquage par dicens : une construction latine

    calque du grec transposant un idiomatisme de lhbreu

    Dans cette construction, le participe dicens porteur dun Dire redondant

    est un calque systmatique du grec biblique (Septante et NT), ce

    participe dans la LXX tant lui-mme la transposition dune

    construction idiomatique de lhbreu source.

    2.3.1. La construction source de lhbreu : linfinitif plonastique il dit

    pour dire

    En hbreu biblique, systmatiquement contigu au DD, et trs souvent en

    association plonastique avec un Dire conjugu prcdent, on trouve

    employ linfinitif de but lmor du verbe dire , ( wayyomr

    lmor, littralement il dit pour dire )15. Il est vraisemblable quil

    faille voir l initialement un phnomne nonciatif de sur-marquage ; quoi

    quil en soit, cette forme dinfinitif parait stre progressivement lexicalise

    et grammaticalise, en hbreu biblique, pour devenir une sorte de

    particule dmarcative du DD, un signal avertisseur de citation16.

    2.3.2. La transposition adaptation de lhbreu vers le grec : de linfinitif au

    participe

    Cest cette forme dinfinitif pour dire qui a t traduite par les LXX en

    grec sous la forme du participe 17. Ce faisant, sil est vrai que la

    forme infinitive de lhbreu biblique stait fige en particule dmarcative,

    les traducteurs grecs ont consciemment ou non opr une

    dgrammaticalisation en la transposant en participe syntaxiquement

    intgr dans la P.

    2.3.3. Le participe porteur dun dire redondant : sources internes

    au grec et expansion biblique

    Le grec classique faisait grand usage dun participe conjoint valeur

    circonstancielle vague (exs 38). Cet emploi tait quoi quil en soit trs

    15 cf. MEIER 1992. Voir par ex. gen. 9,8 ; 21, 22 ; 27,6 ; num. 7,4 ; 14,7 ; 14,15 ;

    15,37 ; deut.9, 13 etc.

    16 Voir MEIER (1992 : 90-91)

    17 Transposition quasi-systmatique : plus de 90 % des cas selon PORTER (1989 : 138).

    Dans 8 % des cas, linfinitif fig lmor pour dire de lhbreu nest pas traduit du tout

    en grec.

  • 20

    diffrent du il dit en disant biblique puisque ce participe

    conjoint ntait ni postpos ni smantiquement redondant :

    (39a) : , , . (Plat. Symp.

    202 B)

    Et elle dit en riant 18

    (39b) (Xen. Cyr. 3, 2, 25)

    Certains des Chaldens vivent de pillage 19

    Le modle il dit en disant se rencontre cependant, exceptionnellement,

    dj en grec classique : on relve ainsi une ou deux constructions de ce

    type chez Hrodote20.

    (40) , , , , (Herod. 3,

    156,3)

    Voil, dit-il en substance, je viens vers vous, Babyloniens

    Cest ce modle, trs rarement document en grec, qui a servi la

    transposition de la forme nominale redondante de Dire de lhbreu

    biblique et qui est devenu une marque de style biblique au point mme

    dtre export largement en grec notestamentaire, les grammaires du NT

    notant toutes quil sagit dun tour issu de la transposition vtro-

    testamentaire grecque de linfinitif hbreu lmor 21:

    (41a)

    (Matth. 22,1)

    (41b)

    ... (Luc.20, 2)

    (41c) (Luc.

    7, 39)

    2.3.4. Curieusement, les lecteurs chrtiens lettrs de langue latine

    voyaient dans cette construction redondante dixit dicens un hbrasme

    18 cit par GOODWIN (1998 (18751) : 334).

    19cit par GOODWIN (1998(18751) :333) ; RIJKSBARON (2006(19841) : 125) ;

    ADRADOS (1990: 633).

    20 Cf. BLASS-DEBRUNNER-REHKOPF (1976 : 349, 420 note 2), PORTER (1989 :139). Peu

    dexemples recevables.

    21 H.VON SIEBENTHAL (2011 : 413) ; BLASS-DEBRUNNER-REHKOPF (1976 : 349-350 420) ;

    PORTER 1989 : 138-139).

  • 21

    alors quil sagissait du calque latin dune adaptation grecque de

    lhbrasme.

    En tmoigne la remarque suivante dAugustin :

    (42) "Et accedentes filii Ruben et filii Gad dixerunt ad Moysen et Eleazar

    sacerdotem et ad principes synagogae dicentes" 22: Non est ista uel

    graeca uel latina locutio: "dixerunt dicentes", sed hebraea uidetur

    (Aug. loc. hept. 4, 110, CC 33 (1958), p. 443).

    2.4. Pourquoi Jrme a-t-il choisi de garder le calque du grec alors

    quil traduit en gnral au plus prs du texte hbreu originel ?

    (43) Sicut autem in nouo testamento si quando apud Latinos quaestio

    exoritur et est inter exemplaria uarietas, recurrimus ad fontem Graeci

    sermonis,...ita et in ueteri testamento, si quando inter Graecos

    Latinosque diuersitas est, ad Hebraicam confugimus ueritatem (Hier.

    ep. 106,2)

    Les calques syntaxiques sur lhbreu sont de fait frquemment

    observables dans le latin biblique de la Vulgate ; voici quelques exemples

    de ces calques parmi bien dautres :

    -la post-position de ladverbe dintensit

    (43) pulchra nimis (gen. 12, 14) la place de nimis pulchra

    /pulcherrima (cf. Garcia de la Fuente 1992)

    - les noncs gnriques du type homo si, omnis qui au singulier, la

    place de si quis, quicumque (cf. Bortolussi-Sznajder 2014a)

    (44a) homo si uouerit domum suam (lev. 27, 14)

    (44b) omnis qui tetigerit montem (ex. 19, 12)

    - les accusatifs proleptiques associs aux compltives en quod (cf.

    Sznajder 2012)

    (45)Viderunt Aegypti mulierem quod esset pulchra nimis (gen. 12, 14)

    Mais les calques ne sont possibles qu la condition que la superposition

    avec un schma latin plus ou moins comparable, qui plus est dans un

    niveau de langue compatible, soit possible23. Si le correspondant littral

    22 Il sagit de num. 32, 2. Augustin cite bien entendu un texte vieux latin. Autres versions

    VL : Et accesserunt fili Ruben et filii Gad et dixerunt ad Moysen et Eleazar sacerdotem et

    ad principem synagogae dicentes (Cod. Lugd.) (ad principes : Cod. Monac.).

    23 Cf. SZNAJDER 2013 ; BORTOLUSSI-SZNAJDER 2014a.

  • 22

    latin ad dicendum de linfinitif final de lhbreu a t cart au profit dun

    participe appos calqu du grec, cest quaucun schma de redondance

    interne au latin, mme rare, apparent *dixit ad dicendum, ne pouvait

    servir de point de dpart au calque.

    2.5. Pourquoi Jrme a-t-il maintenu, avec ce participe dicens

    calqu du grec en fin de segment introducteur, la ritration du

    Dire ?

    De fait dans quelques cas Jrme a tout de mme supprim le participe

    redondant dicens conserv, via la traduction grecque, par les VL.

    (46) 3 reg. 18, 22

    (46a) VL (ap. Lucif. Athan.1, 17, CC 8 (1978) p. 30): et dixit Helias ad

    populum dicens : "ego superaui solus prophetarum domini unus"

    (46b) Vulgate : et ait rursum Helias ad populum :

    (47) lev. 10,3

    (47 a) VL (ap. Aug. quaest. hept. 3, 31, CC 33 (1958) p. 197) : hoc est

    quod dixit Dominus dicens : "In eis qui mihi adpropinquant

    sanctificabor "

    (47b) Vulgate : hoc est quod locutus est Dominus :

    Cette suppression du Dire redondant prsent dans les VL donnerait

    penser que le sur-marquage en dicens tait senti par Jrme comme un

    trait de la langue familire au mme titre que les formes latines

    prcdentes de duplication dun Dire introducteur (cf. supra 2.1.) : les

    divergences de traitement syntaxique entre les deux traductions bibliques

    peuvent frquemment sinterprter en termes de niveaux de langue,

    Jrme tendant carter les constructions au confluent dun calque (ici du

    grec et non de lhbreu) et dun registre de langue trop proche du latin

    parl24.

    Cependant, Jrme a ici dans la grande majorit des cas conserv la

    construction duplique [V de dire conjugu +dicens]. La forme redondante

    dicens devait tre sentie comme instrument de dmarcation du DD : un

    indice de cette fonction dmarcative est la constante contigut de dicens

    au DD quil introduit. Quant sa fonction nonciative, on peut faire

    24 Voir par ex. la normalisation syntaxique des constructions disloques gauches du

    texte source hbreu, conserves dans les VL via le texte grec, limines et ramenes

    de simples topicalisations par Jrme (BORTOLUSSI-SZNAJDER 2014b).

  • 23

    lhypothse quil vhicule une insistance non pas sur le disant, sur le

    locuteur, mais sur le dire et le dit qui en dcoule ; rendre compte de

    cette redondance, on pourrait par ex. traduire par en ces termes25 .

    2.6. Extension au-del du domaine biblique et postrit du

    surmarquage par dicens

    Le surmarquage biblique par dicens est devenu un trait de style des

    auteurs chrtiens (Cf. M.Fruyt 2015)

    (48)Rogemus de intimo corde et de tota mente misericordiam dei, quia

    et ipse addidit dicens: misericordiam autem meam non dispergam ab

    eis (Cypr. ep. 11,2,2)

    Et in Zacharia locutus est Dominus dicens: Percutiam omnem equum

    (Ambr. Nab. 15, 65)

    Lemploi de ce dicens redondant comme outil dannonce du DD se

    gnralise ensuite en latin tardif comme le montre dans ce mme numro

    M.Gayno26 :

    (49) uox illa qui (= quae) per Moyse populo locuta est,

    dicens(Greg. Tur. Hist. 2, 10, 59, 3)

    On peut noter quen Ancien et Moyen Franais galement, dans les

    Chroniques notamment o la mise en scne des personnages se fait

    prcisment travers les changes dialogus27, on relve les deux formes

    de duplication du dire introducteur signales en latin28, la duplication par

    incise reprable tout au long de la Latinit (ex. 50), et la duplication par le

    participe de Dire en fin de segment introducteur (ex. 51) apparue en latin

    biblique. Il ny a dailleurs pas forcment continuit depuis le latin tardif,

    mais ceci est une autre question. La ritration du Dire introducteur

    comme dmarcateur fort du discours cit est utile dans une littrature

    vocation orale et dans des crits dnus de marqueurs typographiques

    spcifiques.

    25 Suggestion de M. POIRIER.

    26 Cest Maryse GAYNO quest emprunt lex. 49 ci-dessus.

    27 Sur les textes mdivaux dans lesquels la prise de parole est un lment narratif en

    soi et o lagir dpend et dcoule dun dire, cf. ROSIER (2000 : 31).

    28 Voir galement ce sujet GAYNO 2015.

  • 24

    (50) Puis luy dist ausques haultement : Veills moy oui, sire pre

    saint, fet il, et je vous dirai une des merveilles du monde (Le roman

    de Guillaume, d. Carl Weber Halle 1912, l. 372-374, cit par Marnette

    2006 : 37-38)

    (51)Adoncques la pouvrette se jecta genoux et sescrya haulte voix

    disant :(Les 100 nouvelles nouvelles, nouvelle 60)29

    CONCLUSION

    Comme le remarque Laurence Rosier (2000 : 31) propos des ouvertures

    de DD en ancien et moyen franais, dans un nonc sans marques

    typographiques, le segment introducteur du DD rpond un double

    besoin : besoin didentification et besoin de structuration. quoi

    rpondent des solutions diverses partiellement lies au niveau de langue

    du texte.

    La langue de la Vulgate est complexe certes, en ce quelle reflte pour une

    part linfluence des langues sources et prsente donc une certaine

    artificialit, et en ce que dautre part elle incarne la fois un tat de

    langue contemporain et vraisemblablement un certain conservatisme.

    Cependant, travers ltude contrastive qui loppose aux langues sources

    et la traduction plus orale et de registre plus familier des Vieilles Latines,

    on peut dgager et illustrer un certain nombre de caractristiques du

    bornage gauche du DD et notamment les procds dont dispose le

    narrateur pour dlimiter et dsambigiser les prises de parole, pour

    insister sur la rpartition des responsabilits nonciatives, ou au contraire

    pour les superposer. Entrent notamment en jeu, dans un registre de

    langue crit, diaphoriques pronominaux spcifiques et verbes

    introducteurs et connecteurs spcifiant les tours de parole : tous ces

    passeurs du dire sont des ajouts de Jrme. Les Vieilles Latines,

    strictement fidles aux textes sources et plus marques par loralit,

    faisaient appel au seul hyperonyme DIRE et la rptition lexicale pour

    identifier les locuteurs.

    Un point commun entre les deux traductions bibliques est en revanche le

    frquent sur-marquage du dire par le participe dicens prcdant

    immdiatement le discours cit, sur-marquage n prcisment de la

    traduction biblique, issu dun calque du participe grec transposant

    un infinitif grammaticalis de lhbreu source. On peut observer

    29 On relve galement des variantes relatives :

    Cil li respont qui se li dist (Le Bel Inconnu v. 1629)

    (= Il lui rpondit en ces termes / en lui disant ceci )

  • 25

    prcdemment, dans lhistoire du latin, des duplications de Dire

    introducteur par insertion dune incise redondante, mais ce phnomne

    dmarcatif, caractristique de la langue familire dans son expressivit ou

    de la langue juridique dans son souci formaliste de prcision, tait rest

    trs sporadique dans ses manifestations. Le sur-marquage biblique

    conserv par Jrme et trs largement rpandu ensuite en latin tardif, est

    indit dans sa forme et remarquable par son extension ; sa principale

    fonction est dmarcative : dans une langue dans laquelle aucun marqueur

    typographique ne peut remplir ce rle, cest un pointage supplmentaire

    des frontires entre propos citant et propos cit. Une tude symtrique

    indispensable sera donc mener galement, dans ce cadre, sur les

    marques du bornage droit du discours cit notamment dans le cadre du

    retour du discours la narration.

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