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43 e congre `s SFSCMF Rec ¸u le : 8 juin 2007 Accepte ´ le : 15 juin 2007 Se ´quelles des fentes labioalve ´olopalatove ´laires en mission humanitaire. Analyse et prise en charge Sequels of labial-alveolar-velopalatine clefts observed in charity missions. Analysis and management J. Saboye 1, *, A.-R. Chancholle 2 1 54, alle ´es des Demoiselles, 31000 Toulouse, France 2 20, avenue Frizac, 31000 Toulouse, France Summary A lot of children with cleft lip and palate are not operated in the developing world, due to a lack of surgeons, hospitals, or simply because the condition is not considered as a priority. Charity mis- sions give the opportunity to repair these malformations. Non- operated cleft lip and palate are the first problem, but our surgery may cause growth disturbances and sometimes a second operation is needed, more difficult than the first one in mission conditions. Repairing a cleft palate needs to be adapted to the type of cleft but also to the age of the child, a velopalatine pharyngoplasty can be performed in some cases. © 2007 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Cleft lip, Cleft palate, Medical missions, Sequels Re ´sume ´ Un grand nombre d’enfants porteurs de fentes labiopalatines ne sont pas ope ´re ´s dans les pays en voie de de ´veloppement, faute de chirurgiens, de structures et de volonte ´ parfois. Les missions humanitaires permettent a ` beaucoup d’entre eux d’obtenir cette re ´paration tant attendue. Les se ´quelles observe ´es ici sont d’abord celles de fentes non ope ´re ´es, puis celles de notre chirurgie qui au mieux va intercepter, voire modifier l’e ´volution spontane ´e de la croissance faciale, et parfois ne ´cessiter une re ´intervention, plus difficile en conditions de mission. Le traitement des fentes palati- nes doit e ˆtre adapte ´ au type de fente et a ` l’a ˆge de l’enfant, une palatove ´lopharyngoplastie en un temps sera propose ´e dans cer- tains cas. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. Mots cle ´s : Fente labiale, Fente palatine, Mission humanitaire, Se ´quelles Introduction L’escalier s’ouvrait sur un vaste couloir occupe ´ par une foule de femmes, d’hommes et d’enfants dont le soudain silence, a ` notre arrive ´e, dit l’attente. Tous, au moins 150, venaient pour e ˆtre ope ´re ´s ou faire ope ´rer leurs enfants de « becs de lie `vre », dirent les infirmie `res. Nous n’avions jamais vu autant de fentes de toutes formes, autant de patients de tous a ˆges si de ´sireux d’e ˆtre ope ´re ´s. A ` l’instant, pour re ´pondre aux supplications de ces regards, nous fu ˆmes pre ˆts a ` tout faire malgre ´ les risques annonce ´s par le me ´diocre e ´tat ge ´ne ´ral des patients, la pre ´carite ´ du mate ´- riel, des salles d’ope ´rations et d’hospitalisations [1]. De `s les premie `res consultations, deux observations s’impose `rent : que, faute de traitement, les de ´sordres de la face s’aggra- vaient avec l’a ˆge : e ´version du grand fragment maxillaire pour les fentes unilate ´rales, procidence du pre ´maxillaire pour les bilate ´rales, exte ´riorisations dentaires, troubles de la parole dont la rhinolalie s’alourdissait progressivement de troubles articulatoires et de grimaces faciales, enfin, l’attitude crispe ´e des adolescents et des adultes exprimait la ge ˆne physique et la honte ; que certains consultants de ´ja ` ope ´re ´s mais de ´c ¸us par l’ope ´ration demandaient une correc- tion de leurs se ´quelles. Celles-ci sont donc toujours mal supporte ´es, en pays pauvres comme en pays riches [2-6], et tous ceux qui en souffrent, fussent-ils les plus de ´munis, aspirent au meilleur re ´sultat et ne se satisfont pas d’essais * Auteur correspondant. e-mail : [email protected] 0035-1768/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. 10.1016/j.stomax.2007.06.009 Rev Stomatol Chir Maxillofac 2007;108:369-377 369

Séquelles des fentes labioalvéolopalatovélaires en mission humanitaire. Analyse et prise en charge

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Page 1: Séquelles des fentes labioalvéolopalatovélaires en mission humanitaire. Analyse et prise en charge

43e congres SFSCMF

Recu le :8 juin 2007Accepte le :15 juin 2007

Sequelles des fenteslabioalveolopalatovelaires en mission

*Auteur correspondant.e-mail : [email protected]

0035-1768/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous10.1016/j.stomax.2007.06.009 Rev Stomatol Chir Maxillofac 2007

humanitaire. Analyse et prise en charge

Sequels of labial-alveolar-velopalatine clefts observed

in charity missions. Analysis and management

J. Saboye1,*, A.-R. Chancholle2

154, allees des Demoiselles, 31000 Toulouse, France220, avenue Frizac, 31000 Toulouse, France

Summary

A lot of children with cleft lip and palate are not operated in the

developing world, due to a lack of surgeons, hospitals, or simply

because the condition is not considered as a priority. Charity mis-

sions give the opportunity to repair these malformations. Non-

operated cleft lip and palate are the first problem, but our surgery

may cause growth disturbances and sometimes a second operation

is needed, more difficult than the first one in mission conditions.

Repairing a cleft palate needs to be adapted to the type of cleft but

also to the age of the child, a velopalatine pharyngoplasty can be

performed in some cases.

© 2007 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Cleft lip, Cleft palate, Medical missions, Sequels

droits reserves.;108:369-377

Resume

Un grand nombre d’enfants porteurs de fentes labiopalatines ne

sont pas operes dans les pays en voie de developpement, faute

de chirurgiens, de structures et de volonte parfois. Les missions

humanitaires permettent a beaucoup d’entre eux d’obtenir cette

reparation tant attendue. Les sequelles observees ici sont d’abord

celles de fentes non operees, puis celles de notre chirurgie qui au

mieux va intercepter, voire modifier l’evolution spontanee de la

croissance faciale, et parfois necessiter une reintervention, plus

difficile en conditions de mission. Le traitement des fentes palati-

nes doit etre adapte au type de fente et a l’age de l’enfant, une

palatovelopharyngoplastie en un temps sera proposee dans cer-

tains cas.

© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

Mots cles : Fente labiale, Fente palatine, Mission humanitaire,Sequelles

Introduction

L’escalier s’ouvrait sur un vaste couloir occupe par une

foule de femmes, d’hommes et d’enfants dont le soudain

silence, a notre arrivee, dit l’attente. Tous, au moins 150,

venaient pour etre operes ou faire operer leurs enfants de

« becs de lievre », dirent les infirmieres. Nous n’avions

jamais vu autant de fentes de toutes formes, autant de

patients de tous ages si desireux d’etre operes. A l’instant,

pour repondre aux supplications de ces regards, nous

fumes prets a tout faire malgre les risques annonces par

le mediocre etat general des patients, la precarite du mate-

riel, des salles d’operations et d’hospitalisations [1]. Des les

premieres consultations, deux observations s’imposerent :

que, faute de traitement, les desordres de la face s’aggra-

vaient avec l’age : eversion du grand fragment maxillaire

pour les fentes unilaterales, procidence du premaxillaire

pour les bilaterales, exteriorisations dentaires, troubles de

la parole dont la rhinolalie s’alourdissait progressivement

de troubles articulatoires et de grimaces faciales, enfin,

l’attitude crispee des adolescents et des adultes exprimait

la gene physique et la honte ; que certains consultants deja

operes mais decus par l’operation demandaient une correc-

tion de leurs sequelles. Celles-ci sont donc toujours mal

supportees, en pays pauvres comme en pays riches [2-6],

et tous ceux qui en souffrent, fussent-ils les plus demunis,

aspirent au meilleur resultat et ne se satisfont pas d’essais

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Page 2: Séquelles des fentes labioalvéolopalatovélaires en mission humanitaire. Analyse et prise en charge

Figure 1. Enfant de huit ans, fente labiopalatine unilaterale totalegauche.

J. Saboye, A.-R. Chancholle Rev Stomatol Chir Maxillofac 2007;108:369-377

operatoires malhabiles. C’est leur droit, mais il faut le dire

puisque c’est parfois oublie. Qu’entendons-nous, dans le

contexte de « missions humanitaires », par « sequelles » ?

Sequelles, sequi : suivre, ce qui s’ensuit des fentes labiopa-

latines. Littre observe qu’une nuance familiere de mepris

sous-tend le terme de « sequelle ». Nous nous gardons de

retenir ici ce sens pejoratif : nous ne meprisons ni ce qui a

ete fait pour ces enfants, fut-ce maladroit, ni le fait de ne

pas les traiter. Geste ou abstention therapeutiques doivent

etre apprecies en fonction du contexte social, du moment

et des possibilites de l’action. Plutot que de les critiquer,

essayons de les ameliorer. Nous envisagerons les sequelles

des fentes non traitees avant d’examiner les sequelles du

traitement. En effet, le terme de « sequelles », en medecine,

s’applique habituellement a ce qui reste de la maladie

apres traitement, lorsque l’on ne peut plus l’ameliorer. En

matiere de dysmorphies congenitales, nous entendrons ici

egalement par « sequelles » l’etat de la lesion et du sujet,

lorsque la maladie non traitee a epuise et stabilise son evo-

lution.

Sequelles des fentes labiopalatinesnon traitees

Nous devons les examiner parce que nous semblons avoir

oublie que les asymetries de la levre et du nez, les troubles

de la croissance maxillaire, le voile incompetent ne sont pas

toujours temoins a charge contre le chirurgien et contre

une chirurgie jugee hativement trop precoce ou trop agres-

sive. Dans la genese des troubles observes apres traite-

ment, l’evolution naturelle de la fente non traitee peut

jouer et joue un role non negligeable. Savoir ce qui revient

a cette evolution spontanee permet de distinguer ce qui

revient a la nature meme de la fente et ce qui est secon-

daire a nos traitements, donc savoir ce que nous pouvons

ameliorer et ce qui ne peut l’etre. Le constat de ces sequel-

les naturelles n’est possible qu’au tiers-monde ou les soins

des fentes sont negliges parce qu’ils n’y sont pas de pre-

miere necessite. Voila au moins un point ou nous recevons

la-bas un enseignement qui nous manque ici. Que nous

apprennent-ils ?

� Au visage — visum, ce qui se voit — la fente enleve son

apparence humaine du fait de la dislocation de la levre

superieure, l’eversion de ses teguments et surtout de ses

muqueuses, la distorsion du septum et des cartilages alai-

res du nez (fig. 1), mais surtout en raison de la separation

anterieure des deux cavites buccale et nasale qui est un

caractere anatomique fondamental, une chreode de

l’espece humaine. Les denominations animales des premie-

370

res descriptions des fentes labiopalatines temoignent bien

de cette etrangete. C’est pour cette raison que toute inter-

vention qui retablit la separation bucconasale anterieure

redonne deja au visage son aspect humain, les defauts resi-

duels fussent-ils mal acceptes ;

� la fente maxillaire, qui est une sorte de pseudarthrose

congenitale, ouvre les boucles musculoaponevrotiques

velopharyngofaciales dont les dystopies accentuent pro-

gressivement les deformations osseuses et cartilagineuses.

Bien que la langue soit anatomiquement normale, ses dys-

praxies, qui resultent du defaut de ses appuis palatins habi-

tuels, accentuent celles-ci ; la discontinuite de la sangle

periostee anterieure ne lui permet pas de participer a une

croissance osseuse normale et a un modelage maxilloman-

dibulaire harmonieux. L’evolution spontanee, aggrave-t-elle

les sequelles de la fente maxillaire ? L’exteriorisation du

grand fragment maxillaire dans les cas unilateraux, du pre-

maxillaire dans les cas bilateraux, les incisives projetees en

avant a l’instar des lagomorphes, animaux qui ont une

fente labiale superieure mediane dont le type est le lievre

que l’on evoque aussitot devant un enfant non opere d’une

fente labiale (fig. 2) ;

� la parole est troublee par une rhinolalie ouverte, des

troubles articulatoires majeurs, une grimace faciale tradui-

sant une hypertonie perinasale qui essaie de contenir la

fuite nasale des phonemes. Ces troubles de la parole for-

cent l’attention et rappellent la dysmorphie meme lorsque

la fente labiale a ete corrigee. Toutefois, ces enfants et

adultes du tiers-monde peuvent parfois parler de facon

paradoxalement comprehensible ! Comment et pourquoi ?

Peut-etre parce que la-bas, pour survivre, il faut se faire

comprendre. Cette necessite, cette forte volonte d’integra-

Page 3: Séquelles des fentes labioalvéolopalatovélaires en mission humanitaire. Analyse et prise en charge

Figure 2. Enfant de 12 ans, fente labiopalatine bilaterale totale.

Figure 3. Adulte opere avec sequelles, defaut de reparation musculairelabiale et de position de l’aile narinaire.

Sequelles des fentes labioalveolopalatovelaires en mission humanitaire. Analyse et prise en charge

tion sociale apprend parfois a suppleer partiellement

l’incompetence velopharyngee [7]. Certes, mieux vaut

reconstruire la fente palatine. Mais, la lecon a retenir c’est

que notre meilleure intervention ne saurait se passer de la

volonte du patient de se faire entendre, ni du soutien com-

prehensif de l’entourage, alors qu’en nos pays, le patient et

sa famille attendent parfois tout de l’operation et de

l’orthophonie, dans une exigence passive de perfection qui

reste vaine… parce que passive. Cette evolution naturelle

qui s’ensuit des fentes faciales non traitees constitue leur

premiere sequelle, majeure. Que la persistance a long

terme de la discontinuite faciale soit en elle-meme des

plus nocives, que la reconstitution de la continuite faciale

soit une urgence, voila ce que nous apprenons de l’observa-

tion de ces patients du tiers-monde. Nous connaissions les

connexions des echarpes musculaires faciales avec

l’ensemble des chaınes musculaires de tout le corps,

jusqu’aux plantes des pieds, et que l’anomalie des muscles

faciaux ne permet pas l’eutonie de la posture corporelle.

Cela nous est demontre ici par l’attitude guindee et l’hyper-

tonie globale des patients et confirme que les dystonies qui

en resultent peuvent etre graves et le retentissent sur

l’equilibre physique et psychique du sujet.

Sequelles des fentes labiopalatinestraitees

Elles sont tres differentes suivant que le chirurgien soit

rompu a ces interventions (l’experience est definie par le

traitement d’au moins 40 cas nouveaux par an) ou qu’elles

sont realisees par des chirurgiens sans experience. Il n’y a

pas de chirurgie des fentes sans sequelles mais celles lais-

sees par les uns peuvent etre ameliorees sans difficultes

majeures, ne faisant pas de geste irreversible, alors qu’il

n’en est pas de meme des sequelles des autres [8, 9].

Les sequelles des apprentis des fentes sont lourdes

Qui sont ces operateurs ? Ce sont des autochtones ou des

etrangers de passage novices en matiere de traitement des

fentes, fussent-ils operateurs confirmes en d’autres matie-

res, et voulant s’y exercer ou rendre service.

Les sequelles labionasales sont toujours un peu les memes :

levre courte et bridee ou vide de muscle, plancher nasal

ouvert dans le vestibule ou enlise dans la fente maxillaire

et bloquant la deviation du nez (fig. 3). Parfois, elles peu-

vent etre caricaturales lorsque la fente labiale bilaterale

ne pouvant etre fermee en avant du premaxillaire, cela

par insuffisance de dissections laterales, le chirurgien

suture le muscle orbiculaire en arriere du premaxillaire

(fig. 4) ! Elles sont d’autant plus regrettables qu’elles

seraient moindres pour peu que l’on se preoccupe de traiter

les lesions profondes, quoiqu’invisibles, et non pas seule-

ment les lesions superficielles visibles, il s’agit en fait sou-

vent d’un defaut de dissection, auquel s’ajoute une erreur

dans la construction des elements anatomiques. Ces

sequelles seraient moindres egalement, si etaient utilisees

371

Page 4: Séquelles des fentes labioalvéolopalatovélaires en mission humanitaire. Analyse et prise en charge

Figure 4. Enfant de 13 ans, opere avec sequelles : suture labiale de fentebilaterale en arriere du bourgeon premaxillaire !

J. Saboye, A.-R. Chancholle Rev Stomatol Chir Maxillofac 2007;108:369-377

des techniques facilement corrigees par une intervention

secondaire. Le Millard [10] en est le meilleur exemple, ses

imperfections pouvant etre corrigees par un simple Z ou

par sa reprise complete en utilisant les premieres cicatrices.

Des techniques plus sophistiquees, par exemple le Le Mesu-

rier ou le Tennisson, sont tres difficiles a corriger secondai-

rement lorsqu’elles ont ete mal maıtrisees.

Or, si la technique labiale du Millard est presque facile, avec

un bon livre et une pratique operatoire de base, le temps

nasal du Millard est difficile pour un debutant qui n’a pas

aide souvent un operateur familier de cette technique. Bad

results of surgery are results of bad surgery (McLaughlin,

Presbyterian, New York City). Ces sequelles, que l’on ne

revient pas souvent constater, le novice les excuse en

arguant que : « de toute facon c’est toujours mieux que si

l’on n’avait rien fait ». C’est une grossiere erreur dont souf-

frent d’abord les patients et leurs familles d’autant plus

cruellement que ces sequelles ne peuvent etre reprises la-

bas comme elles le sont ici, et qu’en patissent aussi les pra-

ticiens locaux qui n’apprennent alors qu’a mal faire.

Ces sequelles posent aussi le probleme de leur reprise chi-

rurgicale. Est-il licite d’occuper une mission, forcement limi-

tee dans le temps a reoperer ces patients alors que d’autres

n’ont encore beneficie d’aucune chirurgie ? Les sequelles

palatines, fistules ou desunions partielles, voiles courts et

sclereux, et l’incompetence velopharyngee qui s’ensuit,

sont tres frequentes chez celui qu’une main secourable et

372

avertie n’assiste pas ; elles constituent une difficulte

majeure de la chirurgie secondaire, fut-ce pour l’expert.

Il faut une longue experience pour que les manœuvres

palatines deviennent prudentes et efficaces. Les petites fis-

tules palatines anterieures retro-incisivaires sont aussi tres

frequentes la-bas (elles ne sont pas exceptionnelles en nos

pays, bien que rarement avouees), mais elles sont plus faci-

les a corriger pour peu que l’on revoie ces patients et que

l’on ait le temps de les reprendre. Plus encore que la tech-

nique chirurgicale, l’indication therapeutique des fentes

palatines est le plus difficile de ce qui nous attend la-bas.

Les sequelles maxillaires et dentaires, hypotrophie maxil-

laire et promandibulie qui en resultent souvent, premaxil-

laire procident verrouille en avant par le retrecissement

molaire transversal, desordres dentaires, sont a peu pres

semblables entre toutes les mains, debutantes ou confir-

mees. Personne n’a ici les moyens de les pallier ou de les

corriger : greffes periostees, osseuses, osteotomies sont

trop dangereuses par la duree des anesthesies toujours pre-

caires et l’orthodontie n’est pas disponible. Il faut observer

que ces sequelles de la croissance maxillodentaire sont peu

remarquees par les patients surtout preoccupes de l’appa-

rence de la levre et du nez et qui, habitant souvent loin de

l’hopital, n’y reviennent pas facilement en consultation. Les

dents trop visiblement disgracieuses sont le plus souvent

extraites. Ceux qui n’ont pas une experience longue et per-

sonnelle des fentes n’ont pas de place dans le tiers-monde,

sauf peut-etre pour aider des professionnels qui leur en

montreront les difficultes et les pieges plus facilement

qu’ils ne peuvent le faire en nos pays, mais a condition

d’en proscrire tous « travaux pratiques ».

Sequelles des operateurs professionnels

Lorsque ce sont des chirurgiens professionnels des fentes

qui operent, leurs sequelles sont, en pays de mission, pres-

que semblables. La qualite de leur resultat est celle de

l’intervention reduite a ses seuls moyens, sans les amelio-

rations qu’apportent les orthodontistes et les orthophonis-

tes aux patients de nos pays. Les sequelles labionasales

sont les memes que celles que nous observons en Europe

ou aux Etats-Unis, temps labionasal ou la malformation ini-

tiale et l’habilete de l’operateur trouvent leurs limites : la

perfection n’est pas de ce monde. Les asymetries labiales,

les deviations nasales du septum et des cartilages alaires, le

manque d’etoffe du prolabium et de la columelle sont peu

marquees. On peut retrouver des insuffisances de volume

dans la levre rouge (fig. 5), des asymetries de position du

pied de l’aile narinaire (fig. 6), des cicatrices hypertrophi-

ques parfois (fig. 7). Lorsque les conditions anesthesiques

Page 5: Séquelles des fentes labioalvéolopalatovélaires en mission humanitaire. Analyse et prise en charge

Figure 5. Enfant de cinq ans, aspects pre- (a) et post- (b) operatoires. Defaut de volume dans la partie mediane de la levre rouge.

Figure 6. Enfant de quatre ans, aspects pre- (a) et post- (b) operatoires. Defauts de hauteur de la levre et de position de l’aile narinaire.

Sequelles des fentes labioalveolopalatovelaires en mission humanitaire. Analyse et prise en charge

sont suffisantes (la bonne qualite de la ventilation limite le

saignement qui ne permettrait pas une dissection precise)

les voutes sont etanches et les voiles competents. La res-

semblance des resultats des professionnels n’est pas sur-

prenante puisque leur formation, aux Etats-Unis ou en

Europe, est actuellement quasi commune, utilisant souvent

les memes techniques. Pour notre part, nous restons fideles

au Millard [11]. Les sequelles maxillodentaires sont differen-

tes en pays de mission et dans nos pays. En France, en

Europe, le sens transversal molaire est le plus souvent

conserve alors que la dimension anteroposterieure du

maxillaire est parfois insuffisante. Ce defaut necessite

orthodontie et parfois distraction maxillaire precoce ou

osteotomie de Le Fort I. En pays de mission, une operation

bien faite, avant dix ans, expose au meme trouble de crois-

sance et les resultats osseux sont a peu pres semblables,

quelle que soit l’experience des operateurs. La meme ope-

ration mais plus tardive, apres 10–12 ans, est, en revanche,

batie sur un maxillaire dont la croissance est quasi normale

et stable dans le sens anteroposterieur, sans la retromaxil-

lie observee chez les plus jeunes. Mais, l’operation se

heurte dans les cas unilateraux a une extreme procidence

du grand fragment et des incisives definitives, et dans les

cas bilateraux a une etroitesse majeure des secteurs canins

et molaires (13–18/23–28), a une verticalisation des lames

palatines, a une projection extreme du premaxillaire asso-

ciee a une hypotrophie du prolabiun et de la columelle

nasale. Les dystopies maxillodentaires resteront figees par

373

Page 6: Séquelles des fentes labioalvéolopalatovélaires en mission humanitaire. Analyse et prise en charge

Figure 7. Enfant de cinq ans, aspects pre- (a) et post- (b) operatoires. Cicatrice hypertrophique.

J. Saboye, A.-R. Chancholle Rev Stomatol Chir Maxillofac 2007;108:369-377

une croissance anteroposterieure excessive. Les defauts des

parties molles labionasales seront passibles d’une interven-

tion complementaire reportee a la mission suivante. La

technique d’Abbe-Estlander, en deux temps operatoires,

est rarement realisable en raison de la difficulte a faire

revenir ces patients et de la priorite des cas qui n’ont pas

ete operes. Lors de notre premiere mission, des incisives

procidentes ont ete avulsees sans anesthesie, par des infir-

miers, la veille de l’intervention et sans nous en prevenir,

pour nous faciliter la fermeture labiale, dirent-ils ! Il faut

remarquer que les chirurgiens occidentaux firent long-

temps de meme lors des debuts de la chirurgie des

« dents de lievres » qui valurent leur premiere denomina-

tion aux fentes labiopalatines, et obligeaient a une ferme-

ture labiale sous tension. Les sequelles velopalatines, pho-

natoires sont importantes et des plus instructives. Pendant

nos deux premieres missions nous avons reconstruit le

palais de tous les patients qui se presentaient. A notre troi-

sieme sejour nous avons controle nos operes et nous nous

sommes apercus que nos resultats n’etaient pas aussi regu-

liers que ceux obtenus chez nous avec les memes interven-

tions faites entre quatre et six mois [11]. Bons chez les

enfants jusqu’a six ans (avec la technique de Veau-Wardill

enseignee a Oxford), nos resultats etaient mediocres chez

les enfants de 6 a 12 ans dont plus de 50 % conservaient

une incompetence velopharyngee, et mauvais au-dela de

12 ans, tous conservant une incompetence velopharyngee.

Nous avons alors traite ces incompetences residuelles par

la pharyngoplastie d’Orticochea [12]. Mais, en 1999, nous

avons constate que cette pharyngoplastie secondaire, qui

chez nous corrigeait la majeure partie de l’incompetence

374

velopharyngee de nos patients, n’ameliorait la-bas que les

plus jeunes, jusqu’a dix ans environ, mais pas ceux de plus

de 12 ans, et d’autant moins que la pharyngoplastie secon-

daire etait pratiquee plus longtemps apres la veloplastie.

Miguel Orticochea nous expliqua alors ces echecs en nous

faisant remarquer que la prononciation emise par un velo-

pharynx incompetent et par un velopharynx normal, etait

aussi differente que celle d’une langue maternelle et

d’une langue etrangere. « Or, peu de gens, nous dit-il,

sont capables d’apprendre tardivement une langue

etrangere ». L’age avait donc une grande importance dans

le resultat de la veloplastie. Il en avait aussi dans le resultat

d’une pharyngoplastie faite trop longtemps apres le temps

velaire. Cette observation et le fait qu’il etait difficile de

revoir des patients deja operes nous firent penser qu’il

etait souhaitable de faire la pharyngoplastie en meme

temps que la reconstruction velaire. Historiquement, la

velopharyngoplastie primaire avait ete realisee en Europe

a une epoque ou les resultats de la reconstruction primaire

du voile etaient insuffisants, avec plus de 20 % de phona-

tions defectueuses. Faute de savoir ameliorer les resultats

de la reconstruction velopalatine, il avait paru logique d’en

prevenir les sequelles probables en faisant dans le meme

temps operatoire la veloplastie et la pharyngoplastie.

Cette intervention avait pourtant le grave inconvenient de

modifier un pharynx intact dont la perturbation etait

d’autant plus lourde que la pharyngoplastie alors pratiquee

etait du type Rosenthal ou Sanvenero-Rosselli (lambeau

pharynge median a pedicule superieur ou inferieur) dont

l’intention initiale etait de « myotiser » le voile incompe-

tent mais au prix d’une synechie velopharyngee peu favo-

Page 7: Séquelles des fentes labioalvéolopalatovélaires en mission humanitaire. Analyse et prise en charge

Sequelles des fentes labioalveolopalatovelaires en mission humanitaire. Analyse et prise en charge

rable a l’indispensable souplesse du sphincter velopha-

rynge. Cet inconvenient s’avera plus grave encore lorsque

nous apprımes que tout obstacle pharynge pouvait induire

une apnee du sommeil et une hypertension arterielle

secondaire, avec ou sans ronchopathie. Un tel risque ne

contre-indiquait-il pas un tel geste, surtout dans des pays

ou la surveillance des resultats operatoires a distance etait

aleatoire ? Enfin, cette intervention en un temps etait plus

« lourde » que chaque temps fait separement. Quoi qu’il en

soit, la velopharyngoplastie primaire a pedicule posterieur

fut progressivement abandonnee dans nos pays, en raison

des progres de la veloplastie, sa precocite vers l’age de qua-

tre mois, la meilleure liberation musculaire type Kriens,

associee a une orthophonie plus physiologique precedee

d’une education du prelangage (Irene Maurette), mais

aussi en raison de l’invention par Miguel Orticochea de sa

sphincteroplastie pharyngee precoce. Ces progres, facilites

par les conditions d’exercice des pays medicalement deve-

loppes, restent inapplicables en pays defavorises. La solu-

tion nous parut donc etre une velopharyngoplastie primaire

modifiee [13] associant dans le meme temps operatoire la

reconstruction velaire et pharyngee.

Protocole operatoire : anesthesies generale et locale asso-

ciees (lignocaıne a 1 % adrenalinee au 200 000e), intuba-

tion par tube arme et ouvre-bouche de Dott, patient en

decubitus dorsal sans proclivite, la tete en simple

hyperextension :

� une sphincteroplastie pharyngee suivant la technique

exacte d’Orticochea, geste facilite par le jour excellent

donne par la fente velaire sur le pharynx qui permet de

construire un sphincter proximal a hauteur de l’arc ante-

rieur de l’atlas ou de la jonction atloaxoıdienne. Des amyg-

dales palatines peu volumineuses sont reclinees en dehors.

Des amygdales palatines volumineuses sont enlevees en

sous-muqueux. Nous avons ainsi un excellent acces aux

piliers posterieurs et aux muscles pharyngostaphylins

transposes sur la paroi pharyngee posterieure pour cons-

truire la partie posterieure du sphincter ;

� une reconstruction velopalatine type Langenbeck : pas de

dissection profonde des plans laterovelaires, pas de rugina-

tion du plancher nasal, deux incisions laterales courtes aux

bords lateraux de la voute palatine osseuse permettant un

decollement perioste quasi exsangue, sans section des arte-

res palatines, fracture des crochets pterygoıdiens liberant

lateralement les muscles velaires sans dissection aponevro-

tique ou pharyngee, incisions des bords medians de la

voute et du voile ; suture en deux plans buccal et nasal de

la voute, sutures velaires en trois plans — muqueux nasal,

musculaire, muqueux buccal — tampons de surgicel sur les

zones cruentees laissees par les deux incisions lateropalati-

nes. L’intervention, peu hemorragique, n’excede pas 1 h 30.

L’anesthesie n’est arretee qu’apres certitude de l’hemos-

tase. Les saignements postoperatoires ne sont pas rares et

l’equipe ne doit pas quitter l’hopital sans etre sure de

l’hemostase. Un fil de traction translingual peut etre place

et maintenu jusqu’au reveil complet. De 2000 a 2007, nous

avons realise cette intervention 45 fois avec des resultats

constamment satisfaisants, que nous ne chiffrons pas en

phonation de types I, II et III, classification qui n’a pour

nous aucun sens et a laquelle nous preferons deux classes

pratiques :

○ sans fuite nasale, donc comprehensible ;

○ avec fuite nasale persistante, 5 % de nos cas.

Cette intervention primaire est faite desormais pour tout

patient presentant une fente velaire ou velopalatine non

operee, age de plus de six ans, sans limite superieure

d’age. Nous la pratiquons egalement chez les patients

deja operes du voile mais qui presentent une rhinolalie

ouverte avec un voile de mauvaise qualite, sclereux et

tendu, fistulise ou avec un voile presentant sur la ligne

mediane une fine ligne bleutee montrant que persiste,

sous une suture muqueuse continue, une division muscu-

laire sous-muqueuse. Dans quelques cas l’aspect du voile

reconstruit est de bonne qualite, souple, avec un releve-

ment actif a l’emission du phoneme [a] qui temoigne de

la continuite musculaire, mais s’appuyant insuffisamment

sur un grand pharynx, congenital ou par exces de

croissance : c’est en effet la tension equilibree du sphincter

velopharynge normal qui harmonise la croissance regionale.

Celle-ci est dereglee par la fente velaire qui libere une crois-

sance pharyngee excessive rendant le voile incompetent,

fut-il de bonne qualite. Nous pratiquons alors une pharyn-

goplastie d’Orticochea isolee, anesthesie generale et locale

associee, duree 40 minutes. Dans toutes ces eventualites, la

veloplastie seule sera presque incapable d’assurer la com-

petence velopharyngee. Nous avons verifie d’ailleurs le

meme effet nocif d’une intervention velaire tardive, en

France, chez les enfants immigres ou adoptes arrivant

deja ages et non traites, et chez lesquels nous pratiquons

de meme une velopharyngoplastie des l’age de dix ans et

au-dela.

En mission, avant de faire une pharyngoplastie devant les

mauvais resultats de la veloplastie isolee chez de grands

enfants ou des adultes, nous avions renonce a operer les

fentes velaires d’enfants de plus de dix ans. Nous nous

apercumes rapidement que ce refus etait injuste parce

que l’age instituait alors une nouvelle discrimination, refus

des plus difficiles devant des parents qui supplient que leur

375

Page 8: Séquelles des fentes labioalvéolopalatovélaires en mission humanitaire. Analyse et prise en charge

J. Saboye, A.-R. Chancholle Rev Stomatol Chir Maxillofac 2007;108:369-377

enfant soit opere. Pour ces patients, la velopharyngoplastie

fut une operation de sauvetage qui, devant ses heureux

resultats, devint la regle apres dix ans.

Le tiers-monde nous pose trois problemes

� Les chirurgiens autochtones, fussent-ils des plasticiens

formes et competents, operent peu de fentes, consacrant

la majeure partie de leur activite a la chirurgie esthetique,

suivant en cela l’exemple de nombreux maıtres des pays

« developpes » ou ils ont ete entraınes. Il nous a ete diffi-

cile, voire impossible, de former des chirurgiens qui se

consacrent durablement au traitement des fentes labiopa-

latines [14], et cela malgre notre perseverance : 12 missions

au Mali, huit aux Philippines, et revenant operer chaque

fois dans le meme hopital au Mali comme aux

Philippines ;

� les desordres dentaires ne sont pas corriges dans le tiers-

monde, faute d’orthodontistes. Si ce que nous croyons de

l’utilite de l’orthodontie dans le traitement des fentes

labiopalatines est vrai, alors c’est un scandale de ne pouvoir

en faire beneficier tous les enfants du monde. Rappelons ce

que disait N.H. Antia : « a quoi servent la connaissance et le

savoir-faire s’ils ne peuvent servir a ceux qui en ont

besoin ? « Nous devons donc organiser une sorte d’

« orthodontistes du monde » cherchant pour les pauvres du

tiers-monde les moyens simples et accessibles d’une bonne

et efficace orthodontie, meme si elle n’aboutit pas a l’

« excellence » pronee et recherchee en nos pays ; Si nous

n’adherons pas a cette conception de l’orthodontie, c’est

que nous acceptons l’idee qu’elle n’est pas indispensable

au traitement des fentes labiopalatines. Tot ou tard l’ortho-

dontie sera donc jugee superflue, un luxe en quelque sorte ;

� les otites seromuqueuses [15, 16] ne sont habituellement

ni diagnostiquees ni traitees… faute d’ORL formes ou dispo-

nibles. Nous avons ete accompagnes, pendant une mission,

par un des otologistes de notre equipe toulousaine (Dr

Franck Braun) qui a mis en place un partenariat avec une

equipe locale. Les observations de F. Braun ont montre que

la frequence des otites seromuqueuses est la meme la-bas

qu’en Europe et aux Etats-Unis ;

� pour les patients presentant une fente velopalatine que

nous ne pouvons pas operer faute de temps ou a cause de

tissus buccaux et/ou pharynges inflammatoires, il est pos-

sible de mettre en place un obturateur prothetique palatin

[17, 18]. Certes, l’obturateur est abandonne dans nos pays,

mais il peut rendre ici de grands services, permettant de

soulager ceux qui ne peuvent etre operes, d’attendre une

intervention palatine et, pendant ce delai, d’eviter une par-

376

tie des fuites nasales phonatoires et des passages alimen-

taires. L’obturateur entretient une activite musculaire velo-

pharyngobuccale moins dystonique que celle observee en

l’absence de tout traitement. Associe a la fermeture labiale,

faite au besoin sous anesthesie locale, l’obturateur est une

etape entre l’abstention therapeutique et l’intervention

ideale. Harper et Peterson [17], de l’universite de l’Iowa, evo-

quent son usage aux Philippines et, quand nous les interro-

geames a ce sujet, ils nous repondirent : « Regarding your

questions of obturators, we actually have a dentist that tra-

vel with the Operation Smile group who performs extrac-

tions as well as building obturators for palatal closure. Gene-

rally speaking, those that are fitted with an obturator are

significantly older and the chances of successful surgery in

a larger opening are much less likely, not great news to

you. So we are at an advantage in having someone who

basically builds obturators on the spot. The sophistication

of this is not great and in fact it works amazingly well ».

Risques auxquels exposele professionnalisme dans le tiers-monde.Deux risques majeurs peuvent genereraccidents et sequelles

D’abord, il y a la tentation de faire la-bas ce que l’on sait

faire chez soi dans des conditions ideales de securite anes-

thesique. Risque vital d’une reanimation qui ne suit pas et

ne peut suivre, faute de moyens.

Ensuite, il y a la tentation d’operer le plus grand nombre

possible de patients. Ce risque n’est pas theorique : l’ONG

qui finance la mission veut montrer a ses bailleurs que leur

argent a ete bien employe. Et puis, les patients sont la, en

grand nombre, suppliant d’etre operes. Comment ne pas

repondre ? Nous connaissons la terrible tristesse de refuser

ce dernier enfant que la mere pousse vers nous, le jour du

depart. Mais qui en traitera le saignement tardif, l’infection,

toujours possibles, quand nous serons loin ? Decidons avant

le depart de ne pas trop en faire a un patient. Ou meme de

ne pas en faire trop peu a un patient… pour operer plus de

patients.

Conclusion

Le traitement d’une fente laisse une difformite residuelle et

la restitution ad integrum, c’est-a-dire un visage en tout

banal, est exceptionnellement obtenue par nos traite-

ments. Certes les sequelles sont souvent minimes, mais

un examen attentif verra toujours le defaut. Souvenons-

Page 9: Séquelles des fentes labioalvéolopalatovélaires en mission humanitaire. Analyse et prise en charge

Sequelles des fentes labioalveolopalatovelaires en mission humanitaire. Analyse et prise en charge

nous que les seules sequelles sont celles dont se plaignent

le patient, sa famille ou l’entourage. Le patient se plaint

toujours de ce qu’il voit de son visage, dans son miroir,

mais de son apparence ou de sa parole il souffrira moins

si l’attention veille a ne pas blesser. C’est l’exigence d’une

societe plus sourcilleuse envers le corps qu’envers l’esprit

qui designe les sequelles. Les patients et les familles des

pays pauvres nous l’apprennent.

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17. Harper DC, Peterson DB. Children of the Philippines: attitudestoward visible physical impairment. Cleft Palate Craniofac J2001;38:566–76.

18. Turner L, Jacobsen C, Humenczuk M, Singhal VK, Moore D, BellH. The effects of lactation education and a prosthetic obtura-tor appliance on feeding efficiency in infants with cleft lip andpalate. Cleft Palate Craniofac J 2001;38:519–24.plus :>

Pour en savoir plus :

Avant tout depart en mission, lecture indispensable

de deux livres :

L’action humanitaire, Guillaume d’Andlau, PUF, Paris 1998.

Medecine humanitaire, Jacques Lebas, Florence Veber,

Gilles Brucker, Flammarion, 1994.

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