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54 NRP LYCéE MARS 2018 Séries générales et technologiques Écrit du BAC 2 de L’héritage romantique dans la poésie du XIX e siècle Par Véronique Pagès, professeure de Lettres au lycée Jospeh Saverne (L'Isle-Jourdain) Objet d’étude : « La poésie du XIX e siècle au XX e siècle : du romantisme au surréalisme » Corpus : Textes poétiques du XIX e siècle – Lamartine, « L'Automne », Méditations poétiques, 1820. – Baudelaire, « Chant d'automne », Les Fleurs du Mal, 1857. – Leconte de Lisle, « Le Cœur de Hialmar », Poèmes barbares, 1862. – Verlaine, « Chanson d'automne », Poèmes saturniens, 1866. Présentation Ce travail s’inscrit dans le programme de la classe de 2 de et répond à l’objet d’étude : « La poésie du XIX e au XX e siècle : du Romantisme au Surréalisme ». Toutefois, il peut constituer un par- cours pertinent pour les élèves de 1 re , si on envisage ces activités comme autant de révisions qui permettront de remobiliser les acquis, méthodologiques et culturels, de la classe de 2 de . L’idée de ce travail est, à partir de la confrontation de textes poé- tiques, de construire et de s'approprier des éléments d’histoire litté- raire, en particulier sur le Romantisme, le Parnasse et le Symbolisme. La problématique que nous avons retenue, « Comment la poésie au XIX e siècle questionne-t-elle l’héritage romantique? », peut être annoncée dès le départ comme le fil rouge de l’analyse comparée. Édouard Vuillard, Le Passeur, Cipa Godebski dans une barque sur l'Yonne, 1897, musée d’Orsay, Paris.

Séries générales et technologiques L’héritage … · de l’amour, un registre épique omniprésent et une démarche poé - tique qui rompt avec l’élégie et lui préfère

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54 NRP lycée mars 2018

Séries générales et technologiques

Écrit du BAC 2de

L’héritage romantique dans la poésie du xixe siècle

Par Véronique Pagès, professeure de Lettres au lycée Jospeh saverne (L'Isle-Jourdain)

Objet d’étude : « La poésie du xixe siècle au xxe siècle : du romantisme au surréalisme » 

corpus : Textes poétiques du xixe siècle– Lamartine, « L'Automne », Méditations poétiques, 1820. – Baudelaire, « Chant d'automne », Les Fleurs du Mal, 1857.– Leconte de Lisle, « Le Cœur de Hialmar », Poèmes barbares, 1862.– Verlaine, « Chanson d'automne », Poèmes saturniens, 1866.

Présentation

Ce travail s’inscrit dans le programme de la classe de 2de

et répond à l’objet d’étude : « La poésie du xixe au xxe siècle : du Romantisme au Surréalisme ». Toutefois, il peut constituer un par-cours pertinent pour les élèves de 1re, si on envisage ces activités comme autant de révisions qui permettront de remobiliser les acquis, méthodologiques et culturels, de la classe de 2de .

L’idée de ce travail est, à partir de la confrontation de textes poé-tiques, de construire et de s'approprier des éléments d’histoire litté-raire, en particulier sur le Romantisme, le Parnasse et le Symbolisme. La problématique que nous avons retenue, « Comment la poésie au xixe siècle questionne-t-elle l’héritage romantique? », peut être annoncée dès le départ comme le fil rouge de l’analyse comparée.

Édouard Vuillard, Le Passeur, Cipa Godebski dans une barque sur l'Yonne, 1897, musée d’Orsay, Paris.

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Séries générales et technologiques Écrit du BAC 2de

Confronter les textes du corpus

➔ Questions1. Observez les titres des poèmes 1, 2 et 4 : quelles remarques

pouvez-vous faire ? Y a-t-il des éléments de filiation perceptibles ?2. Quel est le poème qui vous semble le plus original sur le plan

de l’écriture poétique ?3. Peut-on isoler un des poèmes du corpus ? Identifiez-le et inter-

rogez-vous sur ses particularités en vous appuyant sur des citations précises.

➔ Éléments de réponse1. Les poèmes de Lamartine, Baudelaire et Verlaine présentent

un thème commun dont le motif principal est l’automne, saison symbolique. On décèle une tradition qui fait d’une saison un motif, poétique et lyrique, particulièrement apte à retranscrire la fuite du temps, les amours évanouies, la fragilité de la vie et l’angoisse face à la mort. Ces trois textes entretiennent des filiations thématiques évidentes ; toutefois, si l’on examine les titres, on peut constater que, au fil du temps, la réécriture déplace les enjeux lyriques.

Le poème de Lamartine se lit comme un déploiement lyrique autour d’une saison privilégiée aux connotations funèbres. Le point d’exclamation, marque stylistique de l’épanchement, est la moda-lité dominante ; le pronom « je », souvent anaphorique, sature le poème et cet égocentrisme de la parole poétique culmine dans le vers suivant : « Moi, je meurs ». Le poème exprime un déchire-ment profond, une exaltation douloureuse : au seuil de la mort, le poète retrouve l’espérance et le goût de la vie : « Peut-être, dans la foule, une âme que j’ignore /Aurait compris mon âme, et m’aurait répondu !... ». Les sentiments sont le matériau même de l’écriture, et la Nature, apostrophée et personnifiée, permet au poète de se lire au grand jour. Le verbe « expirer », qualifiant tout à la fois le poète et la nature, ou encore l’hypallage « Je suis d’un pas rêveur le sentier solitaire » relient les états d’âme au miroir de la Nature.

Les textes de Baudelaire et Verlaine s’avèrent plus centrés sur le traitement du thème que sur le thème lui-même avec une nuance qui les distingue : Baudelaire choisit pour son titre le mot de « chant » (musique, poésie et tradition orphique) et Verlaine celui de « chanson » (musique populaire). Qu’il soit « chant » ou « chan-son », le poème se signale comme forme et plus seulement comme sujet. La nature du lyrisme sera donc autre : chez Baudelaire, l’épan-chement est métaphorisé, le poète s’en remettant à la puissance suggestive (et non plus descriptive) du langage : « Tout l’hiver va rentrer dans mon être » ou « Ce bruit mystérieux sonne comme un départ », deux vers qui se détachent du vers lamartinien : « je meurs ». La polyphonie du « Nous » décentre la parole poétique et le vocabulaire cru joue sur la rupture des tons : « Mon cœur ne sera plus qu’un bloc rouge et glacé » ; ce vers rejoint d’ailleurs l’évocation réaliste du cœur, siège organique des sentiments, à la manière de Leconte de Lisle. Verlaine est celui qui atteint une adéquation parfaite entre le fond et la forme. Ce poème s’inscrit dans une tra-dition poétique explicite.

Néanmoins, l’écriture même est novatrice et la chanson désac-

cordée reflète parfaitement le décalage douloureux que ressent le poète entre le passé et le moment présent. L’expression lyrique « Et je pleure » matérialise la « musicalité » des larmes et du mal-être que l’on donne à entendre ici via « Les sanglots longs / Des violons / De l’automne ». La métaphorisation (baudelairienne) reste présente : «  Et je m’en vais / Au vent mauvais » ; le poète aux idées noires s’en-fuit vers des contrées hostiles, sombres et violentes.

2. Le poème de Verlaine se détache de ce corpus par sa grande économie de moyens et son affranchissement des codes poétiques, notamment de l’alexandrin. On dégagera la structure suivante :

– un sizain : 4/4/3/4/4/3 avec des rimes au schéma récurrent : a.a.b.c.c.b

– deux tercets qui se lisent comme un sizain disloqué– un sizain : 4/4/3/4/4/3Le rythme lui-même, fondé sur l’hétérométrie (alternance entre

des vers pairs et des vers impairs) et l’abondance de rejets et de contre-rejets, traduit le déséquilibre affectif et psychique d’un poète au pied dans le vide. La spatialisation du poème et son écla-tement typographique reflètent son incapacité à former un « tout » homogène.

3. Dans cette tradition poétique que nous avons mise à jour et qui relie Lamartine, Baudelaire et Verlaine, le poème de Leconte de Lisle se distingue par son émancipation des codes du lyrisme amoureux. On notera un refus affiché d’une conception romantique de l’amour, un registre épique omniprésent et une démarche poé-tique qui rompt avec l’élégie et lui préfère un récit réaliste forte-ment théâtralisé.

Relier les poèmes aux mouvements littéraires

Cette deuxième activité apporte aux élèves les notions utiles d’histoire littéraire. En reliant ces informations à l’étude du corpus, on dégage les caractéristiques des principaux mouvements litté-raires du xixe siècle.

Lamartine poète romantiqueLe romantisme est un mouvement de la première moitié du xixe

siècle. Le recueil des Méditations poétiques est une œuvre clé du Romantisme. « L'Automne », publié en 1820 appartient au roman-tisme. On y trouve :

– une exaltation de la sensibilité et des passions ;– l’importance de la subjectivité ;– l’expression du mal-être et de l’angoisse existentielle ;– une proximité (narcissique) avec la nature.

Leconte de Lisle et le ParnasseLe Parnasse est un mouvement de la seconde moitié du xixe

siècle, en réaction à l’épanchement lyrique propre au romantisme. « Le Cœur de Hialmar », publié en 1862, est un poème parnassien. On y trouve :

– un anti-romantisme revendiqué et le rejet de la sensibilité ;– une recherche de l’objectivité et de l’observation minutieuse ;– le refus de l’inspiration comme don des Dieux ;– l’apologie du travail et de la technique dans la composition

artistique.