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D U S P U N I V E R S I T É C A T H O L I Q U E L I L L E
O C T O B R E 2 0 1 7
C A M I L L E B L A I S E E T C A T H E R I N E M I N N A E R T
Soins palliatifs pédiatriques
Introduction
Il est contre-nature d’envisager la mort alors même que la vie a tout juste commencé
Des principes généraux des soins palliatifs aux spécificités de la pédiatrie
L’apport des professionnels de soins palliatifs s’inscrit dans la complémentarité avec les équipes référentes des autres spécialités, et en aucun cas dans la substitution
Les équipes de soins palliatifs ont souvent acquis une « expertise » dans le champ des discussions éthiques
Soins palliatifs pédiatriques
Prendre soin ne signifie plus guérir mais assurer à l’enfant une écoute et une aide à des besoins physiques, psychologiques et spirituels
Le tabou …. Les enfants meurent aussi
Mortalité générale (0-14ans) : 1.8% du total des décès
65% avant 1 an
Causes de mortalité < 1 an : 20% malformations
congénitales, 20% mort subite ou inexpliquée, 25% états
morbides
Causes de mortalité > 5 ans : accidents et intoxications,
maladies
Les SPP concernent toutes les spécialités pédiatriques
Onco-hématologie
Neurologie et handicap
Anténatal – Maternité - Néonatologie
Réanimation
Cardiologie
Pneumologie
Gastro-entérologie
Néphrologie
Maladies métaboliques
Cause de décès avant 1 an
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
90
44
36
7 5 5
1 1 1 1
Cause de décès selon la cause chez les moins d'un an Région Nord-Pas-de-Calais (N = 191, 2013)
Certaines aff. origine période périnatale
Malformations Congénitales
Symptômes et états morbides maldéfinis
Causes externes
Mal.endoc., nutri. et métaboliques
Mal. du système nerveux et des organesdes sen
Tumeurs
Mal. du sang et des organeshématopoïétiques
Mal. de l'app. circulatoire
Mal. de l'app. respiratoire
Cause de décès entre 1 an et 14 ans
0
5
10
15
20
25
21
19
10 10
7 6
4 4 3
1
Cause de décès selon la cause chez les 1-14 ans Région Nord-Pas-de-Calais (N = 85, 2013) Causes externes
Tumeurs
Malformations Congénitales
Symptômes et états morbides maldéfinis
Mal.endoc., nutri. et métaboliques
Mal. infectieuses et parasitaires
Mal. de l'app. respiratoire
Mal. du système nerveux et des organesdes sens
Mal. de l'app. circulatoire
Mal de l'app. digestif
Cause de décès du jeune adulte
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
10092
16 16
6 6 3 2 2 2 1 1 1 1
Cause de décès selon la cause chez les 15-24 ans Région Nord-Pas-de-Calais (N=149, 2013)
Causes externes
Tumeurs
Symptômes et états morbides mal définis
Mal. du système nerveux et des organesdes sensMal. de l'app. circulatoire
Mal. de l'app. respiratoire
Malformations Congénitales
Mal.endoc., nutri. et métaboliques
Mal de l'app. digestif
Mal. infectieuses et parasitaires
Troubles mentaux et du comportement
Mal. de la peau et du tissu cellulaire sous-cutanéMal. du syst. ostéo-articulaire, muscles ettissus
Ce que ne sont ou ne doivent pas être les soins palliatifs
Les soins palliatifs ne doivent pas devenir une spécialité
réservée à une certaine catégorie de soignants : « spécialistes
de la mort » ……
Ils concernent tous ceux qui un jour ou l’autre, sont confrontés
aux limites de la science médicale et par conséquent doivent
admettre qu’ils ne peuvent plus guérir la maladie mais
simplement soigner le malade
Nago Humbert, les soins palliatifs pédiatriques, 2004
En quoi les soins palliatifs pour les enfants diffèrent-ils de ceux fournis aux adultes ?
Traitements souvent similaires
Mêmes principes que les soins palliatifs pour adultes
Mais…
Les soins palliatifs pédiatriques visent à fournir des
soins complets
aux enfants sans espoir de guérison (maladie complexe, aigüe ou
chronique, évolutive)
quel que soit leur âge
et à leur famille
tout au long du processus de vie, de mort et de deuil
Approche axée sur
une prise de décision concertée
une sensibilité aux valeurs culturelles et spirituelles de la famille, à ses
croyances et pratiques
Spécificité de la pédiatrie en soins palliatifs
Des pathologies spécifiques
Prise en charge adaptée à son développement
Communication
Prise en charge de la douleur et autres symptômes
Discours sur la maladie et la mort
Indissociable de sa famille
Parents
Fratrie
Grands-parents
adapt at i on
…et spécificités de la période périnatale
En médecine néonatale, il s’agit typiquement de certaines affections congénitales graves, issues du diagnostic prénatal, en l’absence de demande maternelle d’interruption de la grossesse
Ou de naissances compliquées, à l’extrême limite de la viabilité
Affections graves mais rarement évolutives
… et dans les maternités
En cas de naissance extrêmement prématurée
En cas de naissance d’un enfant porteur d’une anomalie malformative ou génétique grave voire létale, dépistée in utero
Chacun tente de s’adapter à ces nouvelles pratiques
Un projet de vie particulier
Un projet délivré des contraintes de la médecine curative…
…et des contraintes temporelles
Favoriser la rencontre de l’enfant et de sa famille
… inscrire l’enfant dans l’histoire familiale
… accompagner le deuil
L’approche palliative
- La proportionnalité de la réponse thérapeutique et
- La préservation d’une intentionnalité orientée vers le respect de la vie
Sont alors les marques de l’approche palliative
-> importance de la sincérité et de la cohérence de l’information donnée aux parents et aux professionnels associés à une telle situation
-> nécessaire transparence du projet et de sa mise en œuvre pour chaque enfant
Classification de la population visée par les soins palliatifs pédiatriques d’après le Royal College of Pediatrics and Child Health et
l’Association for children with lif-threatening or terminal conditions
Groupe 1
Enfants présentant des conditions pour lesquelles un traitement curatif est
possible. Les soins palliatifs peuvent être nécessaires pendant les périodes
d'incertitude ou quand les traitements curatifs sont inefficaces.
Exemples: cancer, atteinte cardiaque importante
Groupe 2
Enfants présentant des conditions où une mort prématurée est
inévitable. Ces enfants peuvent avoir besoin de longues périodes de
traitements intensifs destinés à prolonger leur vie et à leur permettre de
participer à des activités normales pour des enfants de leur âge.
Exemples: Mucoviscidose, SIDA
Groupe 3
Enfants présentant des conditions progressives sans espoir de
guérison. Les traitements offerts à ces enfants sont uniquement
palliatifs et peuvent s'étendre sur des années.
Exemples: myopathies, mucopolysaccharidose
Groupe 4
Enfants présentant des problèmes neurologiques graves accentuant
leur vulnérabilité et accroissant les risques de complications pouvant
amener une détérioration non prévisible, mais considérée comme non
progressive, de leur état.
Exemples : paralysie cérébrale grave, accidents avec atteintes
neurologiques.
Groupe 5
Nouveau-nés dont l'espérance de vie est très limitée.
Groupe 6
Membres d'une famille ayant perdu un enfant de façon imprévue à la
suite d'une maladie, d'une situation engendrée par une cause externe ou
d'une perte dans la période périnatale.
Historique et législation
Création de la SFAP en 1990 Loi du 9 juin 1999 : visant à garantir le droit à l ’accès aux soins palliatifs Loi du 4 Mars 2002:dite « Loi Kouchner », relative aux droits des malades et à la
qualité de vie Affaire Vincent Humbert Loi du 22 Avril 2005: dite « Loi Leonetti, » relative aux droits des malades et à la
fin de vie Plan de développement des soins palliatifs : 2008-2012 Plan de développement des soins palliatifs : 2015-2018 Loi du 2 février 2016: créant de nouveaux droits en faveur des malades et des
personnes en fin de vie, dite « Loi Claeys-Leonetti »
Loi du 4 mars 2002 relative aux droits des
malades et à la qualité du système de santé
Aucun acte médical ni aucun
traitement ne peut être pratiqué
sans le consentement libre et
éclairé de la personne et ce
consentement peut être retiré à tout
moment
R.Cremer
Consentement « libre et éclairé »
Information
Obligatoire
Sauf refus du patient
« Loyale et sincère »
In formare
Mettre en forme
Mettre les formes ?
Relation asymétrique
R. Cremer
Information (mineurs et personnes sous tutelle)
Loi Kouchner Les droits des mineurs ou des majeurs sous
tutelle […] sont exercés, par les titulaires de l'autorité parentale ou par le tuteur.
Ceux-ci reçoivent l'information prévue par le présent article
Les intéressés ont le droit de recevoir eux-mêmes une information […] d'une manière adaptée soit à leur degré de maturité s'agissant des mineurs, soit à leurs facultés de discernement s'agissant des majeurs sous tutelle.
R.Cremer
Consentement aux soins (mineurs et majeurs sous tutelle)
Loi Kouchner « Les droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle mentionnés au
présent article sont exercés, par les titulaires de l'autorité parentale ou par le tuteur.
Les intéressés ont le droit […] de participer à la prise de décision les concernant, d'une manière adaptée soit à leur degré de maturité s'agissant des mineurs, soit à leurs facultés de discernement s'agissant des majeurs sous tutelle
R.Cremer
A partir de quel âge ?
Rechercher le consentement
Validité consensuelle si >13 ans Conscience de ses actes
Responsabilité légal
Divorce
Changement de nom
Recommandations européennes pour la recherche chez les mineurs
Maturité des enfants atteints de maladie chronique
R.Cremer
Refus de traitement (cas général)
Loi Kouchner « Le médecin doit respecter la volonté de la
personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d'interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre d'accepter les soins indispensables.
Loi Leonetti En cas de refus de traitement, le médecin peut
faire appel à un autre membre du corps médical
Le malade doit toujours réitérer sa décision après un délai raisonnable
La décision du malade est inscrite dans son dossier
Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins palliatifs
R.Cremer
Refus de traitement par les parents / tuteurs
Protection des mineurs de moins 16 ans Levée de l’autorité parentale possible
Loi Kouchner Dans le cas où le refus d'un traitement
par la personne titulaire de l'autorité parentale ou par le tuteur risque d'entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables.
R.Cremer
Loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie
Suspension des soins médicaux dès lors qu’ils apparaissent "inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie".
Des traitements antidouleurs efficaces peuvent être administrés au malade "en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable" même si ces antidouleurs ont pour effet secondaire de provoquer le décès plus rapide du malade
R.Cremer
Les apports de la Loi du 2 février 2016 (1)
Instaure le droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès, à la
demande du patient, dans des conditions et selon une procédure strictes.
« le médecin met en place l’ensemble des traitements analgésiques et sédatifs
pour répondre à la souffrance réfractaire du malade en phase avancée ou terminale, même s’ils peuvent avoir pour effet d’abréger la vie. »
L’hydratation et l’alimentation artificielles sont explicitement définies comme des traitements, qui peuvent être arrêtés s’ils constituent une obstination déraisonnable
Oblige les médecins à respecter la volonté exprimée dans les directives anticipées ou par l’intermédiaire de la personne de confiance.
Elle impose un enseignement sur les soins palliatifs dans la formation initiale et continue de tous les professionnels de santé.
Ce que la loi du 2 février 2016 renforce(2)
Le droit du patient de refuser ou d’interrompre tout traitement, s’il le juge déraisonnable. Il doit alors être informé des conséquences par le médecin.
L’interdiction de poursuite mais également de mise en œuvre de traitements qui résultent d’une obstination déraisonnable.
Le droit au meilleur apaisement possible de la souffrance .
Le droit à voir soulager sa souffrance par des traitements analgésiques et sédatifs même s’ils peuvent avoir comme effet d’abréger la vie du patient en phase avancée ou terminale.
Le statut de témoignage de la personne de confiance.
Et en pédiatrie…
Pas de précisions spécifiques…
Collégialité+++
Ecoute des parents+++
Temporalité à respecter
De quelle « souffrance réfractaire » s’agira-t-il : celle de l’enfant ou de ses parents?
Au cours des dernières années, plusieurs études nationales ont recensé les besoins en
soins palliatifs pédiatriques
Conclusions cohérentes
Maintien à domicile souhaité généralement par les familles et les enfants
Les structures de soins de proximité ne permettent pas de répondre à ce souhait
Bien qu’essentielle, l’offre de service de soins de support est insuffisante
Les structures proposées à ces enfants dépendent de leur domicile et du diagnostic,
meilleure offre pour les enfants atteints de cancer
Communication entre professionnels impliqués dans la prise en charge d’enfants
atteints de maladie limitant la vie est médiocre et pourrait largement être améliorée
Besoin de formation des professionnels et des bénévoles impliqués
IMPaCCT: Standards for paediatric Palliative Care in Europe
Symptômes et souffrances des enfants en fin de vie, en résumé
Des symptômes parfois mal compris
Fatigue
dépression
Différences de perceptions parents vs soignants
Expression différente des adultes (douleur)
Les symptômes
Asthénie
Douleur
dyspnée
Anorexie
Nausées
Constipation
Diarrhées
Source de souffrance, traité, +/- controlé
J. Wolfe, N. Engl, J. Med
2000.
Discordances dans la perception et/ou reconnaissance
des symptômes parents vs médecins
Fatigue 48 % vs 1%
Douleur 16% vs 12%
Dyspnée 21%vs 11%
Anorexie 36% vs 1%
Wolfe et al, N Engl J Med, 2000
Que pouvons nous savoir des « savoirs » de l’enfant sur sa mort?
Données de la psychologie cognitive du développement (Piaget)
Ce que l’enfant a compris, ce qu’il veut comprendre, ce qu’il nous fait comprendre qu’il a compris
Des paroles de parents, de soignants, de bénévoles
Des témoignages, des souvenirs….
Piaget
De la naissance à 18 mois: le bébé n’a pas de représentations de la mort
De 18 à 24 mois: équivalent de séparation
De 2 à 5 ans: confrontation à la mort d’animaux mais pas de notion de permanence
Les jouets peuvent être réparés, pourquoi pas les morts?
Pensée magique du retour à la vie.
Mais pensée magique de la mort causée par des pensées, des actions…. Culpabilité
Compréhension littérale des mots: voyage dans le ciel, bobo…
ATTENTION A CE QU’ON DIT!!!
De 5 à 8 ans: le concept de la mort tend vers universalité, inévitable, irréversible
o « quand on est mort est-ce que ça fait mal? »
o « piéger la mort en allant dans un cercueil avec un tuba pour observer la mort » Paul
De 8 à 11 ans: pensée plus rationnelle, logique
o « c’est super grave de mourir, quand on meurt c’est pour toute la vie » Julien
Après 11 ans: la mort est finale, irréversible
Adolescence: angoisse et conduite de risques
Plus fort que la mort (sport à risques, défi…)
L’enfant
Être soulagé
Ne pas être abandonné
Être considéré comme une personne
Être informé
Être rassuré
Rester vivant
Avoir une place dans sa famille, la société, dans l’hôpital
Avoir une qualité de vie adéquate
Préserver son imaginaire
Pour les ado
En plein projet de devenir…. Interrompu…
Que projeter?
Entourage amical parfois refusé dans un monde ou le physique est plus important que tout…
La fratrie
Un lien marqué par l’ambivalence
D’amour et de haine
De jalousie
Du partage de ce moment unique qu’est l’enfance
Frères et sœurs, paient un très lourd tribut souvent dans le silence et incompréhension de l’entourage et des soignants.
Des besoins uniques pendant et après la mort de l’enfant.
« maintenant je ne pleure plus… d’abord on pleure dans ses yeux, après on pleure dans son cœur, après on pleure dans son âme et puis ça reste dans un coin et après on peut refaire tout ce qu’on veut »
Marjorie, 12 ans, 3 mois après avoir perdu sa sœur à 2 mois de vie
Faut-il parler de leur propre mort aux enfants ?
A cette question pas de réponse….
Respecter le besoin des enfants
Améliore-t-on sa qualité de vie, sa condition somato-
psychique en évoquant le sujet ?
Pour qui est-ce important ? Soignant ou malade ?
« savoir que l’enfant a dit quelque chose au sujet de sa mort
rassure les soignants plus que lui-même » D Oppenheim
Le sujet est amené par l’enfant
Accuser réception des messages de l’enfant
Respecter le choix d’en parler ou ne pas en parler
Ne pas forcer à parler
Etude de Kreicberges et al 2004 NEJM
449/561 parents (80%) ont rempli le questionnaire
34% disent avoir parlé de la mort avec leur enfant (dont 25% ont employé le mot mort)
Aucun parmi ceux ayant évoqué la mort ne regrettent de l’avoir fait
27% de ceux qui ne l’ont pas fait le regrettent
Les questions des soignants
A-t-on le droit de tuer l’espoir?
Savoir reporter une discussion à un moment où l’on sait que l’on sera disponible….
J’ai le droit de passer la main
De ne pas avoir de réponses (mais ne pas laisser la question dans le vide…. Passer le relais)
Notre angoisse est un frein à une empathie vraie
Comment être là et bien là?
Se rendre disponible pour un dialogue possible,
En faisant confiance à l’enfant
À ses parents
Donner une place à la fratrie
Connaitre ses limites
Favoriser l’harmonie familiale
Valoriser les parents
Déculpabiliser l’enfant
Déculpabiliser les parents
Favoriser le dialogue entre les parents et l’enfant
Alliance thérapeutique parents soignants pour l’enfant : écouter, entendre les parents
Le soignant, l’enfant et ses parents
En guise de conclusion…
Etre présent au cœur de la souffrance et de la mort possible d’un enfant, d’un nouveau-né, renvoie chacun à son impuissance et ses fragilités…
Pouvoir porter cela ensemble, malgré les difficultés des uns et des autres, relève d’un devoir d’humanité et de solidarité