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Faculté des Sciences de Montpellier Master Sciences et Technologies Mention bgae — Biologie, Géosciences, Agro-ressources, Environnement Spécialité bimp – Biodiversité et Interactions Microbiennes et Parasitaires Parcours eep – Écologie et Épidémiologie des Parasites Année 2007–2008 Rapport de stage M2 Soutenance 9 – 10 juin 2008 Spéciation en cours chez Lamellodiscus (Monogenea, Diplectanidae) ? Par Timothée Poisot Directeurs de stage : Yves Desdevises (1) & Olivier Verneau (2) Laboratoires d’accueil : (1) Université Pierre et Marie Curie, Laboratoire Arago, umr cnrs 7628 “Modèles en Biologie Cellulaire et Évolutive” & (2) Université de Perpignan Via Domitia, umr cnrs 5244 “Centre de Biologie et d’Écologie Tropicale et Méditerranéenne”

Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

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Faculté des Sciences de Montpellier

Master Sciences et Technologies

Mention bgae — Biologie, Géosciences, Agro-ressources, Environnement

Spécialité bimp – Biodiversité et Interactions Microbiennes et ParasitairesParcours eep – Écologie et Épidémiologie des Parasites

Année 2007–2008

Rapport de stage M2Soutenance 9 – 10 juin 2008

Spéciation en cours chezLamellodiscus (Monogenea, Diplectanidae) ?

Par Timothée Poisot

Directeurs de stage : Yves Desdevises (1) & Olivier Verneau (2)Laboratoires d’accueil : (1) Université Pierre et Marie Curie, Laboratoire Arago, umr cnrs 7628 “Modèles enBiologie Cellulaire et Évolutive” & (2) Université de Perpignan Via Domitia, umr cnrs 5244 “Centre de Biologieet d’Écologie Tropicale et Méditerranéenne”

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Remerciements

Avant que vous ne commenciez la lecture de ce travail, je me dois d’attirer votre attention surtoutes les personnes qui se sont impliquées, et ont donné de leur temps, pour que je sois en mesurede le conduire à son terme.

Yves Desdevises, avec qui j’ai eu la chance de travailler depuis juillet 2007, qui a été un maîtrede stage toujours disponible, et particulièrement impliqué dans mes activités. Dire que je lui doisbeaucoup est très en dessous de la réalité, et la liste des raisons que j’ai de le remercier est bientrop longue pour figurer ici. Si je devais n’en retenir qu’une, ce serait sans hésitation son souci dudétail, sans lequel la qualité de ce mémoire serait bien moindre.

Olivier Verneau, qui m’a patiemment accompagné pendant la mise au point des protocoles debiologie moléculaire, et sans qui ce projet n’aurait pu voir le jour.

Pascal Romans, pour son aide lors de la capture et du maintien en captivité des poissons.

Gwenael Piganeau, pour son enthousiasme lors de l’étude des données moléculaires.

Hervé Moreau, pour avoir mis à notre disposition les moyens matériels et financiers de sonéquipe.

Marcus Vinicius Domingues, pour nous avoir communiqué son travail sur la classification desDiplectanidae.

Graham Kearns, pour m’avoir transmis une infime fraction de ce qu’il savait sur le dévelop-pement de certains monogènes.

Daniel Borcard, pour avoir accepté de nous offrir le code R pour effectuer le test de Bartlettpar permutations.

Pierre Legendre, pour son aide sur certains points de statistiques.

Emmanuel Paradis, pour ses recommandations sur l’utilisation du package ape en général, etson aide sur l’application du bootstrap aux arbres upgma en particulier.

Louis Euzet, pour notre discussion sur les Lamellodiscus , et ses précisions sur l’identificationde certaines espèces.

Jean-François Guégan et Bernard Godelle pour leurs critiques (en duo) intenses mais construc-tives aux débuts de ce travail.

Serge Morand, pour son soutien, son implication, son incroyable capacité de trouver du positifquand “nothing does not work ”, et pour bien d’autres choses encore. . .

Ce mémoire a été soumis à de nombreuses relectures attentives, aussi je ne prend pas de grands risquesen attirant votre attention sur le fait que je suis seul responsable des erreurs qui resteraient.

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Résumé

Contexte : En dépit de leur faible temps de génération, de leur cycle de vie direct, et de leurspécificité importante, la plupart des espèces de monogènes ne montrent pas de profil de cospé-ciation avec leurs hôtes. On peut conséquemment émettre l’hypothèse que les monogènes ont lacapacité de réaliser des transferts d’hôtes fréquents (augmentant leur spectre d’hôte), rapidementsuivis par des événements de spéciation, qui maintiennent le haut niveau de spécificité observé.Cette question est étudiée dans le système formé par les Lamellodiscus et leur hôtes sparidés,en raison de l’existence au sein du genre Lamellodiscus d’espèces particulièrement généralistespossédant jusqu’à 6 hôtes. Sur sept espèces d’hôtes, nous avons échantillonné 200 individus d’es-pèces généralistes, et réalisé une étude morphométrique sur l’organe d’attachement postérieur,appelé hapteur. Les parasites ont été génotypés en séquençant 300 pb du gène Cox1 , le fragment5’ de l’adn ribosomal 18S, et l’Its1. Enfin, suite à la description récente de nouvelles espèces deLamellodiscus , nous nous sommes intéressés à leur statut taxonomique, en cherchant à déterminersi elles pouvaient être issues de spéciations intra-hôtes.Objectifs : Nous avons cherché, en comparant les données moléculaires et morphométriques, àdiscriminer entre les vrais généralistes (espèces ne montrant pas de différenciation entre les hôtes),les espèces montrant de la plasticité phénotypique (variation morphométrique sans variation mo-léculaire), et les espèces en voie de spéciation. D’éventuels événements de spéciation intra-hôteont été recherchés en utilisant les données moléculaires.Résultats : Malgré le fait que nous n’ayons pu réunir assez de séquences pour trancher surl’occurrence d’évènements de spéciation chez les Lamellodiscus généralistes, nous avons obtenudurant ce stage plusieurs résultats nouveaux. (i) Il existe des groupes morphométriques distinctsau sein des espèces de parasites généralistes, selon les différents hôtes. (ii) Sur Diplodus sargus ,la variabilité morphométrique est très importante, et pour certaines espèces, notamment Lamel-lodiscus elegans , il est possible de différencier deux populations. (iii) La variabilité génétique desLamellodiscus est extrêmement élevée, notamment au regard des séquences obtenues sur le gèneCox1 . (iv) Plusieurs espèces récemment décrites à partir de Lamellodiscus ignoratus ne sont pasdistinguables moléculairement, et voient leur validité remise en question. (v) Toujours au sein dugroupe L. ignoratus , certaines espèces sont en train d’émerger, indiquant que l’espèce L. igno-ratus pourrait être paraphylétique, en tout cas qu’une évaluation de la biodiversité réelle desLamellodiscus sur des critères génétiques est nécessaire. (vi) Plus généralement, nous insistonssur le fait que la spéciation intra-hôte, au sein de groupes morphologiques bien définis, est trèsprobablement un mécanisme important de la radiation évolutive des Lamellodiscus .

Mot-clés: Monogènes, sparidés, spéciation, spéciation intra-hôte, variabilité morphométrique,plasticité phénotypique, adaptation

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Table des matières

1 Introduction 11.1 Problématique : spécificité et spéciation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.2 Le système étudié : les Lamellodiscus parasites de sparidés . . . . . . . . . . . . . 2

1.2.1 Biologie des monogènes monopisthocotylés . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21.2.2 Profil de coévolution entre les monogènes et leurs hôtes . . . . . . . . . . . 31.2.3 Particularités du système Lamellodiscus — sparidés . . . . . . . . . . . . . 3

1.3 Objectifs du travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41.3.1 Objectif principal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41.3.2 Objectifs secondaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

2 Matériels et méthodes 62.1 Échantillonnage et collecte des parasites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62.2 Morphométrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

2.2.1 Mesures sur les hôtes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62.2.2 Mesures sur les parasites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

2.3 Génotypage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72.3.1 Extraction d’adn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72.3.2 Amplification des marqueurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72.3.3 Purification et séquençage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

2.4 Analyse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82.4.1 Recherche de groupes morphométriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82.4.2 Alignement des séquences et analyses phylogénétiques . . . . . . . . . . . . 9

3 Résultats 113.1 Morphométrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

3.1.1 Choix des groupes de parasites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113.1.2 Des différences morphométriques existent selon les hôtes . . . . . . . . . . 113.1.3 Des différences morphométriques existent au sein des hôtes . . . . . . . . . 12

3.2 Données moléculaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133.2.1 Variabilité génétique dans le genre Lamellodiscus . . . . . . . . . . . . . . 133.2.2 Variabilité du gène Cox1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143.2.3 Arbres phylogénétiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

4 Discussion 194.1 Qu’est-ce qu’une espèce chez les parasites ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194.2 Cox1 : un bon marqueur pour l’identification des espèces ? . . . . . . . . . . . . . 204.3 Statut taxonomique du groupe ignoratus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

4.3.1 Un probable complexe d’espèces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 214.3.2 Lamellodiscus neifari est-il en voie de spéciation ? . . . . . . . . . . . . . . 224.3.3 Lamellodiscus ignoratus est-il paraphylétique ? . . . . . . . . . . . . . . . . 23

4.4 Morphométrie : quels apports, et quelles limites ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . 244.5 Conclusion & perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

4.5.1 Des événements de spéciation au sein des groupes morphologiques ? . . . . 25

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TABLE DES MATIÈRES | iv

4.5.2 Ce qui reste à faire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

Bibliographie 29

A Diagnose des Lamellodiscus 30A.1 Caractéristiques générales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30A.2 Caractéristiques des morphotypes étudiés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

A.2.1 Morphotypes et caractères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31A.2.2 Type ignoratus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32A.2.3 Type ergensi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33A.2.4 L. elegans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

B Associations retenues 34

C Protocoles de biologie moléculaire et analyses 36C.1 Tampons de pcr . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36C.2 Cycles de pcr . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36C.3 Analyses statistiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

C.3.1 Test t (de Student) par permutation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

TABLE DES MATIÈRES

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Table des figures

1.1 Lamellodiscus fixé sur un filament branchial de son hôte (schéma) . . . . . . . . . 4

2.1 Distances relevées sur les pièces sclérifiées du corps des Lamellodiscus , et morpho-logie générale du hapteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

2.2 Amorces utilisées pour l’amplification de l’Its1 et du gène Cox1 . . . . . . . . . . 8

3.1 Différences de morphométrie des parasites selon les hôtes . . . . . . . . . . . . . . 123.2 Distances morphométriques entre les individus de l’espèce Lamellodiscus kechemirae 133.3 Morphométrie de Lamellodiscus elegans et variations sur Diplodus sargus . . . . . 143.4 Distances TV contre TI dans le gène Cox1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153.5 Arbres phylogénétiques obtenus pour le marqueur Cox1 , à partir des séquences en

adn et en acides aminés, et pour le marqueur 18S. . . . . . . . . . . . . . . . . . 173.6 Arbres phylogénétiques avec les 3 marqueurs pour le groupe Lamellodiscus ignoratus 18

4.1 Détails des hapteurs de Lamellodiscus ignoratus , Lamellodiscus confusus et L. igno-ratus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

4.2 3 hypothèses pour le statut taxonomique du groupe Lamellodiscus ignoratus . . . 234.3 Distribution des Lamellodiscus selon le gbif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

A.1 Clés pour la diagnose . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

B.1 Cophylogènie des Lamellodiscus et de leurs hôtes sparidés . . . . . . . . . . . . . . 34

C.1 Code R de la fonction StudentPerm, réalisant le test de Student par permutations 38

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Liste des tableaux

3.1 Variabilité génétique au sein du genre Lamellodiscus . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

B.1 Espèces d’hôtes retenues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34B.2 Associations étudiées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

C.1 Composition du mix de pcr . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36C.2 Cycles de pcr utilisé pour l’amplification des cibles . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

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Introduction

1.1 Problématique : spécificité et spéciation

Le parasitisme est sans doute le mode de vie le plus répandu, puisqu’on considère qu’il pour-rait concerner jusqu’à 50% des espèces connues. Certains auteurs (Brooks et McLennan, 1993)estiment à 67 le nombre de transitions indépendantes depuis la vie libre vers le parasitisme. À cejour, aucun exemple de retour à la vie libre depuis le parasitisme n’est encore connu.

Ce mode de vie a été résumé par de Meeûs et coll. (1998) comme “the conquest of life by life”,dans la mesure où le parasite exploite, pour sa survie, un autre être vivant. L’hôte est une res-source pour le parasite, ressource sur laquelle il peut se spécialiser. De fait, on ne connaît pasde “super-organisme” parasite, capable d’exploiter toutes les espèces existantes (Timms et Read,1999). Il se pose donc la question de savoir quels facteurs limitent le nombre d’hôtes d’un pa-rasite, et de pouvoir mesurer à quel point il est inféodé à une ressource particulière (spécialiste— pour une discussion plus approfondie de ces questions, cf. Poulin (2007), et références). Pourcertains auteurs, la spécificité correspond au type de tissu qu’un parasite habite, c’est-à-dire àson microhabitat au sein de l’hôte. Une autre définition, plus couramment utilisée, est basée surle nombre d’espèces d’hôtes qu’un parasite est capable d’exploiter. Dans cette approche, la spéci-ficité est directement reliée au spectre d’hôte : plus un parasite possède un spectre d’hôte réduit,plus sa spécificité est importante. Lous Euzet et Claude Combes ont proposé une séparationdes parasites en trois groupes selon leur spectre d’hôte. Les parasites oïoxènes sont inféodés à uneespèce d’hôte unique (spécialistes sensu stricto). Les sténoxènes infestent un petit nombre d’es-pèces, phylogénétiquement proches. Enfin, les parasites euryxènes infestent un nombre importantd’espèces, dont la ressemblance est plus écologique que phylogénétique.

Un parasite généraliste voit sa population fragmentée sur différentes espèces d’hôtes, qui consti-tuent un environnement changeant. D’une part, les hôtes évoluent, et leurs populations peuventêtre fragmentées. D’autre part, les parasites sont des agresseurs, contre lesquels les hôtes sedéfendent, entraînant une “course aux armements” (Van Valen, 1973). Le fait que ces défensespuissent être différentes selon les espèces d’hôtes — mobilisation de mécanismes immunitaires dif-férents, stratégies d’éviction des parasites,. . . — peut avoir des conséquences évolutives différentespour les populations de parasites, en les contraignant à adapter leur réponse à leur hôte. L’hôtepeut aussi entraîner une sélection de certains génotypes (“assortative survival ”), phénomène sus-ceptible d’isoler reproductivement les différentes populations de parasites. Ces considérations se

1

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1. INTRODUCTION | 2

rapprochent du critère d’espèce biologique avancé par Theodosius Dobzhansky et Ernst Mayr

(“groups of actually or potentially interbreeding natural populations, which are reproductively iso-lated from other such groups”).

Renaud et coll. (1996) ont d’autre part mis en évidence que chez les parasites, l’évolution desgènes dits “host-choice” est accélérée par les interactions mutuelles, conduisant à une diversifica-tion importante des parasites au cours du temps évolutif. De fait, une population de parasitesayant colonisé un nouvel hôte se trouve rapidement isolée de sa population-mère, conduisant à desévénements de spéciation, l’évolution des parasites sur chacun de ses hôtes étant indépendante.On considère que les parasites sont plus enclins à la spéciation (notamment sympatrique, cf. Mc-Coy, 2003) que les organismes libres (de Meeûs et coll., 1998), ce qui est aussi lié à leur tempsde génération plus faible que celui de leurs hôtes (Marzluff et Dial, 1991). De fait, on assiste aune radiation évolutive importante des parasites, y compris au sein d’une espèce d’hôte (spécia-tion sympatrique), 48% des espèces de poissons étant infestés par des monogènes congénériques(Rohde, 1989).

1.2 Le système étudié : les Lamellodiscus parasites de spa-

ridés

1.2.1 Biologie des monogènes monopisthocotylés

Les Lamellodiscus font partie du groupe des Monopisthocotylea (cf. partie A.1), parasites d’or-ganismes aquatiques, principalement des agnathes, chondrychthyens, et téléostéens, mais aussid’“invertébrés”. Leurs habitats sont variés, et comprennent notamment les branchies, les nageoires,la peau, le crâne, et la cavité buccale. Leur taille est relativement faible (de 300 µm à 3 cm).

La pathogénicité des monopisthocotylés en milieu naturel est supposée faible. Une hypothèseavancée pour expliquer ce fait est que les monogènes ancestraux étaient parasites de poissonsprimitifs, il y a 400 millions d’années, et que la longue histoire de coévolution des monogènes etde leurs hôtes a abouti à un équilibre de l’interaction, diminuant la pathogénicité (Rohde, 2005).

Le cycle de vie des monogènes est direct. L’adulte, fixé sur l’hôte, émet dans le milieu un nombred’œufs, de forme tétraédrique, important, qui éclosent pour donner des larves (oncomiracidium).Ces larves sont ensuite capables de chercher activement leur hôte, grâce à des stimuli chimiquesdont la nature est toujours débattue (Buchmann et Lindenstrøm, 2002). Cette recherche activede l’hôte est susceptible de contribuer à la forte spécificité des monogènes, notamment dans lecas où les larves seraient attirées en priorité par les hôtes avec lesquelles elles sont compatibles.

1.2. LE SYSTÈME ÉTUDIÉ : LES LAMELLODISCUS PARASITES DE SPARIDÉS

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1. INTRODUCTION | 3

1.2.2 Profil de coévolution entre les monogènes et leurs hôtes

Les monogènes sont caractérisés par leur cycle de vie direct, plus court que celui de leur hôte, etleur forte spécificité. Ces caractéristiques font qu’on s’attend à observer une cospéciation entre lesparasites et leurs hôtes (Nieberding et Olivieri, 2007). Pourtant, différentes études, sur différentesassociations monogènes–poissons, ont montré qu’il était impossible de mettre en évidence un profilde cospéciation (Desdevises et coll. (2002); Šimková et coll. (2004); Huyse et Volckaert (2005), cf.figure B.1). L’une des hypothèses qui revient le plus souvent pour expliquer l’absence d’un tel profilest que les monogènes ont la capacité d’acquérir fréquemment de nouveaux hôtes. Cette acquisitionde nouveaux hôtes représente un accroissement du spectre d’hôtes ; pour maintenir le fort degréde spécificité observé, il est donc présumé que ces acquisitions sont suivies de spéciations rapides,et que les monogènes infestant plusieurs hôtes soient dans un état de transition entre l’acquisitiond’un nouvel hôte et une spéciation. D’autre part, les spéciations intra-hôtes — autre mécanismeimportant de radiation évolutive chez les parasites — suivies d’extinctions différentielles sont denature à perturber le profil de cospéciation (Šimková et coll., 2004).

Les hôtes des monogènes vivent le plus souvent en sympatrie. Cela ne doit pas pour autantsignifier que les éventuelles spéciations consécutives au transfert seraient sympatriques (McCoy,2003). La spéciation serait sympatrique si les larves émises par les parasites adultes allaient sefixer indifféremment sur l’ensemble des hôtes que le parasite peut exploiter. Dans le cas contraire— si les larves s’attachent préférentiellement sur un hôte de la même espèce que celui habité parla génération précédente — les populations de parasites sont isolées, et la spéciation doit êtreconsidérée comme allopatrique (McCoy, 2003).

1.2.3 Particularités du système Lamellodiscus — sparidés

L’hypothèse formulée dans la partie précédente — le fait que les monogènes généralistes soientdans un état transitoire, entre l’acquisition d’un nouvel hôte et la spéciation — demande pourêtre testée un modèle répondant à plusieurs critères. Le genre de parasites choisi doit (i) compor-ter principalement des spécialistes, afin de s’inscrire clairement dans la tendance habituelle desmonogènes, (ii) on doit pouvoir trouver certaines espèces généralistes, avec des spectres d’hôtesimportants, (iii) l’association hôtes-parasites doit avoir été bien étudiée, afin de pouvoir connaîtreavec le maximum de précision possible le spectre d’hôtes de chaque espèce, et la diversité spéci-fique de chaque espèce hôte pour le genre considéré (afin que l’échantillonnage des hôtes soit leplus adapté possible à la problématique, mais aussi pour limiter au maximum les biais d’échan-tillonnage).

Les Lamellodiscus (Plathelminthes, Monogenea, Monopisthocotylea/Heteronchoinea, Dactylo-gyroidea, Diplectanidae) répondent à ces critères. Environ 60 % des espèces sont oïoxènes — uneunique espèce d’hôte –, et trois espèces ont un spectre d’hôte supérieur à 4 (Lamellodiscus ele-gans , Lamellodiscus ergensi et Lamellodiscus ignoratus). D’autre part, de nombreux travaux ont

1.2. LE SYSTÈME ÉTUDIÉ : LES LAMELLODISCUS PARASITES DE SPARIDÉS

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1. INTRODUCTION | 4

Figure 1.1 – Lamellodiscus fixé sur un fi-lament branchial de son hôte (schéma). Lehapteur est fixé dans le filament branchial,et la ventouse antérieure permet au parasitede s’accrocher de manière plus efficace à sonhôte. Schéma réalisé à partir d’observations àla loupe binoculaire

conduit à un échantillonnage important dans la région de Banyuls-sur-Mer où nous avons réaliséce travail.

1.3 Objectifs du travail

1.3.1 Objectif principal

Durant cette étude, nous allons tenter de déterminer si les Lamellodiscus généralistes sont envoie de spéciation sur leurs différents hôtes. Pour cela, nous allons déterminer s’il existe, surles différents hôtes des parasites généralistes, des groupes selon des critères morphométriques etmoléculaires, et le cas échéant, comparer ces groupes. D’autre part, nous chercherons à déterminersi, comme Šimková et coll. (2004) l’ont montré pour les Dactylogyrus, la spéciation intra-hôte peutêtre considérée comme un moteur important dans la radiation évolutive du genre Lamellodiscus .

Nous étudions donc deux types de mécanismes générant de la spéciation au sein du genre La-mellodiscus : (i) la spécialisation de parasites généralistes sur leurs différents hôtes, en nousintéressant à la formation de groupes morphométriques et moléculaires au sein d’espèces suppo-sées “homogènes”, et (ii) la spéciation intra-hôte, en centrant notre analyse sur la situation devariants morphologiques décrits récemment comme de nouvelles espèces, et qui sont susceptiblesd’être en train d’émerger suite à de tels événements de spéciation.

Pour notre étude morphométrique, nous avons choisi de mesurer différents caractères de l’opis-tohapteur, pour deux raisons. D’une part les mesures sont reproductibles sur toutes les espèces deLamellodiscus , contrairement à celles prises sur des organes de formes très variables, notammentles pièces copulatoires mâles (qui sont en revanche des critères essentiels de discrimination desespèces lors de l’identification des individus collectés) ; d’autre part, le hapteur possède un rôleadaptatif évident, dans la mesure où il est utilisé par le Lamellodiscus pour se fixer à la bran-chie de son hôte (figure 1.1). Nous émettons donc l’hypothèse que dans le cas d’une spéciationadaptative, il fera partie des premiers caractères à montrer des changements.

1.3. OBJECTIFS DU TRAVAIL

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1. INTRODUCTION | 5

Les données moléculaires ont été obtenues en séquençant trois marqueurs : l’Its1, 18S, et Cox1(les deux derniers n’étant que partiellement séquencés). Cox1 est un gène mitochondrial, codantla sous-unité 1 de la cytochrome oxydase. 18S est un arn ribosomique, et l’Its1 un espaceurintergénique, situé en 3’ du 18S. Ils ont été choisis en raison de leur caractère neutre — “neutre”signifiant ici que les pressions de sélection auxquelles ils sont soumis ne sont pas une conséquencede la relation hôte-parasite — , et permettent, en analysant ensemble les informations qu’ils ap-portent, d’être résolutifs à la fois aux niveaux intra- et interspécifique. Le marqueur 18S, bienconservé au cours de l’évolution du genre Lamellodiscus permet de déterminer à quelle espèceappartient un individu, et d’aligner les séquences pour extraire les parties correspondant à lIts1.Il a été utilisé pour produire la seule phylogénie moléculaire des Lamellodiscus disponible (Des-devises et coll., 2002). L’Its1 est très variable au niveau intraspécifique, et ne s’aligne pas d’uneespèce à l’autre (Desdevises et coll., 2002; Kaci-Chaouch et coll., 2008). Les propriétés de Cox1 ,dont nous avons obtenu les premières séquences pour des Lamellodiscus , sont discutées dans cemémoire. Il présente une très forte variabilité, y compris au niveau intraspécifique.

1.3.2 Objectifs secondaires

Notre jeu de données nous permet de nous intéresser à différentes questions annexes. (i) Quel estle statut taxonomique précis d’espèces décrites récemment sur la base de variations morphomé-triques faibles, sans analyses moléculaires (cf. Amine et coll. (2007), et références) ? (ii) Quellesinformations peut-on retirer de ce travail sur l’adaptation morphologique à l’hôte, et la plasti-cité phénotypique (phénomène très mal connu chez les plathelminthes, comme mis en avant parMatejusová et coll., 2002) ? (iii) Enfin, que peut-on savoir sur la recombinaison dans le génomemitochondrial des monogènes ?

1.3. OBJECTIFS DU TRAVAIL

Page 13: Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

Matériels et méthodes

L’échantillonage, la collecte, l’identification des parasites et les analyses moléculaires ont étéeffectués au Laboratoire Arago de l’université Paris 6 (umr cnrs 7628). Les analyses moléculairesont été mises au point au Centre de Biologie et d’Écologie Tropicale et Méditerranéenne del’université de Perpignan (umr cnrs 5244).

2.1 Échantillonnage et collecte des parasites

Les hôtes sélectionnés (Diplodus sargus , Diplodus vulgaris , Diplodus annularis , Diplodus pun-tazzo, Oblada melanura, Lithognatus mormyrus , et Salpa salpa) font partie de la famille dessparidés (téléostéens). Les associations hôtes–parasites retenues sont données dans le tableau B.2en annexe.

Les hôtes ont été collectés individuellement par pêche sous-marine dans la baie de Banyuls-sur-Mer (42o28’47”N, 3o08’10”E), puis disséqués immédiatement après la capture pour identifier lesparasites. Les arcs branchiaux ont été prélevés, puis séparés dans de l’eau de mer, et observés àla loupe binoculaire (Olympus SZ61).

Les Lamellodiscus trouvés ont été immédiatement retirés des branchies, puis placés sur une lamedans une goutte d’alcool à 96 % pour observation microscopique (Olympus CX41). L’identificationest faite sur la base des parties sclérifiées du corps (hapteur et organe copulatoire mâle, cf.annexe A). Après mesure (cf. partie 2.2.2), les parasites sont placés individuellement dans unfaible volume d’alcool à 96 %, en prévision de l’extraction d’adn.

2.2 Morphométrie

2.2.1 Mesures sur les hôtes

Chaque hôte a été pesé (poids total, kg) et mesuré (longueur totale, de la pointe de la nageoirecaudale à la pointe du museau, cm). Quatre mesures ont été prises sur le premier arc branchial :longueur interne de l’arc, longueur totale de l’arc, longueur maximale des filaments, largeur del’arc à la base du plus long filament.

6

Page 14: Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

2. MATÉRIELS ET MÉTHODES | 7

Figure 2.1 – Distances relevées sur les pièces scléri-fiées du corps des Lamellodiscus, et morphologie gé-nérale du hapteur. BMV, taille de la barre médianeventrale. BLD, taille des barres latérales dorsales. a,a’, longueur des hamuli. b, b’, longueur à la pointe.c, c’, ouverture de la lame. d, ouverture de la garde.f, longueur du manche. g, longueur de la garde

2.2.2 Mesures sur les parasites

La méthode d’analyse morphométrique par landmarks (mesure de distances entre deux pointssur un organe) a été utilisée. Le hapteur et l’organe copulatoire mâle de chaque individu ont étéphotographiés au grossissement 40 (Olympus CX41 et caméra Sony ExwaveHAD). Les mesuresmorphométriques indiquées dans la figure 2.1 ont été prises avec le logiciel ImageJ1.

2.3 Génotypage

Les protocoles détaillés pour la biologie moléculaire sont décrits dans l’annexe C.

2.3.1 Extraction d’adn

Les parasites ont été placés dans un très faible volume d’alcool à 96 %, puis séchés 20 à 25minutes au SpeedVac (Savant DNA 120). L’adn a été extrait en utilisant une solution à base deChelex (70 µL à 100 mg/ml) dilué dans de la protéinase K (15 µL à 10 mg/ml), selon la méthodedécrite par Kaci-Chaouch et coll. (2008). L’ensemble adn plus Chelex a été chauffé une heureà 55 C̊, puis 15 minutes à 100 C̊. Les adn ont été conservés à 4 C̊ avant amplification desmarqueurs.

2.3.2 Amplification des marqueurs

L’amplification des cibles Its1 et Cox1 (figures 2.2(a) et 2.2(b), respectivement) a été effectuéepar pcr (pour le contenu du mélange, se reporter au tableau C.1, pour les cycles, se reporterau tableau C.2). L’Its1 présente l’avantage de ne s’aligner qu’à l’intérieur d’une espèce (Kaci-Chaouch et coll., 2008), permettant d’identifier avec précision l’espèce de l’individu considéré, alorsque Cox1 est susceptible de posséder une diversité intraspécifique importante (Hansen et coll.,2007).

1http ://rsb.info.nih.gov/ij/

2.3. GÉNOTYPAGE

Page 15: Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

2. MATÉRIELS ET MÉTHODES | 8

(a) Amorces utilisées pour l’amplification du marqueur Its1.Fragment attendu d’environ 0.9 kb.

(b) Amorces utilisées pour l’am-plification du marqueur Cox1 .Fragment attendu d’environ 0.3kb.

Figure 2.2 – Emplacement des amorces L7 (5’–TGATTTGTCTGGTTTATTCCGAT–3’) et IR8(5’–GCTAGCTGCGTTCTTCATCGA–3’), utilisés pour amplifier l’Its1, d’après Kaci-Chaouch et coll. (2008), ainsi quedes primers LCO1P (5’–TTTTTTGGGCATCCTGAGGTTTAT–3’) et HCOX1P2 ( 5’–TAAAGAAAGAACATAATGAAAATG–3’)utilisés pour amplifier le gène Cox1 , d’après Littlewood et coll. (1997)

Révélation des produits de pcr

Les produits de pcr ont été déposés sur un gel d’agarose à 1 %, puis déposés à migrer (100 V)dans du tbe 0.5x. Les gels ont été révélés aux uv après ≈ 30 min de migration.

2.3.3 Purification et séquençage

Pour chaque individu, la bande correspondant au poids moléculaire attendu (≈ 900pb pourIts1 et ≈ 500 pb pour Cox1 ) a été découpée, puis placée dans un microtube conservé à 4̊ C enattendant la purification.

Les adn ainsi collectés ont été purifiés en utilisant le kit Nucleospin Extract II – Gel extraction(Macherey–Nagel), puis envoyés à la société Macrogen Inc. pour le séquençage.

2.4 Analyse

Les analyses statistiques ont été effectuées avec le logiciel R 2. Sauf mention contraire, le seuil designificativité pour les différents tests a été fixé à 5 %.

2.4.1 Recherche de groupes morphométriques

Analyse exploratoire

Deux méthodes ont été utilisée pour détecter des groupes de parasites sur la base de la mor-phométrie. La distance (morphométrique) Euclidienne standardisée entre tous les individus a étécalculée, puis un groupement a été effectué sur la base de cette matrice (méthode upgma). D’autre

2http ://www.r-project.org/

2.4. ANALYSE

Page 16: Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

2. MATÉRIELS ET MÉTHODES | 9

part, les variables morphométriques ont été utilisées pour une acp (analyse en composantes prin-cipales), réalisée sur l’ensemble des individus d’un type (Lamellodiscus kechemirae, L. elegans ,L. ergensi -like & L. ignoratus-like, cf. annexe A). Le pourcentage de la variance expliqué par lepremier axe étant fort, la valeur sur cet axe pour chaque individu a été choisie pour résumer samorphométrie, et utilisé pour les tests de quantification des différences morphométriques entreles groupes.

Quantification de la différence entre les groupes

La moyenne des valeurs du premier axe pour chaque groupe de parasites, sur ses différents hôtes,a été calculée, puis comparée entre les différents hôtes par le test de Kruskal-Wallis (après avoirconstaté par le test de Bartlett par permutation que les variances n’étaient pas homogènes).

2.4.2 Alignement des séquences et analyses phylogénétiques

Alignement des séquences

Les chromatogrammes obtenus ont été examinés avec les logiciels FinchTV3 et 4Peaks4. Lesséquences ont été, avant toute correction, extraites et blastées5 contre GenBank, en utilisantblastn, afin de vérifier qu’elles correspondaient bien à des séquences de Lamellodiscus.

Pour les deux fragments obtenus (un pour l’amorce sens, l’autre pour l’amorce anti-sens), lespositions indéterminées ont été, selon la qualité du chromatogramme, résolues. Les deux fragmentsont été alignés manuellement (fragment sens, et brin complémentaire du fragment anti-sens), ense servant des séquences déjà connues comme repère, à l’aide du logiciel Se-Al6. Une séquencecomplète pour chaque marqueur a été extraite en combinant les données des deux fragments.Pour les marqueurs Its1 et Cox1 , l’alignement a été réalisé par le logiciel ClustalW27.

Analyses phylogénétiques

Les séquences corrigées et alignées (18S et Cox1 pour l’ensemble des individus, Its1 en intraspé-cifique) ont été analysées via PAUP*4b108 afin de déterminer le modèle d’évolution qui correspon-dait le mieux aux données. Au préalable, les distances TI et TV entre paires de séquences pour legène Cox1 ont été calculées, pour estimer le niveau de saturation pour ce marqueur. Le modèled’évolution ayant la meilleure vraisemblance pour chaque jeu de données a été déterminé parModelTest9, en utilisant l’Akaike Information Criterion. Les alignements ont ensuite été analysés

3http ://www.geospiza.com/finchtv/4http ://mekentosj.com/4peaks/5http ://www.ncbi.nlm.nih.gov/blast/Blast.cgi6http ://tree.bio.ed.ac.uk/software/seal/7http ://www.ebi.ac.uk/Tools/clustalw2/index.html8http ://paup.csit.fsu.edu/9http ://darwin.uvigo.es/software/modeltest.html

2.4. ANALYSE

Page 17: Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

2. MATÉRIELS ET MÉTHODES | 10

en utilisant une approche probabiliste et une validation par bootstrap non paramétrique (PhyML10,avec le modèle proposé par ModelTest) et l’inférence Bayesienne (MrBayes11).

10http ://atgc.lirmm.fr/phyml/11http ://mrbayes.csit.fsu.edu/, version on-line : http ://cbsuapps.tc.cornell.edu/mrbayes.aspx

2.4. ANALYSE

Page 18: Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

Résultats

3.1 Morphométrie

3.1.1 Choix des groupes de parasites

Le statut taxonomique de certains Lamellodiscus est peu clair ; dans les 4 dernières années, 10nouvelles espèces ont été décrites, uniquement sur la base de variations dans la morphologie, sansanalyses moléculaires. Nous avons donc défini 4 groupes parmi les parasites généralistes étudiésici, basés sur la proximité morphologique et morphométrique entre les individus des différentesespèces. Le groupe des L. ignoratus sl. (sensu lato, c.-à-d. l’espèce L. ignoratus , et les espècesqui ont été décrites par splitting) se compose de L. ignoratus ss. (sensu stricto, c.-à-d. l’espèce“canonique”), Lamellodiscus falcus , Lamellodiscus confusus , Lamellodiscus diplodi , Lamellodis-cus mormyri et Lamellodiscus neifari . Le groupe des L. ergensi -like se compose de L. ergensi ,Lamellodiscus theroni et Lamellodiscus tomentosus . Enfin, les espèces L. elegans et L. kechemiraesont considérées indépendamment.

Les espèces composant le groupe L. ignoratus sl. ont été décrites au cours des dernières années,sur la base de variations minimes par rapport à L. ignoratus ss., l’espèce d’origine. Le mêmeraisonnement a été appliqué à L. ergensi , aboutissant à la description de nouvelles espèces. Ilest important de clarifier le statut taxonomique de ces espèces, pour plusieurs raisons. (i) Leprofil de spécificité des Lamellodiscus est modifié, les espèces décrites étant majoritairement desspécialistes. (ii) L’augmentation du nombre d’espèces peut masquer le fait que des processus despéciation soient en cours, en nous faisant considérer comme deux espèces distinctes des individusqui appartiennent en réalité à la même unité taxonomique.

3.1.2 Des différences morphométriques existent selon les hôtes

Au sein de chaque groupe, la première composante principale (premier axe de l’acp sur les valeursmorphométriques) de chaque individu a été utilisée comme valeur résumant sa morphométrie(valeurs propres du premier axe, en % : L. elegans = 74.5 ; L. kechemirae = 54.5 ; L. ignoratussl. = 71.1 ; L. ergensi = 66.7). Les données sont représentées figure 3.1. Les moyennes sur chaqueespèce d’hôte ont été calculées, et comparées par le test de Kruskal-Wallis. Il est possible demettre en évidence que la morphométrie des individus de l’espèce L. elegans est significativementdifférente selon les hôtes (p = 7.10−3), de même pour L. kechemirae (p = 0.02) et les parasites du

11

Page 19: Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

3. RÉSULTATS | 12

D. puntazzo D. sargus D. vulgaris L. mormyrus S. salpa

−6−4

−20

24

(a) L. ignoratus – like

D. annularis D. sargus D. vulgaris O. melanura−6−4

−20

24

(b) L. elegans

D. puntazzo D. sargus D. vulgaris

−8−6

−4−2

02

(c) L. ergensi – like

D. sargus D. vulgaris−4

−20

24

(d) L. kechemirae

Figure 3.1 – Distribution des valeurs de la première composante principale pour les quatre groupes de Lamello-discus étudiés, en fonction des hôtes

groupe L. ergensi (p = 3.10−3). En revanche, au sein des L. ignoratus sl., le test de Kruskal-Wallisne permet pas de se prononcer en faveur d’une différence significative de la morphométrie entreles différents hôtes (p = 0.19). Nous avons décidé de comparer par le test de Mann-Whitney lesdeux groupes les plus différents selon la figure 3.1(a), (L. mormyrus et D. puntazzo). La différenceobtenue entre ces deux groupes est significative (p = 0.03). Pour éviter des tests multiples et uneinflation de l’erreur de type 1, nous n’avons pas répété ces comparaisons entre les autres groupes ;cependant, sur la base du résultat précédent, nous pouvons supposer que des différences existententre les moyennes de certains groupes de L. ignoratus sl. sur leurs différents hôtes.

Le résultat obtenu pour L. kechemirae est intéressant. En plus d’une différence significative demorphométrie selon les hôtes, cette espèce montre une ségrégation claire des parasites, sur la basede leur morphométrie, selon l’espèce sur laquelle ils ont été prélevés (figure 3.2). On observe queles individus prélevés sur D. sargus et ceux prélevés sur D. vulgaris , à de rares exceptions près,sont distinguables d’un point de vue morphométrique.

3.1.3 Des différences morphométriques existent au sein des hôtes

En plus des différences existant entre les hôtes au sein d’une même espèce de parasite, nousavons mis en évidence des différences de morphométrie au sein des hôtes, pour certaines espècesde parasites. L’exemple le plus flagrant est celui de L. elegans sur D. sargus , exposé figure 3.3(a).On observe clairement deux groupes de L. elegans , correspondant respectivement à trois (D. sargus

3.1. MORPHOMÉTRIE

Page 20: Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

3. RÉSULTATS | 13

D. vulgaris

D. vulgaris

D. vulgaris

D. vulgarisD. vulgaris

D. sargusD. sargus

D. sargus

D. sargus

D. sargus

D. sargus

D. vulgaris

D. vulgaris

D. vulgaris

D. vulgaris

D. vulgarisD. vulgaris

D. vulgarisD. vulgarisD. vulgaris

D. vulgarisD. vulgaris

Figure 3.2 – Distances morphométriques entre lesindividus de l’espèce L. kechemirae. Chaque parasiteest identifié par l’espèce d’hôte sur laquelle il a étécollecté. À l’exception de quelques individus, on re-marque que les parasites prélevés sur D. sargus etceux prélevés sur D. vulgaris forment deux groupesaux morphométries différentes (cf. figure 3.1(d))

1, 8, 9) et quatre (D. sargus 2, 3, 6, 7) hôtes. La distribution des valeurs sur le premier axe, est,de même, différente pour ces parasites (figure 3.3(b)).

3.2 Données moléculaires

Les données pour le 18S ont été en partie issues du travail de Desdevises et coll. (2002), cellespour l’Its1 de Kaci-Chaouch et coll. (2008). Au cours de ce travail, nous avons obtenu 9 séquencespour le 18S, autant pour l’Its1, et 11 séquences pour Cox1 .

3.2.1 Variabilité génétique dans le genre Lamellodiscus

Pour chaque marqueur, nous avons calculé le pourcentage de sites polymorphes au sein d’uneespèce, ou d’un morphotype, ainsi que pour l’ensemble des séquences de Lamellodiscus disponibles.Les résultats sont présentés tableau 3.1. Le genre Lamellodiscus est caractérisé par un tauxde variabilité très élevé, avec de nombreux sites fortement polymorphes, y compris au niveauintraspécifique et pour des marqueurs bien conservés comme le 18S.

Les distances génétiques entre individus sont variables entre les marqueurs : faibles pour 18S,indiquant une conservation relativement importante de cette région, très importantes pour Its1,y compris en intraspéficique, et moyennes pour Cox1 . Les distances entre individus de l’espèceL. neifari sont les plus faibles au sein de L. ignoratus sl., pour l’ensemble des séquences. Lamoyenne des distances entre L. ignoratus ss. est plus importante que la distance moyenne au seindes L. ignoratus sl., ce qui est discuté dans la partie 4.3.

Les taux de variabilité observés au niveau intraspécifique pour le genre Lamellodiscus , selon lescritères habituels (cf. Piganeau et coll. (2004), et références), ne sont compatibles qu’avec uneobservation entre individus d’espèces différentes, et sont en tout cas bien plus élevés que ce qui

3.2. DONNÉES MOLÉCULAIRES

Page 21: Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

3. RÉSULTATS | 14

−6 −5 −4 −3 −2 −1 0 1 2 3 4

−2.5

−1.5

−0.5

0.5

1.0

1.5

2.0

Axe 1: 74.5 %

Axe

2: 9

.28

%

(a) acp sur les variables morphomé-triques pour les individus de l’espèceL. elegans

Valeur sur le premier axe

Dis

trib

utio

n

−6 −4 −2 0 2 4

0.00

0.05

0.10

0.15

(b) Distribution de la valeur moyennedu premier axe de l’acp sur les va-riables morphométriques pour L. eleganssur D. sargus

Figure 3.3 – Morphométrie de L. elegans. On remarque que les individus de cette espèce forment deux groupes(encadrés) sur D. sargus. Chaque groupe correspond aux parasites de différents hôtes, indiquant la coexistencede différentes populations dans notre zone d’étude. Légende : ◦ D. annularis, + D. sargus, × D. vulgaris, 5O. melanura

est attendu entre individus de la même espèce. Ce résultat est pris comme une indication du faitque la diversité des Lamellodiscus— et des monogènes en général — est probablement largementsous-estimée, ce que nous étudions dans la partie 4.

3.2.2 Variabilité du gène Cox1

Au cours de ce travail, nous avons obtenu 11 séquences partielles (≈ 300pb) du gène mito-chondrial Cox1 des Lamellodiscus (3 pour Lamellodiscus furcosus , 2 pour L. neifari , 1 pourL. confusus , 2 pour L. ignoratus , 1 pour L. kechemirae, 1 pour L. ergensi , et 1 pour L. diplodi).Afin de déterminer si le fragment retenu porte un signal phylogénétique exploitable, et si la varia-bilité de la séquence permet d’être résolutif entre et à l’intérieur des espèces, nous avons calculé,pour chaque paire de séquences, les distances TI et TV , soit sur l’ensemble de la séquence, soitsur les deux premières bases de chaque codon (le cadre de lecture a été déterminé en alignantnotre séquence sur les séquences Cox1 d’autres monogènes), soit sur la troisième base, afin de

Marqueur 18S Its1 Cox1

T N D P T N D P T N D P

L. ignoratus 493 3 6.08 0,043±2,16.10−7 355 12 11.8 0,147±0,057 290 2 7.58 0,246±0,06Groupe L. ignoratus 493 8 6.73 0,027±0,019 299 17 13.7 0,155±0,07 290 2 9.31 0,214±0,076L. neifari 493 3 0 2,6.10−3±2,3.10−3 334 3 7.48 0,143±0,25 0,09±0Ensemble 493 51 8.9 0,054±0,021 290 8 13.1 0,207±0,066

Tableau 3.1 – Variabilité génétique au sein du genre Lamellodiscus. T : taille du marqueur, N : nombre deséquences disponibles, D : pourcentage de sites polymorphes (hors singletons) dans le marqueur, P : moyenne despairwise distances ± écarts-types. “Ensemble” correspond aux valeurs pour toutes les séquences de Lamellodiscusdisponibles à ce jour

3.2. DONNÉES MOLÉCULAIRES

Page 22: Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

3. RÉSULTATS | 15

●●●

●●●●●

●●

●●●

●● ●

●●● ●

●●

●●●

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●●● ●

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● ●●

0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25

0.0

0.1

0.2

0.3

0.4

Ti

Tv

(a) Distances TV contre TI

pour l’ensemble de la séquence

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0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25

0.0

0.1

0.2

0.3

0.4

Ti

Tv

(b) Distances TV contre TI

pour les deux premières basesde chaque codon

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0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25

0.0

0.1

0.2

0.3

0.4

Ti

Tv

(c) Distances TV contre TI

pour la troisième position dechaque codon

Figure 3.4 – Distances TV contre TI dans le gène Cox1 . La relation linéaire entre TI et TV si l’on considèrel’ensemble du codon ou les deux premières positions montre que dans l’ensemble, il n’existe pas de saturation pourla séquence étudiée (≈ 300pb). En revanche, l’absence de relation entre TI et TV pour la troisième position dechaque codon indique un niveau relativement élevé de saturation entre les individus étudiés

déterminer la saturation. Les résultats sont présentés figure 3.4.

Le fragment du gène Cox1 que nous avons séquencé est dans l’ensemble non saturé (relationlinéaire entre TI et TV ), ce qui lui confère un signal phylogénétique important. En revanche, lerésultat obtenu en considérant uniquement la troisième position de chaque codon indique qu’unesaturation existe à cette position (due au fait que le code génétique est redondant). La variabilitédans Cox1 est extrêmement élevée au sein des Lamellodiscus (cf. tableau 3.1), une caractéristiquediscutée dans la partie 4.2.

3.2.3 Arbres phylogénétiques

À partir des données moléculaires collectées lors de ce travail, et des données déjà disponiblespour le genre Lamellodiscus , nous avons pu placer les individus collectés dans la phylogénieproduite par Desdevises et coll. (2002). Deux séries d’arbres (consensus majoritaires) ont étéreconstruites : une série avec l’ensemble des données disponibles, pour les marqueurs 18S et Cox1(séquences adn et acides aminés, figure 3.5), et une série avec uniquement les données pour legroupe L. ignoratus , afin de clarifier son statut taxonomique, avec les marqueurs 18S, Cox1 , etIts1 (figure 3.6). Les topologies obtenues par inférence Bayesienne et maximum de vraisemblancesont similaires. Les arbres présentés dans ce travail sont les consensus majoritaires. Dans le casou un nœud n’était pas obtenu dans plus de 50 % des réplicats, il n’apparaît pas, et n’a donc pasde valeur de soutien. Par convention, nous avons placé les probabilités postérieures en premier,et les valeurs de soutien bootstrap entre parenthèses.

Ces arbres nous permettent de clarifier la position de certaines espèces décrites récemment,notamment L. neifari , L. falcus , L. confusus , L. diplodi , et L. kechemirae. Il apparaît que lesquatre premières, décrites par splitting à partir de L. ignoratus , lui sont étroitement apparentées,comme on le voit figure 3.5(c). Lamellodiscus kechemirae et L. ergensi sont très proches, mais

3.2. DONNÉES MOLÉCULAIRES

Page 23: Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

3. RÉSULTATS | 16

le faible nombre de séquences obtenues ne permet pas d’en apprendre plus sur le statut de cesespèces.

La proximité entre les L. ignoratus sl. est de même soutenue par l’arbre inféré à partir des donnéesde la séquence en acides aminés de Cox1 (figure 3.5(b)). Quoique la probabilité postérieure dunœud portant l’ensemble des L. ignoratus soit assez faible (52), les différentes espèces apparaissentgroupées. Obtenir un plus grand nombre de séquences — ou augmenter le nombre de caractères— permettrait de clarifier davantage le statut de ce groupe.

On remarque que sur l’ensemble des arbres, les L. ignoratus ss. ne sont pas groupés, maisque les individus des autres espèces (L. confusus , L. diplodi , L. falcus , L. neifari) viennent se“brancher” entre eux. Cette tendance est particulièrement visible pour l’arbre obtenu à partirdes séquences d’Its1. Nous proposons dans la partie 4.3.3 plusieurs hypothèses pour expliquercette observation : la coexistence de différents morphes au sein d’une unique espèce L. ignoratus ,l’émergence de différentes espèces rendant L. ignoratus ss. paraphylétique, et la sous-estimationde la diversité du genre Lamellodiscus , qui, sur la base de critères moléculaires, comporteraitbeaucoup plus d’espèces que celles que l’on reconnaît actuellement. Des résultats semblablesobtenus sur Gyrodactylus (Hansen et coll., 2007) nous font penser que cette sous-estimation estpeut-être vraie pour l’ensemble des monogènes.

3.2. DONNÉES MOLÉCULAIRES

Page 24: Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

3. RÉSULTATS | 17

(a) Arbre pour le marqueur Cox1 (adn) (b) Arbre pour le marqueur Cox1 (acides aminés)

(c) Arbre pour le marqueur 18S

Figure 3.5 – Arbres phylogénétiques (consensus majoritaires) obtenus pour le marqueur Cox1 , à partir desséquences en adn et en acides aminés, et pour le marqueur 18S. Les probabilités postérieures et les valeurs desoutien bootstrap (entre parenthèses) sont indiquées sur les branches

3.2. DONNÉES MOLÉCULAIRES

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3. RÉSULTATS | 18

(a) Arbre réalisé avec le marqueur 18S (b) Arbre réalisé avec le marqueur Its1

(c) Arbre réalisé avec le marqueur Cox1

Figure 3.6 – Arbres phylogénétiques (consensus majoritaires) obtenus pour les 3 marqueurs utilisés (Cox1 , Its1,18S), sur le groupe L. ignoratus sl.. Les topologies obtenues par inférence Bayesienne et maximum de vraisemblancesont similaires. Les espèces d’hôtes sont indiquées à la suite des espèces de parasites, entre parenthèses. Ds :D. sargus, Dv : D. vulgaris, S : S. salpa. Les valeurs de bootstrap (en pourcentage, entre parenthèses) et lesprobabilités postérieures de chaque branche sont indiquées sur les arbres

3.2. DONNÉES MOLÉCULAIRES

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Discussion

4.1 Qu’est-ce qu’une espèce chez les parasites ?

Kunz (2002) a mis en avant le fait que le concept d’espèce biologique s’appliquait mal auxparasites, du fait de leurs modes de reproduction particuliers. Dans une étude sur la spéciationchez les parasites, il est primordial de s’entendre sur ce que nous appelons “espèce”. Dans unbut d’identification, chez les monogènes en général — et les Lamellodiscus en particulier –, lamorphologie est encore le principal outil (à de rares exceptions près : Huyse et Volckaert (2002)ont par exemple utilisé la morphométrie pour Gyrodactylus, et des études plus récentes donnentdes exemple d’utilisation du génotypage (Hansen et coll., 2007)). Cependant, sa pertinence estdiscutable : quel est le degré de différence nécessaire pour considérer deux individus commeappartenant à des espèces différentes ? Quel est le degré de similarité requis pour considérer qu’ilsfont partie d’un même taxon ? D’autre part, comment séparer la ressemblance phénotypique liéeà la phylogénie, et celle issue d’une homoplasie, provoquée par l’adaptation à des environnementssimilaires ?

Dans le cadre de ce travail, nous avons considéré que les individus appartenant à une même espècedevaient (i) être morphométriquement similaires, (ii) génétiquement proches, et (iii) capables des’échanger des gènes (le flux de gènes n’est pas interrompu) ; cette dernière condition nous permetde considérer que deux populations génétiquement distinctes sont en voie de spéciation.

Nous avons observé des taux de variabilité génétique extrêmement importants, même au sein degroupes considérés comme des espèces. D’après les critères habituels pour les animaux (Piganeauet coll., 2004), de tels niveaux de variabilité n’étaient pas compatibles avec une observation auniveau intraspécifique, remettant en question la fait que nous observions effectivement une espèce.Il est possible que la diversité génétique des Lamellodiscus aie été très largement sous-estimée,et que la divergence entre deux populations soit très rapide, rendant le concept d’“espèce” peuadapté à la situation observée. Ce point sera discuté pour le groupe L. ignoratus .

19

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4. DISCUSSION | 20

4.2 Cox1 : un bon marqueur pour l’identification des es-

pèces ?

Au cours de ce travail, nous avons obtenu les premières séquences du gène mitochondrial Cox1pour le genre Lamellodiscus . La région que nous avons étudiée est caractérisée par un taux dedivergence entre les individus très important, y compris à un niveau intraspécifique. Ce résultatétait inattendu, dans la mesure où la pression de sélection exercée sur ce gène est considérée commeétant importante (il peut cependant être expliqué par le fait que Cox1 est un gène à évolutionrapide, qui peut présenter des niveaux de divergence entre individus importants). Au lieu desséquences bien conservées mais fortement polymorphes que nous attendions (c.-à-d. peu de sitesvariables, mais montrant une importante variabilité), nous avons obtenu un taux de variation trèsélevé, avec notamment des cas fréquents de tri-allèlisme pour le groupe L. ignoratus . Plusieurshypothèses peuvent être émises pour expliquer cette observation.

L’impossibilité d’aligner l’Its1 entre espèces est une preuve d’évolution rapide (ou de grandeancienneté) du genre Lamellodiscus (Kaci-Chaouch et coll., 2008). On peut supposer que le tauxde mutation est important pour le gène Cox1 , aboutissant à une divergence rapide des séquences,et a un taux de polymorphisme très important au sein des espèces. Cette divergence rapideaboutirait à la situation rencontrée actuellement par les équipes travaillant sur la systématique desmonogènes du genre Gyrodactylus spp. : la diversité mitochondriale est beaucoup plus importanteque ce qui avait été estimé, et les modèles les plus récents prévoient l’existence de près de 25000espèces potentielles, faisant deGyrodactylus le genre du monde vivant comportant le plus d’espèces(Hansen et coll., 2007).

Cependant, il existe une autre hypothèse pour expliquer le fort polymorphisme de Cox1 chezLamellodiscus , et notamment le rapport PN/PS

1 intraspécifique très élevé (2.85 pour le groupeL. ignoratus), a priori incompatible avec une pression de sélection s’appliquant sur la séquenceen acides aminés. Les fragments que nous avons amplifiés au cours de cette étude pourraientne pas être le gène Cox1 mitochondrial, mais un numt2, c.-à-d. un gène mitochondrial ayanttransféré vers le génome nucléaire, et devenu un pseudo-gène, donc n’étant plus soumis à lasélection (Piganeau et coll., 2004). S’opposent à cet argument le fait que nous n’ayons pas trouvéde codon stop dans les séquences obtenues, et l’absence de mutations décalant le cadre de lecture,deux événements permettant de détecter les numt.

1Rapport entre le nombre de sites polymorphes non-synonymes et le nombre de sites polymorphes synonymesdans un jeu de séquence

2Nuclear mitochondrial dna

4.2. COX1 : UN BON MARQUEUR POUR L’IDENTIFICATION DES ESPÈCES ?

Page 28: Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

4. DISCUSSION | 21

4.3 Statut taxonomique du groupe L. ignoratus

4.3.1 Un probable complexe d’espèces

À ce jour, le seul marqueur génétique dont on dispose pour évaluer le statut taxonomique desLamellodiscus est l’Its1 ; il est possible d’aligner les séquences entre individus d’une même espèce,mais pas entre deux espèces différentes (Kaci-Chaouch et coll., 2008). Les différentes séquencesque nous avons obtenues pour ce marqueur au cours de ce travail s’alignent pour l’ensembledes individus du groupe L. ignoratus . Ce résultat suggère que les différentes “espèces” décritesrécemment (L. falcus , L. diplodi , L. confusus , L. neifari) sont des L. ignoratus , mais qu’il existe ausein de cette espèce une variabilité morphologique importante, se traduisant par la coexistence deplusieurs états morphologiques “discrets”, sans que ces différences morphologies ne correspondentà différentes espèces.

Les distances totales entre individus nous permettent de clarifier la position taxonomique deces morphes. Le fait que la distance entre individus L. ignoratus ss. soit du même ordre degrandeur que celle entre individus de L. ignoratus sl., et qu’entre individus de L. ignoratus sl.et L. ignoratus ss. considérés simultanément (c.-à-d., que tous ces individus sont à des distancessimilaires), suggère que L. ignoratus sl. est un complexe d’espèces pas nécessairement différenciées,et non un assemblage d’espèces avec des origines différentes.

Cette hypothèse est soutenue par les arbres reconstruits selon deux méthodes (maximum devraisemblance et inférence Bayesienne, figure 3.6). Étant donné que nous disposions d’un nombreimportant de données pour le groupe L. ignoratus , nous avons inféré des arbres à partir des sé-quences dont nous disposions. Il apparaît que L. neifari forme un groupe au sein des L. ignoratus ,pour les marqueurs Cox1 (figure 3.6(c)) et 18S (figure 3.6(a)). Les individus de l’espèce L. neifarine sont pas groupés sur l’arbre obtenu à partir des séquences de Its1 (figure 3.6(b)), indiquantque ce morphe est sans doute en train de diverger à partir de L. ignoratus .

Les L. ignoratus ne semblent pas former de groupes, d’un point de vue moléculaire, sur leursdifférents hôtes (figure 3.6(b)), et les individus des morphes L. confusus , L. diplodi et L. falcusse positionnent avec les L. ignoratus , même pour des nœuds bien soutenus. On peut interprétercette situation de deux manières. En considérant les données moléculaires uniquement, il sembleacquis que L. ignoratus , L. neifari , L. diplodi , L. falcus et L. confusus sont apparentés, lesderniers étant selon toute vraisemblance issus de L. ignoratus . Cependant, si l’on s’intéresseaux caractéristiques morphologiques de ces groupes, il apparaît qu’il existe des différences entreeux (L. neifari présente notamment une barre médiane discernable à la loupe binoculaire, cf.figure 4.1). L’impact de cette dernière observation doit cependant être pondéré par le fait que ladescription de nouvelles espèces de Lamellodiscus se fait précisément par observation d’un grandnombre d’individus, et recherche de variations morphologiques “discrètes” (c.-à-d. entre lesquelleson n’a pas observé d’état intermédiaire), et non par analyse moléculaire.

4.3. STATUT TAXONOMIQUE DU GROUPE IGNORATUS

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4. DISCUSSION | 22

(a) L. ignoratus, vue d’en-semble du hapteur

(b) L. confusus, vue d’en-semble du hapteur

(c) L. neifari , détail de labarre médiane ventrale

Figure 4.1 – Détails des hapteurs de L. ignoratus, L. confusus et L. neifari , montrant la différence dans lamorphologie de la barre médiane, critère d’identification de L. neifari .

4.3.2 L. neifari est-il en voie de spéciation ?

Dans une communication personnelle, Louis Euzet nous confiait que L. neifari n’avait été,malgré un échantillonnage soutenu depuis près de 50 ans dans le Golfe du Lion et dans le sud dela Méditerranée, et malgré sa morphologie caractéristique (figure 4.1), observé pour la premièrefois il y a seulement quelques années. Il est intéressant de chercher dans les données génétiquesdes indices confortant l’hypothèse d’une émergence récente et rapide de cette espèce, hypothèseque nous avions formulée à cette occasion.

Concernant l’Its1, les distances génétiques entre individus au sein de l’espèce L. neifari (tableau3.1) sont relativement faibles (en moyenne 0.143) au regard des distances entre individus au seindu groupe L. ignoratus (en moyenne 0.155). Les distances entre L. neifari et les autres individusdu groupe L. ignoratus (en moyenne 0.174) sont compatibles avec le fait que L. neifari soit ungroupe au sein de L. ignoratus , les distances entre L. ignoratus (au sens strict) sur un hôteatteignant au maximum 0.147 (sur D. vulgaris).

Trancher sur le fait que L. neifari représente ou non une espèce sur la base de ces distances estune question difficile à résoudre. La comparaison statistique de ces distances ne fait pas sens, dansla mesure où elles ne sont pas indépendantes. On considère donc la plupart du temps une distancelimite, fixée de manière arbitraire, au-dessus de laquelle on considère deux entités taxonomiquescomme étant distinctes. Dans la mesure où les distances entre L. neifari ne sont pas supérieuresaux distances entre L. ignoratus , ni aux distances au sein du groupe L. ignoratus , nous considéronsque L. neifari appartient au groupe L. ignoratus .

Quoique les distances génétiques entre les individus de l’espèce L. neifari et les L. ignoratusnous amènent à penser que L. neifari fait partie du groupe L. ignoratus , les L. neifari sontregroupés sur les différents arbres produits (figure 3.6). On peut considérer que, bien qu’étantdes L. ignoratus (possibilité d’aligner l’Its1, distances génétiques entre individus inférieures auxdistances entre individus du groupe L. ignoratus), les individus décrits comme L. neifari sont entrain de subir une divergence par rapport à leur espèce d’origine. Selon ce résultat, L. ignoratusserait une espèce paraphylétique, dans la mesure où certaines lignées seraient en train de connaître

4.3. STATUT TAXONOMIQUE DU GROUPE IGNORATUS

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4. DISCUSSION | 23

(a) Hypothèse 1 (b) Hypothèse 2 (c) Hypothèse 3

Figure 4.2 – 3 hypothèses pour le statut taxonomique du groupe L. ignoratus. Dans le premier cas, on considèreque L. ignoratus est une espèce unique, au sein de laquelle on peut distinguer différents morphes. Dans le secondcas, on reconnaît l’existence au sein du groupe L. ignoratus de plusieurs espèces, qui font de L. ignoratus ausens strict une espèce paraphylétique. Dans le dernier cas, on suppose que la diversité des Lamellodiscus a étésous-estimée, et qu’il existe un nombre très important d’espèces au sein du groupe L. ignoratus, comme il a étéavancé pour les Gyrodactylus par Hansen et coll. (2007)

une différenciation génétique, pouvant à terme aboutir à une spéciation.

Un autre argument en faveur d’une divergence de L. neifari est que pour les arbres construitsà partir des séquences du gène Cox1 (figure 3.6(c)), les individus de cette espèce sont isolésdes autres L. ignoratus . Cependant, sur les arbres reconstruits à partir de la séquence en acidesaminés, il est impossible de mettre en évidence un groupe constitué uniquement de L. neifari .Nous proposons que, bien que L. neifari ait commencé à diverger des autres L. ignoratus , lespressions de sélection agissant sur le gène Cox1 poussent à une conservation plus importantede la séquence en acides aminés, rendant son signal phylogénétique moins clair (les séquencesen acides aminés sont, du fait de la redondance du code génétique, moins divergentes que lesséquences en adn).

Nous proposons que L. neifari , bien que n’étant pas moléculairement distinct de L. ignoratuspour les marqueurs utilisés, est actuellement en train de diverger au sein du groupe L. ignoratus .

4.3.3 L. ignoratus est-il paraphylétique ?

L. ignoratus est très probablement un complexe d’espèces, avec des caractères morphologiqueset moléculaires très proches. L’étude des arbres obtenus met en avant le fait que les individus desespèces L. confusus , L. diplodi , L. falcus et L. neifari sont répartis dans le groupe L. ignoratus ,c.-à-d. que l’espèce L. ignoratus au sens strict n’est pas monophylétique.

Ce résultat implique de choisir entre trois approches : (i) soit on considère que, malgré lesdifférences moléculaires et morphologiques existantes, les individus des différents morphes dugroupe L. ignoratus ne sont pas suffisamment différenciés pour que l’on considère des espècesdistinctes ; (ii) soit on considère que L. ignoratus ss. est une espèce paraphylétique ; (iii) soit onconsidère que la diversité des Lamellodiscus (et des monogènes, voire même de différents groupesà une échelle taxonomique beaucoup plus large) a été largement sous-estimée, et que le recourssystématique aux outils moléculaires est nécessaire pour avoir une image la plus précise possiblede la taxonomie de ce groupe.

4.3. STATUT TAXONOMIQUE DU GROUPE IGNORATUS

Page 31: Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

4. DISCUSSION | 24

Ces hypothèses sont reprises dans la figure 4.2. Pour déterminer laquelle est la plus proche dela réalité biologique, il est nécessaire de passer par un travail d’échantillonnage important, pourcapturer le maximum de la diversité potentielle du groupe L. ignoratus , et pour obtenir le plusgrand nombre de séquences possible. De tels travaux ont été menés sur des Gyrodactylus, quiprovoquent des dommages conséquents en aquaculture, et qui représentent un enjeu économiqueimportant (Zietara et Lumme, 2002; Bakke et coll., 2007). Cependant, sur des associations hôtes-parasites ne suscitant pas cet intérêt du fait de leur faible risque pour les activités humaines, lemanque de données reste le principal obstacle à la compréhension des mécanismes évolutifs.

4.4 Morphométrie : quels apports, et quelles limites ?

Nous avons observé, au cours de ce travail, des différences significatives de morphométrie desparasites entre les différentes espèces d’hôtes. Ce résultat suggère que les populations de La-mellodiscus ne sont pas homogènes, et que l’hôte est un facteur influant sur les caractéristiquesmorphométriques, et potentiellement sur le développement des parasites, quoique des études surce point précis soient requises, la croissance des Lamellodiscus (et, à plus grande échelle, desmonogènes) restant largement inconnue (exception faite de quelques travaux, p. ex. sur Para-diplozoon homoion par Pecinkova et coll. (2007) ou Diplectanum aequans par Cecchini et coll.(1998)).

Au vu de nos résultats, il apparaît que la morphométrie est un outil plus résolutif que la simplemorphologie pour caractériser les parasites étudiés. Shinn et coll. (2001), par exemple, ont appliquédes études morphométriques dans un but de diagnose sur les Gyrodactylus. De telles méthodespourraient être amenées à être considérées sur Lamellodiscus , si l’élevage de Sparidés se développedans le Golfe du Lion, comme il est en train de le faire en Croatie notamment.

Cependant, quoique nos résultats indiquent des différences dans la morphométrie selon les hôtes,ils ne permettent pas nécessairement d’être résolutifs, c.-à-d. de déterminer, au vu de la morpho-métrie, à quelle espèce un parasite appartient. Comme l’ont montré Kaci-Chaouch et coll. (2008),le fait que les parasites généralistes soient plus variables que les spécialistes (à la fois génétique-ment et morphométriquement) peut expliquer cette impossibilité. Desdevises et coll. (2002) ontavancé que cette importante variabilité intraspécifique pouvait être considérée comme un facteurfavorisant la colonisation de nouveaux hôtes.

Pour le groupe L. ignoratus sl., nous n’avons pas mis en évidence de différence significative dansla morphométrie selon les hôtes. Ce résultat ne signifie pas que les L. ignoratus sl. ne sont pas entrain de se différencier : il est possible que la méthode par landmarks utilisée ici ne nous permettepas de mettre en évidence une différenciation — qui se ferait sur la forme des pièces sclérifiéesplutôt que sur leurs dimensions —, ou simplement que la différenciation sur les hôtes soit troprécente pour se traduire par une différence dans la morphométrie. Si la morphométrie d’une espècevarie de manière significative sur ses différents hôtes, cela indique qu’une différenciation existe ;

4.4. MORPHOMÉTRIE : QUELS APPORTS, ET QUELLES LIMITES ?

Page 32: Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

4. DISCUSSION | 25

un résultat non significatif n’implique pas, en revanche, une absence de différenciation.

Une autre utilisation de la morphométrie est la détection de variations au sein d’une espèced’hôte. Dans notre échantillon, nous avons obtenu un résultat très significatif pour les parasitesde D. sargus , notamment L. elegans . Pour expliquer cette observation, on peut avancer l’hypothèseque la population de D. sargus dans notre zone d’étude n’est pas homogène (d’un point de vuegénétique, puisque la taille des hôtes seule n’explique pas la formation des deux groupes observés),et qu’en conséquence, les populations de L. elegans sont différentes. Un travail sur les populationshôtes, afin notamment de déterminer leur structure génétique, et les potentielles relations entrecette structure et la formation de groupes morphométriques chez les parasites, était trop lourd àmettre en place dans le cadre de ce travail, mais se révèle nécessaire à la lumière de ces nouvellesobservations. Cet exemple illustre le fait que la morphométrie soit plus résolutive que la simplemorphologie, qui ne permet pas de mettre en évidence deux populations distinctes de L. eleganssur D. sargus .

La morphométrie, une fois les protocoles mis au point pour obtenir un nombre important dedonnées moléculaires (le manque d’efficacité de ces protocoles étant le principal obstacle à l’étudedes Lamellodiscus , comme il est discuté partie 4.5.2) pourra permettre de détecter de la plasticitéphénotypique chez les Lamellodiscus (comme l’ont fait Matejusová et coll. (2002)par exemple),et de mettre en évidence une adaptation morphométrique des parasites à leurs hôtes. Des étudesfonctionnelles sur les différentes pièces du hapteur (études in situ, structures musculaires,. . .) sontnécessaires pour compléter nos connaissances dans ce domaine.

4.5 Conclusion & perspectives

4.5.1 Des événements de spéciation au sein des groupes morpholo-

giques ?

De nos résultats, nous pouvons tirer les informations suivantes. (i) La variabilité génétiquedes Lamellodiscus est très importante, et mérite d’être réexaminée en utilisant un échantillonde grande taille, et le nouveau marqueur (Cox1 ) disponible. (ii) La variabilité morphométriquedes espèces généralistes, comme l’ont montré Kaci-Chaouch et coll. (2008), est importante, maisil existe des différences significatives entre les hôtes, suggérant que le développement du para-site peut être influencé par l’hôte qu’il colonise. Des différences au sein des hôtes ont aussi étéobservées, suggérant que l’adaptation morphométrique ne se fait pas au niveau d’une espèced’hôte, mais sur une population. Deux hypothèses peuvent être émises : soit les Lamellodiscussont fortement plastiques, soit des événements de spéciation rapides se produisent, y comprisentre deux populations d’hôtes, entraînant une adaptation locale. (iii) Enfin, nous avons montréque L. ignoratus sl. est très probablement un complexe d’espèces, au sein duquel certains lignéesdécrites récemment (notamment L. neifari) sont en train de diverger, renforçant l’idée que les

4.5. CONCLUSION & PERSPECTIVES

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4. DISCUSSION | 26

Lamellodiscus ont une évolution rapide.

Les données collectées lors de ce travail ne nous permettent pas de déterminer si les parasitesgénéralistes sont en voie de spéciation sur leurs différents hôtes. En revanche, nous avons pu mon-trer que même au sein de groupes morphologiques bien identifiées, nous assistions à la divergencerapide de certaines lignées. Desdevises et coll. (2002) ont proposé que la grande variabilité mor-phométrique des Lamellodiscus leur permettait de coloniser fréquemment de nouveaux hôtes, etque la spéciation rapide sur ces nouveaux hôtes était le principal moteur de la radiation évolutivede ce genre, d’une manière similaire à ce qui est observé chez Gyrodactylus (p. ex. Zietara etLumme, 2002).

Šimková et coll. (2004) proposaient que, pour le genre Dactylogyrus, la spéciation intrahôte soitun mécanisme de radiation évolutive important ; cette spéciation se ferait par la colonisationde niches distinctes au sein du même hôte. Nos résultats indiquent que les Lamellodiscus , enplus de leur radiation par transfert d’hôte suivi d’une spéciation, pourraient être enclins à laspéciation intrahôte (cf. figure 3.6(a), où l’on voit que les L. neifari parasites de D. sargus onttrès probablement divergé à partir des L. ignoratus ss. sur ce même hôte).

Deux cas au moins de ce type de spéciation semblent exister dans le système Lamellodiscus–sparidés (figure B.1). Le marbré (Lithognathus mormyrus) est parasité par deux espèces sœurs,L. verberis et L. mormyri. De même, le sar à museau pointu (D. puntazzo) est infesté par Lamel-lodiscus bidens et Lamellodiscus hilii, elles aussi espèces sœurs. Un travail plus exhaustif, portantnotamment sur l’emplacement de chaque individu sur la branchie, tel que réalisé par Šimkováet coll. (2004), permettrait de comparer la situation dans le genre Gyrodactylus à celle dans legenre Lamellodiscus . Quoiqu’il en soit, nos résultats suggèrent que l’importance de la spéciationintrahôte dans l’évolution du genre Lamellodiscus ne doit pas être sous-estimée.

4.5.2 Ce qui reste à faire

Au cours de ce travail, nous avons collecté une quantité importante de données morphométriqueset moléculaires, qui pourront par la suite être mises en relation avec d’autres jeux de donnéessur des associations monogènes–poissons. Il sera par exemple possible de chercher a caractériserles profils d’évolution morphométrique du hapteur, en relation avec la phylogénie et le niveaude spécificité, afin de déterminer si cette évolution est adaptative, ou si elle résulte d’une inertiephylogénétique.

Nombreux sont ceux qui s’accordent sur le fait que les monogènes sont un modèle particu-lièrement adapté pour étudier une large gamme de questions en écologie évolutive (p. ex. Mc-Coy, 2003). Parmi les monogènes, l’association Lamellodiscus–sparidés est un système de choix.D’une part, des espèces généralistes et des spécialistes coexistent, différents modes de spéciationssemblent être à l’œuvre, et l’évolution du genre est rapide. D’autre part, nous disposons d’unjeu de données conséquent, et d’un bon suivi dans le temps de cette association. Cependant, denombreux obstacles existent encore.

4.5. CONCLUSION & PERSPECTIVES

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4. DISCUSSION | 27

Figure 4.3 – Distribution des Lamellodiscus selon le gbif. Une seule occurrence ce genre est répertoriée, sur lescôtes indiennes, malgré le fait que cette espèce soit présente partout à l’échelle mondiale

Premièrement, nous ne connaissons que peu de choses de la biologie des Lamellodiscus . Leurcycle de vie n’est connu que de manière qualitative. On ne connaît que très mal la modificationde la morphologie (sans parler de la morphométrie) au cours du développement, le mode exact dereproduction, ou le temps de génération. Les études portant sur les interactions chimiques entre lesLamellodiscus et leurs hôtes sont, à notre connaissance, inexistantes. Un récent travail de Faliexet coll. (2008) s’est intéressé à ces questions dans le système D. aequans–Dicentrarchus labrax ,ouvrant de nouvelles pistes de recherche intéressantes, notamment concernant les modulations laréponse immune de l’hôte au cours de l’infestation.

Deuxièmement, les protocoles de biologie moléculaire demandent un travail important de miseau point. Le taux de réussite lors de l’amplification des marqueurs reste relativement faible, etempêche l’obtention d’un nombre important de séquences. Une exploration du niveau de diver-sité génétique des Lamellodiscus est pourtant requise pour comprendre l’évolution de ce genre,d’autant plus que nos résultats soulignent qu’elle a probablement été très sous-estimée.

Enfin, il existe des Lamellodiscus hors du Golfe du Lion, et hors de la Méditerranée. On trouvedes espèces dans l’Adriatique, en Inde, en Asie du Sud-Est, en Nouvelle Calédonie 3, et en Australie(quoique la distribution des Lamellodiscus soit encore mal connue, parce que le genre reste peuétudié, comme en atteste le figure 4.3). Ce genre est présent en de nombreux endroits à la surfacedu globe, et une étude biogéographique pourrait apporter des informations intéressantes : lesniveaux de variabilité génétique observés sont-ils une règle, ou une exception locale ? Quelle est leniveau de divergence entre les Lamellodiscus méditerranéens et les autres populations ? Un travailsur cet axe devra être envisagé dans les prochaines années, afin de compléter nos connaissancessur le genre Lamellodiscus , qui est un modèle très prometteur pour apporter des réponses à degrandes questions en écologie évolutive.

3Jean-Lou Justine, communication personnelle

4.5. CONCLUSION & PERSPECTIVES

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28

Page 36: Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

4. DISCUSSION | 29

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BIBLIOGRAPHIE

Page 37: Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

Diagnose des Lamellodiscus

A.1 Caractéristiques générales

Il n’existe pas de synapomorphie pour soutenir la monophylie des monogènes (cf. Justine (1998),reprenant les références qui ont été consultées pour la rédaction de cette partie). Cependant, lesdifférentes phylogénies établies sur la base de la morphologie des adultes soutiennent l’hypo-thèse d’une séparation des monogènes entre Monopisthocotylea et Polyopisthocotylea, et c’est laséparation à laquelle nous nous sommes conformés au cours de ce travail. Les Monopisthocoty-lea, auxquels appartiennent les Diplectanidae, présentent un hapteur composé de hamuli (grandscrochets) et d’uncinuli (crochetons), ne subissant pas de profonde métamorphose au cours dudéveloppement post-larvaire.

La famille des Diplectanidae, comprenant environ 250 espèces principalement parasites bran-chiaux de perciformes marins et à laquelle appartient le genre Lamellodiscus , est caractérisée par(i) la présence d’organes d’attachement accessoires (lamellodisques ou squamodisques), (ii) lacomposition du hapteur, avec trois barres transversales connectées à deux paires d’ancres (com-posées d’un hamuli ventral et d’un hamuli dorsal), ainsi que (iii) la présence d’un germariumprétesticulaire, entourant le cæcum intestinal par la droite.

Les Lamellodiscus sont le genre type pour la sous-famille des Lamellodiscinae (contenant, outreLamellodiscus , les genres Calydiscoides, Protolamellodiscus, Telegamatrix et Furnestinia). Cettefamille est caractérisée par une ouverture du pore génital antérieure à l’organe copulatoire mâle(ocm). L’ocm est tubulaire, et présente dans certains genres une pièce accessoire “en Y”. Les œufssont ovales ou tétraédriques. La partie antérieure présente des organes d’attachement (ventouses).On dénombre un ou deux lamellodisques.

Les Lamellodiscus sont caractérisés par la présence de deux paires de tâches oculaires en positionantérieure, non fonctionnelles chez l’adulte (et vestigiales chez certaines espèces). Ils présententdeux lamellodisques, sur les faces ventrales et dorsales. L’ocm est simple et présente des sclérifica-tions. Les œufs sont tétraédriques. Les lamelles intermédiaires du lamellodisque sont partiellementfusionnées, ou libres. L’espèce type est Lamellodiscus typicus Johnston & Tieggs 1922.

30

Page 38: Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

ANNEXE A. DIAGNOSE DES LAMELLODISCUS | 31

(a) bmv (b) ocm type “en lyre”

(c) bld type ignoratus (d) bld type ergensi

(e) Lamellodisque

Figure A.1 – Caractères utilisés pour la diagnose. P : proximal. D : distal. A : antérieur. Po : postérieur. Pi : pièceimpaire. Pp : pièce paire. La notion de “palette” correspond a un aplatissement des bld en position proximale. Lelamellodisque de gauche a des lamelles intermédiaires unies, celui de droite présente des lamelles intermédiaireslibres, avec la dernière incurvée

A.2 Caractéristiques des morphotypes étudiés

A.2.1 Morphotypes et caractères

Nous séparons les Lamellodiscus généralistes présents sur la zone d’étude en trois groupes, L. ele-gans , ignoratus, et ergensi, les deux derniers comprenant plusieurs morphotypes pour lesquellesune diagnose est proposée ici. Les morphotypes sont définis pour la forme adulte du parasite. Lescaractères les plus importants sont la fragmentation ou non des barres latérales dorsales (bld), lastructure globale du lamellodisque (lamelles intermédiaires réunies où libres), et le type d’organecopulatoire (cf. figure A.1)

Á l’intérieur des types principaux, la discrimination se fait sur la base de détails : longueursrelatives des pièces de l’appareil copulatoire, motifs de la barre médiane ventrale (bmv), présenced’encoches sur les bld.

La diagnose proposée ici s’appuie sur la forme générale des parties sclérifiées. Les crochetonsmarginaux n’étant visibles qu’après coloration au jaune de Malmberg, protocole incompatibleavec les analyses conduites, ils n’ont pas été examinés.

A.2. CARACTÉRISTIQUES DES MORPHOTYPES ÉTUDIÉS

Page 39: Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

ANNEXE A. DIAGNOSE DES LAMELLODISCUS | 32

A.2.2 Type ignoratus

Le type ignoratus est caractérisé par des bld non segmentées. L’espèce type de ce groupe mor-phologique est L. ignoratus . Des confusions sont possibles entre les types L. ignoratus , L. diplodi ,L. confusus , et L. falcus notamment.

L. ignoratus

L. ignoratus présente une bmv longue, avec deux renflements importants en position distale. Lesbld sont légèrement coudées, avec une palette importante en position proximale, portant une en-coche légère. L’ocm est de type “en lyre”, avec un jupe peu prononcée. Les lamelles intermédiairessont libres.

L. diplodi

L. diplodi est caractérisé par une barre médiane ventrale (bmv) fine et longue, des bld faible-ment coudées, en palette, présentant une encoche dans la partie proximale (la plus proche de labmv). Les lamelles intermédiaires sont libres. L’ocm est de type “en lyre”, sans jupe.

L. falcus

L. falcus est caractérisé par un ocm avec une pièce impaire en forme de faux, présentant unejupe. La bmv, légèrement plus courte que celle de L. ignoratus , présente une encoche, et desrenflements assez marqués dans les parties distales. Les lamelles sont libres. Les bld sont courteset présentent un motif en palette très prononcé, avec une encoche dans la partie proximale.

L. mormyri

L. mormyri possède un ocm caractéristique avec deux pièces complexes ; l’une en forme depince, l’autre en rectiligne avec deux fins diverticules en son milieu. Les bld sont longues etfines, et présentent une coudure dans leur partie distale. On observe une légère palette en partieproximale, avec une excroissance fine caractéristique du côté postérieur (pouvant correspondre àune encoche très marquée). La bmv présente deux renflements légers en partie distale.

L. neifari

L. neifari présente une bmv caractéristique, très courte avec une encoche très nette dans lapartie antérieure. Les bld sont courtes, très peu courbées, avec une palette légère en positionproximale. L’ocm est de type “en lyre”, avec jupe, avec une pièce impaire relativement rectiligne.Les lamelles intermédiaires sont libres.

A.2. CARACTÉRISTIQUES DES MORPHOTYPES ÉTUDIÉS

Page 40: Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

ANNEXE A. DIAGNOSE DES LAMELLODISCUS | 33

L. confusus

L. confusus est principalement caractérisé par son hôte (S. salpa). Il présente une bmv courte,présentant peu de renflements, et des bld avec un motif en palette en position proximale. L’ocm

est de type “en lyre”, avec une jupe, et les deux branches de la pièce paire sont de taille similaire.Les lamelles intermédiaires sont libres.

A.2.3 Type ergensi

Le type ergensi est caractérisé par des barres latérales dorsales segmentées. L’espèce type de cegroupe morphologique est L. ergensi (seule espèce de ce groupe à ne pas présenter de segmentationclaire des bld, selon les descriptions).

L. ergensi

L. ergensi présente des bld pas ou peu coudées, en une pièce, avec des crénelures nombreuses.La bmv est épaisse, avec une faible encoche. Les lamelles intermédiaires sont libres. L’ocm, detype “en lyre”, ne présente pas de jupe.

L. tomentosus

L. tomentosus présente une bmv en forme de “V”, trappue en son centre et s’affinant versles parties distales. L’ocm est de type “en lyre”, sans jupe, avec une pièce impaire relativementrectiligne. Les bld sont épaisses et fragmentées, avec de nombreux diverticules.

L. kechemirae

L. kechemirae présente une bmv courte, avec une encoche dans la partie antérieure peu profondemais très marquée. Les bld sont courtes, avec de nombreux diverticules. L’ocm est de type “enlyre”.

A.2.4 L. elegans

L. elegans est caractérisé par la forme de son ocm, composé de deux pièces, l’une droite, l’autreen croissant. Ses bld sont non segmentées. Les lamelles intermédiaires sont libres, la dernière estincurvée. La bmv présente deux légers renflements sur les parties distales. Les bld sont longueset peu courbées, et peuvent présenter un léger aplatissement en palette sur la partie proximale.

A.2. CARACTÉRISTIQUES DES MORPHOTYPES ÉTUDIÉS

Page 41: Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

Associations retenues

Nom

Scientifique Vernaculaire Régime alimentaire Taille max. (cm) Poids max. (g) Bathymétrie (m)

Diplodus vulgaris Sar à tête noire carnivorie 45 1300 0–160Diplodus annularis Sparaillon broutage d’invertébrés 24 0–90Diplodus puntazzo Sar à museau pointu carnivorie 60 1680 0–150Diplodus sargus Sar commun carnivorie 45 1670 0–50Lithognathus mormyrus Marbré carnivorie 55Sarpa salpa Saupe herbivorie 51 0–70Olbada melanura Oblade omnivorie 34 0–30

Tableau B.1 – Espèces d’hôtes retenues au cours de cette étude, et quelques caractéristiques écologiques. Lesdonnées ont été obtenues via FishBase

Figure B.1 – Cophylogènie des Lamellodiscus et de leurs hôtes sparidés, telle qu’obtenue par Desdevises et coll.(2002). Les associations marquées par des traits plus épais sont celles qui pourraient résulter d’une spéciationintrahôte

34

Page 42: Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

ANNEXE B. ASSOCIATIONS RETENUES | 35

D.s

argus(7)

D.v

ulgaris(6)

D.p

untazzo(1)

D.a

nnularis

(3)

O.m

elan

ura(1)

L.mormyrus

(1)

S.salpa(1)

L.igno

ratus

156

21

103

L.diplodi

1•

L.falcus

24

L.elegan

s33

102

5L.

neifa

ri4

1L.

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11

L.mormyri

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L.furcosus

7•

L.ergensi

122

•L.

kechem

irae

616

L.tomentosus

•3

Tab

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B.2

–Association

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Page 43: Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

Protocoles de biologie moléculaire et

analyses

C.1 Tampons de pcr

Produit Concentration Volume par tube (µL)

Buffer 5X 5Amorce sens 5pmol/µL 4Amorce antisens 5pmol/µL 4dNTP 5pmol/µL 2MgCl2 25mM 1,5H2O miliQ 5,35GoTaq 0,15adn 3

Tableau C.1 – Composition du mélange utilisé pour l’amplification des cibles. Les pcr ont été effectuées avec unkit Promega “GoTaq Flexidna Polymerase, ref. M8301”

C.2 Cycles de pcr

Étape Temps Durée

Hot-start 95̊ C

Dénaturation initiale 6 min. 95̊ C

Cycles principaux (×35) 1 min. 95̊ C1 min. 48̊ C2 min. 72̊ C

Élongation finale 10 min. 72̊ C

Tableau C.2 – Cycles de pcr utilisé pour l’amplification des cibles

36

Page 44: Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

ANNEXE C. PROTOCOLES DE BIOLOGIE MOLÉCULAIRE ET ANALYSES | 37

C.3 Analyses statistiques

C.3.1 Test t (de Student) par permutation

Le test T de Student par permutations a été implémenté pour le langage R au cours de cetravail. Le code de la fonction StudentPerm est fourni ici (figure C.1).

C.3. ANALYSES STATISTIQUES

Page 45: Spéciations en cours chez Lamellodiscus (Monogenea;Diplectanidae)?

ANNEXE C. PROTOCOLES DE BIOLOGIE MOLÉCULAIRE ET ANALYSES | 38

StudentPerm <- function(sample1,sample2,nperm=999){# StudentPerm# -----------------------------------------------------------# A R function to perform Students’ t-test by permutation# Arguments to pass when calling the function are :# sample1, sample2 (mandatory - R objects)# the two samples to be compared# nperm (optional - Positive integer)# the number of permutations to perform# default value is set to 999# For any informations contact [email protected]# -----------------------------------------------------------require(car)stu<-t.test(sample1,sample2)stu.p<-stu$p.valuestu.t<-stu$statisticstu.df<-stu$parametercount <- 1result <- matrix(rep(0,3),1)colnames(result)=c("T statistic (Df)","Parametric p-value", "Permutations p-value")for(i in 1:nperm){SAMPLE<-sample(c(sample1,sample2))RS1<-SAMPLE[1:length(sample1)]RS2<-SAMPLE[length(sample1)+1:length(SAMPLE)]stu.perm<-t.test(RS1,RS2)stu.perm.p<-stu.perm$p.valuestu.perm.t<-stu.perm$statisticif(abs(stu.perm.t) >= abs(stu.t)) {count <- count+1}}result[1,1]=paste(round(stu.t,4),’(’,round(stu.df,4),’)’,collapse=’’)result[1,2]=round(stu.p,6)result[1,3]=count/(nperm+1)return(result)}

Figure C.1 – Code R de la fonction StudentPerm, réalisant le test de Student par permutations. Cette fonctionprend 3 arguments ; sample1 et sample2 sont obligatoires, et correspondent aux deux jeux de données à comparer ;nperm est fixé par défaut à 999 et correspond au nombre de permutations à réaliser

C.3. ANALYSES STATISTIQUES