Therapie Cellulaire en Pathologie Osseuse

Embed Size (px)

Citation preview

  • 8/10/2019 Therapie Cellulaire en Pathologie Osseuse

    1/6

    Rev Med Lige 2008; 63 : Synthse 2008 : 20-2520

    INTRODUCTIONLe tissu osseux est un tissu extrmement dyna-

    mique capable de soutenir les charges normes

    auquel il est soumis chaque jour, et qui dpend,

    entres autres facteurs, de sa facult remodeler

    et rparer les microfissures ou lsions constan-

    tes qui se dveloppent dans los. Le mcanisme

    fondamental du remodelage osseux se passe

    dans lunit cellulaire de base qui a t nomme

    BMU (Basic Multicellular Unit) par Frost (1).

    Cette BMU comprend les ostoclastes, les ost-

    oblastes et les ostocytes inclus dans la logette

    de remaniement osseux (BRC = Bone Remode-ling Cavity).

    Le cycle de remodelage osseux commence

    par une prolifration et une activation des osto-

    clastes. Ceux-ci proviennent dune diffren-

    tiation des cellules souches hmatopotiques.La lacune de rsorption ainsi cre est ensuite

    colonise par des ostoblastes actifs qui pro-

    duisent la matrice osseuse (tissu ostode) riche

    en collagne de type 1, puis qui minralisent

    cette matrice ostode. Lorsque la lacune est

    comble, certains ostoblastes entrent en apop-

    tose ou retournent un tat quiescent en restant

    adhrents la surface des traves (bone lining

    cells). Dautres ostoblastes se retrouvent inclus

    dans cette matrice. Ils prennent alors le nom

    dostocytes. Leur contact vers lextrieur ne

    se fera plus que par de fins canalicules. Malgr

    leur emprisonnement dans la matrice osseuse,

    ces ostocytes jouent un rle dterminant dans

    le contrle du remaniement osseux. Ils peuvent

    percevoir les microfissures et les tensions mca-

    niques, et peuvent tre rceptifs aux change-

    ments de lenvironnement hormonal de los (par

    exemple, les glucocorticodes). Ils sont capables

    de dclencher le remodelage osseux, peut-tre

    en communiquant avec les bone lining cells

    (2).

    De mme, les ostoblastes, et surtout les

    prostoblastes, rgulent lactivit des osto-

    clastes grce leur production de la cytokine

    RANK ligand (Receptor Activator of Nuclear

    factor Kappa B) qui va activer RANK, rcep-

    J.P. HAUZEUR(1), H. VANCAUWENBERGE(2), M. MALAISE(3), E. BAUDOUX(4), C. LECHANTEUR(4),

    V. GANGJI(5)

    RSUM : Le remodelage osseux est un processus physiolo-gique complexe incluant des facteurs cellulaires, vasculaires,des cytokines et des facteurs de croissance. Lostocyte semblejouer un rle cl dclenchant, selon les signaux reus, ce proces-sus. Celui-ci implique les ostoblastes et ostoclastes et les cellu-les souches prognitrices msenchymateuses prsentes dans lamoelle osseuse. Ce remodelage osseux peut tre dficitaire dansdiffrentes affections osseuses. Nous tudions leffet de la thra-pie cellulaire sur de tels dficits. Nous dveloppons deux appro-ches : la premire utilise de la moelle osseuse autologue enrichiepar concentration en cellules msenchymateuses. Ce concentrest inject dans la lsion selon une technique originale unique-ment percutane. Ce traitement a dmontr son efficacit dans

    des ostoncroses non fracturaires de la tte fmorale. Leffet 2 ans est significatif sur la douleur, la fonction, la prvention ducollapsus et sur la rduction de la zone ncrose. Une secondeapproche explore leffet de cellules dj diffrencies dans laligne ostoblastique. La moelle osseuse est mise en culturepour provoquer in vitrola prolifration et la diffrentiation descellules msenchymateuses en prostoblastes. Les cellules sontensuite injectes en percutan dans la zone lse. Nous appli-quons ce traitement des cas de pseudarthrose. Les rsultatsprliminaires sont encourageants.MOTS-CLS: Ostoncrose - Pseudarthrose - Thrapie cellulaire- Cellule msenchymateuse - Prostoblaste

    CELL-BASEDTHERAPYINBONEDISEASES

    SUMMARY : Bone remodelling is a complex physiologicalprocess including cellular and vascular factors, cytokines andgrowth factors. The osteocyte seems to play an activating keyrole in bone remodelling, according to the received signal. Thisprocess involves osteoblasts, osteoclasts and progenitor cellswhich are present in bone marrow as well as in other tissues.The deficiency in bone remodelling, present in several patholo-gical situations, could be restored by cellular therapy. We deve-lop two approaches : the first includes the use of autologousbone marrow samples concentrated in monocyte cells. The tar-geted cells are principally the mesenchymal stem cells (MSC)which can give rise to mature osteoblasts. This bone marrow

    concentrate is injected into the lesion by a percutaneous tech-nique. This treatment has been efficiently applied in cases ofaseptic osteonecrosis of the femoral head. The effect after 2years is significant for pain, function, prevention of collapseand reduction of the necrotic zone. The second approach usesan intermediate stage. The bone marrow harvest is cultured toproduce MSC proliferation and differentiation in preosteoblastcells. The percutaneously injected cells in the injured zone arethus already differentiated cells. We apply this treatment incases of nonunion fractures. The preliminary results are pro-mising.KEYWORDS: Cell therapy - Mesenchymal stem cell - Osteonecro-sis - Nonunion fracture - Preosteoblast

    THRAPIE CELLULAIRE ENPATHOLOGIE OSSEUSE

    (1) Professeur, Chef de Clinique, (3) Professeur, Chefde Service, Service de Rhumatologie, CHU de Lige.(2) Chef de cl inique, Service de Chirurgie Orthopdi-que, CHU de Lige.(4) Laboratoire de Thrapie cellulaire et gnique, CHUde Lige.

    (5) Chef de clinique adjoint, Service de Rhumatologieet de Mdecine Physique, Hpital Erasme, UniversitLibre de Bruxelles, Bruxelles.

  • 8/10/2019 Therapie Cellulaire en Pathologie Osseuse

    2/6

    THRAPIECELLULAIREETPATHOLOGIEOSSEUSE

    Rev Med Lige 2008; 63 : Synthse 2008 : 20-25 21

    teur membranaire de lostoclaste. Une autre

    production de lostoblaste, lostoprotgrine

    (OPG) peut moduler cette activation en inhibant

    RANKL.

    Les autres intervenants dans la rgulationosseuse sont des facteurs de croissance : les

    BMP (Bone Morphogenetic Proteins), le FGF

    (Fibroblast Growth Factor), le VEGF (Vascular

    Epithelial Growth Factor), le TGF bta (Trans-

    forming Growth Factor) et les IGF 1 et 2 (Insu-

    lin Growth Factor). Sont aussi impliqus les ions

    calcium et phosphore, des cytokines (IL1, 3, 6,

    10, 11, 13, TNF alpha et bta et INF gamma), et

    des hormones (PTH, vitamines D, calcitonine,

    andrognes, corticostrodes, oestrognes, thy-

    roxine, insuline, hormone de croissance).

    Cette complexit explique les multiples voiesdabord thrapeutique utilises pour intervenir

    sur le remodelage osseux lorsquil est perturb.

    Nous dvelopperons ici lapproche thrapeuti-

    que utilisant les cellules : la thrapie cellulaire.

    Celle-ci a pris de lampleur depuis la mise au

    point des cultures de cellules embryonnaires en

    1998 (3) conduisant lapparition de la mde-

    cine rgnratrice. Elle sest dveloppe non

    seulement vers la thrapie cellulaire, mais aussi

    vers la reconstruction de tissus (tissue enginee-

    ring) en crant des supports matriciels pour orga-

    niser et structurer le dveloppement des cellulessouches. Nous nvoquerons dans cet article que

    la thrapie cellulaire qui nutilise que les cellules

    sans support matriciel.

    LESCELLULES SOUCHES

    La cellule souche est dfinie comme une

    cellule dormante (ne prolifrant pas de faon

    active). Elle nest prsente quen petit nombre

    dans les tissus. Les cellules souches ont la par-

    ticularit de pouvoir faire une division asym-

    trique : une des cellules filles reste cellule

    souche et retourne ltat dormant. Cela permet

    de maintenir le capital cellule souche. Lautre

    commence prolifrer abondamment, formant

    une ligne de cellules prognitrices. Celles-ci

    vont se diffrencier vers une forme diffrencie

    mature.

    Lors du dveloppement embryonnaire, les cel-

    lules du blastocyte gardent la capacit de repro-

    duire lindividu tout entier : on parle de cellules

    souches totipotentes. Lors de la croissance

    embryonnaire de lorganisme, ces cellules toti-

    potentes vont se disperser dans les diffrentstissus et organes. Elles acquirent des capacits

    prfrentielles de diffrenciation selon le type

    dorigine embryonnaire (endoderme, mso-

    derme, ectoderme) : elles sont alors appeles

    cellules souches pluripotentes.

    Aprs la naissance, ces cellules souches ont ten-

    dance se spcialiser dans la production de cellu-

    les matures spcifiques de certains tissus commela peau, la muqueuse intestinale, le foie, lendo-

    thlium vasculaire, le tissu nerveux, les cellules

    hmatopotiques, les tissus conjonctifs : elles sont

    appeles cellules souches adultes. Cette spciali-

    sation resterait prfrentielle puisque, dans cer-

    taines conditions, elles pourraient retrouver des

    qualits pluripotentes. (4). Le milieu ambiant

    extracellulaire (cytokine, facteur de croissance,

    etc.) semble jouer un rle dterminant tant dans

    le comportement de diffrenciation que lven-

    tuel retour des capacits multipotentes.

    Les cellules souches capables de produire delos ont reu diffrentes appellations : mcano-

    cytes, cellules stromales mdullaires, cellules

    souches du tissu conjonctif et cellules souches

    msenchymateuses (MSC). Nous reprendrons

    cette dernire appellation comme la plupart des

    auteurs.

    A linverse des cellules souches hmatopoti-

    ques CD34 positives, elles ne sont malheureuse-

    ment pas porteuses dun marquage membranaire

    spcifique qui permettrait de les reconnatre

    facilement. La seule technique utilisable actuel-

    lement pour les identifier est leur mise en cultureet le comptage du nombre de colonies cellulaires

    obtenues : les FCFU (Fibroblasts Colony For-

    ming Units).

    Les MSC sont prsentes dans diffrents tissus :

    prioste, os trabculaire, canaux haversiens de los

    cortical et de la moelle osseuse, mais aussi dans

    dautres tissus comme la synoviale, le tissu adi-

    peux et le muscle.

    Des travaux suggrent mme que des MSC

    existeraient prs des membranes basales des

    petits vaisseaux dans tous les tissus vasculariss

    (5).

    LESCELLULES MSENCHYMATEUSES

    Dans la moelle osseuse sont prsentes les cel-

    lules souches hmatopotiques qui peuvent se

    diffrencier en leucocytes, lymphocytes T et B,

    mgacaryocytes et en ostoclastes.

    La moelle osseuse contient aussi les MSC.

    Elles montrent une capacit de diffrenciation

    dans diffrentes lignes cellulaires et peuvent

    se dvelopper en diverses cellules, incluant les

    adipocytes, les ostoblastes, les chondrocytes,les myocytes, les tnocytes, les cellules nerveu-

    ses (6) et contribuer la rgnration de tissus

    msenchymateux tels que los, le cartilage, le

  • 8/10/2019 Therapie Cellulaire en Pathologie Osseuse

    3/6

    J.P. HAUZEURETCOLL.

    Rev Med Lige 2008; 63 : Synthse 2008 : 20-2522

    muscle, le ligament, le tendon et le tissu adi-

    peux.

    Dans los, le remodelage continu exige la for-

    mation de beaucoup de nouveaux ostoblastes.

    Les ostoblastes leur tour sont continuelle-ment drivs dun nombre beaucoup plus petit

    de prostoblastes et de cellules prognitrices

    en amont. Le nombre de cellules souches vri-

    tables ncessaires pour supporter ce processus

    peut tre trs petit (7). Lactivation des cellules

    souches et la prolifration des cellules gnitri-

    ces pour former de nouveaux ostoblastes sont

    trs acclres suite un trauma, une fracture,

    de linflammation, de la ncrose et des tumeurs

    (8).

    TRAITEMENT PARMOELLE OSSEUSEAUTOLOGUE

    Une des premires mthodes de thrapie

    cellulaire a t linjection locale ou gnrale

    de moelle osseuse autologue. Les cellules de

    la moelle osseuse contribuent la rparation

    osseuse aprs la transplantation systmique ou

    locale chez lhomme. Rcemment, beaucoup

    dcrits ont dmontr le potentiel des MSC dans

    lamlioration de la cicatrisation osseuse. Les

    aspirations de moelle osseuse et de los trabcu-

    laire ont toutes deux t identifies comme dessources de MSC. La quantit de MSC prsente

    dans laspiration de moelle est trs faible : de

    1/20.000 1/500.000 cellules mononucles

    (9).

    Au laboratoire, la MSC de la moelle osseuse

    peut tre isole et expanse par des protocoles

    relativement simples de culture de cellules adh-

    rentes.

    Lutilisation de moelle osseuse concentre,

    cest--dire enrichie en cellules souches, est

    prfrable une moelle osseuse non concen-

    tre. Ltude de Muschler et coll. en est unebelle dmonstration (10). Dans un modle ani-

    mal darthrodse vertbrale utilisant de la pou-

    dre dos cortical, la comparaison de la poudre

    simple, avec la mme poudre imprgne de

    moelle ou de moelle concentre dmontre que

    la concentration augmente nettement la perfor-

    mance de lostogense.

    Nous avons voulu tester ce type de traitement

    utilisant une injection de moelle concentre dans

    lostoncrose.

    Lostoncrose aseptique (ON) est une affec-tion osseuse qui se caractrise par des infarctus

    osseux. Les lsions qui touchent les piphyses

    (surtout la tte fmorale) peuvent se fracturer et

    entraner une souffrance articulaire majeure, au

    point de ncessiter une prothse totale.

    Jusqu prsent, les tudes sur la physio-

    pathologie de lON ont port sur les mcanis-

    mes vasculaires pouvant dclencher la ncrose :hypothses vasculaires, avec interruption du flux

    artriel, capillaire ou mme des sinusodes intra-

    osseux et hypothse embolique. Ds lors, les

    dmarches thrapeutiques partaient de lhypo-

    thse que lenjeu est le rtablissement dune

    vascularisation optimale. Pourtant, lischmie

    ne semble pas pouvoir elle seule expliquer la

    survenue de lON fracturaire. Il y a tout dabord

    ltude de Johnson et Crothers en 1976 (11) qui

    compare le devenir de ttes fmorales totalement

    dvascularises chez les chiens. Une moiti de

    ces ttes est mise dans des conditions de revas-

    cularisation optimale, lautre au contraire est

    maintenue isole de toute possibilit de revascu-

    larisation. Aprs deux ans et demi, 50% des ttes

    fmorales revascularises se sont effondres au

    contraire des ttes fmorales ncrotiques non

    revascularises. Le rle paradoxalement dl-

    tre de la revascularisation est galement attest

    par la signification pronostique du type de signal

    IRM du squestre (12). Le squestre de signal

    T1 normal est en effet compos de tissus osto-

    mdullaires momifis (13). Il change de signal

    lorsquune revascularisation pntre dans le

    squestre et vient nettoyer la zone de ncrose(13). Mais, au contraire des lsions fracturaires

    normales o la raction ostoblastique explose

    pour former un cal osseux trs rapidement, dans

    lON, la raction ostoblastique est minable,

    peu active et lente (13). Bref, lON comporte

    une rponse ostoblastique inadquate qui pour-

    rait elle seule expliquer la survenue de la frac-

    ture. Celle-ci est de faon trs caractristique une

    dissection partant de la priphrie, la jonction

    de la zone de revascularisation et du squestre

    pour se propager au sein du squestre en voie de

    revascularisation.Lvaluation de la rponse ostoblastique

    dans lON a fait lobjet de publications. Herni-

    gou et al. ont rapport que los de la rgion inter-

    trochantrienne de fmur atteint dON sur corti-

    cothrapie possdait un nombre diminu de cel-

    lules msenchymateuses et dostoblastes (14).

    Notre quipe a compar des ostoblastes pr-

    levs, dune part, chez des ON et, dautre part,

    chez des arthrosiques lors de la mise en place

    dune prothse totale de hanche (15). Les perfor-

    mances mtaboliques en termes, de production

    de phosphatases alcalines basales et aprs sti-mulation par vitamine 1,15 (OH) 2 D3 et en ter-

    mes de production de collagne sont normales.

    Par contre, la rapidit de reproduction (mesure

  • 8/10/2019 Therapie Cellulaire en Pathologie Osseuse

    4/6

    THRAPIECELLULAIREETPATHOLOGIEOSSEUSE

    Rev Med Lige 2008; 63 : Synthse 2008 : 20-25 23

    par le temps de doublement de la population) est

    nettement rduite dans lON. Si ces recherches

    doivent tre poursuivies, il nen reste pas moins

    que les donnes acquises confirment que losto-

    blaste joue un rle dterminant dans lON.

    Cest ce qui a conduit formuler lhypothse

    quune voie de traitement de lON pouvait tre

    lenrichissement de la zone de ncrose par des

    cellules souches msenchymateuses en ayant

    recours linjection in locode moelle autologue.

    La premire quipe faire tat des possibilits

    de traiter lON par greffe de moelle autologue

    fut celle dHernigou qui publie, en 1997, les

    rsultats dun cas de drpanocytose avec ON

    de la tte humrale (16). Cette quipe a pour-

    suivi ce programme et en a prsent les rsultats

    rcemment (17).

    Ds 1998, nous avons mis sur pied un pro-

    tocole de traitement de lON par moelle auto-

    logue.

    Notre premire tude a port sur des ttes

    fmorales ayant une ON non fracturaire (sta-

    des 1 et 2), a comport une srie contrle et une

    valuation en aveugle (18). Un prlvement de

    400 ml de moelle est ralis au niveau des os

    iliaques. Cette moelle est directement traite

    en milieu strile lunit de thrapie cellulaire.

    Aprs filtration, un sparateur de cellules Cobe

    permet de concentrer les cellules monocytairesdans un volume final denviron 50 ml. Le forage

    se fait selon notre technique (19) en utilisant un

    trocart spcial de 3 mm de diamtre interne. Les

    hanches contrles ont bnfici de ce forage

    seul. Linjection de moelle se fait aprs mise en

    place du trocart dans le squestre sous contrle

    radioscopique. En moyenne lchantillon rin-

    ject comprenait 2.109 leucocytes dont 1 % de

    CD34+ (cellules souches hmatopotiques) et

    92.107FCFU. A deux ans, 10 hanches greffes

    ont t compares 8 hanches contrles. Les

    deux groupes prsentaient des caractristiquesidentiques : ge, sexe, tiologies (surtout cor-

    ticodes), svrit de la douleur et du handicap

    fonctionnel, caractristiques IRM (y compris %

    de surface portante atteinte et volume du sques-

    tre). Les rsultats 2 ans dvolution dmontrent

    une nette diffrence en faveur du groupe trait

    en ce qui concerne la douleur (EVA : p=0.021),

    la fonction (Lequesne : p=0.00l; WOMAC :

    p=0,013), la progression vers un stade fracturaire

    (p=0,043) et la survie de la hanche (0 versus2

    PTH). De plus le volume du squestre, mesur

    sur IRM, diminue de 30% pour une lgre aug-

    mentation dans le groupe contrle (p=0,00l).

    Mme si ces donnes sont prliminaires, elles

    justifient que de telles tudes soient poursuivies

    avec pour objectif de permettre, par une recolo-

    nisation ostoblastique, une cicatrisation rapide

    du squestre, cest--dire dans un temps quiva-

    lent une consolidation normale de fracture.

    TRAITEMENT PARGREFFE DEPROSTOBLASTES

    Les cellules primitives passent par plusieurs

    stades, celui de cellules multipotentes, puis dos-

    toprogniteurs, puis de prostoblastes avant

    de devenir des ostoblastes, puis des ostocytes.

    Le stade de prostoblaste est caractris par

    des cellules capables de produire, entre autres,

    de la phosphatase alcaline et de la bone sialo

    protine. Elles peuvent aussi tre caractrises

    par la prsence du rcepteur de surface CD105

    et labsence des rcepteurs de surface CD 34 et

    CD 45.

    La MSC cultive et expanse en laboratoire

    peut tre guide vers diffrentes voies de diff-

    renciation, en utilisant certaines conditions de

    culture, spcifiques pour chaque voie de diff-

    renciation.

    La production totalement humanise de pros-

    toblastes autologues partir de MSC mdullai-

    res du patient a pu tre mise au point dans notre

    laboratoire.

    Les prostoblastes injects dans la zone dos reconstruire vont simplanter et, en prolifrant,

    se transformer en ostoblastes actifs.

    Une des applications envisages est le traite-

    ment de la pseudarthrose. On appelle pseudarth-

    rose une fracture qui, aprs 6 mois, ne consolide

    pas.

    Cette absence de cicatrisation osseuse pour-

    rait survenir dans 5 10 % des fractures. Ces

    pseudarthroses peuvent tre hypertrophiques ou

    atrophiques (20). La pseudarthrose hypertrophi-

    que correspond une prolifration osseuse, sou-

    vent exubrante, mais inefficace parce quelle

    narrive pas former un cal osseux complet. La

    cause de ce type de pseudarthrose est essentiel-

    lement mcanique : instabilit excessive de la

    fracture (21).

    Dans la pseudarthrose atrophique, le foyer de

    fracture est occup par du tissu fibreux qui ne

    sossifie pas. Elle est provoque par une insuffi-

    sance de vascularisation ou dostogense (21).

    Les facteurs tiologiques sont multiples, fixation

    trop ou trop peu rigide, ncrose vasculaire par

    infection ou choc haute nergie, lge avanc,le tabagisme, le dficit alimentaire en calcium,

    vitamine D, les maladies systmiques et la cor-

    ticothrapie.

  • 8/10/2019 Therapie Cellulaire en Pathologie Osseuse

    5/6

    J.P. HAUZEURETCOLL.

    Rev Med Lige 2008; 63 : Synthse 2008 : 20-2524

    Les anti-inflammatoires (indomtacine et

    autres) ont t galement reconnus comme fac-

    teurs de risque de pseudarthrose (22, 23, 24),

    probablement par leur effet dinhibition de la

    cyclo-oxygnase et de la production des pros-

    taglandines ostoinductrices. Rcemment, le

    rofecoxib et le celecoxib, inhibiteur slectif de

    la cyclo-oxygnase type 2 (COX2 slectif) ont

    aussi dmontr un effet inhibiteur de la rpara-

    tion osseuse, probablement par linhibition de

    langiogense (25, 26).

    Nous avons entrepris une tude pilote incluant

    10 patients ayant une pseudarthrose atrophique.

    Un prlvement de 40 ml de moelle osseuse est

    ralis sous anesthsie locale au niveau de la

    crte iliaque postrieure. Les cellules sont mises

    en culture pendant 3 semaines. Les cellules obte-

    nues sont rcoltes et mises dans un volume de 2

    5 ml. Nous utilisons notre technique percuta-

    ne pour mettre le trocart spcial (3 mm diam-

    tre) dans la zone de pseudarthrose sous contrle

    radioscopique (19). Le tissu fibreux est perfor

    et retir en partie puis les cellules sont injec-

    tes. Une dcharge stricte du membre trait est

    demande jusqu apparition du cal osseux. Les

    premiers rsultats sont trs encourageants. Dans

    les 7 premiers cas (1 clavicule, 2 humrus, 1 poi-

    gnet, 1 fmur, 1 tibia et 1 pron), une consolida-

    tion partielle apparat aprs en moyenne 3 mois

    (2-4 mois) et la consolidation totale est obtenue

    aprs en moyenne 4,8 mois (3-8 mois). Aucune

    complication na t observe.

    THRAPIE GNIQUE

    Cette stratgie thrapeutique consiste rcol-

    ter et manipuler le matriel gntique des cellules

    autologues pour leur faire produire des proti-

    nes ostoinductrices. Les processus techniques

    comportent la transfection du nouveau gne par

    des vecteurs viraux ou non viraux. Lostoge-

    nse imparfaite a t la premire application dece type dapproche thrapeutique (27, 28). Cette

    affection gntique est due une mutation dans

    le gne responsable de la production du colla-

    gne de type 1. Ce dficit entrane une fragilit

    osseuse svre. La technique a comport une

    destruction des cellules msenchymateuses du

    patient par irradiation de tout le corps puis leur

    remplacement par des cellules msenchymateu-

    ses gntiquement saines. Une premire approche

    thrapeutique a comport une injection intravei-

    neuse de cellules mdullaires allogniques de

    sujets sains (27). Une autre approche a utilisdes cellules autologues transgniques (28). Dans

    le cas des cellules autologues transgniques, il

    sagit de cellules mdullaires prleves aupara-

    vant chez le patient, puis cultives pour en aug-

    menter le nombre et pour tre transfectes par un

    rtrovirus porteur du gne collagne 1 sain. Les

    rsultats prliminaires sont encourageants.

    Dautre part, sest dveloppe une recherchede thrapie gnique ayant pour objectif lenri-

    chissement local ou gnral en lun ou lautre

    facteur de croissance ostoinducteur. Cest ainsi

    que des publications dexpriences animales

    concernent la BMP2. Ce facteur de croissance

    fait partie dune famille qui compte actuellement

    17 formes. Les plus tudis sont la BMP2 et la

    BMP7. Des productions des 2 formes par gnie

    gntique sont commercialises sous le terme

    de BMP humaine recombinante (rh-BMP). Ces

    produits sont dposs localement dans le site

    traiter adsorb sur un support pouvant tre colo-

    nis par les cellules mdullaires. Des cellules

    mdullaires ont t, chez lanimal, gntique-

    ment modifies pour produire en grande quantit

    de la BMP2. La comparaison entre linjection de

    rh-BMP2 et ces cellules mdullaires transfectes

    dmontre une efficacit quivalente pour com-

    bler un trou osseux dans un fmur de rat nude

    (29).

    Lutilisation de cellules endothliales trans-

    fectes pour la production dun facteur de crois-

    sance des vaisseaux, le VEGF sest galementrvle efficace dans des modles dostoncrose

    chez le lapin pour produire une revascularisation

    dun os ncrotique ou mme pour reconstruire

    de los nouveau (30).

    Mais, lintrt majeur de cette voie thrapeu-

    tique serait de produire long terme des lignes

    de cellules radaptes qui survivraient au sein

    de lorganisme trait et qui auraient ainsi une

    action long terme. Cette hypothse doit encore

    tre dmontre.

    CONCLUSION

    La mdecine, en apprhendant mieux les

    processus de croissance cellulaire, a entam un

    nouveau chapitre, celui de la reconstruction tis-

    sulaire.

    Le tissu osseux est, lui aussi, concern par

    cette dmarche thrapeutique originale.

    La thrapeutique cellulaire osseuse peut

    emprunter des voies diffrentes : la moelle

    osseuse, les prostoblastes et les cellules mdul-

    laires gntiquement modifies. Les premires

    applications humaines donnent des rsultats pr-

    liminaires encourageants.

  • 8/10/2019 Therapie Cellulaire en Pathologie Osseuse

    6/6

    THRAPIECELLULAIREETPATHOLOGIEOSSEUSE

    Rev Med Lige 2008; 63 : Synthse 2008 : 20-25 25

    BIBLIOGRAPHIE

    1. Frost HM. Tetracycline-based histological analysis ofbone remodelling. Calcif Tissue Res, 1969, 3, 211-237.

    2. Everts V, Delaisse JM, Korper W et al. The bone

    lining cell: its role in cleaning Howships lacunae andinitiating bone formation. J Bone Miner Res, 2002, 17,77-90.

    3. Thomson JA, Itskovitz-Eldor J, Shapiro SS, et al.Embryonic stem cell lines derived from human blasto-cysts. Science, 1998, 282, 1145-1147.

    4. Jiang Y, Jahagirdar BN, Reinhardt RL et al. Pluripo-tency of mesenchymal stem cells derived from adultmarrow.Nature, 2002, 418, 41-49.

    5. Brighton CT, Lorich DG, Kupcha R, et al. The peri-cyte as a possible osteoblast progenitor cell. Clin Orthop,1992, 275, 287-299.

    6. Jones EA, Kinsey SE, English A et al. Isolation andcharacterization of bone marrow multipotential mesen-chymal progenitor cells. Arthri tis Rheum , 2002, 46,3349-3360.

    7. Connolly JF. Injectable bone marrow preparationsto stimulate osteogenic repair. Clin Orthop Relat Res,1995, 313, 8-18.

    8. Muschler GF, Midura RJ, Nakamoto C. PracticalModeling Concepts for Connective Tissue Stem Celland Progenitor Compartment Kinetics. J Biomed Bio-technol,2003, 2003, 170-193.

    9. Caplan AI. Mesenchymal Stem cells : cell-Based recons-tructive therapy in orthopedics. Tissue Engineering,2005, 7, 1198-1211.

    10. Muschler GF, Matsukura Y, Nitto H, et al. Selective

    retention of bone marrow-derived cells to enhance spi-nal fusion. Clin Orthop, 2005, 432, 242-251.

    11. Johnson JT, Crothers O. Revascularization of thefemoral head. A clinical and experimental study. ClinOrthop, 1976, 114, 364-373.

    12. Mitchell DG, Steinberg ME, Dalinka MK, et al.Magnetic resonance imaging of the ischemic hip. ClinOrthop, 1989, 244, 60-77.

    13. Hauzeur JPh, Pasteels JL, Orloff S. Bilateral non-traumatic aseptic osteonecrosis in the femoral head.A experimental study of incidence. J Bone Joint Surg,1987, 69, 1221-1223.

    14. Hernigou P, Beaujean F, Lambotte JC. Decrease in the

    mesenchymal stem-cell pool in the proximal femur incorticosteroid-induced osteonecrosis.J Bone Joint SurgBr, 1999, 81, 349-355.

    15. Gangji V, Hauzeur JPh, Schoutens A, et al. Abnorma-lities in the replicative capacity of osteoblastic cells inthe proximal femur of patients with osteonecrosis of thefemoral head.J Rheumatol, 2003, 30, 348-351.

    16. Hemigou P, Bemaudin F, Reinert P, et al. Bone-mar-row transplantation in sickle-cell disease. Effect onosteonecrosis: a case report with a four-year follow-up.J Bone Joint Surg Am, 1997, 79, 1726-1730.

    17. Hernigou P, Beaujean F. Treatment of osteonecrosiswith autologous bone marrow grafting. Clin Orthop,2002, 405, 14-23.

    18. Gangji V, Hauzeur JPh, Matos C, et al. Treatment ofosteonecrosis of the femoral head with implantation ofautologous bone-marrow cells : a pilot study.JBJS Am,2004, 86, 1153-1160.

    19. Hauzeur JPh, Orloff S, Taverne-Verbanck J, et al.Diagnosis of aseptic osteonecrosis of the femoral head

    by percutaneous transtrochanterian needle biopsy. ClinRheumatol, 1986, 5, 346-358.

    20. Van Cauwenberge H, Hauzeur JP, Gillet P. Update

    in non-union treatment.Rev Med Lige, 2007,62

    , 344-351.

    21. Lemaire R. Management of nonunions : an overview,in Duparc J (ed). Surgical Techniques in Orthopaedicsand Traumatology. Elsevier, Paris, 2000, 55, 1-10.

    22. Giannoudis PV, MacDonald DA, Matthews SJ, et al.Nonunion of the femoral diaphysis. The influence ofreaming and non-steroidal anti-inflammatory drugs. JBone Joint Surg Br, 2000, 82, 655-658.

    23. Burd TA, Hughes MS, Anglen JO. Heterotopic ossifi-cation prophylaxis with indomethacin increases the riskof long-bone nonunion.J Bone Joint Surg Br, 2003, 85,700-705

    24. Glassman SD, Rose SM, Dimar JR, et al. The effect

    of postoperative nonsteroidal anti-inflammatory drugadministration on spinal fusion. Spine, 1998, 23, 834-838.

    25. Murnaghan M, Li G, Marsch DR. Nonsteroidal anti-inflammatory drugs induced fracture nonunion: an inhi-

    bition of angiogenesis?J Bone Joint Surg Am, 2006, 88,140-147.

    26. Daluiski A, Ramsay KE, Shi Y, et al. Cyclooxyge-nase-2 inhibitors in human skeletal fracture healing.Orthopedics, 2006, 29, 259-261.

    27. Horwitz EM, Prockop DJ, Fitzpatrick LA et al. Trans-plantability and therapeutic effects of bone marrow-deri-ved mesenchymal cells in children with osteogenesisimperfecta. Nat Med, 1999, 5, 309-313.

    28. Chamberlain JR, Schwarze U, Wang PR, et al. Genetargeting in stem cells from individuals with osteogene-sis imperfecta. Science, 2004, 303, 1198-1201.

    29. Lieberman JR, Daluiski A, Stevenson S, et al. Theeffect of regional gene therapy with bone morphogenetic

    protein-2-producing bone-marrow cells on the repair ofsegmental femoral defects in rats.J Bone Joint Surg Am,1999, 81, 905-917.

    30. Katsube K, Bishop AT, Simari RD, et al. Vascularendothelial growth factor (VEGF) gene transfer enhan-ces surgical revascularization of necrotic bone. OrthopRes, 2005, 23, 469-474.

    Les demandes de tirs part sont adresser auPr. J.P. Hauzeur, Service de Rhumatologie, CHU SartTilman 4000 Lige, Belgique.Email : [email protected]