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Tribunal administratif N° 36594 du rôle
du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 juillet 2015
3e chambre
Audience publique du 4 mai 2016
Recours formé par Monsieur ..., …,
contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile
en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)
___________________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 36594 du rôle et déposée au greffe du tribunal
administratif le 14 juillet 2015 par Maître Arnaud Ranzenberger, avocat à la Cour, inscrit au
tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ..., né le … à … (Côte
d’Ivoire), de nationalité ivoirienne, demeurant à L-…, ayant élu domicile à l’étude de Maître
Ranzenberger sise L-2132 Luxembourg, 24, avenue Marie-Thérèse, tendant à la réformation
d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 15 juin 2015 portant refus de sa demande de protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit
dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal
administratif le 20 août 2015 ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Sandrine Francis, en
remplacement de Maître Arnaud Ranzenberger, et Monsieur le délégué du gouvernement Yves
Huberty en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 30 septembre 2015.
Vu l’ordonnance du président de la troisième chambre du tribunal administratif du 2 mars
2016, ordonnant aux parties de prendre position moyennant mémoire supplémentaire, par rapport
à la situation actuelle en Côte d’Ivoire et plus particulièrement celle après les élections
présidentielles d’octobre 2015 ;
Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé le 16 mars 2016 au
greffe du tribunal administratif ;
Vu le mémoire supplémentaire de Maître Arnaud Ranzenberger déposé le 11 avril 2016 au
greffe du tribunal administratif au nom et pour le compte de Monsieur ... ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Sandrine Francis, en
remplacement de Maître Arnaud Ranzenberger, et Madame le délégué du gouvernement
Christiane Martin en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 avril 2016.
2
En date du 14 novembre 2014, Monsieur ... introduisit auprès du service compétent du
ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection
internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes
complémentaires de protection, désignée ci-après par « la loi du 5 mai 2006 ».
Les déclarations de Monsieur ... sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au
Grand-Duché de Luxembourg furent actées dans un procès-verbal du service de police judiciaire,
section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale du même jour.
Monsieur ... fut entendu en date des 15 avril et 18 mai 2015 par un agent du ministère des
Affaires étrangères, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la
base de sa demande de protection internationale.
A cette occasion, Monsieur ... déclara être originaire de Soubré en Côte d’Ivoire et être de
religion chrétienne. Il précisa qu’avant son départ en 2011, il aurait vécu à Abidjan avec sa mère
et ses deux frères.
Quant aux raisons l’ayant poussé à quitter son pays d’origine, Monsieur ... expliqua avoir
vécu dans un quartier en faveur de l’ancien président, ... et il ajouta que toute sa famille aurait
supporté le parti politique FPI, Front Populaire Ivoirien, parti dont son père et son frère aîné
auraient d’ailleurs été membres. Il précisa plus particulièrement que son frère aîné aurait fait
partie de la milice pro-... et qu’après les élections présidentielles ayant eu lieu fin 2010 en Côte
d’Ivoire, il aurait lutté pour que ... puisse rester à son poste de président. Après la défaite de ...,
les milices d’... se seraient rendues dans les quartiers pro-... et y auraient commis de nombreuses
violences, Monsieur ... ayant encore souligné que toute personne, qui, comme lui et son frère, ne
parlait pas la langue du Nord, à savoir le « Odineka », aurait été sujette à des représailles. Ainsi,
leurs voisins auraient été exécutés et de nombreuses personnes auraient été brûlées. Comme son
frère aurait été connu dans le quartier, il aurait été particulièrement en danger, de sorte que sa
mère lui aurait demandé de quitter le pays. En avril 2011, son frère aîné et lui auraient finis par
quitter la Côte d’Ivoire, alors que sa mère et son frère cadet seraient restés à Abidjan. Monsieur
... affirma ignorer les raisons exactes ayant poussé sa mère à rester en Côte d’Ivoire, tout en
donnant à considérer qu’elle parlerait le Odineka, de sorte qu’elle n’aurait pas eu de problèmes
avec les partisans d’.... Son frère aîné et lui se seraient rendus dans un premier temps au Ghana
où ils seraient restés plus ou moins deux mois, puis au Togo et ensuite en Algérie et au Maroc,
pays dans lesquels ils seraient restés environ un an. En mai 2014, son frère serait décédé en
essayant de se rendre en Europe en traversant la Méditerranée. En août 2014 Monsieur ... aurait
réussi à se rendre en Espagne, puis en France pour finalement déposer sa demande de protection
internationale au Luxembourg.
Par une décision du 15 juin 2015, notifiée par lettre recommandée envoyée le 16 juin
2015, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa
Monsieur ... que sa demande avait été refusée comme non fondée tout en lui ordonnant de quitter
le territoire dans un délai de trente jours.
3
Le ministre motiva sa décision par la considération que si les raisons qui ont amené
Monsieur ... à quitter son pays d’origine seraient a priori de par leur nature, susceptibles de
tomber dans le champ d’application de la Convention de Genève, elles ne justifieraient
cependant pas une crainte fondée de persécution au sens de la même Convention, respectivement
de la loi du 5 mai 2006.
Ainsi, le ministre donna à considérer que des faits non personnels, mais vécus par d’autres
membres de la famille ne seraient susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la
Convention de Genève que si le demandeur de protection internationale établit dans son chef un
risque réel d’être victime d’actes similaires, ce qui ne serait cependant pas le cas en l’espèce.
Dans ce contexte, il souligna plus particulièrement que contrairement à son frère, Monsieur ...
n’aurait pas été membre du parti politique FPI et n’aurait par ailleurs pas fait partie d’une milice
combattant pour .... Le ministre considéra ainsi que Monsieur ... n’aurait pas fait état d’un
quelconque problème personnel dans son pays d’origine et que rien ne lui serait personnellement
arrivé.
En se basant sur divers rapports internationaux, le ministre mit encore en exergue les
progrès tangibles en ce qui concerne la situation sécuritaire et économique de la Côte d’Ivoire
depuis le départ de Monsieur ....
Il ajouta que les craintes de Monsieur ... d’être exposé à des persécutions en cas de retour
dans son pays d’origine et ce en raison de son nom ou du fait d’être assimilé à un ancien milicien
seraient purement hypothétiques, de sorte à ne pas tomber dans le champ d’applicat ion de la
Convention de Genève et ce d’autant plus que sa mère et son frère cadet, portant le même nom,
seraient restés en Côte d’Ivoire sans connaître de problèmes.
Le ministre retint dès lors que les faits à la base de la demande de protection internationale
de Monsieur ... ne seraient pas de nature à établir dans son chef une crainte de persécution fondée
sur un des critères retenus dans la Convention de Genève.
Le ministre estima par ailleurs que les faits invoqués à l’appui de la demande ne
constitueraient pas des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 juillet 2015, Monsieur ... a fait
introduire un recours tendant à la réformation de la décision prémentionnée du ministre du 15
juin 2015 portant refus d’une protection internationale, et à l’annulation de l’ordre de quitter le
territoire contenu dans le même acte.
A titre liminaire, force est au tribunal de constater que la loi modifiée du 5 mai 2006
relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection a été abrogée par l’article
83 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection
temporaire, ci-après désignée par « loi du 18 décembre 2015 ». La nouvelle loi précitée du 18
décembre 2015 a apporté plusieurs changements législatifs notamment au niveau de la procédure
et de la nature des voies de recours en la présente matière. Par ailleurs, la loi du 18 décembre
2015 prévoit dans son article 35, paragraphe (1) de manière générale un recours en pleine
juridiction devant le tribunal administratif contre les décisions du ministre de l’Immigration et de
4
l’Asile prises dans le cadre d’un refus ou de retrait de la demande de protection internationale et
contre l’ordre de quitter le territoire, contrairement à la loi abrogée du 5 mai 2006, qui ne
prévoyait qu’un recours au fond contre la seule décision du ministre portant refus d’accorder un
des statuts de la protection internationale. Or, en ce qui concerne les affaires contentieuses en
cours au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, ce changement législatif quant à la
nature de la voie de recours qui est ouverte, est susceptible, à défaut de dispositions transitoires,
d’entraîner des conflits de lois dans le temps.
En l’espèce, la procédure contentieuse était pendante au moment de l’entrée en vigueur de
la nouvelle loi précitée du 18 décembre 2015. En effet, le recours contentieux contre la décision
déférée a été introduit en date du 14 juillet 2015, tandis que la nouvelle loi date du 18 décembre
2015 et est entrée en vigueur, à défaut de dispositions spécifiques afférentes, trois jours après sa
publication au journal officiel le 28 décembre 2015, c’est-à-dire avant que l’affaire n’ait été prise
en délibéré et que le tribunal n’ait statué. Il se pose dès lors la question de savoir quelle loi est
applicable en l’espèce et plus particulièrement quelle voie de recours était ouverte à l’encontre
des décisions déférées.
Conformément au droit commun, les lois de droit judiciaire privé entrent en vigueur à la
date qu’elles fixent ou à défaut, trois jours après leur publication. Or, ce principe n’est pas
transposable de manière aussi évidente s’agissant de l’application de la nouvelle loi aux
instances en cours, qui par hypothèse, ont débuté sous l’empire de la loi ancienne. En principe, la
nouvelle loi a vocation à s’appliquer immédiatement à ces instances et cela quel que soit son
objet1. Ainsi, tant la jurisprudence française que luxembourgeoise s’accordent à dire que, sauf
s’il n’en a été autrement disposé par le législateur, toute loi nouvelle de compétence et de
procédure s’applique aux instances qui sont en cours au jour de son entrée en vigueur, à moins
qu’une décision sur le fond ait été rendue2.
Toutefois, le principe de l’application directe de la nouvelle loi connaît des exceptions.
Ainsi, la loi ancienne de compétence continue à s’appliquer lorsque, au moment de l’entrée en
vigueur de la loi nouvelle, la juridiction saisie a déjà rendu une décision intéressant le fond de
l’affaire. La loi ancienne doit également continuer à s’appliquer lorsque la loi nouvelle met en
cause le fond du droit3. Or, l’existence d’une voie de recours est une règle de fond du droit
judiciaire et non pas une règle de forme4. Dès lors, la survie de la loi ancienne joue également en
matière de voies de recours. La nouvelle loi est applicable aux instances en cours quand elle se
contente de modifier les formes ou la procédure du recours, mais elle ne l’est pas lorsqu’elle
affecte la recevabilité même du recours qui doit être appréciée selon la loi en vigueur au jour où
la décision a été rendue. En résumé, l’existence d’une voie de recours est régie, en l’absence de
mesures transitoires, par la loi sous l’empire de laquelle a été rendue la décision attaquée5.
En l’espèce, par l’article 83 de la nouvelle loi précitée du 18 décembre 2015, le législateur
1 Loïc Cadiet, Emmanuel Jeuland, Droit judiciaire privé, Litec, 5e édition, p.11, n°19. 2 Encyclopédie Dalloz, Procédure, V° Conflits de lois dans le temps, n° 132 et 133 et voir dans le même sens : trib.
adm. 25 juin 2009, n°24354 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Lois et règlements, n° 39. 3 Loïc Cadiet, Emmanuel Jeuland, op. cit., n°20. 4 Jurisclasseur, Procédure, Vol. 2, fasc. 61, n°72 et voir en ce sens : Cour adm. 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle,
Pas. adm. 2015, V° Lois et règlements, n° 38. 5 Jurisclasseur, Procédure, Vol. 2, fasc. 61, n°72.
5
s’est limité à abroger purement et simplement la loi du 5 mai 2006 dans son intégralité, sans
prévoir de dispositions transitoires. Ainsi, à défaut par le législateur d’en avoir autrement
disposé, l’existence et la nature du recours ouvert en l’espèce, sont régies par la loi du 5 mai
2006.
1) Quant au recours en réformation introduit contre la décision du ministre du 15 juin
2015 portant refus d’une protection internationale
Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006, applicable en l’espèce d’après les
principes retenus ci-avant, prévoit un recours au fond en matière de demandes de protection
internationale déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du
recours en réformation, lequel est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes
et délai de la loi.
A l’appui de son recours, le demandeur reprend les faits tels qu’exposés lors de son
audition auprès de la direction de l’Immigration.
Quant au fond, le demandeur fait plaider que la décision ministérielle sous analyse devrait
encourir la réformation pour violation de la loi sinon pour erreur manifeste d’appréciation des
faits, alors que contrairement à l’appréciation ministérielle, il aurait fait état d’une crainte fondée
et actuelle de persécution pour l’une des causes énumérées à l’article 1er section 1 §2 de la
Convention de Genève et aux articles 31 et 32 de la loi du 5 mai 2006, le demandeur donnant à
considérer qu’une appréciation plus juste des éléments de la cause aurait dû conduire le ministre
à retenir l’existence de persécutions intolérables l’empêchant de mener une vie décente dans son
pays d’origine. En affirmant qu’il n’existerait pas de définition unanimement acceptée du terme
de « persécutions », le demandeur, en se basant notamment sur les conclusions du Comité
exécutif du HCR et sur la doctrine, souligne qu’il y a lieu de parler de persécution non seulement
en cas de survenance d’un fait unique de grave maltraitance, mais également d’un faisceau
d’éléments respectivement comportements menaçants de nature à entraîner une crainte sérieuse
dans le chef de celui qui les subit.
En ce qui concerne la preuve des faits avancés, le demandeur se réfère à la position du
Conseil de l’Europe du 4 mars 2004 selon laquelle, une fois que la crédibilité des déclarations du
demandeur aura été suffisamment établie, il ne serait pas nécessaire de chercher la confirmation
détaillée des faits invoqués.
Le demandeur souligne ensuite qu’il éprouverait de réelles craintes de persécutions dans
son pays d’origine, à savoir d’être victime des agissements des membres du parti politique
actuellement en place. A cet égard, il rappelle que son frère aurait été connu dans le quartier pour
faire partie de la milice pro-... et que sa famille serait connue pour être affiliée au parti politique
FPI. Il ajoute que les persécutions et attaques perpétrées par les milices pro-... ne cibleraient pas
exclusivement les miliciens pro-..., mais également les membres de famille de ces miliciens, les
membres du parti FPI, ainsi que les personnes habitant dans les quartiers pro-..., de sorte qu’il
serait particulièrement exposé aux violences des milices pro-....
Le demandeur fait encore plaider que les auteurs des persécutions dont il se prévaut
6
seraient à qualifier d’agents de persécution au sens de la Convention de Genève dans la mesure
où il ne pourrait chercher aucune protection auprès des forces de police ou encore auprès des
autres autorités en place dans la mesure où ces persécutions, arrestations et tortures ne seraient en
rien réprimées par le pouvoir en place ou par ses organes, lesquels laisseraient cette situation
inhumaine perdurer, le demandeur se prévalant à cet égard d’un rapport d’Amnesty International
de février 2013 intitulé « Côte d’Ivoire : la loi des vainqueurs. La situation des droits humains
deux ans après la crise post-électorale ».
Le demandeur estime encore que les faits dont il aurait fait état seraient suffisamment
graves pour lui permettre de bénéficier d’une protection internationale.
Il fait en outre valoir que toute fuite interne s’avérerait impossible, alors que la « chasse »
aux partisans de ... serait lancée sur tout le territoire ivoirien et qu’aucune ville ou région ne
serait épargnée. Il existerait dès lors une impossibilité matérielle, sinon morale de procéder à son
retour contraint et forcé dans son pays d’origine.
Dans son mémoire supplémentaire relatif à la situation actuelle en Côte d’Ivoire, le
demandeur souligne que la période précédant les élections de 2015 aurait été émaillée par de
nombreux affrontements entre militants du parti au pouvoir et ceux de l’opposition , faisant trois
morts et une dizaine de blessés.
En se prévalant de divers rapports internationaux, dont un rapport du Conseil de Sécurité
des Nations Unies intitulé « Trente-septième rapport du Secrétaire général sur l’Opération des
Nations Unies en Côte d’Ivoire » du 4 avril 2016, le demandeur fait plaider que la situation
sécuritaire post-électorale serait toujours extrêmement tendue, le demandeur faisant état d’un
mort et de quatre blessés, ainsi que de civils déplacés suite à des violences intracommunautaires
entre les membres des communautés Diuda et Malinké dans le village de Neko, d’un mort et de
plusieurs blessés suite à des affrontements entre deux syndicats d’étudiants ainsi que de trois
attaques armées contre les Forces républicaines de Côte d’Ivoire. Il souligna encore qu’au début
de l’année 2016, de nouvelles attaques auraient eu lieu dans une station balnéaire très prisée,
attaques revendiquées par Al-Qaïda au Maghreb islamique. Toujours en se prévalant de rapports
internationaux, le demandeur donne à considérer que les forces de l’ordre ivoiriennes se
rendraient également coupables d’exactions et de violences envers des civiles et il affirme que
les droits de l’Homme seraient bafoués en toute impunité dans son pays d’origine. Ainsi, il
résulterait du rapport prémentionné du Conseil de sécurité des Nations Unies qu’entre le 1er mai
et le 18 décembre 101 cas de violation des droits de l’Homme auraient été recensés, dont des
meurtres, des actes de torture ou des atteintes à l’intégrité physique et des arrestations et
détentions illégales ou arbitraire. De même, le taux de criminalité resterait préoccupant et
constituerait un facteur d’instabilité, le demandeur mettant encore en exergue les violentes
attaques terroristes qui feraient rage sur le territoire ivoirien.
Le demandeur soutient ainsi que malgré la volonté de l’Etat ivoirien de tenter de mettre un
terme à cette propagation de violences sur son territoire, il ne réussirait pas à contenir et mettre
un frein à l’ensemble des attaques perpétrées. Il ne lui serait dès lors pas possible d’échapper aux
violences dans son pays d’origine, de sorte qu’un quelconque retour dans ce même pays serait
inconcevable.
7
Le demandeur conclut dès lors à la réformation de la décision ministérielle lui refusant le
bénéfice du statut de réfugié.
Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la
situation des demandeurs et conclut ainsi au rejet du recours.
Aux termes de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection
internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la
protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout
ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du
fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son
appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne
peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride
qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence
habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ».
Par ailleurs, aux termes de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015: « Les
actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève
doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour
constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits
auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou
b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de
l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce
qui est indiqué au point a). […] »
Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015: « Les acteurs des
persécutions ou atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat ;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire
de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et
b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une
protection contre les persécutions ou atteintes graves. »,
et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou
les atteintes graves ne peut être accordée que par :
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a) l’Etat, ou
b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent
l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient déposés à offrir
une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non
temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au
paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution
ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif
permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou
une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.
(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie
importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le
ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de
l’Union européenne en la matière. »
Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de
réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des
critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion,
la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes
sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre
2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40
de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des
personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés
aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas
accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut
pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait
qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne
saurait bénéficier du statut de réfugié.
Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du
18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être
persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que
le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait
que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une
présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays
d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la
justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront
pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard
des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans
son pays d’origine.
9
Le tribunal constate de prime abord que le ministre n’a pas mis en doute la crédibilité du
récit du demandeur, de sorte qu’il y a lieu de retenir les faits comme étant avérés.
L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de ses auditions auprès de la
direction de l’Immigration, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure
contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que Monsieur ... reste
en défaut d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son
chef une crainte actuelle fondée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité,
de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social susceptibles de lui
ouvrir droit au statut de réfugié au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre
2015.
En effet, si les faits dont le demandeur fait état, sont certes a priori susceptibles de tomber
dans le champ d’application de la Convention de Genève, dans la mesure où ils trouvent leur
origine dans les opinions politiques de Monsieur ... ou des opinions politiques lui attribués en
raison de l’affiliation de son père et de son frère aîné au parti politique FPI et des agissements de
son frère dans la milice pro-..., l’instruction de la demande sous analyse ne permet cependant pas
de conclure que les faits allégués peuvent s’analyser comme des actes de persécutions ni de
considérer que le demandeur puisse être exposé à des persécutions dans le cas d’un retour dans le
pays dont il a la nationalité étant souligné à cet égard que l’article 43, paragraphe (2) de la loi du
18 décembre 2015 prévoit qu’il est indifférent si un demandeur de protection internationale
possède effectivement la caractéristique liée à ses opinions politiques, pour autant que cette
caractéristique lui soit attribuée par l’acteur de persécution, ce qui au vu de la situation décrite
par le demandeur est le cas en l’espèce.
Force est cependant de constater qu’outre le fait que le demandeur ne fait pas état d’un seul
problème personnel qu’il aurait eu avec les autorités ivoiriennes, mais se prévaut, pour justifier
sa demande de protection internationale, d’un côté des agissements de son frère, et de l’autre
côté d’actes de persécutions dont la population pro-... a été victime en général, les persécutions
dont il se prévaut, si elles sont certes a priori assez graves pour être qualifiées d’actes de
persécutions au sens de la Convention de Genève, se situent exclusivement dans le contexte
particulier des élections présidentielles de l’année 2010. Ainsi, et s’il est dès lors vrai qu’au
moment de son départ de la Côte d’Ivoire, il été a priori exposé à de tels actes de persécutions et
ne pouvait a priori pas prétendre à une protection adéquate des autorités en place, dans la mesure
où les persécutions en question ont été commises par ces mêmes autorités, il n’en reste pas moins
qu’il résulte des pièces versées en cause, de même que des explications circonstanciées de la
partie étatique que la situation en Côte d’Ivoire a fondamentalement changée depuis 2010.
En effet, ... a été réélu comme président en date du 25 octobre 2015, élections qui d’après
le rapport préementionné du Conseil de Sécurité des Nations Unies intitulé « Trente-septième
rapport du Secrétaire général sur l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire » du 4 avril
2016 peuvent être qualifiées de crédibles dans la mesure où elles se sont déroulées dans un
climat calme et ordonné. S’il est certes vrai qu’il résulte du même rapport que la période
précédant les élections a été marquée par quelques incidents violents opposant les partisans de ...
et ceux d’..., incidents ayant causé la mort de trois personnes et plusieurs blessés, il n’en reste pas
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moins que depuis l’annonce de la réélection d’... de tels incidents opposant les partisans de ... et
ceux de l’actuel président n’ont plus eu lieu. Il résulte d’ailleurs des explications de la partie
étatique, basées sur divers rapports internationaux, qu’... a fait de la réconciliation nationale une
priorité pour son deuxième mandat et a ainsi libéré plus de 3000 personnes ayant été détenues
suite aux violences ayant eu lieu après les élections de 2010. De même, les citoyens ivoiriens qui
s’étaient réfugiés au Libéria sont entretemps libres de rentrer dans leur pays d’origine.
En ce qui concerne les incidents mis en avant par le demandeur dans son mémoire
supplémentaire, force est de constater que ceux-ci sont étrangers au conflit entre les partisans de
... et ceux de ..., mais se limitent à des incidents certes fortement condamnables, mais isolés à
savoir des violences intracommunautaires entre les membres des communautés Diuda et Malinké
dans le village de Neko, des affrontements entre deux syndicats d’étudiants ainsi que trois
attaques armées contre les Forces républicaines de Côte d’Ivoire, respectivement une attaque
terroriste dans une station balnéaire qui laissent paraître une certaine instabilité en ce qui
concerne la situation sécuritaire générale en Côte d’Ivoire. Il résulte cependant des explications
de la partie étatique appuyées par un rapport de l’« UN News Service » intitulé « Election in Côte
d’Ivoire opportunity to “start a new chapter “, Un envoy tells Security Council » du 13 janvier
2016, que la situation sécuritaire en Côte d’Ivoire s’est néanmoins nettement améliorée au cours
de ces dernières années et que statistiquement de moins en moins de crimes violents sont
enregistrés malgré certaines attaques ayant frappé l’ouest du pays.
Il résulte des observations qui précèdent que la situation sécuritaire générale en Côte
d’Ivoire a connu une nette amélioration et que par ailleurs, les affrontements entre les partisans
de ... et ceux d’... ont a priori complètement cessé, et ce notamment en raison des efforts de
cohésion nationale du président réélu en 2015, de sorte que le tribunal est amené à conclure que
les craintes dont le demandeur fait état s’analysent en substance en un sentiment général
d’inquiétude et d’insécurité par rapport à sa situation dans son pays d’origine, sentiment qui ne
saurait fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, de sorte que le
recours en réformation est à rejeter comme non fondé dans la mesure où il est dirigé contre le
refus ministériel d’accorder le bénéfice du statut de réfugié à Monsieur ....
Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en reconnaissance du
statut de réfugié.
Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef du demandeur d’un
statut de protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 g) de la loi du
18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout
ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais
pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était
renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait
sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article
48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne
ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection
de ce pays ».
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L’article 48 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et
c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou
dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et
individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de
conflit armé interne ou international ».
Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions
que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application
de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses
envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes
puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé
que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui
conféré par la protection subsidiaire.
Par ailleurs, l’article 2 g), précité, définissant la personne pouvant bénéficier de la
protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire
que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes
graves définies à l’article 48 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des
atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des
atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été
le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple
que les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le
pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la
justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se
reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur
l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes
graves qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
A l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur invoque les mêmes
motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié en
insistant plus particulièrement sur la situation sécuritaire fragile qui règnerait en Côte d’Ivoire.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce volet du recours.
Au vu des conclusions dégagées ci-avant au sujet de la demande en reconnaissance du
statut de réfugié, dans la mesure où il a été jugé que les faits et motifs invoqués par le demandeur
manquent de fondement, il y a lieu de retenir qu’il n’existe pas davantage d’éléments
susceptibles d’établir, sur la base des mêmes arguments, qu’il existerait de sérieuses raisons de
croire qu’il encourrait, en cas de retour dans son pays d’origine, un risque réel et avéré de subir
des atteintes graves au sens de l’article 48 précité. Plus particulièrement, le demandeur reste en
défaut d’établir qu’en cas de retour dans son pays d’origine, il risquerait la peine de mort ou
l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des
menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle en
cas de conflit armé interne ou international. Dans la mesure où il a été retenu que les faits
invoqués par le demandeur ne rentrent pas dans le champ d’application de la Convention de
Genève, respectivement n’atteignent pas le degré de gravité requis, le demandeur ne saurait faire
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valoir un risque réel de subir des traitements inhumains et dégradants visés par l’article 3 de la
CEDH alors que, tout comme la notion de « réfugié », celle de « personne pouvant bénéficier de
la protection subsidiaire » implique nécessairement des atteintes graves, ou à tout le moins le
risque d’atteintes graves.
Il s’ensuit en l’absence d’autres éléments que c’est à juste titre que le ministre a retenu
que le demandeur n’a pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’il courrait
le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et
qu’il lui a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 g) de ladite loi.
A vu des conclusions dégagées ci-avant, le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.
2) Quant au refus dirigé contre la décision ministérielle du 15 juin 2015 portant ordre de
quitter le territoire
Tel que précisé ci-avant, l’article 19, paragraphe (3) de la loi du 5 mai 2006, applicable
en l’espèce selon les principes dégagés ci-avant, prévoit un recours en annulation contre l’ordre
de quitter le territoire du ministre de sorte que le tribunal est compétent pour en connaître en la
présente matière. Le recours en annulation, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la
loi, est recevable.
Dans le cadre du recours en annulation, l’analyse du tribunal ne saurait se rapporter qu’à
la situation de fait et de droit telle qu’elle s’est présentée au moment de la prise de la décision
déférée, le juge de l’annulation ne pouvant faire porter son analyse ni à la date à laquelle il
statue, ni à une date postérieure au jour où la décision déférée a été prise6. Par voie de
conséquence, c’est la loi du 5 mai 2006 qui est applicable au recours en annulation intenté contre
la décision du ministre du 15 juin 2015.
Le demandeur soutient qu’il y aurait une impossibilité matérielle, sinon morale de procéder
à son retour forcé en Côte d’Ivoire et que le ministre aurait par ailleurs commis une erreur
manifeste d’appréciation sinon un excès de pouvoir.
Aux termes de l’article 20, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006, « Une décision
négative du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 r) de la loi du 5 mai
2006, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre
déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de
quitter est la conséquence automatique du refus de séjour.
Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté
la demande de protection internationale du demandeur, il a également valablement pu assortir
cette décision d’un ordre de quitter le territoire.
Pareillement, dans la mesure où le tribunal vient de retenir que le demandeur n’a pas
établi encourir un risque de subir des persécutions au sens de la Convention de Genève et de la
loi du 5 mai 2006 ou encore des atteintes graves au sens de la même loi, la seule affirmation de
6 TA 23 mars 2005, n° 19061 du rôle, Pas. Adm. 2015 v° Recours en annulation, n°18 et les références y citées.
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l’existence d’une impossibilité matérielle ou morale d’un retour forcé n’est pas de nature à
mettre en cause la légalité de l’ordre de quitter le territoire.
Quant au reproche d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’un excès de pouvoir, celui-ci
est, à défaut d’autres précisions et au regard du constat que l’ordre de quitter est la conséquence
légale du refus d’une protection internationale dont le tribunal vient de retenir le bien-fondé, à
rejeter.
A défaut d’autres moyens, le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs,
le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du
15 juin 2015 portant refus d’un statut de réfugié et d’une protection subsidiaire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre l’ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Claude Fellens, vice-président,
Thessy Kuborn, premier juge,
Géraldine Anelli, attaché de justice,
et lu à l’audience publique du 4 mai 2016, par le vice-président, en présence du greffier
Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Claude Fellens
Reproduction certifiée conforme à l’original
Luxembourg, le 4 mai 2016 Le greffier du tribunal administratif