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DIRECTION RÉGIONALE DE LA JEUNESSE, DES SPORTS ET DE LA COHÉSION SOCIALE MÉMOIRE RÉALISÉ EN VUE DE L’OBTENTION DU DIPLÔME D’ÉTAT DE MASSEUR-KINÉSITHÉRAPEUTE 2011 Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie chez un patient de 20 ans. Stage temps plein Marine Gouju

Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

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Page 1: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

DIRECTION RÉGIONALE DE LA JEUNESSE, DES SPORTS ET DE LA COHÉSION SOCIALE

MÉMOIRE RÉALISÉ EN VUE DE L’OBTENTION DU

DIPLÔME D’ÉTAT

DE

MASSEUR-KINÉSITHÉRAPEUTE

2011

Tétraplégie et indépendance :

place de la kinésithérapie chez un patient de 20 ans.

Stage temps plein Marine Gouju

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Résumé

Monsieur W, 20 ans, est pris en charge pour une tétraplégie de niveau sensitivo-moteur C7

Asia A à la suite d’un accident de plongeon survenu le 28 juin 2009.

Les bilans kinésithérapiques réalisés à 8.5 mois de l’accident montrent un déficit sensitivo-

moteur complet des membres inférieurs et partiels des membres supérieurs. Cette atteinte

engendre une dépendance majeure pour la plupart des activités de la vie quotidienne.

Le projet thérapeutique de ma prise en charge est de restituer une indépendance maximale

compatible avec l’état de monsieur W. afin d’optimiser sa qualité de vie et d’envisager, à plus

long terme, sa sortie du centre. Dans cet objectif, j’ai organisé mes séances de rééducation

selon 5 axes principaux : un entretien global, un renforcement musculaire des membres

supérieurs et de la ceinture scapulaire, un travail de l’équilibre postural assis, un travail

fonctionnel au service de l’indépendance ainsi qu’une éducation thérapeutique.

Les bilans kinésithérapiques effectués après un mois de prise en charge, soit 9.5 mois après

l’accident mettent en évidence un maintien de l’état général mais une absence de progression

fonctionnelle. Je réalise que ma prise en charge est insuffisamment longue pour obtenir de

réels progrès significatifs, pour autant, je m’interroge sur l’évolution à long terme de

monsieur W : quels éléments, en lien avec une kinésithérapie optimale, permettraient

d’améliorer ses résultats et de l’amener progressivement vers une réintégration à la vie

quotidienne ?

Mes recherches pour répondre à ce questionnement m’ont permis de mesurer l’importance

d’une coopération interdisciplinaire dans la prise en charge des blessés médullaires. Je me

suis alors intéressée à 3 aspects de la prise en charge de monsieur W. pour lesquels la

collaboration des différents partenaires de santé joue un rôle primordial : l’utilisation du

fauteuil roulant, le réentraînement à l’effort et l’acquisition des transferts. Ces 3 aspects,

vecteurs d’indépendance, vont permettrent à monsieur W. d’améliorer sa qualité de vie et

d’optimiser son retour à la vie quotidienne en envisageant de nouvelles perspectives d’avenir.

Mots clés - Keywords Tétraplégie - Tetraplegia Indépendance - Independence Qualité de vie - Quality of life Interdisciplinarité - Interdisciplinarity

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1. INTRODUCTION................................................................................................................ 1

2. DOSSIER MEDICAL.......................................................................................................... 2

2.1 PRESENTATION DE MONSIEUR W. ...................................................................................... 2 2.2 ANAMNESE........................................................................................................................ 2

3. SYNTHESE DES BILANS KINESITHERAPIQUES ................................................................ 3

3.1 BILAN FONCTIONNEL......................................................................................................... 3 Activités corporelles élémentaires..................................................................................... 3 Maintien............................................................................................................................. 4 Transferts et déplacements................................................................................................ 5

3.2 BILAN CUTANE/TROPHIQUE/VASCULAIRE .......................................................................... 6 3.3 BILAN DES CONTENTIONS.................................................................................................. 7 3.5 BILAN RESPIRATOIRE......................................................................................................... 8 3.6 BILAN MUSCULAIRE ........................................................................................................ 10 3.7 BILAN ARTICULAIRE ........................................................................................................ 10 3.8 BILAN NEURO-VEGETATIF ............................................................................................... 10 3.9 BILAN VESICO-SPHINCTERIEN.......................................................................................... 11 3.10 ELEMENTS DU CONTEXTE PSYCHOLOGIQUE................................................................... 11

4. DIAGNOSTIC, OBJECTIFS, PRINCIPES .................................................................... 12

4.1 PROJET DU PATIENT......................................................................................................... 12 4.2 DIAGNOSTIC KINESITHERAPIQUE..................................................................................... 12 4.3 OBJECTIFS KINESITHERAPIQUES...................................................................................... 13 4.4 PRINCIPES KINESITHERAPIQUES....................................................................................... 13

5. REEDUCATION MISE EN ŒUVRE.............................................................................. 14

A) Un entretien global................................................................................................... 14 B) Un renforcement musculaire des membres supérieurs et de la ceinture scapulaire17 C) Un travail de l’équilibre postural assis.................................................................... 17 D) Un travail fonctionnel au service de l’indépendance............................................... 18 E) Une éducation thérapeutique ................................................................................... 19

6. OBSERVATIONS DE FIN DE PRISE EN CHARGE ................................................... 21

7. DISCUSSION ..................................................................................................................... 22

8. CONCLUSION................................................................................................................... 30

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ANNEXES

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Page 7: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

1

1. INTRODUCTION

La tétraplégie résulte d’une atteinte de la moelle épinière au niveau du rachis cervical. « Les

principales causes rapportées de traumatismes médullaires sont les accidents de la circulation,

les chutes et les accidents sportifs » [1]. Les traumatisés médullaires sont majoritairement des

hommes jeunes [2].

La principale caractéristique d’une atteinte médullaire est d’affecter non seulement les

fonctions dépendant de la zone lésée, mais aussi toutes celles dépendant de la moelle sous

jacente. L’importance des troubles est fonction de l’étendue transversale de la lésion (lésion

complète ou incomplète), mais aussi de son siège sur l’axe médullaire (niveau lésionnel).

Dans la tétraplégie, les quatre membres sont par définition concernés, ainsi que le tronc et le

périnée. A l’étage cervical, le caractère plus ou moins massif et le niveau exact de la lésion

sont déterminants pour l’avenir fonctionnel par leurs répercussions directes sur l’état des

membres supérieurs et du système respiratoire. « Les symptômes découlant de cette atteinte

sont nombreux, liés à la physiologie de la moelle épinière. Ce sont : des troubles moteurs,

sensitifs, vésico-sphinctériens, neuro-végétatifs, génito-sexuels, respiratoires, des douleurs et

troubles associés. » [3]

Le patient qui fait l’objet de ce mémoire est un jeune homme de 20 ans, présentant un tableau

de tétraplégie de niveau sensitivo-moteur C7, Asia A, spastique, à la suite d’un accident de

plongeon. Son indépendance et sa qualité de vie sont, de ce fait, grandement affectées. Ma

prise en charge rééducative s’effectue 8.5 mois après l’accident.

Après avoir présenté le dossier médical du patient et les bilans masso-kinésithérapiques me

permettant d’établir un diagnostic kinésithérapique, j’énoncerai mes objectifs et principes de

rééducation, desquels découleront les moyens thérapeutiques mis en œuvre. Enfin, à travers

une discussion et une conclusion, je définirai les termes d’indépendance et de qualité de vie.

J’expliquerai comment ces notions peuvent être évaluées en kinésithérapie afin de

comprendre la situation et agir de manière adaptée. La notion d’interdisciplinarité dans la

prise en charge de monsieur W. dans un objectif d’amélioration de son indépendance et de sa

qualité de vie sera abordée.

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Figure 1. Chronologie de l’anamnèse

Tableau I. Résultats du score de Glasgow de Monsieur W. à la suite de l’accident de 28 juin 2009

SCORE DE GLASGOW Ouverture des yeux Réponse verbale Réponse motrice

1. Nulle 2. A la douleur 3. Au bruit 4. Spontanée

1. Nulle 2. Incompréhensible 3. Inappropriée 4. Confuse 5. Normale

1. Nulle 2. Extension stéréotypée 3. Flexion stéréotypée 4. Evitement 5. Orientée 6. Aux ordres

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2

2. DOSSIER MEDICAL

2.1 Présentation de monsieur W.

Monsieur W. est âgé de 20 ans. Il mesure 1.73m pour 46 kilos, soit un indice de masse

corporelle de 15.4, inférieur à la norme selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

Il est droitier.

Il vit avec ses parents, dans un garage aménagé sans marche d’accès, au rez-de-chaussée du

domicile de sa grand-mère. Il est le cadet d’une fratrie de 3 enfants, son frère et sa soeur

n’habitant plus le domicile familial.

Il est détenteur d’un CAP de serrurerie/métallurgie, actuellement sans emploi.

Monsieur W. est un grand amateur de sport, notamment de football qu’il pratiquait

régulièrement en club avant l’accident.

2.2 Anamnèse (Figure 1)

Le 28 juin 2009 A bord d’une péniche, monsieur W. est victime d’un accident de plongeon

d’une hauteur de 3 mètres dans 1.5 mètres d’eau. Le patient a été sorti tout de suite de l’eau

par les 2 amis témoins qui ont ensuite prévenu les secours. Il est resté conscient avec un score

de Glasgow à 15 (Tableau I). Le traumatisme a entraîné une fracture vertébrale de C6

(fracture comminutive dans les plans axiaux et sagittaux avec tassement vertébral) associée à

un recul du mur postérieur en C6 de 5mm (sur la hauteur de C6), avec compression

médullaire et avancée du mur antérieur en C6 de 5mm. Il a présenté un traumatisme crânien

sans séquelle ultérieure. La tétraplégie est de niveau sensitivo-moteur C7, Asia A (complet

sensitif et moteur) spastique d’emblée. Le SAMU transporte le patient au CHU le plus proche

où une corporectomie C6 et une ostéosynthèse C5 C7 par greffon iliaque et plaque vissée

antérieure sont effectuées.

Le 14 août 2009 Monsieur W. a bénéficié d’une trachéotomie afin de permettre une

ventilation spontanée et sans oxygène.

Le 8 septembre 2009 Entrée du patient en centre de rééducation et réadaptation

fonctionnelles à orientation neurologique pour une période encore indéterminée.

Le 15 octobre 2009 Monsieur W. est décanulé.

Le dimanche 13 décembre 2009 premier retour au domicile de monsieur W.

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Figure 2. Un bracelet métacarpien

Figure 3. Ouverture de la bouteille avec les dents Figure 4. Développement de compensations pour boire

Page 11: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

3

2.3 Traitement chirurgical et médical

Les comptes rendus opératoires de la corporectomie C6, ostéosynthèse C5 C7 par greffon

iliaque et plaque vissée antérieure du 28 juin 2009 ainsi que la trachéotomie du 14 août 2009

sont en annexe I.

Le patient suit un traitement médical régulier agissant principalement sur la spasticité et les

douleurs (annexe II).

3. SYNTHESE DES BILANS KINESITHERAPIQUES

Début de prise en charge le 15 mars 2010 ( J+8.5 mois de l’accident/opération)

3.1 Bilan fonctionnel

Activités corporelles élémentaires

Habillage

L’habillage du haut de corps nécessite l’aide d’une tierce personne pour :

• ajuster le vêtement dans le dos (faiblesse du fléchisseur radial du carpe pour attraper le

vêtement et absence de pince d’opposition pouce/doigts (key-grip))

• boutonner (absence de la pince d’opposition pouce/doigts (key-grip))

L’habillage du bas du corps requiert l’aide totale d’une tierce personne.

Toilette

Monsieur W. effectue la toilette de son visage et de son torse seul. Il utilise un bracelet

métacarpien comme aide technique pour le brossage des dents. Le complément de toilette

ainsi que le rasage sont réalisés par une tierce personne.

Alimentation

Le patient mange seul avec des couverts adaptés, courbés et glissés dans un bracelet

métacarpien (pas de prise de finesse) (Figure 2). Pour la boisson :

- à la bouteille (50 cl) : l’ouverture/fermeture se fait avec les dents (Figure 3).

- au verre : monsieur W. a développé une compensation/adaptation grâce aux paumes de

mains et aux extenseurs de poignet (figure 4).

Ces activités corporelles élémentaires sont dépendantes de la préhension.

Page 12: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

Figure 5. Emboîtement d’une balle entre le pouce et l’index

Figure 6. Installation au lit de monsieur W.

Matelas à air pour la prévention des escarres

Chaussons en peau de mouton pour la prévention des escarres talonnières

Barrières de protection

Boîtier de contrôle de l’environnement

Tête de lit relevée d’environ 30° pour prévenir les problèmes respiratoires

Bouton poussoir du contrôle de l’environnement

Page 13: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

4

Préhension L’effet ténodèse est possible et efficace dans certaines situations, par exemple pour tenir

l’embout de l’Alpha 200®. Il y a une absence des prises de force et de finesse, les prises se

font par emboitement entre le pouce et l’index (Figure 5).

Le patient parvient à utiliser un téléphone portable malgré une difficulté au niveau de la

motricité des doigts.

Une chirurgie des membres supérieurs est prévue ultérieurement. Il s’agit d’une réanimation

d’une pince clé pouce index par réanimation du long fléchisseur du pouce par le brachio radial

avec une stabilisation de l’inter phalangienne du pouce et une arthrodèse carpo métacarpienne

du pouce. Il n’y a pas eu, au cours de ma prise en charge de travail musculaire spécifique en

vue de ce transfert, ce dernier n’étant encore qu’à l’état de projet.

Maintien

Installation au lit (Figure 6)

Normalement suspendu à la potence du lit, le boîtier « contrôle de l’environnement » sert à

gérer la télévision, la sonnette et la lumière grâce à un bouton poussoir. « Il s'agit de fournir

au patient tétraplégique les aides techniques et technologiques de base, destinées à réduire le

poids de la dépendance et le sentiment d'isolement. » [4]

Monsieur W. possède un lit médicalisé du même type au rez-de-chaussée de son domicile.

Retournements

• Décubitus dorsal (DD) ►décubitus ventral (DV) : ce passage se réalise seul avec le

balancement de la ceinture scapulaire et des membres supérieurs qui entraînent le reste

du corps, à droite comme à gauche.

• DV ►DD : ce retournement s’effectue seul avec la poussée des membres supérieurs

qui entraîne le reste du corps.

• DD►assis jambes tendues : cette position d’arrivée est obtenue grâce à un guidage

manuel et verbal, il enroule seul le tronc sur un coté. Le passage épaule/coude est

acquis. Le passage coude/main est difficile par manque de force des triceps et par le

rappel en arrière des ischio-jambiers (hypoextensibilité).

• DV►4 pattes : le patient passe préalablement par la position « sphinx » en poussant

sur les coudes puis se relève sur les mains pendant que le kinésithérapeute l’aide à

monter le bassin tout en bloquant les pieds.

Page 14: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

Figure 7. Position 4 pattes avec ballon de Klein

Page 15: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

5

• Le 4 pattes : Avec ballon de Klein (au niveau thoraco-abdominal) : cette position

nécessite une tierce personne en cas de déséquilibre (Figure 7).

Sans ballon de Klein : cet exercice requiert l’aide du thérapeute pour

soulever le bassin et le maintenir, ainsi que pour ramener les genoux en proximal. Les

principales difficultés rencontrées sont : - Tenir sur les poignets (car faiblesse des

stabilisateurs des poignets : long extenseur radial du carpe, court extenseur radial du carpe,

fléchisseur ulnaire du carpe, fléchisseur radial du carpe, long palmaire et accessoirement

fléchisseurs profonds et superficiels des doigts).

- Le maintien du bassin (à cause de la

paralysie mais aussi d’un mauvais ressenti des mouvements du bassin par le haut du corps).

Equilibre assis

L’équilibre assis se réalise au bord d’un plan stable de Bobath, les pieds en appui sur le sol.

La sécurité postérieure est assurée par un gros coussin triangulaire et la sécurité antérieure par

le kinésithérapeute.

Selon l’échelle de Boubée (en annexe III), l’équilibre assis de monsieur W. est de stade 1.

Le patient parvient à résister à des déstabilisations intrinsèques (cônes, anneaux à déplacer…).

Les déstabilisations extrinsèques sont plus ou moins résistées en fonction des

déstabilisations : - le rattrapage d’un petit ballon léger est possible

- les déstabilisations manuelles, lentes, peu appuyées, antéro-postérieures et

latérales sont réalisables.

- lors des déstabilisations manuelles rapides, il y a déséquilibre lorsque la

pression manuelle augmente.

Les réactions parachutes sont présentes mais inefficaces par manque de force musculaire.

Transferts et déplacements

Le transfert avec planche (hauteur de départ et d’arrivée identiques) implique l’aide verbale et

manuelle d’une tierce personne car la faiblesse musculaire des triceps et des trois grands

(grand dorsal, grand rond, grand pectoral) ainsi qu’un équilibre assis encore précaire ne

permettent pas la réalisation du transfert en toute sécurité.

Page 16: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

Figure 8. Monsieur W. au fauteuil électrique

Figure 9. Monsieur W. au fauteuil roulant manuel

Page 17: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

6

Au fauteuil électrique, monsieur W. est autonome, en intérieur comme en extérieur (Figure

8). Il est utilisé lors de fatigue musculaire et surtout lors de douleurs d’épaule mais également

en raison d’un équilibre assis encore précaire.

Au fauteuil manuel, le patient est autonome dans le centre de rééducation (2 km de

circonférence) (Figure 9). Le deux roues est en cours d’apprentissage. Le passage de trottoir

est possible si la hauteur ne dépasse pas 5 cm et le déplacement sur pente inférieure à 5% est

acquis. Pour protéger ses mains, monsieur W. utilise des mitaines antidérapantes lors de

l’utilisation de son fauteuil roulant manuel.

Ce fauteuil manuel est utilisé le week-end au domicile.

Concernant l’installation au fauteuil, ce dernier est équipé d’un coussin mousse dans le dos,

évidé au regard des vertèbres thoraciques et du sacrum ainsi qu’un coussin à air pour l’assise

afin de prévenir les problèmes cutanés.

Echelles d’indépendance fonctionnelle

SCIM : 32/100 en annexe IV

« La SCIM — Spinal Cord Independence Measure — s'adresse aussi bien au paraplégique

qu'au tétraplégique. Elle couvre quatre domaines fonctionnels : les soins personnels, la

respiration, le contrôle sphinctérien et la mobilité. Elle est composée de 16 items. Le score

minimum est de zéro et le score maximum de 100. Toutes les qualités métrologiques sont

réunies pour faire de ce test, l'outil de référence de l'évaluation des aptitudes fonctionnelles

globales du blessé médullaire. Il apparaît, toujours chez le blessé médullaire, plus sensible au

changement que la MIF. » [5]

3.2 Bilan cutané/trophique/vasculaire

Au bilan cutané, aucune rougeur n’est retrouvée.

Monsieur W. présente trois cicatrices : - une au niveau du cou, face antéro-latérale de 6 cm de

longueur, correspondant à la corporectomie C6 et ostéosynthèse C5 C7.

- une face antérieure du cou de 1.5 cm de diamètre,

correspondant à la trachéotomie.

- une au niveau de l’os iliaque droit de 7.5 cm de

longueur, correspondant au greffon iliaque pour l’ostéosynthèse C5 C7.

Page 18: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

Figure 10. Résultat du test évaluant les zones de sensibilité normale, d’hypoesthésie et d’anesthésie

Zone de sensibilité normale

Zone d’hypoesthésie

Zone d’anesthésie

Page 19: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

7

Les cicatrices sont propres, non inflammatoires, non turgescentes, non adhérentes.

Au bilan trophique , le patient ne présente ni d’œdème ni de signe de syndrome douloureux

régional complexe.

Au bilan vasculaire, aucun signe de phlébite n’est observable. Monsieur W. porte des bas de

contention en journée (Kendall®, grade 2, taille B), en association avec un anticoagulant (cf.

tableau du traitement médical, annexe II) car il a eu une phlébite fémorale en janvier 2010.

3.3 Bilan des contentions

Monsieur W. porte des bas de contention dont les rôles sont de lutter :

- contre la phlébite (associés à des anticoagulants)

- contre les troubles orthostatiques.

Il porte également une gaine abdominale, dont les rôles sont de :

- suppléer la déficience des abdominaux dont le rôle respiratoire est de donner un point fixe

au diaphragme (ne permet cependant pas de tousser). Les abdominaux ont également une

action dans l’équilibre du tronc lors de la position assise.

- prévenir les troubles orthostatiques.

3.4 Bilan de la sensibilité

Le score Asia pour la sensibilité superficielle est en annexe V

Le tableau clinique de monsieur W. est défini comme Asia A : lésion médullaire complète

avec absence de motricité et sensibilité dans le territoire S4-S5.

La technique d’évaluation de la sensibilité objective superficielle est en annexe VI.

Le patient obtient au score « toucher » 27/112 et au score « piqûre » 27/112.

La technique pour évaluer le niveau de sensibilité normale, d’hypoesthésie et

d’anesthésie est en annexe VI (Figure 10).

L’évaluation de la sensibilité thermique se réalisée au niveau des mains, à l’aide d’un

récipient d’eau chaude (environ 37°C) et d’un récipient d’eau froide (environ 15°C).

A droite comme à gauche : la dissociation eau chaude/eau froide est correcte lorsque la main

entière est immergée, bien différenciée au niveau du pouce et de l’index, moins perceptible au

Page 20: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

Test de NEER Mouvement passif de flexion de la gléno-humérale, coude tendu, membre supérieur en rotation médiale complète Conflit entre le trochiter, l’acromion et le ligament coraco-acromial

Figure 11. Schémas des différents tests de conflit de l’épaule

Niveau I Niveau II Niveau III Type de douleur Système Structures spécifiques,

pathologies Musculo squelettique

Os, articulation, muscle, instabilité vertébrale, contractures, sur-utilisation

Nociceptive Viscérale

Lithiase, troubles sphinctériens, céphalées par dysréflexie autonome

Sus-lésionnelle

Mononeuropathie par compression, syndrome douloureux régional complexe

Lésionnelle

Compression de la racine, syndrome double : lésion médullaire et racine

Neuropathique

Sous-lésionnelle Lésion médullaire traumatique, ischémie

Tableau II. Tableau IASP

Page 21: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

8

niveau du majeur et nulle pour le 4e et 5e doigt. Globalement la perception de l’eau froide est

meilleure que celle de l’eau chaude. Ce résultat est confirmé par le ressenti du patient.

La technique d’évaluation de la sensibilité objective profonde : kinesthésie/statesthésie

est en annexe VI.

Monsieur W. ne présente pas de trouble de la sensibilité profonde au niveau des membres

supérieurs. Les exercices d’évaluation sont réalisés avec succès.

Bilan de la sensibilité subjective : douleur Le patient se plaint de douleurs de type mécanique et de craquements lors des mouvements

actifs des deux épaules (mouvements globaux d’élévation dans le plan fonctionnel ou

d’abduction dans le plan frontal). Ces douleurs sont cotées selon l’échelle numérique à 2/10 à

gauche et 3/10 à droite, sous traitement antalgique (annexe II). Leur retentissement

fonctionnel est une gène à la propulsion du fauteuil, des difficultés à l’habillage et aux

activités de rééducation et de loisirs. Cependant, ces phénomènes douloureux n’altèrent pas le

sommeil de monsieur W. L’examen analytique, effectué par le médecin, des tendons de la

coiffe des rotateurs ne révèle ni rupture ni souffrance tendineuse. Les tests de conflit de

l’épaule (Yocum, Hawkins et Neer) sont négatifs (Figure 11).

Il est important d’évaluer la douleur de la personne tétraplégique afin d’éviter les

conséquences telles « qu’un ralentissement ou une interruption de la rééducation, ce qui

représenterait un obstacle à la réinsertion sociale. Insuffisamment prises en compte ou

négligées, elles entraîneront des perturbations physiques et psychiques difficilement

réversibles spontanément. » [6]. Selon la classification de l’International Association for the

Study of Pain (IASP), qui « permet d’aborder l’ensemble des douleurs pouvant être

rencontrées dans cette population, et qui fournit une aide au diagnostic et des orientations

thérapeutiques » [7], les douleurs de M. W sont nociceptives et le système musculo-

squelettique est incriminé. Elles sont de type contractures musculaires et surmenage

articulaire en rapport avec la sur-utilisation de la région scapulaire (Tableau II).

3.5 Bilan respiratoire

Antécédents avant l’accident

Monsieur W. fume depuis l’âge de 18 ans, environ 5 cigarettes par jour (0.5 paquet année). La

consommation tabagique est actuellement très occasionnelle.

Il n’a aucun antécédent respiratoire, ni asthme, ni allergie.

Page 22: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

Figure 12. Attitude spontanée de Monsieur W.

Périmètres inspiration maximale expiration maximale

différentiel

Abdominal 73 cm 70 cm + 3 cm

Xiphoïdien 79 cm 76 cm + 3 cm

Axillaire 76 cm 74 cm + 2 cm

Tableau III.

Page 23: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

9

Le patient pratiquait le foot environ 5h par semaine.

Examen morphostatique Attitude spontanée : le patient présente un enroulement du rachis dorsal avec une

antéprojection de la tête et des épaules. C’est l’attitude spontanée d’équilibre due à la

paralysie et à la sollicitation des muscles inspirateurs accessoires (sterno-cléido-mastoidien,

grand et petit pectoral, trapèze supérieur, dentelé antérieur, grand dorsal) (Figure 12).

Le type de thorax : en carène (légère déflation)

Le différentiel des périmètres abdominal, xiphoïdien et axillaire, en inspiration maximale et

expiration maximale, évoque l’absence de syndrome respiratoire restrictif (Tableau III). Ceci

est en corrélation avec les épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) passées par le patient.

Examen morphodynamique (effectué sans la sangle abdominale) Le type de respiration est naso-nasale.

Le mode de respiration est à dominante abdominale avec une respiration paradoxale peu

marquée (l’inspiration s’accompagne d’une dépression abdominale et l’expiration d’une

expansion abdominale).

La fréquence respiratoire est de 16 cycles par minutes (conforme à la « normale »).

Le temps inspiratoire égale le temps expiratoire divisé par deux (conforme à la « normale »).

L’observation dynamique ne montre pas de tirage des muscles inspiratoires.

Examen de la toux et des expectorations (lors de l’épisode infectieux du 26 mars au 2 avril 2010) Le patient ne présente pas de dyspnée.

La toux est efficace avec un contre appui thoracique et abdominal, sinon elle ne l’est pas. Elle

est productive (surtout après un aérosol de 15 à 20 minutes de Mucomyst® et des manœuvres

d’augmentation du flux expiratoire (AFE)).

Les sécrétions sont collantes, sales, épaisses, jaunâtres.

Le patient présente des épisodes réguliers de désaturation (saturation du sang en oxygène

inférieure ou égale à 89%) qui nécessitent l’apport d’oxygène au moyen d’un masque avec un

débit de 4 litres par min. « La saturation du sang en oxygène correspond au pourcentage

Page 24: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

Droite Gauche

triceps 1 2 (présence d’un clonus)

Evaluation en DD

adducteurs 0 0 quadriceps 1 1 Evaluation

en DV Ischio-jambiers 2 2

Tableau IV. Spasticité chez Monsieur W. sous traitement médical

Page 25: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

10

d’oxygène transporté par l’hémoglobine (HbO2). La valeur normale est de 95 à 98%. » [8]

Cependant, le patient ne présente pas de signe de détresse respiratoire.

A l’auscultation L’auscultation révèle une diminution du murmure vésiculaire et une perception de

« vibrations » sous les mains, révélatrices de ronchi.

3.6 Bilan musculaire

L’évaluation musculaire L'examen de la motricité volontaire repose sur l’évaluation musculaire selon la cotation de

Held et Pierrot-Deseilligny : annexe VII.

Bilan de la spasticité Selon la cotation d’Ashworth modifiée : annexe VIII (Tableau IV). Cette cotation est

facilement reproductible mais ne prend pas en compte la vitesse de l’étirement.

« La spasticité est un trouble moteur caractérisé par une augmentation vitesse-dépendante du

réflexe tonique d’étirement (hypertonie musculaire), accompagné d’une vivacité des réflexes

tendineux, lié à l’hyperexcitabilité de l’arc réflexe myotatique, formant une composante du

syndrome pyramidal. » cité par [11]

L’hallux gauche écorché par l’ongle, avec infection est considéré comme une épine irritative

susceptible d’influer sur la spasticité.

Bilan des hypoextensibilités La mesure de l’angle poplité est effectuée pour évaluer l’hypoextensibilité des ischio-

jambiers : 30° à droite comme à gauche.

3.7 Bilan articulaire

Monsieur W. possède des amplitudes articulaires physiologiques : annexe IX.

3.8 Bilan neuro-végétatif

Le patient présente des troubles orthostatiques (sous forme de flou visuel) parfois le matin

lors de la mise au fauteuil, alors « basculé » vers l’arrière, et lors des verticalisations sur plan

incliné (environ 40°) d’une durée de 20/30 minutes. En dehors de ces épisodes d’hypotension

orthostatique, la tension artérielle est de : 100/60 mmHg.

Page 26: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie
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11

Le patient ne présente ni de bradycardie ni d’hyperréfléxie autonome (HRA). Les signes

d’HRA lui ont été expliqués afin qu’il puisse les reconnaître.

Il faut veiller aux troubles de la régulation thermique car les blessés médullaires ont des

risques :

- d’hypothermie en sous lésionnel en cas d’exposition prolongée à de basses températures

(pas de frisson thermique régulateur)

- d’hyperthermie car vasodilatation et sudation ne permettent pas la déperdition de chaleur.

3.9 Bilan vésico-sphinctérien

Vidange vésicale

La vidange vésicale s’effectue, toutes les 4 heures, par hétéro-sondage car le patient ne

possède pas de pince pouce/index active. Elle existe en passif par effet ténodese mais sans

force. Lors des week-ends, une infirmière vient à domicile pour réaliser les sondages.

La vessie étant spastique, l’équipe médicale a proposé au patient la mise en place,

prochainement, d’une endoprothèse urétrale de type Diabolo. « La mise en place d’une

prothèse métallique au niveau de l’urètre par voie endoscopique et sous contrôle radiologique,

sous anesthésie locale est le plus souvent dans le but de rétablir un calibre urétral et un débit

urinaire satisfaisant. » [12]. Il a accepté.

Vidange rectale

L’exonération rectale se fait au lit, par une tierce personne, après la mise d’un suppositoire, le

matin, un jour sur deux.

3.10 Eléments du contexte psychologique

M. W est arrivé au centre le 8 septembre 2009 pour une durée dépendant de son évolution.

Au début, il était extrêmement réservé et introverti. Il s’est par la suite « ouvert » grâce aux

rencontres des autres patients mais également grâce à la progressive mise en confiance du

personnel soignant et de réeducation. Il est maintenant bien intégré dans chaque service où il

effectue ses soins. Il reste cependant discret et peu bavard, parfois même « passif » au regard

de son hospitalisation.

Monsieur W. est d’humeur constante, stable et ne présente pas de syndrome dépressif. Il a

rencontré à plusieurs reprises la psychologue lors de son arrivée au centre mais il n’a pas

désiré poursuivre les séances. Il semble en phase d’acceptation de son handicap sans pour

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Figure 13. Diagnostic kinésithérapique de monsieur W. à J+8.5 mois de l’accident

Page 29: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

12

autant l’évoquer. A mes questionnements sur son avenir, monsieur W. reste vague et conclut

généralement les propos par « je ne sais pas, on verra bien… ». Seule l’hypothèse d’un

apprentissage de la conduite automobile adaptée semble attirer son attention.

Dans une situation de handicap telle que la tétraplégie, la notion de contexte familial me

semble fondamentale, tant sur le plan de la rééducation que de la réadaptation.

M. W retrouve ses parents chaque week-end. Ils habitent un garage aménagé au rez-de-

chaussée du domicile de la grand-mère paternelle. Les contextes socio-économique et socio-

familial de la famille semblent fragiles et précaires.

Le père de M. W lui rend visite de temps en temps après son travail. Il s’implique dans

l’hospitalisation de son fils en tentant de la lui rendre la plus confortable possible. Il présente

des troubles alcooliques et de nombreux problèmes de santé.

La mère de M. W ne peut rendre visite à son fils au centre car elle ne conduit pas. Elle

présente également des troubles alcooliques auxquels s’ajoute un syndrome dépressif de

longue date.

M. W est proche de son frère, papa d’un petit garçon de 3 ans. Il en parle très régulièrement

mais ne se voient que très rarement du fait de l’éloignement géographique.

M. W retrouve sa sœur aînée, qui habite la région, à l’occasion des réunions familiales.

4. DIAGNOSTIC, OBJECTIFS, PRINCIPES

4.1 Projet du patient

Monsieur W. a pour objectif à moyen terme l’apprentissage de la conduite automobile grâce à

une chirurgie du membre supérieur. En effet, un entretien avec un ancien patient du centre,

lui-même tétraplégique, ayant bénéficié de cette chirurgie a eu un triple bénéfice :

1/ lever certains doutes qui entouraient l’opération,

2/ entretenir sa motivation en rééducation,

3/ rendre plus concret son projet de conduite.

Concernant les objectifs à long terme, le patient ne semble pas y penser. Il n’envisage pas,

pour le moment, sa sortie du centre et reste évasif sur les questions d’avenir. Le sentant

embarrassé, je ne cherche pas davantage d’explication.

4.2 Diagnostic kinésithérapique

Le diagnostic kinésithérapique est illustré Figure 13.

Page 30: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie
Page 31: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

13

4.3 Objectifs kinésithérapiques

« Le dessein thérapeutique découle du diagnostic. Il est manifesté par la définition d’objectifs

thérapeutiques qui transforment la compréhension de la problématique gestuelle en intention.

Participant à la prise en charge interdisciplinaire, les objectifs masso-kinésithérapiques

partagent plusieurs dimensions : curative, préventive, éducative, représentative. Les objectifs

visent autant la résolution du problème de mouvement que l’adaptation du projet du patient à

son état pour atteindre l’équilibre qui se dessinera progressivement. C’est la raison pour

laquelle ils résultent d’un accord, voire d’une négociation, avec le patient-citoyen. » [13]

Pour monsieur W. les objectifs sont les suivants :

- Réduire au maximum les douleurs mécaniques au niveau de la ceinture scapulaire.

- Surveiller l’apparition de troubles du décubitus, notamment l’escarre.

- Préserver et entretenir les amplitudes articulaires.

- Prévenir les rétractions musculaires sous lésionnelles.

- « Athlétiser » les muscles sus lésionnels des membres supérieurs et du tronc.

- Approfondir les retournements et les niveaux d’évolution motrice (NEM).

- Améliorer l’équilibre postural assis.

- Développer l’indépendance au lit, au fauteuil et lors des activités de la vie quotidienne.

- Proposer une verticalisation quotidienne.

- Assurer l’éducation thérapeutique du patient (économie articulaire, surveillance cutanée,

hygiène de vie).

4.4 Principes kinésithérapiques

Ils comprennent des principes généraux de prise en charge kinésithérapique et des principes

spécifiques à la neurologie.

- Respecter la douleur.

- Ne pas mettre en échec, afin de maintenir une évolution positive et entretenir la motivation

du patient, tout en restant réaliste face au handicap présent.

- Mettre en avant les progrès réalisés sans donner de faux espoirs au patient.

- Surveiller l’apparition d’épine irritative, facteur de spasticité.

- Rechercher une collaboration étroite entre le masseur-kinésithérapeute et l’équipe soignante

(médecins, infirmières, aides soignants, ergothérapeutes, préparateurs d’activités physiques

adaptées (APA), psychologues, assistantes sociales)

- Proposer des séances de rééducation variées et innovantes afin de ne pas lasser le patient.

Page 32: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

Figure 14. Mobilisation de l’articulation gléno-humérale

Figure 15. Mobilisation en extension de poignet et flexion des métacarpo-phalangiennes pour faciliter l’effet ténodèse

Page 33: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

14

5. REEDUCATION MISE EN ŒUVRE

Les séances de rééducation avaient lieu du lundi au vendredi à raison d’1h30 par jour. Elles

étaient entrecoupées de phase de repos étant donné leur caractère éprouvant, tant sur le plan

physique que sur le plan attentionnel. Ces moments permettaient de dialoguer avec le patient,

de lui expliquer le déroulement ainsi que les objectifs de la séance. De plus, ces échanges ont

permis, au fil de temps, de gagner la confiance du patient et donc d’être dans des conditions

optimales de rééducation.

J’ai organisé mes séances selon cinq axes principaux :

- Un entretien global (divisé en dominantes : antalgique, articulaire, cutanée et

respiratoire).

- Un renforcement musculaire des membres supérieurs et de la ceinture scapulaire.

- Un travail de l’équilibre postural assis.

- Un travail fonctionnel au service de l’indépendance.

- Une éducation thérapeutique

L’ensemble ayant pour objectif de développer l’indépendance de mon patient dans sa vie

quotidienne et, à plus long terme, d’envisager sa sortie du centre de rééducation.

A) Un entretien global

La dominante antalgique

La priorité de ce travail a été de réduire au maximum les douleurs mécaniques de la ceinture

scapulaire, complexe articulaire essentiel chez la personne tétraplégique C7.

Pour cela, j’ai effectué des mobilisations passives et lentes de chaque degré de liberté de

l’articulation gléno-humérale (Figure 14) puis des mobilisations spécifiques des articulations

sterno-claviculaire, acromio-claviculaire et scapulo-thoracique. Des mouvements globaux de

circumduction des épaules terminaient ces mobilisations. Afin de recentrer la tête humérale et

de protéger les muscles de la coiffe des rotateurs, j’ai réalisé des mobilisations à type de

piston en passif afin que celles-ci puissent, par la suite, être réalisées en actif par le patient. Le

piston en actif est correctement réalisé par le patient qui a pris conscience du mouvement

demandé.

En fin de séances, sont alternativement proposés : de la thermothérapie, un massage de

l’ensemble de la ceinture scapulaire, l’application de gel Voltarène® ou l’utilisation

d’ultrasons.

Page 34: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

La verticalisation

Précautions : • Port de bas de contention et d’une sangle abdominale • Progression dans l’angulation et la durée • Adaptation aux réactions (troubles orthostatiques, extrémités froides, cyanosées) • Surveillance du pouls

Intérêts :

• Lutte contre l’ostéoporose • Contribution à l’entretien orthopédique • Modification des pressions • Amélioration trophique, circulatoire • Adaptation cardio-respiratoire • Décompression des viscères, favorise diurèse et transit • Travail de l’équilibre (ceinture scapulaire, tronc) • Intérêt psychologique

Tableau V. Précautions et intérêts de la verticalisation

Figure 16. Monsieur W. sur table de verticalisation avec augmentation de l’étirement des ischio-jambiers par cales triangulaires

Figure 17. Monsieur W. en posture d’étirement des ischio-jambiers

Page 35: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

15

La dominante articulaire

La préservation et l’entretien des amplitudes articulaires physiologiques de monsieur W. par

la mobilisation quotidienne sont nécessaires. « Aux membres supérieurs, il est indispensable

d'assurer la liberté complète des épaules pour permettre la conservation d'un champ

d'exploration gestuelle suffisant, ainsi que celle des poignets pour faciliter le jeu des ténodèses

en fermeture ou ouverture des doigts (…) (Figure 15)

Aux membres inférieurs, il est primordial de sauvegarder la liberté complète des hanches en

flexion pour permettre une assise équilibrée. » [4] ainsi que des chevilles en position neutre

pour éviter les conflits cutanés. Le tout, en veillant à la non apparition de flexum de hanche

et/ou de genou. Ce travail permet également de faciliter le nursing pour les soignants et les

aidants.

La prévention des rétractions musculaires sous lésionnelles par des étirements lents et

progressifs, participe également au maintien des amplitudes articulaires. Les muscles

concernés sont principalement les ischio-jambiers, le droit fémoral, les adducteurs et le triceps

sural.

Ainsi, la mobilisation passive, la verticalisation (Tableau V), (Figure 16), un positionnement

adéquat au fauteuil et des postures (Figure 17) sont les ingrédients essentiels d’une lutte

efficace contre les attitudes vicieuses [4].

La dominante cutanée

Un autre point, indissociable de cet entretien général du patient tétraplégique, est la

surveillance régulière de la non apparition de troubles du décubitus, notamment d’escarre.

« Préserver le capital cutané, c'est considérer qu'une peau cicatricielle ne remplacera jamais

une peau saine et que toute récidive d'escarre met à mal les chances de réussite d'un traitement

médical et/ou chirurgical. C'est aussi soustraire le sujet à un risque plurimorbide lié aux

complications de décubitus et infectieuses (ostéoarthrite, greffe microbienne sur matériel,

etc.), à l'aggravation de douleurs neuropathiques et de la réflectivité, à une régression

psychologique et à un retard fonctionnel» [4]. Cette surveillance cutanée est un travail

régulier et coordonné de l’ensemble de l’équipe soignante. Concernant ma prise en charge

kinésithérapique, il à s’agit de vérifier, à chaque début de séance, la présence et le bon

entretien du coussin mousse dans le dos et du coussin à air pour l’assise, sur le fauteuil

électrique ou manuel de mon patient. De plus, il a fallu lui expliquer que ranger son « petit

matériel » : bouteille d’eau, téléphone portable etc. comportait un risque de problème cutané

au niveau des grands trochanters. Etant donné la maigreur de monsieur W. plusieurs zones

Page 36: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

L’Alpha 200® Monsieur W. utilisant l’Alpha200®

Utilisation de l’Alpha200® couplé à des manœuvres d’AFE et à un auto-étirement des muscles grands pectoraux

Le Cough-assist® et son masque fascial

Figure 18. Séance de kinésithérapie respiratoire en chambre

Page 37: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

16

osseuses sont saillantes (épineuses thoraciques, sacrum, épines iliaques antéro-supérieures…),

il est donc indispensable de vérifier régulièrement l’apparition de rougeurs. Cette vérification

se fait également au niveau des zones de frottement de la sangle abdominale, de la ceinture

de pantalon et des chaussures. De plus, les ongles de pieds qui peuvent facilement s’incarner

puis s’infecter, et donc devenir épines irritatives, doivent attirer l’attention des thérapeutes.

La dominante respiratoire

La kinésithérapie respiratoire (Figure 18) chez un patient tétraplégique fait partie intégrante

de la rééducation. « En effet, les atteintes respiratoires et leurs complications sont la première

cause de mortalité des patients traumatisés médullaires au dessus de D10. L’étendue des

déficits dépend du niveau lésionnel et conditionne l’importance de l’atteinte respiratoire. Leur

prise en charge implique systématiquement et quotidiennement le kinésithérapeute » [14].

Cette séance se déroule en chambre chaque matin. Le patient est dans son lit en position demi

assise.

Mon intervention consiste à l’utilisation de l’Alpha 200® qui est un appareil d’assistance

ventilatoire du type relaxateur de pression. Les variables pour monsieur W. sont :

- débit inspiratoire : -1 hPa

- débit expiratoire : 28 hPa

- débit : 35 L/min

- fréquence : 6 c/min

- débit nébuliseur : milieu

- résistance expiratoire : 1.5

Les réglages de l’Alpha 200® sont en annexe X.

L’utilisation de cet appareil respiratoire est couplée à des manœuvres d’AFE (parfois de type

« 4 mains »), associés à des étirements des muscles grands pectoraux.

Lors de la période d’encombrement bronchique du 26 mars au 2 avril 2010, j’ai utilisé le

Cough-assist®, environ 2 à 3 fois par jour, selon l’encombrement, en plus de l’Alpha 200® et

des manœuvres précédemment citées. « Le principe du Cough-assist® est celui d’une

insufflation mécanique (aide inspiratoire) suivie d’une rapide et puissante aspiration non

invasive de la trachée (aide expiratoire). L’objectif est de compenser les déficits inspiratoires

et expiratoires du patient dans le but final d’expectorer efficacement. » [15]

Page 38: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

Figure 19. Séquence de redressement : maintien et passage de la position petite sirène

Figure 20. Push-up avec l’aide du thérapeute

Page 39: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

17

B) Un renforcement musculaire des membres supérieurs et de la ceinture

scapulaire

Il a pour objectif de développer le potentiel des muscles sus lésionnels afin de permettre un

maniement plus aisé du fauteuil roulant manuel, d’augmenter les capacités du champ gestuel

des membres supérieurs, d’approfondir les retournements et les NEM ainsi que de préparer

l’apprentissage des transferts. Ce travail est d’abord analytique, les muscles concernés sont

principalement trapèze, deltoïde, biceps, triceps, pectoraux, grand dorsal, grand rond, dentelé

antérieur, extenseurs du carpe. Un travail des fixateurs de la scapula pour lutter contre la

tendance à l'enroulement des épaules et donc favoriser l’ouverture de la cage thoracique,

bénéfique à la fonction respiratoire, fait partie intégrante de ce traitement.

Par la suite, dans un objectif de progression dans ma séance de rééducation, je proposais à

mon patient des exercices plus fonctionnels, alliant la participation et le recrutement de

plusieurs muscles travaillés précédemment. Deux objectifs principaux étaient visés : le

maintien et le passage des différentes positions de la séquence de redressement (Figure 19)

ainsi que l’initiation aux push up (Figure 20).

En complément, le patient réalise un renforcement musculaire global des membres supérieurs

en utilisant un cycloergomètre avec des attelles adaptées. Ces séances permettent également

d’entretenir et de renforcer la pompe cardio-respiratoire grandement atteinte lors d’une

tétraplégie, offrant ainsi une plus grande autonomie d’effort. « En effet, la limitation de la

VO2max à la suite d’une blessure médullaire est, en partie, attribuable à un manque de

redistribution sanguine à l’effort physique. Le retour veineux vers le cœur est plus faible que

chez une personne valide, dû à l’absence de chasse veineuse des muscles des jambes et un

déficit de vasoconstriction périphérique. Le manque de retour veineux limitera l’augmentation

du volume d’éjection systolique pendant l’effort. (…) Ainsi, une meilleure VO2max et une

force musculaire accrue permettent de réaliser les activités de la vie journalière avec plus

d’aisance, permettant d’éviter la fatigue précoce et la démotivation et favorisant ainsi la

mobilité et l’indépendance. » [16]

C) Un travail de l’équilibre postural assis

L’équilibre postural chez le patient tétraplégique est conditionné principalement par le niveau

de la lésion médullaire mais peut être amélioré par la rééducation. Cet équilibre permet un

Page 40: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

Figure 21. Travail de l’équilibre postural avec ballon de Klein

1 4

2 5

3 6

Figure 22. Exercice d’équilibre avec un cerceau

Page 41: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

18

meilleur maintien au fauteuil roulant et donc participe à la qualité de l’indépendance du

patient.

Pour monsieur W., les exercices se font principalement sur plan de Bobath et sont de

difficulté croissante au cours d’une même séance. Un coussin postérieur est conservé lors des

exercices. Il sert de sécurité mais principalement de rappel proprioceptif pour le jeune

homme. En effet il parvient à « ressentir » dès que son corps touche le coussin. Le plan de

travail est abaissé de façon à ce que les pieds appuient sur le sol. Les déstabilisations sont

d’abord extrinsèques, par des poussées du thérapeute dans tous les plans, du proximal vers le

distal de vitesse lente à vitesse rapide, puis intrinsèques par le déplacement latéral d’objets et

le lancer d’un ballon mousse. Ces exercices sont reproduits sur plan instable (le patient est

assis sur un coussin mousse puis, dans un second temps, ses pieds ne touchent plus le sol). Un

travail plus global d’équilibre est réalisé grâce à un ballon de Klein que le patient doit

maintenir malgré les résistances exercées par le kinésithérapeute (Figure 21). Dans la même

optique, le patient réalise un enchaînement avec un grand cerceau : il vient chercher le

cerceau placé autour de mon cou, l’enfile autour de lui puis vient de nouveau le suspendre à

mon cou, le tout en minimisant le nombre d’appui sur le plan de Bobath (Figure 22). Afin

d’ajouter une touche ludique à cet exercice, j’ai utilisé un chronomètre, le but étant au fil des

répétitions d’améliorer le temps d’exécution, les appuis sur le plan de travail étant comptés

comme des pénalités.

D) Un travail fonctionnel au service de l’indépendance

Chaque jeudi, des ateliers de rééducation sont proposés aux patients blessés médullaires.

Monsieur W. y participe toutes les semaines et y montre beaucoup d’intérêt. « Ces ateliers

consistent en un programme de rééducation adapté et focalisé sur l’entraînement d’exercices

variés et de tâches fonctionnelles au sein d’un groupe constitué de patients ayant un niveau

fonctionnel similaire. » [17]. Cette prise en charge collective permet à monsieur W.

d’effectuer un entraînement intense mais ludique en associant un côté social et motivant.

C’est un moment où il peut échanger avec d’autres patients, facteurs de motivation pour sa

rééducation. C’est l’occasion aussi pour lui de se retrouver face à d’autres rééducateurs.

Les ateliers auxquels participe monsieur W. sont :

Atelier 1 : travail de l’équilibre assis.

Atelier 2 : musculation

Atelier 3 : manipulation du fauteuil en situation fonctionnelle.

Atelier 4 : automobilisations et étirements.

Page 42: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

Travail en groupe de l’équilibre assis au fauteuil

Exercice de manipulation de fauteuil sur un parcours recréant des situations de la vie courante

Exercice chronométré d’un enchaînement de situations fonctionnelles

Figure 23. Monsieur W. aux ateliers de rééducation

Page 43: Tétraplégie et indépendance : place de la kinésithérapie

19

Avec deux heures d’exercices continus par ateliers (Figure 23), l’équipe rééducative propose

un travail intensif au patient, recherchant ainsi un travail en endurance musculaire et cardio-

respiratoire. De plus, la répétition des mêmes exercices lui permet d’améliorer sa prise de

conscience corporelle et d’automatiser ses gestes.

La finalité de ces ateliers est de contribuer principalement à une indépendance du patient dans

sa prise en charge en rééducation, en vue de maintenir ses capacités fonctionnelles lors du

retour à domicile. En effet, le fait que les patients ne soient pas supervisés en continu comme

dans une séance individuelle peut leur apporter une certaine indépendance par rapport à leur

rééducation. Le patient doit se prendre en charge, veiller à ses erreurs, etc. Cet objectif d’auto

rééducation permet au patient de maintenir une certaine hygiène de vie lors de son retour à

domicile. [17]

E) Une éducation thérapeutique

L'article 84 de la loi 2009-879 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé

et aux territoires (loi HPST) inscrit l'éducation thérapeutique dans le parcours de soins du

patient Elle a pour objectif de rendre le patient plus autonome en facilitant son adhésion aux

traitements prescrits et en améliorant sa qualité de vie (Art.L. 1161-1) [18].

C’est donc apprendre au patient à identifier et à analyser les problèmes qui pourraient se poser

dans sa vie de tétraplégique, en déduire les objectifs du traitement, fixer ensemble les

priorités. Autrement dit, « il s’agit de favoriser l’appropriation par le patient de différentes

compétences qui puissent l’aider à vivre avec sa maladie. » [19]

« Les articulations des membres supérieurs sont devenues portantes. Il faudra inculquer au

patient des notions d'économie articulaire et d'automobilisation, voire proposer des exercices

préventifs (pathologie dégénérative de l'épaule menaçante, rupture de coiffe en particulier) ».

[20]. Dans le cas de ma prise en charge de monsieur W, la vérification régulière de la

réalisation correcte des exercices comme le piston en actif, les auto-mobilisations et auto-

étirements rentre dans le cadre de son éducation thérapeutique. Cette dernière doit être

poursuivie jusqu’à ce que la notion d’auto-entretien fasse pleinement partie de son quotidien.

Ce n’est, à l’heure actuelle, pas encore le cas.

« Les risques cutanés en position assise ont déjà été signalés ; le patient doit être convaincu

que ce risque existe dans toute position prolongée. Il doit avoir été informé clairement du

mécanisme des escarres : immobilité, hyperpression, durée d'appui, troubles sensitifs. Il doit

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20

connaître les zones à risque (sacrum, ischions, trochanters, talons, malléoles externes, tête du

péroné...), les signes d'alarme (rougeur, bursite, induration, phlyctène...) et enfin savoir

qu'aucun matériel n'est à lui seul anti-escarre. Une autosurveillance biquotidienne est

nécessaire : inspection en s'aidant éventuellement d'un miroir, palpation des points d'appui. Le

traitement préventif seul efficace repose sur le soulagement fessier intermittent en fauteuil et

le retournement toutes les 3 heures au lit. » [20]. Afin de rendre plus concrètes les différentes

recommandations qu’il lui ont été faites concernant les risques cutanés, à chaque inspection

ou surveillance de ma part, je lui explique où je regarde et pourquoi je regarde. De temps en

temps, je lui demande de me montrer et d’inspecter par lui-même les zones à risque qui lui

sont accessibles (trochanters, tête de la fibula, malléoles, zones de frottement de la sangle

abdominale et du pantalon…). Monsieur W. exécute ce qui lui est demandé, sans réaliser,

encore, l’enjeu d’une telle surveillance.

Enfin, il est important d’informer le patient que le tabac favorise l’encombrement bronchique

(qui est un des problèmes majeurs des tétraplégiques) et limite l’oxygénation de la peau

(nécessaire à une bonne cicatrisation en cas de lésion cutanée). De même, il faut insister sur

l’hydratation qui doit être suffisante pour éviter les infections urinaires, améliorer l’état cutané

et fluidifier les sécrétions.

Il est primordial que monsieur W. apprenne à vivre avec sa pathologie en développant une

hygiène de vie appropriée. Cet apprentissage « d’autogestion » se fait donc au fil des séances,

et doit être aussi précoce que régulier. Il est dispensé par les différents membres du personnel

soignant afin d’être pleinement accepté et retenu par le patient. Un premier pas vers une

future indépendance est acquis lorsque le patient mesure tout l’intérêt de cette éducation

thérapeutique.

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21

6. OBSERVATIONS DE FIN DE PRISE EN CHARGE

Fin de prise en charge le 15 avril 2010 (J+ 9.5 mois de l’accident/opération) A la fin de ma prise en charge, seuls les éléments ci-dessous ont évolué. Bilan fonctionnel

Seul l’équilibre assis a évolué, selon l’échelle de Boubée, le patient est au stade 2. Cette

amélioration implique une meilleure résistance aux déstabilisations intrinsèques. Monsieur W.

déplace les objets (cônes, anneaux…) sur une plus grande distance, avec une vitesse

d’exécution, une habileté et une coordination bimanuelle améliorées. Le patient résiste à des

déstabilisations extrinsèques, dont la vitesse et la pression manuelle sont majorées par rapport

au début de ma prise en charge.

Bilan de la sensibilité subjective : douleur

Le patient se plaint toujours de douleurs de type mécanique lors des mouvements actifs des

deux épaules (mouvements globaux d’élévation dans le plan fonctionnel ou d’abduction dans

le plan frontal). Elles sont cotées selon l’échelle numérique à 3/10 à gauche comme à droite.

Le test de Yocum contre résistance déclenche une douleur évaluée à 4/10 de chaque coté.

« Test de Yocum : la main posée sur l’épaule saine. L’examinateur demande au sujet de

soulever le coude fléchi et provoque la douleur par conflit d’abord entre trochiter et ligament

acromio-coracoïdien, puis avec l’articulation acromio-claviculaire en résistant à l’élévation du

coude. » [21]

L’évaluation positive de ce test (déclenchement de la douleur lors du test) va permettre par la

suite de réorienter les techniques kinésithérapiques à visée antalgique.

Bilan respiratoire Le patient a repris, contre les recommandations médicales, une consommation tabagique de 1

ou 2 cigarettes par jour.

Bilan musculaire L’évaluation musculaire de la main extrinsèque montre un court extenseur évalué à 1 à droite

et à gauche.

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22

7. DISCUSSION

Restituer une part d’indépendance à monsieur W. afin d’améliorer sa qualité de vie, fut

l’objectif principal de ma prise en charge. Pour cela, je me suis intéressée à la définition de

ces termes dans le domaine de la santé puis à l’intérêt de leurs méthodes d’évaluation. Au

regard des résultats obtenus lors de la fin de ma prise en charge, je me suis interrogée sur

l’évolution de monsieur W : outre le fait d’une prise en charge sur le long terme, quels

éléments en lien avec une kinésithérapie optimale, permettraient d’améliorer ses résultats et

d’amener progressivement monsieur W. vers une réintégration à la vie quotidienne ? Mes

différentes recherches et lectures sur ce thème m’ont éclairé sur l’importance d’une

coopération interdisciplinaire dans la prise en charge des patients blessés médullaires.

Autonomie, indépendance

Il est fréquent dans le langage courant d’inter-changer les mots indépendance et autonomie ou

bien de les considérer comme synonymes. Le professionnel de santé, se doit lui, de faire la

distinction entre les deux [22]. « L’étude du développement psychomoteur de l’enfant permet

de pendre conscience des différences fondamentales qui existent entre ces deux concepts.

Au cours de son développement, un enfant devient progressivement à la fois indépendant et

autonome. Dès l’âge de 3 mois et demi environ, il est capable de saisir un objet de manière

indépendante alors que dans les premiers mois sa préhension était réflexe. Entre 12 et 18 mois

l’acquisition de la marche rend l’enfant moins dépendant de l’adulte pour certains de ses

déplacements. La dépendance est donc repérée comme l’aide qualitative et quantitative

apportée par un tiers, à une personne, pour la réalisation de ses activités. Cette aide peut être

incitative, partiellement ou totalement substitutive. Le concept dépendance/indépendance

apparaît comme un ensemble de comportements potentiellement mesurables. Une personne

est considérée comme indépendante dans la réalisation de ses activités de la vie quotidienne,

quand elle a la capacité de se laver, de s’habiller, de manger, de se déplacer,… seule. Il faut

remarquer que l’utilisation d’objet extérieur ou aide technique, permet, à la personne, dans

certaines situations, de conserver son indépendance. » [23]. Au travers de cette définition, on

comprend que l’indépendance de monsieur W. est donc évaluée qualitativement lors du bilan

fonctionnel et quantitativement par le test Spinal Cord independance Measure (SCIM). Son

score total de 32/100 montre une dépendance importante. Les domaines où la dépendance est

la plus marquée sont celui des soins personnels avec un sous-score de 5/20 et celui de la

mobilité avec un sous-score de 6/40. L’objectif de la prise en charge de monsieur W. est donc

de réduire cette dépendance.

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23

« L’autonomie peut se traduire par la liberté de se gouverner soi-même, soit au sens large

maîtriser ou gérer l’ensemble des situations de vie quotidienne dans laquelle l’individu évolue

régulièrement. Décider de sa vie, gérer sa dépendance, l’autonomie associe des capacités

d’exécution, de résolution, de gestion, de décision, mais aussi d’adaptation réciproque. » [23].

Cette définition montre le caractère individuel, fluctuant et complexe de l’autonomie.

« Chercher à évaluer l’autonomie, correspondrait alors à apprécier la réponse d’un individu à

décider et à gérer cette autonomie dans un environnement déterminé. » [23]. Il apparaît donc

que le kinésithérapeute ne possède pas les « outils » d’évaluation de l’autonomie et que seul le

concept d’indépendance est observé et mesuré. Peut être qu’une collaboration entre les

différents partenaires de santé, est elle plus à même d’analyser et d’évaluer l’autonomie des

patients ?

La qualité de vie

Les définitions d’indépendance et d’autonomie ouvrent la perspective sur la qualité de vie.

« Ce concept peut paraître simple, tant il est intuitif et banalisé. Cependant, une définition

explicite et consensuelle est indispensable. Selon les auteurs la qualité de vie apparaît

comme : « ce qui permet de quantifier les répercussions de la maladie sur la vie » ;

« l’ensemble des satisfactions et des insatisfactions éprouvées par un sujet à propos de sa

vie » ou bien encore « ce qui reflète l’impact des maladies, des traitements et des décisions de

santé sur la vie quotidienne, en essayant d’approcher le point de vue du patient ».

L’Organisation Mondiale de la Santé a proposé, en 1997, comme définition : « la perception

qu’a un individu de sa place dans l’existence, dans le contexte de la culture et du système de

valeurs dans lesquels il vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses

inquiétudes. Il s’agit d’un large champ conceptuel, englobant de manière complexe la santé

physique de la personne, son état psychologique, son niveau d’indépendance, ses relations

sociales, ses croyances personnelles et sa relation avec les spécificités de son

environnement ». La diversité des définitions proposées rend compte de la complexité du

concept. » [24]

La qualité de vie apparaît donc comme une notion subjective à la fois individuelle et

multifactorielle dépendant de l’interaction complexe existant entre le patient et son

environnement. « Elle est « le degré de satisfaction/insatisfaction de la personne et de

l’importance (qu’elle) lui accorde dans sa vie de tous les jours. » [cité par 22] Autrement dit,

elle représente l’intégration de sa pathologie dans la vie courante.

« Améliorer la qualité de vie est et sera toujours le fondement de l’accompagnement des

blessés médullaires dans leur parcours de rééducation. L’évaluer est primordial pour orienter

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24

et adapter la stratégie thérapeutique. » [5]. En effet, la qualité de vie est corrélé positivement à

la réussite de la réinsertion du blessé médullaire [cité par 25]. L’objectif, à long terme, de la

prise en charge pluridisciplinaire de monsieur W. est sa sortie du centre et sa réintégration

dans la vie quotidienne. Il me paraît donc, avec le recul, indispensable d’appréhender mon

patient à travers son ressenti et par l’évaluation de sa qualité de vie, déterminer les facteurs

altérant cette dernière et élaborer avec lui et l’équipe soignante, un projet thérapeutique en vue

de :

- « Tirer le meilleur parti de ses capacités restantes ;

- Minimiser les conséquences de son handicap dans son environnement ;

- Trouver des aides et solutions à ses problèmes techniques ;

- Favoriser l’acceptation de sa pathologie par une augmentation de ses capacités

fonctionnelles et de son autonomie. » [25]

La plupart des échelles d’évaluation de la qualité de vie porte sur les relations qui existent

entre les déficiences, leurs conséquences dans les activités de la vie quotidienne qu’elles

soient ou non inscrites dans un cadre social, et le ressenti de bien-être et de satisfaction de la

personne. Parmi elles : l’Indice de santé perceptuelle de Nottingham, le questionnaire

Qualiveen (spécifique des troubles urinaires) le Ferrans And Powers Quality of Life Index

(QLI), l’IRVN : Index de Réintégration à la Vie Normale. L’intervention de la subjectivité et

du caractère individuel de ces échelles implique qu’une évaluation ponctuelle à un instant

« t » d’un patient blessé médullaire n’a en soi que peu d’intérêt. C’est le différentiel

d’évolution de la qualité de vie après traitement qui doit être comparé et ainsi traduire

l’impact du traitement.

La prise en charge interdisciplinaire La rééducation du blessé médullaire est une prise en charge sur le long terme (la phase aigue,

la phase chronique, la phase de réadaptation et la phase d’entretien). Elle s’échelonne sur des

années voire sur toute une vie. La kinésithérapie, certes indispensable à toutes les étapes, ne

peut prétendre à elle seule, la réussite de la rééducation d’un patient. Elle est le maillon d’une

chaîne qui se doit solide et coordonnée. Cette chaîne est la représentation de tous les

soignants, acteurs du parcours de soins et du parcours social, qui gravitent autour du patient.

Seule la collaboration étroite de tous ces partenaires, avec et pour le patient, peut espérer

l’amener vers sa nouvelle vie dans les meilleures conditions. L’interdisciplinarité peut alors se

définir comme « l’art de travailler ensemble. L’intervention interdisciplinaire est la résultante

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de l’action concertée d’une équipe multidisciplinaire, de la personne malade et de ses proches.

Partageant des responsabilités, ces personnes travaillent en synergie et en interaction à la

compréhension globale des besoins de la personne malade et de sa famille, afin de poursuivre

des objectifs communs, avec le souci d’une communication efficace. » [26]. Ma prise en

charge s’effectuant à 8.5 mois de l’accident, on peut considérer la phase aigue comme

terminée : les caractères neurologiques sont stables, le diagnostic de tétraplégie, son côté

irréversible et ses conséquences fonctionnelles ont été posés. Nous sommes donc dans la

phase dite chronique, suivra la phase de réadaptation à la vie courante puis la phase

d’entretien qui durera jusqu’à la fin de vie. Lors de ma présente discussion, je tenterai de

montrer l’importance de cette coopération interdisciplinaire dans la prise en charge de

monsieur W. à travers les objectifs communs de l’équipe de soin et de rééducation. La prise

en charge prend alors un caractère médical-psychologique-social-éducatif : des professionnels

de formations diverses, se réunissent pour apporter leurs spécificités au service d’une cause.

Celle-ci vise à réduire la dépendance de monsieur W. afin d’améliorer sa qualité de vie et

ainsi l’amener vers sa nouvelle vie physiologique et fonctionnelle compatible avec son âge,

ses propres caractères physiques, psychologiques et socio-environnementaux, dans la société

actuelle.

Bien entendu, un langage commun, des outils et protocoles adaptés ainsi qu’une transmission

régulière et efficace de l’information facilitent la vision collective et donc la création de la

dynamique d’interdisciplinarité. Ces supports sont la clef de la réussite pluriprofessionnelle

dans la prise en charge de monsieur W. Selon Le Boterf, qui évoque la coopération comme

une mission commune définie avec un groupe qui se répartit des activités à réaliser, « pour

que les compétences puissent s’articuler les unes avec les autres et coopérer entre elles, un

certain nombre de conditions doivent être réunies, à savoir :

- Le partage d’un langage commun à l’équipe ou au réseau. Il peut s’agir d’un langage

technologique, économique, organisationnel, transversal aux divers postes ou fonctions. Un

même langage sur les processus ou sur les projets est nécessaire pour non seulement échanger

mais coopérer.

- La mise en place d’une complémentarité entre les compétences. Ce n’est que dans la mesure

où chaque individu trouvera des compétences complémentaires aux siennes qu’il pourra les

mettre pleinement en œuvre et les intégrer dans des connaissances productives. » [cité par 27].

Nombreux sont les objectifs communs de l’équipe interdisciplinaire pour monsieur W, parmi

eux, j’ai choisi d’aborder l’utilisation du fauteuil roulant, le réentraînement à l’effort et les

transferts.

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26

L’utilisation du fauteuil roulant

Dans un objectif d’indépendance, apparaît en premier lieu, la notion de déplacement. Comme

nous l’avons vu précédemment, monsieur W. se déplace en fauteuil roulant. L’utilisation du

fauteuil, qu’il soit manuel ou électrique, n’est pas innée et nécessite apprentissage et

adaptation. Le kinésithérapeute, l’ergothérapeute, le professeur APA, les aides soignants et les

infirmiers vont jouer un rôle afin que progressivement, de symbole de handicap, le fauteuil

puisse devenir, non seulement un outil, mais véritablement un symbole d’indépendance.

L’ergothérapeute va intervenir dans le choix du fauteuil, ses critères vont dépendre du mode

de vie de monsieur W, de la forme de son habitat (dimension des portes, accessibilité), de ses

possibilités financières, de ses capacités fonctionnelles, de sa morphologie mais également de

ses intentions d’utilisation (pratique d’un sport adapté par exemple). « L’ergothérapeute est

l’intermédiaire entre les besoins d’adaptation de la personne et les exigences de la vie

quotidienne en société » [28]. L’ergothérapeute informe, explique les différents critères de

choix, mais c’est le patient qui les hiérarchise selon la vie qu’il veut mener, ses projets et en

conséquence, l’usage qu’il désire faire de son fauteuil. L’ergothérapeute « s’attache à recevoir

le consentement éclairé du bénéficiaire de son intervention » [28]. Monsieur W. a tendance à

être « passif » face aux choix et décisions qui s’imposent à lui, il est donc important de le

pousser à être acteur et non spectateur de sa propre vie. Ensemble, l’ergothérapeute et

monsieur W. ont choisi un fauteuil roulant manuel de type Avantgarde de la marque Otto

Bock® ainsi qu’un fauteuil roulant électrique de type Positelec de la marque Invacare®.

L’ergothérapeute s’intéresse aux différents réglages : cale pieds, appui tête, inclinaison du

dossier afin d’optimiser le confort du patient. Ces deux fauteuils sont équipés de mains

courantes anti-dérapantes de la marque Kuschall®. Ils appartiennent au parc du centre et

monsieur W. choisira ultérieurement ses propres fauteuils.

Le kinésithérapeute va jouer un rôle dans le travail de l’équilibre assis, l’entretien

orthopédique, « l’athlétisation » des membres supérieurs afin de faciliter le maniement et le

maintien au fauteuil. L’acquisition des transferts : fauteuil↔lit, fauteuil↔plan de Bobath

participe pleinement à réduire la dépendance de monsieur W. Le kinésithérapeute intervient

également dans l’apprentissage de la prévention des douleurs d’épaule et sur les risques

cutanés liés à l’utilisation du fauteuil.

Le professeur d’activités physiques adaptées va s’intéresser au maniement du fauteuil en

proposant au patient des situations variées de la vie courante : pente, slalom, trottoir,

déplacements sur terrains variés, mise en situation (commerces, transports…). Le tout afin

d’augmenter les capacités d’adaptation de monsieur W. à son environnement. Le thérapeute

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valorise ses réussites pour éveiller sa motivation, d’autant plus que l’énergie nécessaire tant

physique que psychologique pour aller vers l’indépendance est considérable.

Les infirmières et aides soignants ont un rôle éducatif et préventif sur l’installation au fauteuil

ainsi que sur la bonne utilisation des coussins anti-escarres. Leur objectif est de « pousser »

monsieur W, en fonction de ses capacités, à se responsabiliser dans sa vie quotidienne au

fauteuil.

Ainsi, chaque thérapeute dans son domaine, peut, à partir d’un objectif commun déterminé

par l’ensemble de l’équipe soignante, apporter à monsieur W. l’ensemble de ses compétences

et de son expérience. Ce travail multi-disciplinaire permet de potentialiser les effets au service

du projet d’indépendance.

Le réentraînement à l’effort

En lien direct avec l’utilisation du fauteuil roulant manuel, le réentraînement à l’effort doit

faire partie intégrante du projet de soin et de réadaptation de monsieur W. En effet, d’un point

de vue cardio-vasculaire, on observe chez les blessés médullaires une diminution du retour

veineux et une fréquence cardiaque de repos augmentée. La dynamique respiratoire est elle

aussi touchée du fait de la paralysie. « Ces perturbations des systèmes cardio-vasculaire et

respiratoire provoquent donc un déconditionnement à l’effort chez les patients atteints de

lésion médullaire. Justifiant de l’existence d’un réel déconditionnement chez ces patients, il

est donc important de s’interroger sur la mise en œuvre d’un programme de réentraînement à

l’effort intégré aux séances de rééducation et de réadaptation fonctionnelles. » [29]. Le

kinésithérapeute et le professeur APA vont, ensemble, réaliser ce reconditionnement à

l’effort. En kinésithérapie, c’est l’utilisation d’un cyclo-ergomètre à bras qui est la base du

programme. « Certains auteurs basent leur programme de réentraînement sur l’utilisation d’un

fauteuil roulant installé sur un tapis roulant : l’effort de propulsion constitue alors l’activité

musculaire source de réadaptation cardiaque. » [29]. Pour monsieur W., le réentraînement à

l’effort a été mis en place précocement, à raison de 20/30 minutes 3 fois par semaine, en

l’absence de signes d’hypotension orthostatique ou d’hyperréflexie autonome et en parallèle

des séances de rééducation. Le professeur APA, participe à cette réadaptation à l’effort par

des activités physiques qui nécessitent l’activation des pompes cardio-vasculaire et

respiratoire telles que la sarbacane, des jeux en fauteuil et des activités en piscine. Si l’objectif

premier est, bien entendu, celui du reconditionnement à l’effort, ces activités ont aussi pour

but d’entretenir la motivation de monsieur W. par le côté ludique et diversifié des activités

proposées et peut-être, à plus long terme, susciter chez lui l’envie de pratiquer un sport

adapté.

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28

Les transferts

Autre objectif clé envisagé pour monsieur W. par l’équipe de soin et de réadaptation : les

transferts. « L’acquisition du transfert est primordiale pour la personne tétraplégique. Cette

activité de la vie quotidienne tient le premier plan de la scène car elle permet de faire le lien

entre toutes les autres. En effet, si le transfert n’est pas acquis, la motivation du patient sera

amoindrie dans l’acquisition des autres activités de vie quotidienne. » [30]. Monsieur W. a

une tétraplégie de niveau sensitivo-moteur C7. « Pour ces personnes ayant un potentiel

musculaire au niveau des épaules et des coudes préservés, le transfert seul doit être acquis

sauf cas extrêmes. Le maximum d’aide requis est limité aux passages des membres

inférieurs. » [30]. Il apparaît donc ici un objectif essentiel à atteindre pour notre patient. C’est

un objectif concret, grande source d’indépendance. En effet, à 9.5 mois de son accident,

monsieur W. ne maîtrise pas les transferts. L’apprentissage des transferts est, là encore, un

travail multidisciplinaire où tous les corps de métiers tournant autour de la tétraplégie ont un

rôle important à jouer afin d’apporter le maximum de chances au patient tétraplégique. Le

travail des transferts est réalisé conjointement par l’ergothérapeute et le kinésithérapeute. Pour

commencer, il est nécessaire d’obtenir un équilibre assis correct et une musculature suffisante

au niveau des membres supérieurs et de la ceinture scapulaire. Des exercices seront alors

proposés par les deux thérapeutes selon deux grands axes : un travail en salle de rééducation

(sur le plan de Bobath et au fauteuil) puis des mises en situations. « Tous les exercices

d’équilibre effectués au plan de Bobath vont avoir une action sur l’apprentissage du transfert

car c’est dans l’action de se transférer que vont être mises en action toutes les capacités

fonctionnelles d’équilibration de la personne tétraplégique. Tous les exercices d’équilibre au

bord du plan vont permettre non seulement de savoir où positionner les appuis mais aussi vont

permettre de vaincre la peur du vide et l’impression de tomber. » [30]. On constate donc que

monsieur W. est à ce stade dans son acquisition des transferts : les exercices d’équilibre sont

en cours d’apprentissage et il maîtrise la peur du vide ainsi que la sensation de tomber. Un

long travail sera encore nécessaire pour obtenir des transferts efficaces en toute sécurité. Une

fois ces prérequis effectués, le travail du transfert proprement dit pourra commencer. Cela

consistera sur un premier transfert (plan de Bobath/fauteuil roulant), à proposer et adapter la

technique du transfert à monsieur W, en variant les abords, l’utilisation ou non des pieds sur

les cale pieds. Une planche de transfert pourra être utilisée dans un premier temps. « Pour

faciliter l’engagement dans les activités et leur réalisation, l’ergothérapeute étudie, conçoit et

aménage l’environnement pour le rendre facilitant et accessible. Il préconise et utilise des

aides techniques » [28]. Une fois qu’il aura trouvé ses repères, la mise en situation se dirigera

rapidement vers sa chambre : les transferts seront exploités au départ, en vue d’une

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29

indépendance tournée vers l’intérieur. Les mises en situation seront diversifiées et

concerneront le lit, le fauteuil-douche… Une fois automatisés et réalisés avec endurance (d’où

l’importance en parallèle d’un réentraînement à l’effort), le patient orientera ces transferts

vers une indépendance tournée vers l’extérieur : la voiture par exemple…

Les perspectives d’avenir de monsieur W.

Une fois évoqués les objectifs majeurs à atteindre par le patient grâce à l’interdisciplinarité de

sa prise en charge, il convient de s’intéresser à l’avenir de monsieur W. Cette question est

d’autant plus importante que monsieur W. est très jeune et donc s’ouvre à lui la perspective

d’une nouvelle vie, physiologique et fonctionnelle, à construire avec son handicap. Ces

propositions d’avenir que suggère l’ensemble médical et social à monsieur W. ne sont pour

l’instant que des projets, basés sur l’expérience d’une équipe multiprofessionnelle dans la

prise en charge de patients tétraplégiques. Ces décisions vont toujours dans le sens de

l’acquisition d’une indépendance fonctionnelle du patient afin d’améliorer sa qualité de vie.

Cependant, le patient reste seul décisionnaire (selon l’article 11 de la loi 2002-303 du 4 mars

2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, Art. L. 1111-4) [31].

L’équipe thérapeutique oriente, conseille et guide sans jugements ni subjectivité.

Lorsqu’on parle tétraplégie et avenir, vient rapidement l’idée de la chirurgie du membre

supérieur. En effet, les membres supérieurs de la personne tétraplégique sont son unique

capital moteur et donc son vecteur d’indépendance [32]. Deux des pionniers de cette chirurgie

fonctionnelle, Möberg et Zancolli ont écrit respectivement Their hands are their life et The

traumatic quadriplegic is entirely dependant on his upper limbs [cité par 33]. L’objectif de

cette chirurgie est d’améliorer les possibilités fonctionnelles en restaurant la possibilité de

gestes simples mais fondamentaux, transformant ainsi le quotidien. Pour monsieur W., cette

chirurgie aurait pour principal objectif l’autosondage par la réanimation d’une pince clé pouce

index par réanimation du long fléchisseur du pouce par le brachio radial avec une stabilisation

de l’inter phalangienne du pouce et une arthrodèse carpo métacarpienne du pouce. Cette

capacité à gérer lui-même ses vidanges vésicales, en lui restituant une part d’indépendance

réelle, l’obligerait à sa propre prise en charge et, ainsi, à être pleinement acteur de sa propre

vie. Là encore, la confrontation pluridisciplinaire me semble indispensable pour gérer les

différents questionnements moteurs, urologiques ou cutanés qu’amène cette chirurgie. « La

chirurgie fonctionnelle du membre supérieur est une chirurgie « gagnante », mais ses résultats

dépendent essentiellement et avant tout de la motivation du patient et de sa prise en charge

globale par une équipe multidisciplinaire » [32]. L’acte chirurgical ne peut se concevoir sans

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une coopération étroite des rééducateurs et de l’équipe médico-chirurgicale. De plus, dans

l’optique d’une pratique sportive future, cette chirurgie pourrait permettre à monsieur W.

l’accessibilité à un panel plus large de sports adaptés.

En effet, la pratique d’un sport adapté fait pleinement partie des perspectives d’avenir

envisageables pour monsieur W, ce dernier étant très sportif avant l’accident. De nombreuses

études ont démontré les effets positifs de la pratique d’une activité physique et sportive

régulière chez les personnes en situation de handicap. Ces bénéfices portent essentiellement

sur l’optimisation des capacités fonctionnelles, l’épanouissement personnel, l’insertion socio-

économique et l’amélioration de la qualité de vie. Cette perspective évoquée par l’équipe

médicale et de rééducation a suscité beaucoup d’intérêt chez monsieur W.

8. CONCLUSION

A travers l’étude de ces différentes collaborations, ce fonctionnement interdisciplinaire me

semble être une des clés, nécessaire et indispensable, à une prise en charge efficace d’un

patient tétraplégique. Comme le décrit Zarifian : il s’agit bel et bien de travailler ensemble, et

pas seulement de coordonner des travaux séparés. Travailler ensemble, c’est communiquer, au

sens de construire et de développer un espace d’intersubjectivité, de compréhension

réciproque. C’est établir des accords solides sur la nature des problèmes à traiter et des

savoirs à développer, sur l’identité des objectifs et donc les processus communs de leur

définition, ainsi que sur le sens donné aux actions et les valeurs qui les fondent [cité par 27].

Autrement dit, définir des objectifs et les décliner en actions thérapeutiques par chacun en les

pensant pour, et avec le patient, favorisera non seulement une prise en charge de qualité mais

permettra aussi aux thérapeutes de trouver davantage de sens à leurs actions. Cette notion

d’interdisciplinarité me paraît alors, aujourd’hui, avec la distance d’une étudiante de 3e année

de kinésithérapie aux portes de la professionnalisation, être la réponse à mon questionnement

concernant monsieur W. J’ai compris combien cette coopération à de sens sur l’évolution de

sa prise en charge et sur l’amélioration de sa qualité de vie par l’optimisation de son

indépendance dans un objectif de réintégration à la vie courante. Cette interdisciplinarité,

d’intérêt majeur dans un cas complexe tel que la tétraplégie, m’apparaît tout aussi justifiée

pour chaque patient, quelle que soit sa pathologie, dans un objectif de prise en charge de

qualité.

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Accompagnement Ethique. 14e Congrès de la SFAP Nantes, 19, 20 et 21 juin 2008 : Cultures

et soin : diversité des approches, complexité des réponses. 2008;7: 234-237.

[27] Desbonnet T. Coopération, interprofessionnalité et « management du soigner ».

www.cadredesante.com. 2005.

[28] Hernandez H. L’ergothérapie, une profession de réadaptation. Journal de réadaptation

médicale. 2010;30:194-197.

[29] Bonnyaud C, Gomet B, Lenaoures P, Manzanera M, Peltier M. Désadaptation et

réentraînement à l’effort chez le blessé médullaire complet. Kinésithérapie

Scientifique. 2008;487:5-10.

[30] Pouplin S. Le transfert fauteuil chez la personne tétraplégique. Journal

d’ergothérapie. 2000;22:139-143.

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[31] Légifrance.gouv.fr. Consulté le 15 avril 2011.

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000227015

[32] Allieu Y, Coulet B, Chammas M. Chirurgie fonctionnelle du membre supérieur chez le

tétraplégique. Encycl Méd Chir Techniques chirurgicales Orthopédie-Traumatologie.

2003;44-460.

[33] Allieu Y. Réhabilitation chirurgicale du membre supérieur du tétraplégique. Cahiers

d’enseignement de la SOFCOT. Conférences d’enseignement. Paris : Masson, 1988 : 233-

255.

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Annexes

• Annexe I : comptes rendus opératoires • Annexe II : traitement médical de monsieur W. • Annexe III : échelle de Boubée • Annexes IV : SCIM

• Annexes V : score Asia

• Annexes VI : techniques d’évaluation de la sensibilité

• Annexes VII : évaluation musculaire selon la cotation

de Held et Pierrot-Deseilligny

• Annexes VIII : échelle d’Ashworth modifiée

• Annexes IX : bilan articulaire

• Annexes X : réglages de l’Alpha 200®

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1

Annexe I

COMPTES RENDUS OPERATOIRES

Le 28/06/2009 : corporectomie C6 et ostéosynthèse C5 C7 par greffon iliaque et plaque vissée antérieure)

Malade intubé, ventilé, sous anesthésie générale en décubitus dorsal, tête fixée dans la têtière

à pointes, un billot sous la hanche droite.

Incision latéro-cervicale pré-sterno-mastoïdienne droite et incision de l’aponévrose cervicale

moyenne. Dissection des plans profonds et abord pré-vertébral. Repérage radioscopique de la

vertèbre C7 et mise en place de l’écarteur de Caspar entre C5 et C7. Incision du disque C6 C7

et ablation. Réalisation d’une corporectomie par fragmentation à la gouge et aux rongeurs de

Kerrison de la vertèbre C6 qui est fragmentée. La corporectomie complète est réalisée

jusqu’au ligament vertébral postérieur. Discectomie C5 C6. Préparation des plateaux

vertébraux.

Incision au niveau de la crête iliaque droite et incision de l’aponévrose. Rugination des

muscles insérés sur la crête iliaque et prélèvement d’un greffon pré-cortical de 3 cm de haut

environ. Mise en place du greffon entre les vertèbres C5 et C7 en réalisant une légère

distraction. Mise en place d’une plaque Crystal 4 trous de 35 mm de long fixée par deux vis

de 18 mm dans le corps de C7 et une vis de 18 et une de 20 mm dans le corps de C5.

Contrôle radioscopique final satisfaisant. Rinçage au sérum tiède. Mise en place d’un drain

aspiratif type Manovac. Suture du peaucier, suture cutanée en un plan par points séparés.

Mise en place d’un drain aspiratif sous aponévrotique iliaque. Suture de l’incision iliaque en

deux plans par points séparés.

Le 14/08/2009 : trachéotomie Malade intubé, ventilé, sous anesthésie générale, un billot sous l’épaule, la tête en légère

extension.

Incision horizontale basi cervicale. Dissection des plans musculo-aponévrotiques sur la ligne

médiane jusqu’à atteindre les premiers anneaux trachéaux. Incision du probable deuxième

anneau trachéal en H couché avec la traction sur fil des deux demi-anneaux. Ablation de la

sonde d’intubation et mise en place d’une canule de trachéotomie numéro 7 de type Bivona.

Gonflement du ballonnet et raccordement au système de ventilation.

Suture de l’incision autour de la canule par points séparés.

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2

Annexe II

Le traitement médical de monsieur W

Médicaments Posologie Actions Effets secondaires pouvant intervenir

en rééducation Effexor® 75 mg 1 le matin et 1 le soir Antidépresseur Vertiges, nervosité,

hypersudation, somnolence Baclofène® 1 le matin, 1 le midi

et 1 le soir Lutte contre la spasticité

Somnolence, asthénie, vertige, hypotonie musculaire, dépression respiratoire

Duphalac® 1 le matin, 1 le midi et 1 le soir

Laxatif

Préviscan® ¼ le soir Anticoagulant contre les risques de phlébite

Manifestation hémorragique

Inexium® 20 mg 1 le soir Protecteur gastrique

Céphalée

Eductyl ® 1 suppositoire un jour sur deux

Exonération rectale

Voltarène® gel 1 application cutanée Anti-inflammatoire

Dafalgan® 1g 1 le matin, 1 le midi et 1 le soir

Antalgique

Valium ® 2 mg le matin, 5 mg le midi et 10 mg le soir

Anxiolytique

Sensation ébrieuse, asthénie, baisse de vigilance, hypotonie musculaire, somnolence

Ditropan ® 1 le matin, 1 le midi et 1 le soir

Contre les fuites urinaires

Vision floue, tachycardie, agitation

Lyrica® 75 mg 1 le matin et 1 le soir Antalgique périphérique

Etourdissements, somnolence, troubles de la coordination, paresthésies

Cétornan ® 1 le matin et 1 le soir Contre la dénutrition

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3

Annexe III

Echelle de Boubée

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4

Annexe IV

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5

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6

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7

Annexe V

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8

Annexe VI

Evaluation de la sensibilité objective superficielle (se réalise les yeux fermés)

Pour l’évaluation sensitive du toucher

Le thérapeute touche la zone à tester, il demande au sujet s’il sent qu’on le touche,

Si oui, il touche sa joue du même coté que la zone à tester (sensation « référence »).

En retouchant la zone à tester, il lui demande si la sensation est la même qu’au niveau de la

joue ou s’il elle est diminuée/atténuée,

Il procède de la même façon pour les différentes zones à évaluer.

Pour évaluer le niveau de sensibilité normale, d’hypoesthésie et d’anesthésie :

Avec le doigt, l’examinateur part de l’épaule droite puis descend le long du corps, il demande

au patient de lui indiquer lorsqu’il ne sent plus son doigt. Il fait à ce niveau une marque au

crayon dermographique. Il effectue la même chose en partant de l’abdomen et en remontant

jusqu’à l’épaule. Il demande cette fois-ci au patient de lui indiquer lorsqu’il commence à

sentir son doigt. Il refait une marque à ce niveau. Il fait de même du coté gauche.

Pour l’évaluation sensitive à la piqûre

L’évaluateur pique sur la joue pour lui montrer le « ressenti »,

Il procède de la même manière que pour l’évaluation sensitive au toucher,

Si le patient évoque la sensation de « piqûre », la sensibilité est normale (2),

Si la patient nous dit plutôt qu’il à la sensation « touche », c’est une zone d’hypoesthésie (1),

Si le patient ne ressent rien, c’est une zone d’anesthésie (0).

Evaluation de la sensibilité objective profonde : kinesthésie/statesthésie (se

réalise les yeux fermés)

Réalisé sur les membres supérieurs

Au niveau de l’épaule

Le thérapeute mobilise le segment de membre et demande au patient s’il perçoit cette

mobilisation.

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9

Si oui, il demande au patient dans quel sens va la mobilisation, vers le haut, vers le bas ? Puis

il décide arbitrairement de 3 positions dans l’espace du membre (1, 2, 3 ou A, B, C) qu’il

« fait sentir »/« montre » au patient. Le thérapeute place le segment de membre dans l’une de

ces positions puis demande au sujet de lui dire 1, 2 ou 3 ou A, B ou C.

Cette évaluation est renouvelée au niveau du coude, du poignet et du pouce.

De manière plus globale le thérapeute peut demander au sujet d’attraper avec une main le

pouce de l’autre main.

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10

Annexe VII

C o t a t i o n d e H e l d e t P i e r r o t - D e s e i l l i g n y [9] La force est appréciée selon une cotation de 0 à 5. 0: absence de contraction 1: contraction perceptible sans déplacement du segment 2: contraction entraînant un déplacement quel que soit l’angle parcouru 3: le déplacement peut s’effectuer contre une légère résistance 4: le déplacement s’effectue contre une résistance plus importante 5: le mouvement est d’une force identique au côté sain

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11

Evaluation musculaire, de 0 à 5, du 15 mars 2010

gauche COU droite 4 Fléchisseurs 4 4 Extenseurs 3

CEINTURE SCAPULAIRE 4 Trapèze supérieur 4 3 Trapèze moyen 4 3 Trapèze inférieur 3 3 Rhomboïde 3 3 Dentelé antérieur 3 2 Grand dorsal 2 4 Faisceau claviculaire gd pectoral 4 4 Faisceau sterno costal gd pectoral 4 3 Petit pectoral 3 3 Deltoide antérieur 3 3 Deltoide moyen 3 3 Deltoide postérieur 3 4 Coraco brachial 4 3 Grand rond 3 4 Supra épineux 4 3 Infra épineux 3 3 Petit rond 3 3 Subscapulaire 3

COUDE 4 Biceps brachial 4 4 Brachial 4 4 Brachio radial 4 3 Triceps brachial 3 3 Supinateur 3 4 Rond et carré pronateur 4 POIGNET 4 Long extenseur radial du carpe 4 3 Court extenseur radial du carpe 3 3 Fléchisseur radial du carpe 3 3 Long palmaire 3 2 Fléchisseur ulnaire du carpe 2 2 Extenseur ulnaire du carpe 2

MAIN EXTRINSEQUE 0 Fléchisseur profond des doigts 0 0 Fléchisseur superficiel des doigts 0 0 Extenseur commun des doigts 0 0 Long fléchisseur du pouce 0 1 Long extenseur du I 1 0 Court extenseur du I 0 0 Long abducteur du I 0 0 Extenseur du II 0 0 Extenseur du V 0 0 MAIN INTRINSEQUE 0

Les muscles du tronc, de la hanche, du genou et du pied sont cotés à 0.

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Annexe VIII

Echelle d’Ashworth modifiée [10]

Cotation 0

Tonus musculaire normal.

Cotation 1

Légère augmentation du tonus musculaire qui se manifeste par un ressaut ou une résistance

minime en fin d’amplitude lorsque le segment est mobilisé en flexion ou en extension/en

abduction ou en adduction, etc.

Cotation 1+

Légère augmentation du tonus musculaire qui se manifeste par un ressaut auquel succède une

résistance minime sur l’ensemble de la fin de course du mouvement (moins de la moitié).

Cotation 2

Augmentation plus nette du tonus musculaire sur une amplitude plus importante. Néanmoins

le segment peut être mobilisé facilement.

Cotation 3

Augmentation considérable du tonus musculaire. La mobilisation passive est difficile.

Cotation 4

Le segment affecté est fixé en flexion ou en extension (en abduction ou en adduction, etc.)

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Annexe IX

Bilan des amplitudes articulaires, en degrés, du 15 mars 2010

DROITE GAUCHE

EPAULE 30 Rétropulsion 30 90 Rotation externe bras en abduction 90 45 Rotation externe bras au corps 45 90 Rotation interne bras en abduction 90 45 Rotation interne bras au corps 45

COUDE 0 Extension 0

150 Flexion 150 Libre Pronation Libre Libre Supination Libre

POIGNET 60 Flexion palmaire doigts en flexion 60

60 (effet ténodèse) Flexion dorsale doigts en flexion 60 (effet ténodèse) HANCHE

130 Flexion genou fléchi 130 85 Flexion genou tendu 90 Extension

40 Abduction 45 20 Adduction 20 90 Rotation externe hanche neutre 40 45 Rotation externe hanche en flexion 50 45 Rotation interne hanche neutre 85 5 Rotation interne hanche en flexion 10

GENOU 0 Extension 0

150 Flexion hanche neutre 150 150 Flexion hanche fléchie 150

CHEVILLE/SUB-TALAIRE 15 Flexion dorsale genou tendu 15 10 Flexion dorsale genou fléchi 15 30 Flexion plantaire 30

Libre Pronation Libre Libre Supination Libre

Pieds non testés

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Annexe X

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