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ÉTUDE DE DÉMARCHES DE DURABILITÉ DANS LE DOMAINE ALIMENTAIRE RAPPORT D’ANALYSE TRANSVERSE

ÉTUDE DE DÉMARCHES DE DURABILITÉ DANS LE DOMAINE

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Page 1: ÉTUDE DE DÉMARCHES DE DURABILITÉ DANS LE DOMAINE

ÉTUDE DE DÉMARCHES DE DURABILITÉ DANS LE DOMAINE ALIMENTAIRERAPPORTD’ANALYSE TRANSVERSE

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Rapport d’analyse transverse

BASIC ― WWF ― GREENPEACE 2 Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

WWFLe WWF est l’une des toutes pre-mières organisations indépen-dantes de protection de l’environ-nement dans le monde. Avec un réseau actif dans plus de 100 pays et fort du soutien de près de 5 mil-lions de membres, le WWF œuvre pour mettre un frein à la dégradation de l’environnement naturel de la pla-nète et construire un avenir où les humains vivent en harmonie avec la nature, en conservant la diversité biologique mondiale, en assurant une utilisation soutenable des res-sources naturelles renouvelables, et en faisant la promotion de la réduc-tion de la pollution et du gaspillage. Depuis 1973, le WWF France agit au quotidien afin d’offrir aux géné-rations futures une planète vivante. Avec ses bénévoles et le soutien de ses 202 000 donateurs, le WWF France mène des actions concrètes pour sauvegarder les milieux natu-rels et leurs espèces, assurer la pro-motion de modes de vie durables, former les décideurs, accompagner les entreprises dans la réduction de leur empreinte écologique, et édu-quer les jeunes publics. Mais pour que le changement soit acceptable, il ne peut passer que par le respect de chacune et de chacun. C’est la raison pour laquelle la philosophie du WWF est fondée sur le dialogue et l’action.

GreenpeaceGreenpeace est une organisation internationale qui agit selon les prin-cipes de non-violence pour protéger l’environnement et la biodiversité et promouvoir la paix. Elle est indépen-dante de tout pouvoir économique et politique et s’appuie, depuis près de cinquante ans, sur un mouvement de citoyennes et citoyens engagés pour construire un monde durable et équitable.

BASICLe Basic (Bureau d’analyse socié-tale pour une information citoyenne) évalue et analyse les impacts et les coûts sociétaux générés par les acti-vités économiques pour :

― Renforcer l’expertise des acteurs de la société civile qui œuvrent pour une transition sociale et écologique ;

― Participer et/ou développer des plates-formes multipartites (ac-teurs économiques, pouvoir publics, société civile) sur les enjeux de durabilité à l’échelle des filières, des territoires et des entreprises ;

― Contribuer à l’accessibilité des informations relatives aux princi-paux enjeux sociaux et environ-nementaux liés aux activités éco-nomiques et aux modes de vie

Le Basic est une SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) et bénéficie du statut de Jeune Entre-prise Innovante.

Nous tenions à remercier chaleureusement Nicolas Bricas et Isabelle Vagneron du CIRAD ainsi que Stéphane Fournier de Montpellier Supagro qui ont relu et apporté leur regard critique sur cette étude. Nous tenions aussi à remercier les acteurs à l’origine des démarches qui ont accepté de participer aux entretiens et partici-per à la méthode. Nous remercions également Charley Massiera pour le travail graphiste effectué.

Rapport publié en juin 2021(mis à jour septembre 2021)

Auteurs :

BASIC Christophe Alliot, Marion Feige-Muller, Delphine Mc Adams-Marin, Alice Gissinger, Gaspard Benoit, Hugo Segré, Sylvain Ly, Lise Duval, Karine Laroche

Greenpeace Suzanne Dalle, Laure Ducos,Joseph D’halluin

WWF Thomas Uthayakumar, Manon Legeay

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Table des matièresRapport d’analyse transverse

Liste des figures 4

Résumé exécutif 6

1. Introduction 12

2. Constat de départ : 16 la non-durabilité du système alimentaire

3. Sélection d’un panel de démarches 20 de durabilité alimentaire, analyse de leurs intentions et de leurs logiques d’action3.1. Démarches sélectionnées pour l’analyse 203.2. Comprendre les intentions et la logique d’action des démarches 24 au-delà des cahiers des charges3.3. A quelles problématiques les différentes démarches sont-elles 25 supposées répondre ?3.4. Quel cadre d’intervention ont-elles décidé d’adopter pour 27 atteindre leurs objectifs ?

4. Analyse des impacts environnementaux 30 et socio-économiques des démarches sélectionnées 4.1. Un cadre innovant pour évaluer le potentiel d’impact 30 sur la durabilité alimentaire4.2. Résultats transverses sur les potentiels d’impact 34 des 15 démarches étudiées4.3. Les modèles d’exploitations et de chaînes de valeur, 44 des éléments clés pour comprendre les différences de résultats 4.4. Des écarts parfois importants entre les intentions 45 et les potentiels d’impact4.5. Dépasser l’opposition entre démarches de progrès 46 et démarches contraignantes4.6. Un socle d’éligibilité pour garantir un niveau minimum 47 de durabilité environnementale et socio-économique4.7. Les problématiques orphelines 484.8. Le cas de la démarche Haute Valeur Environnementale (HVE) 49

5. Propositions et recommandations 51 de Greenpeace et du WWF France 5.1. Proposer un outil d’analyse à disposition de toutes et tous 51 pour évaluer et réviser les démarches alimentaires 5.2. Conditionner le soutien public aux impacts des démarches 52 et non à leurs intentions affichées5.3. Éclairer les arbitrages politiques au cœur de l’année 2021 53

Rapport d’analyse transverse

3BASIC ― WWF ― GREENPEACE Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

Page 4: ÉTUDE DE DÉMARCHES DE DURABILITÉ DANS LE DOMAINE

Liste des figuresFigure 1 : Les quatorze problématiques de la non-durabilité 17 de l’alimentation. Source : BASIC, 2021 Figure 2 : Les démarches incluses dans le périmètre de l’étude. 22 Source : BASIC, 2021 Figure 3 : Schéma de la théorie du changement présenté 24 aux porteurs des démarches lors des entretiens. Source : BASIC, 2021 Figure 4 : Classement des impacts de moyen-long terme 26 recherchés par les différentes démarches d’après la grille des principales problématiques de « non-durabilité » du système alimentaire. Source : BASIC, 2021 Figure 5 : Classement des démarches selon leur cadre d’intervention. 28 Source : BASIC, 2021 Figure 6 : Schéma général de la méthode. Source : BASIC, 2021 30Figure 7 : Schématisation du lien entre la réduction de l’utilisation 31 de pesticides et 3 problématiques environnementales via la grille de non-durabilité. Source : BASIC, 2021 Figure 8 : Schématisation des causes de la dégradation 32 de la ressource en eau positivement impactées par l’agriculture biologique grâce à la grille de non-durabilité. Source : BASIC, 2021 Figure 9 : Echelle de certitude de l’influence des démarches 33 sur les déterminants de la non-durabilité. Source : BASIC, 2021 Figure 10 : Proposition de socle d’éligibilité. 49 Source : BASIC, Greenpeace, WWF, 2021

Rapport d’analyse transverse

BASIC ― WWF ― GREENPEACE 4 Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

Page 5: ÉTUDE DE DÉMARCHES DE DURABILITÉ DANS LE DOMAINE

© Emile Loreaux / Greenpeace

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Résumé exécutif

Depuis plusieurs années, nous assistons à une prise de conscience croissante du consom-mateur concernant les impacts négatifs du système agroalimentaire actuel et la nécessité de changer de modèle. Dans ce contexte, les démarches de durabilité alimentaire 1 se sont multipliées : labels, certifications, marques privées, démarches de progrès… En résulte une surabondance d’informations pour les consommateurs, les restaurateurs et les responsables d’achat qui ne parviennent plus forcément à se repérer dans cette profusion d’initiatives.

Au-delà du manque de lisibilité pour les consommateurs, cette multiplication des démarches a également des conséquences pour les pouvoirs publics qui sont amenés à mettre en place des politiques de soutien à certaines de ces démarches. Cette année est particulièrement marquante à cet égard avec les arbitrages de la prochaine Politique Agricole Commune (PAC) et du Plan Stratégique National (PSN). Au-delà des subven-tions dédiées à l’Agriculture Biologique, cette politique s’oriente vers un soutien financier d’autres démarches telles que la certification Haute Valeur Environnementale (HVE). Ne se limitant pas à des soutiens financiers, l’Etat peut également favoriser le développe-ment et la structuration de certaines démarches à travers ses politiques publiques. C’est le cas par exemple de loi EGalim qui a formalisé une obligation d’introduction de 50% de produits durables dans l’offre de la restauration collective, ou encore de l’expérimentation en cours pour un affichage environnemental sur les produits alimentaires.

Or, il n’existe pas à l’heure actuelle d’étude analysant de façon systémique les impacts sociaux, économiques et environnementaux engendrés par les différentes démarches de durabilité alimentaire. C’est pour répondre à ce besoin, et ainsi éclairer les choix des acheteurs (restauration collective, distributeurs, consommateurs, etc.) et des décideurs politiques, que Greenpeace, le WWF et le BASIC ont réalisé cette étude.

La méthodologie mise en place a été testée sur un panel de 11 démarches françaises de durabilité alimentaire :

― Agriculture Biologique ― Bio Équitable en France ― Demeter ― Nature & Progrès ― Agri Confiance ― Zéro Résidu de Pesticides ― Haute Valeur Environnementale ― Bleu-Blanc-Coeur (filière bovine et filière porc-volaille) ― Appellation d’Origine Protégée (filière Comté et Cantal) ― Label Rouge (filière volaille de chair et filière porcine) ― C’est qui le Patron ?! (filière lait liquide et filière jus de pomme)

Pour mener à bien ce travail, la première étape a consisté à mettre au point, à partir d’une large revue de la littérature scientifique, une grille de non-durabilité du système alimentaire actuel. Cette grille répertorie les 14 principales problématiques environnementales et socio-économiques à l’origine de la dégradation des systèmes alimentaires, ainsi que les différentes causes de ces problématiques.

Rapport d’analyse transverse

BASIC ― WWF ― GREENPEACE 6 Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

1. Par démarche de durabilité dans le domaine alimentaire, nous entendons toute initiative portée par un acteur public (exemple : Signes officiels de qualité et de l'origine, etc.) ou privé de la filière (en particulier les marques et distributeurs) qui est communiquée au consommateur final et dont l’objectif est d’améliorer une ou plusieurs caractéristiques environnementales, sanitaires et/ou sociales des produits alimentaires qu’il commercialise (uti-lisation d’intrants chimiques, présence d’OGMs, utilisation d’additifs, conditions d’élevage, etc.). Les moyens utilisés pour y parvenir sont multiples, allant de chartes d’engagement privées et de guides de bonne conduite, jusqu’à la certification de tout ou partie des filières d’approvisionnement sur la base de cahiers des charges portés par des acteurs privés ou la puissance publique.

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Rapport d’analyse transverse

7BASIC ― WWF ― GREENPEACE Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

Nous avons ensuite confronté cette grille de durabilité avec les visions et les intentions de chaque démarche de durabilité, ainsi que les actions mises en oeuvre dans leur cadre (critères des cahiers des charges mais aussi activités connexes), afin d’évaluer leur potentiel d’impact.

Pour permettre au plus grand nombre de comparer simplement les potentiels d’im-pact des différentes démarches, nous avons agrégé les résultats obtenus sous la forme d’une notation environnementale et d’une notation socio-économique, toutes deux comprises sur une échelle ouverte de 0 à 5 (dit autrement, une notation de 5 correspond au meilleur résultat obtenu par les démarches de notre échantillon, mais ne signifie pas pour autant qu’il s’agit du meilleur résultat possible en termes de dura-bilité). Lors de l'utilisation de la grille d'analyse pour l'évaluation, 5 problématiques ont par ailleurs été identifiées comme centrales pour augmenter la durabilité des démarches : la biodiversité, le climat, l’atteinte d’un revenu décent, la santé humaine et le bien-être animal. Ces 5 problématiques ont alors bénéficié d'une pondération plus importante que les 9 autres dans le système de notation.

Les quatorze problématiques de la non-durabilité de l’alimentationSource : BASIC, 2021

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Rapport d’analyse transverse

BASIC ― WWF ― GREENPEACE 8 Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

Cette étude propose ainsi un cadre d’analyse innovant qui permet de prendre en compte de manière exhaustive les principaux enjeux environnementaux (dérè-glement climatique, érosion de la biodiversité…) et socio-économiques (revenus des agriculteurs et des travailleurs, santé humaine…), mais aussi leurs interac-tions. Elle s’inscrit en complémentarité des méthodes quantitatives existantes (notamment les analyses de cycle de vie) et assure une transparence totale sur la méthode utilisée, grâce à un site web dédié, afin que tous les acteurs puissent utiliser ces résultats.

A noter cependant que 4 problématiques sont très rarement considérées dans les intentions des démarches et de leurs impacts : les conditions de travail, la sécurité alimentaire, l’épuisement des ressources non-renouvelables (énergétiques et miné-rales) ainsi que les pertes et gaspillages alimentaires.

Premier résultat : l’écart significatif constaté entre les intentions des porteurs de démarches et les bénéfices environnementaux et socio-économiques avérés d’une majorité des démarches étudiées.

Deuxième résultat, notre analyse permet également de distinguer 3 «familles» de démarches :

― les démarches partageant le socle de l’agriculture biologique (Agriculture Biolo-gique, Bio Equitable en France, Demeter et Nature & Progrès) dont les bénéfices environnementaux et socio-économiques sont les plus forts et homogènes ;

― les démarches partageant le socle de la certification environnementale (Agri Confiance, Zéro résidu de pesticides, Haute Valeur Environnementale), ayant les effets positifs les plus faibles et les moins avérés ;

― les démarches définies filière par filière, en lien étroit avec les acteurs de ces dernières (Bleu-Blanc-Cœur, AOP/AOC, Label Rouge et C’est qui le Patron ?!) ont des potentiels d’impact très hétérogènes et variables. Exception faite pour les filières Bleu-Blanc-Cœur dont les résultats sont plus homogènes mais avec des effets positifs modérés.

Du fait du grand nombre de filières de ces différentes démarches (jusqu’à plu-sieurs centaines pour les Appellations d’Origine Protégée par exemple), nos résultats ne concernent que les filières étudiées et ne peuvent pas être géné-ralisés à ce stade à toute la démarche associée. Il s’agit donc d’une première étape d’analyse à poursuivre afin d’obtenir une vision plus complète de chacune d’entre elles.

Troisième résultat, l’opposition classique entre l’approche basée sur des exigences et interdits (usage proscrit des produits phytosanitaires, etc.) et celle basée sur la démarche de progrès (réduire l’usage des produits phytosanitaires, etc.) doit être nuancée, voire dépassée. Certaines démarches telles que Bio Équitable en France, Demeter et Nature & Progrès concilient les deux et obtiennent parmi les meilleurs résultats en termes d’impacts.

Finalement un fort impact positif des démarches semble corrélé à leur capacité à : ― définir au démarrage des seuils d’entrée suffisamment restrictifs pour accompa-gner ou enclencher des changements de pratiques et de modèles,

― créer un environnement incitatif qui permet de progresser au fil du temps, tout en s’assurant de « cranter » une base minimale d’exigences et/ou interdits que tous les acteurs doivent atteindre à un horizon défini.

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Rapport d’analyse transverse

9BASIC ― WWF ― GREENPEACE Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

Les résultats de cette étude nous amènent à formuler un certain nombre de recommandations à destination des décideurs publics.

― Conditionner le soutien public aux impacts des démarches et non à leurs inten-tions affichées.

― Suspendre le soutien public à la certification HVE tant que le cahier des charges n’a pas été révisé et renforcer le soutien à l’AB.

― Réviser les démarches identifiées comme “durables” dans la loi EGalim. ― Compléter le travail de l’affichage environnemental mené par le ministère de la Transition écologique.

Au delà des résultats, la méthodologie développée dans cette étude nous permet ainsi de proposer un outil d’analyse à disposition de toutes et tous pour évaluer et réviser les démarches alimentaires.

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Rapport d’analyse transverse

BASIC ― WWF ― GREENPEACE 10 Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

Rapport d’analyse transverse

LES ENJEUXSOCIO-ÉCONOMIQUES

Niveau de vie décentSanté humaineBien-être animalSécurité alimentaireEquité Socio-économique Conditions de travail, Droit du travailCohésion sociale

LES 14 ENJEUX PRIS EN COMPTE

SANTÉHUMAINE

NIVEAU DE VIEDÉCENT

BIEN-ÊTREANIMAL

CLIMATBIODIVERSITÉ

EN SYNTHESEGreenpeace, le WWF France et le BASIC ont étudié les impacts socio-économiques et environnementaux de 11 labels, certifica-tions, démarches alimentaires pour éclairer l’opinion publique et les décideurs quant à la réalité des garanties offertes par toutes ces initiatives. Voici les résultats.

COMMENT ONT ÉTÉ ÉVALUÉS LES LABELS ?L’étude évalue l’impact de 11 labels et démarches sur 14 enjeux environnementaux et socio-économiques. Au-delà de l'analyse des cahiers des charges, cette évaluation prend en compte les actions mises en oeuvres par les démarches, les études d'impacts publiées dans la littérature et les entretiens réalisés avec des experts des systèmes alimentaires.

LES ENJEUXENVIRONNEMENTAUX

ClimatBiodiversitéRessource en eauRessources énergétiques et matériauxQualité des solsQualité de l’airPertes et gaspillage

Enjeux prioritaires

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Rapport d’analyse transverse

11BASIC ― WWF ― GREENPEACE Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

Rapport d’analyse transverse

Agriculture biologique

Bio Équitable en France

Demeter

Nature & Progrès

LES SCORESLes scores obtenus reflètent les bénéfices de ces démarches sur les enjeux socio-économiques et environnementaux.

DÉMARCHES APPARENTÉES À L’AGRICULTURE BIOLOGIQUE

Bleu-Blanc-CœurFilière Lait

AOP Filière Comté

Label RougeFilière Volaille de chair

C’est qui le Patron ?!Fillière Lait liquide

Bleu-Blanc-CœurFilière Porc- Volailles

AOP Filière Cantal

Label RougeFilière Porcine

C’est qui le Patron ?!Fillière Jus de Pomme

Zéro Résidu de Pesticides

Haute Valeur Environnementale

Agri Confiance

DÉMARCHES DÉFINIES PAR FILIÈRES

DÉMARCHES APPARENTÉES À LA CERTIFICATION ENVIRONNEMENTALE

5

3

4

3

4

555

4

4

1 1

1 1

1 1

333

2

2

2

2

5555

3

1

1

1

1

1

1

5555

Note de 1 à 5, des bénéfices les moins avérés aux plus avérés.

Bénéfices environnementaux

Bénéfices socio-économiques

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1. Introduction

Méfiance des consommateurs, modes de production pointés du doigt en raison de leurs impacts sur la biodiversité ou le climat, crises sanitaires et effets des pesticides sur la santé, précarité du travail... Depuis plusieurs années, nous assistons à une prise de conscience croissante du consommateur concernant les impacts négatifs du système agroalimentaire actuel et la nécessité de changer de modèle. Dans ce contexte, les acteurs de tous horizons - entreprises, organisations de la société civile, pouvoirs publics - sont de plus en plus force de proposition pour aider à orienter les choix des consommateurs vers une alimentation plus durable.

Ainsi, les démarches se sont multipliées ces dernières années : labels, certifications, marques privées, démarches de progrès… Le site de cartographie des initiatives inter-nationales de durabilité de l’International Trade Centre (ITC) 2 dénombre des dizaines de labellisations existantes sur les filières agricoles et alimentaires internationales, sans compter les démarches purement européennes ou françaises : signes officiels de qualité et de l’origine, certification environnementale des exploitations, label Bleu-Blanc-Cœur, démarches équitables et locales, mentions de type « sans OGM », « non testé sur les animaux »… 3 .

En résulte une surabondance d’informations pour les consommateurs, les res-taurateurs et les responsables d’achat qui ne parviennent plus à se repérer dans cette profusion d’initiatives, un phénomène amplifié par la multiplication des études et enquêtes qui les questionnent 4.

Dans ce contexte, les méthodes les plus répandues pour comparer les démarches de durabilité alimentaire consistent à passer au crible les exigences formalisées dans leurs cahiers des charges, ce qui pose plusieurs difficultés :

― l’examen de plusieurs dizaines de critères techniques souvent hétérogènes et peu comparables d’une démarche à l’autre,

― l’évaluation de la pertinence de ces critères en vis-à-vis d’enjeux de durabilité (comme par exemple le climat, la biodiversité, la santé humaine…), dont les résultats soulèvent souvent des débats concernant les raisons de se focaliser sur certains enjeux plutôt que d’autres, et les règles utilisées pour distinguer les critères pertinents de ceux qui ne le seraient pas,

― in fine, une absence d’objectivation des impacts que ces démarches génèrent sur la société et l’environnement, au-delà des obligations qu’elles édictent.

Pour essayer de dépasser ces limites et comparer les impacts des démarches de durabilité à l’échelle des produits alimentaires, les méthodologies d’« ana-lyse du cycle de vie » (ACV) ont commencé à être utilisées depuis plusieurs années. En effet, l’ACV présente l’avantage d’être une méthode normalisée par l’ISO qui prend en compte les différentes étapes de la vie d’un produit (depuis la produc-tion agricole jusqu’à la consommation finale) et qui quantifie de multiples émissions polluantes ainsi que leurs effets possibles sur l’environnement (gaz à effet de serre, nitrates, pesticides…).

2. https://standardsmap.org consulté le 2 juillet 20193. https://www.lsa-conso.fr/les-labelsfont-ils-vendre,292761

et https://theconversation.com/comment-sy-retrouver-dans-la-jungle-des-labels-environnementaux-111760 consultés le 14 mai 2021

4. https://www.60millions-mag.com/kiosque/le-meilleur-du-bio, https://www.quechoisir.org/dossier-label-appellation-t601/, https://www.lsa-conso.fr/les-labelsfont-ils-vendre,292761 consultés le 14 mai 2021

Rapport d’analyse transverse

BASIC ― WWF ― GREENPEACE 12 Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

Page 13: ÉTUDE DE DÉMARCHES DE DURABILITÉ DANS LE DOMAINE

Cependant, des incertitudes demeurent sur certains impacts du fait de l’hété-rogénéité des données sources disponibles, de la complexité des chaînes ali-mentaires et de la persistance de controverses scientifiques (notammant en ce qui concerne l’écotoxicité et la toxicité humaine) 5. Au-delà, l’Eco-score alimentaire, notation fondée sur des données d’ACV mais aussi d’autres données complémen-taires, a généré de nombreux débats lors de son lancement début 2021 par plusieurs applications mobiles (Yuka, Open Food Facts, ScanUP, La Fourche...)6.

Objectiver les impacts environnementaux des démarches de durabilité reste donc un défi. Quant aux impacts socio-économiques, ils demeurent en partie ignorés par la plupart des méthodes existantes.

Cette étude propose un cadre d’analyse innovant permettant :1. de prendre en compte de manière exhaustive les principaux enjeux envi-

ronnementaux (dérèglement climatique, érosion de la biodiversité…) et socio-économiques (revenus des agriculteurs et des travailleurs, santé humaine…), mais aussi leurs interactions ;

2. d’étudier de manière qualitative et systémique les impacts des démarches de durabilité alimentaire, en complémentarité des méthodes quantita-tives existantes (notamment les analyses de cycle de vie) ;

3. d’assurer la transparence de la méthode, des hypothèses et des éva-luations de chaque démarche de durabilité via la mise à disposition des résultats détaillés sur un site web dédié.

5. ADEME, Le Basic, Dressayre Aurélie. Alimentation et coût des externalités environnementales. Rapport de la collection Expertises, 2019

6. https://www.agencebio.org/2021/04/14/laffichage-environnemental-des-produits-alimentaires-bio/ et https://www.lsa-conso.fr/les-premiers-pas-de-l-affichage-environnemental,372443 consultés le 15 mai 2021

Rapport d’analyse transverse

13BASIC ― WWF ― GREENPEACE Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

Page 14: ÉTUDE DE DÉMARCHES DE DURABILITÉ DANS LE DOMAINE

© Emile Loreaux / Greenpeace

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2. Constat de départ : la non-durabilité du système alimentaire

De la production des denrées alimentaires à leur consommation finale, en passant par leur transformation, leur emballage et leur transport, les systèmes alimentaires actuels, sont de plus en plus fortement questionnés en raison de leurs impacts sur la société. Les conséquences négatives qu’ils engendrent sur la santé des populations, le développement économique des territoires, l’emploi, l’environnement, la biodiver-sité et le climat font de l’alimentation un enjeu stratégique de la transition écologique et sociale et de la durabilité même de nos sociétés.

Sur le plan environnemental, la publication récente de la commission EAT-Lancet 7

rappelle que le système alimentaire mondial est l’une des principales causes des changements écologiques actuels :

― l’agriculture occupe environ 40% des terres mondiales, ― la production alimentaire est responsable de 30% des émissions mondiales de gaz à effet de serre et de 70% d’utilisation de l’eau douce,

― la conversion des écosystèmes naturels en terres cultivées et en pâturages est le principal facteur menaçant d’extinction les espèces animales,

― la surutilisation d’azote et de phosphore provoque la pollution de l’eau et endom-mage les habitats naturels dans le monde entier.

Sur le plan socio-économique, la situation est également inquiétante 8 : ― bien que la plupart des filières agricoles soient globalement rentables, les termes de l’échange se sont dégradés pour les producteurs au cours des dernières décennies,

― l’écart entre les prix agricoles et les prix à la consommation s’est creusé, ― la majorité des agriculteurs et des travailleurs agricoles au niveau international ont des revenus insuffisants pour garantir une vie décente à leur famille...

7. Willett, Walter, Johan Rockström, Brent Loken, Marco Springmann, Tim Lang, Sonja Vermeulen, Tara Gar-nett, et al. « Food in the Anthropocene: The EAT–Lancet Commission on Healthy Diets from Sustainable Food Systems ». The Lancet 393, nᵒ 10170 (2019): 447-92. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(18)31788-4

8. IIED, hiVos and Mainumby Ñakurutú, Small producer agency in the globalized market, 2012; Oxfam, Ripe for Change: ending human suffering in supermarket supply chains, 2018

Rapport d’analyse transverse

BASIC ― WWF ― GREENPEACE 16 Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

Page 17: ÉTUDE DE DÉMARCHES DE DURABILITÉ DANS LE DOMAINE

Rapport d’analyse transverse

Nous avons réalisé une large revue de littérature scientifique qui nous a per-mis d’objectiver la « toile de fond » des enjeux des systèmes alimentaires actuels sous la forme d’une grille de non-durabilité. Cette grille répertorie les principales problématiques que ces enjeux font peser sur la société et l’environnement 9.

9. Afin d’organiser les différentes problématiques environnementales et socio-économiques en catégories cohé-rentes, nous nous sommes appuyés sur la “théorie du donut” élaborée par l’économiste britannique Kate Raworth K. Raworth, Doughnut Economics. Seven Ways to Think Like a 21st-Century Economist, 2017

17BASIC ― WWF ― GREENPEACE

Figure 1 : Les quatorze problématiques de la non-durabilité de l’alimentationSource : BASIC, 2021

Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

Page 18: ÉTUDE DE DÉMARCHES DE DURABILITÉ DANS LE DOMAINE

Ces problématiques, schématisées ci-dessus, peuvent être regroupées en 2 catégories :

D’un côté, celles associées au « plafond » des limites écologiques de la planète à ne pas franchir pour préserver les écosystèmes et la vie sur Terre : 1. le dérèglement climatique, engendré par les émissions de gaz à effet de serre

(dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d’azote) et les pertes de stockage de carbone (notamment du fait des changements d’affectation des sols et de l’artifi-cialisation) ;

2. la pollution de l’air associée à la formation d’ozone troposphérique et de parti-cules fines primaires et secondaires 10, et à la volatilisation de substances toxiques ;

3. l’érosion de la biodiversité causée par les risques d’exposition des espèces sauvages à des substances toxiques, la dégradation et la fragmentation des habitats naturels ;

4. la dégradation des ressources en eau du fait de la raréfaction des réserves d’eau puisées (irrigation, baisse des capacités de rétention d’eau, installations…) et de la pollution des cours d’eau et nappes phréatiques (nitrates, pesticides, antibiotiques, plastiques…) ;

5. la dégradation des sols associée à la baisse de leur qualité physique, biologique et organique, leur dégradation chimique et la perte de sols liée à l’érosion ;

6. l’épuisement des ressources non renouvelables, fossiles (pétrole, gaz) ou minérales (phosphore, potassium, aluminium…) ;

7. les pertes et gaspillages le long des chaînes alimentaires qui constituent une dilapidation des ressources naturelles et amplifient les impacts précédemment cités (puisqu’elles accroissent les besoins en matières premières - renouvelables ou non - pour répondre à la demande).

De l’autre, celles associées au « plancher » qui découle des droits fondamentaux :1. les impacts sur la santé humaine engendrés par les pertes de qualité nutrition-

nelle des aliments, les problèmes de qualité sanitaire des aliments, les risques de maladies et les risques physiques et psychosociaux au travail ;

2. les mauvaises conditions de travail et les atteintes au droit du travail en rai-son des discriminations, de la pénibilité du travail, de la précarité de l’emploi, des atteintes à la liberté syndicale et des risques physiques et psychosociaux au travail ;

3. la non-atteinte d’un revenu décent causée par des niveaux de rémunération inférieurs au niveau décent, l’instabilité des revenus, et le manque de visibilité économique ;

4. les inégalités socio-économiques liées aux écarts de revenus et de patri-moines, et à l’accès inégal aux services publics et privés ;

5. l’insécurité alimentaire du fait des risques de rupture d’approvisionnement, de l’incapacité à satisfaire la demande (au niveau macro) et la précarité alimentaire des ménages du fait de la non-accessibilité des produits, des phénomènes de dépendance…;

6. la dégradation de la cohésion sociale engendrée par l’absence de mixité sociale et professionnelle, le délitement des liens au sein des filières, l’isolement social et la montée des inégalités socio-économiques ;

7. atteinte au bien-être animal, atteinte au seul droit fondamental non anthropocen-tré de la sphère socio-économique 11, qui est liée aux pratiques douloureuses, au mauvais état de santé, à l’absence de liberté de mouvement, aux faibles surfaces par animal.

10. Les particules fines sont catégorisées selon leur mode de formation, on les dit primaires lorsqu’elles sont émises telles quelles dans l’atmosphère et secondaires quand elles se forment dans l’air par réactions physi-co-chimiques à partir d’autres polluants, par exemple les oxydes d’azote (NOx) et l’ammoniac (NH3).

11. Ce droit est déclaré dans un nombre croissant de textes internationaux dont le dernier en date est la Dé-claration Mondiale de l’UICN publiée en 2016 : UICN, Commission Mondiale de Droit de l’Environnement, Déclaration mondiale de l’UICN sur l’état de droit environnemental, 2016

Rapport d’analyse transverse

BASIC ― WWF ― GREENPEACE 18 Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

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Rapport d’analyse transverse

Une fois identifiées ces 14 problématiques, les chaînes de causalité de chacune d’entre elles ont été remontées et documentées grâce à une large revue de littérature pluridisciplinaire. L’ensemble des résultats de ce travail (y compris les références des études et rapports utilisés) peut être librement consulté via l’outil internet Kumu à l’adresse suivante :https://kumu.io/BASIC/grille-de-non-durabilite-de-lalimentation

Au-delà de sa transparence, cette grille est également contributive dans la mesure où elle sera amenée au fur et à mesure du temps à être enrichie et précisée en lien étroit avec le monde académique et des experts des différentes thématiques. Enfin, elle est compatible avec les Objectifs de Développement Durable définis par les Etats Membres des Nations Unies dans la mesure où elle recoupe 12 de ces 17 objectifs (ceux qui ont un lien avec les questions agricoles et alimentaires).

© Ivan Donchev / Greenpeace

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Rapport d’analyse transverse

BASIC ― WWF ― GREENPEACE 20

3. Sélection d’un panel de démarches de durabilité alimentaire, analyse de leurs intentions et de leurs logiques d’action

3.1. Démarches sélectionnées pour l’analyseLa présente étude ne concerne que des filières alimentaires françaises (le péri-mètre géographique pourrait être étendu dans le futur à des filières internationales, la méthode et les outils développés étant applicables à cette échelle).

Les signes officiels d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO) encadrés par le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, parce qu’ils sont les plus connus des consommateurs 12, ont servi de point de départ pour constituer le panel de démarches analysées. Il est possible de les regrouper en 3 catégories 13:1. l’agriculture biologique,2. le label rouge,3. les Appellations d’origine protégée (AOP), les Indications géographiques proté-

gées (IGP), et les Spécialités traditionnelles garanties (STG). De par leur ancien-neté et leur prépondérance, seules les AOP ont été retenues pour l’étude dans cette 3ème catégorie. Parmi ces dernières, nous avons retenu les deux AOP qui ont fait l’objet de la majorité des études d’impacts environnementaux et sociaux à date : l’AOP Cantal et l’AOP Comté.

En complément de ces signes de qualité, nous avons retenu le dispositif de certification environnementale des exploitations agricoles, lui aussi porté par le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Cependant, seul le niveau 3 qualifié de « Haute Valeur Environnementale » a pu être analysé, par manque d’informations et de données sur les autres niveaux. De même, le manque de données concernant l’option B a limité l’analyse à l’option A du niveau 3.

Pour aller plus loin dans notre analyse des différentes démarches de durabilité proposées en France, nous avons rajouté au périmètre de l’étude des démarches privées dont les logos sont présents dans le secteur alimentaire et qui partagent :

― d’un côté le socle commun des critères de l’agriculture biologique : « Bio Équitable en France », « Nature & Progrès » et « Demeter »,

― de l’autre, l’approche d’amélioration continue et les principes clés de la certifica-tion environnementale : « Agri Confiance » et « Zéro Résidu de Pesticides » 14.

12. https://www.quechoisir.org/actualite-labels-alimentaires-infographie-vous-et-les-labels-alimentaires-n22229/ consulté le 14 mai 2021

13. Ministère de l’agriculture et de la forêt, Les modes officiels de valorisation des produits agroalimentaires, 2014 et https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Vie-pratique/Fiches-pratiques/Signe-de- qualite#:~:text=Il%20existe%20quatre%20signes%20europ%C3%A9ens,l’Agriculture%20biologique consulté le 14 mai 2021

14. Il est ainsi demandé aux producteurs engagés dans la démarche « Zéro Résidu de Pesticides » de s’enga-ger aussi dans la certification environnementale, quel que soit le niveau, et un quart des exploitations Agri Confiance étaient reconnues au niveau 2 de la certification environnementale en 2019.

Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

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Rapport d’analyse transverse

21BASIC ― WWF ― GREENPEACE

Enfin, nous avons complété notre panel avec deux démarches en forte crois-sance de notoriété dans le secteur alimentaire :

― « Bleu-Blanc-Cœur », ― « C’est qui le Patron ?! ».

Certaines de ces démarches ont une approche « systémique » qui s’applique potentiellement à toutes les filières alimentaires. Nous les avons analysées de manière transversale, sur la base des connaissances disponibles à leur sujet :1. Agriculture Biologique,2. Bio Équitable en France,3. Nature & Progrès,4. Demeter,5. Haute Valeur Environnementale,6. Agri Confiance,7. Zéro Résidu de Pesticides.

Les autres démarches se caractérisent par des approches spécifiques définies filière par filière, en lien étroit avec les acteurs concernés. Pour chacune de ces démarches, deux filières, parmi les principales en termes de ventes, ont finalement été retenues dans le cadre de ce premier travail :8. Appellation d’origine protégée (AOP) : filière Comté et filière Cantal 15,9. Label Rouge : filière volailles de chair et filière porcine 16,10. Bleu-Blanc-Cœur : filière bovin-lait et filières porcs-volailles (la démarche étant

quasi identique dans ces 2 filières, elles ont été regroupées ensemble) 17,11. C’est qui le Patron ?! : filière lait liquide et filière jus de pommes 18.

Du fait du grand nombre de filières potentiellement concernées par ces différentes démarches (jusqu’à plusieurs centaines pour le Label Rouge et les Appellations d’Origine protégée), les résultats de notre analyse ne concernent que les filières étudiées et ne peuvent être généralisées à ce stade à toute la démarche associée. Il s’agit donc d’une première étape qui vise à être complétée dans le futur pour obtenir une vision plus complète de chacune d’entre elles.

Ce sont ainsi 15 démarches qui ont été analysées dans le cadre du présent travail d’analyse 19.

Les démarches ont été catégorisées en 3 familles : 1. celles qui ont en commun le socle d’agriculture biologique, 2. celles qui partagent l’approche de la certification environnementale, 3. celles dont l’entrée est spécifique par filière (voir page suivante).

15. Plus de 49 AOP fromagères existent en France. N’étant pas en mesure de toutes les analyser, la filière Comté a été sélectionnée en raison de l’importante littérature disponible, et la filière Cantal du fait de sa comparabi-lité (lait de vache en zone de montagne) et de ses spécificités en termes d’historique et de fonctionnement.

16. Il existe plus de 400 cahiers des charges Label Rouge en France, trop nombreux pour être tous analysés dans la présente étude. La filière Label Rouge viande bovine, l’une des plus importantes, a été écartée en raison de la refonte en cours de son cahier des charges. Le choix a été fait de rester dans le secteur des viandes, d’où la sélection des filières de volailles de chair et porcine.

17. Plus d’une douzaine de filières Bleu-Blanc-Cœur ont été développées à date, y compris les légumes et le poisson. Au vu de cette diversité, le secteur bovin lait a été choisi car le plus ancien. Les filières porcs et volailles ont été sélectionnées car plus récentes, et permettant d’analyser les possibles variations au sein de la démarche (elles ont été regroupées au vu des très faibles différences de cahier des charges).

18. Plus d’une trentaine de produits « C’est qui le Patron ?! » sont aujourd’hui disponibles. La filière du lait liquide a été sélectionnée car elle a été la première, et celle du jus de pommes car c’est le 3ème produit le plus vendu après le lait et le beurre (et 1ère filière hors secteur laitier.), Magazine Capital n°348, août 2020.

19. Dans les faits il s’agit de 16 démarches, mais comme les démarches de Bleu-Blanc-Cœur sur les filières porcs et volailles ont pu être regroupées, nous retenons le nombre de 15 pour le présent rapport.

Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

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Rapport d’analyse transverse

BASIC ― WWF ― GREENPEACE 22

Figure 2 : Les démarches incluses dans le périmètre de l’étudeSource : BASIC, 2021

1. Démarches partageant le socle de l’agriculture biologique

2. Démarches partageant l’approche de la certification environnementale

3. Démarches définies filière par filière, en lien étroit avec les acteurs de ces dernières

Filière Bovin LaitFilière Porc-Volailles

Filière ComtéFilière Cantal

Filière Volaille de chairFilière Porcine

Filière Lait liquideFilière Jus de Pomme

Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

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© Emile Loreaux / Greenpeace

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BASIC ― WWF ― GREENPEACE 24

3.2. Comprendre les intentions et la logique d’action des démarches au-delà des cahiers des chargesLa première étape de notre analyse a consisté à comprendre la vision des porteurs des différentes démarches en matière de durabilité de l’alimentation, de problèmes auxquels ils souhaitent répondre et de logique d’action pour atteindre leurs objectifs.

Nous avons mobilisé le concept de « théorie du changement » afin d’analyser la logique d’intervention de chaque démarche.

Figure 3 : Schéma de la théorie du changement présenté aux porteurs des démarches lors des entretiensSource : BASIC, 2021

Actions clefs

Actions mises en place :– Par les démarches (ex : critère de faible densité des élevages)– Par les autres acteurs du système entourant la démarche (ex : subventions en lien avec la démarche)

Conséquences directes

Conséquences directes et inévitablesprovoquées par la mise en place d’une ou des action(s) clé(s) (ex : la propagation plus faible des maladies chez les animaux d’élevage)

Effets de court terme

Effets conjoncturelsprovoqués par une ou des conséquence(s) directe(s)(ex : l’amélioration des conditions d’élevage)

Impacts à long terme

Impacts structurelsprovoqués par un ou des effet(s) de court terme(ex : le bien-être animal)

Comme illustré ci-dessus, la théorie du changement permet de documenter pour chaque démarche :

― les actions qu’elle mène, via les cahiers des charges ou via les actions des acteurs engagés (reconnaissance et/ou subventions publiques, structuration de filières, dynamiques d’offre et demande, sensibilisation des consommateurs…),

― les conséquences qui découlent directement de ces actions, ― leurs effets de court terme, ― les impacts de moyen long-terme recherchés, sur la société comme sur l’environnement.

A partir des éléments bibliographiques publiquement disponibles (sites internet, référentiels, cahiers des charges, articles et/ou entretiens publiés avec les acteurs des démarches, publications éventuelles par des tiers…), des échanges directs ont été organisés avec les porteurs des démarches afin de reconstituer et d’affiner leur théorie du changement.

Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

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Rapport d’analyse transverse

25BASIC ― WWF ― GREENPEACE

Sur les quinze démarches et filières étudiées, trois ont refusé de participer à ces entretiens : les porteurs du Label Rouge filière porcine, de l’AOP Cantal, et de la démarche « C’est qui le Patron ?! ». Dans le cas de C’est qui le patron ?!, nous avons tout de même rencontré un acteur de la filière lait qui a accepté de répondre à nos questions. Dans les 2 autres cas, aucun entretien n’a pu être mené. La reconstitution de la théorie du changement des démarches repose alors sur l’ensemble des docu-ments publiés par ces démarches que nous avons pu collecter via une recherche internet (qui sont en nombre important du fait que ces démarches – Label Rouge et AOP – sont publiques).

3.3. A quelles problématiques les différentes démarches sont-elles supposées répondre ?Sur la base de leur théorie du changement, nous avons ensuite croisé les impacts finaux recherchés par chacune des démarches avec notre grille de non-durabilité. L’objectif : identifier à quelles problématiques environnementales et socio-écono-miques de notre grille les différentes démarches ont l’intention de répondre (voir tableau ci-après).

Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

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27BASIC ― WWF ― GREENPEACE

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de ce croisement : ― Tout d’abord, les différentes problématiques sont prises en compte de manière inégale par les démarches étudiées.

― Les problématiques les plus souvent considérées en matière environnementale sont la biodiversité, les sols et l’eau, et en matière socio-économique la santé humaine, la cohésion sociale, le niveau de vie décent et le bien-être animal.

― A contrario, l’épuisement des ressources naturelles non renouvelables (énergé-tiques comme minérales) n’est jamais évoqué dans les logiques d’intervention des différentes démarches.

― 4 autres problématiques le sont très rarement : la pollution de l’air (hors climat), les pertes et gaspillages, les conditions de travail et la sécurité alimentaire.

― 2 démarches n’évoquent aucune problématique environnementale dans leur logique d’intervention – l’AOP Cantal et le Label Rouge filière porcine 20 – et une démarche ne formalise aucune intention de moyen-long terme sur le plan socio-économique – la certification « Haute Valeur Environnementale ».

Au-delà, nous avons relevé des disparités importantes en termes d’intention entre les différentes filières étudiées pour les démarches AOP, Label Rouge et « C’est qui le Patron ?! ». Dans ces cas, en effet, les engagements sont définis à l’échelle de chaque filière par les acteurs concernés.

Ces disparités entre filières sont beaucoup plus faibles pour les démarches qui partagent un même socle contraignant (l’agriculture biologique pour l’AB, Bio Equitable en France, Demeter et Nature & Progrès) ou une même approche (la cer-tification environnementale pour Agri Confiance, Zéro résidu de pesticides et HVE).

3.4. Quel cadre d’intervention ont-elles décidé d’adopter pour atteindre leurs objectifs ?Un autre point important issu de l’analyse des théories du changement des démarches est le type de cadre d’intervention qu’elles ont choisi de mobiliser pour atteindre leurs objectifs.

Ces cadres peuvent être regroupés en 3 catégories : ― Les démarches de progrès qui laissent l’initiative à chaque acteur (en particulier les agriculteurs) pour définir par eux-mêmes les objectifs qu’ils désirent se fixer et le pas de temps pour les atteindre 21. Sont incluses dans cette catégorie les démarches qui, même si elles posent des critères contraignants dans leurs cahiers des charges, sont fondées sur un système de points qui permet de compenser de mauvais résultats sur certains critères par de bons résultats sur d’autres, ce qui a pour conséquence l’absence de note éliminatoire.

― Les démarches qui fixent des exigences et/ou des interdits communs à res-pecter par tous les acteurs qui désirent rentrer dans la démarche.

― Les démarches hybrides qui combinent les 2 caractéristiques précédentes.

20. Il est à noter qu’aucun entretien n’a pu être mené sur ces 2 démarches car leurs porteurs ont refusé d’échan-ger avec les membres de l’équipe de recherche.

21. C’est le cas par exemple des techniques d’optimisation du recours aux pesticides dans la démarche Zéro Résidu de Pesticides.

Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

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Figure 5 : Classement des démarches selon leur cadre d’interventionSource : BASIC, 2021

L’analyse des cadres d’intervention montre que : ― les démarches qui ont en commun l’agriculture biologique ont toutes une base minimale d’exigences et d’interdits, même si certaines ont choisi de dé-velopper des approches hybrides,

― les démarches partageant l’approche de la certification environnementale se basent toutes sur des démarches de progrès à l’initiative des agriculteurs 22. La démarche HVE, même si elle édicte des objectifs chiffrés, ne spécifie jamais de note éliminatoire s’ils ne sont pas atteints. La seule étude d’impact existante sur cette démarche montre que, dans le cas de la filière blé de l’est de la France qui a été analysée, une part non négligeable des agriculteurs étudiés ont des notes égales à zéro sur les objectifs concernant l’usage d’herbicides (IFT) ou la culture de légumineuses, alors que leur note totale finale leur a permis d’obtenir la certification HVE. Quant à la démarche ZRP, elle possède quelques critères minimums liés aux résidus de pesticides qui lui donne un caractère un peu plus hybride;

― les démarches spécifiques par filière se basent toutes sur des exigences communes minimales, Bleu-Blanc-Coeur se distinguant par l’ajout de cri-tères de progrès.

Démarche de progrès

Démarche fondée sur des exigences / interdits communs

Démarche hybride

Agriculture biologique

Bio Équitable en France

Demeter

Nature & Progrès

Agri Confiance

Zéro Résidu de Pesticides

HVE (Option A)

Bleu-Blanc-Cœur filière Bovin Lait

Bleu-Blanc-Cœur filière Porcs Volailles

AOP filière Comté

AOP filière Cantal

Label Rouge filière volaille de chair

Label Rouge filière porcine

C’est Qui le Patron ?! filière lait

C’est Qui le Patron ?! filière jus de pommes

Démarches partageant le socle de l’agriculture biologique

Démarches partageant l’approche de certification environnementale

Démarches définies filière par filière, en lien étroit avec les acteurs de ces dernières

22. Cf. Lassalas, M.. « Coordination horizontale et coordination verticale peuvent-elles favoriser la production de services environnementaux à l’échelle des exploitations agricoles? Revue de littérature et résultats prélimi-naires appliqués à la certification HVE », 2020

Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

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Un autre angle d’analyse classique des cadres d’intervention consiste à iden-tifier si les démarches donnent la priorité à la mise en œuvre de moyens ou à la recherche de résultats.Cependant, si obligation de moyen et obligation de résultat sont des logiques d’in-tervention souvent mises en opposition (notamment car elles correspondent à des cadres juridiques distincts, l’obligation étant plutôt de moyen lorsqu’il existe des aléas quant à l’obtention de l’impact final, et de résultat dans le cas contraire), cette vision est à nuancer en pratique.

En effet, la distinction entre moyen et résultat n’a de sens que par rapport à un objectif donné. Dans le cas des démarches de durabilité alimentaires étudiées, les objectifs peuvent être soit de moyen-long terme et porter sur un impact envi-ronnemental ou socio-économique (par exemple la préservation de la biodiversité), soit de court terme et porter sur la mise en place d’une pratique agricole qui n’est qu’un passage intermédiaire pour y parvenir (par exemple l’interdiction d’intrants chimiques). Ainsi, suivant le type d’objectif retenu, une même interdiction stipulée par l’agriculture biologique peut être considérée comme une obligation de moyen ou bien de résultat 23.

Dans le cadre de notre étude, nous avons donc développé une nouvelle approche, essentiellement qualitative, qui permet d’évaluer de manière systé-mique les potentiels d’impact des différentes démarches de durabilité alimentaire, qu’ils soient environnementaux comme socio-économiques. Les éléments clés de la méthodologie associée sont présentés ci-après (et les détails fournis dans l’annexe méthodologique).

23. I4CE, L’obligation de résultats environnementaux verdira-t-elle la PAC ? Comparaison des coûts et de l’effi-cacité de six instruments de transition vers une agriculture durable, 2020

Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

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4. Analyse des impacts environnementaux et socio-économiques des démarches sélectionnées

4.1. Un cadre innovant pour évaluer le potentiel d’impact sur la durabilité alimentairePour répondre au besoin d’évaluation des impacts de moyen-long terme des démarches de durabilité, notre méthodologie articule :

― la grille des problématiques socio-économiques et environnementales des sys-tèmes alimentaires actuels, et leur déterminants clés (cf. chapitre 2),

― les actions de ces démarches (critères des cahiers des charges, activités connexes de leurs acteurs) qui sont objectivées via l’analyse de leur théorie du changement (cf. chapitre 3),

Ce croisement permet in fine d’évaluer les potentiels d’impact qu’elles génèrent à long terme en croisant les 2 éléments précédents (actions mises en œuvre et déter-minants de la non-durabilité).

Figure 6 : Schéma général de la méthodeSource : BASIC, 2021

Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

Grille de non-durabilitéde l’alimentation

Chaînes de causalité

(déterminants)

Problématiquesenvironnementales

et socio- économique

1Théorie du changement

de chaque démarche

Actions clé(standards...)

Intentions delong terme

2

Evaluation croisée

Les démarches ont-elles des impacts positifs sur les problématiques de non-durabilités ?

Sont-elles à la hauteur des enjeux ?

Y a-t-il des écarts entre les intentions de départ et les impacts générés ?

3

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Les éléments ci-après permettent d’illustrer un cas concret d’évaluation de ces impacts, à partir de l’exemple de l’agriculture biologique.

1. Il s’agit tout d’abord d’identifier dans la grille de non-durabilité les problé-matiques sur lesquelles l’agriculture biologique a une influence. Pour ce faire, nous croisons le cahier des charges de l’agriculture biologique avec notre grille d’analyse des problématiques socio-environnementales et de leurs principales causes/leviers. Un résultat, par exemple, est que l’agriculture biologique permet de réduire « l’utilisation élevée de volumes de pesticides » via l’interdiction des pesticides de synthèse.

2. Nous qualifions ensuite les liens qui relient cette réduction de « l’utilisation élevée de volumes de pesticides », aux différentes problématiques environ-nementales et/ou socio-économiques de notre outil.

Figure 7 : Schématisation du lien entre la réduction de l’utilisation de pesticides et 3 problématiques environnementales via la grille de non-durabilitéSource : BASIC, 2021

Comme schématisé ci-dessus : ― Le lien est direct entre la réduction de « l’utilisation de pesticides » et la réduc-tion des « risques d’exposition des espèces sauvages aux substances toxiques », sous-composante de la problématique « érosion de la biodiversité ». Il est donc pris en compte pour l’évaluation.

Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

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BASIC ― WWF ― GREENPEACE 32

― Le lien est indirect entre la réduction de « l’utilisation de pesticides » et la « pollution de l’eau », sous-composante de la problématique « dégradation de la ressource en eau », car il dépend du degré de lessivage des sols qui peut varier suivant les contextes locaux. Bien qu’il ne s’agisse que d’un lien intermédiaire, nous le prenons en compte dans notre évaluation (mais dans une moindre mesure).

― Le lien est trop indirect entre la réduction de « l’utilisation de pesticides » et le « stockage du carbone dans les sols », sous-composante de la problématique du « dérèglement climatique » car il passe par au moins 2 liens intermédiaires. Il n’est donc pas pris en compte pour l’évaluation.

On procède de même pour toutes les causes de la grille qui sont potentiellement influencées par les actions de l’agriculture biologique.

3. A l’origine de chaque problématique environnementale ou socio-économique, on observe généralement plusieurs causes. Plus une démarche de durabilité agit sur un nombre élevé parmi ces causes, plus son potentiel d’impact est fort.Pour rendre compte de cela, nous comptabilisons pour chaque problématique le nombre de causes qui sont influencées positivement par la démarche.Par exemple, l’agriculture biologique agit positivement sur 7 causes directes de la dégradation de la ressource en eau (parmi les 9 causes que nous avons listées) :

Figure 8 : Schématisation des causes de la dégradation de la ressource en eau positivement impactées par l’agriculture biologique grâce à la grille de non-durabilitéSource : BASIC, 2021

Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

Légende :(Action mise en oeuvre par l’AB)Déterminant affecté par une action de l’ABDéterminant de la problématique non affecté par une action de l’AB

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33BASIC ― WWF ― GREENPEACE

4. Nous analysons ensuite le degré de certitude avec lequel l’agriculture bio-logique a un effet positif ou négatif sur chacune des causes identifiées. Dit autrement, nous cherchons à savoir si l’influence de la démarche est purement potentielle ou s’il existe des preuves qui établissent que cette influence est avérée.

Figure 9 : Echelle de certitude de l’influence des démarches sur les déterminants de la non-durabilitéSource : BASIC, 2021

Engagements de la démarche (issus des cahiers des charges, évaluations et déclarations des porteurs) non corroborés par notre expertise (i.e. les moyens utilisés correspondent à la pratique standard / pas d’inflexion du déterminant de durabilité).

Cahiers des charges, sites internet, déclarations des porteurs, et comparaison avec les moyennes françaises

Engagement non audité0

Type d’auditsType de documents utilisés

DétailsDegré de certitude

Engagements de la démarche (issus des cahiers des charges, évaluations et déclarations des porteurs) corroborés par notre expertise (i.e. notre expertise a corroboré que les moyens utilisés peuvent infléchir le déterminant de durabilité).

Cahiers des charges, sites internet, déclarations des porteurs, et comparaison avec les moyennes françaises

Engagement non audité, ou engagement audité mais optionnel (i.e. non contraignant)

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Engagements de la démarche (cahiers des charges, évaluations et déclarations des porteurs) validés par une donnée interne pu-bliée (i.e. syndicats, interprofessions, instituts techniques…) ou un critère audité, mais sans pouvoir vérifier le caractère systéma-tique de sa mise en œuvre.

Evaluations publiées par les démarches, études publiées uniquement par les interprofessions ou les instituts techniques

Engagement audité mais sans pouvoir vérifier que sa mise en œuvre est systématique

2

Engagements de la démarche (cahiers des charges, évaluations et déclarations des porteurs) validés par une donnée externe : source scientifique (revue à comité de relecture, thèse, institut de recherche public) ou un critère audité de manière à prouver le caractère systématique de sa mise en œuvre.

Articles dans des revues à comité de relecture, thèses, études publiées par des instituts de recherche publics (poten-tiellement avec les instituts techniques)

Engagement audité permettant de démontrer une mise en œuvre systématique

3

Pour ce faire, une grille d’évaluation a été développée, qui permet d’évaluer, sur une échelle allant de 0 à 4, le degré de certitude de chaque action de l’agriculture biolo-gique (voir tableau ci-dessus).

Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

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Rapport d’analyse transverse

BASIC ― WWF ― GREENPEACE 34 Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

5. La dernière étape consiste à utiliser tous les éléments précédents pour éva-luer le potentiel d’impact de l’agriculture biologique sur chaque problématique de durabilité.

Ce potentiel d’impact est d’autant plus fort que : ― les liens entre les actions menées par la démarche et chaque probléma-tique sont les plus directs possibles,

― la démarche a une influence positive sur suffisamment de causes connues de chaque problématique,

― les actions menées par la démarche ont des influences suffisamment avé-rées (degré de certitude).

Plus le potentiel d’impact de l’agriculture biologique est fort pour une problé-matique donnée, plus la note qui lui est attribuée en vis-à-vis sera élevée.

Afin de parvenir à une évaluation équilibrée de chaque démarche, les principales controverses publiées à leur propos (par exemple le labour ou l’empreinte au sol plus élevée dans le cas de l’agriculture biologique) ont également été prises en compte en suivant la même méthodologie. Ces controverses viennent diminuer la note obtenue par la démarche sur la problématique associée.

In fine, les résultats sont représentés sous forme d’un « donut » de durabilité pour chaque démarche, l’intensité de la couleur de chaque problématique dans ce « donut » étant fonction de la note d’impacts obtenue (plus la note est élevée, plus la couleur est foncée).

Pour permettre au plus grand nombre de comparer simplement les potentiels d’im-pact des différentes démarches, nous avons agrégé les résultats obtenus sous la forme d’une notation environnementale et d’une notation socio-économique, toutes deux comprises sur une échelle ouverte de 0 à 5 (dit autrement, une notation de 5 correspond au meilleur résultat obtenu par les démarches de notre échantillon, mais ne signifie pas pour autant qu’il s’agit du meilleur résultat possible en termes de durabilité). Dans notre calcul, les 5 problématiques clés listées précédemment ont bénéficié d’un poids trois fois plus important que les 9 autres.24

4.2. Résultats transverses sur les potentiels d’impact des 15 démarches étudiéesLes résultats obtenus par cette méthode d’évaluation du potentiel d’impact sont pré-sentés ci-dessous sous forme de schémas, les uns à la suite des autres. Les démarches y sont regroupées selon les catégories précédemment évoquées : celles qui partagent le socle de l’agriculture biologique, celles qui partagent l’approche de la certification environnementale 25 et celles qui se définissent filière par filière.

Les éléments clés de l’analyse transverse de ces résultats sont présentés dans les pages qui suivent.

Des fiches détaillées par démarche sont accessibles sur le site web de l’étude.

24. Nous avons attribué un poids trois fois plus élevé aux problématiques clés afin que ces dernières représentent plus de la moitié de la note agrégée environnementale ainsi que de la note agrégée socio-économique.

25. Ne sont présentés que les résultats de l’option A pour la démarche HVE, du fait du manque de données sur l’option B.

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Rapport d’analyse transverse

35BASIC ― WWF ― GREENPEACE Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

Démarches partageant le socle de l’agriculture biologique

Potentiel d’impact positif Socio-économique : N.A. Faible Moyen Bon Fort

Environnemental : N.A. Faible Moyen Bon Fort

Impact recherché par démarche

Impact recherché par démarche

Agriculture biologique

Bio Équitable en France

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Rapport d’analyse transverse

BASIC ― WWF ― GREENPEACE 36 Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

Démarches partageant le socle de l’agriculture biologique

Potentiel d’impact positif Socio-économique : N.A. Faible Moyen Bon Fort

Environnemental : N.A. Faible Moyen Bon Fort

Impact recherché par démarche

Impact recherché par démarche

Demeter

Nature & Progrès

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Rapport d’analyse transverse

37BASIC ― WWF ― GREENPEACE Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

Démarches partageant le socle de la certification environnementale

Potentiel d’impact positif Socio-économique : N.A. Faible Moyen Bon Fort

Environnemental : N.A. Faible Moyen Bon Fort

Impact recherché par démarche

Impact recherché par démarche

Agri Confiance

Zéro Résidu de Pesticides

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Rapport d’analyse transverse

BASIC ― WWF ― GREENPEACE 38 Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

Démarches partageant le socle de la certification environnementale

Potentiel d’impact positif Socio-économique : N.A. Faible Moyen Bon Fort

Environnemental : N.A. Faible Moyen Bon Fort

Impact recherché par démarche

Impact recherché par démarche

Haute Valeur Environnementale

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Rapport d’analyse transverse

39BASIC ― WWF ― GREENPEACE Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

Démarches définies filière par filière, en lien étroit avec les acteurs de ces dernières

Potentiel d’impact positif Socio-économique : N.A. Faible Moyen Bon Fort

Environnemental : N.A. Faible Moyen Bon Fort

Impact recherché par démarche

Impact recherché par démarche

Bleu-Blanc-CœurFilière Lait

Bleu-Blanc-CœurFilière Porc-Volailles

Page 40: ÉTUDE DE DÉMARCHES DE DURABILITÉ DANS LE DOMAINE

Rapport d’analyse transverse

BASIC ― WWF ― GREENPEACE 40 Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

Démarches définies filière par filière, en lien étroit avec les acteurs de ces dernières

Potentiel d’impact positif Socio-économique : N.A. Faible Moyen Bon Fort

Environnemental : N.A. Faible Moyen Bon Fort

Impact recherché par démarche

Impact recherché par démarche

Appellation d’origine protégéeFilière Comté

Appellation d’origine protégéeFilière Cantal

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Rapport d’analyse transverse

41BASIC ― WWF ― GREENPEACE Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

Démarches définies filière par filière, en lien étroit avec les acteurs de ces dernières

Potentiel d’impact positif Socio-économique : N.A. Faible Moyen Bon Fort

Environnemental : N.A. Faible Moyen Bon Fort

Impact recherché par démarche

Impact recherché par démarche

Label RougeFilière Volaille de chair

Label RougeFilière Porcine

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Rapport d’analyse transverse

BASIC ― WWF ― GREENPEACE 42 Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

Démarches définies filière par filière, en lien étroit avec les acteurs de ces dernières

Potentiel d’impact positif Socio-économique : N.A. Faible Moyen Bon Fort

Environnemental : N.A. Faible Moyen Bon Fort

Impact recherché par démarche

Impact recherché par démarche

C’est qui le Patron ?!Fillière Lait liquide

C’est qui le Patron ?!Fillière Jus de Pomme

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Rapport d’analyse transverse

43BASIC ― WWF ― GREENPEACE Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

Au global, l’évaluation des démarches sur les 14 problématiques de durabilité donne des résultats clairs et contrastés en fonction des catégories de démarches :

― Les démarches qui ont en commun le socle de l’agriculture biologique (AB, Bio Équitable en France, Demeter et Nature & Progrès) ont les potentiels d’im-pact positif les plus forts et homogènes, aussi bien en termes environnemen-taux que socio-économiques.

― En vis-à-vis, les potentiels d’impacts des démarches qui partagent l’approche de la certification environnementale sont les plus faibles et les moins avérés (Agri Confiance, zéro résidu de pesticides et Haute Valeur Environnementale).

― En ce qui concerne les démarches spécifiques de filières, leurs potentiels d’impacts sont très hétérogènes, avec de fortes variations suivant les cas analysés (AOP, le Label Rouge et C’est Qui le Patron ?!), à l’exception des fi-lières Bleu-Blanc-Cœur étudiées pour lesquelles les résultats sont plus homo-gènes mais assez moyens 26. Comme évoqué précédemment, les résultats ne concernent que les filières étudiées et ne peuvent être généralisés à ce stade à toute la démarche. Il s’agit donc d’une première étape qui vise à être complétée dans le futur pour obtenir une vision plus globale de chacune d’entre elles.

Ces résultats reflètent la situation actuelle et peuvent changer dans le temps en fonc-tion des évolutions des démarches et des connaissances disponibles à leur sujet (en témoignent les bons résultats de l’AOP Comté en partie liés aux évolutions récentes de son cahier des charges pour ce qui est des problématiques environnementales).

― Les labels partageant le socle de la bio ont le plus de potentiel d’im-pacts positifs : Agriculture Biologique, Bio Equitable en France, Demeter, Nature & Progrès.

― Ceux qui partagent la certification environnementale ont les résultats les plus faibles : HVE, Agri Confiance, Zéro Résidu de Pesticides.

― Les labels « filières » ont des résultats très hétérogènes.

26. Ces résultats semblent corrélés à l’hétérogénéité des dites démarches, dont les principes communs sont assez généraux (pour plus de détail, voir les conditions de production communes pour le Label Rouge, Rè-glement européen et Code rural pour les AOP, grille de questionnement pour C’est qui le Patron ?!…). Par comparaison, la relative homogénéité des potentiels d’impact de Bleu-Blanc-Cœur semblent refléter la plus grande homogénéité des critères communs, ces derniers étant potentiellement amenés à se diversifier du fait de l’extension progressive de la démarche à de nouveaux secteurs (poissons, légumes…).

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Rapport d’analyse transverse

BASIC ― WWF ― GREENPEACE 44 Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

4.3. Les modèles d’exploitations et de chaînes de valeur, des éléments clés pour comprendre les différences de résultats Au-delà des actions spécifiques mises en place par les démarches étudiées, les dif-férences de résultats peuvent s’expliquer par les différences entre les modèles que les démarches reconnaissent ou rendent attractifs, au niveau agricole (par exemple les élevages herbagers, autonomes, sans intrants chimiques, etc.) comme en termes de chaînes de valeur (types et durée de contractualisation, méthodes de négociation et de détermination des prix, prise en compte de la rémunération des producteurs…).

Ainsi, toutes les démarches qui partagent le socle de l’agriculture biologique sont associées à des modèles plus vertueux qui les distinguent de la moyenne, ce qui va de pair avec un certain niveau de barrière à l’entrée de ces démarches qui requièrent des changements importants de systèmes.

C’est notamment le cas de l’AOP Comté (aussi bien en termes de modèle agricole et que de modèle de fonctionnement de filière en termes de contrats, de mode de construction des prix, de transparence…), et dans une certaine mesure de la filière volailles de chair Label Rouge, de la filière du lait C’est Qui le Patron ?! et des filières d’alimentation animale de Bleu-Blanc-Cœur.

A contrario, les démarches HVE, Agri Confiance et Zéro Résidu de Pesticides semblent toutes être associées à des modèles agricoles plus proches de la moyenne française et des chaînes de valeur dont le fonctionnement ne diffère pas des autres.Ces résultats sont par ailleurs corroborés par de nombreux autres rapports sur les impacts de moyen-long terme des démarches de durabilité 27.

Les démarches partageant le socle de l’agriculture biologique ainsi que l’AOP Comté sont associées à des modèles - agricoles comme de chaînes de valeur – différents et plus vertueux, alors que ceux liés aux démarches HVE, Zéro Résidu de Pesticides et Agri Confiance ne se démarquent pas de la moyenne française.

27. Parmi les plus récents : – BASIC, Etude des financements publics et privés liés à l’utilisation agricole des pesticides en France, 2021

– France Stratégie, Améliorer les performances économiques et environnementales de l’agriculture : les coûts et bénéfices de l’agroécologie, 2020

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Rapport d’analyse transverse

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4.4. Des écarts parfois importants entre les intentions et les impacts générésAutre résultat marquant : on observe des écarts parfois très significatifs entre l’étude des intentions des démarches (cf. chapitre 3) et l’évaluation de leurs impacts générés.

L’exemple le plus illustratif de cet écart entre intentions et potentiels d’impacts est la démarche Agri Confiance :

― d’un côté, elle déclare vouloir influencer positivement 9 problématiques sur les 14 répertoriées dans notre grille de « non-durabilité » des systèmes alimen-taires, soit le plus haut niveau d’ambition des démarches étudiées, à égalité avec « Nature & Progrès »,

― de l’autre, les impacts potentiels de cette démarche sont les plus faibles de toutes les initiatives de durabilité étudiées dans le cadre de la présente étude.

A l’inverse, certaines démarches peuvent parfois générer des potentiels d’im-pact positifs qui ne font pas l’objet d’intentions particulières, avec un potentiel et une certitude qui restent cependant assez moyens. C’est notamment le cas pour la qualité de l’air, aussi bien influencée positivement par l’AOP Comté que par les démarches qui partagent le socle de l’agriculture biologique (AB, Bio Équitable en France, Demeter et Nature & Progrès), alors que seule Nature & Progrès affiche des intentions en la matière.

Enfin, les démarches qui souhaitent influencer un nombre restreint de problé-matiques (AOP Cantal, Label Rouge filière porcine, C’est Qui le Patron ?! filière jus de pommes, et dans une moindre mesure la certification HVE) sont aussi celles qui présentent les impacts potentiels les plus faibles et peu avérés, quoique sur un nombre plus important de problématiques comparé à leurs intentions.

Ces disparités entre intentions et potentiels d’impact mettent en lumière la nécessité de systématiser des études d’impacts sur l’ensemble des démarches, à l’image de ce qu’a très récemment initié le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation pour le cas de la certification HVE.

Ce constat d’écarts parfois importants entre les intentions et les potentiels d’impact des labels met en lumière la nécessité de systématiser des études d’impact indépendantes sur les démarches.

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Rapport d’analyse transverse

BASIC ― WWF ― GREENPEACE 46 Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

4.5. Dépasser l’opposition entre démarches de progrès et démarches contraignantes De notre analyse, il ressort qu’un fort potentiel d’impact semble corrélé à la capacité des différentes démarches à :

― définir au démarrage des seuils d’entrée suffisamment restrictifs pour accom-pagner ou enclencher des changements de pratiques et de modèles auprès des acteurs qui les intègrent,

― puis créer un environnement incitatif qui permette à ces derniers de progres-ser au fil du temps, tout en s’assurant de « cranter » une base minimale d’exi-gences et/ou interdits que tous les acteurs doivent atteindre à un horizon défini (par exemple au bout de 2, 3, 5 ou 7 ans) et qui soit suffisante pour générer des impacts positifs de long terme sur la société et l’environnement.

Ainsi, l’opposition binaire entre « approche de progrès (continu) » et « approches basées sur des exigences et interdits » semble devoir être nuancée voire dépassée, comme le montrent les cas de Bio Équitable en France, Demeter et Nature & Progrès qui obtiennent parmi les meilleurs résultats en termes de potentiel d’impact, alors qu’elles ont opté pour des démarches hybrides.

En effet, si l’existence d’engagements suffisamment contraignants semble être une condition pour générer des impacts potentiels plus élevés, la question de l’inclusivité des démarches, de leur capacité à intégrer de nouveaux acteurs et à atteindre une taille et des volumes suffisants sont tout aussi déterminants pour générer des impacts.

Il pourrait être utile de dépasser le débat entre logique de progrès (continu) et logique d’interdits en promouvant l’articulation de seuils minimum à l’en-trée qui ont du sens, et des exigences qui deviennent obligatoires au cours du temps (après 3, 5, 7 ans…). Ce type d’approche « hybride » permet en effet de « cranter » les attendus dans le temps et d’améliorer fortement le potentiel d’impacts tout en conservant une philosophie de progrès.

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Rapport d’analyse transverse

47BASIC ― WWF ― GREENPEACE Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

4.6. Un socle d’éligibilité pour garantir un niveau minimum de durabilité environnementale et socio-économiqueComme vu précédemment, les potentiels d’impact environnementaux et socio-éco-nomiques s’avèrent très contrastés entre les démarches. Dès lors, se pose la question de créer un socle d’éligibilité qui permettrait aux pouvoirs publics d’identifier de manière objective le caractère durable d’un produit ou d’une filière agro-alimentaire.

Pour être éligible au regard de ce socle, une filière aurait la possibilité d’utili-ser un label/une démarche ou une combinaison de plusieurs démarches qui ont démontré leurs impacts sur les dimensions environnementales et socio- économiques du socle.

Ainsi, les institutions pourraient sélectionner de façon objective – et au regard des enjeux sociétaux les plus prégnants – les démarches qui peuvent recevoir des aides financières publiques (notamment dans le cadre de la mise en œuvre de la Politique Agricole Commune) et celle qui peuvent être valorisées dans le cadre de politiques publiques liées à l’alimentation (notamment la mise en application de la loi Egalim dans les cantines scolaires).

Face aux disparités des potentiels d’impact des différentes démarches se pose la question de la définition d’un socle d’éligibilité permettant d’identi-fier celles qui peuvent bénéficier de soutiens publics ou être incluses dans le cadre des politiques publiques.

Les éléments clés de ce socle d’éligibilité restent à déterminer : ― Dans le champ environnemental, la grille développée pour analyser la non-dura-bilité des systèmes alimentaires démontre que la biodiversité tient une place centrale car elle ne peut être préservée que si les autres capitaux naturels (eau, sols, air) sont également protégés de manière intégrale 28.

― Par ailleurs, la grille fait ressortir que le climat, autre enjeu environnemental aujourd’hui incontournable, devrait être articulé avec la préservation de la bio-diversité, notamment pour s’assurer que la lutte contre le dérèglement climatique ne va pas à l’encontre de cette dernière 29.

28. Ainsi, les démarches de durabilité qui ont une intention et des potentiels d’impact élevés en termes de préser-vation de la biodiversité sont également celles qui ont les effets les plus prononcés sur la ressource en eau, la qualité des sols et la qualité de l’air, thématiques toutes entraînées par la première.

29. Les démarches de durabilité alimentaire étudiées dans la présente étude font toutes ressortir des potentiels d’impact relativement plus faibles sur cette problématique que sur celles précédemment évoquées (biodiver-sité, eau, sols, air).

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Rapport d’analyse transverse

BASIC ― WWF ― GREENPEACE 48 Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

― Dans le champ socio-économique, la problématique du niveau de vie décent revêt une importance particulière. En effet, les changements de pratiques nécessaires à une meilleure protection de l’environnement requièrent des investissements importants, qu’il est difficile voire impossible de réaliser si les démarches n’apportent pas d’avantages économiques suffisants, en particulier aux agriculteurs. Au-delà des enjeux environnementaux, ces derniers constituent le maillon des filières alimentaires le plus vulnérable financièrement, en raison des prix bas et fluctuants de nombreuses denrées agricoles, des incertitudes de l’offre et de la demande, de la hausse régulière des coûts de production... 30

― Enfin, deux dernières problématiques paraissent incontournables et montent toujours plus dans le débat public sur l’alimentation : la préservation de la santé humaine, et au-delà des préoccupations liées aux êtres humains, la question du bien-être animal, témoin de la qualité du lien que nos sociétés entretiennent avec les autres êtres vivants.

Parmi les 14 problématiques environnementales et socio-économiques étudiées, 5 d’entre elles se distinguent par leur place particulière :

― la biodiversité ― le climat ― l’atteinte d’un revenu décent ― la santé humaine ― le bien-être animal

Une proposition de socle d’éligibilité a été faite dans les recommandations de ce rap-port (Cf. p.50) en s’appuyant sur la grille de non-durabilité des systèmes alimentaires développée dans le cadre de l’étude.

4.7. Les problématiques orphelinesPar ailleurs, plusieurs problématiques apparaissent comme très peu influen-cées positivement par les différentes démarches étudiées, alors qu’elles représentent des défis importants pour la transition écologique et sociale :

― Dans le domaine socio-économique, c’est le cas de la qualité du travail (qui intègre les questions de pénibilité, d’emploi précaire, de risques psycho-sociaux et de respect du droit du travail), suivie de la sécurité alimentaire.

― Dans le domaine environnemental, il s’agit de la question de l’épuisement des ressources non-renouvelables (énergétiques et minérales) ainsi que celle des pertes et gaspillages.

30. Il est à ce titre illustratif que les démarches qui ont les potentiels d’impacts positifs les plus faibles (toutes problématiques confondues) sont également celles pour lesquelles la question du niveau de vie décent est la moins touchée : Agri Confiance, Zéro résidu de pesticides, HVE, AOP Cantal, Label Rouge filière porcine et C’est Qui le Patron ?! filière jus de pommes.

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Rapport d’analyse transverse

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4.8. Le cas de la démarche Haute Valeur Environnementale (HVE)La démarche de certification environnementale portée par le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, et plus particulièrement son niveau 3 dit « HVE », est emblématique des approches de progrès continu. Sa vocation est de permettre au plus grand nombre d’agriculteurs d’initier une dynamique de changement vers des pratiques agricoles moins impactantes pour l’environnement.

Cette démarche aurait un véritable rôle à jouer dans le panorama actuel de l’agricul-ture française, cependant elle pâtit aujourd’hui de 2 écueils principaux :

― En premier lieu, le manque de transparence sur les résultats obtenus sur le terrain. Ce déficit d’information est la raison principale pour laquelle nous n’avons pas pu évaluer l’option B de la certification HVE. Il est tout aussi préjudiciable à l’option A que nous n’avons pu analyser que grâce à l’existence de travaux de recherche académique en cours et uniquement sur les grandes cultures. Pour y remédier, une étape préalable essentielle consiste à rendre publiques les différentes notes obtenues par l’ensemble des agriculteurs certifiés dans les 2 options (de manière anonymisée bien sûr). Une telle transparence permettrait de porter un regard beaucoup plus informé sur les effets de la démarche à travers les filières et les territoires, en attendant des études de terrain plus poussées sur ses impacts environnementaux et socio-économiques, à l’image de celle qui a été commanditée par le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.

― En second lieu, l’absence de critères communs obligatoires qui s’appliquent à tous les agriculteurs engagés dans la démarche. Ces critères pourraient ne pas être exigés à l’entrée dans la certification HVE, mais rendus contraignants au bout d’un certain nombre d’années, ce qui permettrait ainsi de préserver la dimen-sion d’ouverture et de progrès de la démarche tout en donnant des garanties plus fortes d’impacts environnementaux.

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© Elsa Palito / Greenpeace

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Rapport d’analyse transverse

51BASIC ― WWF ― GREENPEACE Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

31. Cet outil concerne spécifiquement les filières agricoles (et non les filières halieutiques et aquacoles).

5. Propositions et recommandations de Greenpeace et du WWF France

En s’appuyant sur les résultats de cette étude, Greenpeace et le WWF France : ― proposent un outil d’analyse de la durabilité alimentaire 31 à disposition de toutes et tous pour évaluer et réviser les démarches alimentaires,

― demandent aux décideurs publics de conditionner le soutien public aux impacts des démarches et non à leurs intentions affichées,

― appellent le gouvernement à poursuivre la nécessaire transition de l’agriculture en : — suspendant le soutien public à la certification HVE tant que le cahier des charges n’a pas été révisé et renforcer le soutien à l’AB, — révisant les démarches identifiées comme “durables” dans la loi EGalim, — complétant le travail de l’affichage environnemental mené par le ministère de la transition écologique.

Ces différentes propositions et recommandations sont détaillées ci-dessous.

5.1. Proposer un outil d’analyse à disposition de toutes et tous pour évaluer et réviser les démarches alimentaires La méthodologie en place, travaillée en lien avec des experts et issue d’un travail bibliographique conséquent, a permis l’élaboration d’une grille d’analyse des démarches alimentaires. Cet outil se veut accessible et ouvert à toutes et à tous.

Pour les acteurs à l’origine des démarches ― Pour les démarches volontaires, disposer d’une d’une grille d’indicateurs par grande problématique permettant de challenger leurs cahiers des charges et leurs impacts

― Évaluer leurs intentions d’impacts et les confronter à la grille d’analyse ― Réviser leurs démarches dans une logique de progrès

Pour les acteurs économiques (opérateurs de l’industrie agroalimentaire, de la restauration collective, etc.)

― Disposer d’une grille d’analyse de la durabilité des démarches alimentaires ainsi que des résultats sur les démarches étudiées pour réviser leur offre alimentaire

― Poursuivre le recours aux labels alimentaires, gages de garanties et traçabilité, tout en ayant connaissance des impacts réels de chaque démarche

Pour les décideurs publics

― Disposer d’une grille d’analyse ainsi que d’un socle d’éligibilité (ci-dessous) pour orienter plus efficacement les politiques et financements publics vers les démarches réellement vertueuses.

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Rapport d’analyse transverse

BASIC ― WWF ― GREENPEACE 52 Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

5.2. Conditionner le soutien public aux impacts des démarches et non à leurs intentions affichées Au vu de la disparité des impacts générés par les différentes démarches et du déca-lage avec les intentions affichées, il est indispensable de définir au préalable un socle minimal d’exigences, conditionnant l’éligibilité des démarches aux soutiens ou à la valorisation publics. Ce socle doit permettre de définir des indicateurs liés aux 5 grandes problématiques identifiées comme clefs pour améliorer la durabilité des démarches. Il s’agit alors ensuite pour les pouvoirs publics de s’assurer que toutes les démarches soutenues ont un impact réel sur ces différentes problématiques. Ce socle d’éligibilité peut être à l’image des démarches hybrides et comporter :

― des seuils avec, par exemple, des paliers tous les 3, 5 à 7 ans ; ― des critères incitatifs.

Les critères identifiés ci-dessous sont à ce jour annotés à titre d’exemples et font office de proposition pour la création d’un socle d’éligibilité des démarches.

Figure 10 : Proposition de socle d’éligibilitéSource : BASIC, Greenpeace, WWF, 2021

1. Biodiversité ― Diminution des quantités et de la dangerosité des pesticides utilisés ― Préservation des infrastructures agroécologiques (prairies permanentes / haies) ― Allongement des rotations et diversification des productions

Exemples de critères (pour une déclinaison sous la forme de critères contraignants ou incitatifs) 32

Dimensions du socle d’éligibilité

2. Climat ― Diminution des quantités d’engrais azotés de synthèse utilisés ― Augmentation de la part de l’alimentation animale produite à la ferme ou à proximité

(à titre de levier de réduction de la déforestation importée) ― Extensification de l’atelier d’élevage et meilleure gestion des effluents

3. Niveau de vie décent ― Prix agricoles plus justes et rémunérateurs ― Modalités contractuelles permettant de réduire la volatilité des prix agricoles ― Structuration collective des acteurs agricoles leur permettant de mutualiser des moyens

et de mieux négocier

4. Santé Humaine ― Baisse de l’exposition aux polluants (agriculteurs, travailleurs, consommateurs) ― Minimisation du degré de transformation des aliments ― Traçabilité physique tout au long des filières

5. Bien-être animal ― Amélioration des conditions de vie (faible densité d’élevage, accès à l’extérieur) ― Diminution voire interdiction des pratiques douloureuses ― Attention portée à la santé (alimentation animale, antibiotiques)

32. Les exemples de critères ont été identifiés à partir des principales causes des problématiques socio-environ-nementales de la grille de non-durabilité.

Un système d’audit tiers ainsi que des études d’impacts publiques témoignant d’un certain niveau de transparence et de durabilité des démarches doivent égale-ment faire partie de ce socle d’éligibilité.

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Rapport d’analyse transverse

53BASIC ― WWF ― GREENPEACE Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

5.3. Éclairer les arbitrages politiques au cœur de l’année 2021Entre élaboration du Plan Stratégique National (PSN) de la future Politique Agricole commune, expérimentation sur l’affichage environnemental et mise en œuvre de la loi EGalim dans la restauration collective, les décisions politiques ayant un impact pour des démarches de durabilité alimentaire sont nombreuses en cette année 2021. Greenpeace et le WWF France portent ainsi 3 demandes fortes.

Suspendre le soutien public à la certification HVE tant que le cahier des charges n’a pas été révisé et renforcer le soutien à l’AB

Malgré une dizaine d’années de recul, la démarche HVE n’a pas fait l’objet d’études d’im-pacts ou d’évaluations avant d’être valorisée dans les textes législatifs (loi EGalim, Projet de Loi de Finances) ou rendue potentiellement éligible à des subventions publiques, dans le cadre du PSN.

Pourtant, les articles critiquant son cadre de durabilité se multiplient par la dénon-ciation d’une option B non adaptée. En effet, la moyenne du poids des intrants dans le chiffre d’affaires des exploitations maraîchères et viticoles est d’ores et déjà en dessous des 30% demandés par l’option B de HVE. Ce seuil ne se traduit donc pas par une modification des pratiques culturales. Par ailleurs, les seuils de l’option A sont considérés insuffisants (par les multiples possibilités d’obtention de points ou le manque d’indicateurs sur la gestion des sols et du carbone, l’efficacité énergétique des exploitations, etc.). L’annonce par le ministère de l’Agriculture et l’Alimentation d’une étude d’évaluation de la certification HVE et d’une révision du cahier des charges, témoignent du manque de recul sur les impacts réels de cette démarche.

Dans ce contexte, l’étude que nous avons menée démontre le très faible impact envi-ronnemental de la certification HVE alors même que le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation envisage d’inclure les niveaux 2 et 3 dans un dispositif dit d’éco-régime, dont l’objectif est, en théorie, de rémunérer les services environnementaux rendus par l’agriculture.

Au vu de l’hétérogénéité des impacts des trois démarches HVE, AB et cer-tification environnementale 2 ainsi que du manque d’historique et d’étude sur la certification environnementale 2+, nous demandons aux décideurs publics de :

― exclure la certification actuelle HVE des dispositifs éligibles à l’éco-ré-gime dans le cadre du Plan Stratégique National (PSN) de la future PAC,

― au-delà des aides de la PAC, proscrire tout alignement des aides entre l’AB, la HVE et une certification environnementale 2+,

― fournir des données claires et transparentes sur les impacts et la démarche HVE,

― instaurer des critères communs obligatoires plus restrictifs pour HVE, soit à l’entrée de la démarche, soit au bout d’un certain nombre d’années pour qu’elle puisse être valorisée publiquement (tous les 3, 5, 7 ans comme précisé pour le socle d’éligibilité).

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Rapport d’analyse transverse

BASIC ― WWF ― GREENPEACE 54 Étude de démarches de durabilité dans le domaine alimentaire

D’une part, le gouvernement décide de soutiens publics à la démarche HVE sans éléments permettant d’attester les bénéfices permis par cette démarche. D’autre part, il ne soutient que trop faiblement le développement de l’agriculture bio-logique. En témoignent :

― l’abandon de l’objectif de 20% de la surface agricole utile (SAU) en bio d’ici 2020 fixé par la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement,

― la révision de cet objectif par le plan Ambition Bio 2018-2022 avec un objectif de 5% d’ici 2022,

― la surface actuelle de 8,3% de la surface agricole utile en bio uniquement 33, ― du retard accumulé dans les versements des aides à l’agriculture biologique 34, ― la suppression des aides au maintien de l’agriculture biologique en 2017.

La présente étude montre pourtant les bénéfices de la démarche agricul-ture biologique. C’est pourquoi, nous demandons aux décideurs d’aligner les moyens aux ambitions portées sur l’agriculture biologique dans le cadre du PSN.

Réviser les démarches identifiées comme “durables” dans la loi EGalimDepuis la loi dite EGalim, la restauration collective doit recourir à un approvision-nement d’au moins 50% de produits considérés comme durables. La liste des démarches considérées aujourd’hui comme éligibles est la suivante :

― l’AB (a minima 20%) et également le Label Rouge, l’Appellation d’origine, l’In-dication géographique protégée, la Spécialité traditionnelle garantie, la mention “ issus d’une exploitation de Haute Valeur Environnementale ”, la mention “ fermier ” ou “ produit de la ferme ” ou “ produit à la ferme ” ;

― les produits ayant un profil environnemental intéressant (calculé selon les coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie),

― jusqu’au 31 décembre 2029 uniquement, les produits issus d’une exploitation bénéficiant de la certification environnementale de niveau 2. Pour ces produits, l’équivalence est justifiée par une certification par un organisme indépendant,

― en parallèle, les produits satisfaisant de manière équivalente les exigences défi-nies par les autres labels, mentions et démarches prévus plus haut.

33. Données agreste, 201934. Avec notamment des alertes figurant dans le JO Sénat du 21/03/2019 - page 1488, les retards de paiement

mentionnés par le ministère de l’agriculture lui-même dans le communiqué de presse du 28 mars 2019, etc.

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Avec cette étude, nous proposons aux décideurs publics une grille d’analyse de durabilité fiable, systémique et transparente (contrairement à une utilisa-tion exclusive de l’ACV, dont l’analyse peut s’avérer incomplète à ce jour).

Nous demandons par ailleurs à ces décideurs et en particulier au ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation :

― la promotion des labels bio apparentés : — en mettant l’accent sur l’intégration des démarches apparentées à

la bio et certifiées AB (Bio Equitable en France, Demeter) à la part de 20% de produits biologiques,

— en intégrant dans la part des 50% de produits durables, les labels n’étant pas certifiés AB mais présentant des cahiers de charges au moins aussi ambitieux que l’AB (Nature & Progrès) ;

― l’exclusion de la démarche HVE et certification environnementale de niveau 2 de la part de produits durables, tant que celles-ci n’ont pas révisé leurs exigences et démontré leurs effets positifs sur les enjeux environnementaux et socio-économiques ;

― concernant le processus de reconnaissance d’équivalence : — en l’état actuel, nous demandons d’exclure les démarches privées

reconnues équivalentes à la certification environnementale de ni- veau 2 35 (niveau encore moins exigeant que la démarche HVE aux bénéfices pourtant déjà faibles et peu avérés). C’est notamment le cas d’Agri Confiance pour la production de légumes d’industries avec l’OP Triskalia Légumes industries, les chartes EVA-Environnement pour 4 filières volailles, etc.) ;

— davantage de transparence autour du processus de reconnaissance d’équivalence aux labels durables par le gouvernement.

Par ailleurs, l’application de l’article 24 de la loi 2018-932 d’ici le 1er janvier 2022 ne fait pas l’unanimité à ce jour avec 78% des restaurateurs considérant qu’ils n’arrive-ront pas à atteindre les objectifs sans financements adéquats 36.

Compte-tenu de ces éléments et des résultats de l’étude, nous demandons :

Aux décideurs publics : ― d’accompagner financièrement la transition vers cette offre alimentaire (à titre d’exemple, la Fondation pour la Nature et l’Homme propose un sys-tème de prime à l’investissement de 330 millions d’euros par an pendant 3 ans à destination des donneurs d’ordres (collectivités locales, etc.) en relation avec la restauration collective 37) ;

― de continuer la promotion de l’agriculture biologique sur les territoires.

Aux restaurateurs : ― de favoriser l’offre locale et de saison pour l’ensemble de leur approvisionnement.

35. Selon la liste des démarches reconnues équivalentes certification environnementale de niveau 2 par le mi-nistère de l’agriculture et de l’alimentation

36. Enquête : les besoins en investissement en restauration collective, Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’Homme, 2019

37. Enquête : les besoins en investissement en restauration collective, Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’Homme, 2019

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Compléter le travail de l’affichage environnemental mené par le ministère de la Transition écologique

A l’image du Nutri-score développé pour mieux guider le consommateur sur le plan nutritionnel, le sujet de l’affichage environnemental attire l’intérêt de nombreux acteurs. Des acteurs privés tels que Yuka, Eco2 initiative ou La Fourche ont ainsi lancé un Eco-score. Le ministère de la Transition écologique s’est également emparé du sujet en 2020 en lançant un groupe de travail et un appel à projets pour une expérimentation d’un affichage environnemental.

Cette expérimentation, dont les modalités sont en cours de construction, vise à éva-luer différentes méthodologies et modalités d’affichage environnemental pour fournir au consommateur une information environnementale lisible, fiable et objective. Elle s’appuie en partie sur la méthode d’analyse de cycle de vie qui comprend de nom-breuses lacunes (sur les enjeux de biodiversité, pollution aux produits phytosanitaires, etc.). La prise en compte dans l’affichage environnemental des labels et certifications et de leurs impacts réels peut permettre de combler certaines de ces lacunes.

Etant donné les lacunes existantes sur la méthode de l’ACV, nous proposons au ministère de la Transition écologique :

― de s’emparer de cette grille d’analyse systémique et libre d’accès, ― de compléter les lacunes de l’ACV avec les résultats de l’étude grâce à un système de bonus/malus par labels par exemple.

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