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UNIVERSITE de CAEN ------- FACULTE de MEDECINE Année 2009 THESE POUR L’OBTENTION DU GRADE DE DOCTEUR EN MEDECINE Présentée et soutenue publiquement le : 02 Octobre 2009 par Monsieur Clément Buléon Né (e) le 10 Octobre 1979 à Caen. TITRE DE LA THESE : « Principes et intérêts d’un laboratoire de simulation médicale : expérience de mise en place au Centre Hospitalo-Universitaire de Caen. » Président : Monsieur le Professeur Jean-Louis Gérard, « Directeur de thèse » Membres : Monsieur le Professeur Jean-Luc Hanouz Monsieur le Professeur Henri Bricard Monsieur le Professeur Denis Agostini Monsieur le Professeur Emmanuel Babin Monsieur le Docteur Eric Pondaven

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UNIVERSITE de CAEN -------

FACULTE de MEDECINE

Année 2009 N°

THESE POUR L’OBTENTION

DU GRADE DE DOCTEUR EN MEDECINE

Présentée et soutenue publiquement le : 02 Octobre 2009

par

Monsieur Clément Buléon

Né (e) le 10 Octobre 1979 à Caen.

TITRE DE LA THESE :

« Principes et intérêts d’un laboratoire de simulation médicale :

expérience de mise en place au Centre Hospitalo-Universitaire de

Caen. »

Président : Monsieur le Professeur Jean-Louis Gérard, « Directeur de thèse »

Membres : Monsieur le Professeur Jean-Luc Hanouz

Monsieur le Professeur Henri Bricard

Monsieur le Professeur Denis Agostini

Monsieur le Professeur Emmanuel Babin

Monsieur le Docteur Eric Pondaven

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UNIVERSITE DE CAEN

FACULTE DE MEDECINE

Année Universitaire 2009 - 2010

Doyen

Professeur J.L. GERARD

Assesseurs Professeur D. AGOSTINI

Professeur P. DELAMILLIEURE Professeur G. DEFER

Secrétaire Générale

Madame D. VERROLLES PROFESSEURS DES UNIVERSITES - PRATICIENS HOSPITALIERS M. AGOSTINI Denis Biophysique M. ALVES Arnaud Chirurgie digestive (niv 7) M. BABIN Emmanuel O.R.L. M. BALEYTE Jean-Marc Pédopsychiatrie (CHR – Clémenceau) M. BALLET Jean-Jacques (en surnombre) Immunologie M. BENATEAU Hervé Chir. maxillo-faciale et stomato. (niv 14) M. BENSADOUN Henri Urologie (niv 8) M. BOUVARD Gérard Biophysique Mme BRAZO Perrine Psychiatrie d’adultes (Centre Esquirol)- M. BROUARD Jacques Pédiatrie A ( CHR – Clémenceau) M. BUSTANY Pierre Pharmacologie Mle CHAPON Françoise Histologie, Embryologie, (Histologie) M. CHARBONNEAU Pierre Réanimation médicale (niv 16) Mme CHICHE Laurence Chirurgie digestive (niv 7) Mme COLOTTE Evelyne née EMERY Neurochirurgie (niv 12) M. COMPERE Jean-François Chir. maxillo-faciale et Stomato (niv 14) M. COQUEREL Antoine Pharmacologie M. COURTHEOUX Patrick Radiologie et imagerie médicale (niv 1) M. DAO Manh Thông Hépatologie-Gastro-Entérologie (niv 19) M. DEFER Gilles Neurologie (niv 13) M. DELAMILLIEURE Pascal Psychiatrie adultes (Centre Esquirol) M. DENISE Pierre Physiologie M. DERLON Jean-Michel Neurochirurgie (niv 12) Mme DOLLFUS Sonia Psychiatrie d'adultes (Centre Esquirol.) M. DREYFUS Michel Gynécologie-Obstétrique (CHR) M. DU CHEYRON Damien Réanimation médicale M. DUHAMEL Jean-François (en surnombre) Pédiatrie (CHR) M. FREYMUTH François( en surnombre) Bactériologie, Virologie (CHR) Mme GALATEAU Françoise Anatomie Pathologique

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M. GERARD Jean-Louis Anesthésiologie-Réanimation (niv 6) M. GROLLIER Gilles Cardiologie (niv 20) M. GUILLOIS Bernard Pédiatrie B (CHR) M. HAMON Martial Cardiologie (niv 20) Mme HAMON Michèle Radiologie et Imagerie médicale (niv 01) M. HANOUZ Jean-Luc Anesthésiologie-Réanimation (niv 6) M. HERLICOVIEZ Michel Gynécologie et Obstétrique (CHR) M. HERON Jean-François Cancérologie (C FR. Baclesse) M. HULET Christophe Chirurgie ortho et traumato.(niv 11) M. HURAULT de LIGNY Bruno Néphrologie (CHR) M. ICARD Philippe Chir Thoracique et Cardio-Vasc. (niv 9) M. JAUZAC Philippe Biochimie Mme JOLY-LOBBEDEZ Florence Cancérologie (C Fr. Baclesse) Mme KOTTLER Marie-Laure Dépt. Génétique et reproduction (CHR) M. LAUNOY Guy Epide. Eco. de la santé et préventive M. LE COUTOUR Xavier Epide. Eco. de la santé et préventive Mme LE MAUFF Brigitte Immunologie (CHR Clémenceau) M. LECLERCQ Roland Microbiologie M. LEPORRIER Michel Hématologie et transfusion (CHR) M. LEROY Dominique Dermatologie-Vénéréologie (CHR) M. LEROY François Rééducation fonctionnelle (niv 1) M. LETOURNEUX Marc Médecine du Travail (niv 1) M. MAIZA Dominique Chirurgie vasculaire (niv 9) M. MALLET Jean-François Chirurgie infantile (niv 10) M. MARCELLI Christian Rhumatologie (niv 17) M. MASSETTI Massimo Chir Thoracique et Cardio-Vasc. (niv 9) M. MAUREL Jean Chirurgie Générale M. MAZOYER Bernard Radiologie et Imagerie Médicale M. MILLIEZ Paul Cardiologie (niv 20) M. MOREAU Sylvain Anatomie/ORL (niv 14) M. MOURIAUX Frédéric Ophtalmologie (niv 15) M. NORMAND Hervé Physiologie Mme PIQUET Marie-Astrid Nutrition (niv 19) M. RAVASSE Philippe Chirurgie Infantile (niv 10) M. REIMUND Jean-Marie Hépato-Gastroentérologie (Niv.19) M. REZNIK Yves Endocrinologie (niv 18) M. ROUPIE Eric DATU ( niv. 01) M. ROUSSELOT Pierre (en surnombre) Anatomie Pathologique M. RYCKELYNCK Jean-Philippe Néphrologie(CHR) M. SALAME Ephrem Chirurgie digestive (niv 7) M. SAMAMA Guy Chirurgie Générale (niv 8) M. SCHMUTZ Gérard (en disponibilité) Radiologie et imagerie médicale (niv 1) M. TROUSSARD Xavier Hématologie Mme VABRET Astrid Bactériologie - Virologie M. VALDAZO André ( en surnombre) Oto-Rhino-Laryngologie (niv 14) M. VERDON Renaud Maladies infectieuses (niv 16) M. VIADER Fausto Neurologie (niv 13) M. VIELPEAU Claude Chirurgie Ortho et Traumato.(niv 11) M. VON THEOBALD Peter Gynécologie et Obstétrique (CHR) M. ZALCMAN Gérard Pneumologie (niv 21)

Page 4: UNIVERSITE de CAEN ------- FACULTE de MEDECINE

4

PROFESSEUR ASSOCIE Mme SAMUELSON Marianne Médecine Générale (Cherbourg) PROFESSEUR DES UNIVERSITES DE MEDECINE GENERALE M. LUET Jacques PROFESSEUR D’UNIVERSITE M. MELLET Emmanuel Cyceron PRAG Mme LELEU Solveig

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UNIVERSITE DE CAEN

FACULTE DE MEDECINE

Année Universitaire 2009 - 2010

MAITRES DE CONFERENCES DES UNIVERSITES-PRATICIENS HOSPITALIERS

M. ALLOUCHE Stéphane Biochimie et Biologie Moléculaire Mme BENHAIM Annie Labo Estrogènes et Repro Bat Sc C-UCBN M. BIENVENU Boris Médecine interne (niv 18) M. CATTOIR Vincent Bactériologie-Virologie (CHR) Mme CLIN-GODARD Bénédicte Médecine et santé au travail M. CONSTANS Jean-Marc Radiologie et Imagerie Médicale (niv 01) M. COULBAULT Laurent Biochimie et Biologie moléculaire M. CREVEUIL Christian Informatique Médicale (CHR) Mme DEBOUT Claire Histologie, embryologie, cytogénétique Mme DEBRUYNE Danièle Pharmacologie fondamentale Mme DENIS Isabelle Biologie du Dével/repro (CHR labo F.I.V.) Mme DERLON Annie Hématologie NIVEAU 03 Mme DUHAMEL Chantal Parasitologie (Microbiologie) M. ETARD Olivier Physiologie M. GUILLAMO Jean-Sébastien Neurologie (niv13) M. LANDEMORE Gérard Histologie, embryologie, cytologie Mme LAROCHE Dominique Biophysique et traitement de l'image Mme LECHAPT ép. ZALCMAN Emmanuèle Cytologie et Histologie (Anatomie patho) Mme LELONG-BOULOUARD Véronique Pharmacologie Mme LEPORRIER Nathalie Génétique Histologie M. MITTRE Hervé Départ. Géné. et Repro. (CHR) M. PARIENTI Jean-Jacques Biostatistiques, Unité de recherche (niv 3) M. SESBOUE Bruno Physiologie Mme SZERMAN-POISSON Ethel Biologie du dével./repro (Biochimie) M. TRAVERT Georges Biophysique et traitement de l'image M. VERGNAUD Michel Bactériologie, Virologie (Microbiologie) Mlle VERNEUIL Laurence Dermatologie (CHR Clémenceau)

Maître de Conférence Associé Mme AULANIER Sylvie Médecine générale (Le Havre)

Page 6: UNIVERSITE de CAEN ------- FACULTE de MEDECINE

6

Sommaire

I. Introduction ........................................................................................................................ 9

II. Historique ......................................................................................................................... 11

III. Définitions .................................................................................................................... 18

IV. Principes fondamentaux de la simulation ..................................................................... 19

A. Les différents niveaux de simulation ........................................................................... 19

B. Les différents types de simulation ................................................................................ 19

C. Les différents types de simulateurs .............................................................................. 20

D. Concept des trois dimensions de fidélité de la simulation haute-fidélité ..................... 23

E. Les intervenants de la simulation haute-fidélité ........................................................... 24

F. Théorie des 11 dimensions de la simulation ................................................................ 26

G. Description d’un centre de simulation ......................................................................... 31

H. Description d’un espace de simulation haute-fidélité .................................................. 33

I. Le scénario : de la conception au débriefing ................................................................ 34

1. Conception du scénario .......................................................................................... 34

2. Déroulement d’un scénario .................................................................................... 36

3. Débriefing post-scénario ........................................................................................ 38

J. Domaines médicaux d’application de la simulation .................................................... 39

V. Intérêts de la simulation ................................................................................................... 40

A. Rationnel de la simulation ............................................................................................ 40

1. Concept de la pyramide de Miller .......................................................................... 40

2. Nouvelles possibilités pédagogiques offertes par la simulation haute-fidélité ...... 43

a) Le management de situation de crise ou ACRM ................................................ 43

b) Les compétences non-techniques (en anesthésie-réanimation) ou (A)NTS

(«Anesthesia Non Technical Skills) ............................................................................. 45

c) L’éthique ............................................................................................................ 47

d) L’exercice en conditions difficiles ..................................................................... 48

3. Evolution des mentalités ........................................................................................ 48

4. Preuves de l’efficacité de la simulation haute-fidélité ........................................... 50

a) Pas de preuve mais… ......................................................................................... 50

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7

b) Premières preuves : La simulation haute-fidélité apporte un plus ..................... 51

c) La simulation haute fidélité, une alternative pédagogique ................................. 52

d) La simulation, mieux que la simulation ? .......................................................... 53

e) La simulation haute-fidélité, outil d’évaluation ................................................. 54

f) Impact pédagogique de la simulation ................................................................. 54

g) Nouvelles compétences accessibles grâce à la simulation haute-fidélité ........... 56

h) Validités statistiques des scénarii et scores en simulation haute-fidélité ........... 56

i) Le centre de simulation : un laboratoire de recherche ........................................... 57

j) La simulation du début à la fin : formations initiale et continue ........................... 59

k) Bonne acceptation de la simulation .................................................................... 60

B. Avantages et inconvénients de la simulation ............................................................... 61

1. Avantages de la simulation .................................................................................... 62

2. Inconvénients ......................................................................................................... 69

C. Aspects pédagogiques spécifiques à la simulation ....................................................... 74

1. Les domaines pédagogiques nouvellement accessibles grâce à la simulation haute-

fidélité ............................................................................................................................... 75

2. Uniformisation des cursus ...................................................................................... 76

3. Le principe du « patient à la demande » ................................................................ 76

4. La culture de l’esprit d’équipe ............................................................................... 77

5. Le concept de « l’erreur utile » .............................................................................. 77

6. Efficience pédagogique par ciblage des objectifs .................................................. 79

7. Culture du débriefing ............................................................................................. 80

8. Evaluations des compétences et des performances ................................................ 81

9. Le théâtre de la simulation haute-fidélité ............................................................... 82

VI. Actualité et avenir de la simulation haute-fidélité........................................................ 83

A. Actualité de la simulation haute-fidélité ...................................................................... 83

B. Futur et perspectives pour la simulation haute-fidélité ................................................ 86

1. Perspectives techniques ......................................................................................... 86

2. Perspectives pédagogiques ..................................................................................... 88

3. Futur de la simulation haute-fidélité ...................................................................... 89

VII. La simulation à Caen .................................................................................................... 91

A. Des débuts à la mise en place ....................................................................................... 91

B. Perspectives pour le centre de simulation de Caen ...................................................... 94

VIII. Conclusion .................................................................................................................... 98

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8

IX. Bibliographie .............................................................................................................. 101

X. Annexes .......................................................................................................................... 111

A. Annexe 1 : Les centres de simulation haute-fidélité dans le monde .......................... 111

B. Annexe 2 : Dossier pour le projet d’un laboratoire de simulation au CHU de Caen . 113

C. Annexe 3 : Plan des câblages nécessaires pour le laboratoire de simulation haute-

fidélité ................................................................................................................................. 126

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9

I. Introduction

En 1870, le corps d'une jeune femme noyée est repêché dans la Seine. En l'absence de

trace de violence, il est conclu à un suicide. Selon la coutume de l'époque, un masque

mortuaire est réalisé afin de pouvoir établir son identité. Sa beauté, son sourire et le mystère

entourant sa mort inspirent diverses romances. La plus populaire est celle d'un amour

impossible. Cette légende devint populaire en Europe ainsi que la reproduction du masque

mortuaire. En 1960 lorsqu’Amund S. Laerdal développe son mannequin pour l'enseignement

des techniques de bouche à bouche, il imagine de lui donner une apparence très réaliste pour

motiver les élèves à apprendre les techniques de réanimation. Touché par l'histoire de cette

jeune femme décédée si jeune, il fait modeler un visage à partir du masque mortuaire pour son

nouveau mannequin d'enseignement (1) (Figure 1). Resusci-Anne® est née. Avec elle l’idée

de la simulation prend corps.

Figure 1. La jeune femme de la Seine. Masque mortuaire réalisé pour l'identification d'une jeune noyée, ayant servi de modèle pour le mannequin Resusci-Anne.

L’enseignement de la médecine a fondamentalement peu évolué depuis l’antiquité. Les

disciples d’Hippocrate (5ème siècle avant JC) se formaient en suivant les préceptes qu’il leur

énonçait et en l’accompagnant lors de ses visites aux patients. Ce concept pédagogique de

cours magistraux et de compagnonnage a traversé les siècles jusqu’à nos jours sans que ne

survienne aucun changement fondamental. Si la transmission du savoir médical n’a pas

évolué, l’état des connaissances a lui progressé. Cette progression s’est accélérée depuis la fin

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10

du 19ème siècle, puis s’est encore renforcée au cours du 20ème siècle avec le développement de

la biologie et l’apparition de technologies modernes. Cette évolution des connaissances

appelle un changement nécessaire dans leur mode de transmissions. La forme magistrale ne

suffit plus à la transmission du savoir et ne permet pas d’acquérir une maîtrise satisfaisante, à

l’heure où il n’est plus autant accepté que les patients servent à la formation des praticiens. Il

apparaît nécessaire, à l’heure actuelle, de repenser les méthodes d’enseignement en médecine

pour répondre aux nouvelles exigences. La simulation, issue d’autres domaines de l’activité

humaine, se trouve répondre par un certain nombre d’aspects aux besoins nouveaux

d’enseignement exigés par les progrès de la médecine – notamment les nouvelles spécialités

médicales comme l’anesthésie-réanimation – et à l’évolution de la société.

Qu’est-ce que la simulation ? Comment cela fonctionne-t-il ? Quels sont les concepts

et principes qui en sont à l’origine ? Qu’apporte la simulation par rapport à l’enseignement

classique ? Quels en sont les avantages et les inconvénients ? La simulation a-t-elle un avenir

ou est-ce un épiphénomène amené à disparaître ? Comment et pourquoi la faculté de

médecine du CHU de Caen ouvre un centre de simulation haute fidélité ? La simulation

médicale sera-t-elle une vraie révolution pour l’enseignement médical et pour les acteurs de

santé ?

La simulation éveille l’intérêt de tous et soulève de nombreuses questions. Afin

d’apporter des débuts de réponses, il convient de se pencher sur les principes et les éléments

rationnels qui la sous-tendent. Après un historique de la simulation, tour à tour sont étudiés

ses principes, ses intérêts et ses inconvénients. Cette démarche amène à une réflexion sur la

formation médicale, la transmission du savoir, les méthodes d’évaluation, l’éthique et

l’avenir. Qu’est-ce qui est fait ? Ce qui est fait est-il bien fait ? Peut-il être mieux fait ?

Comment mieux faire ?

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II. Historique

La simulation plonge ses racines historiques dans différents jeux ayant pour but

d’exercer les compétences, la résolution de problème ou les capacités de discernement et de

jugement. Le jeu d’échecs, dont la naissance remonterait au 6ème siècle, est peut-être l’un des

premiers exemples de simulation militaire (2). Au siècle dernier, des domaines d’activités

humaines à risques, où l’inexactitude, l’imprécision et le manque d’expérience peuvent

représenter un danger important matériel ou vital, ont saisi l’intérêt et le potentiel de la

simulation. Ainsi l’armée, l’aviation, l’aérospatiale et l’industrie nucléaire ont développé et

perfectionnent encore à ce jour des outils de simulation (Figure 2).

Figure 2. Simulateurs haute-fidélité de centrale nucléaire.

En 1929, à l’âge de 25 ans, Edwin Link construit et brevète sa « blue box », premier

simulateur d’entraînement aéronautique, pensant que ce sera le moyen le plus simple, le plus

sûr et le moins coûteux, d’apprendre à voler (3-5) (Figure 3). La simulation moderne est née.

Initialement prise pour une attraction populaire de fête foraine, la « blue box » fait rapidement

ces preuves. En 1934, après plusieurs crashs, l’armée américaine fait l’acquisition de 6

simulateurs. La Seconde Guerre mondiale conduit au développement d’autres simulateurs :

simulateur de navigation, simulateur de bombardements, simulateur de modèles spécifiques

d’avions. En 1955, la simulation gagne l’aviation civile. L’administration fédérale de

l’aviation civile américaine exige une recertification régulière des pilotes pour le

renouvellement de leur licence de pilotage. Le principe de la simulation se répand. L’essor de

l’informatique et de l’électronique dans les années cinquante fait franchir un nouveau cap à la

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12

simulation. Les simulateurs de vol deviennent plus complexes et plus réalistes. La « General

Precision Equipement Corporation » (cofondée par Link) en collaboration avec la NASA met

au point dans les années soixante les simulateurs Gemini puis Apollo. Ces simulateurs ont

participé au succès des campagnes de vols spatiaux habités Apollo.

Figure 3. La "Blue Box" d'Edwin Link, premier simulateur d'av iation, créée en 1929.

En 1970, la fusion de Link Aviation et de Singer entraîne le développement de

simulateurs de centrales nucléaires et le perfectionnement de l’imagerie informatique. Au

cours des années soixante-dix, les améliorations des systèmes hydrauliques et d’imagerie

permettent la mise au point de simulateurs de vol complets et réalistes (Figure 4). C’est

l’entrée dans l’ère de la simulation haute-fidélité (Figure 5). C’est au moyen d’un simulateur

que l’équipe au sol de la NASA trouve la solution pour ramener sain et sauf l’équipage de la

mission Apollo 13. En 1979, le groupe de travail de la NASA décrit pour la première fois le

CRM (Cockpit/Crew Ressource Management). Ce concept vient de l’analyse que le facteur

humain est impliqué dans la plupart des problèmes de sécurité en vol. S’ensuit au cours des

années quatre-vingt la conception de simulateurs de vol militaire et de sous-marin. Le bureau

national pour les transports et la sécurité américain adopte la règle du « Zero Flight Times »,

autorisant les pilotes à se former sur un nouveau type d’avion par le seul recours à un

simulateur de vol haute-fidélité. Après avoir été un outil d’entraînement puis de certification,

le simulateur devient un outil de formation initiale. United Airlines ouvre la marche de la

mise en place de « Cockpit Ressource Management » (CRM) dans l’aviation civile. Au cours

des années quatre-vingt-dix, le CRM est étendu à l’ensemble des compagnies aériennes et

concerne tout l’équipage. L’armée est jusqu’alors à l’origine de 80% des modèles et

simulateurs. L’industrie des jeux vidéos dépasse les militaires au milieu des années quatre-

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13

vingt-dix, dans le développement de graphismes réalistes, participant ainsi à une

augmentation conséquente des plateformes de simulation et du réalisme rendu.

Figure 4. Simulateurs d'aviation haute-fidélité (civils et militaires), munis de systèmes hydrauliques.

Figure 5. Vues intérieures d'un simulateur haute-fidélité d'avion.

S’il est probable que la simulation dans le domaine médical a existé avant, au moyen

de jeux de rôle, c’est au début des années soixante qu’apparaît ce qui sera à l’origine de la

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14

simulation médicale moderne. Le Professeur Peter Safar (anesthésiste-réanimateur,

Université de Pittsburgh, USA) père de la réanimation cardio-pulmonaire et Asmund S.

Laerdal (fabriquant de jouets en plastique, Norvège) développent le mannequin Resusci®-

Anne, figurant une victime de noyade sans respiration et sans pouls, sur laquelle peuvent être

réalisés du bouche à bouche et du massage cardiaque (6). Il devient possible de s’entraîner à

l’ABC (Airway, Breathing, Circulation) de la réanimation cardio-pulmonaire sur ce premier

mannequin (Figure 6). En 1967 les Docteurs Judson Denson et Stephen Abrahamson

conçoivent le premier mannequin corps entier piloté par un ordinateur : Sim One (4, 6). Celui-

ci présente une anatomie réaliste, des mouvements respiratoires du torse, d’ouverture et de

fermeture des paupières, d’ouverture et de fermeture de la mâchoire et même des pupilles

pouvant se dilater. Ce premier mannequin taille adulte ne rencontre pas le succès. Un seul est

construit. Cet échec tient probablement à son coût important lié à l’informatique et au fait

qu’il va au devant d’une demande encore inexistante. En 1968 le Docteur Michael Gordon

(Université de Miami) présente à l’ « American Heart Association » le simulateur de patient

de cardiologie Harvey (6). Le domaine d’enseignement couvert par Harvey est exclusivement

cardiologique, c’est un « task-trainer » (Figure 7).

Figure 6. Asmund Laerdal avec son mannequin Resusci-Anne.

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Figure 7. En 1968 le Docteur Michael Gordon (Université de Miami) avec le simulateur de patient de cardiologie Harvey.

La décennie suivante, l’élaboration de modèles mathématiques et la meilleure

compréhension des modèles physiologiques et pharmacologiques sous-tendant les drogues

d’anesthésie permettent la création de simulateurs-patients sur écran (Computeur Patient

Simulator, CPS). GasMan® cible l’utilisation des gaz d’anesthésie (4, 6). Sleeper® puis son

évolution BodyTM servent à l’enseignement de la physiologie et de la pharmacologie.

L’évolution suivante se fait avec l’ « Anesthesia Simulator Consultant » (ASC), plus

ergonomique et incluant un débriefing. L’ASC est par la suite décliné en différentes versions

selon les compétences à acquérir. Les progrès de l’informatique ouvrent la voie à la

simulation sur écran, fidèle à la réalité mais sans aspect environnemental. En 1986 le Docteur

David Gaba et ses collègues (Ecole Médicale de Standford) fabriquent le premier mannequin

dont l’utilisation vise à étudier les performances humaines en anesthésie (4, 6). CASE 1.2

(Comprehensive Anesthesia Simulation Environement) permet de « créer » des patients dont

les signes vitaux peuvent être commandés à distance (Figure 8). CASE 1.2 est commercialisé

sous le nom MedSim Eagle®. L’environnement entre en jeu car pour la première fois la

simulation se déroule dans une salle dédiée, installée en salle d’opération, avec du matériel

identique à celui utilisé en pratique clinique quotidienne. La simulation haute-fidélité est née.

Gaba utilise le système CASE et ses descendants pour étudier les performances des

anesthésistes et des autres intervenants au bloc opératoire. De ses observations naissent

l’évaluation des performances techniques et comportementales puis un cursus spécifique :

L’ACRM (Anesthesia Crisis Ressource Management) basé sur le principe du CRM de

Page 16: UNIVERSITE de CAEN ------- FACULTE de MEDECINE

16

l’aviation. Ce management des situations de crises en anesthésie comprend un débriefing au

moyen de vidéo en fin de simulation.

Figure 8. CASE 1.2, commercialisé sous le nom MedSim Eagle est développé en 1986 par le Professeur Gaba et ses collègues (Ecole Médicale de Standford).

Dans le même temps, sous l’égide des Docteurs Michael Good et JS Gravenstein

(Université de Gainesville, Floride) est développé le simulateur GAS® (Gainesville

Anesthesia Simulator) qui, développé par Medical Education Technologies Inc (METI)

deviendra le HPSTM (Human Patient Simulator) (4) (Figure 9). Le HPS en plus d’être

pilotable à vue comme le CASE 1.2, inclut des modifications physiologiques programmées et

en réponse aux actions entreprises par l’étudiant. Le simulateur devient plus « autonome »

dans ces interactions avec l’étudiant. De la technologie HPS découleront dans la fin des

années quatre-vingt-dix, une version pédiatrique le PediasimTM et une version simplifiée et

transportable du HPS le ECSTM. D’autres mannequins ont vu le jour sans avoir abouti à des

versions commerciales. Laerdal, dans les années quatre-vingt-dix, développe sur la base du

Resusci®-Anne le SimMan®. Le SimMan® est un mannequin haute-fidélité autorisant la même

gamme de simulations et de procédures que le HPS, mais moins sophistiqué en terme de

modèles physiologiques et pharmacologiques. Puis viennent le SimBaby® et très récemment

un mannequin de néonatalogie le SimNewB® (Figure 10). De nombreuses compagnies

commercialisent maintenant des « task trainers » pour l’entraînement à tous types de gestes

invasifs ou non. Les progrès récents de l’informatique ayant abouti à une miniaturisation des

processus et à des technologies sans fil, une nouvelle génération de mannequins de simulation

encore plus réaliste voit le jour depuis quelques mois.

Page 17: UNIVERSITE de CAEN ------- FACULTE de MEDECINE

17

Figure 9. Le simulateur haute-fidélité METI.

Figure 10. Le SimBaby, modèle réduit aux nombreuses possibilités.

Bien qu’existant dans d’autres spécialités médicales, c’est principalement en

anesthésie que la simulation a vu le jour et a pris son essor jusqu’alors. Gaba apparaît comme

le fondateur de la simulation haute-fidélité moderne telle que nous la connaissons et de

nombre des concepts pédagogiques qui l’accompagnent.

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18

III. Définitions

Un simulateur est un outil, une technologie qui tente de recréer les caractéristiques du

monde réel (7). Les simulateurs médicaux comprennent : les programmes informatiques de

simulations (CPS Computer Patient Simulator) ; les outils de maîtrise des gestes techniques

(« task-trainers ») avec ou sans programmes informatiques, plus ou moins complexes pour

l’entraînement à des procédures spécifiques ; et les mannequins corps entier pilotés par

informatique, les plus sophistiqués d’entre eux pouvant être programmés pour simuler des

conditions physiologiques ou des situations médicales particulières et « réagir » aux

interventions.

La simulation est une technique pédagogique amenant l’étudiant à une interactivité et

parfois à une immersion proche du réel en recréant des situations cliniques plus ou moins

complètes sans qu’aucun patient ne soit exposé à un quelconque risque (7). Ainsi la

simulation imite la réalité, sans l’être, permettant apprentissage et entraînement en toute

sécurité. La simulation fait souvent appel à l’utilisation de simulateurs.

Page 19: UNIVERSITE de CAEN ------- FACULTE de MEDECINE

19

IV. Principes fondamentaux de la simulation

A. Les différents niveaux de simulation

La réalité est une affaire de perception. La fidélité varie selon la crédibilité de la

perception de la situation et de l’environnement. Un principe fondamental de la simulation est

que l’apprentissage est renforcé lorsque l’ensemble situation-environnement semble réel.

La simulation est couramment classée en basse ou haute fidélité. La basse fidélité ne

donne pas l’illusion d’une situation réelle. Le but de la basse fidélité n’est pas un rendu le plus

réaliste possible, mais l’acquisition d’une compétence. Cette compétence est d’ordre

technique ou cognitive mais jamais les deux en même temps. L’outil de simulation permet la

répétition du geste ou de la procédure à loisir et sans limite jusqu’à maîtriser la compétence de

manière satisfaisante. Ce sont, classiquement, les « task trainers » et les simulations

informatisées. La haute fidélité vise à rendre l’ensemble le plus crédible possible afin de créer

une immersion de l’étudiant dans une situation clinique complète qui fait appel aussi bien à

des compétences techniques, non techniques, que cognitives. Outre l’évaluation des

connaissances, des compétences, les performances peuvent également être évaluées. La haute

fidélité permet le déroulement d’une situation perçue comme plausible dans un

environnement perçu comme réaliste. L’étudiant s’exerce dans des conditions proches du réel

sans aucun risque. Ce sont les mannequins de simulations pilotés par informatique, associés

ou non à un environnement réaliste.

B. Les différents types de simulation

Deux types de simulations se distinguent : la simulation sur simulateur et la simulation

avec patients standardisés. La simulation sur simulateur est le sujet que nous développerons

essentiellement par la suite. L’utilisation de patients standardisés a débuté en 1963 à

l’Université de Californie du Sud pour la formation des neurologues. Le principe s’est

répandu et généralisé, même s’il a peu évolué depuis sa conception. Il s’agit d’acteurs jouant

le rôle de patients. Ce type de simulation cible essentiellement les connaissances théoriques et

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les compétences diagnostiques des étudiants. Ce procédé est actuellement utilisé pour la

validation de fin de cursus au Canada et aux USA.

C. Les différents types de simulateurs

Il existe différents types de simulateurs qui présentent chacun des avantages et des

inconvénients propres ainsi que des objectifs pédagogiques différents (5, 8). Il est distingué

des « task trainers », des programmes informatiques de simulations, des simulateurs haute-

fidélité et, à part et à venir, la réalité virtuelle.

Les « task trainers » ciblent leurs actions pédagogiques sur une compétence

particulière et non sur une situation ou un raisonnement. De fidélité et de qualité variable, ils

permettent de s’assurer de la maîtrise d’un geste ou d’un niveau de compétence par l’étudiant.

Ils doivent être les plus fidèles anatomiquement, robustes et présenter un réel intérêt médical.

Il peut s’agir de bras de perfusion, de torses pour la pose de cathéters centraux ou de drains

thoraciques, de cous de cricothyroïdotomie, de têtes d’intubation isolées, etc… (Figure 11).

Figure 11. Les "Task Trainers", outils d'entraînement (de gauche à droite et de haute en bas): tors pour pose de voies veineuses centrales, cous de cricotyroïdotomie, jambe pour perfusion intra-osseuse, bras pour perfusion veineuse, torse pour exsuflation et drainage de pneumothorax.

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Les programmes informatiques de simulations (CPS « Computer Patient Simulator »)

sont basés sur des modèles physiologiques et pharmacologiques (Figure 12). Le degré de

concordance avec la réalité peut être élevé dans les conséquences survenant en réaction aux

décisions et aux « gestes » virtuels entrepris par l’étudiant. Ils sont dans ce sens à même d’être

très fidèles à la réalité mais ne créent pas de rendus autres que ceux affichés sur l’écran

d’ordinateur. Leur but est de mettre en scène sur écran une situation virtuelle qui a toutes les

caractéristiques du réel mais ne recrée évidemment pas physiquement une situation réaliste.

Ils permettent une progression individuelle. Ils ciblent principalement la formation et

l’évaluation de connaissances et de compétences au diagnostic et à la prise de décision.

Figure 12. MicroSim, logiciel informatique de simulation sur ordinateur (CPS "Computer Patient Simulator").

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Les simulateurs haute-fidélité sont les mannequins corps entiers pilotés par

informatique (Figure 13). Le réalisme physique du mannequin et de ses réactions est poussé

au maximum par le biais de l’informatique afin que les interactions « patient »-étudiant soient

les plus plausibles possibles. Le succès de la haute-fidélité de la simulation est en partie

extérieur au mannequin lui-même. L’environnement et le matériel utilisé jouent un rôle dans

le réalisme de la simulation. Les cibles pédagogiques sont plus complexes et couvrent

indépendamment ou simultanément des connaissances, des compétences techniques et non

techniques ainsi que des performances. Le débriefing, souvent accompagné de vidéo,

potentialise le bénéfice de l’enseignement.

Figure 13. Mannequin de simulation haute-fidélité, le SimMan.

La réalité virtuelle est un futur possible et plausible pour la simulation. Le concept de

réalité virtuelle est basé sur la projection d’images, de sons, de vibrations, d’odeurs et de

vents afin de créer une immersion la plus complète. Les progrès en informatique et dans le

domaine de l’image des jeux vidéo laissent présager que la simulation bénéficiera dans les

années à venir de la technologie « réalité virtuelle ». Depuis le début des années 2000 des

mondes virtuels, des réseaux, avec plusieurs millions de participants se sont créés. En 2007 la

simulation médicale est apparue dans un de ces mondes virtuels sous la forme de la

communauté « Ann Myers Medical Center ». La technologie des jeux vidéo, extrêmement

porteuse économiquement, a développé des télécommandes de plus en plus élaborées pour un

coût relativement faible. Des projets d’applications de ces télécommandes, couplées aux

mondes virtuels sont en cours d’élaboration, ouvrant des perspectives prometteuses pour la

simulation médicale (5).

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Dans des spécialités chirurgicales, des simulateurs à mi-chemin entre les « task

trainers » et les programmes informatiques de simulations ont vu le jour. Mixte entre

l’informatique qui rend le visuel au moyen d’un écran et entre les « faux » instruments

chirurgicaux qui pilotent le logiciel de simulation. Il s’agit de simulateurs de cœlioscopie, de

chirurgie ophtalmologique, de vidéo-arthroscopie, de radiologie interventionnelle, etc…

Ces différents types de simulateurs n’ont donc clairement pas les mêmes cibles

pédagogiques. Ils forment et évaluent des compétences différentes.

D. Concept des trois dimensions de fidélité de la s imulation haute-fidélité

Le concept de fidélité de la simulation est classiquement défini comme le degré de

reproduction de la réalité par le simulateur. C’est sur ce concept que s’élabore la distinction

entre basse et haute fidélité, selon la crédibilité rendue par le simulateur. Il serait erroné d’en

conclure que la fidélité de la simulation est unidimensionnelle. Des différentes tentatives

d’analyse de ce concept réalisées au cours des vingt dernières années, celle proposée par

Rehmann et ses collègues apparaît comme l’une des plus intéressantes car élaborée selon le

point de vue de l’enseignant (9). Cette analyse propose trois dimensions de fidélité de la

simulation : la fidélité du matériel, la fidélité de l’environnement et la fidélité psychologique.

La première dimension, la fidélité du matériel est déterminée par le degré de réalisme

du simulateur en lui-même. Plus le mannequin rend crédible l’examen clinique, plus

l’immersion sera réussie et plus l’étudiant sera à même de se projeter dans la simulation. La

seconde dimension de fidélité, la fidélité de l’environnement est liée à la mise en scène et au

matériel médical utilisé pour la simulation. Plus le décor est réaliste, plus la plausibilité de la

situation est grande. Les informations visuelles, et sensorielles reçues de l’environnement

créent le degré de réalisme environnemental. Utiliser pour la simulation le même matériel, les

mêmes ventilateurs qu’au quotidien conduit à accroître la crédibilité de la simulation. Enfin la

troisième dimension de fidélité, la fidélité psychologique est le niveau d’adhésion de

l’étudiant à la situation mise en scène : a quel point il juge que la compétence requise par la

simulation correspond réellement à la compétence qu’il cherche à acquérir et qu’elle est

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similaire à celle de la pratique clinique quotidienne. Bien évidemment les 3 dimensions de

fidélité sont étroitement liées et intriquées les unes dans les autres. Toutefois la dimension

psychologique est généralement retenue comme prépondérante : plus la compétence

enseignée semble crédible par rapport au monde réel, plus l’impact pédagogique est fort. La

fidélité psychologique est maximisée par l’élaboration de scenarii plausibles, correspondant à

des situations rencontrées dans le monde réel. A l’inverse, des scenarii pauvres ou mal

construits altèrent l’adhésion psychologique et diminuent la crédibilité de la simulation par

une baisse de la fidélité psychologique.

Beaubien poursuit l’analyse en argumentant que le maximum de fidélité n’est pas

toujours souhaitable, mais qu’il faut régler le degré de fidélité globale, en modulant les

différentes dimensions qui la composent selon l’objectif pédagogique fixé. Pour une

formation optimale, il convient de cibler son objectif pédagogique et de choisir dans le panel

d’outils de simulation celui le plus à même d’être le plus adapté et le plus performant

pédagogiquement. Il n’y a jamais eu de preuve que le plus haut degré de fidélité de simulation

soit lié à une meilleure performance d’apprentissage ou d’entraînement. La simulation haute-

fidélité permet d’accroitre le réalisme de scénarii correctement élaborés, mais ne compense

pas les faiblesses de ceux mal conçus. Il est donc essentiel dans la construction d’un cursus de

formation de faire coïncider le degré de fidélité aux objectifs et au contenu, et non pas

l’inverse.

E. Les intervenants de la simulation haute-fidélité

Le déroulement d’une simulation fait intervenir différents protagonistes : l’instructeur

ou « team leader », les participants et les acteurs (8).

L’instructeur organise la session de simulation. Il en définit les objectifs pédagogiques,

l’environnement, le nombre de participants, et le degré de fidélité. Il agit comme un

réalisateur de cinéma, à ceci prêt que la trame du scénario n’est pas linéaire et qu’elle peut

évoluer au cours de la simulation selon les actions et les décisions prisent par les participants.

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L’instructeur est extérieur à la simulation, il n’y participe pas, il la supervise. Il est de la

responsabilité de l’instructeur de (8) :

• Répartir les rôles entre les participants,

• S’assurer que les participants retirent tous un bénéfice pédagogique de la session,

• Diriger la simulation depuis la régie, c’est-à-dire piloter ou déléguer à un opérateur le

pilotage du mannequin via un ordinateur,

• Gérer en temps réel les problèmes intercurrents ou les évolutions imprévues de la

simulation.

• Maîtriser les aspects techniques mais également médicaux, physiologiques et

pharmacologiques de la simulation en cours,

• Etre un bon communicant.

• Assurer le débriefing de la simulation.

L’instructeur n’est pas obligatoirement l’opérateur qui pilote le mannequin via un

ordinateur. L’instructeur doit assurer une session de simulation la plus fluide et la plus

pédagogiquement efficace possible. Il guide les participants dans leurs parcours

d’apprentissage ou d’entraînement. L’opérateur – qui peut être l’instructeur – assure les

aspects techniques de la session de simulation (pilotage, communication, enregistrements

vidéo). C’est l’opérateur qui permet le déroulement en temps réel de la simulation.

Les participants sont tous les individus suivant la session ou le cursus de simulation.

Le degré de participation peut varier en fonction des rôles attribués par l’instructeur, mais tous

doivent pouvoir trouver un intérêt pédagogique à la session. Une répartition peut être

envisagée ainsi (10) :

• Un « premier rôle » correspondant à la personne qui va gérer la situation clinique

proposée, qui va organiser le travail de l’équipe. Il s’agit le plus souvent d’un

médecin.

• Un ou des « second(s) rôle(s) » tenu(s) par les personnes qui travaillent régulièrement

en équipe avec le premier rôle ou par des personnes pouvant à leur tour être premier

rôle.

• Un ou des observateur(s), extérieur(s) à la simulation, classiquement positionnés en

régie, qui suivent le déroulement du scénario sans être partie prenante.

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L’expérience révèle que la plupart des participants sont intimidés et craignent la

critique, le jugement et l’évaluation de l’instructeur ou des autres participants. Il est essentiel

de dissiper cette crainte en définissant très précocement et clairement les objectifs et le

processus de la simulation. Les participants doivent être traités avec respect et avoir

l’opportunité de se familiariser avec l’équipement de la simulation (mannequin et ses

possibilités ainsi que le matériel médical) avant de débuter la simulation. C’est également un

bon moyen pour mettre à l’aise les participants. Une fois familiarisé avec le mannequin, le

matériel et l’environnement, les craintes disparaissent.

Les acteurs sont d’origine variée suivant les possibilités des centres de simulation :

étudiants, volontaires, personnel médical ou paramédical, retraités du personnel ou

participants. Les acteurs doivent être crédibles dans leurs rôles, pour cela ils doivent avoir un

minimum de connaissances médicales et de la fonction qu’ils vont jouer. La qualité de leurs

performances joue une part essentielle dans le réalisme de la simulation. Ils doivent pouvoir

réagir selon la situation de manière appropriée sans pour autant trop influer sur les

participants. Dans le même temps, ils ne sont pas que des figurants et leurs interactions

peuvent être prévues ou permettre de faire évoluer le scénario suivant les consignes du « team

leader ». Les relations inter individus ont un impact important dans la vie réelle. Avoir la

possibilité de les recréer grâce aux acteurs accroît la plausibilité de la situation et ajoute la

possibilité d’évaluer ces relations ; chose qui n’est réalisable par aucun autre procédé.

F. Théorie des 11 dimensions de la simulation

Le champ d’usage de la simulation est très étendu. Gaba en 2004, propose donc une

catégorisation de la simulation en 11 dimensions qui représentent les différentes composantes

de la simulation (11). Chacune de ces composantes, combinée avec les autres, crée une

situation de simulation unique avec ses avantages et ses inconvénients. Pour chaque

composante, 5 items sont identifiés. L’ensemble des combinaisons possibles est de 511, soit

plus de 48 millions de possibilités. Il est évident que dans ces combinaisons, nombre sont

redondantes ou sans intérêt. Il n’en reste pas moins que cela laisse entrevoir le vaste champ

des possibles pour l’avenir de la simulation.

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1ère dimension : Les buts et objectifs de la simulation

Les items sont : l’enseignement, l’entraînement, la validation des performances, la

répétition clinique et la recherche (essentiellement sur les facteurs humains).

L’application la plus logique de la simulation est l’amélioration de l’enseignement et

de l’entraînement des acteurs de santé (essentiellement les médecins). Toutefois d’autres

possibilités apparaissent pertinentes. L’enseignement cible les connaissances et les

compétences élémentaires. L’entraînement permet la reproduction de situations du travail

quotidien. La validation des performances s’intéresse à la mise en pratique des connaissances

et des compétences des individus et des équipes, dans des procédures complexes ou à risques.

La répétition clinique, en cours de développement, évalue la prise en charge d’un patient réel,

complexe, qui peut poser problème, puis le scénarise afin de répéter la procédure prévue pour

pouvoir anticiper les problèmes potentiels pouvant survenir dans la réalité. Enfin la recherche

permet d’étudier des éléments que l’on sait exister mais que l’on peut difficilement observer

dans la vie réelle : les comportements, la gestion d’équipe et de situations de crises.

2ème dimension : personne(s) participant(s) à la simulation

Les items sont : un individu, une équipe d’une spécialité, une équipe

multidisciplinaire, un service, une structure.

L’enseignement ou l’entraînement à des connaissances et à des compétences

élémentaires peuvent se faire à l’échelle d’un individu, pour autant d’autres compétences plus

élaborées nécessitent que l’exercice de la simulation se fasse en équipe. Certaines

compétences propres au fonctionnement d’équipe ne sont accessibles que ce soit pour

l’enseignement, l’entraînement ou leur étude qu’au moyen de la simulation. Il s’agit du

comportement en équipe, de la capacité à diriger une équipe, à organiser un travail d’équipe

pouvant être multidisciplinaire, à gérer des ressources, à gérer des situations de crises.

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3ème dimension : le degré d’expérience des participants

Les items sont : écoliers, collégiens et lycéens, formation professionnelle initiale,

juniors (étudiants hospitaliers ou internes), séniors (formation continue).

Les objectifs de la simulation sont évidemment adaptés au public auquel elle

s’adresse. Jusqu’alors ce sont principalement les juniors (étudiants hospitaliers ou internes)

qui ont été concernés par la simulation. L’évolution va de toute évidence se faire vers les

séniors, ne serait-ce qu’en raison de l’augmentation du nombre de séniors ayant connu et

apprécié la simulation comme juniors ; les plus jeunes bénéficiant de la simulation comme un

outil didactique de sensibilisation voire de recrutement.

4ème dimension : le domaine médical auquel s’applique la simulation

Les items sont : imagerie, soins de base, spécialités médicales, spécialités pratiquant

des gestes techniques (chirurgies, gynécologie-obstétrique,…), spécialités à haut risques

(anesthésie, réanimation, médecine d’urgence).

Même si l’imagerie peut se prêter à la simulation, c’est plutôt en utilisant des images

d’archives que s’exercent les imageurs. Dès lors que l’imagerie débouche sur des procédures

interventionnelles, le bénéfice de la simulation devient plus évident. Les autres domaines

médicaux tirent avantage de la simulation par la possibilité de s’exercer à des compétences

aussi bien techniques que non techniques (travail en équipe, communication, éthique, etc…).

5ème dimension : fonction des participants à la simulation

Les items sont : personnels administratifs, aides-soignants et techniciens, infirmières

(toutes spécialités), médecins, manager et administrateurs, autorités de tutelle et législateur.

La simulation ne s’adresse pas seulement aux médecins, mais également à l’ensemble

des acteurs du système de santé, aussi bien les auxiliaires de soins qui participent au quotidien

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à l’activité auprès des patients, que les personnes qui organisent et structurent le système de

soin.

6ème dimension : le type de connaissances, de compétences, de comportements concernés

par la simulation

Les items sont : compréhension de concept (connaissances), capacités techniques

(compétences), capacités de prise de décisions (métacognition statique et dynamique),

attitudes et comportements (travail d’équipe et professionnalisme).

La simulation permet un apprentissage plus dynamique et plus vivant des

connaissances. Les concepts fondamentaux jusqu’alors livresques prennent vie. Puis viennent

la découverte et la maîtrise de compétences qui découlent des connaissances. D’abord des

compétences élémentaires, puis par assemblage de ces compétences élémentaires, des

compétences plus complexes approchant la pratique clinique. La simulation offre la

possibilité aux étudiants de s’exercer afin de maîtriser leurs compétences avant de commencer

leur apprentissage sur de vrais patients. Mais la simulation peut également servir à la

réactualisation de compétences de personnels titulaires pour des procédures rarement

appliquées et plus ou moins complexes. Les connaissances et les compétences individuelles

doivent une fois maîtrisées pouvoir être intégrées dans la pratique quotidienne, c’est-à-dire

dans le fonctionnement d’une équipe, d’un service ou d’une structure. La simulation

intervient là encore.

7ème dimension : l’âge du patient simulé

Les items sont : néonatalogie, enfants, adolescents, adultes, personnes âgées.

La simulation s’est initialement focalisée sur des mannequins taille adulte. Pour autant

il est évident que tous les âges de la vie sont concernés par la simulation. Le domaine

pédiatrique est particulièrement prometteur du fait de la fragilité physiologique des enfants et

des réticences sociales à la pratique de soins par des novices sur des non adultes.

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8ème dimension : le type de simulation utilisée

Les items sont : jeux de rôle, patients standardisés (acteurs), « task trainer », programmes

informatiques de simulations (CPS « Computer Patient Simulator »), mannequins haute-

fidélité.

Le type de simulation utilisé est adapté au type de participants et aux objectifs

pédagogiques.

9ème dimension : le lieu de la simulation

Les items sont : à domicile (simulation informatique exclusivement), à l’école ou à la

bibliothèque (simulation informatique exclusivement), dans un laboratoire dédié, dans un

environnement reconstitué similaire à la pratique clinique, in situ (simulation mobile).

La simulation in situ assure la possibilité d’utiliser le matériel du quotidien, avec le

personnel et les équipes en activité dans un environnement réel en appliquant des procédures

réelles. L’inconvénient est que cette pratique peut distraire de la prise en charge des vrais

patients ou inversement interrompre ou perturber la simulation par la nécessité de s’occuper

des vrais patients. C’est pourquoi, malgré les imperfections plus ou moins importantes du

réalisme de l’environnement, la simulation en laboratoire dédié permet d’avoir des

participants focalisés sur la simulation sans risque d’être distrait par l’activité clinique réelle.

10ème dimension : le degré d’implication dans la simulation

Les items sont : observation seule, observation avec interaction verbale, observation

avec interaction physique, simulation, simulation avec immersion complète.

L’observation est hautement instructive. Des participants suivant le déroulement d’une

simulation haute-fidélité depuis la régie, se projettent à la place des participants en cours de

simulation et tirent un bénéfice de cette expérience différent des autres mais non nul. De

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même lors du débriefing de simulation, il n’est pas nécessaire que les étudiants y aient été

impliqués pour que cela présente un intérêt pédagogique.

11ème dimension : le type de retour d’expérience accompagnant la simulation

Les items sont : aucun retour d’expérience, critique automatique informatisée, critique

de vidéos de simulations précédentes, critique en temps réel, débriefing (individuel ou en

groupe) post-simulation basé sur l’enregistrement de la simulation.

Tout autant que dans la vie réelle, il est possible d’apprendre de l’expérience générée

par la simulation. Dès lors que la simulation devient plus complexe et plus élaborée, la

réalisation d’un retour d’expérience potentialise et augmente le bénéfice pédagogique de la

simulation.

G. Description d’un centre de simulation

Il est exceptionnel que la création d’un centre bénéficie de la construction de locaux

neufs dédiés. Kyle et Murray proposent des plans de différents centres de tailles variées. Il

reste essentiel d’avoir à l’esprit que la meilleure conception de centre est celle adaptée aux

objectifs pédagogiques et au public cible. La surface disponible pour le centre dépend du

budget alloué, de la volonté politique et institutionnelle et des possibilités physiques en termes

de locaux. La situation géographique du centre est primordiale. Il doit être à proximité des

lieux où sont le plus souvent étudiants et instructeurs. Dans le cas contraire, le centre risque

d’être sous-utilisé et l’intérêt de la simulation compromis. L’emplacement et le design même

du centre sont fonction des spécialités amenées à l’utiliser. Des concessions sur le réalisme de

l’environnement doivent être envisagées car il est rarement possible d’avoir une salle dédiée à

chaque type d’environnement. Certaines équipes ont pris le parti ou se sont retrouvées dans

l’obligation d’avoir seulement des locaux de stockage et de faire de la simulation in situ (dans

des lieux de soins). Cela permet de recréer des situations qui ne peuvent pas l’être en

laboratoire telle la cellule d’une ambulance ou d’un hélicoptère. Cette démarche, même si elle

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favorise le réalisme de la simulation est relativement contraignante et consommatrice en

temps de mise en place ce qui rend la simulation moins accessible.

La description suivante concerne un modèle idéal de centre de simulation. Quatre

principaux espaces sont nécessaires : un espace de simulation, une régie, une salle de

conférence et une salle de stockage. L’espace de simulation comprend la salle de simulation

haute-fidélité et une ou des salles pour l’enseignement de connaissances ou de compétences

sur ordinateur (CPS), ou de compétences isolées sur « task-trainers » (bras de perfusion, de

torses pour la pose de cathéters centraux ou de drains thoraciques, de cou de

cricothyroïdotomie, de têtes d’intubation isolées, etc…). La régie est adjacente à la salle de

simulation haute-fidélité. De la régie une vitre sans tain donne une vue d’ensemble sur la salle

de simulation. C’est de la régie que le mannequin est piloté via un ordinateur et que la session

de simulation est enregistrée sur vidéo via des caméras placées dans la salle de simulation en

vue du débriefing. En dépit de l’avènement de la technologie sans-fil, de nombreux câbles

sont encore nécessaires entre la régie et la salle de simulation. L’enregistrement audio-vidéo

de la session permet sa diffusion en salle de conférence en direct pour permettre à d’autres

participants de bénéficier de la session ou en différé pour réaliser le débriefing post-

simulation. Enfin, il ne faut pas négliger le besoin de stockage de matériel, qu’il s’agisse

d’éléments de décors visant à accroître le réalisme de l’environnement, de fournitures

médicales pour la réalisation d’exercices ou de pièces détachées pour l’entretien du matériel

de simulation.

Dans bon nombre de cas le centre de simulation doit prouver – et c’est compréhensible

– son utilité et sa réelle utilisation au(x) bailleur(s) de fonds avant de pouvoir espérer un

budget conséquent lui permettant d’assurer un développement plus poussé tant en terme de

matériel que de locaux.

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H. Description d’un espace de simulation haute-fidé lité

L’espace de simulation haute-fidélité est dédié à la simulation sur mannequin haute-

fidélité piloté par ordinateur. Cet espace est composé de la salle de simulation haute-fidélité et

de la régie qui lui est liée. La salle de simulation haute-fidélité doit être modulable de façon à

pouvoir recréer un maximum d’environnements les plus crédibles possibles : bloc opératoire,

box de soins intensifs et de réanimation, salle de déchocage, service d’urgences, services

standards et pré-hospitalier. De cette modularité ne dépend pas le seul réalisme du scénario

mais également le panel de cursus pouvant être proposés à l’enseignement et à l’entraînement.

Elément central de la salle de simulation haute-fidélité, le simulateur en lui-même. C’est

autour de lui qu’est construite la salle (Figure 14). Disposé sur un lit, un brancard ou une table

d’opération suivant le scénario ; il a, à sa tête, des arrivées de fluides médicaux et de vide

pour les scénarii se déroulant à l’hôpital. A ses côtés sont disposés le moniteur qui le scope et

retransmet les données pilotées depuis la régie, le ventilateur d’anesthésie ou de réanimation,

un défibrillateur et un chariot de soins contenant les drogues, médicaments, solutés, dispositifs

de contrôle des voies aériennes, et autres. Des caméras ainsi que des micros sont disposés

stratégiquement dans la salle afin de couvrir les différents angles de vues et pouvoir saisir les

actions et comportements des participants donnant ainsi accès pour le débriefing à une vision

globale du déroulement de la simulation. La salle de simulation haute-fidélité doit être bien

isolée sur le plan acoustique afin que les bruits environnants ne viennent pas perturber les

participants. Elle est séparée de la régie par une vitre sans tain permettant une vision directe

de l’opérateur et de l’instructeur sur l’action en cours en salle. Cet accès visuel direct

complète l’enregistrement audio-vidéo en temps réel. C’est en régie qu’est placé l’ordinateur

pilotant le simulateur et l’ensemble du système audio-vidéo d’enregistrement et de diffusion

pour le débriefing ou la transmission en direct en salle de conférence. Depuis la régie,

l’instructeur peut guider les acteurs grâce à des écouteurs individuels.

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Figure 14. L'environnement au sein du laboratoire de simulation haute-fidélité est recréé le plus réaliste possible. Ici deux exemples de laboratoires mettant en scène un bloc opératoire.

Le design de la salle de simulation haute-fidélité doit tenir compte de tous ces

éléments pour être d’emblée pensé de la façon la plus ergonomique possible pour les

participants mais aussi pour les instructeurs, afin que l’acquisition audio-vidéo puisse être de

bonne qualité et permette un débriefing pertinent, élément pédagogique primordial pour un

bon retour d’expérience.

I. Le scénario : de la conception au débriefing

1. Conception du scénario

Il existe plusieurs façons de concevoir un scénario (8). Cela varie selon les objectifs

pédagogiques et la fidélité souhaitée. La conception la plus élaborée est celle d’un scénario

complet pour une simulation haute-fidélité. Une fois le principe acquis il est facile d’en

déduire la construction de scénarii plus simples ayant pour but la formation à des

compétences de bases. La difficulté lors de l’écriture du scénario vient du fait que,

contrairement à un film, la scène qui va se jouer n’est pas écrite dans les moindres détails.

Acteurs, opérateurs et instructeurs en connaissent les grandes lignes alors que les premiers et

seconds rôles connaissent juste le thème. Pourtant c’est bien eux qui vont faire évoluer la

situation par leurs actions ou leurs non actions. La fonction de l’instructeur est donc de guider

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opérateur et acteurs afin que l’ensemble reste cohérent et amène les participants vers l’objectif

pédagogique.

La première étape est l’identification des caractéristiques de la simulation. Pour cela il

faut déterminer le thème, les participants (leur catégorie, leur nombre, s’il s’agit d’individus

ou d’équipes), le niveau de difficulté et les objectifs pédagogiques. Les objectifs doivent être

clairs et limités et peuvent comprendre aussi bien des succès que des échecs. L’apprentissage

pouvant également se faire par l’erreur.

La seconde étape est la détermination des éléments créant le réalisme : acteurs et

environnement. C’est là qu’est choisi le nombre d’acteurs et d’opérateurs. Pour de la

simulation haute-fidélité un opérateur en plus de l’instructeur est idéal mais non

indispensable. Les éléments de l’environnement choisi sont sélectionnés afin d’être mis en

scène : matériels adaptés à la situation et tout ce qui peut amener à créer le réel tel que le

ventilateur, les cahiers de consultations ou d’observations médicales, les radiographies et

autres.

La troisième étape est la programmation du scénario. Les caractéristiques

physiologiques initiales du patient prévues par le scénario sont entrées dans l’ordinateur.

L’ensemble du scénario peut-être programmé afin de se dérouler automatiquement avec des

réactions du « patient » survenant en fonction des actions ou non action attendues des

participants. C’est le mode dit « programmé ». En mode programmé l’opérateur garde quand

même la main sur le mannequin et conserve la possibilité si un imprévu l’exige de piloter le

mannequin en direct. Ce mode a l’avantage, lorsque le scénario est rodé, d’être d’une part

reproductible mais également robuste et de permettre à l’instructeur s’il est également

l’opérateur de concentrer l’essentiel de son attention sur l’observation de la simulation. Son

principal inconvénient est qu’il demande un temps de préparation non négligeable car il

nécessite une programmation complète et des tests de validité avant de pouvoir être jugé

fiable et robuste. Quelques automatismes seuls peuvent être programmés en plus de l’état de

base du « patient » et l’opérateur pilote les réactions du mannequin via l’ordinateur selon les

directives de l’instructeur qui fait évoluer la situation en fonction de ce qu’il observe. C’est le

mode dit « vol à vue » (« On the fly »). Les avantages du « vol à vue » sont sa facilité

d’utilisation, un faible temps de préparation et une adaptabilité maximale. Ses inconvénients

sont la nécessité de bien maîtriser le simulateur, le risque important d’incohérences cliniques

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liées à un manque d’anticipation pouvant altérer le réalisme de l’ensemble, la mobilisation de

la concentration de l’instructeur sur le pilotage du simulateur, s’il est l’opérateur, aux dépens

de l’observation et de l’enregistrement de la simulation. Quel que soit le mode de pilotage il

est nécessaire que l’opérateur ait avec lui une feuille de route du scénario rappelant les

objectifs et les points clés attendus lors de la simulation.

La quatrième étape est la construction de la grille d’évaluation. Il s’agit d’établir une

grille d’évaluation en fonction des objectifs pédagogiques ciblés et de l’expérience des

participants. Cette grille peut contenir des items principaux, secondaires et parfois des items

obligatoires. Les items obligatoires correspondent aux actions ou décisions incontournables,

qui, omises, ont des conséquences négatives sur la prise en charge du patient.

La cinquième étape est l’intégration du scénario dans un cursus. Il est nécessaire que la

session de simulation vienne s’articuler avec une part d’enseignement théorique. La session

de simulation complète et potentialise la portée pédagogique d’un cursus. Il convient donc de

déterminer à quel moment du cursus aura lieu la simulation. Selon les objectifs pédagogiques,

un bref rappel de connaissances peut avoir lieu en début, au cours ou en fin de simulation.

C’est également lors de cette étape que sont listées pour être transmises les références ayant

servi à l’élaboration du scénario.

La sixième étape est le test du scénario. Avant d’être utilisé régulièrement, le scénario

doit être testé afin de s’assurer que les objectifs pédagogiques sont bien tous atteints, que la

grille de validation est adaptée et opérationnelle, que la programmation ne contient pas de

bug, qu’en pratique les actions et réactions des participants sont celles attendues. Ce n’est

qu’une fois cette phase de test accomplie que le scénario peut-être intégré dans un cursus.

2. Déroulement d’un scénario

Avant le début de la simulation, deux briefings sont réalisés. Un premier pour les

acteurs pour leur présenter le scénario, le niveau de réalisme prévu, ce qui est attendu des

participants et d’eux-mêmes. Au cours de ce briefing la feuille de route du scénario est

Page 37: UNIVERSITE de CAEN ------- FACULTE de MEDECINE

37

donnée aux acteurs afin qu’ils sachent ce qui va se passer au cours de la simulation. Des

informations complémentaires sur leurs rôles précis, le caractère de leurs personnages, ce

qu’ils peuvent faire ou dire et sur ce qu’ils ne peuvent pas, leur sont transmises à cette

occasion. Le second briefing s’adresse aux participants. C’est à ce moment qu’a lieu la

présentation du simulateur et de ses possibilités, la description du début du scénario et des

différents intervenants (acteurs), et la distribution des rôles. C’est l’occasion de rappeler les

principes et les objectifs de la simulation, et s’il s’agit d’un cursus de formation ou d’une

évaluation. Bien préciser si la simulation se déroule en continu sans rupture de la réalité

virtuelle avec un débriefing en fin de session uniquement ou si la simulation est discontinue

avec des interventions de l’instructeur si nécessaire et la possibilité de poser des questions

avant la fin de la session. Dans le premier cas, il faut préciser aux participants qu’en entrant

dans la salle de simulation ils pénètrent dans un monde qui sera jugé comme réel jusqu’à ce

que la fin du scénario soit annoncée. Au besoin, il revient aux acteurs d’intervenir pour

rappeler aux participants que la situation est « réelle » : « Adressez-vous au patient, il est là.

Docteur, vous êtes à l’hôpital XXX, je ne comprends pas ce que vous me dites. C’est vous le

docteur, vous devez savoir ce que vous avez à faire. ». Les briefings sont plus cours lorsque

les participants et les acteurs ont déjà pratiqué des exercices de simulation.

Après un ultime contrôle du bon fonctionnement du mannequin, du système audio-

vidéo et des moyens de communication, débute alors la simulation proprement dite. L’état

clinique initial du « mannequin-patient » en position d’attente est dégelé et la simulation

commence. Les participants prennent position selon la répartition des rôles et agissent en

fonction de ce qu’ils observent et de ce qu’ils pensent nécessaire de faire au vu de leurs

connaissances et compétences. Les acteurs suivent le rôle qui leur a été attribué. Ils peuvent

être aidés et guidés par l’instructeur qui peut communiquer avec eux au moyen d’oreillettes

individuelles. Cette communication instructeur-acteur procure une capacité d’adaptation selon

la vue d’ensemble de l’instructeur qui fluidifie et rend plus réaliste la simulation. L’opérateur

en régie pilote le mannequin via un ordinateur soit en « vol à vue » soit en supervision du

programme initié. L’opérateur s’il n’est pas l’instructeur doit avoir également une feuille de

route du scénario pour pouvoir suivre sa progression et les points clés qu’il comporte, pour au

besoin intervenir à la demande de l’instructeur. A partir d’un scénario relativement ouvert,

l’évolution peut être très variée d’un participant à un autre et il importe de garder en mémoire

les objectifs pédagogiques de la session.

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38

3. Débriefing post-scénario

Le débriefing fait partie intégrante de la technique pédagogique « simulation » (8). Le

processus de débriefing est fréquemment sous-évalué en tant qu’outil pédagogique. Il est

souvent pensé, à tort, que la seule partie simulation de la session concentre l’ensemble des

enseignements de la session. Le débriefing est un processus important qui ne peut être

dissocié du scénario qu’il conclut (12). Ce procédé permet aux participants de mesurer et

d’évaluer leurs connaissances, leurs compétences et leurs performances d’une manière unique

et innovante. Ces évaluations ne sont pas réalisables autrement. Les participants peuvent ainsi

s’auto-analyser en situation et débattre entre eux. Ceci, rarement, voire jamais fait en pratique

clinique est rendu possible par la simulation. Les qualités de communication de l’instructeur

sont essentielles pour mener à bien un débriefing bien perçu, ayant un impact positif et

pédagogiquement pertinent. L’instructeur identifie au cours de la simulation les éléments et

événements ayant une valeur pédagogique en lien avec les objectifs du cursus. C’est lors du

débriefing que l’instructeur peut glisser des objectifs pédagogiques abordés vers des

connaissances, des compétences et des concepts ciblés dans le cursus. Le débriefing peut être

aidé par le visionnage de l’enregistrement vidéo réalisé au cours de la simulation. Son

introduction doit se faire de manière adaptée et toujours présentée dans un but éducatif et non

critique. C’est le rôle de l’instructeur au cours du débriefing de mettre les participants à l’aise

et d’amorcer la discussion. Il emploie de questions ouvertes et neutres initialement du

type : « Comment avez-vous ressenti cela ? Qu’en avez-vous pensé ? » ; puis plus directives

pour orienter le débat : « Que voulez-vous dire ? Pouvez-vous nous expliquez cela ? ». Une

fois la discussion amorcée le débriefing se déroule plus facilement. Plus les participants ont

d’expériences de simulations et de débriefings, plus ils ont confiance dans le processus et plus

la discussion est riche et profitable, car ils ont conscience du bénéfice qu’ils peuvent en

retirer. Il faut toutefois rester vigilant lors du débriefing. Le stress généré par la simulation qui

peut avoir été vécue de façon plus ou moins positive et celui du débriefing qui peut être pris

comme une critique, peut conduire à un sentiment de jugement plus ou moins pesant associé à

un mauvais retour d’expérience. L’auto-analyse et l’analyse en groupe peuvent être

d’excellents processus éducatifs, mais peuvent également être très mal perçues. L’instructeur

doit donc dépister précocement ce risque potentiel et y adapter son débriefing. Cette

technique, bien connue et maîtrisée dans d’autres domaines, est relativement nouvelle en

médecine. Le débriefing est conclu par l’instructeur qui cible les points positifs de la session

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et les objectifs pédagogiques à retravailler. Le débriefing est un art complexe auquel il

convient de se former et de s’exercer.

J. Domaines médicaux d’application de la simulation

Ce sont les anesthésistes-réanimateurs qui, les premiers, ont recours à la simulation sur

simulateur au début des années soixante (13). Dans le même temps les cliniciens (neurologues

en premier) utilisent des patients standardisés pour simuler des interrogatoires et des

diagnostics ; puis des cardiologues développent également un mannequin. Petit à petit presque

tous les domaines médicaux ont développé des simulateurs plus ou moins réalistes ayant de

peu à de nombreuses possibilités. Voici la liste, non exhaustive, des principales spécialités

ayant actuellement couramment recours à la simulation : anesthésie-réanimation, réanimation,

médecine d’urgence, médecine militaire, médecine pré-hospitalière, chirurgies (digestive,

vasculaire, ophtalmologique, neurochirurgie, orthopédie, etc…), pédiatrie, néonatalogie. Les

acteurs de soins non médicaux ont également recours à la simulation : infirmiers et leurs

différentes spécialisations, paramedics anglo-saxons.

C’est toutefois dans les domaines d’activité à haut risques (réanimation, médecine

d’urgence, médecine militaire, médecine pré-hospitalière) qu’est le plus utilisée la simulation

haute-fidélité. Actuellement des centres de simulation tel celui d’Israël, tendent à regrouper

l’ensemble des activités de simulation en une même structure (14). Le bénéfice est double :

d’un point de vue organisationnel cela génère des économies, mais surtout cela permet de

faire de la simulation multidisciplinaire, ce qui apporte un plus évident en termes de

pédagogie et d’efficience. L’avenir de la simulation passera probablement en partie par des

regroupements dans ce type de centres.

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V. Intérêts de la simulation

A. Rationnel de la simulation

1. Concept de la pyramide de Miller

C’est en 1990 lors de la 28ème conférence américaine de Recherche en Enseignement

Médicale (RIME « Research In Medical Education »), que le Docteur Miller propose un

concept avant-gardiste qui reste encore novateur à ce jour, connu sous le nom de « Pyramide

de Miller » (15). Cette pyramide est composée de quatre niveaux superposés. Chaque niveau

représente une évolution dans l’apprentissage. La figure de la pyramide est choisie pour l’idée

que chaque niveau porte et soutient le niveau suivant. Il est donc nécessaire que le niveau

inférieur soit solide pour que le niveau supérieur puisse être élaboré, puis développé. Les

niveaux du bas vers le haut sont : « savoir », « savoir comment faire », « montrer comment

faire » et « faire ».

Le premier niveau : « savoir » correspond à la connaissance théorique. Il s’agit pour le

praticien (junior ou senior) des connaissances dont il a besoin pour mener à bien ses tâches

professionnelles. Selon nombre de personnes, notamment certains enseignants, ce sont ces

seules connaissances qui doivent être appréciées. C’est donc sur celles-ci que se focalise une

grande partie des méthodes d’évaluations pédagogiques. Il n’y a pourtant rien de plus inutile

qu’un homme simplement savant. Même si les tests de connaissances sont importants, ils

donnent une évaluation du praticien incomplète si on juge que l’exercice de la médecine est

plus qu’une somme de connaissances.

Le second niveau : « savoir comment faire » correspond aux compétences. Pour

exercer son métier, le praticien doit être à même d’utiliser ses connaissances acquises et

également de valoriser son savoir en prouvant qu’il sait comment faire. Ce sont les

compétences. Compétences sans lesquelles le praticien ne serait qu’un « idiot savant ». Il

s’agit de prouver ses capacités à recueillir des informations cliniques, des données

d’interrogatoires et d’examens complémentaires pour les analyser et les interpréter afin

d’établir un diagnostic et d’élaborer une stratégie de prise en charge thérapeutique concrète.

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41

C’est également le savoir-faire et la réalisation pratique de gestes techniques. Ce sont ces

aptitudes de jugement, de raisonnement, d’esprit de synthèse et de maîtrise de gestes

techniques, conjuguées avec suffisamment de connaissances qui confèrent aux praticiens leurs

compétences. Ceci n’est que le second niveau de la pyramide de Miller. L’évaluation des

connaissances et des compétences des praticiens ne suffit pas à juger leur comportement en

situation clinique face au patient.

Le troisième niveau : « montrer comment faire » correspond aux performances. C’est

au cours de mises en situations mimant, de façon plus ou moins fidèle, la vie réelle, qu’il est

possible d’avoir une idée plus précise des connaissances du praticien, de la manière dont il les

ordonne et les utilise ; de ses compétences (techniques, non techniques et cognitives) mais

également de ses performances. A savoir comment, concrètement, avec ses possibilités

propres, va-t-il gérer la situation et prendre en charge le patient. L’évaluation des

performances est complexe et comprend, outre les aspects médicaux de diagnostic et de prise

en charge de la pathologie, la gestion de la situation, le management des ressources et de

l’équipe de soins et les facultés de communication. Le moyen idéal d’évaluation des

performances n’existe probablement pas. Pour certains, le plus adapté est l’observation du

comportement du praticien (junior le plus souvent) dans la vie réelle. Le problème de ce type

d’évaluation est son manque de reproductibilité d’un étudiant à l’autre, la difficulté de la

réaliser sur un cas pédagogiquement pertinent, ainsi que l’existence d’une part importante de

subjectivité. La simulation propose une excellente alternative pour l’évaluation des

performances. La simulation permet la répétition à volonté de situations cliniques

standardisées, ayant un intérêt pédagogique choisi et des grilles d’évaluation robustes testées

au préalable.

Le quatrième niveau : « faire » correspond à l’action dans la vie réelle. Ce niveau de

l’apprentissage est le plus dur à évaluer. Il s’agit de la manière dont l’étudiant agit dans la vie

réelle. Est-ce que les performances démontrées se concrétisent dans l’action au quotidien ?

L’ensemble des évaluations faites au préalable, des connaissances, des compétences et même

des performances ne permet pas de juger de façon certaine et fiable comment l’étudiant se

comporte seul en pratique clinique. La simulation apparaît, là encore, comme un bon moyen

d’étudier le comportement du praticien (junior le plus souvent mais aussi senior).

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42

S’il est possible de déduire que la maîtrise des niveaux « performances » ou « action »

implique celle des « connaissances » et « compétences » qui les sous-tendent, il ne peut, à

l’inverse, être supposé que la maîtrise des premiers niveaux d’apprentissage signifie celle des

niveaux supérieurs, plus complexes et plus élaborés. Ce sont les examens institutionnels, qui

par leurs objectifs, conditionnent ce que les étudiants doivent apprendre et savoir. De ce

constat il faut conclure que les méthodes d’enseignements et d’évaluations pédagogiques

doivent cibler le haut de la Pyramide de Miller. Ainsi le système éducatif médical peut espérer

apporter à ses praticiens plus que de simples connaissances, clairement insuffisantes seules

pour une bonne pratique clinique.

Il est possible d’imaginer un cinquième niveau à la Pyramide de Miller qui viendrait se

positionner au dessus du niveau « faire » : le niveau « enseigner » qui correspond à la

transmission. Il représenterait la capacité de transmettre des connaissances, des compétences

et des qualités nécessaires à l’accomplissement des performances, ainsi que la maîtrise de

l’action. Sans doute plus que les niveaux « performance » et « action », le niveau

« transmission » requiert une excellente maîtrise de l’ensemble des niveaux sous-jacents afin

d’appréhender la globalité et tous les aspects du savoir-faire médical au sens large, pour

pouvoir l’enseigner. Un tel niveau supplémentaire achèverait la pyramide de l’apprentissage

conduisant le praticien du stade de novice à celui d’expert, du stade des premiers pas de

l’acquisition du savoir à celui de sa transmission en passant par la maîtrise. Ainsi serait

schématisée l’évolution naturelle d’une carrière satisfaisant le modèle traditionnel du

compagnonnage propre au cursus médical.

La pyramide de Miller illustre bien l’intérêt pédagogique d’un centre de simulation.

Les programmes informatiques de simulations (CPS « Computer Patient Simulator »)

permettent l’apprentissage, l’exercice est l’évaluation des niveaux « connaissance » et

« compétence » d’une manière originale, sûre, reproductible et éprouvée. Les « task trainers »

sont d’excellents outils pour la formation et l’évaluation des compétences. Enfin la simulation

haute-fidélité est la seule technique pédagogique qui puisse permettre de juger des

performances et d’approcher les pratiques d’un praticien dans l’action, dans un

environnement contrôlé, en toute sécurité pour l’ensemble des acteurs, avec les avantages

d’être reproductible, répétable à souhait et complètement programmable selon les objectifs

pédagogiques.

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2. Nouvelles possibilités pédagogiques offertes par la simulation haute-fidélité

Depuis l’avènement, dans les années quatre-vingt-dix, de cursus de formation aboutis

(notamment en anesthésie-réanimation), il s’est avéré que certains des objectifs pédagogiques

ne pouvaient être atteints sans la simulation. Les premiers débriefings vidéo des débuts de la

simulation haute-fidélité mettant en situation des anesthésistes ont mis en lumière l’existence

de lacunes concernant des aspects critiques de prise de décision et de gestion de situations de

crises. Ces lacunes venaient de l’absence d’enseignement de ces compétences lors du cursus

standard de formation. La prise de conscience de l’existence de ces lacunes a débouché sur la

reconnaissance de besoins d’enseignements pour des compétences non ou imparfaitement

approchées par l’enseignement classique. Il est possible d’identifier les principaux domaines

pour lesquels l’enseignement classique est insuffisant et qui pourraient grandement bénéficier

des atouts de la simulation : le management de situation de crise ou ACRM (« Anesthesia

Crisis Resource Management »), les compétences non-techniques (en anesthésie-réanimation)

ou (A)NTS («Anesthesia Non Technical Skills »), l’éthique et l’exercice en conditions

difficiles.

a) Le management de situation de crise ou ACRM

Le management de situation de crise initié par Gaba et ses collègues voit le jour pour

la première fois en 1990 (10, 13). L’élaboration de l’ACRM est basée sur l’entraînement au

travail en équipe pour les spécialités pour lesquelles il est primordial. C’est le cas des

anesthésistes-réanimateurs et par extension des réanimateurs et des urgentistes. L’ACRM peut

également être multidisciplinaire et concerner des équipes d’anesthésistes-réanimateurs et de

différentes spécialités chirurgicales dans le même temps. Le but de l’ACRM est

l’enseignement réfléchi à l’ensemble d’une équipe (coordonnée par un praticien) d’une

pratique raisonnée incluant l’usage de compétences techniques, cognitives et

comportementales, afin de gérer des situations de crises relevant de sa spécialité. Ceci

nécessite :

• De maîtriser les aspects techniques propres aux situations rencontrées.

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• Des compétences générales de prise de décision en temps réel, de gestion de

ressources, de leadership et de travail en équipe adaptées à des situations

potentiellement complexes.

• De savoir travailler efficacement avec des personnes de différentes équipes (de

spécialités identiques ou différentes) ayant un spectre de caractères et de

comportements variés.

• D’être capable d’organiser un débriefing individuel ou de groupe et d’analyser de

façon critique les événements après la survenue d’accidents ou d’événements

indésirables graves, en vue d’en tirer des leçons.

Les points clés de l’ACRM peuvent être résumés ainsi (7) (Tableau I) :

Prise de décision et réflexion Travail d’équipe et gestion des ressources

Connaissance de l’environnement Entraînement au leadership et à la

coordination

Anticipation de la situation Appel à l’aide précoce

Centralisation et contrôle des informations Communication efficace

Prévenir ou gérer les erreurs « fixantes » Répartition de la charge de travail

Utilisation d’algorithmes de raisonnement Gestion optimale des ressources disponibles

Tableau I. Points clés de l’ACRM.

Une approche complémentaire de l’ACRM est l’entraînement combiné des équipes. Il

s’agit d’exercices multidisciplinaires concernant des équipes d’anesthésistes-réanimateurs et

d’une ou plusieurs équipes de différentes spécialités chirurgicales en même temps. Ces

simulations recréent des interactions naturelles entre les équipes qui renforcent la

compréhension des disciplines les unes envers les autres, la communication et la fluidité dans

l’action. L’intérêt est d’autant plus marqué lorsque les différentes équipes sont amenées à

travailler ensemble en situation réelle en tant qu’équipe multidisciplinaire identifiée. Les

objectifs de l’ACRM et de son pendant multidisciplinaire ne sont pas exactement

superposables. Ces deux types de formations sont donc deux techniques complémentaires

pour améliorer la prise de décision, la gestion de crise et le travail en équipe. Idéalement les

praticiens et les équipes doivent participer aux deux.

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b) Les compétences non-techniques (en anesthésie-réanimation) ou (A)NTS («Anesthesia Non Technical Skills)

La prise en charge des patients dans le cadre du bloc opératoire moderne tel qu’il est

actuellement, nécessite pour l’anesthésiste un large éventail de compétences. L’enseignement

classique centre la formation sur les connaissances fondamentales et la maîtrise des gestes

techniques afin d’assurer une efficience pratique des praticiens. Pourtant, une prise en charge

optimale et sécurisée des patients nécessite une stratégie plus globale. Aux compétences

fondamentales (connaissances et techniques) s’ajoutent d’autres compétences pour élaborer

cette stratégie globale de prise en charge du patient. Ces compétences sont : le management

de la situation, le travail en équipe, la maîtrise de la situation, et la prise de décision. Il est

possible de les distinguer en deux catégories : compétences cognitives (le management de la

situation, la maîtrise de la situation, et la prise de décision) et compétences relationnelles (le

travail en équipe). Elles ne sont pas nouvelles pour les anesthésistes-réanimateurs, qui les

utilisent quotidiennement, bien qu’elles ne soient pas explicitement enseignées dans un cursus

formel. Ces compétences sont généralement identifiées comme des « facteurs humains ». Plus

spécifiquement, ce ne sont pas des compétences liées à la maîtrise de gestes techniques, de

connaissances médicales, pharmacologiques ou matériels mais des compétences décrites

comme « non-techniques ». Les compétences non-techniques ou NTS ont principalement été

étudiées dans le domaine de l’anesthésie-réanimation : ANTS («Anesthesia Non Technical

Skills ») (16). L’existence de ces compétences non-techniques est clairement établie et

reconnue. Leur importance pratique n’est pas à démontrer car leur simple énoncé suffit pour

que leur utilité soit évidente dans l’exercice quotidien. Pour autant elles demeurent encore non

précisément identifiées. Fletcher et ses collègues, partant du constat que ces compétences

non-techniques sont indispensables à la bonne pratique de l’anesthésie-réanimation et qu’elles

sont actuellement insuffisamment enseignées, jugent qu’il est nécessaire de s’y entraîner et de

pouvoir les évaluer (17). Pour cela ils proposent une classification qui peut également servir

de base à une grille d’évaluation. Cette description peut être adaptée comme suit (Tableau II) :

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Compétences

non-techniques Composantes

Management de la situation • Planification et préparation

• Priorisation des actions/élaboration d’une stratégie

• Rédaction et utilisation de protocoles (Guidelines)

• Gestion des ressources (identification et utilisation)

Travail d’équipe • Coordinations de l’équipe et avec d’autres équipes

• Communication

• Faire preuve d’autorité et d’assurance (leadership)

• Connaissance/évaluation des compétences de l’équipe

• Soutien de l’équipe/esprit d’équipe

Maîtrise de la situation • Collecte des informations

• Identification et compréhension de la situation

• Anticipation

Prise de décision • Identification des différentes possibilités

• Evaluation bénéfice/risque et évaluation des

alternatives

• Ré-évaluation et adaptation

Tableau II. Description des compétences non-techniques (en Anesthésie-Réanimation) et de leurs composantes.

Cette grille a fait l’objet d’une étude mettant en évidence des degrés satisfaisants de

validité, d’intégrité et d’utilité (17). L’observation des quinze composantes dégagées peut être

variable, certaines sont plus difficiles à identifier que d’autres. Il est admis que si les

compétences non-techniques sont observées, lors d’exercices de simulation, il y a plus de

probabilités d’observer une prise en charge globale appropriée. Toutefois il faut garder à

l’esprit qu’il n’est pas possible d’observer certains compétences, soit parce qu’elles ne sont

pas requises dans le scénario utilisé, soit parce qu’elles sont trop subtiles pour être

distinguées. Pour remédier à cela, il faut affiner l’évaluation, par l’entraînement de

l’instructeur et l’utilisation de grilles d’évaluation plus pointues. Le principe des compétences

non-techniques a un rôle primordial dans la pratique des anesthésistes-réanimateurs. Il vient

compléter, potentialiser et donner un sens aux compétences fondamentales. Il articule

l’ensemble afin de rationnaliser et de rendre efficiente la prise en charge globale. C’est un

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déterminant essentiel de la qualité de l’anesthésiste-réanimateur. Il est par ailleurs bien perçu

et considéré comme nécessaire pour les formations initiales et continues par les anesthésistes-

réanimateurs.

Ces compétences non-techniques de l’anesthésiste-réanimateur (ANTS) jouent bien

évidement un rôle majeur dans l’ACRM. L’enseignement de l’un est toujours étroitement lié à

celui de l’autre. L’ACRM implique une bonne maîtrise d’un certain nombre de compétences

non-techniques. L’enseignement des compétences non-techniques étant le plus souvent fait

dans le cadre de situations cliniques critiques relevant en partie du principe de l’ACRM. La

simulation est seule à même d’offrir l’opportunité de l’enseignement et de l’évaluation de ces

processus.

c) L’éthique

La simulation haute-fidélité réalise une immersion poussée dans une situation clinique.

Plus la fidélité de la simulation est importante, plus la crédibilité augmente et plus l’adhésion

des intervenants est grande. Il survient alors automatiquement ce qui existe dans le réel : une

implication émotionnelle. Outre que la simulation haute-fidélité donne l’opportunité

d’observer les réactions et les comportements des praticiens soumis à un stress contrôlé, elle

permet également d’utiliser cette composante émotionnelle pour mettre en scène des

situations éthiques. Même si le cursus des praticiens comporte des enseignements théoriques

et des notions d’éthique, la « vraie vie » est une réalité différente. Pouvoir approcher cette

dimension éthique des situations critiques grâce à la simulation haute-fidélité donne corps à

cet enseignement théorique et permet l’évaluation de son impact sur le comportement des

praticiens. Là encore la simulation haute-fidélité répond de manière unique à un besoin

pédagogique jusqu’alors partiellement satisfait (18). Auparavant la mise en scène sous forme

de jeux de rôles était l’outil le plus approchant de mise en condition pour enseigner la pratique

de l’éthique. La simulation haute-fidélité par la charge émotionnelle qu’elle apporte, permet

d’accéder à un niveau pédagogique nettement plus complet et plus abouti.

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48

d) L’exercice en conditions difficiles

Certains enseignements restent le plus souvent abstraits car correspondants à des

conditions d’exercices rares et exceptionnelles. La simulation haute-fidélité est ainsi utilisée

avec un impact pédagogique satisfaisant pour différentes formations : exercices de pré-

hospitalier en tenues NRBC (19), prise en charge de plusieurs patients graves en même temps

par une seule équipe (20) ou prise en charge d’un patient dans une cellule d’hélicoptère (21).

Ces situations clairement inhabituelles et inconfortables, sont à même de déstabiliser des

praticiens seniors aguerris, et à plus forte raison des juniors. La simulation haute-fidélité par

l’aspect concret qu’elle peut donner à ces situations, apporte un « plus » indéniable dans la

conceptualisation de ces enseignements.

3. Evolution des mentalités

L’enseignant accompagnant l’étudiant en médecine ou le praticien junior est

régulièrement confronté au problème de la prise en charge ou de la réalisation d’actes

techniques par une personne inexpérimentée, en cours de formation, qui ne maîtrise pas

encore ces gestes. Ce dilemme oppose deux nécessités : d’une part une réelle obligation de

formation sur le patient et d’autre part une obligation tout aussi réelle d’assurer la sécurité du

patient tout au long de sa prise en charge (18). La nécessité de formation est indéniable. Il

serait naïf d’imaginer que du jour au lendemain, un praticien junior passe du stade de

l’observateur à celui d’opérateur maîtrisant le geste technique. Aussi doué soit-il, aussi

grandes soient ses capacités d’apprentissage, il y a toujours un temps d’acquisition minimum

de ces compétences techniques qui ne peut être réduit. Au cours de ce temps où

l’apprentissage se fait, l’étudiant passe par différentes phases : observation d’un expert,

découverte guidée de l’acte, réalisation de l’acte sous contrôle, autonomie dans la réalisation

de l’acte, puis maîtrise de l’acte (incluant la capacité de le transmettre à son tour). Ceci

correspond à la courbe d’apprentissage. La courbe d’apprentissage est le nombre moyen

d’actes à pratiquer pour atteindre un niveau donné : confirmé ou expert. La courbe

d’apprentissage varie d’un acte à l’autre selon les connaissances et les compétences pré-

requises pour la maîtrise et selon la difficulté propre de l’acte lui-même. L’habileté et les

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capacités d’intégration de l’étudiant jouent également, mais ne rentrent pas à proprement

parler dans la courbe d’apprentissage, celle-ci étant une moyenne pour un pool d’étudiants

type. Pour autant il n’est pas acceptable et il n’est plus accepté que les étudiants fassent leurs

« premières armes » sur des patients en leur faisant courir un risque réel. Graber a clairement

démontré, dans une étude anonymisée réalisée auprès de 150 patients dans un service

d’urgences de centre hospitalier universitaire en juillet 2002, que peu de patients sont enclins

à laisser un étudiant pratiquer son premier acte technique sur eux (22). Seuls 42% sont prêts à

se faire perfuser par un étudiant qui effectuerait cet acte pour la première fois et cela descend

à 7% pour la première réalisation d’une ponction lombaire. Lorsqu’il s’agit simplement d’un

junior, quelle que soit son expérience, 52% refusent la pose d’un cathéter veineux central et

21% d’une perfusion veineuse périphérique. La seconde phase de la courbe d’apprentissage

correspondant à la découverte guidée de l’acte, est la phase la plus à risque de complications.

Le potentiel de complications est augmenté par la charge émotionnelle et le stress qui peuvent

résulter de cette phase initiatrice. Ce même stress peut également être un élément négatif pour

l’acquisition de la compétence lors de cette phase initiatrice. Une excellente solution à ce

dilemme est apportée par la simulation. La réalisation sur « task trainers » des premiers pas

dans la courbe d’apprentissage donne la garantie aux patients de ne pas être exposé à un

risque trop important et inutile, et en même temps à l’étudiant de pouvoir répéter son acte

technique autant que nécessaire, sans aucune limite, jusqu’à un début de maîtrise, avant de

pouvoir le réaliser sous contrôle sur un patient (23). L’adhésion aux principes de la simulation

implique qu’un acte technique, quel qu’il soit, ne soit jamais réalisé la première fois sur un

patient. L’ancien précepte de pédagogie médicale : « En voir un, en faire un, en enseigner

un. » n’a plus lieu d’être (24). Les procédures invasives à hauts risques de complications étant

plus courantes et de plus en plus fréquentes, l’apprentissage direct sur le patient n’est plus

acceptable. Ceci a conduit à rechercher des alternatives pour l’apprentissage et le

perfectionnement de ces procédures. La simulation (sur ordinateur, haute-fidélité et bientôt

réalité virtuelle) répond à ces attentes. Les spécialités à fortes composantes techniques telles

que l’anesthésie-réanimation, la réanimation, la médecine d’urgence, les chirurgies, la

radiologie interventionnelle, du fait de l’existence d’un instant « t » où sont réalisés des actes

techniques, potentiellement irréversibles, avec très fréquemment des implications cliniques

sérieuses, font logiquement appel à la simulation pour la formation initiale de leurs juniors et

la formation continue de leurs seniors (acquisition de nouvelles compétences). Un nouveau

précepte de pédagogie peut être proposé : « En voir un, en simuler plusieurs, en faire un

maîtrisé, l’enseigner à tous. » (24).

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50

Les temps changent et les attentes des patients et de la population générale également.

L’évolution se fait logiquement vers des exigences de sécurité, de transparence et de qualité

accrues. La simulation rend la formation des étudiants plus éthique, en résolvant en partie le

dilemme précédemment exposé, opposant la nécessaire formation sur le patient à l’obligation

de procurer les soins les plus conformes aux données actuelles de la science, dans des

conditions les plus sécurisées, afin d’assurer le bien-être des patients (18). Ceci va au-devant

de la demande des patients et de la population générale d’avoir un système de soins fiable,

compréhensible, de qualité et le plus sûr possible. L’utilisation de la simulation pour

l’enseignement des premiers gestes et compétences techniques augmente la vitesse

d’acquisition des compétences, crée un début d’expérience, diminue le risque et d’événements

indésirables liés à l’inexpérience subis par les patients et accroît la sécurité des soins réalisés

par la suite. Ces processus répondent fortement à l’impératif éthique de : « En premier ne pas

nuire. ». L’ensemble tend à une amélioration du droit des patients à une prise en charge

répondant à leurs attentes de sécurité, de transparence et de qualité. Le recours à la simulation

pour la formation, l’entraînement et l’évaluation marque un changement de mentalité du corps

médical. Il est probable que cela sera vu par la population comme la preuve d’un

comportement plus responsable et plus éthique.

4. Preuves de l’efficacité de la simulation haute-f idélité

a) Pas de preuve mais…

Aux débuts de la simulation médicale, il n’y a pas de preuve tangible d’un quelconque

bénéfice ou d’une efficacité de cette technique pédagogique. Elle apparaît pourtant comme

très prometteuse pour ceux qui y croient. Ils y investissent du temps et de l’énergie. Le

Professeur Gaba compte au nombre de ceux-là (25). Même si des travaux d’élaboration, de

développement et les premières évaluations des simulateurs sont en cours de réalisation, au

début des années quatre-vingt-dix, la preuve de l’utilité de la simulation n’est pas faite. Gaba,

en 1992, dans un texte fondateur (13), présente le principe de la simulation haute-fidélité et

les raisons qui justifient son usage. Le premier argument est l’existence de la simulation dans

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51

les domaines de l’aviation civile, de l’armée et de l’industrie nucléaire. Ces domaines ont en

commun avec la médecine, et plus spécifiquement avec l’anesthésie-réanimation, d’être des

secteurs d’activités humaines relativement techniques dans lesquels l’erreur est tellement

lourde de conséquence qu’elle ne doit pas arriver. Tout est mis en œuvre pour prévenir sa

survenue. Passé les systèmes informatisés et automatisés, il reste toujours une part d’activité

humaine propre. C’est cette part qui, lors des analyses des incidents ou accidents survenus –

dans l’aviation essentiellement – apparaît comme la cause première. Le facteur humain,

phénomène comportemental, est l’élément critique sur lequel il faut agir pour réduire les

risques au maximum. C’est de ce principe et des bénéfices constatés dans les autres domaines

pratiquant déjà la simulation que Gaba tire la conclusion de la nécessité pour la médecine de

développer la simulation pour mieux gérer les risques, la sécurité et optimiser la prise en

charge des patients. Il émet l’hypothèse qu’appliquer aux anesthésistes-réanimateurs les

techniques de formation et d’entraînement de l’aviation civile permettra d’accroître leurs

compétences et leurs performances. La problématique de la simulation médicale haute-fidélité

est posée et l’idée de l’ACRM est en train de germer. Il ne reste plus qu’à prouver son

efficacité et son utilité. Le second argument est celui de pouvoir observer les compétences et

les performances des anesthésistes-réanimateurs dans un environnement connu et contrôlé

lors d’une situation clinique programmée. Le principe de l’évaluation en simulation haute-

fidélité se concrétise. Gaba de conclure : « Aucune industrie dans laquelle des vies humaines

dépendent des performances et de l’habilité de ses opérateurs n’a attendu de preuves

formelles et univoques des bénéfices de la simulation avant d’en adopter le principe.

L’anesthésie(-réanimation) ne devrait pas attendre non plus. » (13). C’est donc par

mimétisme d’autres activités à hauts risques que la médecine et l’anesthésie-réanimation sont

venues à la simulation. Il n’y avait initialement pas de preuves de son efficacité. Il a fallu

l’établir a posteriori.

b) Premières preuves : La simulation haute-fidélité apporte un plus

Les preuves de l’intérêt pédagogique de la simulation se sont construites

progressivement, par comparaison avec des méthodes d’enseignement déjà largement utilisées

pour lesquelles l’efficacité pédagogique est reconnue, à défaut d’être établie. La simulation

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52

est tout naturellement comparée et testée vis-à-vis de l’enseignement dit « standard », c’est-à-

dire des cours magistraux. De nombreuses études prouvent le bénéfice de l’adjonction de la

simulation au cursus standard pour la maîtrise de compétences et de performances. L’équipe

de Kory en 2007 démontre une meilleure maîtrise de la gestion de l’abord des voies aériennes

supérieures par les internes d’anesthésie ayant suivi un cursus de simulation en plus de leur

formation au quotidien, par comparaison à ceux n’ayant pas suivi ce cursus (26). L’aspect

concret de l’enseignement par la simulation semble jouer un rôle déterminant dans

l’acquisition de certaines aptitudes. Il ne suffit pas d’enseigner à l’étudiant le « savoir », ni le

« savoir comment faire », il faut qu’il puisse apprendre et s’exercer pour « montrer comment

faire ». C’est là qu’intervient la simulation. Wayne et ses collaborateurs comparent en 2008,

le degré d’adhésion aux recommandations de l’AHA (American Heart Association) pour la

prise en charge de l’arrêt cardio-respiratoire de deux groupes d’internes en comparant les

résultats des indicateurs de qualités des rapports d’intervention ACLS (Advanced Cardiac

Life Support) (27). Les deux groupes suivent l’enseignement classique, puis seul le premier

effectue un cursus complémentaire sur simulateur haute-fidélité ciblé ACLS. Le groupe

simulation montre une bien meilleure observance des recommandations ACLS de l’AHA

(bonnes réponses 68% ; SD 20%) que le groupe standard (44% ; SD 20% ; p = 0,001). L’odds

ratio pour l’adhésion aux recommandations est de 7,1 (IC95%, 1,8 – 28,6). La preuve de

l’apport de la simulation en complément de la formation théorique classique ne se cantonne

donc pas aux seules compétences techniques, mais concerne également les compétences non

techniques ((A)NTS).

c) La simulation haute fidélité, une alternative pédagogique

D’autres études montrent la supériorité de la simulation comme alternative à d’autres

modes d’enseignement. Steadman et son équipe dans une étude prospective randomisée en

2006 compare l’enseignement par simulateur haute-fidélité à l’apprentissage par problème

(APP) pour la gestion d’un scénario de détresse respiratoire (28). Les deux groupes sont

évalués une première fois sur simulateur, puis ils suivent une formation sur simulateur et par

APP. Afin qu’il n’y ait pas de biais lié à l’usage du simulateur, le groupe SIM est formé à la

prise en charge de détresse respiratoire sur simulateur et suit un APP sur un autre thème, alors

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53

que le groupe APP est formé par APP à la prise en charge de détresse respiratoire et se forme

sur simulateur à l’autre thème. Alors que l’évaluation initiale trouve des moyennes de scores

non différentes entre les deux groupes (APP 0,44 ; SIM 0,47 ; p = 0,64), au cours de

l’évaluation finale sur un scénario de dyspnée, le groupe SIM a une moyenne de score

nettement supérieure à celle du groupe APP (APP 0,53 ; SIM 0,72 ; p < 0,0001). La

progression moyenne est significativement (p < 0,04) plus importante dans le groupe SIM

(25%) que dans le groupe APP (8%). L’équipe de Knudson confirme l’intérêt de la simulation

haute-fidélité comme une alternative pédagogique pour l’enseignement des compétences non

techniques (29). Dans le cadre d’un cursus de formation à la prise en charge de

polytraumatisés, deux groupes sont formés l’un en cours magistraux, l’autre sur simulateur

haute-fidélité. Une fois la formation terminée, les praticiens subissent un examen écrit puis

sont évalués par des experts sur la base de vidéos réalisées lors de prises en charges réelles de

polytraumatisés. Les deux groupes ne sont pas différents pour les résultats de l’examen écrit

et l’évaluation des compétences techniques, mais le groupe formé sur simulateur haute-

fidélité présente des résultats globaux et des compétences techniques significativement

supérieurs (p = 0,04).

d) La simulation, mieux que la simulation ?

Il est reconnu que les objectifs pédagogiques ciblés déterminent le type d’outil de

simulation le plus adapté pour les atteindre. L’utilisation d’un scénario complet, hautement

réaliste avec un environnement fidèle convient à l’enseignement pour des praticiens

expérimentés professionnellement et dans l’usage de la simulation, avec des objectifs qui

peuvent être complexes (notamment des compétences non techniques) à enseigner ou à

évaluer. Dans le cas de praticiens plus novices, un tel contexte va générer un bruit de fond qui

risque de nuire aux objectifs pédagogiques que de les servir. Il faut donc déterminer ces

objectifs dans un premier temps puis choisir le simulateur qui y est le plus adapté. Nyssen et

ses collaborateurs comparent, en 2002, deux outils différents pour atteindre le même objectif

d’enseignement d’une compétence (30). Les étudiants sont formés soit sur simulateur patient

informatisé, soit sur simulateur haute-fidélité. Il n’est pas trouvé de différence entre les deux

méthodes pour l’acquisition de la compétence ciblée ; les étudiants progressant avec les deux

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54

simulateurs. Les auteurs concluent que si l’évaluation avait porté sur des compétences non

techniques le simulateur haute-fidélité aurait prodigué un entraînement plus adapté. Ceci

confirme bien la nécessité de choisir son outil de simulation selon les objectifs pédagogiques

et non l’inverse. Le plus haut degré de fidélité n’est pas toujours le plus rentable en terme de

rapport bénéfice pédagogique/coût.

e) La simulation haute-fidélité, outil d’évaluation

La simulation est utilisée pour l’enseignement mais également pour l’évaluation des

praticiens (31, 32). Outre un rôle d’accélérateur et de potentialisation de l’enseignement, elle

présente des atouts indéniables pour l’évaluation. L’équipe de Gordon démontre en 2003 dans

une étude prospective randomisée que l’évaluation de praticiens par la simulation fait aussi

bien qu’un oral (33). Savoldelli et ses collaborateurs développent le sujet et lors de leurs

comparaisons entre évaluations à l’oral et sur simulateurs découvrent des performances

variables selon le type d’évaluation (34). Les tests d’inter-validités et les scores de

corrélations étant satisfaisants entre les différents scénarii et les différentes modalités

d’examen (oraux et sessions de simulation) ; ils déduisent que ces variations sont liées au fait

qu’un étudiant qui « sait comment faire » et réussit ses oraux, n’est pas forcément capable de

« montrer comment faire » lors d’exercices de simulation. L’évaluation par des oraux est donc

incomplète car elle ne mesure que des connaissances et certaines compétences. La simulation

apparaît comme un complément nécessaire pour évaluer plus globalement le praticien, se faire

une idée de toutes ses compétences et même de ses performances.

f) Impact pédagogique de la simulation

L’impact pédagogique positif de la simulation est objectivé : elle permet d’augmenter

les performances dans l’immédiat et de façon durable. La simulation n’est pas un simple

support d’illustration pédagogique mais bien une nouvelle technique qui apporte une réelle

valeur ajoutée plus en terme d’enseignement. Les mécanismes psychologiques ne sont pas

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55

encore clairement établis, mais il semble que le stress puisse accroître les performances (35).

La simulation par le réalisme qu’elle apporte à l’enseignement, crée automatiquement un

stress, même s’il est modéré. Ce stress joue donc probablement un rôle potentialisateur sur

l’attention des étudiants, entraînant une meilleure mémorisation de l’enseignement. Gordon et

ses collègues en ont fait la démonstration dans une étude pilote en 2006 (36). Des étudiants

hospitaliers sont séparés en deux groupes pour une formation sur la prise en charge de

l’infarctus du myocarde. Le premier groupe reçoit un enseignement « classique » et doit gérer

un cas simulé ; alors que le second groupe suit l’enseignement « classique » assorti d’une

discussion sur un cas. Les deux groupes passent une évaluation écrite juste après la simulation

et à un an. Le groupe « simulation » fait mieux que le groupe contrôle immédiatement après la

formation et un an plus tard. L’ajout d’un exercice de simulation à l’enseignement

« classique » accélère l’acquisition de performances (ici, prise en charge de l’infarctus) et cet

effet bénéfique perdure dans le temps. Il est également probable que le réalisme de la

simulation haute-fidélité créant une projection fidèle de la situation, active des mécanismes

mnésiques similaires à ceux entrant en jeu dans l’apprentissage par l’expérience pratique de la

vie réelle. La clé de l’impact de la simulation est qu’en générant assez de stress pour que

l’expérience soit positive, mais pas suffisamment pour déstabiliser le praticien, elle fabrique

de l’expérience artificielle dans des conditions sécurisées.

Ceci préfigure l’apparition de cursus pédagogiques construits et articulés autour de la

simulation et d’un simulateur haute-fidélité. La simulation ne vient plus en complément pour

illustrer l’enseignement classique mais le remplace complètement. Marshall et ses

collaborateurs étudient en 2001 l’effet d’un cursus dédié à la prise en charge du

polytraumatisé (ATLS, Advanced Trauma Life Support) sur simulateur haute-fidélité (37).

L’évaluation de la progression avant et après cursus est essentiellement orientée vers les

compétences non techniques et montre une amélioration des performances de 25% à 45%.

L’équipe de Binstadt repense l’ensemble de son cursus de formation pour les internes de

médecines d’urgences (38). L’idée est de faire un enseignement où tout est intégré dans le

cadre de la simulation : un modèle « tout en un ».

Il faut relever que de tels cursus sont très consommateurs en temps, en personnels et

en moyens. Leurs impacts pédagogiques doivent être donc prouvés, évalués et pesés pour

déterminer si de tels cursus son « rentables ». Il faut en mesurer le rapport coûts/bénéfices.

Les coûts seront évoqués plus loin. Les bénéfices sont extrêmement difficiles pour ne pas dire

impossible à évaluer. Le bénéfice pédagogique peut être mesuré par comparaison avec les

enseignements de référence au moyen de scores, mais les bénéfices en termes d’économies

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56

générées par les meilleures pratiques médicales et les réductions des erreurs et des

événements indésirables ne sont pas réellement accessibles.

g) Nouvelles compétences accessibles grâce à la simulation haute-fidélité

La simulation haute fidélité est devenue indispensable à partir du moment où la preuve

a été faite qu’elle était le seul moyen d’atteindre certaines nouvelles compétences.

L’enseignement, l’entraînement et l’évaluation des compétences non techniques (en

anesthésie-réanimation) (ANTS) et de la gestion de situation de crise (en anesthésie-

réanimation) (ACRM) relèvent exclusivement du domaine de la simulation haute-fidélité. Il

en va de même pour l’enseignement de l’exercice médical en situations difficiles qui présente

tout autant d’intérêt mais est de moindre importance. A part, l’enseignement de l’éthique peut

exister sans la simulation haute-fidélité mais en bénéficie grandement et celle-ci lui donne une

toute autre dimension (39). De nombreux articles apportent la preuve de l’efficacité de la

simulation haute-fidélité pour l’enseignement, l’entraînement et l’évaluation des compétences

non techniques et de la gestion de situation de crise dans les domaines de l’anesthésie-

réanimation, de la réanimation et de la médecine d’urgence (17, 40-46).

h) Validités statistiques des scénarii et scores en simulation haute-fidélité

Le principe de la simulation haute fidélité étant admis, pour faire la preuve de son

efficacité il est nécessaire d’avoir des scénarii qui soient pertinents sur le plan clinique mais

qui soient également reproductibles et statistiquement fiables individuellement et entre eux

(inter-validité) (47, 48). Une fois conçus, les scénarii ne peuvent être utilisés pour

l’enseignement, l’entraînement et l’évaluation qu’après réalisation de tests sur des participants

« cobayes ». Au cours de ces essais des scenarii, des tests statistiques croisés sont réalisés :

coefficient alpha de Cronbach (test d’homogénéité ou de cohérence interne), coefficient

Kappa de Cohen (test d’accord ou de concordance entre deux évaluateurs) et coefficient intra-

classe (teste le degré d’association entre une variable nominale et une variable quantitative).

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57

Kim et ses collègues, sur les bases proposées par Gaba (49) ont construit une échelle : « The

Ottawa Crisis Resource Management Global Rating Scale (Ottawa GRS) » servant à évaluer

les performances au cours de CRM (42). Les tests statistiques réalisés sur les deux scénarii

utilisés dans cette étude montrent une fiabilité et une validité de l’échelle GRS acceptables.

En dépit des infinies possibilités des simulateurs haute-fidélité, les scénarii utilisables

pour la réalisation d’évaluations et d’études de recherches sont en nombre limité, car ils

doivent être à la fois simples, robustes, reproductibles et fiables statistiquement. Ils font

souvent appel à des thèmes relativement classiques pour lesquels les prises en charges font le

sujet de consensus ou de recommandations internationales avec des accords forts, ou ne

prêtent pas à confusion. Il s’agit d’arrêt cardiaque, de réaction anaphylactique, d’hyperthermie

maligne, de prise en charge polytraumatisé(s), de détresse respiratoire, d’ischémie cardiaque

per-opératoire, etc… (42, 50-52).

i) Le centre de simulation : un laboratoire de recherche

D’autres approches du laboratoire de simulation haute-fidélité permettent d’y trouver

un intérêt supplémentaire, différent de l’aspect pédagogique pur, ciblé sur la formation,

l’entraînement et l’évaluation des praticiens : la recherche et l’expérimentation. Ces aspects

sont complémentaires de l’enseignement car lui seul donne accès à une maîtrise suffisante de

l’outil de simulation permettant de l’exploiter à d’autres fins. Par ailleurs, les personnes ayant

des fonctions d’enseignement ont fréquemment des activités de recherches du fait même de

leurs statuts. La simulation haute fidélité offre donc l’opportunité d’élaborer, de tester et de

valider, dans des conditions standardisées, des protocoles de prise en charge de patients. Ceci

peut s’avérer très utile lorsqu’il est question de situations rares ou d’urgence pour lesquelles il

n’est pas raisonnable de prendre le risque de protocole inappropriés ou non fiables. La

simulation répond ainsi à un besoin qui jusqu’alors n’avait pas de solution aussi adaptée.

Outre les protocoles, la simulation haute-fidélité offre la possibilité de réaliser des tests de

matériels et de dispositifs médicaux avant leur mise à disposition généralisée pour l’usage sur

les patients (53-55). Ceci permet aux personnels médicaux et non-médicaux de découvrir le

matériel dans des conditions de sécurité optimales. A cette occasion il est possible de dépister

du matériel défectueux ou non adapté à l’usage pour lequel il est proposé. Il est envisageable

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58

que cela puisse également servir à l’élaboration et au développement de matériels non encore

commercialisés.

Le centre de simulation est un outil de recherche extraordinaire. Ses caractéristiques

intrinsèques en font un laboratoire d’expérimentations comportementales idéal. Il est possible

– chose difficilement imaginable ailleurs - d’isoler le sujet d’étude en contrôlant aisément tout

les éléments et événements extérieurs. Il se prête donc naturellement à l’observation des

comportements humains. L’hostilité de l’environnement, les difficultés des conditions

d’exercice peuvent être paramétrées afin de générer un degré de stress calibré. L’éventail des

possibles va de situations simples et non équivoques sans aucun risque pour le supposé

patient, à des situations complexes, nécessitant le développement rapide d’un raisonnement

médical élaboré, avec des prises de décisions potentiellement cruciales pour le supposé patient

en détresse vitale. C’est l’objectif de l’étude et le praticien auquel elle s’intéresse qui

déterminent la combinaison adaptée. Ceci permet l’observation dans des conditions calibrées

et contrôlées de comportements, d’attitudes et d’échanges relationnels – difficiles voir

impossible à observer dans la vie réelle pour des raisons diverses d’éthique, de conditions

pratiques ou d’acceptation par le personnel. C’est également la possibilité d’analyser l’impact

des conditions d’exercices et de l’environnement sur le praticien et sur ses performances.

Howard, Gaba et leur équipe étudient l’effet de la privation de sommeil chez des internes

d’anesthésie-réanimation (56). Deux groupes sont étudiés : le premier bénéficie d’heures de

sommeil supplémentaires sur quatre jours successifs et le second est étudié après vingt-cinq

heures sans sommeil. Les observations portent sur les performances cliniques et

psychomotrices, les perceptions subjectives et objectives de fatigue et l’humeur. Les

performances psychomotrices et l’humeur sont altérées dans le groupe privé de sommeil. La

sensation de fatigue et les comportements d’assoupissement sont accrus dans le groupe privé

de sommeil. Pour autant il n’est pas mis en évidence de différence significative en termes de

performances cliniques entre les deux groupes. Kahol et son équipe, montrent l’augmentation

des erreurs cognitives et l’accentuation des troubles de mémoire, de concentration et de

coordination chez des internes, entre avant et après la réalisation d’une garde (57). Gerdes et

son équipe étudient sensiblement les mêmes données mais en comparant des internes à des

médecins en post-internat (58). Les compétences psychomotrices sont altérées de manière

identiques, mais les post-doctorants font significativement moins (25% ; p<0,05) d’erreurs

cognitives.

Le simulateur haute-fidélité est donc également un excellent outil de recherche pour

étudier le comportement des praticiens, leurs interactions interhumaines et environnementales,

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59

mais aussi l’impact des conditions d’exercices et de l’environnement sur leurs performances

techniques et non-techniques. La simulation, une fois encore, donne accès, ou pour le moins

un nouvelle approche – qui jusqu’alors n’était pas possible –, à un domaine particulièrement

intéressant : l’étude comportementale.

j) La simulation du début à la fin : formations initiale et continue

Il ne sera jamais possible d’estimer avoir fait le tour de la simulation médicale. Outre

que les situations simulables sont innombrables – ce qui va encore s’accroître avec les progrès

technologiques –, l’utilisation de la simulation commence à l’entrée dans le cursus médical

pour ne jamais s’arrêter. Même si l’usage qui en est fait varie selon le niveau d’apprentissage

ou d’expérience et selon les buts motivant le recours à la simulation, ses domaines

d’applications sont tellement vastes et continuant à s’étendre, qu’il y a et aura toujours un

intérêt à pratiquer la simulation.

La simulation possède un intérêt prouvé pour la formation initiale des étudiants en

médecine. Les programmes informatiques de simulation enseignent et évaluent les

connaissances (27, 33, 59). Les « tasks-trainers » enseignent et évaluent des compétences (9,

21, 60). La simulation haute-fidélité enseigne et évalue des compétences (techniques, non

techniques et cognitives) et des performances (17, 19-21, 27-30, 33, 34, 37-45, 49, 51, 52, 59-

67). La simulation, essentiellement de type haute fidélité, a également fait ses preuves pour la

formation, l’acquisition et l’évaluation de compétences complémentaires pour les praticiens

déjà en exercice (33, 61, 63-66, 68). Ceci laisse entrevoir un vaste champ d’application pour

la simulation : l’évaluation de pratiques professionnelles et la formation continue. Enfin, la

simulation haute fidélité donne la possibilité de s’entraîner individuellement ou en équipe.

Shapiro et son équipe montrent que la simulation haute-fidélité permet d’accroître les

performances d’équipes pourtant composées de titulaires travaillant régulièrement ensemble

(67). Holcomb et ses collaborateurs trouvent également un bénéfice à l’entraînement de

titulaires en équipe sur simulateur haute-fidélité (41). Dix équipes militaires de déchocage

suivent un cursus de prise en charge de polytraumatisés utilisant un simulateur haute-fidélité.

Les équipes sont évaluées au début et à la fin du cursus. Cinq équipes « d’experts » servant de

références effectuent les mêmes scénarii tests. Les résultats après la formation sont

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60

significativement meilleurs qu’avant (p<0,05). Les militaires font nettement moins bien que

les « experts » avant et ont des résultats tout justes inférieurs après le cursus. Le bénéfice de

l’entraînement sur simulateur haute-fidélité est indéniable.

Les évolutions technologiques à venir ne peuvent que renforcer le potentiel de la

simulation médicale et accroître ses domaines d’action. Les médecins étant en partie formés

sur simulateurs sont de plus en plus nombreux. Ils intégreront naturellement la simulation

comme un outil pédagogique à part entière avec une place évidente dans l’enseignement

moderne de la médecine. La simulation promet d’avoir à l’avenir un rôle indispensable tout au

long de la vie professionnelle des personnels de santé (médicaux et non-médicaux) : de la

formation initiale au perfectionnement en passant par la formation continue.

k) Bonne acceptation de la simulation

Le succès d’une technique pédagogique est en partie dû à l’appréciation

qu’enseignants et étudiants en font. Un ressenti positif des différents protagonistes est

essentiel pour l’acceptation. Ceci est d’autant plus vrai pour la simulation que c’est une

technique contraignante pour ses différents acteurs. Pour l’institution qui la met en place, c’est

la nécessite des locaux dédiés, de personnel dédié supplémentaire et de matériel coûteux, soit

un investissement global important. Il faut donc que cela soit justifié et efficace avec un bon

rapport « coût/bénéfice ». Du point de vue de l’instructeur c’est un enseignement

extrêmement consommateur en temps et en énergie, généralement réalisé en petit groupe donc

devant être répété. Du point de vue de l’étudiant, c’est une méthode pouvant être stressante et

déstabilisante, nécessitant rigueur, concentration et une bonne compréhension du principe qui

permet de ne pas se sentir jugé mais évalué. En dépit de ces écueils potentiels, la simulation

bénéficie d’une excellente acceptation de la part des enseignants et des étudiants (69-75). Elle

est plébiscitée de façon unanime par tous ceux (instructeurs comme étudiants) qui l’essayent

ou la pratiquent. L’adhésion au principe de la simulation est, d’une manière générale,

suffisamment bonne pour que le développement d’un centre se fasse dans des conditions

satisfaisantes avec une bonne probabilité de pérennité.

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61

B. Avantages et inconvénients de la simulation

Nombres d’arguments pédagogiques mais également concrets plaident en faveur de la

simulation. Les différents intervenants, qu’ils soient instructeurs ou étudiants, y trouvent

beaucoup d’avantages par rapport à des méthodes d’enseignement classiques. La simulation a,

pour autant, comme toute technique, des inconvénients qui viennent contrebalancer ses

avantages (7, 11, 76) (Tableau III).

Avantages Inconvénients

Accroissement de la sécurité :

• Pas de risque patient.

• Réduction du nombre d’erreur, l’(A)CRM.

Coûts : financier, personnel, temps.

Accélération des acquisitions : Acquisition de

compétences plus rapidement par la répétition

et l’immersion.

Apprentissage erroné : Réalisme imparfait

tolérant des erreurs qui auraient des

conséquences dans la vie réelle.

Entraînement en équipe. Effets « adverses » : hypervigilance et

indolence.

Mises en situations rares et critiques. Manque de preuves…

Uniformisation des cursus de formation. Bénéfices difficilement évaluables.

Apprentissage réfléchi, le débriefing.

Formation continue.

Validation et revalidation des compétences.

Enseignement des compétences non-techniques

((A)NTS).

Erreur utile.

Laboratoire de recherche.

Enseignement théorique conjoint : cursus

construit autour de la simulation.

Tableau III. Avantages et inconvénients de la simulation haute-fidélité.

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62

1. Avantages de la simulation

1er avantage : pas de risque pour le patient (13, 25)

Le concept même de la simulation implique de recréer le réel de la manière la plus

crédible sans être réel pour autant. Il n’y a jamais de patient qui intervient dans

l’enseignement par simulation donc pas de risque lié à des gestes techniques, des décisions

thérapeutiques, des administrations de médicaments (prescription non adaptée, dose erronée,

etc…) ou des retards diagnostiques ou thérapeutiques pouvant être préjudiciables voire

dangereux. Cet environnement est aussi bien sécurisé pour le « patient » que pour le médecin

en formation qui ne s’expose pas aux risques psychologiques et médico-légaux d’exercer une

fonction ou des gestes qu’il ne maîtrise pas sur un vrai patient. Le réalisme de la simulation

génère un stress calibré, adapté à la situation que l’on peut qualifier de « bon stress »,

favorable à l’apprentissage et aux mécanismes mnésiques ; mais n’entraîne pas de « mauvais

stress » que génèrerait la non maîtrise d’une situation clinique réelle impliquant un vrai

patient avec des conséquences évitables, potentiellement graves.

2ème avantage : acquisition de compétences plus rapidement (36)

La simulation, par la répétition à volonté des scénarii, permet d’accroître la vitesse

d’acquisition des compétences en exposant régulièrement et plus fréquemment le médecin en

formation aux situations cliniques ciblées. La simulation haute-fidélité permet une immersion

importante dans la « réalité » qui augmente d’autant l’impact pédagogique et renforce les

circuits mnésiques donc la qualité et la vitesse d’apprentissage. Il est ainsi possible d’atteindre

un niveau de compétence déterminé par la répétition d’exercices au rythme propre de

l’étudiant. Les étudiants progressent ainsi à la fois tous de manière homogène au sein d’un

même groupe (puisqu’ils ont des objectifs communs), et à leur propre rythme individuel

(puisqu’ils peuvent répéter autant que nécessaire les exercices). La souplesse obtenue grâce à

la simulation permet une progression régulière de l’ensemble d’un groupe sans qu’il soit

ralenti par les difficultés d’un ou de quelques individus. Ceux-ci ne sont pour autant pas

délaissés. Au contraire, la répétition permet de leur apporter une attention renforcée.

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63

3ème avantage : formation et entraînement en équipe (41, 67, 77)

Toutes les connaissances théoriques sur le travail en équipe, la répartition des tâches,

la coordination entre les différents intervenants médicaux et non-médicaux ou de différentes

spécialités, ne peuvent que donner des idées approximatives de la réalité. Seulement, lors de

situations réelles, il n’est pas aisé d’analyser les interactions et les différents comportements.

La simulation apporte, là encore, une dimension de formation et d’entraînement unique. Des

scénarii sont construits dans l’objectif de développer les qualités de chaque intervenant afin

qu’il s’intègre au mieux dans l’équipe et y remplisse ses fonctions : qualités de leadership

pour certains et de followship pour d’autres. D’excellents professionnels mis ensemble ne

suffisent pas à former pas une équipe à proprement parler, sauf sur le papier. Une « vraie

équipe » est autre chose que la somme des éléments qui la composent. C’est un groupe qui se

connaît, qui connaît ses qualités et ses faiblesses de même que celles des individus qui le

composent. Ces individus ont l’habitude de travailler ensemble, se positionnent les uns par

rapports aux autres et communiquent entre eux. La cohésion et les autres qualités qui en

résultent sont les atouts de cette équipe et lui permettent d’être performante. Ceci ne se créé

pas simplement, c’est un travail à part entière. Même si les équipes existent depuis longtemps,

si elles sont identifiées et se sont développées d’elles-mêmes sur le terrain, le processus

d’élaboration est souvent incomplet. La simulation offre l’opportunité de développer les

différents aspects qui concourent à créer une équipe. Une équipe est quelque chose de

dynamique qui nécessite de constants ajustements et qui a besoin de s’entraîner régulièrement

pour rester le plus performante possible. C’est un des intérêts majeurs de la simulation que de

pouvoir s’entraîner en équipe afin de renforcer le groupe et d’en accroître les qualités.

4ème avantage : mise en situations rares et critiques (40, 52, 63, 66)

Hors entraînement spécifique, faisant appel à la simulation, aucun praticien ou aucune

équipe ne peut s’estimer apte à gérer des situations critiques – engageant un pronostic vital –

dont la survenue est exceptionnelle et imprévisible. La nature même de ces événements

(exceptionnelle et imprévisible) rend la formation pratique en temps réel impossible. De

même l’expertise dans ces domaines est quelque chose de très relatif. La faible incidence

d’événements tels que l’hyperthermie maligne, le choc anaphylactique, l’embolie gazeuse ou

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64

amniotique et autres, font qu’il n’y a pas de certitude d’y être confronté, même au cours d’une

carrière professionnelle bien remplie. Il est donc illusoire d’espérer une maîtrise satisfaisante

de ces situations issue de la seule expérience pratique. Pour autant, ces situations cliniques

nécessitent des prises en charges incisives et immédiates, incompatibles avec de l’à peu près

ou de l’improvisation. La réaction doit être adaptée, précise et immédiate pour espérer une

évolution clinique favorable. La simulation est l’outil idéal pour recréer ce type de situations

afin de pouvoir analyser les comportements, d’élaborer des protocoles adaptés et de s’exercer

à la gestion de ces situations rares et critiques.

5ème avantage : uniformisation des cursus de formation (7, 10, 27, 39, 50-52, 59, 76, 78)

La richesse de l’enseignement médical vient en partie du principe de compagnonnage

présent depuis les débuts de la médecine. C’est en accompagnant et en observant ses aînés

que le praticien en formation acquiert des connaissances et des compétences. Il bénéficie ainsi

de leur expérience et commence à construire la sienne. Sans même parler des situations rares

et exceptionnelles évoquées précédemment, le hasard fait que toutes les situations cliniques ne

se présentent pas à tous les praticiens. Il n’est pas non plus envisageable que

systématiquement, l’ensemble des praticiens novices ou ignorants d’un cas clinique défile

pour observer un patient. Sans compter que la situation clinique peut être non prévisible et, ou

fugace. Ces différents éléments pris en compte, il est évident – et accepté comme une

« fatalité » jusqu’alors – que les cursus de formation sont différents d’un individu à l’autre

selon les rencontres et les situations cliniques auxquelles ils ont été confrontés. Ceci est tout à

fait acceptable pour des situations cliniques « classiques », que l’étudiant finira par rencontrer

à un moment ou un autre ; mais cela l’est moins pour des situations potentiellement à risque

fonctionnel ou vital pour le patient. Ces situations sont fréquentes en anesthésie-réanimation,

en réanimation adulte et pédiatrique, en médecine d’urgence, en cardiologie et pour certaines

chirurgies. La simulation donne la possibilité d’uniformiser les cursus de formation et de

proposer un enseignement complet, avec la certitude absolue d’avoir couvert l’ensemble des

objectifs majeurs, jugés fondamentaux par les enseignants. Les étudiants ne sont plus

tributaires du hasard pour découvrir une situation clinique. Ils ont même la possibilité d’être

confrontés à ces différentes situations comme acteurs de premier plan. Ce positionnement

accroît nettement leur implication et l’impact pédagogique, augmentant d’autant le bénéfice

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65

en termes d’enseignement et de qualité de formation. La simulation permet une formation de

meilleure qualité car plus homogène et plus complète.

6ème avantage : apprentissage réfléchi grâce au débriefing et à la vidéo (7, 8, 59, 79, 80)

Comme cela été développé précédemment, le débriefing a une importance primordiale

dans le processus pédagogique de la simulation. Il est possible de dire que la moitié de

l’apprentissage d’une session de simulation se fait au cours du débriefing, même si la moitié

de l’enseignement n’est pas dispensé au cours du débriefing. Celui-ci est extrêmement riche

pour les étudiants car outre les données théoriques et pratiques transmises par l’instructeur,

c’est au cours du débriefing que les étudiants décortiquent les mécanismes du travail en

équipe, analysent eux-mêmes leurs erreurs et approchent d’une manière inédite et unique la

globalité de la situation clinique à laquelle ils ont été confrontés et la gestion qu’ils en ont

faite. L’outil d’enregistrement vidéo permet un regard neutre et objectif du déroulement de la

situation. Les mécanismes mêmes qui sous-tendent le débriefing ont un intérêt propre. Ils

développent chez l’étudiant un esprit (auto)critique et d’(auto)analyse. Ces qualités sont utiles

à court terme pour la formation elle-même, mais également pour l’ensemble de la carrière

professionnelle. Ceci permet de réduire les erreurs par la systématisation de l’analyse et de la

critique des situations cliniques, mais pousse également à prendre l’habitude d’accepter la

critique et l’analyse extérieure de son travail. Cette culture positive de la « remise en

question » est un gage de sérieux et de rigueur, tant pour la formation que pour l’exercice

professionnel. La simulation offre un outil interactif, qui par l’apprentissage réfléchi qu’il

implique au moyen du débriefing (plus ou moins assisté de la vidéo), oblige à une formation

active et intelligente, et non passive et subie.

7ème avantage : accroissement de la sécurité et diminution du nombre d’erreurs (7, 10,

23, 76, 81)

C’est à la fin des années quatre-vingt que Gaba et ses collaborateurs observent

l’existence de lacunes dans la formation des anesthésistes-réanimateurs confrontés, lors de

Page 66: UNIVERSITE de CAEN ------- FACULTE de MEDECINE

66

simulations, à la survenue de dysfonctionnements cliniques et techniques. Ils en concluent que

ceci est lié à des manques de l’enseignement classique concernant les aspects de prise de

décision et de gestion des situations de crises. Ainsi naît l’idée de l’ « Anesthesia Crisis

Resource Management » (ACRM). L’idée qui sous-tend ce projet est de combler les lacunes

de l’enseignement classique par un cursus aux objectifs ciblés, afin de réduire les erreurs et

d’accroître la sécurité du patient. La simulation accroît la sécurité des patients par

l’intermédiaire de trois principaux moyens : la réactivité, la répétition et la culture de la

vigilance. L’exercice à une réaction adaptée aux incidents mineurs comme majeurs permet

aux praticiens d’être le moins possible pris au dépourvu par la survenue d’un incident et d’être

réactifs (82). La répétition des situations cliniques normales comme de celles se compliquant

conduit à l’acquisition d’une « expérience par anticipation » qui rend les praticiens plus

systématiques et plus réactifs. L’entraînement sur simulateur développe inconsciemment une

culture de la vigilance chez les praticiens. Ceux-ci sont sensibilisés au fait qu’un incident peut

survenir à tout moment. La formation et l’entraînement sur simulateur, par leurs mécanismes

pédagogiques et leurs principes accroissent la sécurité des patients et diminuent le risque

d’erreur. Ceci est encore renforcé dans l’ACRM, puisqu’il s’agit d’un des objectifs principaux

de ce cursus.

8ème avantage : formation continue (33, 41, 61, 63-67)

L’évolution des connaissances et des techniques médicales ne cessant de croître, il est

actuellement impossible de poursuivre une carrière médicale sur les seules bases des

connaissances acquises lors du cursus initial. Les années passées ont vu l’émergence du

concept de la formation médicale continue, mais le développement concret est à venir. La

simulation s’annonce comme un outil de choix pour répondre à cette mission qui se doit de

comporter des aspects théoriques mais également d’être pratique et concrète. Ainsi plusieurs

auteurs ont déjà fait la preuve de l’intérêt de la simulation haute-fidélité pour l’acquisition, le

perfectionnement ou l’entretien de connaissances et de compétences (41, 67).

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67

9ème avantage : (re)validation de compétences (17, 33, 34, 41, 43, 50, 52, 61, 63-69)

L’élaboration de scénarii valides dont la robustesse et la fiabilité ont été testées

demande beaucoup de travail, mais permet de bénéficier d’outils d’évaluation sûrs et

reproductibles. La simulation haute-fidélité permet d’évaluer de manière plus complète, plus

approfondie en s’approchant au plus près de la réalité, les praticiens en cours ou en fin de

formation. C’est un atout indéniable pour la certification de compétences, notamment dans les

domaines d’activité à haut risques comme l’anesthésie-réanimation. Outre la formation

initiale, la formation continue bénéficie de la simulation. Il est donc tout à fait envisageable

qu’au cours d’une carrière, après un cursus de mise à jour, un praticien en exercice passe une

re-certification de ses compétences sur simulateur haute-fidélité.

10ème avantage : enseignement des compétences non techniques, les (A)NTS (16, 29, 40-

42, 44-46, 70, 76, 83)

Ce sujet a été largement développé précédemment, car il figure comme l’un des

avantages majeurs de la simulation haute-fidélité. Moyen « d’accès » et d’approche privilégié

des compétences non-techniques, la simulation haute-fidélité a permis l’élaboration du

concept par analogie à l’aviation puis son développement et son enseignement. Compétences

particulières qui, une fois connues, apparaissent comme évidentes et primordiales. Les

compétences non-techniques n’en sont pas moins difficiles à acquérir et à maîtriser

pleinement.

11ème avantage : « l’erreur utile » (14, 84)

Ce concept est développé par la suite. Le principe est qu’une erreur grave,

inacceptable dans la vie réelle, est très instructive dans le cadre de la simulation haute-fidélité.

Cette erreur devient une « erreur utile ».

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68

12ème avantage : laboratoire de recherche technologique et comportemental (56-58)

Précédemment développés, les intérêts du laboratoire de simulation pour la recherche

et l’expérimentation sont des atouts précieux. Le champ d’activité du laboratoire de

simulation s’étend au-delà de l’enseignement et couvre l’élaboration, le développement et le

test de protocoles ou de matériels. Il concerne également l’étude des comportements, des

interactions et des performances cliniques et psychomotrices des acteurs de soins.

13ème avantage : possibilité d’enseignement théorique conjoint : cursus d’enseignement

basé sur la simulation haute-fidélité (38)

La simulation est souvent vue comme un complément de l’enseignement classique,

venant illustrer le propos et renforcer son impact pédagogique. Cette approche est pertinente

et efficace, mais le principe de l’enseignement couplé à la simulation peut aussi être pensé

légèrement différemment. IL ne s’agit pas de juxtaposer deux approches d’enseignement,

mais de les fondre dans une démarche repensée. Il est possible de créer un cursus qui

s’articule autour de la simulation, où celle-ci en est la charnière centrale. L’enseignement

théorique ne se fait plus à côté de la simulation mais y est intégré, les deux étant fusionnés en

un seul cursus. Ceci donne un abord extrêmement pratique et pragmatique de l’enseignement,

englobant les compétences techniques et non-techniques propres à la simulation, sans pour

autant négliger les aspects théoriques et fondamentaux. La simulation haute-fidélité apporte

une qualité unique à l’enseignement, renforcée lorsque le cursus est organisé autour de la

simulation.

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69

2. Inconvénients

1er inconvénient : le coût (7, 76, 85)

La simulation haute-fidélité est une technique relativement coûteuse à plus d’un titre.

Elle est coûteuse en termes financiers, en terme de personnel et en terme de temps. Tous ces

aspects sont essentiels car en grande partie interdépendants. La carence d’un seul annule les

efforts faits pour les autres.

Le budget initial pour constituer un centre de simulation doit couvrir au minimum

l’achat d’un mannequin haute-fidélité, pour un prix allant de 50 000 € HT pour un SimMan®

(Laerdal Médical, France) à 150 000 € HT pour un METI® (Medical Education Technologies

Inc., Sarasota, Floride, USA) en passant par 90 000 € HT pour le SimMan 3G® (Laerdal

Médical, France), dernière évolution, sans fils, de chez Laerdal. A côté de cela il est

nécessaire d’acquérir des « task trainers » pour la formation et l’exercice à la maîtrise des

gestes techniques, ceux-ci ne devant pas être faits sur le mannequin haute-fidélité au risque de

l’user prématurément sans que cela soit fait en l’exploitant au mieux de ses possibilités. Pour

être complet et bénéficier au maximum du concept de la simulation haute-fidélité, un système

d’enregistrement audio-vidéo est requis. Le rendu de la réalité demandé par certains scénarii

nécessite un environnement crédible utilisant des accessoires et du matériel utilisés au

quotidien (ventilateur, défibrillateur, etc…). A cela il faut ajouter les locaux qui doivent être,

sinon construits, au minimum réaménagés (vitre sans tain, passage des câbles électriques,

etc…) afin d’accueillir le laboratoire de simulation. Outre le budget nécessaire à la mise en

place du centre de simulation, il faut compter avec les consommables qui doivent être acquis

initialement puis régulièrement réapprovisionnés. Enfin, même si cela ne rentre pas en compte

dans le coût initial, il faut prévoir précocement le renouvellement du matériel haute-

fidélité (ou l’achat de matériel supplémentaire selon le développement de l’activité du centre)

; ce d’autant plus qu’étant donné le prix il est important d’anticiper un tel achat.

La simulation est également consommatrice de personnel, notamment en instructeurs,

mais également en opérateurs, en agents de maintenance et en administratifs. L’enseignement

et encore plus l’évaluation sur simulateur haute-fidélité ne peuvent se faire qu’en petits

groupes, de taille beaucoup plus restreinte que pour les enseignements magistraux. Ceci

implique un nombre d’enseignants plus important que pour des seuls cours magistraux. Les

instructeurs doivent être formés à la technique pédagogique de la simulation pour pouvoir

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70

apporter le maximum de ses bénéfices aux étudiants. Les instructeurs sont principalement des

médecins afin de pouvoir assurer dans le même temps la cohérence de la situation et

l’enseignement lié à la simulation réalisée. Un opérateur pilote le mannequin. Cet opérateur

peut être l’instructeur principal lui-même – mais cela peut retentir sur la fluidité de la

simulation – ou, lorsque cela est possible, un autre instructeur ou un opérateur technique dédié

à cette fonction. Les deux dernières solutions font donc appel à une seconde personne pour le

déroulement de la simulation. Lorsqu’il s’agit d’un opérateur dédié dont c’est le métier, il est

évident que cela représente un coût financier non négligeable pour le centre. La technologie

complexe du simulateur haute-fidélité impose un entretien spécialisé du matériel, faisant

appel à des compétences bien précises. Cet entretien peut être réalisé par la société ayant

vendu le matériel ou par un agent de maintenance propre au centre (selon sa taille). Quelle

que soit la solution, elle a un coût. Pour accroître le réalisme de la simulation il est parfois fait

appel à des acteurs pour tenir des rôles d’assistants, de chirurgiens ou de personnel médicaux

ou paramédicaux annexes à la simulation, intervenant dans le scénario. Cette fonction peut, là

encore, être tenue par des instructeurs ou d’autres personnes du centre de simulation mais

également par des étudiants hospitaliers. C’est un autre besoin de personnel non indispensable

mais utile à la simulation. Enfin, comme toute structure, le centre de simulation a besoin de

personnel(s) administratif(s) pour gérer l’organisation pratique tel que les plannings

d’occupation des locaux, la programmation des sessions de simulation, la communication, la

gestion financière, etc… .

Toutes les activités liées au centre de simulation demandent des compétences

spécifiques et consomment du temps. Les personnels dédiés au centre pour les fonctions

d’opérateur, d’administratif, d’agent de maintenance le sont parfois seulement à temps partiels

ou leurs fonctions sont remplies par d’autres personnes du fait des moyens financiers limités

du centre qui peuvent être liés à sa taille ou à l’investissement institutionnel qui y est fait.

L’importance du centre de simulation détermine ses moyens et réciproquement. Le

développement d’un centre de grande taille et d’importance peut venir soit d’un

investissement humain important, soit d’une volonté institutionnelle forte apportant des

moyens financiers conséquents, soit, idéalement, des deux réunis. Lorsque les personnes

intervenant au sein du centre de simulation appartiennent à d’autres structures – ce qui est très

fréquemment le cas pour les instructeurs – cela représente une consommation du temps de ces

personnes. Ce temps peut être inclus dans leur activité principale ou être en sus de celle-ci. De

même la présence des participants aux sessions de formation ou d’évaluation sur simulateur

haute-fidélité implique qu’ils prennent du temps sur leurs activités cliniques. La simulation est

Page 71: UNIVERSITE de CAEN ------- FACULTE de MEDECINE

71

donc également consommatrice de temps pour les instructeurs et les participants. L’ensemble

de ces arguments plaide pour un soutien institutionnel fort à la simulation pour diminuer ou

participer aux coûts et rendre la création et l’entretien d’un centre de simulation haute-fidélité

opérationnel, viable et pérenne.

2ème inconvénient : apprentissage partiellement erroné (7, 76, 86)

La simulation haute-fidélité tend à reproduire le réel, mais n’est pas la réalité pour

autant. Plus elle s’en rapproche, plus la situation est crédible. Dans l’état actuel des choses, il

existe certaines différences entre la réalité du quotidien et la simulation qui déterminent des

limites à la simulation haute-fidélité. La technique de la simulation en elle-même créé une

vision partiellement erronée du temps, de l’examen clinique et du « réel ».

Les contraintes organisationnelles de l’enseignement font que le déroulement des

scénarii ne respecte que très rarement la vitesse à laquelle se passent les événements dans la

vie réelle. Les incidents et leurs conséquences ont une succession accélérée dans le temps. Il

est important de régulièrement rappeler cela aux intervenants afin qu’ils l’intègrent dans leur

apprentissage et pour leur pratique réelle.

Le réalisme même des mannequins haute-fidélité est encore imparfait par bien des

aspects : la texture et la coloration de la peau ne renseigne pas sur un éventuel état de choc,

une déshydratation, un ictère, une cyanose, des marbrures, etc…, les sueurs, les tremblements,

l’agitation, les positions antalgiques, les convulsions, etc… Tout les mannequins ne

présentent pas les mêmes caractéristiques ni les mêmes limites dans le réalisme rendu, mais

aucun n’est encore parfait. Il appartient donc à l’instructeur, lorsqu’il présente la situation, de

bien rappeler ces limites. Il doit s’assurer que ces informations – importantes – qui sont dans

la vie réelle obtenues par l’observation et l’examen clinique, soient bien à la disposition des

participants afin qu’ils aient en main le maximum de données pour que la crédibilité soit la

plus grande possible et la simulation la plus réussie possible.

Sur le plan purement technologique, la simulation peut faillir dans le rendu du

réalisme. Des bugs lors de la programmation des scénarii peuvent autoriser des erreurs qui

seraient lourdes de conséquences en situation cliniques réelles, mais qui n’entraînent aucune

modification dans l’évolution des scénarii. Ceci peut être en partie limité par la possibilité

qu’a l’instructeur de reprendre la main à tout moment pour piloter la simulation à vue. Cela

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72

implique qu’il soit apte à détecter l’erreur et à la corriger en temps réel. Ces mêmes erreurs

sont susceptibles de survenir en mode pilotage à vue si l’opérateur manque une action

entreprise par le(s) participant(s). Ce risque de rupture avec la « réalité » du simulateur est

majoré si l’instructeur est l’opérateur. Il est plus difficile pour lui d’être concentré à la fois sur

le pilotage et sur l’observation du déroulement de la simulation.

Il faut donc être bien conscient que la simulation, même si elle la mime, n’est pas la

réalité. Certaines erreurs « autorisées » involontairement par la simulation ne pourraient pas

l’être dans la vie réelle. La vigilance reste de mise pour les instructeurs comme pour les

participants.

3ème inconvénient : les effets « adverses » de la simulation haute-fidélité (10, 13, 76)

Du fait même que les participants se savent dans un contexte de simulation haute-

fidélité leurs comportements sont modifiés. Deux types d’effets « adverses » sont observés :

l’hypervigilance et l’indolence.

Le praticien confronté au simulateur est dans l’attente de la survenue d’un incident ou

d’un événement inhabituel pour lequel il sait qu’il devra réagir. Il est donc probablement plus

concentré et en alerte. Il guette les moindres anomalies cliniques ou techniques pouvant signer

le début de l’incident requérant son intervention. Cet état d’hypervigilance fausse les données

en cas d’évaluation, car il est peu probable que le praticien évalué fasse constamment preuve

d’autant de concentration et de vigilance au quotidien. Pour palier cela Gaba propose

d’informer les intervenants qu’ils peuvent être confrontés à un scénario « blanc », où il ne se

produira rien de particulier (10). Même si le principe est théoriquement intéressant, il est peu

probable qu’un scénario « blanc » soit fréquemment utilisé en pratique. Vu les coûts engagés

pour la simulation haute-fidélité, réaliser une session pour « rien » mais seulement pour

essayer de diminuer l’hypervigilance des participants, semble une utilisation de temps et

d’énergie peu efficiente. A l’inverse il peut être jugé que l’hypervigilance ainsi induite forme

les praticiens à une plus grande vigilance et une plus grande concentration au quotidien et les

exerce à être mis en alerte par des discrets signes annonciateurs d’incidents à venir.

Le praticien qui se sait dans une situation de simulation risque un autre effet

« adverse » :l’indolence. L’indolence est le revers du premier avantage décrit : l’absence de

risque pour le patient. Le praticien est en confiance dans le cadre de la simulation car il sait

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73

que ses décisions et ses actions n’auront pas de conséquences réelles puisque le « patient » est

un mannequin. Un excès de confiance peut conduire à une attitude désinvolte de la part du ou

des participant(s). A l’extrême il est possible d’observer des comportements peu rigoureux

voire à risques qui ne seraient jamais concevables dans la réalité. Cette attitude fausse les

données de la simulation et en diminue les bénéfices pédagogiques. Toutefois, pour Gaba, ces

deux effets « adverses » peuvent partiellement se compenser (13).

4ème inconvénient : le manque de preuves scientifiques de l’efficacité de la simulation

La question des preuves de la simulation a été développée précédemment, de même

que celui de leur absence. Cet « inconvénient », bien réel aux débuts de la simulation, s’est

réduit au fur et à mesure du temps et continue à s’estomper. S’il a fallu de la conviction aux

pionniers de la simulation médicale pour extrapoler les enseignements d’autres secteurs à

risques (aviation civile, militaire, nucléaire) et se lancer dans l’aventure, les preuves de la

pertinence et de l’efficacité de la simulation commencent à s’accumuler, sans équivoque pour

l’enseignement et progressivement pour l’évaluation. Cet inconvénient apparaît donc comme

mineur et est amené à disparaître.

5ème inconvénient : difficulté d’évaluation des bénéfices (11)

Si les coûts liés à la simulation sont approchables, les bénéfices qui y sont liés sont

difficiles voire impossibles à évaluer. Si l’accroissement des compétences et des

performances des individus et des équipes est clairement visualisable, il est plus difficilement

mesurable. C’est pourtant un bénéfice net. Il n’est pas facile de chiffrer le bénéfice en terme

de gain sécurité pour les patients. Même si la réduction des erreurs est mesurable, il n’est pas

évident de conclure que seule la simulation en est la cause. D’autres facteurs qui portent à

confusion peuvent entrer en jeu. D’un point de vue financier, il est très dur d’évaluer les

économies générées grâce à la simulation. Le calcul des sommes épargnées par

l’accroissement de la qualité de soins seulement imputable à la simulation semble peu

accessible. Il faut en plus de cela considérer que le bénéfice de la simulation s’inscrit dans la

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74

durée. Ce qui est le cas dans l’aviation civile. Il est également probable que la systématisation

et la généralisation de la simulation rendent plus nets ses bénéfices. La simulation a besoin de

temps et de se répandre largement pour pouvoir espérer apporter les preuves irréfutables des

bénéfices qu’elle peut procurer au système de soins, à ses acteurs et bien évidemment aux

patients.

Par ailleurs les méthodes d’enseignement et d’évaluation « classiques » n’ont jamais

été testées et évaluées rigoureusement afin de déterminer si elles atteignent leurs buts, si elles

sont efficaces et rentables en terme de coût/qualité (11). Les bénéfices de la simulation sont

très durs à prouver scientifiquement et peu faciles à mettre en évidence en pratique. Des

années passeront encore avant de disposer d’études robustes équivalentes à des essais

prospectifs randomisés de recherche fondamentale ou même clinique. Pourtant, le principe de

la simulation, les concepts qui la sous-tendent, le raisonnement et l’expérience qui en est faite

tant par les participants que par les instructeurs plaident sans équivoque en faveur de la

simulation. Rares sont les personnes ayant testé la simulation haute-fidélité qui n’y ont pas vu

une technique pédagogique novatrice, prometteuse avec des bénéfices certains à la clé. A

l’instar de Gaba, il faut avoir confiance dans cette intuition et dans le raisonnement, les

preuves tangibles suivront (13).

C. Aspects pédagogiques spécifiques à la simulation

La plupart des concepts suivants ont été développés ou évoqués précédemment. Ils

sont regroupés ici pour mettre en avant leur importance et les liens qu’ils ont avec la

simulation haute-fidélité. Ces concepts n’ont d’existence et de sens vrai qu’au travers de la

simulation haute-fidélité. Ils sont pour la plupart nés avec ou de la simulation. Ils constituent

l’essence même de l’intérêt de la simulation haute-fidélité.

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1. Les domaines pédagogiques nouvellement accessibl es grâce à la simulation haute-fidélité

La simulation haute-fidélité ouvre l’ère de nouveaux types d’enseignements.

L’(Anesthesia) Crisis Resource Management ((A)CRM) (10, 29, 42, 45, 72, 75) et les

compétences non-techniques (en anesthésie-réanimation) ((A)NTS) (16, 17, 42-45, 83) sont à

leur manière deux révolutions pédagogiques pour la médecine et plus particulièrement pour

les spécialités d’anesthésie-réanimation, de réanimation et de médecine d’urgence. L’ACRM

et les ANTS apportent une vision nouvelle de l’exercice quotidien de la médecine en

anesthésie-réanimation. Cette spécialité, relativement jeune, est extrêmement dynamique et en

constant développement. Elle est fortement portée à une rigueur scientifique. En son sein

naissent régulièrement des techniques, des procédures et des concepts qui font progresser la

médecine vers ce qu’elle sera demain. l’ACRM et les ANTS représentent une culture du

travail en équipe, de l’optimisation de la sécurité, de l’anticipation des difficultés, de la

gestion du stress et des situations critiques. Ces qualités étant primordiales en anesthésie-

réanimation, c’est tout naturellement qu’elles prennent une place prépondérante dans les

formations initiales et continues des praticiens. C’est grâce à la simulation haute-fidélité que

l’ACRM et les ANTS ont pu être développés. Ces concepts pédagogiques propres à la

simulation donnent accès à l’acquisition de compétences qui auparavant étaient supposées

mais inaccessibles. La simulation a permis de les étudier, de les développer, puis de s’y

entraîner et de les enseigner.

Tirant également un bon parti de la simulation haute-fidélité, l’éthique bénéficie d’une

approche très novatrice (18, 39). En rendant les situations crédibles cliniquement, il devient

possible de travailler non seulement sur le relationnel au sein de l’équipe de travail, mais

également sur l’entourage simulé du patient de même que sur la prise de décisions. La

simulation haute-fidélité d’une situation critique, immerge le praticien dans des conditions

proches du réel, générant un stress calibré. Ceci l’installe dans un état d’esprit où il devrait

être capable de réaliser un entretien avec un patient ou sa famille. Le praticien peut progresser

dans ce relationnel avec les patients, guidé par l’instructeur et l’autoanalyse qu’il peut lui-

même faire des vidéos au cours du débriefing.

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76

2. Uniformisation des cursus (7, 10, 27, 39, 50-52, 59, 76, 78)

L’uniformisation des cursus est précédemment présentée comme l’un des avantages de

la simulation haute-fidélité. Ceci permet d’offrir à tous les étudiants un tronc commun

d’expérience médicale garanti. Des cas rares, peu évidents à observer, ou pouvant

difficilement être confiés à des novices peuvent ainsi être recréés et mis en situation. Cet atout

intéressant pour l’ensemble des étudiants en médecine, l’est d’autant plus pour les spécialités

à hauts risques telles que l’anesthésie-réanimation, la réanimation et la médecine d’urgence,

ainsi que pour certaines chirurgies. L’assurance d’un cursus de formation uniforme est un

gage de sécurité pour le patient et accroît la confiance qu’ont le praticien et ses collaborateurs.

Cela certifie d’une certaine manière que, dans le panel des situations jugées à maîtriser par les

enseignants, car à risque potentiel, le futur praticien ne risque pas d’être pris au dépourvu car

il est en situation non seulement connue mais déjà vue. L’utilisation de la simulation haute-

fidélité lors de cursus initiaux est un gage d’une formation homogène, complète et rigoureuse

diplômant des praticiens performants, sans lacunes dangereuses.

3. Le principe du « patient à la demande » (78)

Dans la continuité du principe de l’uniformisation des cursus, celui du « patient à la

demande » apporte un réel plus à la formation des praticiens, qu’elle soit initiale ou continue.

La simulation haute-fidélité offre l’opportunité de créer à volonté des situations cliniques. Ce

principe renforce la souplesse de l’enseignement. Celui-ci s’adapte aux besoins de formation

des praticiens. Les cursus sont ainsi à la fois uniformisés et à la fois personnalisés selon les

besoins de chacun.

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77

4. La culture de l’esprit d’équipe (41, 67)

La notion d’équipe occupe une place prépondérante dans l’ACRM et les ANTS. Aux

urgences, au bloc opératoire ou en réanimation, la prise en charge des patients est toujours

l’affaire d’une équipe, composée de personnels médicaux (pouvant être de différentes

spécialités) et paramédicaux. La qualité de la prise en charge des patients repose à la fois sur

les compétences individuelles des membres de l’équipe, et sur celles de l’entité « équipe » en

elle-même. La cohésion du groupe, la communication, la façon dont s’articulent les

compétences de ses membres et la gestion qui en est faite par le leader déterminent son

efficacité et la qualité de la prise en charge des patients (87). A compétences individuelles

égales, le groupe habitué à travailler en équipe, qui se connaît est nettement plus performant

qu’un assemblage d’individus ayant de bonnes compétences mais n’ayant pas l’habitude de

travailler ensemble. La simulation haute-fidélité offre une opportunité unique de renforcer les

équipes d’exercer les individus à travailler ensemble afin de les rendre plus unies et plus

performantes. C’est également la possibilité pour les praticiens d’apprendre à organiser et

gérer une équipe ainsi que les fonctions de leader. Ceci semble faisable en situation classique,

mais devient beaucoup plus délicat en situation de crise avec un stress plus ou moins

important, ressenti différemment selon les membres de l’équipe. La simulation haute-fidélité

renforce la visibilité de l’importance de l’entité « équipe » et crée ainsi une culture de

« l’esprit d’équipe ». Ceci est fondamental en médecine et notamment en anesthésie-

réanimation.

5. Le concept de « l’erreur utile » (14, 84, 88)

La possibilité de faire et d’apprendre de ses erreurs est une des caractéristiques

essentielles de la simulation haute-fidélité. Dans le contexte de la simulation, il est possible de

laisser l’étudiant se tromper et commettre une erreur diagnostique ou de prise en charge

thérapeutique conduisant à une dégradation de la situation, sans que cela soit réellement

préjudiciable. Dans la vie réelle c’est impossible. Le médecin senior doit intervenir dès qu’il

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78

identifie l’erreur pour limiter les potentielles conséquences pour le patient. Ce qui est normal

et salvateur pour le patient, mais ne permet pas à l’étudiant d’apprendre pleinement de son

erreur. La simulation haute-fidélité remédie à cela en offrant la possibilité d’observer les

conséquences d’une erreur – aussi minime apparaisse-t-elle initialement – afin de saisir tout la

portée et l’évolution potentielle qui en découlerait. Cet enseignement a trois aspects positifs

principaux : la réduction directe des erreurs évitables, la culture de la prévention des erreurs et

l’acquisition de compétences spécifiques permettant de gérer les erreurs non évitables.

L’exercice de simulation autorisant des erreurs, les praticiens en tirent leçon. Cette expérience

acquise ne se fait pas aux dépens du patient mais reste vécue directement et n’est pas un

simple enseignement transmis. L’impact pédagogique lié au « vécu » de l’événement est dû

au stress induit par la simulation, qui active d’autres circuits mnésiques que l’apprentissage de

cours magistraux. Le ressenti généré intensifie la mémorisation. Les praticiens, confrontés

dans des situations cliniques réelles similaires, évitent de reproduire les erreurs qu’ils ont déjà

commises ou vu commettre sur simulateur. Ils tirent pleinement parti de leur expérience, fût-

elle sur simulateur haute-fidélité. De cet ensemble découle le second aspect positif du concept

de « l’erreur utile » : la culture de la prévention des erreurs évitables. Au travers de la

simulation, des erreurs qu’ils ont pu commettre sur simulateur, conscients des conséquences

de ces erreurs, les praticiens acquièrent une sensibilité renforcée toute particulière à la

prévention des erreurs évitables. Ils sont vigilants et alertés aux situations graves aussi bien

qu’à celles pouvant paraître anodines, à risques d’erreurs ou de complications. Ils sont donc à

même d’anticiper ces situations pour les prévenir et éviter qu’elles ne se présentent. Enfin,

lorsque surviennent des incidents liés à des erreurs dites inévitables, la formation et

l’expérience acquise sur simulateur haute-fidélité permettent aux praticiens de gérer au mieux

ces situations. De jeunes praticiens, avec peu d’expérience réelle, peuvent ainsi affronter des

situations délicates qui posaient encore problème à des praticiens chevronnés il y a quelques

années du fait de la rareté de leurs survenues et d’une plus faible exposition aux erreurs et à

leurs conséquences. Il y a toujours une leçon à tirer de ses erreurs, mais il est rassurant que cet

apprentissage se fasse le moins possible aux dépens du malade. La simulation haute-fidélité

aide à résoudre ce dilemme. Le concept de « l’erreur utile », propre à la simulation est un

apport très intéressant, explorant un champ pédagogique jusqu’alors difficilement accessible.

Même si l’idée sous-tendant ce concept existait auparavant, elle était limitée par le côté

négatif que représentait l’erreur pour le patient qui en était victime. La simulation permet de

se dédouaner de cet aspect négatif pour n’en retenir que le côté positif et l’exploiter au

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79

maximum. L’erreur – sur simulateur – est alors bénéfique pour le praticien comme pour le

patient.

6. Efficience pédagogique par ciblage des objectifs

Associé au cursus uniformisé, qui garantit un tronc commun d’expérience et de

compétences aux praticiens, la simulation peut proposer un enseignement « à la carte ». Lors

des débriefings, l’analyse des compétences et des performances des praticiens permet

d’identifier les points forts et les points faibles, que ce soit pour les connaissances théoriques

ou pour les compétences (43). L’instructeur peut donc programmer les sessions suivantes en

sélectionnant des scénarii adaptés pour cibler les lacunes mises en évidences. L’enseignement

évite ainsi les redondances inutiles et la constitution de lacunes durables. Cette méthode

pédagogique couple dans le même temps l’enseignement et l’évaluation de son assimilation

réelle, ce qui permet d’en évaluer l’impact. Cela représente un gain de temps pour les

instructeurs, mais également pour les étudiants. Les premiers n’enseignant qu’à bon escient et

les seconds ne suivant pas de session superflue mais seulement quand cela leur est profitable.

Le ciblage des objectifs pédagogiques individuels permet de créer des groupes d’étudiants

ayant les mêmes connaissances et compétences à acquérir ou à perfectionner. Les étudiants

les maîtrisant déjà peuvent se consacrer à d’autres objectifs. Chacun n’ayant pas les mêmes

points faibles et les mêmes points forts, cela constitue bel et bien un enseignement à la carte.

Pour autant le but final de ce principe est bien l’homogénéisation des connaissances et des

compétences car il permet de s’assurer que l’ensemble d’une promotion participant à un

cursus de formation acquiert et maîtrise les objectifs pédagogiques fixés initialement. Le

ciblage des objectifs pédagogiques selon les lacunes apporte un gain important à l’efficience

de l’enseignement.

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80

7. Culture du débriefing

Les caractéristiques et le déroulement du débriefing ont été développés précédemment.

Son emploi systématique en seconde partie d’une session de simulation, répand son concept.

A l’usage, il devient évident aux instructeurs comme aux participants qu’il est indispensable

et indissociable de la simulation haute-fidélité. Il en fait partie intégrante. Tous, participants

comme instructeurs tirent un bénéfice du débriefing (79). Les premiers reçoivent le

complément d’enseignement sur les connaissances qui ont pu leur faire défaut au cours de la

simulation, des conseils sur les compétences non-techniques, sur la gestion de situations

critiques et une analyse de l’instructeur sur le déroulement du scénario. C’est également

l’occasion pour eux de s’autoanalyser grâce à l’enregistrement audio vidéo. Les instructeurs

tirent aussi partie du débriefing en évaluant leurs scénarii, la gestion qu’ils ont fait de la

session de simulation, l’assimilation faite par les étudiants des connaissances et compétences

à acquérir. Ils déterminent ainsi si les objectifs pédagogiques sont atteints, si d’autres sessions

sont nécessaires pour un ou plusieurs participants, si leur approche pédagogique est adaptée

aux étudiants suivant le cursus. Le débriefing permet aux instructeurs et aux participants de

progresser ; dans leur maîtrise de la simulation pour les premiers et dans leurs cursus de

formation pour les seconds. Le concept du débriefing, une fois couramment utilisé, devient

familier. La pratique de la simulation haute-fidélité conduit au développement d’une « culture

du débriefing » qui s’étend au-delà du centre de simulation. L’ensemble des points positifs

issus du débriefing après simulation conduisent les praticiens à généraliser ce concept à leurs

pratiques quotidiennes. Chose rare auparavant, au sortir de situations complexes ou de gestion

de crises – quelle qu’en soit l’issue – les praticiens ont de plus en plus souvent spontanément

recours à un débriefing. Ceci, comme en simulation, permet de tirer des enseignements de

l’événement. La culture du débriefing en médecine est véritablement née de la simulation

haute-fidélité.

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8. Evaluations des compétences et des performances (17, 42-44)

L’évaluation fait partie intégrante de toute méthode d’enseignement. C’est un procédé

indispensable à plus d’un titre, autant pour les instructeurs que pour les étudiants.

L’évaluation permet aux instructeurs de juger indirectement de la qualité de leur

enseignement, qui seule garantit la possibilité de bons résultats des étudiants. Un

enseignement n’est efficace et de bon niveau que si une majorité des étudiants – sous réserve

qu’ils soient un minimum assidus – obtiennent des résultats satisfaisant aux évaluations. C’est

également le moyen pour les enseignants de déterminer si les objectifs pédagogiques fixés

sont atteints et quels sont les suivants. Pour les étudiants, l’évaluation précise pour eux-

mêmes le degré d’acquisition et permet de cibler les efforts à fournir pour maîtriser

connaissances et compétences. Cela ne doit pas être un élément sanctionnant, une simple

épreuve qu’il faut valider. Le succès d’une évaluation n’est pas la seule obtention d’un

diplôme en tant que tel, mais la certification de la maîtrise de connaissances, de compétences

et de performances dans le cas de la simulation. Le diplôme n’est pas une fin en soi mais le

témoin de la maîtrise de l’enseignement suivi. Dans le cas de la simulation haute-fidélité,

l’évaluation prend tout son sens pédagogique et s’écarte de la dimension de

« sanction validante». La simulation haute-fidélité fond en une unité de temps et de lieu

l’enseignement et son évaluation si bien qu’une fois passée l’appréhension initiale du

jugement et du regard des autres (instructeurs, participants et acteurs), ce processus mixte

devient naturel pour tous. Les qualités de la simulation pour l’évaluation ont en partie déjà été

démontrées et seront amenées à se développer avec son essor (33, 34). Les atouts spécifiques

de l’évaluation sur simulateur haute-fidélité sont ses champs d’exercices propres.

L’évaluation des compétences est extrêmement facilitée par l’usage de la simulation. Quant

aux performances des praticiens, pour de nombreuses raisons déjà présentées, la simulation

haute-fidélité est le moyen quasi exclusif de les tester, de les mesurer et de les évaluer. Ceci

est valable aussi bien pour l’évaluation de l’enseignement et la validation de la formation

initiale que pour ceux de la formation continue. La simulation haute-fidélité est appelée à

prendre part et à enrichir l’évaluation des pratiques professionnelles des praticiens seniors.

Les principes et concepts qui la sous-tendent, expliquent pourquoi il est naturel et bien perçu

par tous que la simulation haute-fidélité serve à l’évaluation des compétences et des

performances des praticiens.

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9. Le théâtre de la simulation haute-fidélité

La simulation haute-fidélité est essentiellement dévolue à l’enseignement et

l’évaluation, mais son usage peut également servir à des missions annexes. Toujours dans le

domaine de l’enseignement, la simulation permet de réaliser des démonstrations pédagogiques

didactiques sans problème d’éthique, de respect ou d’autorisation. Des procédures peuvent

ainsi être élaborées, testées puis démontrées sur simulateur haute-fidélité (70). Ceci offre, une

fois encore, l’avantage de proposer une démonstration homogène et constante pour tous. La

grande liberté de programmation et de pilotage à vue donne la possibilité de recréer des

situations ayant posé problème dans la réalité afin d’analyser ce qui est arrivé, d’identifier les

erreurs et d’envisager des solutions pour le cas où le problème se représenterait. Vozenilek et

ses collaborateurs proposent d’utiliser la simulation haute-fidélité dans le cadre d’une revue

de morbi-mortalité (89). Cet exercice difficile d’analyse des complications – survenues au

cours des soins et pouvant y être liées – prend une tournure intéressante une fois illustré sur

simulateur. Enfin, il est possible d’imaginer utiliser la simulation haute-fidélité pour faire

découvrir les réalités de spécialités à risques (telles que l’anesthésie-réanimation, de la

médecine d’urgence, etc…) aux jeunes étudiants en médecine, qui ont peu souvent l’occasion

de les approcher, afin qu’ils s’en fassent une idée plus précise. La simulation haute-fidélité

permet une présentation honnête, concrète et pratique de ces spécialités, permettant d’en

montrer les principaux intérêts. Ceci pouvant aider les jeunes étudiants à s’orienter dans leurs

choix professionnels futurs. Le centre de simulation haute-fidélité peut donc se transformer en

théâtre, où différentes représentations, ayant des objectifs propres, peuvent se tenir. Le point

commun de ces démonstrations est une volonté pédagogique d’éclaircissement, de

transmission du savoir et de la passion d’une profession.

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VI. Actualité et avenir de la simulation haute-fidé lité

A. Actualité de la simulation haute-fidélité

Au début du mois de juillet 2009, 1 079 centres de simulation haute-fidélité sont

référencés sur le site du Centre de Simulation Médicale de Bristol (BMSC) (90). Sur ces

1 079 centres, plus de la moitié (58,4%) sont aux USA, alors que l’Europe (17,5%) et l’Asie

(14,1%) représentent toutes deux moins d’un sixième des centres. L’Amérique du Sud,

L’Afrique et l’Australie représentent en cumulé moins de 5% des centres (Figure 15). La

disponibilité de la technologie médicale et les investissements importants institutionnels

participent probablement à la répartition des centres essentiellement dans les pays

industrialisés. Pour preuve, L’Afrique dispose d’un centre pour 160 millions d’habitants,

l’Asie d’un pour 26,5 millions d’habitants alors que l’Europe en a un pour 3,9 millions

d’habitants et les USA en ont un pour 479 000 habitants.

Figure 15. Répartition des centres de simulation haute-fidélité dans le monde avant et après 2000.

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Le premier centre de simulation haute-fidélité ouvert dans le monde est le « Centre de

simulation de l’école de médecine de Miller de Miami », Université de Miami en Floride

(USA). Son ouverture remonte à 1966, par le Professeur MS Gordon et ses collaborateurs.

Presque trente ans s’écoulent avant que d’autres centres ne s’ouvrent. C’est seulement dans

les années quatre-vingt-dix, et plutôt sur la fin, que d’autres centres apparaissent dans

différentes régions du monde : 1991 en Europe (Erlangen, Allemagne), 1995 au Canada

(Toronto) et en Asie (Hamamatsu, Akita et Dokkyo, Japon), 1997 en France (Paris) et en

Australie (Melbourne, Sydney et Wellington) et en 1998 en Afrique (Johannesburg et Natal,

Afrique du Sud) et en Amérique du Sud (Buenos Aires, Argentine) (Annexe 1) (Figure 16).

Figure 16. Les centres de simulation haute-fidélité dans le monde.

En 2001 Morgan et ses collaborateurs réalisent une enquête mondiale sur l’usage de la

simulation en anesthésie-réanimation (91). Leurs recherches internet identifient 158 centres de

part le monde en 2001. Leur enquête met en évidence la sous-utilisation de la simulation pour

l’évaluation des performances et le manque de ressources financières et humaines. L’analyse

de la base de données de Bristol, indique que de l’accroissement du nombre de centres dans le

monde entre avant l’an 2000 et juillet 2009 est de plus de 800%, passant de 134 à 1079

centres soit un facteur 8,1. Cette progression est la plus marquée en Amérique du Nord où les

USA augmentent de plus de 760% leur nombre de centres (de 82 à 630) et le Canada de

1450% (de 4 à 58) ; ainsi qu’en Asie et en Amérique du Sud où la progression est de plus de

1000% (15 à 152 pour l’Asie et 2 à 21 pour l’Amérique du Sud). La simulation est en plein

essor, et celui-ci semble s’accélérer depuis 2008. Sur les 1079 centres de part le monde,

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85

27,7% (299) se sont ouverts depuis 2008. Les USA restent en tête avec 47,2% (141) des

nouveaux centres mondiaux depuis 2008, suivis de l’Asie avec 26,4% (79) des ouvertures et

de l’Europe avec 15,4% (46). Le principe de la simulation semble avoir fait son chemin. Ce

n’est plus quelque chose d’anecdotique au vu de ces chiffres. Il est donc probable que l’avenir

de l’enseignement médical passe par la simulation. C’est en tout cas le choix que paraissent

avoir fait certains pays, les USA en tête.

Le référencement du Centre de Simulation Médicale de Bristol (BMSC) est le seul

disponible actuellement, mais il n’est probablement pas exhaustif car basé sur

l’enregistrement spontané des centres sur le site de Bristol (les données sont parfois

incomplètes). Il est à supposer que les pays anglo-saxons sont les plus rigoureusement

référencés sur ce site de langue anglaise. Sur ce site seuls trois centres sont référencés en

France alors que les données de 2009 de la société Laerdal en recensent 27. Au sein de ces

centres il y a 38 SimMan®, 2 METI®, 5 SimBaby®, 3 simNewB®. Quelques installations ont

eu lieu dans l’été 2009 : 5 SimMan®3G, 3 SimMan®et 1 SimBaby® et 2 simNewB®. Dans le

monde, deux sociétés commercialisent des simulateurs patients haute-fidélité : Laerdal et

METI. La société METI n’est pas représentée en France. Neuf cent des dix mille simulateurs

haute-fidélité commercialisés par la société Laerdal sont en Europe, moins de cinquante en

France.

Les détails des données de l’Europe montrent un nombre important de centres en

Grande-Bretagne (60 soit 31,7% des centres européens). La culture de la simulation haute-

fidélité, même s’ils n’en ont pas l’apanage, est majoritairement le fait des pays anglo-saxons.

L’ASA (Américan Society of Anesthesiologists) constitue en décembre 2004 un groupe de

travail chargé de réfléchir sur la place de la simulation dans le cursus et la vie professionnelle

des anesthésistes-réanimateurs (92). Ce groupe de travail rédige un livre blanc rendu public en

juillet 2006, dont les principales recommandations sont :

• Référencer et faire connaître les offres d’enseignements par la simulation,

• Réaliser des enregistrements des sessions,

• Développer des cursus autour de la simulation,

• Évaluer les cursus et les instructeurs,

• Développer le leadership,

• Développer la formation médicale continue et avoir des chartes pour gérer

l’anxiété et la confidentialité.

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Ce même groupe propose d’accorder des crédits de formation continue aux praticiens

participants à des cursus de simulation. L’intérêt pour la simulation est tel aux USA et au sein

de l’ASA, que le groupe de travail est pérennisé en un comité permanent sur l’enseignement

par la simulation lors du congrès annuel de l’ASA : le « Committee on Simulation

Education ». En octobre 2007 ce comité crée une bibliothèque en ligne de partage de scénarii

(www.asahq.org/SIM). Le principe du partage y prévaut, puisque l’apport d’un scénario avec

les documents permettant de le réaliser donne accès à la bibliothèque. Les centres participants

s’engagent à utiliser au moins un des scénarii de la bibliothèque dans leurs cursus. L’ASA

voit dans la simulation la prochaine révolution dans l’enseignement médical. L’ASA compte

sur la capitalisation de l’investissement, l’expérience et le leadership des anesthésistes-

réanimateurs dans l’enseignement basé sur la simulation pour mener à bien cette révolution

(93).

Il faut noter également l’existence du Centre de simulation israélien MSR, ouvert à la

fin 2001 et agrandi en 2005, dont la particularité est de regrouper en son sein toutes les

spécialités médicales et chirurgicales ainsi que paramédicales (14). L’activité de simulation

est également répartie en trois tiers entre les médecins, les infirmiers et les autres

paramédicaux. Un effort important y est fait pour former simultanément tous ces acteurs de

soins en les regroupant fréquemment sur les mêmes sessions de simulation.

B. Futur et perspectives pour la simulation haute-f idélité

1. Perspectives techniques

Les évolutions informatiques, technologiques, la miniaturisation, les progrès dans les

plastiques, etc… promettent de constantes améliorations et perfectionnements du matériel de

simulation haute-fidélité. Depuis peu Laerdal commercialise le SimMan 3G® qui en plus

d’être sans fils (Wifi) offre des fonctionnalités nouvelles par rapport à la version précédente :

pupilles photosensibles et modifiables, sueur du front, cyanose des lèvres, convulsions, etc….

Un lecteur, situé dans l’avant-bras du mannequin, permet la reconnaissance des drogues

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injectées au moyen de seringues portant des microémetteurs. Le compresseur n’est plus

externalisé mais incorporé dans une des cuisses du mannequin, ce qui le rend plus facilement

déplaçable et permet des utilisations moins complexes à mettre en place qu’avec la génération

précédente du simulateur. Le mannequin n’est plus physiquement relié à l’ordinateur de

pilotage et au compresseur, mais totalement indépendant. La principale limite actuelle au

réalisme est l’effet rendu par la « peau » du mannequin, loin de présenter des caractéristiques

crédibles par rapport à un patient réel. L’immobilisme et la raideur du mannequin le

différencient également encore nettement d’un vrai patient. Ce sont les fidélités de

l’environnement, psychologique et du reste du matériel qui compensent en partie cette relative

faiblesse de la fidélité du matériel. Dans l’ensemble, l’amélioration des performances des

simulateurs haute-fidélité va conduire à un accroissement de la fidélité de la réalité recréée

lors des sessions de simulations. Le bénéfice pédagogique de la simulation haute-fidélité n’est

pas influencé par l’augmentation du degré de réalisme, mais il est probable que l’immersion

s’en trouve renforcée ou tout au moins facilitée. Le vrai progrès sera l’amélioration de la

fluidité permise par des logiciels plus perfectionnés – des automatismes du patient mimant la

vie – et par un réalisme accru qui réduira les dernières imperfections permettant une

immersion totale. Il est certain que les simulateurs du futur seront de plus en plus fidèles. Ceci

ne modifie en rien le concept de la simulation tant qu’il est clair dans l’esprit des participants

qu’il s’agit d’un exercice imitant le réel mais qui n’est pas le réel, aussi crédible soit-il. Bien

qu’il soit hasardeux de prédire l’avenir, l’ultime évolution de la simulation haute-fidélité

prévisible à ce jour est la réalité virtuelle. Basée sur les principes de la simulation haute-

fidélité tels qu’ils sont connus, la réalité virtuelle poussera le réalisme de la simulation à un

degré confondant. Alliant un environnement, des effets visuels, auditifs, tactiles et peut-être

même olfactifs quasi-réels, et entièrement configurables ; la réalité virtuelle s’annonce comme

une autre révolution technologique et de technique pédagogique. Le pendant de cela est que

l’impact psychologique, déjà potentiellement fort avec la simulation haute-fidélité, sera

maximisé. Ceci nécessitera des adaptations des cursus qui viendront en leurs temps.

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2. Perspectives pédagogiques

L’assimilation de la simulation par l’enseignement classique comme partie intégrante

de la formation des praticiens juniors et seniors peut se faire en suivant plusieurs axes. Le

premier, actuellement le plus développé, est l’incorporation d’un volet simulation au cursus

de formation déjà existant. La simulation vient illustrer l’enseignement, lui donner vie au

travers de situations cliniques adaptées aux sujets enseignés. Puis la simulation vient en

complément afin d’apporter des éléments qui ne peuvent pas être transmis par le seul

enseignement classique (l’ACRM et les ANTS). Ceci nécessite de mettre en place la

simulation au sein de la structure d’enseignement, mais ne requiert pas de modification de

l’organisation de l’enseignement. Le second axe, lui, refond complètement l’enseignement

classique et nécessite de repenser la pédagogie et la manière d’aborder les connaissances

fondamentales et les compétences. Son principe est de construire les cursus de formations

autour de l’outil pédagogique simulation pour exploiter au maximum le potentiel de la

simulation, sans qu’il soit question de déterminer les objectifs pédagogiques selon le

simulateur. La simulation est le pivot sur lequel s’appuie et s’articule les cursus réformés.

L’évaluation fait partie intégrante de chaque session de formation sur simulateur mais elle

diffère d’une évaluation de compétences et de performances sur simulateur. Le premier aspect

a précédemment été décrit comme élément de la démarche pédagogique. Le second est la

possibilité de juger le savoir-faire professionnel d’un praticien. Lorsque cela concerne les

praticiens juniors il peut s’agir d’évaluations validantes permettant le passage en année

supérieure, à une étape suivante, ou l’obtention d’un diplôme. Pour les praticiens seniors cela

peut faire partie d’un processus de contrôle régulier des compétences ou d’évaluation des

pratiques professionnelles. L’augmentation récente du nombre de centres, associée au progrès

techniques vont entraîner une baisse des coûts du matériel de simulation actuellement sur le

marché. Même si les coûts fixes de fonctionnement, notamment les salaires, restent

inchangés, la baisse du prix d’achat des simulateurs haute-fidélité devrait permettre

d’accélérer la diffusion de la simulation et l’ouverture de nouveaux centres. La multiplication

des centres ainsi que la large diffusion et généralisation du principe de la simulation

déboucheront vraisemblablement vers une obligation institutionnelle pour tous les praticiens

d’une certification régulière sur simulateur haute-fidélité.

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3. Futur de la simulation haute-fidélité

Gaba dans un texte publié en 2004 puis réédité en 2007, imagine deux futurs possibles

pour la simulation haute-fidélité à l’horizon 2025 (11).

Dans sa première hypothèse, la plus optimiste, sous l’égide de la SMS (Society for

Medical Simulation) aux USA et de SESAM (Society in Europe for Simulation Applied to

Medicine) en Europe, les institutions font le pari de développer l’enseignement par la

simulation, en dépit du manque de preuve de médecine factuelle, mais en supposant que les

bénéfices ne peuvent qu’apparaître à long terme. A cela s’ajoute une forte demande du grand

public et des compagnies d’assurances (modulation de primes) de plus de sécurité, renforcée

par l’augmentation du nombre de procédures judiciaires (94). Puis les autorités de régulations

sanitaires rendent la simulation obligatoire pour l’accréditation des établissements et pour les

autorisations de mises sur le marché de nouveaux dispositifs médicaux.

Dans sa seconde hypothèse, beaucoup plus pessimiste, la simulation, malgré des

débuts prometteurs, ne dépasse pas le stade d’illustration pédagogique ponctuelle. Le manque

de preuve n’a pas permis de convaincre de l’utilité de la simulation. Les études réalisées n’ont

permis de prouver rigoureusement une augmentation que pour un certain nombre de

compétences. Aucune étude prospective randomisée à grande échelle n’a pu être réalisée en

faveur de la simulation. Les principes d’(A)CRM et d’(A)NTS peinent à prouver leur

efficacité, même dans les centres pratiquant encore la simulation, car étant peu répandus, leurs

impacts sont considérablement amoindris. La simulation reste un outil d’entraînement

anecdotique. Les différentes institutions n’ont pas soutenu financièrement la simulation,

considérant que les investissements faits pour la simulation se feraient aux dépens de ceux

faits directement pour les soins aux patients. De leurs côté les structures d’enseignement n’ont

pas voulu supporter le coût financier de la simulation ni les réorganisations que cela

impliquait pour les cursus. Les différentes spécialités n’ont pas réussi à s’accorder et à se

coordonner pour organiser l’utilisation de la simulation. Le grand public voit dans la

simulation plus un facteur d’augmentation de coût de la santé qu’un facteur accroissant la

sécurité des patients. Préférant, selon le principe de Wildavsky sur l’argent de la santé,

« économiser de l’argent sur la santé de tous les autres, en espérant les meilleurs soins pour

soi et ses proches ». Des procès liés à des connaissances et des compétences erronées acquises

sur simulateurs, ont conduit les sociétés d’assurances à augmenter les polices des centres de

simulation. La simulation reste alors un simple moyen d’exercice, illustrant ou venant en

complément de l’enseignement pédagogique standard, d’une utilité controversée.

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L’avenir de la simulation n’est pas dans ces deux extrêmes, mais probablement entre

les deux. Même si le concept de la simulation médicale remonte au milieu du siècle dernier,

elle en est toujours à ses débuts. La décennie à venir sera critique pour l’orientation vers l’une

ou l’autre des hypothèses. Il appartient à la communauté de la simulation de sensibiliser le

grand public et les institutions au formidable outil que représente la simulation notamment

pour accroître la sécurité des patients. Dans le même sens il est impératif de développer

d’autres centres, d’uniformiser les cursus et de créer des « standards » de la simulation afin

d’asseoir le bénéfice de la simulation. Des preuves irréfutables, tirées de multiples études

prospectives randomisées seront vraisemblablement difficiles voire impossible à réunir. Il faut

pourtant que la communauté de la simulation accumule le plus de preuves possible et continue

d’aller de l’avant.

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VII. La simulation à Caen

A. Des débuts à la mise en place

La genèse du projet d’un simulateur au CHU de Caen remonte au mois de juin 2006.

Entre la « découverte » du principe de la simulation haute-fidélité et l’inauguration du

laboratoire de simulation, véritable squelette du centre de simulation à venir, différentes

étapes se sont déroulées, non sans difficultés pour certaines. C’est lors du 24ème congrès

MAPAR qu’a lieu la rencontre avec un simulateur haute-fidélité, le SimMan®, présenté sur le

congrès par la société Laerdal. D’emblée cette technologie impressionne par son réalisme et

les possibilités qu’elle offre. Le concept semble extrêmement prometteur. Il est déjà répandu

sans être très courant pour autant en France. Caen doit prendre le train de l’enseignement du

21ème siècle sans tarder et créer son centre de simulation haute-fidélité.

Sans attendre, courant 2006, deux choses sont faites simultanément : l’élaboration

d’un dossier afin de monter le projet d’un centre de simulation caennais et les balbutiements

de la simulation caennaise.

Le dossier du projet (Annexe 2) est constitué à partir de données bibliographiques

publiées dans la littérature scientifique (notamment médicale) et de données techniques

obtenues auprès du laboratoire Laerdal (principal distributeur de mannequin haute-fidélité en

France). Il contient également une évaluation chiffrée du coût d’achat du matériel minimum

nécessaire à la création d’un laboratoire de simulation. Ce coût est de 61 766 € HT. Cela

comprend un mannequin adulte SimMan® avec les périphériques associés (scope tactile,

ordinateur portable de pilotage, compresseur, webcam, PDA), deux têtes d’intubation

standards, une tête d’intubation difficile, un cou de cricothyroïdotomie et un bras de

perfusion. Ce dossier est destiné à recueillir les fonds pour l’achat du matériel. Il est transmis

au Doyen de la faculté de médecine de Caen, le Professeur Gérard, qui construit un dossier

adapté et réalise les démarches pour solliciter des financements de la Région Basse-

Normandie, de l’Université de Caen et de la faculté de médecine de Caen aux titres des

innovations pédagogiques.

Parallèlement, sous la responsabilité pédagogique du Professeur Plaud, un petit groupe

d’anesthésistes-réanimateurs juniors développe quelques scénarii basiques sur des thèmes

relativement simples et peu ambigus : l’arrêt cardio-respiratoire, le choc anaphylactique,

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l’hyperthermie maligne et le polytraumatisé. Ces scénarii sont simulés sur un mannequin

Mark 4000 (Laerdal) – modèle ancien, prédécesseur du SimKelly – avec un niveau de fidélité

qualifiable de moyen. Il n’y a pas de locaux dédiés permettant une installation optimale. Les

sessions sont donc réalisées de manière itérative dans une salle de staff du Pôle Anesthésie-

Réanimation Chirurgicale SAMU et dans une salle de bloc opératoire inutilisée. Les trois

dimensions de fidélité de ces simulations sont limitées. La fidélité du matériel mannequin est

faible du fait de ses caractéristiques propres, alors que celle du matériel médical est correcte.

La fidélité de l’environnement est nulle en salle de staff et limitée en salle de bloc opératoire

car cette dernière étant inutilisée, elle sert de réserve et de nombreux cartons y sont

entreposés. Seule la fidélité psychologique est relativement préservée. Les situations

proposées, les rôles joués par les acteurs et les scénarii sont jugés crédibles par les

participants. Ces participants sont tous des internes en anesthésie-réanimation de deux à cinq

ans d’ancienneté. Tous apprécient grandement l’expérience, y trouve un intérêt pédagogique

renouvelé, important par rapport à l’enseignement conventionnel. Ils sont demandeurs de

nouvelles sessions de simulation. Ceci confirme ce que Gordon, Reznek, Howard et leurs

collaborateurs rapportent sur l’excellent accueil fait à la simulation et la demande de

développer ce type d’enseignement (71, 72, 75). L’absence de locaux dédiés oblige à une

installation et une désinstallation pour chaque session de simulation. Il n’y a pas de personnes

détachées, même partiellement, à cette mission. Les sessions sont donc espacées dans le

temps car consommatrices en temps et en énergie pour être mises en place. A cela s’ajoute la

nécessité de faire coïncider les emplois du temps des instructeurs et des participants. Il en

résulte que même si le principe fait l’unanimité et motive énormément tout ses acteurs, les

contraintes évoquées rendent la mise en place de sessions régulières extrêmement difficile.

Des sessions itératives ont donc lieu pendant deux ans, de 2006 à 2007.

Au printemps 2007, le Doyen de la faculté de médecine de Caen, réunit les

financements nécessaires à l’acquisition du matériel minimum permettant l’ouverture d’un

laboratoire de simulation haute-fidélité auprès de la région Basse-Normandie, de l’université

de Caen et de la faculté de médecine de Caen aux titres des innovations pédagogiques. Le

budget est débloqué à l’automne 2007, et la commande faite immédiatement. L’ensemble du

matériel de simulation (simulateur haute fidélité SimMan®, ses périphériques et des « task

traners ») est livré au mois de décembre 2007. Pour autant le laboratoire ne peut pas encore

être ouvert faute de locaux. La fragilité relative et le temps nécessaire à l’installation du

simulateur haute-fidélité acquis ne permettent pas de l’utiliser régulièrement.

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Au cours de l’année 2008, la principale préoccupation est la recherche de locaux pour

pouvoir y installer le laboratoire de simulation. Les contraintes sont relativement nombreuses.

Le laboratoire doit se situer sur le site hospitalo-universitaire du CHU de Caen afin d’être

facilement accessible aux instructeurs et aux participants. L’inverse ferait courir le risque

d’une sous-utilisation menaçant la viabilité du projet. Le laboratoire nécessite un espace

relativement grand, si possible constitué d’au moins deux pièces afin de pouvoir disposer

d’une salle de simulation et d’une régie attenante. L’enseignement pouvant avoir lieu dans la

salle de simulation elle-même ou dans une autre pièce déjà prévue à cet effet. Le stockage du

matériel se faisant dans la plus grande des deux pièces. Les locaux hospitalo-universitaires

caennais étant contingentés, trouver un espace adapté aux besoins précédemment décrits et

récupérable pour être dédié à la simulation constitue une vraie gageure. Le travail conjoint du

Doyen de la faculté de médecine de Caen et du Directeur du CHU de Caen (Joël Martinez)

permet d’aboutir à l’été 2008 à l’attribution d’une surface de 60 m2 environ au sein du Pôle

Anesthésie-Réanimation SAMU. Ces locaux présentent l’avantage d’être situés au cœur du

pôle où travaillent les instigateurs du projet et les futurs instructeurs. Cette accessibilité laisse

envisager un usage facile et le plus optimisé possible. Les locaux alloués sont composés de

deux pièces contigües avec accès indépendant, séparées par une cloison avec une porte de

communication. Des travaux sont nécessaires pour adapter les locaux à leurs nouvelles

fonctions. Il faut installer une vitre sans tain entre la régie et la salle de simulation, passer de

nombreux câbles entre la régie et la salle de simulation afin de piloter le mannequin, de

recevoir les données audio-vidéo et de pouvoir projeter des images et des vidéos (débriefing)

(Annexe 3). Dans le même temps les pièces sont repeintes et l’électricité est refaite. Compte

tenu du coût du matériel installé dans le laboratoire, un système de serrures sécurisées avec

identification en contrôle l’accès.

Le laboratoire est inauguré à la rentrée universitaire 2009-2010. Différents praticiens

anesthésistes-réanimateurs et urgentistes, sollicités auparavant, forment un groupe d’experts

avec chacun leurs domaines de prédilection. L’équipe du laboratoire de simulation, ainsi

constituée, développe ses propres scénarii adaptés aux possibilités du simulateur haute-

fidélité. Ceci marque la naissance du centre de simulation haute-fidélité de Caen, Normandie.

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B. Perspectives pour le centre de simulation de Cae n

Le centre de simulation de Caen se doit d’être visible. L’ambition affichée est, une fois

passée une période de rodage et de prise en main de deux ans, d’exister aux niveaux national

et international. Le référencement du site du Centre de Simulation Médicale de Bristol

(BMSC) ne fait actuellement état que de trois centres en France (90). Ceci a deux explications

plausibles. La première est une absence de volonté française de s’enregistrer sur un site anglo-

saxon, n’en voyant pas l’utilité. La seconde est que même s’il existe entre quarante et

cinquante simulateurs haute-fidélité en France, il n’y a pas autant de centres. Or, à l’usage,

faire de la simulation haute-fidélité sans site dédié et identifié est extrêmement consommateur

de temps et d’énergie et menace rapidement la pérennité du système, quelles que soient les

motivations et les effectifs. La France compte bien moins de centres que bon nombre d’autres

pays européens. Les sociétés commercialisant les matériels de simulation sont présentes

depuis quelques années sur les congrès et séminaires d’anesthésie-réanimation, de

réanimation médicale et de médecine d’urgence. C’est beaucoup plus récemment, depuis

2008, que des sessions de simulations sont organisées dans le cadre de ces congrès et

séminaires. La SFAR (Société Française d’Anesthésie-Réanimation) accorde une bonne place

à la simulation haute-fidélité dans son 51ème congrès de 2009 (95), mais n’est pour autant pas

encore dotée d’un comité dédié à l’enseignement par la simulation tel que l’ASA. La France

semble en retard dans le domaine de la simulation par rapport aux autres pays industrialisés,

notamment anglo-saxons. Caen, en inaugurant son centre à l’automne 2009, est donc à même

d’être dans le tempo pour saisir l’opportunité d’être un centre référent en France pour la

simulation haute-fidélité. Il sera important de s’intégrer dans les réseaux internationaux de

simulation, afin de se tenir au fait des progrès et avancées aussi bien techniques que

pédagogiques et conceptuels. Ces réseaux revêtent une importance tout particulière dans la

visibilité qu’ils donnent du centre de simulation de Caen, du CHU de Caen et de la

Normandie. Ils doivent être aussi l’occasion de construire des relations privilégiées avec, si

possible, d’importants centres de simulation étrangers.

Le centre caennais, développé par des membres du pôle anesthésie-réanimation

SAMU, est initialement axé sur la formation des étudiants hospitaliers et des internes ainsi

qu’à la formation médicale continue et au perfectionnement des médecins seniors du CHU de

Caen. Le « public » concerné par l’activité initiale du centre est composé des praticiens

(juniors et seniors) d’anesthésie-réanimation, de SAMU, de réanimation médicale, de

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médecine d’urgence et d’unités de soins intensifs notamment de cardiologie. A l’avenir,

l’acquisition de matériels supplémentaires permettra d’offrir des sessions répondant aux

attentes des praticiens de réanimation pédiatrique, de pédiatrie, de néonatalogie et

d’anesthésie-réanimation pédiatrique. Par la suite les sessions de formation s’ouvriront aux

praticiens des hôpitaux de la région, puis plus largement à tout praticien souhaitant suivre un

des cursus de formation proposés.

Le matériel disponible à l’ouverture du centre, permet de faire de la formation en

anesthésie-réanimation et médecine d’urgence sur « task trainers » type abord veineux

superficiel, contrôle des voies aériennes supérieures simples et difficile, crycotyroïdotomie et

fibroscopie bronchique, ainsi que sur mannequin haute-fidélité SimMan. L’acquisition de

matériels supplémentaires permettra l’apprentissage et la maîtrise d’autres gestes techniques

toujours dans le domaine de l’anesthésie-réanimation : torses poses pour voies veineuses

centrales et drains thoraciques. L’expansion du centre passe par le développement d’autres

types de simulation et l’élargissement du public concerné. La mise en place de simulation sur

ordinateurs permet de créer des classes virtuelles au sein des promotions ou inter-promotions

selon les thèmes pédagogiques. Ceci allie souplesse d’utilisation et interactivité pour les

enseignants comme pour les étudiants. Des simulateurs chirurgicaux sont actuellement

disponibles et peuvent recréer de nombreuses interventions, notamment sous célioscopie, sous

microscope, etc… . Le développement du centre inclura probablement la création d’un secteur

de simulation chirurgicale. La simulation pédiatrique va rejoindre sous peu la simulation

adulte, l’acquisition d’un mannequin pédiatrique SimBaby® devant se faire dans l’année

universitaires 2009-2010. L’élargissement à d’autres modes simulation et à d’autres secteurs

médicaux dans la décennie à venir est la clé du succès du Laboratoire de Simulation

Universitaire de Normandie-Caen (LabSUNC).

Pour répondre à la demande locale et construire une offre régionale puis nationale, des

praticiens issus de différents secteurs de soins (réanimations, SAMU, blocs spécialisés) sont

sollicités en tant qu’experts dans leurs domaines de compétences pour réaliser des scénarii

pour le laboratoire de simulation. Ces scénarii sont regroupés pour former des cursus. La

concrétisation de cursus à thèmes permet d’ouvrir le centre de simulation sur l’extérieur. Ces

cursus proposés pour les praticiens seront payants afin d’assurer des revenus pour financer les

consommables, l’entretien et le renouvellement du matériel du laboratoire de simulation.

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Dans le domaine de l’anesthésie-réanimation, les internes passent des cas cliniques en

fin d’année universitaire afin de faire le point sur l’état de leurs connaissances et de fixer des

objectifs pour l’année suivante. Le laboratoire de simulation haute-fidélité va permettre de

réaliser cet état des lieux des connaissances tout aussi bien, avec en plus la possibilité de juger

des performances. Cette évaluation des internes d’anesthésie-réanimation est mise en place

dès l’année universitaire 2009-2010. Elle pourra s’étendre à d’autres spécialités sans

difficultés. Une fois le principe et les scénarii rodés et validés, lorsque les internes seront bien

familiarisés avec la simulation, il est envisageable que la partie clinique de la validation du

DESAR (Diplôme d’Etudes Spécialisées en Anesthésie-Réanimation) soit faite en partie voire

complètement sur simulateur haute-fidélité.

L’administration hospitalière encourage les démarches d’évaluation des pratiques

professionnelles (EPP) aux seins des différents Pôles d’activités du CHU. Le Pôle Anesthésie-

Réanimation SAMU, conscient d’avoir des activités reconnues sensibles et à risques est

soucieux de répondre au mieux à ces procédures d’évaluation. Il est envisageable que le

laboratoire de simulation soit le lieu d’une partie de ces EPP. Le laboratoire doit s’appliquer à

recruter et former des instructeurs aptes à remplir cette mission et proposer des scénarii et des

cursus adaptés. Les situations simulables étant infinies, il pourra toujours y avoir des

possibilités de réaliser des EPP. Ceci garantit de pouvoir répondre à l’obligation

institutionnelle d’EPP. Moins sensible, mais tout aussi important que les EPP, la formation

médicale continue (FMC) rentre dans le registre des applications du laboratoire de simulation

répondant à des demandes institutionnelles. De la même manière que pour les EPP, La FMC

présente des objectifs bien particuliers. Il est intéressant de pouvoir proposer des cursus de

mise à jour de connaissances identiques à l’ensemble des praticiens exerçant le même type

d’activités dans une même région. Ceci permet de créer ou de renforcer des réseaux régionaux

en ayant des concepts de prises en charge communs et parlant un même langage. La création

d’un centre de simulation universitaire à Caen, ayant rayonnement régional, participe à la

cohésion des structures et réseaux sur la région sanitaire Basse-Normandie. Le laboratoire de

simulation est donc également un vecteur de communication et un organe fédérateur.

L’usage de la simulation tend à réduire le risque pour les patients et à améliorer leur

sécurité. L’usage régulier de la simulation dans des domaines à risques peut permettre de

négocier à l’échelle du CHU une réduction des primes d’assurances spécifiques aux

spécialités s’exerçant sur simulateur.

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L’activité de recherche n’est pas négligée dans le centre de simulation caennais. Dès

l’ouverture du laboratoire, une première étude comportementale va débuter. D’autres suivront

aussi bien sur les comportements que sur des protocoles ou du matériel avant leurs mises en

place. Chaque utilisation du laboratoire de simulation sera optimisée sur le plan scientifique et

débouchera autant que possible sur une publication. Celles-ci comptant pour beaucoup dans la

reconnaissance de la structure caennaise comme un centre de simulation de haute-fidélité

dynamique et de qualité. L’adhésion prévue à des réseaux nationaux et internationaux de

simulation pouvant accroître ce potentiel scientifique. L’ambition du centre de simulation

universitaire caennais est de répondre présent – à son échelle et à la hauteur de ses moyens

initialement – au challenge scientifique qui accompagne cette innovation pédagogique afin

d’être dans le groupe de tête des centres de simulation français.

D’emblée le centre de simulation doit relever un premier challenge et faire ses preuves

en développant une activité raisonnablement ambitieuse mais soutenue afin de créer une

dynamique positive. Un autre challenge se profil pour cette jeune structure : la reconstruction

de la faculté de médecine de Caen et celle du CHU de Caen. Ceci correspond à deux

échéances, respectivement, à court et moyen terme, auxquelles le centre de simulation

caennais doit répondre présent. C’est une opportunité unique, que peu de centres français ont

la chance d’avoir : la construction de nouveaux locaux. L’avenir à long terme du centre est

conditionné par des locaux suffisamment grands pour accueillir une activité accrue et de

nouveaux secteurs de simulations. Ces locaux représentent une surface non négligeable au

regard des contraintes locales. Il est donc essentiel pour le centre de développer une activité

qui devienne aux yeux de tous, institutions comme praticiens, indispensable d’un point de vue

pratique (formations initiales et continues, EPP, recherche, etc…) et autonome

financièrement. Seule une activité suffisamment importante peut justifier l’agrandissement de

l’espace alloué et une bonne situation dans la reconstruction à venir. Cette reconstruction

apparaît également comme un tremplin pour façonner un outil « centre de simulation » à

même d’exposer son activité et d’acquérir une certaine renommée dans le monde de la

simulation.

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VIII. Conclusion

Démarche issue d’autres domaines à risque, la simulation a été adaptée avec succès à

la médecine. C’est grâce à la conviction de nombreux médecins (dont beaucoup

d’anesthésistes-réanimateurs) que s’est développée depuis quarante ans cette nouvelle

approche de l’enseignement basée sur une certaine idée de la pédagogie de la transmission du

savoir médical. Les motivations amenant à la pratique de la simulation sont nombreuses. Il

faut retenir pour l’essentiel le souci de mieux préserver les patients d’événements évitables ou

curables et d’assurer une formation des praticiens la plus concrète, complète et homogène

possible pour qu’ils soient compétents et performants en situation réelle. Ceci est rendu

possible par une formation rigoureuse conduisant à la maîtrise professionnelle et par

l’entraînement régulier à tous types de situations, des plus courantes aux plus exceptionnelles,

des plus simples aux plus complexes et des plus anodines aux plus graves.

Le concept de la simulation englobe plusieurs méthodes et techniques dont les

objectifs pédagogiques sont différents. Tous ont leurs intérêts propres, assortis de limites. Si

les simulations informatisées sont focalisées sur les connaissances et les « task trainers » sur

les compétences techniques, c’est bien la simulation sur mannequin haute-fidélité qui offre le

plus de possibilités et présente le plus gros potentiel. A l’inverse de nombre de techniques, la

simulation haute-fidélité a d’abord été créée puis c’est plus tard que les concepts et les

mécanismes pédagogiques qui la sous-tendent ont réellement été approfondis et développés.

Les études et réflexions ainsi menées ont abouti à mieux comprendre l’intérêt et le potentiel

de la simulation haute-fidélité. Le concept des trois dimensions de la fidélité permet de saisir

ce qui recrée le réalisme et comment l’optimiser. Les différents niveaux de la pyramide de

Miller représentant la progression dans l’apprentissage décrivent clairement les limites de

l’enseignement classique et les avancées réalisées grâce à la simulation, notamment haute-

fidélité. En poursuivant le raisonnement de Miller, il est possible d’imaginer un cinquième et

ultime niveau pédagogique correspondant à la transmission du savoir : « enseigner ». Les

avancées sont presque des découvertes car seule la simulation haute-fidélité les rend

accessibles. Même si leurs concepts étaient imaginés auparavant, ils ne deviennent réellement

concrets que par le biais de la simulation haute-fidélité. Prennent ainsi corps l’ACRM et les

ANTS. L’ACRM, inspiré de l’aviation organise et gère de manière rigoureuse les situations

difficiles ou de crises. C’est donc assez logiquement qu’il est développé en anesthésie-

réanimation. C’est ce concept qui participe à l’expansion via l’anesthésie-réanimation de la

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simulation haute-fidélité. Les ANTS sont les compétences nécessaires à la gestion de tous

type de situations, notamment de crises.

La simulation n’a actuellement que peu de preuves formelles à grande échelle de son

efficacité. Les concepts et les premières études semblent plaider en sa faveur. C’est l’excellent

retour d’expérience des instructeurs comme des participants qui est à l’origine de la

propagation et de l’explosion actuelle de la demande de simulation haute-fidélité, en dépit du

manque de preuves. Si la simulation manque de preuves en sa faveur, elle ne manque pas

d’arguments favorables. Les nombreux avantages qu’elle présente autant pour la sécurité des

patients que pour la formation de praticiens, dépassent largement les limites de ses quelques

inconvénients. Les principaux atouts de la simulation haute-fidélité sont les champs

pédagogiques peu accessibles jusqu’alors et d’autres totalement nouveaux qui viennent

enrichir et compléter l’enseignement classique. Ce sont des concepts propres à la simulation

haute-fidélité, issus de ses caractéristiques intrinsèques. L’ACRM et les ANTS précédemment

évoqués en font partie. Il en découle logiquement la culture de l’esprit d’équipe, qui se

retrouve analysé et décortiqué pour pouvoir être optimisé et exploité au mieux. Partie

intégrante de la simulation, le débriefing existe également hors simulation, en situation réelle.

Cette culture du débriefing est bénéfique pour les praticiens et les équipes au quotidien. Les

atouts complètements nouveaux issus de la simulation haute-fidélité sont l’uniformisation des

cursus, l’évaluation des performances et la culture de « l’erreur utile ».

Le contexte actuel est extrêmement favorable au développement de la simulation.

Celle-ci, à défaut d’avoir fait ses preuves, a pour le moins convaincu. La technologie est au

rendez-vous. Les structures d’enseignement sont très demandeuses, les associations

professionnelles soutiennent cette démarche et les institutions sanitaires s’apprêtent à suivre.

De nombreux centres se sont ouverts dans la dernière décennie, dont plus de la moitié depuis

2008. La révolution de la simulation haute-fidélité est en cours et ne s’arrêtera pas à la

pédagogie et l’enseignement médical. Enseignants, instructeurs, étudiants hospitaliers,

praticiens juniors et séniors toutes spécialités confondues plébiscitent la simulation. Mieux

connue du grand public – qui représente autant de patients potentiels – et des différentes

institutions actrices de la santé, il est probable que la simulation haute-fidélité devienne un

gold standard des formations initiales et continues, omniprésente dans le système de santé.

Même si le bénéfice attendu semble être le plus grand pour les spécialités à risque telle

l’anesthésie-réanimation, la réanimation et la médecine d’urgence, son champ d’action est à

même de s’étendre à quasiment tous les domaines de la santé. Ce succès vient du fait qu’elle

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bénéficie tout autant aux patients qu’aux praticiens, sans présenter de risque ni de désavantage

pour aucun.

Il est dans l’intérêt de la faculté de médecine de Caen et du Centre Hospitalo-

Universitaire de Caen de développer une telle activité qui présente ses avantages propres

d’accroissement de la sécurité des patients et de formation des praticiens, mais également un

potentiel important de reconnaissance et de renommée interrégionale et nationale. Il est

important que le centre caennais ambitionne de se positionner comme un centre de référence

dans ce domaine de nouvelles technologies qu’est la simulation médicale haute-fidélité.

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X. Annexes

A. Annexe 1 : Les centres de simulation haute-fidél ité dans le monde

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B. Annexe 2 : Dossier pour le projet d’un laboratoi re de simulation au CHU de Caen

Projet de création d’un laboratoire

d’enseignement par la simulation

Plan : Note de synthèse..……………………………….page 2

1- Introduction…………………………………..page 3

2- But……………………………………………page 4

3- Argumentaire…………………………………pages 5 à 7

4- Présentation de l’élément principal du laboratoire

de simulation : le SimMan® ……………………..page 8 et 9

5- Avenir du laboratoire de simulation………….page 10

6- Conclusion……………………………………page 11

7- Projet de budget………………………………page 12

Références bibliographiques…………………..page 13

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114

Note de synthèse

Depuis les années 60, l’emploi de simulateurs s’est généralisé afin d’enseigner la gestion

de situations à risque ou situations de crise aux personnels des secteurs militaires, de

l’aéronautique, du spatial et des centrales nucléaires. Récemment, les progrès technologiques

et l’évolution des méthodes d’enseignement, ont abouti à l’introduction des simulateurs dans

le domaine médical.

But :

Le but du laboratoire de simulation est la formation initiale et continue des médecins et de

leurs équipes à la gestion de situations à risque exceptionnelles ou courantes.

Argumentaire :

Les avantages principaux apportés par le laboratoire de simulation en plus de

l’enseignement traditionnel sont :

• Fournir un environnement sécurisé pour le « patient » et l’élève lors de procédures à

risque.

• La possibilité de répéter à l’infini des situations cliniques rares et compliquées,

importantes à maîtriser.

• Un enseignement réfléchi et interactif.

• La possibilité de s’entraîner en équipe pour un coût réduit.

• Générer des économies directes (formations pratiques à moindre coût) et indirectes

(réduction des erreurs indemnisables, par l’entraînement et le perfectionnement).

• La disponibilité et la facilité d’accès pour la réalisation d’études et de protocoles de

recherche.

Conclusion :

Le laboratoire de simulation se destine à être un élément majeur dans l’enseignement

médical dans un avenir très proche.

Budget :

Le budget minimum initial serait de 61 766,00€ HT.

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Introduction :

Il y a 75 ans, apparaissaient les premiers simulateurs de vol [1]. Le réalisme des

dernières générations permet les mises en situation les plus extrêmes et les plus réalistes

possibles. Les formations initiale et continue des pilotes sont ainsi assurées par plusieurs

centaines d’heures de « vols » sur simulateurs. Serait-il envisageable de confier le pilotage

d’un avion, même vide, même pour un court instant, à un pilote qui n’aurait que des

connaissances théoriques ? La sensation de « déjà vécu » procurée par le simulateur peut être

assimilée à une expérience pratique. C’est ce qui permet aux pilotes, qui restent des êtres

humains, donc faillibles, d’atteindre un niveau optimal dans leur travail. L’avion est ainsi le

moyen de transport le plus sûr au monde. La médecine actuelle a en commun avec l’aviation

d’être une activité à risque, où des vies sont en jeu et où l’erreur se doit d’être la plus rare

possible.

Si traditionnellement l’enseignement de la médecine comporte une part de théorie

acquise sur les bancs de l’université, il se fait également par compagnonnage « sur le

terrain », auprès du patient. Cet enseignement par compagnonnage a toutefois ses limites.

Lors de situations d’urgences et/ou d’exceptions qui requièrent l’expérience et le savoir-faire

d’un médecin expérimenté, il n’est plus envisageable de laisser la main au médecin en

formation ni même de prendre le temps d’enseigner. Par leur rareté certaines situations

prennent même au dépourvu les médecins les plus aguerris et les plus expérimentés. Certains

actes médicaux nécessaires aux soins sont invasifs et à risque pour le patient s’ils sont mal

exécutés. Le risque encouru par le patient lors de leur réalisation est de moins en moins

accepté par la société et le personnel de santé. Les médecins en formation, du fait de leur

inexpérience, ont moins d’expertise dans la réalisation de ces actes et la gestion de ces

situations. La tendance actuelle, déjà très répandue dans les pays anglo-saxons et scandinaves,

est à l’enseignement de ces actes par simulation. Cette tendance est amenée à se développer

dans un avenir proche. En France, plusieurs CHU et établissements privés se sont déjà dotés

de mannequins de simulation. L’avenir de l’enseignement de la médecine passe par

l’apprentissage et l’entraînement sur mannequins de simulation. Il apparaît nécessaire que les

facultés de médecine s’équipent en laboratoires d’enseignement par la simulation.

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But :

Le but du laboratoire de simulation est de compléter les formations actuellement

dispensées au sein de la faculté de médecine. La formation initiale des internes aux situations

courantes mais à risque et aux situations d’exception pourrait se faire dans des conditions de

sécurité optimale pour l’équipe intervenante et pour le « patient ». Le laboratoire est

également un outil approprié à la formation continue des médecins thèsés. Ces derniers

peuvent s’entraîner aux situations exceptionnelles et courantes, et réactualiser leurs

connaissances. Enfin, le laboratoire de simulation par sa disponibilité et sa modularité est un

outil idéal d’évaluation ; notamment pour l’évaluation des pratiques professionnelles,

maintenant obligatoire et amenée à se généraliser.

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Argumentaire :

Les avantages principaux apportés par le laboratoire de simulation en plus de

l’enseignement traditionnel sont les possibilités de [1] :

• Fournir un environnement sécurisé pour le « patient » et l’élève lors de procédures à

risque.

• Générer à l’infini des situations cliniques rares et compliquées, importantes à

maîtrisées.

• Organiser et perfectionner la gestion de situations particulières plutôt que d’attendre

leurs survenues dans la vie réelle.

• Avoir un retour immédiat sur le déroulement de la prise en charge permettant un

enseignement réfléchi et interactif.

• Répéter à l’infini une situation particulière.

• S’entraîner en équipe pour un coût réduit.

• Générer des économies directes (formations pratiques à moindre coût) et indirectes

(réduction des erreurs indemnisables par l’entraînement et le perfectionnement).

• Avoir un outil disponible et facile d’accès pour la réalisation d’études et de protocoles

de recherche (pas d’accord du « patient » nécessaire, ni d’autorisation de comité

d’éthique).

• Tester du matériel avant sa mise en service.

Mayo et al en 2004 ont réalisé une étude prospective, contrôlée, randomisée en simple

aveugle évaluant l’impact de l’entraînement sur simulateur sur le contrôle des voies aériennes

en urgence [2]. Cette étude a clairement démontré la supériorité de la prise en charge réalisée

par les médecins ayant eu un entraînement sur simulateur par rapport à ceux qui n’en avaient

pas eu. Plus de 80% des médecins entraînés sur simulateur conservaient à distance de l’étude

une attitude évaluée comme excellente lors de contrôle des voies aériennes en situation

clinique réelle. Ces conclusions mettent en évidence le fort impact sur la formation et les

compétences pratiques acquises au moyen du simulateur. Cela prouve également la pérennité

dans le temps des connaissances acquises. Celles-ci semblent plus assimilées que celles

acquises lors d’enseignements théoriques [3]. La mise en situation pratique procurée par le

simulateur ancre plus profondément les connaissances, comme le ferait l’expérience clinique

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en situation réelle. Le simulateur remplace avantageusement le manque de situations pratiques

formatrices nécessaires à la bonne formation de l’ensemble des médecins.

Le simulateur introduit la notion « d’erreur instructive ». Jusqu’alors l’enseignement

pratique des tout premiers actes médicaux sur le patient était générateur d’un nombre accru

d’effets secondaires indésirables et d’erreurs médicales indemnisables. Ces erreurs

disparaissent après la réalisation de quelques actes grâce à l’expérience acquise. Le simulateur

permet de s’affranchir de ces erreurs évitables de débutant liées à l’apprentissage. Ce

processus va plus loin. En effet, le simulateur permet également de mettre à profit ces erreurs

liées à l’apprentissage en les intégrant dans l’expérience du médecin en formation.

L’expérience pratique est plus riche d’enseignement une fois dépassé le stress lié aux

conséquences d’une potentielle erreur, évitable avec un minimum d’expérience. L’innocuité

de l’erreur sur simulateur permet d’en tirer enseignement. Ces erreurs sur simulateur

deviennent des « erreurs instructives ».

Le simulateur constitue un atout non négligeable et un outil unique et quasiment

irremplaçable pour l’enseignement de la prise en charge des patients instables. Les capacités à

réfléchir et à agir lors de la prise en charge de patients instables sont extrêmement difficiles à

enseigner du fait du manque d’interactivité et d’implication lors d’enseignement traditionnel.

L’absence d’interaction laisse les élèves en retrait, ne les pousse pas à débattre ou à résoudre

le problème [4]. Une bonne connaissance de la théorie ne garantie pas à elle seule une bonne

gestion des actes et des situations au quotidien. Sur simulateur les élèves doivent démontrer

leurs capacités à évaluer les signes et symptômes, intervenir et auto-évaluer l’efficacité de

leurs traitements. Ce mode d’enseignement interactif, centré sur l’élève, impliquant un

apprentissage actif, augmente l’envie d’apprentissage [5]. Les élèves ayant ainsi eu

l’opportunité de voir et d’expérimenter l’impact de leurs actes sur simulateur, sont à même de

l’incorporer et d’en tenir compte pour leur pratique quotidienne auprès des patients. Les

élèves gérant des situations de crises dans un environnement où les erreurs n’ont pas de

conséquences réelles, où le retour est immédiat, avec la possibilité de répéter l’entraînement

jusqu’à maîtriser la prise en charge, il est vraisemblable que des erreurs seront évitées dans la

pratique quotidienne [6]. Il n’existe pas d’étude prouvant que l’enseignement sur simulateur

réduit les erreurs en pratique clinique par rapport à l’enseignement traditionnel. Rogers et al

ont par contre prouvé la supériorité de l’évaluation sur simulateur sur l’évaluation écrite [7].

Le simulateur donnait la possibilité à l’enseignant d’évaluer le raisonnement médical et les

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capacités de l’élève. L’élève ayant un retour clinique et physiologique de ses actes au travers

des données du moniteur et des éléments fournis par l’enseignant, ses capacités à analyser et à

évaluer la situation pouvaient être jugées. L’évaluation écrite avait tendance à surestimer la

capacité des élèves à remplir leurs objectifs d’enseignement. Savoldelli et al ont, quant à eux,

conclu à l’utilité indéniable d’une évaluation des internes en anesthésie-réanimation en fin de

cursus sur simulateur en plus d’une évaluation orale [8]. L’interne pouvant être capable de

dire « comment faire » sans forcement « savoir faire ». La simulation en se rapprochant du

réel, augmente l’impact de l’enseignement et les performances pratiques des élèves [9-10].

L’entraînement sur simulateur apparaît aussi productif pour les médecins débutants que

pour les médecins confirmés et experts [11]. La complexité de la simulation étant modulable,

il est toujours possible d’obtenir un scénario adapté aux connaissances de l’élève. La

simulation permet également à l’enseignant d’évaluer l’impact et l’assimilation des cours

théoriques qu’il a donné. Gaba et al se sont aperçu que certaines compétences ne pouvaient

être enseignées qu’au moyen de situations simulées [12]. Ainsi les capacités à prendre des

décisions, à communiquer, à diriger et à coordonner une équipe, à coopérer avec d’autres

intervenants, à gérer le stress et les ressources disponibles ne s’acquièrent pas en cours

théoriques. Seule la simulation par la mise en situation pratique, sans danger réel, permet aux

élèves d’acquérir sereinement ces compétences. La simulation est la voie privilégiée pour

l’apprentissage de la gestion et de l’organisation de situations de crises, complexes ou non.

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Présentation de l’élément principal du laboratoire de simulation :

le SimMan® :

Le SimMan® est un mannequin de taille adulte très réaliste, piloté au moyen d’un

ordinateur. Ces possibilités de simulation de situation cliniques sont très étendues : situations

extra-hospitalières, intra-hospitalières, au bloc opératoire, en salle de déchocage, en

réanimation,… Des situations courantes tel l’arrêt cardio-respiratoire, ou des situations plus

rares comme l’hyperthermie maligne, le choc anaphylactique ou l’embolie amniotique

peuvent être mises en scène grâce au simulateur. Différents paramètres sont « monitorés » sur

un scope : rythme et fréquence cardiaque, tension artérielle pneumatique ou invasive, débit

cardiaque, température, saturation pulsée en O2, capnographie, et monitorage des gaz

d’anesthésie. Ces paramètres sont réglables à volonté selon le scénario mis en place.

Le simulateur présente également :

• Une respiration spontanée modulable (grâce à un compresseur), permettant de simuler

une large gamme de complications respiratoires.

• Des voies aériennes supérieures autorisant l'utilisation de l’ensemble des moyens de

contrôle des voies aériennes : sonde d’intubation, masque laryngé, Fastrach®,

combitude, stylet lumineux, système rétrograde, ou fibroscope (progression jusqu’à la

troisième division bronchique).

• Un accès aux voies aériennes par cricothyroïdotomie à l’aiguille ou chirurgicale.

• La possibilité de simuler une intubation difficile avec raideur de nuque, trismus,

œdème de langue, œdème pharyngé, spasme laryngé et bronchospasme uni ou

bilatéral.

• Des voies respiratoires permettant une ventilation mécanique.

• Un simulateur de pneumothorax (clinique et auscultatoire) permettant l’exsufflation et

le drainage thoracique.

• Plus de 2000 troubles du rythme cardiaque avec pouls synchronisés (carotidiens,

fémoraux, brachial et radial) permettant une prise en charge spécialisée très réaliste

avec scope, électrocardiogramme, entraînement électrosystolique externe,

défibrillation à énergie réelle.

• Un bras de pression artérielle permettant le contrôle de la pression artérielle par

palpation ou auscultation.

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• Un bras de perfusion multi-veines permettant la pose d’un cathéter veineux et

l’injection de produits.

• Des sons cardiaques, respiratoires, gastriques normaux et anormaux pour améliorer

encore le réalisme de la simulation.

• Le simulateur peut bénéficier de la pose d’une sonde urinaire.

• Un logiciel de programmation permettant de créer, des scénarios personnalisés.

• Un moniteur patient multiparamétrique couleur permet une surveillance accrue des

paramètres physiologiques du simulateur (Scope, PA, FR, SpO2, ETCO2, débit

cardiaque, température corporelle, paramètres d’anesthésie….).

• Les nombreux accessoires optionnels disponibles, tels que les modules NRBC

(Nucléaire Radioactif Bactériologique et Chimique), traumatologie, hémorragie

augmentent encore le réalisme de la formation.

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Avenir du laboratoire de simulation :

Le laboratoire sera utilisé pour l’enseignement des internes rattachés au CHU de Caen,

mais également pour l’entraînement et l’évaluation des pratiques :

• Des équipes d’anesthésites-réanimateurs du CHU de Caen.

• Des équipes de réanimation médicale du CHU de Caen.

• Des équipes de médecins urgentistes du SAMU du CHU de Caen.

• Des équipes de médecins urgentistes des urgences du CHU de Caen.

• Des équipes d’Unités de Soins Intensifs de cardiologie, d’hépato-gastro-entérologie,

de pneumologie.

Le fonctionnement du laboratoire nécessite une pièce de 30 m2 à 40 m2, équipé de fluides

médicaux. L’activité du laboratoire pourra ensuite être étendue aux équipes des hôpitaux

généraux de la région Basse-Normandie. Le laboratoire pouvant « s’exporter » grâce au

KellySim®, mannequin présentant de nombreuses possibilités similaires au SimMan®, mais

présentant plus de facilité à être transporté. Le financement de la maintenance et des pièces à

changer sera assuré par les formations payantes dispensées par le laboratoire.

Par la suite le laboratoire pourrait être complété par un simulateur pédiatrique SimBaby®,

permettant l’enseignement et l’entraînement à la prise en charge de nouveau-nés et de petits

enfants. Ce mannequin servirait à la formation des équipes spécialisées en pédiatrie

(pédiatres, néonatalogistes, réanimateurs pédiatriques, anesthésistes-réanimateurs

pédiatriques) et de celles amenées à prendre en charge des enfants (SMUR, urgences). Son

intérêt serait d’autant plus marqué que la population accepte encore moins l’apprentissage sur

des enfants que sur des adultes.

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Conclusion :

Enseigner et apprendre dans un environnement sécurisé. Un enseignement dynamique et

interactif. Tirer profit de ses erreurs. Répéter à l’infini les situations rares. Evaluer et s’auto-

évaluer. Le laboratoire de simulation se destine à être un élément majeur dans l’enseignement

médical dans un avenir très proche. Son potentiel pédagogique est encore amené à se

développer avec les progrès exponentiels de la technologie moderne. Ses ressources et

avantages sont vraisemblablement sous-estimés. Les bénéfices apportés par ce laboratoire

sont pour certains encore insoupçonnés. Le laboratoire d’enseignement par la simulation est

un outil pédagogique indispensable à la formation médicale du troisième millénaire.

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Projet de budget :

L’ouverture du laboratoire de simulation nécessite au minimum : • 1 mannequin SimMan® et l’équipement nécessaire à son fonctionnement.

• 2 têtes d’intubation standard.

• 1 tête d’intubation difficile.

Solution pédagogique Prix unitaire € HT Quantité Sous-Total € HT

Bras de perfusion 584,00 1 584,00

Tête d’intubation adulte 1 514,00 2 3 028,00

Tête d’intubation difficile 1 080,00 2 1 080,00

SimMan® avec

compresseur, PC, Link

Box et moniteur patient

45 000,00 2 45 000,00

KellySim® avec boîtier

VitalSim 12 002,00 1 12 002,00

Prix total € en HT 61 766,00

Le budget minimum initial serait de 61 766,00€ HT. A cela il faut ajouter les frais de

maintenance qui peuvent être évalués à 2 000,00€ HT/an. L’acquisition d’un système

d’enregistrement et de diffusion vidéo pour la réalisation des debriefings après simulation.

Le simulateur pédiatrique SimBaby® coût 22 800,00€HT seul et 35 990,00€HT avec

l’ensemble de l’équipement nécessaire à son fonctionnement (celui-ci étant identique à celui

du SimMan®).

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Références bibliographique

1- Grenvik A, Schaefer JJ: Medical simulation training coming of age. Crit Care Med 204; 32:2549-50. 2- Mayo PH, Hackney JE, Mueck JT, et al: Achieving house staff competence in emergency airway management: results of teaching program using a computerized patient simulator. Crit Care Med 2004; 32:2422-7. 3- Issenberg SB, McGaghie WC, Hart IR, Mayer JW, Felner JN, Petrusa ER, Waugh RA, Brown DD, Safford RR, Gessner IH, Gordon DL, Ewy GA: Simulation technology for health care professional skills training and assessment. JAMA 1999; 282:861-6. 4- Irby DM: What clinical teachers in medicine need to know. Acad Med 1994; 69:333-42. 5- McIvor WR: Experience with medical student simulation education. Crit Care Med 2004; 32(S): S66-9. 6- DeVita M, Schaefer J, Lutz J, Dongilli T, Wang H: Improving medical crisis team performance. Crit Care Med 2004; 32(S): S61-5. 7- Rogers PL, Jacob H, Rashwan AS, et al: Quantifying learning in medical students during a critical care medicine elective: A comparison of three evaluation instruments. Crit Care Med 2001; 29:1268-73. 8- Salvoldelli GL, Naik VN, Joo HS, Houston PL, Graham M, Yee B, Hamstra SJ: Evaluation of patient simulator performance as an adjunct to the oral examination for senior anesthesia residents. Anesthesiology 2006; 104:475-81. 9- Morgan PJ, Cleave-Hogg D: Evaluation of medical students’ performance using the anaesthesia simulator. Med Educ 2000; 34:42-5. 10- Morgan PJ, Cleave-Hogg D, McIlroy J, Devitt JH: A comparison of experiental and visual learning for undergraduate medical students. Anesthesiology 2002; 96:10-6. 11- Østergaard D: National medical simulation training program in Denmark. Crit Care Med 2004; 32(S2): S58-S60. 12- Gaba DM, Fish SK, Howard SK : Crisis management in Anesthesia. New York, Churchill Livingstone, 1994.

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C. Annexe 3 : Plan des câblages nécessaires pour le laboratoire de simulation haute-fidélité

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« Par délibération de son Conseil en date du 10 Novembre 1972,

l’Université n’entend donner aucune approbation ni improbation aux

opinions émises dans les thèses ou mémoires. Ces opinions doivent être

considérées comme propres à leurs auteurs ».

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VU, le Président de Thèse

VU, le Doyen de la Faculté

VU et permis d’imprimer

en référence à la délibération

du Conseil d’Université

en date du 14 Décembre 1973

Pour la Présidente

de l’Université de CAEN et P.O

Le Doyen

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TITRE DE LA THESE :

« Principes et intérêts d’un laboratoire de simulation médicale : expérience de

mise en place au Centre Hospitalo-Universitaire de Caen. »

RESUME : Démarche issue d’autres domaines à risques, la simulation a été adaptée avec succès à

la médecine. Depuis quarante ans cette nouvelle approche de l’enseignement basée sur une

certaine idée de la pédagogie de la transmission du savoir médical s’est développée. La

simulation médicale tend à mieux préserver les patients d’événements évitables et à participer

à la formation des praticiens. Le principe de la simulation englobe plusieurs méthodes et

techniques dont les objectifs pédagogiques sont différents. Tous ont leurs intérêts propres,

assortis de limites. Le concept des trois dimensions de la fidélité, la pyramide de Miller,

l’ACRM et les ANTS sont autant de concepts pédagogiques liés à la simulation haute-fidélité.

La simulation n’a actuellement que peu de preuves formelles à grande échelle de son

efficacité. Les concepts et les premières études semblent plaider en sa faveur. Il existe

actuellement une explosion de la demande de simulation haute-fidélité, en dépit du manque de

preuves. Si la simulation manque de preuves en sa faveur, elle ne manque pas d’arguments

favorables : ACRM, ANTS, culture de l’esprit d’équipe, culture du débriefing uniformisation

des cursus, l’évaluation des performances et culture de « l’erreur utile », etc…. Le contexte

actuel est extrêmement favorable au développement de la simulation. De nombreux centres se

sont ouverts dans la dernière décennie, dont plus de la moitié depuis 2008. La révolution de la

simulation haute-fidélité est en cours et ne s’arrêtera pas à la pédagogie et l’enseignement

médical. Il est probable que la simulation haute-fidélité devienne un gold standard. Ce succès

vient du fait qu’elle bénéficie tout autant aux patients qu’aux praticiens, sans présenter de

risque ni de désavantage pour aucun.

Il est dans l’intérêt de la faculté de médecine de Caen et du Centre Hospitalo-

Universitaire de Caen de développer une telle activité.

MOTS CLES :

Simulation – Mannequin haute-fidélité – Enseignement – Technique

pédagogique – Anesthésie-Réanimation – Evaluation – Erreur instructive –

Compétences non techniques – Performances