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UNIVERSITE MARC BLOCH – STRASBOURG Département d’Etudes Turques
& CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE UMR 7043 * « Cultures & Sociétés en Europe »
Programme Eurasie(s)
Stéphane de TAPIA Chargé de Recherche CNRS
Chercheur Associé à l’Equipe MIGRINTER
Télévision turque et nouveaux média : l’entrée de la Turquie dans le XXI° siècle
Dans le sillage de la Révolution d’Atatürk. La transformation des Arts et des Lettres dans la Turquie Républicaine
Colloque de Strasbourg Lundi 26 et mardi 27 octobre 1998
UMR 7043CNRS / Cultures & Sociétés en Europe CNRS * 23, rue du Lœss * F67037 STRASBOURG Cedex 02 Téléphone : (33) 3.88.10.60.90. * télécopie : (33) 3.88.41.74.40. * email : stephane.detapia@cstrasbourg.fr
http://www.misha1.ustrasbg.fr/UMR7043/index.htm
Département d’Etudes Turques de l’Université Marc Bloch * 22, rue Descartes * F67084 STRASBOURG Cedex Téléphone : (33) 3.88.41.73.99 * Télécopie : (33) 3.88.41.74.40. * email : [email protected]
strasbg.fr http://u2.ustrasbg.fr/turcologie
UMR 6588CNRS / MIGRINTER + Univ. Poitiers et Bordeaux III * MSHS * 99, avenue du Recteur Pineau * F
86022 POITIERS cedex Téléphone secrétariat : (33) 5.49.45.46.40. * télécopie : (33) 5.49.45.46.45 * téléphone documentation : (33)
5.49.45.52.50. email : [email protected]poitiers.fr * http://www.mshs.univpoitiers.fr/migrinter/index.htm
Revue Européenne des Migrations Internationales (REMI) * MSHS * 99, avenue du Recteur Pineau * F86022 POITIERS cedex
Téléphone rédaction : (33) 5.49.45.46.56. * télécopie : (33) 5.49.46.45. * email : [email protected]poitiers.fr
2
&&&
Il n’est pas dans mon propos de retracer ici l’histoire des médias ou même
simplement de la télévision turque à l’occasion de ce Colloque rassemblé pour
commémorer le 75° Anniversaire de la République de Turquie. Cette contribution ne
s’attache pas en détail à l’historique des premières années de la modernisation de la
Turquie dans le domaine des médias, et ce pour la simple raison que l’auteur n’est
aucunement qualifié pour le faire. N’étant pas spécialiste des médias, ni même de la
communication en tant que telle, ce n’est pas l’Histoire politique ou idéologique, mais
plus l’Histoire et la Géographie sociales de la population turque dans son ensemble qui
retiendra ici l’attention, les aspects à la fois matériels et immatériels –lorsqu’il s’agit du
transport d’ondes, qu’elles soient hertziennes ou autres de l’évolution de l’offre
d’information et de communications à la population turque, population qui se caractérise
en cette fin de siècle par une formidable ouverture dans tous les domaines et une
expansion démographique et de ce fait géographique notable, aussi bien sur le
territoire national que sur des terrains nouveaux, par le biais de nombreuses
communautés turcophones installées à l’étranger, sur un champ migratoire très vaste. Le
secteur des communications a dû ainsi faire face à des défis nouveaux, à la fois desserte
du territoire national et desserte du champ migratoire, dans un contexte général dit de
globalisation ou de mondialisation. Avec environ 63 millions d’habitants pour l’an 2000, la
Turquie dont on sait les relativement bonnes performances en matière économique,
restera malgré tout, au moins pour les quelques années à venir, une puissance moyenne,
loin derrière les principaux pays européens (Allemagne, France, GrandeBretagne…), a
fortiori derrière les géants américain et japonais.
Cependant, la Turquie, dans ce dernier quart de siècle, a réalisé d’énormes
progrès dans l’usage des technologies nouvelles, et ce, en particulier, dans le domaine
des communications (télévision, informatique, télématique, vidéocommunications). Il n’y
a pas là d’effet « baguette magique » et il est certain que les évolutions les plus récentes
dans ces domaines de l’information et des communications trouvent leurs racines dans
l’Histoire contemporaine, aussi bien de la fin de l’empire ottoman que des premières
années de la République.
Dans cette communication, il sera surtout question d’un média, la télévision, et
d’un aspect particulier, l’extrusion / intrusion –pour reprendre la terminologie de Jean
3
Paul Constantin (1994) 1 de ce média vers les populations vivant hors du territoire turc,
populations turques émigrées à partir des années 1960, voire populations turcophones
ressortissantes d’autres Etats en cours de construction, les Républiques Turcophones
d’Asie Centrale, mais aussi minorités turques des Balkans, du Proche et du MoyenOrient.
Extrusion –émission de messages originaires d’une entité politique et sociale
déterminée, la Turquie , si l’on se place du côté turc, intrusion –réception des mêmes
messages dans des entités étrangères, nonturques , si l’on se place dans la logique des
pays récepteurs. Pour bien se représenter les progrès en cours, il peut être utile de se
rappeler que la radio turque commence à émettre dans les années 1920, que la
télévision à l’usage du public n’apparaît qu’à la fin des années 1960, dans un contexte de
monopole et de contrôle par le pouvoir politique de l’information à usage interne, puis
dans celui de la Guerre Froide, alors qu’aujourd’hui fonctionnent des centaines de chaînes
les plus diverses, que l’on peut capter en Turquie, dans les Balkans, dans le Caucase et
en Asie Centrale, mais aussi dans presque tous les pays d’immigration relevant du champ
migratoire turc. En d’autres termes, les média turcs sont passés en peu de temps d’un
système très contrôlé par l’Etat à un système au contraire très ouvert qui pose question
sur la démocratisation du système politique et sur l’émergence d’une société civile.
L’étude de ce média spécifique, dans le cadre de l’exportation de messages,
d’images, turcs (culturels, politiques, idéologiques, religieux, linguistiques…) me semble
hautement révélatrice de capacités d’évolution, d’une société en pleine transformation
depuis les premières années de la République, aventure débutée il y a soixantequinze
ans. Si l’émigration est bien révélatrice des tensions socioéconomiques que vit une
société, la capacité d’exporter des messages sera à son tour révélatrice du rayonnement
économique, culturel, politique, de cette société.
La radio turque, rappel rapide (19271964)
Selon le quotidien Cumhuriyet, la date de naissance de la radio en Turquie serait
le 5 mai 1927 2 . Une première société créée par la Banque du Travail (İş Bankası),
l’Agence Anatolie, deux députés et un ingénieur, la Société à Responsabilité Limitée du
Marché de la Téléphonie Sans Fil (Telsiz Telefon Pazar Ltd ou TTTAŞ) émet d’Istanbul
d’abord, puis un an après, d’Ankara. Malgré le soutien de l’État, les débuts seront
difficiles. Ainsi les émissions sont interrompues du 18 janvier au 10 juillet 1930, faute de
financement ; le siège et les studios de Radio Ankara déménagent de Babaharman
1 JeanPaul Constantin : intrusion et extrusion satellitaire, communication au Colloque d’Antalya, les Nouvelles Technologies de la Communication, les Transformations Socioculturelles en Europe Méridionale, en Turquie et dans les Pays Voisins, 15 20/03/1994, non publiée. 2 Selon la presse de l’époque, les dates du 5 ou 6 sont retenues. La Fédération Mondiale de la Radio (Paris) retient le 4 mars 1927 comme date officielle de début des émissions turques (Yurt, Türkiye Genel, 198284 : 8988).
4
(aujourd’hui Telsizler) à Ulus, puis à la Présidence de la République, de là à Cebeci, puis
de nouveau à Ulus (Ankara Palas) avec une annexe à Sıhhıye. Ce n’est qu’en 1937, dans
le cadre de la Loi 3222, que la radio publique prend forme avec son transfert aux PTT et
la construction d’un immeuble pourvu des installations adéquates à Ankara (l’actuel
immeuble d’Ankara Radyoevi, 9, bld Atatürk, Opera). En 1940, la radio se trouve
rattachée à la Direction de la Presse. Alors que la radio d’Istanbul réapparaît en 1949, la
Municipalité d’Izmir crée sa propre diffusion cette même année, radio qui se verra
rattachée à la radio publique en 1953. En 1961, les émetteurs d’Ankara, Istanbul, Izmir,
Adana, Antalya, Gaziantep, Kars et Van, permettent de couvrir la majeure partie du
territoire turc. En 1964, l’établissement public TRT prendra possession de ces émetteurs
auxquels se sont entre temps ajoutés Erzurum, Diyarbakır et Iskenderun.
La radio turque est une radio publique, liée à État, formellement depuis 1937,
mais de fait depuis le départ lorsque l’on se rappelle les personnalités des fondateurs
(Celal Bayar, Mahmut Soydan, Cemal Hüsnü Taray, Fatih R. Atay et Sedat Nuri İleri). Les
missions que se réservent la radio sont l’information –politique évidemment, mais aussi
économique ou éducative, avec les campagnes d’alphabétisation des adultes avec le
nouvel alphabet latin (Millet Mektepleri) en 19281929, la diffusion de la culture turque
et occidentale (place importante laissée à la musique classique européenne), musique,
théâtre…
La Loi 3222 de 1937 établit un monopole étatique (İnhisar) qui précise que toute
installation ou émission radiophonique, sur territoire turc, à partir de navires ou aéronefs
turcs, sont soumises à contrôle et autorisation du ministère de l’Information (Nafia
Vekâleti). Seuls les établissements scolaires et universitaires peuvent, sur autorisations
des ministères de l’Education (Maarif Vekâleti) et de l’Information, installer et diffuser
des ondes radiophoniques.
De fait, nous rappelle Aysel Aziz (1971), ce monopole –repris par la Constitution
de 1961, art. 121 et art. 35 de la Loi 359 relative à la création de l’Établissement
Public TRT n’est pas aussi strict ; un certain nombre de radios locales, liées
généralement au secteur public (ministères, universités, entreprises nationalisées…)
fonctionnent en Turquie et préfigurent ce que sera le développement des radios
indépendantes bien plus tard. Il s’agit souvent de résultantes d’équilibres politiques
passagers. En 1971, date de publication de l’article, la Turquie compte une vingtaine
de radios autonomes si elles dépendent des émetteurs de TRT ou indépendantes,
car possédant leur propre émetteur. Ces radios locales se subdivisent comme suit :
• stations exploitées par des établissements publics (hors TRT),
5
• stations exploitées par les Forces Armées,
• stations exploitées par des établissements relevant du ministère de l’Education
Nationale,
• stations exploitées par les Universités,
• stations exploitées par des administrations étrangères.
La première catégorie comprend les radios suivantes :
• Meteorolojinin Sesi Radyosu [la Voix de la Météo], Ankara, fondée en 1961
• Türkiye Polis Radyosu [Radio Police de Turquie], avec trois émetteurs à Ankara,
Istanbul, Izmir, datant de 1954 à 1965,
• EKİ – Ereğli Kömür İşletmeleri Eğitim Radyosu [Radio Educative des
Charbonnages d’Ereğli], Zonguldak, apparue en 1966 (sans autorisation !).
La seconde catégorie comprend deux canaux radio, émettant d’AnkaraMamak et
AnkaraAhlatlıbel : Ankara Mamak Ordu Radyosu (1960) [Radio de l’Armée – Station
de Mamak]et Havacıların Sesi Radyosu (1966) [la Voix des Aviateurs].
Les radios relevant de l’Éducation Nationale sont le plus souvent destinées à des
objectifs pédagogiques. Dotées de petits émetteurs à court rayon d’action, elles
permettent la formation de techniciens qualifiés dans des Lycées techniques, des Écoles
Normales d’Instituteurs ou des écoles de journalisme.
Les radios universitaires participent de la même logique ; İTÜ (Université Technique
d’Istanbul) est à l’origine d’une station radio (1946) et de la première télévision
expérimentale de Turquie, dès 1952. L’Université d’Istanbul (Faculté des Sciences) crée
également une radio éducative en 1951. Plus tard, apparaîtront d’autres canaux
universitaires (KTÜTrabzon en 1965, ODTÜAnkara en 1969, Eskişehir İTİA en 1971, à
l’origine de l’actuelle Faculté de Téléenseignement qui émet sur satellite via les réseaux
TRT).
Les radios étrangères émettant sur le sol turc sont en fait les radios publiques des
Forces Armées américaines des bases de l’OTAN situées à İncirlik, Pirinçlik et
Karamürsel ; elles émettent en anglais à l’usage des militaires américains et de leurs
familles. Là où elles peuvent être captées, elles ont néanmoins un rôle non négligeable
pour l’ouverture aux informations et aux cultures étrangères. Leur existence a souvent
posé problème aux autorités turques qui ont obtenu la fermeture des émetteurs de
Samsun, Trabzon et Çiğli. İncirlik possédait même une télévision en circuit local.
6
La télévision turque, bref historique (19521998)
Comme le font remarquer plusieurs acteurs de l’évolution de ce média en Turquie
(Gülizar 1995, Öngören 1982), si la date retenue généralement pour l’apparition de la
télévision turque est 1968, les premières émissions remontent à 1952, année où un
professeur de l’Université Technique d’Istanbul, Mustafa Santur, avec quelques collègues,
lance une expérience de télévision. Le rayon d’action de cette télévision n’est alors que
de trente à quarante km ; les émissions restent limitées à une heure le vendredi soir. Les
pouvoirs publics sont absents de l’opération, mais l’expérience durera en fait jusqu’au 13
mars 1970, date à laquelle les incidents entre étudiants et forces de l’ordre mettent fin
aux émissions universitaires. Elle reprendra deux ans plus tard, mais avec un contenu
plus étroitement éducatif (Aziz 1971, Öngören 1982).
C’est la constitution de 1961, par l’Article 121 voté le 24 janvier 1963 par
l’Assemblé Nationale, qui instaure le monopole étatique de la RadioTélévision Turque
(Türkiye RadyoTelevizyon, TRT). TRT naît officiellement le 2 janvier 1964 et
rassemble les radios créées entre 1927 et 1949. Plusieurs facteurs concourent à la
naissance d’une télévision turque, l’intérêt des sociétés étrangères, privées ou publiques,
pour le marché turc, avec les présences néerlandaise (Philips), britannique (BBC) et
allemande qui offrent stages de formation et matériels, l’émigration vers l’Europe qui
commence à faire venir des téléviseurs achetés dans les pays d’immigration, l’ouverture
globale à l’étranger qui poussent les citadins à acheter des téléviseurs pour suivre les
programmes étrangers ou les étrangers résidant en Turquie qui offrent leurs téléviseurs à
leurs amis turcs en partant ! Au départ, les zones couvertes par les émissions télévisées
sont minimes ; elles ne dépassent pas quelques dizaines de km² autour d’Ankara, İzmir
ou İstanbul.
Le Paysage Audiovisuel turc (PAT)
* La télévision turque aujourd’hui, sous bénéfice d’inventaire
Une journée d’étude organisée par l’AFEMOTI (1995), un Colloque tenu à Antalya
(1994), le suivi de l’actualité des chaînes de télévisions diffusées par satellites (TDS) à
l’aide de la presse spécialisée, en particulier TéléSatellite, ou même sur Internet, auront
permis de prendre la mesure des évolutions intervenues depuis les années 19851990.
Les chiffres communément admis en 1995 pour les fréquences radio et télévision
disponibles en Turquie étaient de 664 pour les radios nationales et locales (1010 en
fonction à la même date !), publiques ou privées, de 272 pour les télévisions nationales
7
ou locales (620 en fonction !), publiques (TRT) et privées. Cette inflation se trouvait
d’autant plus remarquable que le monopole étatique appartenant à TRT n’était
officiellement abrogé par un amendement constitutionnel que le 8 juillet 1992 (Loi du 24
avril 1994). Au total, avant la reprise en main par le Haut Conseil de la RadioTélévision
(RadyoTelevizyon Üst Kurulu, RTÜK), au moins 2 000 stations de radio et 700
chaînes de télévision auront été créées en Turquie en très peu de temps 3 . Pour des
raisons à la fois juridiques et techniques –la répartition des fréquences sur le territoire
national, il fallait bien édicter des règles de bonne conduite et de saine gestion.
_ chaînes nationales publiques
Entre 1964, date de sa création et 1994, date de la disparition légale du
monopole, TRT a sensiblement évolué. De la première émission publique expérimentale
en 1968 à l’offre de téléenseignement diffusée en Europe par satellite, en passant par la
généralisation de la couleur et l’émission de programmes vers l’Europe immigrée ou
l’Asie centrale turcophone (TRT 5, programme Avrasya 4 ), on peut ainsi mesurer le
chemin parcouru par Établissement Public.
Sans entrer dans les détails techniques ou même politiques, au demeurant assez
classiques dès lors que l’on examine l’historique des télévisions publiques qui voient le
poids affirmé des autorités de tutelle sur l’information, la programmation, les
personnalités des présidents… –l’ORTF française en serait un autre exemple, on
rappellera simplement les dates suivantes :
• le 15 septembre 1986, apparition d’une seconde chaîne de télévision publique (TRT
2),
• le 2 octobre 1989, création d’une troisième et quatrième chaînes télévisées (TRT 3 et
GAPTV), premier programme à vocation régionale, dans le cadre du grand
programme d’aménagement du Sudest anatolien (une trentaine d’ouvrages
hydroélectriques et hydrauliques destinés à l’irrigation de centaines de milliers
d’hectares, travaux connexes d’aménagement : communications, industrialisation…),
• le 29 février 1990, mise en service de TRT 5 ou TRT Int, diffusant par satellite à
l’usage des émigrés d’Europe, des Turcophones d’Eurasie des programmes
sélectionnés sur les télévisions nationales turques.
3 Précisions données par Turan Gökaltay, journaliste parisien, lors d’une Table Ronde organisée par l’AFEMOTI (12/06/1995) : L’audiovisuel turc ; petit croquis pour un bref état des lieux, non publié. Voir le compterendu de Nicolas Monceau dans les CEMOTI en bibliographie. 4 Avrasya / Eurasie, nom du programme de TRT 5, s’inscrit dans toute une série de raisons sociales apparues durant les années 1990 principalement. Sont à vocation « eurasiatiques » des sociétés de transports routiers de marchandises et passagers, un carferry (rendu célèbre par une prise d’otages), des revues dont la très officielle Eurasian Studies de TIKA, des agences de voyages ou de location. Quelques ouvrages revendiquent la vocation eurasiatique de la Turquie dans des domaines divers. Affaire à suivre…
8
Chaînes nationales privées
Les chaînes privées peuvent être considérées comme nationales lorsqu’elles visent
à la couverture totale du territoire turc, soit par le biais de relais hertziens, ce qui induit
une collaboration avec TRT, les PTT, puis Türk Telekom, soit par le moyen de la TDS, ce
qui implique la location d’un canal satellite. Dans ce cas, techniquement plus souple et
finalement assez peu onéreux, les possibilités sont multiples ; Türksat, Eutelsat, Intelsat,
sont les partenaires les plus fréquents, mais des télévisions à messages islamistes ont pu
passer par des prestataires russes (STV Samanyolu sur GorizontStatsionar en 1994 par
exemple).
Les chaînes turques ont la particularité d’être liées à de grands groupes présents à
la fois dans le secteur financier et les média, presse écrite en particulier. Ceci leur donne
deux avantages :
une bonne assise financière dès le départ, toutes choses égales par ailleurs,
permettant un passage immédiat sur TDS,
une collusion immédiate et naturelle avec des quotidiens connus pour leurs idées
et leurs colorations politiques, quotidiens qui font la promotion de la chaîne et
chaînes qui font la publicité du quotidien !
Ainsi, il est de notoriété publique que Cem Uzan contrôle ou contrôlait Star et Kral
TV, qu’Erol Aksoy est actionnaire de Ciné 5 et Show TV (où il retrouve Erol Simavi,
propriétaire du groupe Hürriyet), que Kanal D était liée par le groupe Doğuş Holding au
quotidien Milliyet, que Star, Kanal 6 ou İnterStar ont connu l’action décisive d’Ahmet
Özal, fils du Président Özal, qu’ATV appartient à Dinç Bilgin (quotidien Sabah), HBB à
Bilge Has, que Samanyolu est proche du quotidien islamiste Zaman, et TGRT appartient à
İhlâs Holding, comme le quotidien Türkiye. Ce constat fait par Turan Gökaltay au
Colloque AFEMOTI (1995) était déjà clairement exposé dans l’hebdomadaire Cumhuriyet
Hafta n° 43 de 1993. La difficulté est surtout de suivre les péripéties juridicofinancières
de tous ces groupes, à la fois industriels, médiatiques et souvent politiques !
Cet état de fait a cependant une conséquence très importante dans la vie
politique, sociale et culturelle turque : celle de l’apparition et de l’affermissement d’une
véritable liberté d’information –renforcée par le choix éventuel de télévisions étrangères,
sur le câble ou sur la parabole, et d’une totale pluralité d’expression. Le discours officiel,
contrôlé par l’État, existe toujours (TRT), le discours proche du pouvoir en place –qui
peut différer du discours étatique aussi, grâce aux média proches des partis ; il n’est
pas rare que la censure essaie de s’établir, en particulier avec le RTÜK ou le MGK (Millî
9
Güvenlik Konseyi : Conseil de Sécurité Nationale) 5 et surtout sur des sujets tabous (la
question kurde ou le rôle et la personnalité d’Atatürk), mais la multiplicité des
expressions réellement présentes dans les média (presse écrite et audiovisuelle) aura
changé bien des choses.
La progression observée depuis les années 1980 est immense. La liberté
d’expression n’est certes pas totale, mais de ce point de vue, la Turquie est bien plus
proche des États Unis ou de l’Europe occidentale que de n’importe lequel de ses voisins.
Entre journaliste en Turquie reste toutefois un métier à haut risque. Les associations
telles que Reporters sans Frontières ou Amnesty International dénoncent sans cesse les
disparitions de journalistes tandis que les télévisions sont habituées à être interdites
d’émission pour des périodes en général courtes (un à quelques jours) par le RTÜK et
que de nombreux journaux, en particulier prokurdes, connaissent des procès en
cascade. Cependant, il existe bel et bien en Turquie un marché de l’information et des
loisirs audiovisuels. On a pu voir à la télévision aussi bien des plaidoyers pour
l’intégrisme que des interviews d’Abdullah Öcalan, ancien dirigeant du PKK. Les
téléspectateurs ont pris l’habitude de suivre des émissions qui vont du voyeurisme au
reportage de qualité sur des sujets aussi nouveaux (et difficiles pour les Turcs peu
habitués à ce type d’information publique) que le SIDA, la prostitution, la drogue, les
enfants des rues. Coexistent sur les ondes artistes et présentatrices court vêtues,
militantes islamistes vêtues à la mode tesettür, émissions à la gloire d’Atatürk et
apologies de la civilisation islamique. Les discours et les arguments sont souvent délivrés
sans précautions à un public friand de sensations fortes, et à cet égard, la télévision
rappelle sans conteste la presse turque. Mais on se rappelle une première émission sur le
procès et l’exécution d’Adnan Menderes qui tint en haleine pendant de longues heures
toute la Turquie, avec reprises de documents inédits de l’époque, témoignages directs
des acteurs et débat ouvert (programme 32.Gün de Mehmet Ali Birand débuté en
novembre 1985 sur TRT, puis repris avec l’animateur sur une chaîne privée). Le premier
débat public en direct a rassemblé le 17 avril 1989 Turgut Özal, Erdal İnönü et Süleyman
Demirel. Une première tentative de table ronde avait déjà réuni en 1983, Turgut Sunalp,
Turgut Özal, Necdet Calp et Hüsamettin Çelebi, mais en différé pendant sept journées de
transmission. En Turquie, ce type de programme représentait dès lors une avancée
considérable sur le chemin de la liberté d’information.
5 Le MGK ou Conseil de la Sécurité Nationale est un organe constitutionnel imposé par la Constitution élaborée à la suite du Coup d’état du Général Kenan Evren (1980). Composé des Chefs d’EtatMajor et de quelques personnalités civiles, il a pour objectif de maintenir la vie politique turque dans la voie balisée par cette nouvelle Constitution. L’Armée se trouve de ce fait en position de constante vigilance face à l’évolution politique. Elle a ainsi beaucoup influé sur le départ de Necmettin Erbakan du gouvernement et l’interdiction du Refah Partisi.
10
Dans le foisonnement des initiatives privées, il est difficile de suivre en détail
l’évolution du paysage audiovisuel turc (PAT). A titre d’exemple, on se bornera à donner
une rapide description des programmes d’une journée, le 24 novembre 1998, tel que
reproduit par le quotidien Cumhuriyet (édition turque) :
TRT diffuse six programmes sur cinq chaînes : TRT 1 à TRT 5, soient cinq chaînes
généralistes comprenant le programme international Avrasya, le programme régional
GAPTV, le programme éducatif diffusé en Turquie et un temps en Europe par
l’Université Anadolu d’Eskişehir et le ministère de l’Education Nationale.
Les chaînes privées nationales sont au nombre de 14 : Show TV, Kanal 6, Ciné 5,
NTV, Number One (en turc dans le texte !), Kanal E, ATV, TGRT, CTV, Kanal D,
İnterStar, HBB, Flash TV, 9. Kanal. Seules CTV, Kanal E et 9. Kanal n’apparaissent
pas sur les tableaux de TéléSatellite en diffusion européenne.
On relèvera sur cette page une brève concernant les changements de direction sur
Kanal E, un éditorial de Mahmut T. Öngören, ancien Président de TRT, et le programme
radio de … Radyo Cumhuriyet ; le quotidien sérieux de Turquie, que l’on compare assez
souvent au Monde, n’a pas résisté à la mode ambiante !
Chaînes locales
Ces chaînes locales, fort nombreuses, se sont développées en marge du contrôle des
pouvoirs publics. Elles ont souvent maille à partir avec le RTÜK dont l’une des missions
est bien de surveiller les discours qui peuvent sembler, ou sont, anticonstitutionnels, liés
de près ou de loin, à tort ou à raison, à la propagande autonomiste ou indépendantiste
kurde, aux discours islamistes et antikémalistes, antilaïques, voire antirépublicains. Ainsi,
alors que le secteur associatif se trouve toujours suspecté de divulguer des idées
socialistes ou collectivistes, ce sont les municipalités qui se sont mises sur le devant de la
scène, créant radios et télévisions locales.
• La radiophonie aujourd’hui, capitaux privés et radios locales
La radiophonie a suivi très exactement le modèle de la télévision privée, avec laquelle
les liens sont d’ailleurs nombreux. Chaque télévision, chaque journal, de Türkiye (Huzur
FM sur satellite)à Cumhuriyet (Cumhuriyet FM), de nombreuses municipalités, certains
services publics –déjà présents sur les ondes comme, on l’a vu, la Police ou la Météo
nationale ont créé une radio nouvelle. On compte en 1995 au moins 2 000 radios et il en
naît de nouvelles chaque semaine. Le RTÜK a fort à faire pour faire respecter, ne serait
ce que la diffusion sur des canaux répartis de façon à ce que ces radios locales soient
audibles sans être brouillées par les voisines ! La boulimie de communication anatolienne
11
donne quelques « successstories made in Turkey » (chômeur, appariteur, préposé au
thé de telle ou telle administration locale qui trouve sa vocation dans la communication
et devient un personnage respecté et … riche, histoires complaisamment rapportées par
la presse ou la télévision. Derrière chaque radio de diffusion nationale, vite relayée par le
satellite vers l’Europe –opération qui coûte finalement moins cher que de se doter d’un
réseau hertzien, même sur support PTT se profile le holding déjà engagé dans la presse
écrite et l’industrie. Rumeli Holding, Doğan Medya, İhlâs Holding, pour ne citer qu’eux
(supplément du Monde du 12.11.1998) sont présents sur tous les fronts, sans oublier la
presse écrite qui semble bien se porter selon la même source puisque 27 journaux
nationaux et 400 locaux sont recensés en 1997. Ce modèle d’intégration médiabanque
industrieservices se retrouve de fait dans les villes émergentes d’Anatolie, Konya,
Kayseri, voire Yozgat ou Malatya, où se multiplient les holdings comme YİBİTAŞ et
YİMPAŞ, parfois surnommés les « Tigres d’Anatolie » (Anadolu Kaplanları).
L’intrusion de la télévision étrangère en Turquie
Si la Turquie médiatique s’ouvre, il serait sans doute utile de faire la part de la
réception de l’intrusion sur les ondes turques des télévisions étrangères. Si les
antennes paraboliques se vendent facilement, c’est aussi pour capter des chaînes
étrangères et les PTT ont pour leur part fait un effort non négligeable pour équiper les
grandes villes de réseaux câblés. Le tableau cidessous donne un état des programmes
disponibles sur le câble à Ankara en 1995 :
L'offre télévisée à Ankara, année 1995
Dénominatio n
Horaires Programme s
Langue Origine Observatio n
Kanal D 6h30/3h généraliste Turc privée İnterStar 7h/5h généraliste Turc privée Show TV 7h/3h généraliste Turc privée ATV 6h/3h généraliste Turc privée TRT 1/TV 1 24h/24h généraliste Turc publique TRT 2/TV2 10h/2h généraliste Turc publique HBB 24h/24h généraliste Turc privée TGRT 6h/3h généraliste
+ Turc privée connot.
relig. Kanal 6 7h/4h généraliste Turc privée TRT 3/TV3 17h/24h culturelle Turc publique TRT 4/TV4 15h/23h régionale Turc publique
12
TRT 5/Int 7h/24h Avrasya Turc publique internation al
Kanal 7 6h/2h religieux Turc privée Flash TV 8h/2h généraliste Turc privée Samanyolu 7h/24h religieux Turc privée Ciné 5 7h/3h cinéma Turc privée Number One 24h/24h musique Turc privée Kral TV 24h/24h musique Turc privée RTL 24h/24h généraliste Allemand Luxembour
g Sat 1 24h/24h généraliste Allemand Allemagne Eurosport 8h30/2h sports Internation
al France
MTV 24h/24h musique Anglais privée Pro 7 24h/24h généraliste Allemand Allemagne NBC 24h/24h information Anglais USA TV 5 24h/24h généraliste Français France Mesaj * religieux Turc privée locale ? CNN * 24h/24h information Anglais USA disponibles BBC * 24h/24h généraliste Anglais Gr.
Bretagne hors magaz.
Source : Teleskop 12.08.1995, magazine TV Hürriyet Les horaires sont donnés à titre indicatif, selon magazine Teleskop pour août 95 * nouvelles transmissions en cours d'instruction en 1995
RTÜK, la Haute Autorité turque de l’Audiovisuel
RTÜK est au Paysage Audiovisuel Turc ce que la Haute Autorité de l’Audiovisuel
est en France au PAF. Créé en 1983 par la Loi 2954 sous le nom de RTYK (Radyo
Televizyon Yüksek Kurulu), cet organisme avait pour objectifs de superviser la totalité
des émissions radio et télévisées produites en Turquie, de choisir le Président de TRT
ainsi que la composition du Conseil d’Administration de l’Établissement en liaison avec le
Conseil des Ministres, de définir les plans de développement de l’audiovisuel (en laissant
par ailleurs place à l’émergence éventuelle de télévisions privées) et de fixer des règles
de conduite de la production audiovisuelle. Taner Dedeoğlu (1991) rappelle que ce
premier Haut Conseil est né sous les auspices du MGK et que la première grande affaire
qu’il a eu à régler est celle de l’apparition, a priori en toute illégalité, de la première
chaîne privée, dite alors Magic Box. Les premiers essais d’émission vers la Turquie
avaient été effectués à partir d’une antenne située à Chypre, puis en louant un
transpondeur à partir de Londres, avant de passer par l’Allemagne. Les premiers
incidents juridiques apparurent à propos de la retransmission du championnat turc de
football, puis d’une émission appelée Hodri Meydan qui déclencha des polémiques vives
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aux quelles participèrent de nombreux politiciens et non des moindres (Turgut Özal,
Süleyman Demirel, Erdal İnönü). Un arrêt de la Cour Constitutionnelle remarqua que
Magic Box (Star 1) était illégale, contraire au monopole, mais que les PTT devaient lui
fournir les moyens de diffuser en Turquie ! Le monopole tombait de facto.
Pour se faire respecter et plus encore pour faire respecter un véritable code de
déontologie, le RTÜK a fort à faire. Généralement critiqué pour son fonctionnement, sa
composition jugée toujours trop proche du pouvoir en place, cette Haute Autorité fait
figure de censeur peu indépendant. En 1993, 80 télévisions privées et 700 radios locales
ont été déclarées illégales… pour nonconformité avec la Constitution. En 1994, c’est la
Constitution qui a été amendée : les télévisions et radios condamnées au silence sont
vite réapparues. Les effets les plus sensibles de l’activité du RTÜK sont sans doute les
interdictions d’émettre qui touchent souvent, généralement pour une très courte période
(une journée), télévisions et radios privées. De toute évidence, les médias turcs sont
toujours à la recherche d’un équilibre entre liberté d’expression et forces politiques en
présence, d’une réelle déontologie entre différents rapports de force idéologiques et pour
résumer à la recherche d’une véritable société civile.
Emigration et télévision, l’extrusion turque
Les précurseurs de l’extrusion
Ankara Radyosu en 1938 disposait de deux émetteurs de 120 kW à usage
intérieur et de 20 kW à usage international. C’est la guerre de Corée qui pousse en 1950
le gouvernement turc à se doter d’un émetteur international de 100 kW, construit à
Çakırlar. Pour la première fois, la Turquie diffusait en turc loin de son territoire national.
Les précurseurs des programmes destinés à l’étranger sont mis en place entre 1950
(avec la station de Çakırlar) et 1964, avec la Voix de Chypre. Dès le premier abord, la
dimension politique des émissions destinées à l’extérieur est évidente : la Corée intègre
un corps expéditionnaire turc conséquent et Chypre devenue indépendante compte une
minorité turque relativement importante (18 % de la population) en situation de conflit
avec la majorité grecque.
• Kıbrıs Sesi Radyosu [Radio La Voix de Chypre] commence à émettre le 9
septembre 1964. En 1966, une conférence est organisée entre TRT et le Quartier
Général des Forces Armées qui deviendra de fait responsable de la diffusion le
28.10.1968. KSR est reprise par TSR (Türkiye’nin Sesi Radyosu) le 27 août 1974 à la
suite de l’opération militaire de Chypre Nord du gouvernement Ecevit, mais les
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programmes KSR ne disparaîtront que le 28 juin 1978, après quatorze années de
fonctionnement. (TRT : Dün’den Bugün’e…).
• Türkiye’nin Sesi Radyosu [la Voix de la Turquie], mise en service le 4 février 1967,
a comme toutes les radios de même type (Radio France International, Voice of
America, Radio Liberty, Radio Free Europe, Deutsche Welle, Voix d’Israël…) une
dimension culturelle et politique évidente. Il s’agit de faire passer les messages des
pouvoirs publics, informations politiques et culturelles, dans un sens favorable à la
Turquie. TSR émet en 1995 en allemand, anglais, français, arabe, hongrois, roumain,
serbocroate, albanais, bulgare, grec, russe, azéri, ourdou, persan et chinois, soient
quinze langues. Les émissions en turc sont diffusées vers l’Europe occidentale et les
Balkans, le nordest de l’Amérique, le MoyenOrient et l’Afrique du Nord, l’Asie
orientale et du sudest. De fait, ce sont aussi bien les pays d’immigration que les
pays de résidence des minorités turcophones qui sont ciblés. Une fréquence est
réservée à RadioTourisme qui émet en différentes langues occidentales à partir de
l’émetteur d’AntalyaLara.
Médias et émigration ; du journal à la télédiffusion satellitaire
Avec le déclenchement de la migration internationale turque vers l’Allemagne,
entre 1958 et 1961, date du premier accord bilatéral, une ère nouvelle s’ouvre. Les
commentaires des sociologues, des premiers mémoires sur l’immigration turque en
Europe, laissent entrevoir une population désinformée, sans relation avec la Turquie,
coupée du monde extérieur par une barrière linguistique quasi infranchissable, en bref
aussi isolée de la société d’accueil que de la société d’origine. Partout, en critiquant
souvent violemment les autorités turques nationales ou consulaires sur un mode connu
en Turquie (Devlet Baba ne yapıyor ? : que fait le PèreEtat ?), le secteur associatif va
multiplier les initiatives (brochures, dépliants, bulletins d’information, permanences,
émissions de radios locales en turc, cours de langues des pays d’accueil) pour sortir les
immigrés turcs de cet isolement.
Paradoxalement, mais ce paradoxe n’est qu’apparent, les populations turques
immigrées sont aujourd’hui probablement les plus informées de toutes. Elles disposent
d’une dizaine de quotidiens, de quatre hebdomadaires, d’une quinzaine de télévisions
diffusées par satellites, d’une vingtaine de radios FM satellitaires, sans compter presse
politique et associative, journaux d’annonces, radios locales et télévisions câblées (ZfTS
1994).
Les tout premiers quotidiens présents en Allemagne apparaissent dès la fin des
années 1960 (Tercüman, Akşam, Sabah, Meydan, Güneş). Aujourd’hui coexistent
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quotidiens de toutes opinions, hebdomadaires, presse sportive, journaux d’annonces,
depuis les titres prokurdes (Özgür Gündem) jusqu’aux titres islamistes (Zaman, Millî
Gazete, sur abonnements principalement). Il existe aussi une presse née de
l’immigration en Allemagne (Avrupa, Türkiyem, Sesimiz / Unsere Stimme) peu présente
en France (Sayfa) audelà des journaux d’annonces (Papağan, Divan, Posta, pour ce
dernier avec un effort sur la rédaction d’articles sur le contexte français).
Dès 1971, le quotidien conservateur Tercüman imprime et diffuse à partir de
l’Allemagne, mettant en place un réseau de correspondants européens. Il sera suivi en
1972 par Hürriyet et Milliyet, puis en 1974 par Günaydın (Zentrum für Türkeistudien
1994 : 451455). Suivant les modes et les équilibres politiques internes à l’immigration
turque, ces quotidiens ont des tirages fluctuants ; il n’en reste pas moins que cette
presse destinée à l’émigration, adaptée aux besoins des expatriés (petites annonces,
publicités, pages Europe, informations sur le champ migratoire et le contexte européen…)
devient disponible dans toute l’Europe par les canaux habituels de diffusion. A
Stockholm, La Rochelle, Berlin, Aoste, Vienne, Zürich ou Londres, se procurer la presse
turcophone est facile.
En 199899, mais cela reste à confirmer, il semblerait que la presse écrite se soit
relativement effacée devant la progression de l’audiovisuel et des vidéocommunications.
En quatre décennies, l’immigration turque aura au moins connue trois périodes de
développement des médias, imbriquées par suite des avancées technologiques
accélérées que connaît cette activité :
• une période presse écrite, née à la fin des années 1960,
• une période vidéo avec la multiplication des magnétoscopes familiaux et de l’offre
commerciale,
• une période télédiffusion par satellite,
• une nouvelle ère liée à la découverte d’Internet et des réseaux Web.
a) La période presse, si elle semble battue en brèche, n’a pas encore disparue des
kiosques. Les journaux sont encore souvent lus dans les cafés turcs. Certains de ces
titres sont déjà présents depuis une trentaine d’années.
b) La période vidéo a connu de beaux jours dans les années 1980 et 1990. Le Centre
d’Études Turques d’Essen estime que 75 % des ménages turcs d’Allemagne sont
équipés de magnétoscopes contre 30 % des ménages allemands. Environ 6 000 titres
turcs étaient disponibles sur le marché allemand en 1991, dont 600 titres à
connotation religieuse. Le seul Land de Rhénanie du NordWestphalie comptait
environ 300 points de distribution, dont un tiers de vidéoclubs. Cette période s’est
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vue renforcée avec un nouveau gadget, le caméscope familial, très utilisé pendant les
séjours en Turquie et les rassemblements de la vie sociale immigrée (düğünler :
noces, fiançailles, circoncisions, fêtes associatives…).
c) La période satellitaire a débuté en 19871988, avec à la fois le passage de TRT à la
technologie de la TDS –TRT 5 commence à émettre en février 1990 et l’apparition de
télévisions pirates.
d) La période Internet / Web ne fait que commencer : on y découvre pêlemêle les sites
des ministères turcs du Tourisme ou des Affaires Etrangères, des Foyers de l’Idéal
(Ülkü Ocakları) plus connus sous la dénomination de Loups Gris, des Alévis d’Europe,
de certaines associations turques des PaysBas, d’Allemagne, depuis peu de France,
de la diaspora turcotatare universitaire d’Amérique du Nord… Cela ne fait que
commencer et si les immigrés de la première génération n’ont de fait que peu de
chances de se servir de ce média, leurs enfants sont déjà bien « branchés », ne serait
ce que comme animateurs dans les centres socioculturels.
L’offre télévisée en Europe
En cette fin d’année 1998, un rapide relevé des tableaux édités par TéléSatellite,
relevé qui peut être fait mensuellement et que nous faisons de temps en temps (voir
tableaux en annexes), nous donne les résultats suivants :
• Türksat 1C diffuse 19 chaînes télévisées et 22 programmes FM, dont une chaîne
chypriote appelée Bayrak TV,
• DFS Kopernikus 1FM3 diffuse Kanal D et ATV 2, version européenne d’ATV à usage
des immigrés,
• Eutelsat 2F3 diffuse Eylik TV et Eylik FM,
• Eutelsat 2F1 diffuse à la fois TRT 5, TRT FM et Med TV, soit sur le même satellite le
discours officiel turc et ce qu’on pourrait qualifier de discours officiel kurde !
• Eutelsat 2F2 diffuse 5 télévisions et 4 radios FM, dont les programmes TGRT,
• Orion 1 diffuse Med TV en kurde.
Certaines chaînes sont diffusées sur plusieurs satellites, comme Med TV qui a beaucoup
changé de satellites ( !) 6 , d’autres ont adapté leurs programmes pour le public immigré ;
c’est le cas d’ATV. Mais on remarque à la lecture d’autres numéros de la revue que TRT
n’a laissé sur TDS que la chaîne 5 (TRT Int) et que cette chaîne diffusée par Eutelsat
n’est apparue sur Türksat que récemment.
6 A la suite de l’arrestation d’Abdullah Öcalan et d’une campagne antiturque virulente, les autorités britanniques ont préféré, après mise en garde, suspendre les émissions de Med TV dont l’émetteur se trouvait en Angleterre (mars 1999).
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Cette offre est de plus en plus disponible en Europe, non seulement parce qu’elle
est en hausse absolue avec de nouvelles chaînes, mais aussi parce que les moyens
techniques se démocratisent : les antennes nécessaires deviennent plus petites (80 cm à
90 cm pour la plupart), plus pratiques et moins chères. La question en suspens est dans
toute l’Europe celle de la réception dans les domiciles des habitats collectifs, publics ou
privés.
Câble ou parabole ?
Autant la possession par les autochtones, dits parfois de souche ( !), de
magnétoscopes, de caméscopes, d’antennes paraboliques, d’ordinateurs reliés à Internet,
est synonyme de modernité –il s’agit bien d’être branché au propre comme au figuré,
autant la possession de ces mêmes outils de communication par les familles immigrées
apparaît suspecte aux yeux des décideurs comme des gestionnaires des dites
populations, municipalités, établissements publics, bailleurs de logements… En d’autres
termes, Do not Watch TGRT (or TRT), CNN is Good for You ! ! ! Toute télévision
« musulmane », qu’elle soit d’origine maghrébine, turque, iranienne ou arabe (de
l’Egypte aux Pays du Golfe) est par définition suspecte de propagande islamique,
islamiste, nationaliste, et pour le moins suspecte de freiner l’insertion ou l’intégration des
populations immigrées.
Il n’y a pas qu’en Algérie ou en Iran que la parabole est dite « paradiabolique » ou
diabolisée, sans que l’on vérifie sérieusement le contenu des programmes. L’une des
parades trouvées par les autorités des pays d’accueil (Allemagne, Belgique par exemple,
la France se trouvant très en retard sur cette question) est la mise à disposition des
familles de réseaux câblés diffusant l’une ou l’autre télévision étrangère jugée plus
neutre. C’est ainsi que TRT 5 est souvent la seule chaîne turque diffusée en Allemagne ou
en Belgique, ou une chaîne égyptienne choisie pour des Algériens ou des Marocains qui
auraient préféré des programmes venus de leur propre pays et non des variétés ou du
cinéma égyptien ! Aux côtés de chaînes anglaises, allemandes, espagnoles, italiennes,
portugaises, …
Ceci ne va pas sans créer de problèmes, vite soulignés :
• l’antenne parabolique permet de capter les chaînes turques (ou arabes, ou
espagnoles, ou asiatiques…) et autorise le choix de l’usager ; le câble impose un
choix limité de chaînes selon le domaine linguistique concerné, pour les Turcs, TRT
presque systématiquement.
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• L’antenne parabolique est un investissement familial, mobile, de moins en moins cher
à performance technique égale ; le câble demande un investissement collectif bien
supérieur et impose le paiement régulier d’un abonnement.
• Il y a donc à la fois deux questions, l’une économique, réseau câblé ayant beaucoup
de mal à s’imposer et souvent déficitaire, l’autre politique, le droit à l’information et
aux loisirs dans la langue de son choix. La première question semble être un faux
débat, car les opérateurs sont bien souvent les mêmes ! La seconde est plus
polémique, à ce jour non tranchée, mais elle aura alimenté presse, débats
municipaux et électoraux et juridictions civiles. Dans toute l’Europe, cependant, l’idée
que l’information est un droit constitutionnel, international et communautaire semble
prévaloir de plus en plus. La discussion se porte de plus en plus sur le plan technique.
Il devient en tous cas difficile de justifier une interdiction de réception des télévisions
turcophones ou arabophones lorsque des chaînes francophones, anglophones ou
germanophones sontelles aussi diffusées par satellites et reprises sur le câble à
Istanbul, Ankara ou Kayseri.
Le tableau cidessous, composé à partir des ouvrages édités par Claire Frachon et
Marion Vargaftig (1993 et 1995) donne une idée des premières expériences tentées sur
le câble en Europe, à l’usage des populations turcophones. Il semble bien –des travaux
sont en cours à Berlin que cette offre soit au moins pour l’Allemagne en train de
considérablement évoluer.
Les télévisions locales turcophones d'Europe Dénomination Localisation Système Programme
s Diffusion
TD1 : Türkisch Deutsch 1 Berlin câble Généraliste 160000 ATT : Avrupa Türk
Televizyonu Berlin câble Information
Piratage BTT : Berlin Türkiyem TV Berlin câble séries, clips
Cartoons TFD : Türkisches Fernsehen Berlin Câble Religieuse
in Deutschland AMGT ATR/Videotron : Anadolu Londres Câble Généraliste
Radio Television Migranten TV Amsterdam Câble Information
" Den Haag Immigrés " Rotterdam " Utrecht
Les chaînes transcrites en italiques sont créées par des Turcs en Europe Source : Frachon et Vargaftig (1993 et 1995)
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La télévision et l’Eurasie turque : l’exercice de la turcophonie
Avec la mise à disposition de programmes télévisés, publics et privés, à la fois vers les
pays du champ migratoire et les républiques turcophones d’Asie Centrale, du Caucase, ou
par voisinage des Turcophones d’Iran (Azéris en particulier), venus renforcer les
programmes radiophoniques, avec les nouvelles libertés de circulation acquises grâce à
l’ouverture de nouveaux postes frontaliers, avec les flux touristiques, marchands,
culturels, nouvellement créés, la Turquie a débuté une nouvelle approche de ce qui
pourrait être une turcophonie apparentée à l’exercice de la francophonie. Cette démarche
relève autant de l’économique que la culture, de la politique internationale que d’enjeux
idéologiques internes.
Les instruments de cette politique ont vite clairement été identifiés par les
observateurs français (cf. revue de presse : le Monde, Le Monde Diplomatique,
Libération, La Croix…). Cette offensive de la langue turque, pour reprendre un titre
d’article 7 , s’appuie sur l’opération Türksat et sur la création d’un Établissement Public
rattaché au ministère des Affaires Étrangères, TİKA.
TİKA, Agence de Coopération et de Développement Turque, a non seulement
favorisé la réception d’Avrasya en Asie turcophone –en faisant livrer des stations TVRO
(Television Receiving Only – station de réception et non d’émission) à Almaty, Bakou,
Tashkent, Bishkek, mais aussi en motivant colloques et congrès sur la diffusion de la
langue turque, la création d’un turc « standard », en éditant ouvrages, dictionnaires,
revues, colloques. En réalité, TIKA et Türksat, pour être les plus connus, ne sont pas les
seuls outils de coopération.
TÜRKSOY, Agence de Coopération Culturelle dépendant du ministère de la
Culture, rassemble Turquie, Azerbaïdjan, Kirghizie, Turkménistan, Kazakhstan,
Ouzbékistan, ChypreNord, Tatarie et Bachkirie, pour favoriser publications, expositions,
festivals et commémorations, entre les pays membres. L’objectif de Türksoy, plus discret
que TIKA, est bien de faciliter la circulation des différentes manifestations des cultures
turcophones. Des éditions de l’épopée kirghize (Manas), des anthologies poétiques, des
festivals de danses et traditions populaires ont ainsi été organisés en Turquie, en Asie
centrale ou à Paris (Expolangues’96). Türksoy bénéficie en fait du soutien et du savoir
faire de TİKA (Bülbüloğlu 1996).
7 Ankara, l’offensive de la langue, article de Sylvain Montecayo, La Croix, 21.12.1991
20
TSR, TRT 5, TİKA et Türksoy, ne sont pas les seuls instruments de cette politique.
Le secteur privé s’est également intéressé à ce nouveau marché culturel. On citera
simplement, sans les détailler, les tentatives, parfois réussies, parfois ratées, du
quotidien Zaman, des chaînes TGRT, Kanal 6, Samanyolu, de nombreuses fondations
privées à discours religieux comme Marmara et Hakyol liés aux Nurcu et aux
Nakshibendîs (Bilici 1992, Avşar 1996). Le média, journaux, revues, télévisions, tiennent
une place importante.
A ceci, s’ajoutent d’autres opérations comme la création d’une Agence de Presse
turcophone, l’Union des Écrivains du Monde Turc, l’Organisation de l’Éducation et de la
Culture du Monde Turc (Avşar 1996). Il est évidemment bien trop tôt pour faire un bilan
des actions engagées, qui vont du don de dictionnaires et de machines à écrire à la
diffusion de programmes télévisés, en passant par une présence économique active
(BâtimentTravaux Publics, transporteurs, commerçants…) et les échanges universitaires.
Parties de rien ou presque, les relations –matérialisées par les lignes THY en Asie
centrale, Russie, Caucase, Balkans sont aujourd’hui quotidiennes. L’un des résultats les
plus sensibles de ces nouvelles relations est probablement le passage officiel rapide des
alphabets azéri, ouzbek et turkmène aux caractères latins.
Les Nouvelles Technologies d’Information et de Communication (NTIC)
Si la télévision est sans doute le média moderne le plus spectaculaire, par son
entrée dans tous les foyers, même les plus modestes, le plus visible, par la densité des
forêts d’antennes hertziennes, puis paraboliques sur les toits, mais aussi dans le paysage
par la construction de stations d’émission et de réception (Çamlıca, Emirler), de relais sur
des montagnes apparemment très isolées, les NTIC sont en Turquie de plus en plus
présentes dans le quotidien de la population, qu’il s’agisse des cartes bancaires, des
téléphones cellulaires (GSM : Global System for Mobile Communication), des connexions
au réseau web d’Internet, voire des systèmes de repérage et de suivi des véhicules
routiers (GPS : Global Positioning System) dont s’équipent des sociétés de transports
internationaux routiers (TIR), à partir d’un système de téléphonie et de localisation
satellitaire, Euteltracs. En 1993, des discussions portaient sur l’emploi du réseau
Inmarsat 3 pour le système GPS des transporteurs routiers (PTT 19921993).
Les rapports d’activité des PTT permettent de se faire une idée rapide des progrès
en cours. En 19941995, les PTT offraient les services suivants :
• 235 443 connexions réalisées (abonnements) pour la télévision câblée à Ankara,
İstanbul, İzmir, Antalya, Bursa, Adana, Konya, İzmit, Kayseri, Gaziantep,
21
• 110 400 installations de téléphone mobile sur véhicules,
• 125 000 lignes d’appel (type « alphapage », « tattoo »…dans le cas de la France)
• 81 276 téléphones GSM,
• 6 072 connexions TURPAK, système de transferts de données,
• 5 000 connexions TÜRKEP (courrier électronique, en relation avec 56 pays)…
Les services plus classiques, téléphonie, télex, fax… étaient à la même date
proposés à 12 305 760 abonnés, avec automatisation à 99,6% et modernisation
importante (digitalisation pour 7 694 000 lignes).
Les télécommunications turques entre 1983 et 1990
Type d'appareil Nombre d'appareils habilités
Radio HF/58B 267 Radio terrestre VHF 12538 Radio maritime VHF 17814 Radio terrestre UHF 10941
Commutateur VHF/UHF 600 Téléphone sans câble 2245 Téléphone mobile 48569
Paging / "Alphapage" 29062 Radars divers 798
Radar maritime de croisière
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Emetteurs radio / TV 363 "Citizen Band" 176864 LNB Satellite 67366
Antennes paraboliques 115270 Source : ministère des Communications, Ankara, 1991, p.198.
Avec l’apparition de consortiums privés dans le domaine des télécommunications
(Türkcell, Telsim), la privatisation partielle des PTT –la presse a longtemps discouru sur
la privatisation du T du Téléphone qui a permis l’émergence en Turquie comme ailleurs
en Europe d’une société Türk Telekom A.Ş., les progrès enregistrés ont été des plus
rapides en matière de téléphonie filaire et GSM, de connexions informatiques (email et
Internet). Il suffit pour s’en rendre compte d’interroger les annuaires Internet turcs où se
retrouvent Universités, Entreprises, Municipalités, Presse et Institutions nombreuses.
Le supplément du Monde cité précédemment (12.11.1998) confirme le tournant
pris avec la privatisation partielle de Türk Telekom et l’ouverture aux capitaux privés :
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Türkcell associée à Ericsson va construire de nouvelles stationsrelais GSM, de
nouvelles centrales et des bureaux d’accueil du public ; la société compte 1 750 000
usagers,
Telsim, associée à Nokia et Motorola se propose d’intégrer sept nouvelles stations
GSM et compte 780 000 abonnés,
plusieurs consortiums privés se lancent dans la concurrence : Doğuş, Doğan et
Sabancı associés à Telefonica Intercontinental (Espagne), Koç / SBC, Pagephone de
Hayyam Garipoğlu, associé à France Télécom, ce qui ne clôt pas le dossier, tant s’en
faut.
Enfin, il convient de souligner l’activité de plusieurs sociétés turques –toujours
associées à des groupes internationaux puissants (Alcatel, Northern Telecom, Siemens…)
dans le Caucase (Azerbaïdjan, Géorgie), en Asie centrale (républiques turcophones) dans
la production de matériels téléphoniques, l’installation de réseaux de fibres optiques, les
transmissions radio, télévision, téléphone, informatique et télématique (PTT Dergisi,
quotidiens turcs, supplément du Monde).
Conclusion
Signataire des Accords sur l’Union Douanière, la Turquie apparaît souvent comme
le parent pauvre de l’OCDE, parfois même comme la pièce rapportée d’une famille qui ne
sait comment se débarrasser ou au contraire intégrer l’étrangère avec qui il faut pourtant
vivre. La Turquie en Europe n’est cependant pas une vue de l’esprit ; c’est, avant tout –
mais ce n’est pas la seule : il faudrait adjoindre les effets du commerce extérieur, de
l’exportation culturelle, littérature traduite ou cinéma la présence active de presque trois
millions d’hommes, de femmes et d’enfants, travailleurs salariés ou indépendants,
consommateurs et usagers de biens et services produits en Europe occidentale, mais
aussi en Turquie. Avec les développements récents des technologies d’échanges,
transports, communications, les liaisons entre les deux espaces sont quotidiennes et
denses. Elles ressortent des géographies des transports, du commerce, du tourisme,
international, comme du quotidien des nombreuses familles installées, quels que soient
leurs bagages culturels, éducatifs, et leurs trajectoires ou leurs histoires de vie.
L’intrusion des médias turcs en Europe, dès lors qu’ils acquièrent une certaine visibilité –
en particulier par le biais de la soucoupe (çanak) est vécue comme une agression par les
autochtones, qui ne se privent pourtant pas de regarder la télévision française ou
allemande lorsqu’ils résident à l’étranger ! L’une des questions posées est bien celle de la
légitimité des exportations culturelles des uns face à celle des autres, audelà des
23
inévitables critiques sur la qualité culturelle ou éducative des programmes. Pourquoi ce
qui est présenté comme rayonnement culturel par les uns devrait devenir danger pour la
sécurité intérieure des mêmes parce qu’émis par les autres ?
Le pari de cette fin de siècle est celui d’une transparence totale des accès à
l’information et aux productions éducatives et culturelles. Aux prises avec quelques
grands problèmes politiques internes (retour de l’islam politique, question kurde,
démocratisation et Droits de l’Homme, construction d’une société civile…) ainsi que
quelques grandes interrogations géostratégiques (différend grécoturc, opposition entre
Azéris et Arméniens, instabilité du Caucase, du MoyenOrient…), la Turquie actuelle a
opté pour la privatisation, la déréglementation, l’ouverture à l’étranger (du tourisme
international au capital étranger). Les résultats sont impressionnants : tout le secteur
des médias s’est emballé ! Les résistances à ce nouveau climat de libéralisme
économique débouchant sur un libéralisme politique tout aussi nouveau sont fortes et
proviennent tout autant d’une opinion publique mal préparée à débattre sur des sujets
encore interdits hier que des milieux réputés conservateurs en matière politique et
sociale. Rien n’est encore définitivement joué, mais les progrès accomplis en Turquie
sont d’ores et déjà considérables.
Bibliographie sélective
Korkmaz ALEMDAR et Reşit KAYA (1993), Radyo Televizyonda Yeni Düzen,
Türkiye Odalar ve Borsalar Birliği, Ankara, 98 p.
Korkmaz ALEMDAR et Reşit KAYA (1994), Les transformations en Turquie entre 1980
et 1990 et les médias, in J. THOBIE et S. KANCAL, Industrialisation,
Communication et Rapports Sociaux, Varia Turcica 20, L’Harmattan, Paris, 111
124
Sinan AMIKLIOĞLU (1989), Türkiye'de Telekomünikasyonun Bugünü ve Yarını
[Présent et Avenir de la Télécommunication en Turquie], contribution au Colloque
d'Eskişehir organisé par le GDR 832/CNRS, 28 p., non publié.
J.P. AUZEILL (1994), Les immigrés et l’audiovisuel, recensement des études,
Rapport ministère des Affaires Sociales, de la santé et de la Ville, Paris, 47 p.
J.P. AUZEILL (1994), Etude de faisabilité d’une enquête auprès des immigrés
sur leur comportement audiovisuel et leurs attentes, Rapport ministère des
Affaires Sociales, de la Santé et de la Ville, Paris, 34 p.
B. Zahir AVŞAR (1996), Communication Between the Turkish Republics, Eurasian
Studies, 1, 101113
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TRT 1' deki Açık Oturum ve Türkistan Seferi, A. Baki Dökme, Tercüman, 29.04.1992
TRT Türk Dünyasını kucaklıyor, Ali Budak, Tercüman, 08.04.1992
Türksat ve Türk Kültür Birliği, Nevzat Yalçıntaş, Türkiye, 31.01.92
TRT'nin Asya Yayınları ve Dil Birliği, Ayhan Songar, Türkiye, 08.05.1992
Turkey pushing Eastward... by Satellite, Blaine Harden, Washington Post,
22.03.1992. (traduction dans Courrier International n°75, 09.04.1992)
Propagande sans frontières : l’intox par satellite, c’est encore mieux !, The
Economist, (traduction dans Courrier International n° 81, 21 mai 1992
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Türk TIR'larına Iran Engeli : Kazakistan'a mal götüren Türk TIR'ları 20 gün gecikmeli
olarak yola devam ettiler, Zaman, 16.04.1992
TRT Yetkilileri : Ortak Dil Kullanmak Zorundayız, Zaman, 13.05.1993
Le Monde, supplément du 12.11.1998 réalisé par Interfrance Media : le téléphone
portable soulève l’enthousiasme (p. 21), A la une de la presse écrite (p. 23)
Annexes
A) Chronologie de l’histoire de la télévision turque
• 26 avril 1927 : première émission radiodiffusée à Ankara et Istanbul, la
Turquie compte 2000 récepteurs
• 1937 : Ankara Radyosu est rattachée aux PTT
• 19 novembre 1949 : inauguration d’Istanbul Radyosu, la même année Izmir Radyosu
entre en service
• 9 juillet 1952 : première émission de télévision en Turquie diffusée par ITÜ,
Istanbul Teknik Üniversitesi
• 2 janvier 1964 : création de TRT : Türkiye Radyo Televizyon
• 1922 juin 1964 : participation de TRT à la conférence de Vienne ; European
Broadcasting Union
• 9 septembre 1964 : émission de Kıbrıs Sesi Radyosu
• 13 juin 1966 : premiers essais de télévision de TRT
• 4 février 1967 : création du département des émissions vers l’étranger de Radio
Ankara, Türkiye’nin Sesi Radyosu
• 31 janvier 1968 : première émission de télévision de TRT – Ankara
• 26 août 1972 : TRT entre à Eurovision
• 30 décembre 1972 : entrée en service de l’émetteur de Çamlıca / Istanbul
• 24 mai 1974 : TRT émet 7 jours sur 7 ; les taux de couverture atteignent 28 % du
territoire et 55 % de la population
• 7 juillet 1978 : entrée en service de l’émetteur de Çakırlar / Ankara
• 19 juin 1981 : Türkiye’nin Sesi émet en Albanais, Hongrois, SerboCroate, Chinois et
Russe
• 31 décembre 1981 : début des émissions en couleur
• 1 juillet 1982 : Türkiye’nin Sesi émet en Turc vers l’Amérique du Nord et l’Australie
• 22 mars 1984 : entrée de la Turquie dans l’organisation INTELSAT
• 1 juillet 1984 : les émissions sont toutes en couleur ; la Turquie compte 6 023 000
postes de radio et 8 116 000 téléviseurs
• 15 septembre 1986 : TRT2, seconde chaîne de télévision
29
• novembre 1986 : débuts des deux premières télévisions câblées turcophones à
Berlin ; Berlin Türkiyem Televizyonu BTT et Avrupa Türk Televisyonu ATT
• 1 février 1987 : début des transmissions satellitaires pour TRT1 et TRT2
• 26 décembre 1988 : essais de transmission de télévisions étrangères par câble à
Çankaya
• 2 octobre 1989 : TRT3 et GAPTV, nouvelles chaînes de télévision
• 10 janvier 1990 : début des émissions en télétexte sur TRT « Telegün »
• 29 février 1990 : début de TRT5, appelée aussi TRTINTernational, via le
satellite EUTELSAT1F4, puis passage à EUTELSAT 2F1
• 1990 : STAR 1, première télévision privée turque, commence ses émissions à partir
du sol allemand, en contrevenant à la Loi sur le monopole de la diffusion
• 1 avril 1992 : création du programme Avrasya vers l’Asie Centrale
• 9 juin 1992 : apparition des premières radios privées en Turquie
• avril 1993 : TGRT du groupe Ihlâs Holding émet vers l’Allemagne par Eutelsat 2F3
• 8 juillet 1993 : abrogation du monopole de TRT par un amendement constitutionnel
• 22 janvier 1994 : échec du lancement du satellite Türksat 1A, Ariane explose à six
minutes de vol
• 11 août 1994 : lancement réussi du satellite Türksat 1B
• 24 avril 1995 : naissance de Türk Telekom A.S.
• 1996 : lancement réussi du satellite Türksat 1C
• 1999 : lancement prévu de Türksat 2A par Eurasiasat, société mixte composée de
Türk Telekom A.S. et Aérospatiale
B) Tableaux statistiques
Les Satellites en bandes C et KU en 1994 Satellite Fréquence
GHz Programme TV Programme radio Observation(s)
Gorizont 22 /
3,875 STV Samanyolu privée : islamiste
Statsionar 12 Intelsat 604
10,992 TRT TV4 publique
Intelsat 604
11,136 TRT TV3 publique
Intelsat 604
11,65 TRT TV1 publique
30
Intelsat 604
11,65 Radyo Ankara publique
Intelsat 604
11,685 TRT TV2 GAP publique régionale
Intelsat 604
11,685 Rad. Diyarbakir publique
Intelsat 604
11,685 Holiday Radyo publique usage touristes
Eutelsat 2F3
11,062 Feed TGRT liaison technique
Eutelsat 2F3
11,095 TGRT privée : islam/nationaliste
Eutelsat 2F3
11,617 HBB privée : généraliste
Eutelsat 2F3
11,617 N°1 FM privée
Eutelsat 2F1
11,181 TRT Int/Avrasya
publique internationale
Eutelsat 2F2
10,987 ATV privée : généraliste
Eutelsat 2F2
11,08 Ciné 5 cryptée / cinéma
Eutelsat 2F2
11,575 Show TV privée : généraliste
Eutelsat 2F2
Show Radyo privée
Eutelsat 2F2
11,617 Tele On privée : musicale
Eutelsat 2F2
Metro FM privée
Eutelsat 2F2
Super FM privée
Eutelsat 2F4
11,613 Kanal 6 privée : généraliste
Eutelsat 2F4
Kanal Market privée : téléachat
Eutelsat 2F4
11,575 Kanal D privée : généraliste
Source : Télé Satellite, mars 1994, pp.92 105
31
Réception Satellite (Télévision et Radio) Turcophone en Europe (1996)
Satellite Fréquence GHz
Programme TV
Programme Radio
Groupe turc Particularité( s)
Horaires
Türksat 1B 10,97 ATV Internation
al
Medya Grup / Bilgin
24h/24h
Türksat 1B 10,97 Radyo Spor 24h/24h Türksat 1B 11,012 Kanal 7 Yibitas Holding ? religieuse 6h/1h Türksat 1B 11,012 Marmara FM 24h/24h Türksat 1B 11,012 Morales FM 24h/24h Türksat 1B 11,012 Tartuz FM 24h/24h Türksat 1B 11,012 Best FM 24h/24h Türksat 1B 11,145 Euro Show Hürriyet+Sabah+A
ksoy émigration 7h30/1h
30 Türksat 1B 11,145 Show Radyo Hürriyet+Sabah+A
ksoy 24h/24h
Türksat 1B 11,145 Klas FM Hürriyet+Sabah+A ksoy
24h/24h
Türksat 1B 11,18 Euro D Dogus / Milliyet émigration 6h/1h Türksat 1B 11,18 Radyo D Dogus / Milliyet 6h/1h Eutelsat 2F3
11,062 (Feed turc) (son turc) liaison technique
Ponctuel
Eutelsat 2F2
10,987 ATV Medya Grup / Bilgin
7h30/0h 30
Eutelsat 2F2 10,987 Kiss FM 24h/24h Eutelsat 2F2 10,987 Yeni Radyo 24h/24h Eutelsat 2F2 10,987 Radyo Spor 24h/24h Eutelsat 2F2 11,015 Satel 2 Sabah Holding doublage
CNN 24h/24h
Eutelsat 2F2 11,061 (Feed TGRT)
Ihlas Holding liaison technique
Ponctuel
Eutelsat 2F2 11,095 TGRT Ihlas Holding 6h/24h Eutelsat 2F2 11,095 TGRT FM
Huzur Ihlas Holding 6h/24h
Eutelsat 2F2 11,095 Akra FM Ihlas Holding 6h/24h Eutelsat 2F2 11,617 Interstar Rumeli Holding /
Uzan 6h/2h
Eutelsat 2F2 11,617 Metro FM 6h/2h Eutelsat 2F2 11,617 Kral FM 6h/2h Eutelsat 2F2 11,617 Super FM 6h/2h Eutelsat 2F2 11,631 Kral TV Cem Uzan musicale 24h/24h Eutelsat 2F3
12,599 Number 1 TV
musicale 24h/24h
Eutelsat 2F1
11,181 TRT 1 Etat 24h/24h
Eutelsat 2F1 TRT 2 Etat GAP TV 5h/23h Eutelsat 2F1 TRT 3 Etat 6h/23h Eutelsat 2F1 TRT 4 Etat téléenseigne
ment 6h/23h
Eutelsat 2F1 11,181 TRT 5/TRT Etat Avrasya 24h/24h
32
Int Eutelsat 2F1 11,181 Türkiye'nin
Sesi Etat international
e 24h/24h
en attente oct 1996
MED TV Assoc. kurde kurdophone
Eutelsat 2F2
Ciné 5 Aksoy cinéma cryptée
Eutelsat 2F3
12,599 HBB Has Bilgi Birikim
DFS Kopernikus
1FM3
12,524 ATV internationa
l
autre satellite
DFS Kopernikus 1FM3
12,524 Euro D autre satellite
DFS Kopernikus 1FM3
12,524 Euro Show autre satellite
Source : Télé Satellite Hors Série "Compil'96", octobre 1996 Source : Turan et Sandra Gökaltay, Séminaire international AFEMOTI 12.06.1995
33
Télévisions et radios turques transmises par satellite (février 1998) Satellite Type Programmes TV Programmes FM Observations
Türksat 1C Bande KU ATV TV privée généraliste Kiss FM
Yeni Radyo Radyo Spor
CINE 5 TV privée cinéma Radyo 5 N° One FM
Show TV Show Radyo Radyo Pop FM Klas FM
Radyo 2019 HBB TV privée généraliste
HBB FM Kanal 7 TV pr. Génér. Islamiste
Marmara FM Moral FM Akra FM Tatlises FM Best FM
TRT International
TV publique internationale
(Avrasya) Kanal D
Radyo D Süper Sport TV thématique sports Maxi TV TV privée PTT turcs Bouquet numérique turc
Eutelsat 2F1
Bande KU TRT International
TV publique internationale
TRT FM "La Voix de la Turquie" (Türkiye'nin
Sesi) Eutelsat 2F2
Bande KU Med TV TV kurde
NTV TV thématique information
aussi sur Türksat 1C Feeds TGRT liaison technique TGRT TV pr. génér.
nation/islam TGRT FM Huzur
Interstar TV privée généraliste Metro FM Kral FM Super FM
Türksat 1C MPEG2/ N° One TV MCPC clair Enerji FM
Pop Net/Hit Net Radyo Klas N° One FM
Genç TV
34
Metropolis FM Türksat 1C MPEG2/ Prima TV
SCPC clair Mesaj TV Internat
TV privée islamiste
Flash TV Sun TV Eko TV
Eutelsat 2F3
Eylik TV
Eylik FM Eutelsat 2F2
Olay TV
Kral TV aussi en bande KU Orion 1 Med TV avant sur Intelsat 603
Note : Nickelodeon Turkey a disparu sur Türksat 1C (chaîne thématique cinéma) Source : Magazine Télésatellite n° 99, février 1998, pp. 6880