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653 LE NEWS TANK DE VAE SOLIS CORPORATE N°2 - JUIN 2008
L’art du Storytelling
La simulation de crise
Le “Grenelle” : un grand pas pourl’environnement ?
Dossier :L’aventure du câble
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EPolices : - Titre : Helvetica Neue bold modifiée- Corporate : Helvetica Neue medium
Couleurs :- Gris clair : C31 - M15 - J6 - N35 / (N 54%) - Gris foncé : C31 - M15 - J6 - N66 / (N 85%)
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corporate
Vae Solis Corporate 15, rue Henri Heine75016 ParisTél. : 01 53 92 80 00Email : [email protected]
Evolutions rapides du contexte concurrentiel ou politique, crises financières,sociales ou sanitaires, fusions, acquisitions, restructurations, enjeux d’opinion :en tant que dirigeant vous êtes quotidiennement confrontés à l’impératif de lagestion de ces changements.
Votre réputation est en prise directe avec l’actualité (économique, sociale, réglementaireou médiatique), exposée en permanence à ce contexte mouvant ; elle accède de faità un niveau de priorité stratégique qui implique sa prise en compte au sein dupremier cercle de la gouvernance.
Dans ce nouvel univers, la gestion des relations avec les leaders d’opinion estessentielle.
Eviter les crises ou les transformer en opportunité, avoir une connaissanceapprofondie de votre environnement et disposer d’une capacité d’influenceréelle, mieux définir votre identité et enrichir vos relations avec les partiesprenantes… autant d’avantages concurrentiels et de conditions de la création devaleur.
Force d’analyse et de veille (économique, concurrentielle, réglementaire et sociétale),conseil stratégique, dispositifs d’information, gestion de crise, relationspresse d’influence, affaires publiques, communication financière : autant demoyens pour Vae Solis Corporate de servir votre stratégie de croissance dans unmonde ouvert, porteur de risques et d’opportunités.
Arnaud Dupui-Castérès Corinne Dubos Antoine Boulay Laurent Porta
www.vae-solis.com
65LE NEWS TANK DE LEO CORPORATE NOVEMBRE 2006 365LE NEWS TANK DE LEO CORPORATE NOVEMBRE 2006 3
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SOM
MA
IRE
Tous pressés par les urgences du quotidien, souvent rivés sur nos futurs plus ou moins
immédiats, jonglant entre l’action et la réflexion pour satisfaire à la réactivité
qu’imposent nos activités…
Pour nos clients, membres de direction de grandes entreprises ou grandes institutions,
nous avons l’avantage de la distance et de l’indépendance : cela nous permet
de les conseiller en ayant le recul nécessaire pour leur apporter la valeur stratégique
et le soutien opérationnel dont ils ont besoin.
Avoir du recul et savoir le garder, c’est tout l’enjeu. Prendre le temps de l’analyse
pour nourrir l’action. C’est ce que se propose de faire 365°, parce qu’il est aussi
stratégique de savoir regarder en arrière pour comprendre ou garder en mémoire
les faits marquants de l’actualité économique, sociale et politique.
Nous vous proposons ici un rapide retour sur l’année écoulée, pour partager quelques-uns
des temps forts qui ont marqué, de près ou de loin, notre activité en 2007.
Arnaud Dupui-Castérès
Président
653Directeur de la publication :
Arnaud Dupui-Castérès
Rédacteurs en chef :
Corinne Dubos
Laurent Porta
Secrétaire de rédaction :
Myriam Robert
Conception/Réalisation :
Anne-Sophie Méry
Crédits photos :
Zoomevent : F. Criquet /
Ministère de la Santé /
Getty Images / AFP Photo /
Laurent Mignaud - MEDAD /
DR.
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4 2007 EN DATES
6 DÉCRYPTAGEPlace Net : la montée de l’opinion numérique
8 STRATÉGIETous des fils de Schéhérazade ?L’art du Storytelling
12 DOSSIERL’aventure du câble…De l’enfant terrible au meilleur de sa classe
16 ARRÊT SUR IMAGELe poids des mots versus le choc des photos !
18 C’EST DANS L’AIRLa simulation de crise : le salut passe par l’entraînement !
21 À SUIVRE“Class actions” à la française :entreprises, êtes-vous prêtes ?
22 SAVOIR PLUS- Devenir “un bon client” ! Le media training
- Promouvoir la diversité : opération bonneconscience ?
25 TOUT LE MONDE EN PARLELe “Grenelle” : un grand pas pour l’environnement ?
28 EN APARTÉUIMM, quelle affaire !
30 STRIP-TEASEDe Deloitte à Taj, histoire d’une success story
2 365° | n° 2 | Juin 2008
22
26
21
L’art du Storytelling : “Buzzword” ou outil de stratégie d’information ?
“Class actions” à la française : entreprises, êtes-vous prêtes ?
Le media training, une technique qui a fait ses preuves
Interview P. Auberger, DG communication et développement durable de Bouygues Immobilier
8
12DOSSIER : l’aventure du câble…
365° | n° 2 | Juin 2008 3
Janvier
Début d’année difficile pour EADS : l’A380 accumule les retards ;
la gouvernance est sur la sellette.
Au 1er janvier, la grande distribution accède aux écrans publicitaires télévisés !
Février
Le CNRS et l’ensemble de la communauté scientifique internationale
ouvrent la 4e année polaire.
Mars
50e anniversaire du Traité de Rome.
La saga Laure Manaudouchampionne du monde et frasque perso.
Juin
Visite de Jeff Immelt, CEO de GEau Casino de Paris.
Cap à l’Est pour le TGV, après cinq années de travaux.
Août
Année du renouveau pour Numericable ; la revanche de la fibre optique est lancée.
Les “Subprime” plongent les marchés financiers dans la crise
= crise de la BNP.
La fièvre aphteuse fait trembler autorités et éleveurs au Royaume-Uni.
Mattel fait le choix de la sécurité et va au-delà des normes en rappelant
des jouets “made in China”.
Mai
Vae Solis Corporate publie “La crise en 100 mots”
à la Documentation Française.
Présidence Sarkozy : gouvernement d’ouverture
et de diversité.
Avril
1er tour de l’élection présidentielle : les Français votent en masse,
record de participation.
Juillet
La Fiat 500 revient en force.
Vélib’ arrive à Paris.
Septembre
DSK à la tête du FMI.
La France accueille la Coupe du monde de rugby.
Abus de confiance à la tête de l’UIMM.
Décembre
2e colloque de l’Observatoire de la Ville.
Visite controversée de Kadhafi en France = le coup de gueule
de Rama Yade.
Benazir Bhutto assassinée.
Nicolas Sarkozy s’affiche avec Carla Bruni.
Novembre
L’iPhone déboule en France avec Orange.
Vae Solis Corporate s’installe rue Henri Heine.
Octobre
Le Grenelle de l’environnement livre ses conclusions.
Création du Mouvement Démocrate.
Le CNES célèbre 50 ans d’aventures spatiales.
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2007
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2007
2007 en dates
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Des mass-médias aux médias des masses
Un raz-de-marée aux airs de lame de fond pour
toute une profession : le journalisme.
Car si Internet a donné un sacré coup de vieux
à ses prédécesseurs médiatiques (télévision,
radio et presse écrite), il a surtout radicalement
changé notre rapport à l’information, et inventé
du même coup une toute nouvelle catégorie
d’info-consommateurs : les “spectacteurs”.
Avec l’apparition des blogs, et plus largement
des applications du web 2.0, qui permettent à
l’internaute de s’exprimer encore plus facile-
ment qu’avant, Internet a en effet donné à la
majorité jusque-là silencieuse de nos conci-
toyens une opportunité inédite : devenir à leur
tour acteurs, et non plus simples spectateurs,
de l’information.
Illustrations de cette tendance lourde à
l’e-journalisme, l’explosion des sites participatifs
et autres “médias citoyens”. Pionnier du genre,
Agora Vox, créé fin 2005, a été l’une des
premières initiatives de “journalisme participatif”
à grande échelle en Europe. Objectif de ce
projet inédit, entièrement gratuit, devenu
aujourd’hui LA référence en la matière : offrir
aux citoyens souhaitant “diffuser des informa-
tions inédites” une plate-forme multimédia
adéquate. Muni d’un simple téléphone portable
ou d’un appareil photo numérique, le quidam
peut ainsi devenir “capteur d’information en
temps réel”
L’opinion numérique, nouvelle cible
des communicants
Un phénomène de société qui n’a cependant pas
échappé aux experts de la communication,
publicitaires… et politiques en tête, tous deux
confrontés à une seule et même problématique :
comment récupérer cette précieuse (et expo-
nentielle) cible : l’“opinion numérique” ?
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : avec 49% des
Français ayant aujourd’hui accès au haut débit
depuis leur domicile1 (53%, tous types de
connexion confondus), et l’objectif de 100% d’ici
2012, annoncé par Nicolas Sarkozy lors du CeBit
2008 – plus grand salon international dédié aux
NTIC – pas question pour les communicants de
passer à côté de la révolution numérique.
Fortes de ce constat, les grandes marques ont
donc renforcé leur présence sur le web, en
augmentant de 35% en moyenne en 2007
leurs investissements publicitaires online (9%
du total de leurs dépenses publicitaires, contre
7% en 2006).
2007 : l’année du sacre (d’Internet)
Idem du côté des politiques, qui ont vite fait de
voir dans cette démocratisation des NTIC une
“nouvelle ère pour la démocratie” – et acces-
soirement, par ces temps hauts en rendez-vous
électoraux de premier plan, un merveilleux
outil de marketing politique.
Fort à propos saisis de “blog attitude” aiguë,
candidats et militants ont surinvesti la Toile en
2007, à grands renforts de sites officiels, achat
d’espace en ligne et campagnes d’e-mailing,
dans l’espoir de voir mieux relayer leurs messages.
Campagne présidentielle oblige, de sarkozy.fr à
desirsdavenir.org, en passant par mgbuffet.org,
pas un candidat officiellement déclaré qui n'ait
eu son site ou son blog ! Adieu tracts, meetings
et réunions d’appartement, place aux news-
letters, podcasts, et autres forums participatifs.
À tel point que de simple outil d’autopromotion
électorale, Internet s’est révélé pour les plus
experts comme une redoutable machine
médiatique, allant même jusqu’à transformer
certaines équipes de campagne en véritables
agences de presse.
Comme sur d’autres plans, dans la bataille
médiatique, l’infatigable candidat Sarkozy a
remporté haut la main la palme du prétendant
le plus chevronné – et inventif. Comment
oublier en effet le “bouquet” NSTV (pas moins
de 11 chaînes !), envié jusqu’aux États-Unis par
les plus grands pontes de la communication
politique outre-Atlantique, venus spécialement
pour l’occasion s’offrir une leçon de com’ en
bonne et due forme auprès de la Sarkoteam
avant le lancement des primaires ? Mais 2007
aura aussi été la première campagne présiden-
tielle où l’un des deux candidats du second
tour a été désigné grâce à Internet. “Désirs
d’avenir”, le comité de soutien de Ségolène
Royal, qui lui a permis d’être investie par les
militants du Parti socialiste, est en effet d’abord
un site web…
De la démocratie participative
au marketing participatif
Désormais premier outil de communication
utilisé par les entreprises, Internet a considéra-
blement fait évoluer les relations “business to
consumer”, en ouvrant tout un nouveau champ
de possibles : l’implication des clients dans la
vie de la marque. Après la démocratie partici-
pative, place au marketing participatif !
Dernier exemple en date, le site “My Starbucks
Idea”. Depuis son ouverture, mi-mars, par la
direction de la chaîne américaine de bars à
café, les internautes-clients sont invités à faire
part de leurs idées pour améliorer le service.
Sur cette plate-forme de dialogue – inspirée du
site communautaire Digg – un système de vote
plébiscitaire fait remonter automatiquement en
tête de page certaines propositions. Mieux,
celles repérées par l'équipe de recherche de
Starbucks sont signalées comme “under review”
(à l'étude), tandis qu'un blog, “Ideas in action”,
permet de voir lesquelles se concrétisent.
Ma petite entreprise ne connaît plus la crise
Autre champ d’application du net révolution-
naire pour l’entreprise : la gestion de crise
médiatique. Principales intéressées, les marques
de grande consommation, bénéficiant d’une
image forte et visible au sein de l’opinion, et
très exposées à des crises du type rappel de
produit. Car si Internet est créateur de crises
(rumeurs, “hoax”, piratage) et peut servir de
caisse de résonance (propagation accélérée
due à la rapidité de circulation de l'information
et aux sites web des médias), c'est aussi un
excellent “désamorceur” de crises, qui offre
deux qualités essentielles : l’interactivité et la
réactivité.
Pour préparer les entreprises à répondre effica-
cement aux situations de crise, il existe
aujourd'hui des outils de communication en
ligne spécifiques, au premier rang desquels les
“dark sites”, également appelés “sites cachés”
ou “sites shadow”.
Ces sites dédiés, disposant d'une adresse
Internet distincte, d'une armature et d'une
charte graphique prédéfinies, comportent des
espaces prêts à remplir en fonction du type de
crise rencontrée. Mis en ligne en cas de déclen-
chement d'une crise, ils sont activables en
quelques heures.
Réponse souple, adaptable, et surtout rapide
pour les entreprises confrontées à une situa-
tion de crise, ces sites cachés s’inscrivent dans
une tendance de fond, faisant du web un outil
de gestion des crises en amont.
Relais d’opinion numériques :
quelle instance de validation ?
Dans le domaine de la communication corporate
ou d’influence, la question se pose : comment
se crée et comment évolue l’opinion sur
Internet ? Quelles passerelles entre blogs,
médias participatifs et médias traditionnels ?
La veille, dans ce contexte, est un enjeu essentiel,
puisque le repérage de débats émergents sur
Internet permet d’anticiper les crises médiatiques
qui vont se déclencher dans les jours ou les
semaines qui suivent.
Faire de leurs marques traditionnelles un gage
de qualité et de fiabilité de l’information
est devenu l’enjeu numéro 1 pour les médias
classiques. Le Monde, Challenges, l’AFP, le
groupe Lagardère… chacun développe sa
stratégie et atteint des résultats prometteurs.
“Monsieur Haut Débit”…
L’exemple de la dernière campagne présiden-
tielle le prouve – s’il le fallait encore : plus
qu’un nouveau forum, le Net s’est imposé
comme un nouveau media à part entière.
Gage de cette consécration “webistique”, les
résultats de la dernière étude Médiamétrie sur
l’évolution des comportements des Français
face aux médias sont sans appel : plus d’un
Français sur cinq “pratique” en effet quatre
médias (télévision, radio, Internet et presse
écrite) ou plus quotidiennement. N’en déplaise
aux inconditionnels du papier, la Toile est indé-
niablement entrée dans les mœurs.
Beaucoup plus éclaté qu'auparavant, l’espace
public s’est élargi, et l’opinion numérique,
désormais partie intégrante de l’opinion publi-
que, entend bien avoir droit au chapitre. La
question se pose aux entreprises, à la fois
neuve et si ancienne : comment gérer sa
présence et son image dans ce nouvel espace ?
Une chose est sûre : la vague du numérique
n’est pas près de s’arrêter. Preuve en est : la
nomination par le gouvernement, dont on sait
qu’il ne rechigne jamais à surfer les bons tubes,
d’un “Monsieur Haut Débit” spécialement
chargé des NTIC en la personne d’Eric Besson2...
Qui connaît “Monsieur Haut Débit” ?
Diane Eliard
PLACE NET :la montée de
l’opinion numérique
Les conseils en communication auraient-ils pris un train de retard ? À l’heure du haut débit, des blogs etdu fameux “2.0”, force est de constater que la télévision, la radio et la presse écrite ne sont plus les seulsmédias de référence, or ils apparaissent rarement dans les recommandations des “communicants”…Avec plus de la moitié des Français désormais internautes, le verdict est pourtant sans appel : la révolution Internet a bien eu lieu.
65LE NEWS TANK DE LEO CORPORATE NOVEMBRE 2006 365LE NEWS TANK DE LEO CORPORATE NOVEMBRE 2006 3
DÉCRYPTA
GE
1/ Source : Etude Crédoc réalisée en juin 2007.2/ Secrétaire d'Etat au développement de l'Economie numérique.
6 365° | n° 2 | Juin 2008 365° | n° 2 | Juin 2008 7
Alors que la fin de la guerre froide promettait
pour certains “la fin de l’Histoire”, c’est en réalité
une nouvelle page qui s’est ouverte, moins
uniforme, moins implacable, mais composée
d’une constellation de contes, de mythes, de
fables, de métaphores et de “ruptures”. Des
histoires non pas racontées par les parents à
l’heure du marchand de sable mais par les entre-
prises privées et les gouvernements, mettant en
scène des bons, des méchants (un axe du mal),
un graal à protéger (la liberté) et des péripéties.
Une histoire mise en scène et chorégraphiée par
les décideurs pour être certains que, parmi les
quelque 3 000 messages que nous recevons
quotidiennement, le leur soit retenu.
Cette évolution, préparée dans l’ombre par des
’’spin doctors’’ avisés, se résume en un mot, en
une théorie : le Storytelling ou l’art de raconter
des histoires.
Érigé en poudre magique par les publicitaires
ou en symbole de la manipulation des masses
par ses détracteurs, le Storytelling est bien plus
qu’une recette miracle pour les marques ou
qu’une “arme de distraction massive”. Cette
approche conceptualise la réalité d’une évolu-
tion des mœurs. Une évolution qui fait la part
belle à l’émotion et non plus à la raison, aux
valeurs et non aux compétences, au récit plus
qu’à la vérité. Une nouvelle méthode de
communication à disposition des stratèges de
l’information qui se cachent à tous les niveaux
de la société, comme le souligne Christian
Salmon : “Derrière les marques et les séries
télévisées, mais aussi dans l’ombre des campa-
gnes électorales victorieuses, de Bush à
Sarkozy, et des opérations militaires en Irak ou
ailleurs, se cachent les techniciens appliqués du
Storytelling.”
Les origines politiques du Storytelling :
du ’’spin doctor’’ au ’’storyspinner’’
À l’origine du Storytelling tel qu’il est pratiqué
aujourd’hui, il y a la pratique méthodique des
responsables politiques américains.
Christian Salmon évoque trois raisons à cet
engouement : d’abord, la fibre nationale des
Américains qu’il faut faire vibrer ; ensuite, le
talent propre de certains présidents et, enfin,
“l’esprit du temps, qualifié de postmoderne et qui
privilégierait, après le refus des grands récits, les
anecdotes, le miroitement des petites histoires”,
illustrant l’idéal des valeurs américaines.
À ce jeu, Ronald Reagan est sacré “plus grand
storyteller de l’histoire politique”, notamment
à cause de son discours sur l’état de l’Union de
1985. Il y symbolisait le “rêve américain” avec
l’histoire anecdotique de Jean Nguyen,
Vietnamienne arrivée à l’âge de 10 ans aux
États-Unis et qui, en 1985, sortait diplômée de
l’académie universitaire de West Point. Et
Reagan de conclure : “Deux siècles d’histoire de
l’Amérique devraient nous avoir appris que rien
n’est impossible.”
Cependant, depuis Reagan, une évolution
majeure s’est opérée dans l’art du Storytelling
politique. Dans les années 80, les hommes
politiques américains et leurs ’’spin doctors’’
racontaient des histoires légitimant ou mettant
en récit un événement avéré de la vie politique.
Depuis les années 2000, les conseillers
politiques américains s’autoproclamèrent
’’storyspinners’’ (influenceurs d’histoires),
allant ainsi jusqu’à fabriquer des histoires afin
de conquérir le pouvoir, l’exercer et le conserver.
Karl Rove, principal conseiller de George W. Bush,
fit ainsi de la présidence une succession
d’histoires symboliques et de récits émouvants.
Parmi elles, on retiendra la victoire de George
Bush sur l’alcool, qui participa au succès de sa
campagne électorale.
En France, le tournant : les élections
présidentielles de 2007
“J’ai changé”. C’est par cette courte phrase,
répétée dans les médias, que Nicolas Sarkozy
lançait sa nouvelle histoire, celle de sa campa-
gne, celle de la “rupture” en janvier 2007. Une
campagne dans laquelle les conseillers du
candidat Sarkozy ont adopté les théories des
’’storyspinners’’ américains en les adaptant
aux particularités françaises. Dans ce pari, ils
ont été largement aidés par l’influence des
séries américaines comme The West Wing et la
nouvelle appétence des Français pour les belles
histoires des hommes de pouvoir. Les program-
mes politiques passent, eux, au second plan.
La campagne de 2007 est un vrai tournant
dans les pratiques politiques. La déclaration
d’Henri Guaino faite au Monde en juillet 2007
en est l’illustration [voir encadré].
TOUS DES FILS DE SCHÉHÉRAZADE ?
L’art du Storytelling : “buzzword” ou outil de stratégie d’information ?
65LE NEWS TANK DE LEO CORPORATE NOVEMBRE 2006 365LE NEWS TANK DE LEO CORPORATE NOVEMBRE 2006 3
STRATÉG
IE
Quelques décennies après Roland Barthes,
Christian Salmon revisite la théorie de l’omni-
science du récit dans la société. Il la résume
dans un livre intitulé Storytelling, la machine
à fabriquer des histoires et à formater les
esprits. Cette analyse revient sur une technique
de communication mise au point par les ’’spin
doctors’’1 américains pendant la guerre froide.
Cet ouvrage remet au goût du jour le procédé
du Storytelling en cédant à l’écueil de la carica-
ture dont le titre en lui-même révèle la grossiè-
reté des traits, réduisant la pratique à une
“machine à formater les esprits“. Véritable
phénomène de librairie, il fait ainsi de ce terme
le ’’buzzword’’ de ce début d’année, seriné par
les publicitaires parisiens et chuchoté par
les conseillers politiques du gouvernement.
“Buzzword” ou outil efficace de la stratégie
d’information, quelle est la portée réelle de
l’art du Storytelling ? Décryptage.
À l’origine, il y a le récit
Schéhérazade pourrait être le chantre du
Storytelling. En racontant chaque jour une
nouvelle histoire au Sultan afin que ce dernier
lui laisse la vie sauve, elle définit les bases de
la pratique. Comment la stratégie de
Schéhérazade a-t-elle été transformée en
théorie marketing et politique ?
1/ Un “spin doctor“ (que nous pourrions traduire en “docteur en influence”) est un conseiller en communication politique agissant pour le compte d'une personnalitépolitique, le plus souvent lors de campagnes électorales.
Sous ses formes presque infinies,
le récit est présent dans tous les
temps, dans tous les lieux, dans
toutes les sociétés ; le récit
commence avec l’histoire même
de l’humanité ; il n’y a pas, il n’y
a jamais eu nulle part aucun
peuple sans récit.
Roland Barthes
“
“
“ “Le Storytelling est l'art de raconter des histoires
dans le but de présenter des évidences anecdotiques, de clarifier un point de détail,
d'appuyer un point de vue et de cristalliser des idées.
Daniel D. Stuhlmann
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STRA
TÉG
IE
La politique, c'est écrire une histoire
partagée par ceux qui la font et ceux à
qui elle est destinée. On ne transforme
pas un pays sans être capable d'écrire et
de raconter une histoire.
Henri Guaino,
Le Monde, 21 juillet 2007
“ “
8 365° | n° 2 | Juin 2008 365° | n° 2 | Juin 2008 9
Ainsi, Nicolas Sarkozy et Henri Guaino ont
évoqué, au fur et à mesure des meetings en
région, les belles histoires exhortant les héros
et particularismes locaux : la grandeur des
marins bretons, les valeureux Normands
conquérants de l’Angleterre, et la Lorraine
“cette terre sainte où c’est la même chose de
prier Dieu ou de prier la France.” En racontant les
histoires et les visages de la France, le candidat
Sarkozy a créé des mythes flattant les spécifici-
tés régionales, faisant de “ceux qui se lèvent
tôt” des héros du quotidien, ressuscitant des
figures nationales oubliées comme Guy
Môquet, promu soudainement nouveau héros
de la République.
Ségolène Royal ne fut pas en reste. À
Villepinte, le 11 février 2007, elle exhorta dans
son premier discours de campagne “ces pauvres
vies brisées, ces familles humiliées, ravagées par
la misère et l’iniquité, ces destins marqués au
sceau d’une malédiction qui ne dit pas son nom.”
“Il faut entendre le cas d’Odile […] qui attend
un logement depuis quatre ans. Il faut entendre
ce père de famille alsacien que je n’oublierai,
moi, jamais : je vis le RMI comme une maladie
honteuse.”
Ainsi, c’est un nouveau style de campagne
présidentielle que nous avons vu se dérouler en
2007. Une campagne dans laquelle les valeurs
ont remplacé les programmes, la compassion
les compétences. Beaucoup d’observateurs ont
eu le sentiment que la vie politique française
“s’américanisait” sans réellement réussir à
identifier les raisons du changement. Or, pour
la première fois, les candidats ont autant
cherché à raconter une histoire qu’à convaincre
sur un programme et une vision de la France.
C’est dans cette évolution que se niche le
Storytelling, l’art de raconter des histoires.
Storytelling et marketing :
les marques entrent dans la légende
Évolution logique, après la politique, le
Storytelling a peu à peu envahi le paysage
économique. Alors que dans les années 60 et
70 les entreprises fondaient leur communica-
tion sur leurs produits ou services, la stratégie
connut au début des années 80 un premier
déplacement. On passa ainsi de la valorisation
de la marchandise vers la création d’une
“marque”. C’était l’âge du “branding”. La fin des
années 90 a vu naître une nouvelle évolution : il
ne fallait plus produire des “marques” mais des
“histoires”, de l’étonnement, de l’émotion.
L’âge du Storytelling commercial est né.
Quelques originaux comme Nike, Coca-Cola ou
Apple commencèrent alors à mettre en scène
l’image de leurs sociétés par le récit. Nike
symbolisant le dépassement de soi, Coca-Cola
l’enfance éternelle et Apple la “cool attitude”.
Aujourd’hui, les consommateurs n’achètent plus
un produit, ni une marque mais l’histoire que le
produit véhicule et les mythes que les marques
symbolisent. Avant cette généralisation,
Marlboro avait été certainement la première
marque à faire du Storytelling. En effet, Leo
Burnett avait inventé l’histoire du cow-boy et
son environnement. En racontant l’histoire de ce
cow-boy, Leo Burnett créa la légende dont tous
les publicitaires rêvent et Marlboro devint la
première marque de cigarettes au monde.
Ainsi, les marques cherchent aujourd’hui à
entrer dans la légende, à créer leur propre
mythe, leur propre hagiographie afin de tisser
peu à peu un lien émotionnel avec le consom-
mateur. Pour cela, elles n’hésitent pas à puiser
dans leurs archives pour retrouver des modèles
emblématiques. Le lifting des voitures de
légende – Coccinelle, Mini Cooper ou encore
Fiat 500 – en est une illustration. Autre
exemple qui se déroule sous nos yeux : depuis
janvier 2008, la marque de lunettes Persol
communique abondamment sur son histoire et
les mythes fondateurs, insistant notamment
sur les figures qui portaient le modèle 649 :
Steve McQueen, Marcello Mastroianni ou
encore Dustin Hoffman. Ils créent ainsi une
nouvelle légende : la Persol 649. En janvier
2008, Persol ressort la 649 accompagnée
d’une campagne de communication basée sur
quatre sens : “le sens de la perfection, le sens
de la beauté, le sens de l’histoire, le sens du
symbole”. La marque remet ainsi au goût du
jour un modèle oublié et en fait un mythe qui
rejaillit sur l’ensemble de la marque.
Plus loin, les dirigeants charismatiques partici-
pent, eux aussi, à la légende et au mythe d’une
marque. C’est par exemple le cas pour Bill
Gates, Steve Jobs, Owen Jones…
La naissance d’un “buzzword”
Le Storytelling est devenu en 2008 un
“buzzword” à la mode. Christian Salmon le
définit comme “un incroyable hold-up sur l’ima-
ginaire”. Pour lui, l’art du Storytelling est
comparable à un formatage de l’opinion, une
manipulation des masses et des esprits.
Pourquoi une telle vision ?
Tout d’abord, en traduisant Storytelling par
“raconter des histoires”, les Français peuvent
facilement y voir une systématisation et une
organisation du mensonge par les gouverne-
ments et les grandes entreprises. Une traduc-
tion qui facilite la vision négative de Christian
Salmon.
Ensuite, l’auteur résume le Storytelling à un
simple “art du mensonge”, caricaturant ainsi
la pratique. Il exhorte les fantasmes des
“hommes de l’ombre”, figures énigmatiques
façonnant et manipulant, dans l’ombre, l’image
des dirigeants.
Il reproche alors au “storyteller” de préférer la
forme au fond, de donner des valeurs mythi-
ques aux mots et des valeurs symboliques aux
images tout en les vidant de leur essence.
Christian Salmon en fait le chantre de la propa-
gande moderne qui flatte les égos régionaux et
les particularismes individuels sans penser à
l’amélioration de l’intérêt général.
Pourtant, jeter l’anathème sur les cabinets
politiques, les agences de publicité et autres
Storytellers est peut-être un peu facile.
N’oublions pas que les médias eux-mêmes
“racontent des histoires” a un public distrait
par la vie quotidienne, soumis à un flot
d’information continu et qui a pris l’habitude
de recevoir une information réécrite, digérée,
formatée. Pour “accrocher” leur public, les
médias, qui sont soumis aux mêmes nécessités
économiques que n’importe quelle entreprise,
doivent par conséquent adapter la forme de
leur communication. Et les conseillers politi-
ques d’adapter leurs messages aux réalités des
médias actuels.
En cela, les médias ont non seulement habitué le
grand public à une certaine forme d’information,
mais surtout, ils ont imposé cette forme aux entre-
prises et aux hommes politiques. L’élaboration de
messages “média-compatibles©” a entrainé une
mise en récit de l’information. Cette mise en
scène passe aujourd’hui par une plus grande
proximité avec la vie quotidienne, par une
simplification des enjeux stratégiques par le
biais de comparaisons ou de métaphores, etc.
Il parait bien difficile aujourd’hui de dire avec
précision qui des politiques, des publicitaires
ou des médias a initié la modification de la
structure des communications à l’attention du
grand public. Cependant, cette mise en récit
est devenue une nouvelle norme de la commu-
nication, la seule capable de susciter l’intérêt
du plus grand nombre.
Storytelling, composante de la stratégie
d’information à ne pas négliger
Loin de vouloir uniformiser le monde et contrôler
les esprits, le Storytelling s’ajoute aux outils du
stratège en communication lui permettant
d’améliorer et de consolider la réputation des
entreprises. Il ne s’agit donc pas de “raconter des
histoires”, d’inventer de toute pièce des récits
éloignés de la réalité, mais bien au contraire
d’exploiter, dans le capital historique des entre-
prises, les points pouvant être mis en exergue.
Bon nombre d’entreprises possèdent ainsi un
capital énorme et souvent trop peu utilisé.
Que ce soit l’histoire de la création de l’entre-
prise, du choix du logo, des échecs et des
réussites, d’un produit phare ou encore de la
personnalité de ses dirigeants, une marque est
un foisonnement d’histoires pouvant être
valorisées auprès de ses parties prenantes. Mis
en scène, construits et maîtrisés, ces éléments
pourront toucher les différentes cibles et
rentrer progressivement dans le panthéon de
l’organisation, de son histoire, de son discours.
Le Storytelling pourra ainsi accompagner les
temps forts de l’entreprise : remaniements ou
réorientations stratégiques. Des circonstances
sensibles dans lesquelles l’entreprise doit se
raccrocher à son histoire pour survivre. Cela
facilitera la représentation de la situation,
donnera du liant au discours, facilitant ainsi
l’émergence d’une cohérence globale de la
représentation de l’entreprise dans le temps et
de sa perception par l’ensemble de ses publics.
Au final, toute stratégie de communication doit
être bâtie comme un cheval de Troie : bien
construite, élégante, scénarisée, cohérente…
Cette stratégie doit tout à la fois être élaborée
comme une promesse mais aussi comme un
outil de conquête, qui doit absolument être
accepté par la majorité. C’est en ce dernier
point que le Storytelling pourra apporter son
aide.
Le Storytelling symbolise donc une évolution
majeure de la société où l’émotion a un rôle
central. Il doit être intégré à la stratégie
d’information dans l’optique de créer de la
chair et mettre en scène la marque. Il constitue
une composante majeure de toute stratégie de
communication, à ne plus négliger, pour
convaincre et séduire, apprendre et surprendre.
Lionel Benatia
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65LE NEWS TANK DE LEO CORPORATE NOVEMBRE 2006 365LE NEWS TANK DE LEO CORPORATE NOVEMBRE 2006 3
STRATÉG
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ÉVÉNEMENTS :Succès du 2e débat de l’Observatoire
de la Ville
Plus de 300 personnes et une ministre,
Nathalie Kosciusko-Morizet, venue saluer
et clôturer les débats qui portaient cette
année sur le thème des quartiers dura-
bles… Avec son deuxième colloque,
l’Observatoire de la Ville (think tank créé
en 2006 en partenariat avec Bouygues
Immobilier) confirme la qualité de ses
travaux et intervenants. Parmi eux, Eric
Raoult, ancien ministre et député-maire
du Raincy, venu témoigner de son
expérience sur le sujet. Pour retrouver
l’intégralité des débats et des travaux des
experts : www.observatoiredelaville.com
50 ans de conquête spatiale avec le CNES
1957, c’est l’année de l’envol de Spoutnik
et l’entrée de l’humanité dans la
conquête spatiale… Tout au long de
l’année 2007, le CNES a salué 50 ans
d’aventure spatiale en organisant diffé-
rentes manifestations, dont une exposi-
tion rétrospective sur les grilles du Jardin
du Luxembourg retraçant en 80 images
les moments forts de l’épopée, véritable
voyage dans l’espace et le temps…
www.cnes.fr
Entre les lignes
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Il faut revenir brièvement au début de l’histoire :
quand le fameux “plan câble” est lancé, la
transmission de données par câble est une
réalité depuis 1945 aux USA (pour résoudre
les problèmes de mauvaise réception de la
télévision hertzienne en ville) et 1970 en
France. Pour empêcher la création d’un
monopole, une décision funeste est prise par
le gouvernement de l’époque : interdire à
chaque opérateur de desservir plus de huit
millions d’habitants. Comment mieux condamner
tout développement d’un secteur économique ?
Ceux qui ont investi dans l’industrie du câble
étaient donc particulièrement méritants à
l’époque, mais leurs intentions et leurs
modèles économiques respectifs étaient hété-
rogènes et parfois un peu flous… Entre les
fournisseurs de services aux collectivités
(Lyonnaise, CGE) et France Telecom, chacun
a choisi un modèle de développement et
d’organisation propre, ce qui n’a pas favorisé
l’essor du câble dans son ensemble.
Le résultat, jusqu’en 2004, est globalement
négatif… Alsace mise à part, avec
EstVideoCom, tous les câblo-opérateurs font
mauvaise figure. C’est à ce moment qu’Altice
et Cinven, deux fonds dont le premier est spéci-
fiquement dédié au câble et a été fondé par un
expert de la fibre optique depuis plus de vingt
ans, profitent du nouveau contexte juridique
inauguré par le paquet télécom européen pour
restructurer le câble dans son ensemble.
Acquisition de Numericable en 2005, puis de
Noos UPC en 2006, pour aboutir à la création
d’un unique câblo-opérateur national en 2007 :
Numericable.
Tout devrait donc aller mieux mais, paradoxe,
c’est là que tout se gâte encore – si c’est possible
– en termes de communication !
Comment devient-on un anti-symbole ?
C’est à ce moment, en effet, que le câble
connaît une crise de communication sans
précédent dans son histoire.
De l’extérieur, on peut retenir trois symboles de
cette crise unique en son genre : les boutiques
de Numericable prises d’assaut par des dizaines
de clients, notamment à Paris, la “mise sous
surveillance par la DGCCRF”, et les accusations
des associations de consommateurs, grandes
ou petites.
Évidemment, la presse s’empare du sujet. Selon
un processus de mouton noir bien connu, le
câblo-opérateur se voit condamner pour tous les
maux du secteur des NTIC dans son ensemble :
controverse sur les appels aux lignes d’assis-
tance surtaxés, problèmes techniques, plateaux
d’appels délocalisés, etc. Tous les concurrents de
Numericable sont en fait touchés par les mêmes
problèmes, mais l’ampleur des difficultés techni-
ques du moment cristallise l’opposition et la
critique sur le seul câblo-opérateur.
En fait, avec le recul, que s’est-il réellement
passé ? Les anciennes sociétés du câble, et
principalement Noos, étaient depuis des
années victimes de sous-investissements
chroniques. Les capacités techniques étaient
arrivées à leur limite d’obsolescence. Plus
grave, la gestion du service client était à l’ave-
nant. Aussi, paradoxalement, quand Numericable
rachète Noos et commence à investir et à réor-
ganiser la société pour corriger les problèmes
techniques existants, la crise est inévitable.
Dans l’esprit du consommateur, du régulateur,
des associations et des médias, c’est le rachat
qui est à l’origine de la crise. Dans la réalité, la
crise qui frappait Noos couvait depuis un an, et
elle a éclaté à ce moment-là. Le fait que ses
acquéreurs soient des “fonds d’investissement”
a permis les interprétations et les approxima-
tions les plus totales : ces acquéreurs étaient
bien sûr à l’origine “du désordre causé par leur
appât du gain”…
Drôle de manière de satisfaire une supposée
avidité que de voir la valeur d’une marque que
l’on vient d’acquérir disparaître purement et
simplement !
Quand l’image et la réputation ne suivent pas…
La réaction de Numericable a été énergique et
s’est déployée sur deux plans : la qualité au sens
très large, et la communication / information.
Pour ce qui est de la qualité du “produit” câble,
les efforts consentis ont été considérables, tant
en termes de technologie que de service client.
Au niveau technologique, ce sont tout simple-
ment 250 millions d’euros par an qui ont été
investis depuis 2005, pour rénover le réseau du
câble, interconnecter tous les réseaux de
France, créer ainsi une “colonne vertébrale”, un
réseau unique et puissant pour le câble en
France ! Parallèlement, la fibre optique fait son
apparition sur le réseau, permettant rapide-
ment à Numericable d’être le premier opérateur
par nombre de clients raccordables et raccordés,
et d’offrir des débits Internet sans équivalent
(100 MO), un choix en TVHD et VOD largement
supérieur au reste du marché, le développe-
ment de son offre en téléphonie fixe, etc.
Au niveau du service client, les équipes sont
significativement renforcées, les procédures des
différentes anciennes sociétés sont harmonisées,
les télé-conseillers sont formés, le retard accu-
mulé par le passé est comblé.
Les résultats réels ne se font pas attendre, mais
les conséquences de la crise en termes d’image
et de réputation sont considérables et, surtout,
durables.
Dans la réalité, en effet, le nombre d’appels à la
hot line est divisé par trois en moins d’un an.
L’attente moyenne passe de sept minutes à moins
d’une minute. Dès juillet 2007, la DGCCRF lève la
surveillance qu’elle avait mise en place en mars.
Pourtant, les difficultés d’image et de relations
avec les associations de consommateurs
demeurent. Pour la première fois, une crise de
réputation corporate touche un acteur du BtoC
dans un secteur qui pensait collectivement que
la valeur de la marque avait peu d’importance,
ou qu’elle se créait et s’entretenait d’elle-
même avec le progrès technologique. Oui, de
manière totalement inédite, l’évolution de
l’image se décorrélait de l’évolution objective
de la technologie et de l’amélioration de la
qualité.
La marque Noos, d’une part, mais le câble
dans son ensemble, d’autre part, étaient
devenus le symbole des abus des entreprises
des NTIC. Ce statut de marque symbole est
parfois un atout… C’est le cas de Danone
pour la santé, ou d’Apple pour l’innovation.
C’est le fruit d’une politique de communica-
tion déterminée et cohérente sur un temps
très long. Pour acquérir, au contraire, le
statut de symbole négatif, d’anti-symbole,
en quelque sorte, il suffit d’une crise
majeure et inédite. Mais il faut au moins
deux ans pour en sortir et reconstruire sa
crédibilité…
Ce statut d’anti-symbole, le câble le payait à
plein en étant victime d’un cercle vicieux
particulièrement contraignant : la mauvaise
réputation de la marque renforçait la sensibilité
du consommateur. Celui-ci se montrait alors
intransigeant pour un problème mineur en l’attri-
buant systématiquement à la mauvaise volonté
du câblo-opérateur. Là où le client d’un autre
opérateur aurait supporté son sort en patience
ou considéré que le problème venait d’ailleurs
(un site Internet en panne, la chaîne de télévision
concernée, etc.), Numericable était systémati-
quement condamné. Mais c’est là que le cercle
Le câble français est un miraculé. Mal né, mort-né a-t-on même pudire, il n’en finissait plus d’aller mal depuis les années 80 quandune réglementation européenne, le “paquet télécom”, lui a enfindonné un environnement propice à son développement. C’était en2003. Depuis, Numericable fait la course en tête…
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SSIER
L’AVENTURE DU CÂBLE…De l’enfant terrible au meilleur de sa classe
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vicieux commençait : le mécontentement d’un
consommateur, fondé ou non, avait droit de
cité dans les médias. Alors que Numericable,
sur la période juillet 2007-janvier 2008, ne
connaissait pas d’incidents techniques plus
nombreux que les autres, ses clients avaient
ligne ouverte sur les stations de radio, et, pire,
les journalistes qui avaient connu tel ou tel
incident en faisaient eux-mêmes état dans
leurs médias respectifs. Dernière étape du
cercle vicieux : ces citations répétées du câble
entretenaient le consommateur dans son
opinion, augmentaient sa sensibilité, susci-
taient de nouvelles prises à partie, etc.
Il faut ajouter à cela la place spécifique prise
par Internet et les différents forums, caisses de
résonance considérables dans ce contexte.
La reconquête
Pour arrêter le massacre, il convenait d’abord
de corriger l’image du câble et donc de
Numericable (devenu marque unique après
l’abandon de la marque Noos) auprès des
relais d’opinion.
Face à cette situation très dégradée,
Numericable et Vae Solis Corporate ont élaboré
ensemble une stratégie sur trois plans : incar-
ner l’entreprise, organiser les relations avec
les médias, revaloriser la marque.
L’incarnation est passée d’abord par l’orga-
nisation de conférences de presse de grande
ampleur, véritables démonstrations de la
force et de la détermination de l’entreprise à
offrir le meilleur service possible et à
conquérir de nouveaux clients. Alors que
Numericable est l’un des deux seuls opéra-
teurs triple-play à disposer d’un réseau de
boutiques (en constante croissance d’ail-
leurs), la marque était perçue à tort comme
désincarnée. Une politique systématique de
rencontres entre les médias et les dirigeants
de l’entreprise devait nécessairement, à
terme, réduire ce décalage.
L’organisation des relations médias et,
plus largement, des relations avec les insti-
tutions, est passée d’abord par la mise en
place d’une permanence H24/J7 et l’exi-
gence d’une réactivité hors pair. Les
éléments de langage et les argumentaires
de l’entreprise étaient revus et enrichis
quotidiennement. Une équipe de consul-
tants dédiés, totalement rompue au sujet,
répondait en temps réel aux demandes des
journalistes ou des collectivités locales. Le
ton montait parfois, la vigueur des arguments
étayés répondant à la perception des rédac-
tions, toujours négative mais datée … Tout
se passait comme si, sous prétexte d’erreurs
réelles ou supposées, l’entreprise n’avait
plus le droit à un traitement équilibré et
objectif de la part des médias. Réobtenir ce
droit a été un travail considérable, en temps
et en énergie pour l’entreprise et ses conseils.
Parallèlement, l’organisation des relations
médias se traduisit aussi par la mise en place
d’une stratégie systématique de répétition de
l’information, répétition qui valait pédagogie :
chaque ouverture du réseau fibre optique dans
une ville, même de petite taille, a ainsi fait
l’objet d’un communiqué. Chaque panne
causée par une dégradation volontaire ou un
chantier de BTP également. Semaine après
semaine, jour après jour, les rédactions se sont
habituées à recevoir de l’information émanant
de Numericable. Et le scepticisme a fait
place, in fine, à une crédibilité retrouvée.
Pour finir, la revalorisation de la marque
devenait possible. Revalorisation des moyens
techniques engagés, avec la visite régulière des
installations des sous-sols parisiens ou du
centre de surveillance de Champs-sur-Marne.
Revalorisation du bénéfice utilisateur avec la
mise en avant des débits Internet, de la VOD
ou de la HD. Revalorisation de la “vision” de
l’entreprise surtout, avec l’affirmation d’une
position de leader sur la fibre optique, le
million de prises raccordables, etc.
Voilà donc comment le câble, d’enfant terrible,
est devenu meilleur élève de sa classe… Il
aura fallu, d’abord, un changement dans sa
réalité la plus profonde. Mais la communication
corporate y aura aussi joué son rôle, de
manière évidente quoique inédite dans ce
secteur d’activité.
Antoine Boulay
Quel enseignement tirez-vous de la
séquence de communication que vient de
vivre Numericable depuis février 2007 ?
Paradoxalement, cette période aura été pour
nous une expérience très riche de refondation de
la marque et de l’entreprise. Chargé par les
actionnaires de gérer les différents “environne-
ments”, institutionnels, médiatiques, juridiques,
etc., du câble, j’ai pu voir combien l’interaction
entre la communication commerciale et institu-
tionnelle était forte. Indéniablement, la marque
est aujourd’hui plus puissante qu’il y a un an,
grâce à l’investissement publicitaire, mais aussi
grâce au travail patient et continu qui a été mené
au niveau de la réputation.
Comment décririez-vous la situation de
Numericable en matière de communication
aujourd’hui ?
L’aventure continue car la bataille concurrentielle
fait rage. En moins d’un an, Numericable a permis
au câble, pour la première fois de son histoire,
d’apparaître comme un acteur crédible du triple-
play. Avec Orange et CanalSat, avec Neuf Telecom
et Free, Numericable est un opérateur incontour-
nable tant en télévision qu’en Internet et télépho-
nie. Dans ce contexte, la communication
corporate ou institutionnelle conserve toute sa
place, c’est ce que la crise de 2007 a bien montré.
On pourrait croire, pourtant, que grâce
à une crédibilité retrouvée, il suffirait
maintenant de revenir à un registre plus
classique de communication…
Non, au contraire, le câble a devant lui des enjeux
toujours aussi complexes : l’environnement tech-
nologique, juridique, médiatique est toujours
riche et changeant. L’entreprise évolue. Nos choix
technologiques doivent convaincre, par exemple,
et il faudra conduire des journalistes aux États-
Unis pour leur montrer leur validité incontestable.
Avec l’acquisition par les mêmes investisseurs de
l’acteur BtoB Completel, des partenariats se
créent, qui aboutissent à de nouvelles offres. Une
nouvelle vision et une nouvelle posture de
communication en découleront inéluctablement,
qu’il faudra traduire et faire vivre. Enfin, notre
place de leader fait naître de nouvelles responsa-
bilités vis-à-vis des régulateurs et de la société
dans son ensemble, qu’il s’agisse de l’engage-
ment de l’entreprise dans le domaine des conte-
nus, de ses relations avec les médias locaux, ou
de notre contribution à l’évolution des usages des
médias et à sa compréhension. La communication
corporate et, plus largement, la gestion de nos
parties prenantes restent donc une priorité pour
nous.
TROIS QUESTIONS À…ARNAUD POLAILLON,
Secrétaire général de Numericable - Completel
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Le poids desmots versusle choc desphotos !
S’il en était besoin, les images du soir
victorieux de Nicolas Sarkozy nous rappellent
combien la communication “non verbale”
pèse dans la balance de la perception…
Les apparences ne sont pas toujours
trompeuses et parfois même annonciatrices.
Cohérence de l’image et du message, une
règle de base parfois négligée !
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C’ES
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AN
SL’
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Les entreprises, sauf à passer pour des irrespon-
sables, ont cherché, cherchent et chercheront à
évaluer la nature des risques de leurs projets et
la probabilité de survenance de crises y afférent.
Elles le font soit par simple bon sens, de
manière globale et pragmatique, soit en utilisant
des méthodes d’analyse.
Dans ce cas, elles choisissent d’optimiser leur prati-
que en adoptant une démarche structurée qui les
conduit à établir des process de gestion des risques.
Au cœur de cette démarche, l’efficacité de ces
process et leur maîtrise par les principaux
membres de l’entreprise deviennent vite une
question centrale à laquelle il est essentiel
d’apporter une réponse.
La simulation apparaît alors, non seulement
comme un outil de préparation à une bonne
gestion des risques, mais aussi comme un
véritable révélateur.
De fait, la simulation facilite l’expression des
risques et permet de les placer à leur juste
niveau. Elle peut ainsi conduire à une prise
de conscience du management et, le cas
échéant, à la confirmation ou à la mise en
place de process de “bonne gestion”. Elle
vise également à rationaliser des objets
émotionnels, imaginaires ou fantasmagoriques
qui peuvent émerger au sein des entreprises et
gêner la dynamique de prévention des
risques.
LA SIMULATION DE CRISE : le salut passe par l’entraînement !
Au sens large, la simulation de crise consiste à explorer ce qui est susceptible de se produire dans des circonstances exceptionnelles mais plausibles. De plus en plus utilisée par les entreprises et lesorganisations elle peut être perçue aujourd’hui comme un véritable critère de bonne gouvernance. Vae Solis Corporate accompagne de nombreuses entreprises dans la préparation et la réalisation desimulations. Décodage.
La simulation de crise, pour quoi faire ?
Trop souvent, les dirigeants vivent dans
l’illusion que leur entreprise est prête à gérer
parfaitement les éventuelles crises. Ils ne
réalisent donc pas toujours l’intérêt d’une
simulation qui, parce qu’elle est virtuelle, peut
apparaître comme vaine.
Or, et c’est en cela que réside toute sa subtilité,
parce qu’elle est virtuelle, la simulation porte en elle
toutes les conditions essentielles à sa réalisation ;
elle est donc de l’ordre du possible, du probable.
À cet effet, elle peut être un puissant révélateur
des difficultés, des approximations des procé-
dures prévues par l’entreprise ou, au contraire,
de la maîtrise parfaite de sa gestion des risques.
Il est donc essentiel de la considérer comme un
acte fort de l’entreprise, qui aura tout intérêt à
communiquer en interne sur sa réalisation et
ses résultats.
En effet, signe d’une bonne anticipation, la
simulation est alors perçue comme un exercice
qui permet de tester la solidité de l’organisation
et la résistance des équipes en situation réelle.
Ainsi, la simulation donne, aux membres de la
cellule de crise, la confiance collective pour
affronter la plus brutale des secousses.
Attention cependant à ne pas tomber dans
l’écueil inverse consistant à accorder une
confiance aveugle aux exercices de simulation.
En effet, malgré des conditions souvent identi-
ques à la réalité, une simulation de crise réussie
ne peut assurer un succès en cas de crise réelle.
Grippe aviaire : quand l’anticipation
devient un axe de communication
des pouvoirs publics…
La France est coutumière d’une gestion de crise
s’appuyant sur une organisation étatique forte.
Cependant, et nonobstant la capacité d’informa-
tion et de mobilisation des moyens d’intervention
dont dispose l’État, force est de constater que la
multiplication des crises a souvent donné, dans
leur gestion, une impression d’imprévision et de
fragilité des réponses apportées.
Lors des crises survenues ces dernières années
(inondations fin 2002, enneigement en janvier
2003 bloquant l’autoroute A10 et l’aéroport de
Roissy, feux de forêts gigantesques pendant
l’été 2003 et canicule), les pouvoirs publics ont
été fortement sollicités et exposés. La percep-
tion du grand public s’en est trouvée plus
exacerbée. De plus en plus, le citoyen attend
un effort de transparence et une réassurance
quant à la prise en charge de la crise par l’État.
Or, paradoxalement, ce n’est que très récem-
ment que les pouvoirs publics, et notamment
l’institution gouvernementale, ont véritablement
pris conscience des enjeux liés à la communica-
tion lors des gestions de crises.
Parce qu’elle consiste à rassurer le citoyen et,
incidemment, à capitaliser sur la confiance de
celui-ci en amont de la crise, la communication
du pouvoir exécutif traduit aujourd’hui un véri-
table enjeu politique. En effet, le gouverne-
ment est conscient que la qualité de son image
auprès du public sera un paramètre déterminant
dans la gestion de crise. Ainsi, la stratégie de
communication relative aux mesures d’anticipa-
tion et de prévention procède de cette volonté
de construire une image positive auprès de
l’opinion publique.
Les “exogrippes”, véritables exercices de style
Comme ses homologues anglo-saxons, le
gouvernement français organise des exercices
de simulation de catastrophes, y compris
d'épidémies de grippe aviaire.
Où se réunira le Parlement en cas de pandémie ?
Comment réquisitionner les médecins ?
Le scénario rédigé par les autorités de l'État
est à chaque fois simple, les objectifs de ces
exercices étant de :
• mettre en place une démarche d’instruction :
il s’agit d’un apprentissage des acteurs concernés
en mettant à l’épreuve des objectifs ciblés de
planification ;
• tester la stratégie de communication ;
• sensibiliser le grand public et/ou les personnes
directement concernées par la problématique
"pandémie grippale".
Ces exercices, organisés et supervisés par
le Secrétariat général de la Défense natio-
nale (SGDN), permettent donc, à la fois,
d’entraîner les acteurs publics et privés
concernés, de tester les modalités de
préparation et d’intervention des pouvoirs
publics face à l’éventualité d’une pandémie
grippale et, enfin, de tirer les enseigne-
ments nécessaires à l’amélioration des
dispositifs correspondants.
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DA
NS
L’AIR
La simulation de crise, un outil “prudentiel”
Représentation modélisée, figuréed'un phénomène, d’un événement.Faire paraître comme réelle unechose qui ne l'est pas.
Simulation
À côté des exercices nationaux, d’autres sont organisés localement ou au niveau européen. Dans ces cas, l’objectif est detester la capacité de l’Europe à faire face de manière coordonnée et efficace à une pandémie grippale.
Xavier Bertrand, ancien ministre de la Santé en exercice “grippe aviaire” à Amiens le 1er mars 2007.
Premier exercice de simulation de crise de grippe
aviaire pour l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient,
dans les locaux de la direction du Tourisme à Paris.
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… et des entreprises privées et publiques
Des exercices salutaires pour des secteurs
sensibles
En mars 2007, l’Organisation mondiale du
Tourisme (OMT) organisait à Paris le premier
exercice de simulation de crise de grippe
aviaire pour l’Europe, l’Afrique et le Moyen-
Orient. Le but de cet exercice était d’affiner
la coordination à l’intérieur des pays et par-
delà les frontières, dans l’éventualité d’une
crise régionale ou mondiale comme la
propagation rapide d’un nouveau type de
grippe humaine.
Scénario catastrophe ou nécessaire
anticipation ?
À toute heure il y a plus de 2 millions de voya-
geurs à l’étranger. Le tourisme est donc un
secteur très sensible aux événements qui
bloquent ou perturbent les déplacements ; à titre
d’exemple : la poussée épidémique de SRAS de
2004 en Asie de l’Est, dont le bilan n’avait été
que de quelques centaines de morts, avait
néanmoins entraîné des pertes économiques
évaluées à 50 milliards de dollars et avait
provoqué temporairement une chute verticale
du tourisme*.
Ces professionnels qui ont donc pour métier de
faire voyager les citoyens constituent un
secteur qui prend très au sérieux le risque de
mutation du virus de la grippe aviaire, très
répandu sur trois continents, en une souche
mortelle rapidement transmissible entre les
êtres humains.
Pour eux, il est donc essentiel d’être tout à fait
prêt dans le cas d’une pandémie pour assurer
la sécurité et la protection des intérêts des
clients, des entreprises et de leur secteur.
Laurent Porta
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Les exercices de simulation de crise sont laseule façon pour une entreprise de tester lamaîtrise et l’efficience des outils etméthodes de gestion de crise mis en place.Ils sont également essentiels pourmaintenir un dispositif de gestion de criseen conditions opérationnelles.Lors des exercices de simulation que nousorganisons, qui sur une demi-journée ou unejournée mettent en scène un scénarioréaliste, les membres de la cellule de crisedoivent gérer :• une situation de crise reproduite à partir
d’un scénario conçu spécifiquement enfonction de l’activité de l’entreprise et deses problématiques ;
• la communication avec tous les acteursimpliqués dans une crise : autorités,médias, victimes, riverains, etc. ;
• une pression psychologique proche decelle exercée en situation de crise réelle.
La simulation par Vae Solis Corporate :
quand la fiction dépasse la réalité…
Fig1 : Fuite de pipeline provoquant un nuage inflammable (pointillés rouges), qui se propage vers le poste de chargement de camions dudépôt Rubis Terminal dans la banlieue de Strasbourg, nuage qui risque d’exploser au contact d’un point chaud.Fig2 : Ondes de surpression créées par l’explosion du Poste de Chargement de camions du dépôt, indiquant que le dépôt serait dévasté.Fig3 : Conséquences de l’explosion du Poste de Chargement des camions sur l’environnement immédiat du dépôt.
65LE NEWS TANK DE LEO CORPORATE NOVEMBRE 2006 365LE NEWS TANK DE LEO CORPORATE NOVEMBRE 2006 3
À SU
IVRE…
Une arme de chantage contre les entreprises ?
L’introduction dans le droit français des “class
actions” (actions de groupe) permettrait à un plai-
gnant d’initier, seul, une action judiciaire en répa-
ration d’un dommage causé par un prestataire à
une catégorie entière de personnes. “Il n’est pas
nécessaire que les membres de ce groupe soient
individuellement connus au moment de l’intro-
duction de l’action, sous réserve pour le plaignant
principal de prouver d’une part que ses intérêts
coïncident avec ceux de la catégorie qu’il entend
représenter, et d’autre part que cette catégorie
peut être définie de manière homogène”, prévient
la Commission Attali.
La Commission considère que l’autorisation
des “class actions” contribuerait à renforcer la
confiance des consommateurs dans l’économie
de marché. Toutefois, les dérives constatées
outre-Atlantique, où les “class actions” se sont
transformées en véritable arme de chantage
contre les entreprises, contraintes de transiger
à prix d’or pour protéger leur image, n’ont pas
été occultées. La notion de “dommages et inté-
rêts punitifs” étant étrangère au droit français,
les “class actions” à la française n’auront donc
pas pour vocation d’enrichir les plaignants
mais bien d’assurer la réparation d’un préjudice
matériel ou moral.
Vers une meilleure protection
des consommateurs…
Un tel dispositif répond à une revendication
réelle des associations de consommateurs tout
comme à une volonté politique globale. Les
actions de groupe présentent en effet l’avantage
de permettre d’étendre la capacité d’action des
18 associations de consommateurs agréées par
le ministre de l’Économie et des Finances, en
leur offrant la possibilité d’agir au nom de
milliers de personnes subissant le même préju-
dice afin d’obtenir une indemnisation.
La procédure se limiterait aux petits préjudices
inférieurs à 2 000 euros en droit de la consom-
mation et exclut expressément les préjudices
corporels. Certains secteurs d’activité, tels la
téléphonie, les assurances, les banques ou autres
fournisseurs de services seront donc particulière-
ment concernés, là où des secteurs tels que
l’industrie pharmaceutique seront, eux, préservés.
… qui implique une meilleure protection
des entreprises !
Une telle évolution du droit français ne saurait
se faire sans prendre le soin d’éviter certains
écueils qui risqueraient de mettre en péril
l’activité économique du pays dans un
contexte de concurrence internationale accrue.
À l’heure où la relance économique est une
priorité, il est en effet primordial de maintenir
un climat de confiance au sein de la société et
de ne pas exacerber les rapports de force entre
entreprises et consommateurs.
Au-delà du risque et des coûts qu’impliquerait
une judiciarisation excessive, certaines consé-
quences des “class actions”, notamment sur
l’image des entreprises, seront difficilement
évitables. Même si le droit français prévoit des
mesures de protection des entreprises, telles
que l’interdiction de faire de la publicité avant
que le jugement ne soit rendu, on peut aisé-
ment envisager les dégâts immédiats de ces
mises en accusation sur un cours de bourse et,
à plus long terme, sur l’image d’une entreprise,
avec pour corollaire une perte de clientèle. Et
ce, que l’entreprise ait été déclarée coupable
ou non. La médiatisation de la procédure
suffira en effet à elle seule à fragiliser le capital
réputation des entreprises.
“Class actions” : une part de risque supplémen-
taire qui devra donc dorénavant être intégrée
dans la gestion des risques des entreprises…
Djamila Chekhar
“CLASS ACTIONS” À LA FRANÇAISE :
entreprises, êtes-vous prêtes ?
Parmi les 316 propositions du rapport Attali, l’autorisation des “classactions” suscite moult débats et inquiétudes. Entre protection desconsommateurs et menace pour les entreprises, cette propositionne laisse personne indifférent, à l’instar de Nicolas Sarkozy qui ad’ores et déjà montré certaines réserves à ce sujet, s’inquiétant dutort que cette réforme pourrait causer aux entreprises. Décryptage.
1
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Rencontre avec Herculano Caetano, PDG de XISTOS Développement
Depuis quelques années, il apparaît sur le marché différents simulateurs de gestion de catastrophesnaturelles, industrielles ou sociétales. Parmi eux, le simulateur de la société XISTOS Développement apporte une petite révolution dans ledomaine. En effet, ce simulateur fait se rencontrer deux mondes : le monde perçu (tout ce qu’on voitavant, pendant et après une catastrophe) et le monde conçu (tout ce qui se construit comme lois,comme règles sociétales, comme pratiques). Toute l’astuce de ce simulateur est d’animer le mondeperçu à l’aide du monde conçu.Ainsi, c’est un véritable outil d’aide à la décision que propose la société XISTOS. “Notre logiciel nepropose pas des solutions clés en main, mais participe à la reprise en main d’une situation dégradée”,indique Herculano Caetano.Le logiciel permet en effet aux décideurs de disposer :
• de synthèses sur les différents aspects de la situation,• d’anticipation sur la probable évolution du sinistre,• d’une estimation des conséquences sur le terrain (matérielles mais aussi humaines).
Enfin, la force de ce simulateur est d’offrir la vision et le suivi de l’existant en fonction des actionsengagées.“Nous voulions que nos simulateurs offrent une aide à la prise de décisions orientée vers une réorganisation et unesynthèse des informations qui remontent ou qui auraient dû remonter du terrain”, précise le PDG de XISTOS.
L’apport des simulateurs informatiques de gestion de catastrophe accidentelle pour la prise de décisions et la formation des décideurs
* Source OMT 2007
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S
argumentaire qui liste les questions anodines et
sensibles, on prépare, du chiffre clé à l’exemple
concret, ses éléments de réponse : c’est la
première règle. Préparer une interview c’est
avoir bien cerné le sujet, identifié les attentes
du journaliste et, derrière lui, celles de son
lectorat, de ses auditeurs.
Ensuite, il y a la gestion de la pression : d’une
caméra, d’un micro, de questions qui fusent.
Maîtriser le verbe, le ton et le débit, garder le
contrôle du fond et de la forme. À l’instar des
sprinters, les meilleurs performers sont ceux qui
sont entraînés, pour être capables de donner le
meilleur en quelques minutes. Et pour cela, rien
ne vaut les conditions du direct.
Comme si vous y étiez
Installé en studio (radio ou télé), la séance de
media training vise à mettre le porte-parole en
situation la plus proche du réel. C’est la raison
pour laquelle on travaillera de préférence avec
un journaliste en fonction, qui, au-delà de
“jouer” son propre rôle d’interviewer, éclairera
aussi sur les coulisses de son métier, la manière
dont il prépare un sujet, ce qu’il privilégie…
Associé à un consultant qui reste, lui, du “point
de vue” de l’entreprise, le duo permet au porte-
parole de voir ce qui dans l’argumentation
fonctionne ou non, ce qui pénalise son
discours, sur le fond comme sur la forme :
savoir construire une réponse efficace, manier
les différents registres de discours, séduire et
surtout convaincre… L’enchaînement des exer-
cices, leur visionnage et les débriefings à
chaud, permettent de progresser rapidement.
En trois heures de séance, les exercices s’enchaî-
nent, se complexifient… À l’issue, le porte-parole
est vidé ! Mais il a éprouvé, testé, amélioré ses
arguments et son pouvoir de conviction. Après
deux ou trois séances, il a définitivement
musclé son discours et sa confiance. Conscient
des risques et des contraintes, maîtrisant ses
messages et les règles d’or d’une interview
réussie, il saura faire de ses prises de parole de
réelles opportunités.
Corinne Dubos
L’exercice médiatique est en cela stratégique
qu’il constitue un passage obligé, volontaire ou
non. Un jour ou l’autre, toute organisation est
amenée à devoir s’exprimer publiquement,
médiatiquement : de manière proactive, pour
se faire connaître, pour témoigner, apporter
son éclairage ou son expertise sur tel ou tel
sujet ; de manière réactive, si elle doit répondre
au mieux à des sollicitations, au pire à des
mises en cause.
Quelle que soit la circonstance, l’exercice est
périlleux. Par son enjeu d’abord : en quelques
secondes, en quelques lignes, c’est toute
l’image d’une entreprise qui se trouve exposée.
Pas le droit à l’erreur, l’entreprise doit être
prête et le porte-parole à la hauteur.
Être à la hauteur ? Cela signifie avoir su prépa-
rer son intervention en se posant les bonnes
questions : à qui s’adresse le média auquel je
réponds, quel est l’angle retenu par le journa-
liste ? Quelles vont être ses questions ? Quelle
est l’idée, le message que je souhaite faire
passer sur ce sujet ?
Il n’y a pas de questions pièges
Il n’y a que des questions que vous n’aurez pas
préparées ! Ainsi donc, tout entretien avec
un journaliste se prépare. Sur la base d’un
DEVENIR UN “BON CLIENT” !Le media training, une technique qui a fait ses preuves
• Ne pas opposer la raison à l’émotion :
vous pouvez avoir raison “techniquement”, cela ne suffit pas à convaincre, séduire ou
rassurer l’opinion. Les médias sont des amplificateurs d’émotions. Vous devez l’intégrer
dans votre préparation. Il faudra pouvoir allier et diversifier vos registres de messages…
• Apprendre et surprendre :
si vous voulez marquer les esprits, intéresser votre interlocuteur, vous devez à la fois lui
apprendre quelque chose et le surprendre. Une information inédite, un point de vue
original, une histoire sont souvent plus efficaces pour faire passer un message qu’une
série d’arguments déjà entendus.
• La clarté plutôt que l’exhaustivité :
les formats médiatiques sont tels qu’ils ne permettent que rarement d’être complet sur
un sujet. Ainsi, mieux vaut un bon exemple, le bon chiffre pour porter un message
qu’une longue démonstration qui ne sera pas suivie. Mieux vaut faire bien passer deux
ou trois messages importants que vouloir tout dire et finalement ne rien faire ressortir.
• La puissance de l’exemple :
soyez concret. Votre discours sera d’autant mieux compris que vous appliquerez le
principe “une idée - un exemple”. Il faut illustrer un propos pour assurer sa bonne
compréhension.
Quelques règles d’or :
Il y a ceux que les journalistes appellent les “bons clients”… Ces invités de leur plateau qui, sur leurseul nom, drainent des auditeurs, des téléspectateurs ; ils sont charismatiques, pédagogues, concis,clairs, drôles ou polémiques… Et puis il y a les autres, la très grande majorité : pas forcément connus,pas forcément orateurs nés, et pire… pas forcément préparés. Le media training permet aux uns dese perfectionner, aux autres d’acquérir les bons réflexes pour appréhender sereinement l’exercicepérilleux de l’interview.
Vae Solis Corporate est un organisme de formation agréé et organise des modules théoriques et
pratiques sur la gestion des médias, la gestion de crise et les techniques de communication.
En 2007, Vae Solis a notamment formé les équipes communication de l’ANPE et près d’une
trentaine de dirigeants de Merial, Bouygues Immobilier, Charal…
Pour ses 10 ans, l’association des
Laboratoires Internationaux de Recherche
(LIR) se dote d’une nouvelle direction
Ce think tank créé en 1997 et représentant
13 filiales françaises des plus grands labo-
ratoires mondiaux dont Pfizer, Roche ou
encore GlaxoSmithkline, a élu à l’unanimité
le 13 mai 2008 son nouveau président :
Dominique Amory. Âgé de 52 ans, actuel-
lement président de Lilly France, il succède
à Christophe Weber (GlaxoSmithkline) à la
tête de l’association. En janvier dernier,
l’association s’était également dotée
d’une nouvelle directrice, Agnès Renard-
Viard, ex-directrice de la communication
du laboratoire Lilly. Le LIR a pour vocation
d'analyser, de proposer et d'agir pour faire
avancer le progrès thérapeutique.
Pour plus de détails sur le LIR :
www.lir.asso.fr
Entre les lignes
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Promouvoir la diversité, mettre le développe-
ment durable au cœur de ses activités… Des
professions de foi tartes à la crème ? Dans
beaucoup trop d’entreprises encore, les
promesses sont rarement suivies de faits
concrets et la réalité s’impose souvent comme
un sérieux revers… Mais, en toute discrétion,
certaines associations veillent. C’est le cas du
Club XXIe Siècle. Avocats, médecins, consul-
tants, chefs d’entreprise : tels sont les
nouveaux visages de la diversité que rassemble
ce Club, une association loi 1901 créée en
2004 et composée de près de 300 membres.
Les grands patrons à l’épreuve
L’objectif du Club XXIe Siècle est clair : faire
évoluer les représentations pour montrer que la
diversité est, et doit être considérée, comme
une chance pour la France. Pour ce faire, le
Club s’est fixé deux challenges : “colorer” les
bancs du Parlement et les sièges des comités
de direction des plus grandes entreprises.
La méthode du Club XXIe Siècle est simple et effi-
cace : chaque mois, une personnalité politique
de premier plan ou un grand patron est reçue
par les membres au cours d’un dîner où règne
tout sauf la langue de bois. Autour d’un bon
repas, les questions fusent et n’épargnent pas
l’hôte : “Combien de personnes issues de la
diversité dans votre COMEX ? Combien de
femmes ?” Des questions qui ne laissent guère la
place au flou artistique et poussent à la remise
en question. Et ce, d’autant que les membres du
Club n’hésitent pas à mettre au défi les invités :
“Pouvez-vous vous engager à faire bouger les
choses d’ici un an ?” Mis au pied du mur,
nombreux sont les invités qui se laissent prendre
au jeu, avec l’obligation morale de faire un état
des lieux un an plus tard. Et force est de consta-
ter que, souvent, la rencontre fait bouger les
lignes, aboutissant parfois même à des nomina-
tions au plus haut niveau de la hiérarchie des
entreprises concernées. Mais la vraie victoire est
que ces nominations ne se font pas pour l’affi-
chage. Elles sont le fruit d’une réelle prise de
conscience des dirigeants qu’il existe dans leurs
équipes des profils prometteurs dont la “diffé-
rence” peut ou a pu être un frein à l’accession
aux plus hautes responsabilités.
Une charte de la diversité politique
Sur le modèle de la Charte de la diversité
signée aujourd’hui par plus de 200 grandes
entreprises, le Club XXIe Siècle a également
adopté une charte de la diversité. Là encore,
l’objectif est clair : faire en sorte que les partis
politiques passent des mots aux actes et pren-
nent des engagements tangibles, avec le souci
de promouvoir, à égalité de compétences et de
talents, des “Français de la diversité1”.
Cette charte, lors des dernières élections prési-
dentielles, la candidate socialiste s’était
engagée à la signer au cours du dîner qui lui
était consacré en avril 2007. À travers la nomi-
nation de Rama Yade, membre du Conseil
d’administration du Club et de Rachida Dati,
elle-même ancienne membre, l’actuel président
de la République s’est fait l’écho d’un réel
changement dans les mentalités, signe qu’il en
va aujourd’hui de l’intérêt de la nation tout
entière de diversifier le profil de ses représen-
tants politiques. Le Club XXIe Siècle n’y est
certainement pas pour rien et, en tant que
vivier de jeunes talents, il peut donc humble-
ment se targuer d’avoir apporté sa petite pierre
à l’édifice, même si la route reste encore
longue…
Djamila Chekhar
Le Grenelle de l’environnement, tout le
monde en a parlé, ou entendu parler.
Démarche originale de démocratie participa-
tive sur un thème clé (le développement
durable) ou énorme “coup marketing”. Le
“Grenelle”, comme on a fini par l’appeler, n’en
reste pas moins le premier grand chantier de
consultation et de participation de la société
civile du gouvernement Sarkozy. Et il a eu le
mérite d’intéresser ou de recentrer l’attention
d’un grand nombre d’acteurs sur la question
environnementale. Question qui, malgré les
controverses bien connues, d’Al Gore à
Claude Allègre, n’échappe à personne comme
étant un des enjeux majeurs de notre avenir
et de celui des générations futures.
Rappel des faits
Engagé en juillet 2007 avec la constitution de
six groupes de travail thématiques1, le Grenelle,
sous la coupe de Jean-Louis Borloo, Dominique
Bussereau et Nathalie Kosciusko-Morizet,
réunit pour la première fois État, collectivités
locales, ONG, patronats et syndicats pour
débattre des problématiques environnementa-
les. Les sujets abordés sont nombreux : politi-
que agricole commune, OGM, énergie,
nucléaire, transports, emploi, fiscalité… et
épineux. Les groupes ont jusqu’à la rentrée
pour sortir une vingtaine de “propositions
fortes et concrètes” en vue de la tenue de la
table ronde du Grenelle en octobre 2007.
Dès le lancement, les critiques fusent sur le
faible poids des associations face aux “lobbies”
privés et le Grenelle est attaqué dans ses
fondements.
Quoi qu’il en soit, fin septembre, les groupes
de travail présentent leurs conclusions, qui
sont soumises ensuite à un vaste débat public,
sur Internet et dans les régions. Le processus
de consultation et de participation continue.
Vient ensuite, fin octobre, la phase de négocia-
tion qui s’est tenue sur deux jours, autour de
quatre tables rondes réunissant à nouveaux les
cinq collèges représentatifs de la société –
collectivités territoriales, État, ONG, employeurs
et salariés – et ayant pour objectif de “dégager
les grands axes d’action pour l’ensemble des
thématiques” débattues. Le 25 octobre, c’est
un Nicolas Sarkozy applaudi par Al Gore qui
clôture les débats en présentant quelques-unes
PROMOUVOIR LA DIVERSITÉ : opération bonne conscience ?
En ces temps où la promotion de la diversité est devenue politiquement très correcte, grande est la tentation de faire de celle-ci un argument marketing, à grands renforts de communication. Mais fort heureusement, en complément de la HALDE, certaines associations veillent au grain… C’est notamment le cas du Club XXIe Siècle, présidé par Hakim El Karoui, ex-collaborateur de Jean-Pierre Raffarin, qui s’est donné pour mission de bousculer les traditionnelles représentations dela diversité.
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Typo d’accompagnement
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texte : verdana
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1/ Charte de la diversité politique, consultable sur http://www.21eme-siecle.org.
Pour plus d’informations sur le Club XXIe Siècle : Djamila Chekhar : 01 53 92 80 04 ou http://www.21eme-siecle.org
LE “GRENELLE” :un grand pas pour l’environnement ?
Bilan et défis à venir
1/- un groupe « lutter contre les changements climatiques et maîtriser la demande d’énergie »- un groupe « préserver la biodiversité et les ressources naturelles » - un groupe « instaurer un environnement respectueux de la santé » - un groupe « adopter des modes de production et de consommation durables » - un groupe « construire une démocratie écologique » - un groupe « promouvoir des modes de développement écologiques favorables à l’emploi et à la compétitivité »
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des propositions phares qui en sont ressorties,
telle la taxe carbone ou le plan de réduction de
50% de l’usage des pesticides d’ici 10 ans. Le
Président parle de “révolution”, les associa-
tions restent vigilantes.
Car si la phase de consultation et de débat est
alors terminée (phase que Pierre Auberger –
cf. interview ci-contre – désigne par “Grenelle 1”),
il s’agit maintenant de mettre en œuvre toutes
ces bonnes paroles et promesses (“Grenelle 2”)2,
pour que le Grenelle ne soit pas simplement le
“vernis vert” du mandat Sarkozy.
Or, les débats récents autour du projet de loi
sur les OGM ont révélé toute la complexité de
certains des points débattus, cristallisateurs
d’inquiétudes fondées ou irrationnelles (les
questions liées à l’environnement recouvrent
en effet des sujets hautement crisogènes :
pollution, risque zéro, santé humaine…). Les
prises de position de ce texte de loi, bien plus
“tièdes” que ce qui avait été annoncé à l’issue
du Grenelle 1, ont largement déçu les associa-
tions. Le Grenelle a de nouveau été critiqué et
ses intentions réelles remises en cause.
Mais au contraire, il ne va pas s’agir d’imposer
des réglementations trop ambitieuses, comme
celles qui se profilent en matière de réduction
de la consommation dans le bâtiment, qui ne
pourront pas être tenues dans les délais impar-
tis (cf. interview de Pierre Auberger ci-contre).
Le gouvernement se trouve donc confronté à
un exercice délicat de dosage et de compro-
mis, qui doit jongler pour chaque mesure
avancée entre faisabilité, intérêts économiques
et “devoir moral” vis-à-vis de tous les partici-
pants du Grenelle.
En ayant fait du développement durable sa
priorité, en se targuant de prendre en compte
l’avis de tous par le “tapage” médiatique qui a
été orchestré, le gouvernement a donc pris le
risque de se voir sévèrement jugé si le dossier
est finalement peu réformiste et peu représen-
tatif de l’opinion publique.
Reste qu’aujourd’hui la question du dévelop-
pement durable est devenue, pour l’État
comme pour les entreprises, incontournable,
et que si le Grenelle a pu accélérer et réaffir-
mer cette tendance, c’est déjà un bon pas pour
l’environnement.
Laura Hagyard
2/ A ne pas confondre avec le Grenelle I, II et III : «Grenelle I» est une loi d’orientation qui reprend, en 47 articles, les objectifs en matière de lutte contre le chan-gement climatique, la biodiversité, la prévention des risques, la gouvernance. Elle a été déposée le 30 avril au Conseil Economique et Social et devrait être débat-tue au Parlement avant l’été, assortie d’une «Grenelle II», qui comportera un volet de mesures précises. «Grenelle III» est prévue pour l’automne 2008.
3/ CSTB : Centre Scientifique et Technique du Bâtiment.
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Quelles sont, parmi les propositions que
vous aviez formulées, celles qui ont été
retenues ? Ou du moins, parmi les conclu-
sions du Grenelle, lesquelles se rappro-
chent le plus de ce que vous souhaitiez ?
Il faut bien préciser que le Grenelle se fait en
deux phases : il y eu a le “Grenelle 1” en 2007,
qui a émis un certain nombre de propositions,
puis le “Grenelle 2” au premier semestre 2008.
Il doit statuer sur le calendrier et les mesures
financières d’accompagnement. Les mesures
sont donc encore en cours d’élaboration et
seront votées au Parlement avant l’été.
Cependant, concernant les propositions qui
sont sorties du Grenelle 1, je peux dire qu’elles
vont, selon nous, dans le bon sens. En effet,
elles sont extrêmement exigeantes en ce qui
concerne la baisse de la consommation éner-
gétique des bâtiments. J’ai omis de préciser
que dans nos propositions, nous nous sommes
principalement positionnés sur la question
énergétique dans le bâti. Il faut savoir que le
bâtiment est responsable de 40% de la
consommation des énergies non renouvelables
et de 25% de la production de gaz à effet
de serre.
Nous sommes donc très satisfaits puisque la
plupart de nos propositions ont été reprises. En
particulier, celles concernant la mise en œuvre
d’une réglementation thermique de plus en
plus exigeante. Nous avons par ailleurs recom-
mandé des incitations fiscales et des mesures
financières d’accompagnement pour encoura-
ger les Français à faire construire des loge-
ments respectueux de l’environnement. C’est
une des recommandations que nous avions
avancées et que nous attendons à l’issue du
Grenelle 2. Il faut des mesures incitatives finan-
cièrement. Il n’est pas possible de répercuter
un surcoût de construction sur les prix de
vente, surcoût que l’on estime de + 5 à + 20%
selon les performances énergétiques atten-
dues, compte tenu des prix actuels du marché
et des problèmes de solvabilité des clients.
Mais il s’agirait d’incitations fiscales pour
les constructeurs ou pour les particuliers ?
C’est justement tout le débat : la question se
pose de savoir si ces incitations doivent être
mises en place pour les promoteurs ou au
niveau des clients finaux. La Fédération des
Promoteurs Constructeurs (FPC), pour sa part,
est plutôt favorable à une aide directe de l’État
aux promoteurs, au prorata des mètres carrés,
pour favoriser la construction de Bâtiments
Basse Consommation (BBC). Nous attendons
donc les derniers arbitrages du gouvernement.
Il y a un dernier point important que je
souhaite aborder : c’est la question du calen-
drier. Il faudra être vigilant et éviter un calen-
drier trop serré dont la mise en œuvre serait
difficile, voire intenable. Notre souci, chez
Bouygues Immobilier, est de définir un calen-
drier qui soit réaliste. En effet, il ne sert à rien
de se donner des objectifs dans des délais trop
courts, si les normes ne peuvent pas être mises
en œuvre, faute de formation des acteurs de la
filière. Il faut du temps pour former tous les
acteurs concernés : les architectes, les bureaux
d’études, les entreprises, les artisans …
En quoi les décisions du Grenelle de l’envi-
ronnement vont-elles conditionner vos
actions futures ?
Chez Bouygues Immobilier, nous n’avons pas
attendu le Grenelle de l’environnement pour
réfléchir aux applications du développement
durable à l’immobilier. Nous avons entamé la
réflexion dès 2005 et, aujourd’hui, 100% de nos
logements en France, sont certifiés Habitat &
Environnement. Cette certification est attribuée
par un organisme indépendant, le Cerqual. Nos
programmes sont de ce fait labellisés “Haute
Performance Énergétique” (HPE), c’est-à-dire
10% de mieux que la réglementation thermique
2005. Nous sommes, par ailleurs, en train de
mener un projet révolutionnaire avec “Green
Office®”, un immeuble de bureaux à énergie
positive, à basse consommation et produisant
plus d’énergie qu’il n’en consomme, situé à
Meudon. Nous avons également engagé une
réflexion plus générale sur des problématiques de
développement durable avec la création de
l’Observatoire de la Ville, think tank des questions
urbaines auquel nous participons activement.
Nous avons considéré qu’il était de notre
responsabilité de leader d’adopter cette
démarche d’entreprise citoyenne. Nous réali-
sons des immeubles qui sont amenés à durer :
nous nous devions d’imaginer des solutions
pour qu’ils s’insèrent au mieux dans le paysage
et soient faiblement consommateurs d’énergie.
De plus, nous avons anticipé les réglementa-
tions, afin d’avoir une longueur d’avance et
être prêt au moment où les décisions du
Grenelle seront rendues. Nous pourrons ainsi
aller plus vite et plus loin.
TROIS QUESTIONS À PIERRE AUBERGER,Directeur général marketing, communication et développement durable de Bouygues Immobilier
De quelle façon Bouygues Immobilier
a-t-il contribué aux débats du Grenelle
de l’environnement ?
Essentiellement par un travail de réflexion
en amont de la tenue des débats. En effet,
nous ne faisions pas directement partie
des Commissions puisque celles-ci étaient
surtout composées d’associations et de
fédérations du secteur. Mais en tant que
leader de la promotion immobilière, filiale
d’un groupe du CAC 40, et puisque nous
sommes partie prenante des enjeux
débattus, nous avons été sollicités en
amont par les ministères concernés. Nous
avons donc travaillé, avec la Direction
développement durable du groupe
Bouygues, à l’élaboration d’un certain
nombre de propositions. Celles-ci avaient
pour objectif de soumettre notre vision de
ce qui pouvait être proposé par les
pouvoirs publics, en termes de réglemen-
tations pour améliorer la performance
environnementale de nos activités.
Par ailleurs, nous sommes représentés par la
Fédération des Promoteurs Constructeurs
(FPC) et sommes en contact avec des
organismes comme le CSTB3 qui nous
consulte et avec lequel nous travaillons
sur la certification de nos bâtiments à
énergie positive.
TOU
TLE
MO
ND
EEN
PARLE
26 365° | n° 2 | Juin 2008 365° | n° 2 | Juin 2008 27
Décidément bien avisée des process à suivre en
cas de crise, notre femme en colère continue de
souffler le chaud dans la presse, tout en veillant
à suivre scrupuleusement le vent de l’opinion :
autoproclamée “garante de l’unité patronale”,
elle sera la patronne “va-t-en-guerre” contre les
barons conservateurs de l’UIMM, porte-éten-
dard et chevalier blanc d’un patronat “nouvelle
génération”. En réclamant la plus totale “trans-
parence” et en dénonçant une opération
“méprisante et méprisable”, Laurence Parisot
s’assure le soutien de l’opinion publique, et
prend une fois de plus l’initiative de l’agenda
médiatique. L’opération “mains propres” est
lancée...
Coup de maître et de grâce pour son ferrugi-
neux adversaire, la stratégie, infaillible, s’avère
payante : loué, applaudi et repris par l’ensemble
de la classe politique, son combat pour la
“transparence” séduit même jusqu’aux syndi-
cats, qui approuvent à l’unisson cette “démar-
che de purification du système” !
Une opération séduction menée habilement,
une leçon de communication de crise presque
exemplaire. Car enfin, le délai de latence entre
les premiers événements et la réaction est trop
long. Le mal est fait et profondément ancré.
Enfin, la sur-réaction – aussi bonne fût-elle –
ne doit pas non plus être prise au seul premier
degré ! Si la numéro 1 du MEDEF a fait de l’éthi-
que entrepreneuriale sa marque de fabrique
depuis le début de son mandat il y trois ans, et
si elle a géré cette affaire au nom de ses
“valeurs”, la défense de l’image menacée de
l’Entreprise est-elle réellement l’unique enjeu
de cette “lutte finale” à la sauce patronale ?
Au-delà d’une simple bataille de l’image et des
mots pour l’éthique patronale, Laurence Parisot
utilise la crise pour faire coup double : d’abord,
tenter un putsch pour le contrôle des
“mandats” de l’UIMM ; ensuite, se servir
d’un moment de crise pour dévier l’attention
médiatique du véritable fond du problème, en
l’occurrence autrement plus sensible pour le
MEDEF : les fameuses “caisses noires” des
organisations patronales.
Pour le conseiller en stratégie de communica-
tion, force est de reconnaître l’habileté dont a
fait preuve Laurence Parisot dans l’orchestra-
tion de cette crise médiatique. La tête pensante
du MEDEF a su appliquer à merveille cette
vérité éternelle que d’une crise peuvent naître
des opportunités. Les Chinois ne disent-ils pas
“Wei Ji” pour dire la Crise : danger/risque (Wei)
et occasion/opportunité (Ji) ?
Reste maintenant une autre crise à gérer, qui
dépasse, celle-ci, le strict champ de la commu-
nication : la crise ouverte au sein du patronat.
La citadelle UIMM saura-t-elle enfin reprendre
l’offensive pour briser le siège ? Ou se laissera-
t-elle à nouveau “surprendre” ?
Arnaud Dupui-Castérès
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Réaction atone sur des révélations fracassantes
de la part du MEDEF, “silence management” de
la part des dirigeants de l’UIMM, profil bas de
la part des responsables politiques émaillé de
quelques soubresauts de convenance. Seuls les
syndicalistes (mis en cause indirectement) sont
montés au créneau.
Les conséquences de cette non-réaction n’ont
pas été, semble-t-il, évaluées à leur juste risque.
Dès lors, 2008 sera bien différent. Le MEDEF et
sa présidente ne se laisseront plus prendre au
dépourvu. Il faut corriger le tir qui a blessé
mais pas tué.
Début mars 2008, l’”affaire” nous tient tous
en haleine : Laurence Parisot, la patronne des
patrons, remportera-t-elle son bras de fer
contre la puissante composante du MEDEF,
l’Union des industries et métiers de la métallurgie
(UIMM) ?
Si l’issue de ce feuilleton riche en rebondisse-
ments n’est pas encore tout à fait jouée, une
chose est sûre en revanche : le MEDEF a déjà
remporté la bataille médiatique face à son
affilié mais néanmoins concurrent interne.
Car dans cette lutte au sommet entre la tête et
les jambes, Laurence Parisot, main de fer dans
un gant de velours, s’est révélée bien plus
experte dans le maniement des armes de
destruction médiatique que ses “opposants”,
qui reconnaissent d’ailleurs eux-mêmes s’être
“laissés surprendre par la réaction” de la
patronne. Grossière erreur… et chronique d’un
désastre annoncé.
Par cette déclaration, l’UIMM renie en effet
une règle essentielle à la gestion de crise :
mettre en place et entretenir une “paranoïa
constructive”. Laurence Parisot, elle, l’a
bien compris, et prend l’avantage en
suivant à la lettre la règle du jeu TEM :
Transparence, Empathie, Mobilisation.
Démonstration par A+B d’un coup de com’
rondement mené… et savamment orchestré.
Mais, curieusement, tout cela vient après
plusieurs mois de tergiversations de part et
d’autre.
Il faudra donc attendre la révélation dans la
presse du montant des indemnités de départ
de Denis Gautier-Sauvagnac pour qu’il y ait
une réaction. Cinq mois c’est long et c’est une
grave erreur, mais comme plus personne ne s’y
attendait cela devient un… coup de théâtre :
la présidente du MEDEF, outrée, annonce
“qu’elle interrompt ses vacances” pour rentrer
dare-dare à Paris.
Effet immédiat : comme un seul homme, les
médias plongent, et Laurence Parisot de tenir
le haut du pavé avec cette non-information
pendant près de 24 heures !
La guerre médiatique est déclarée :
MEDEF : 1 - UIMM : 0.
UIMM, quelle affaire !
65LE NEWS TANK DE LEO CORPORATE NOVEMBRE 2006 365LE NEWS TANK DE LEO CORPORATE NOVEMBRE 2006 3
EN
APA
RTÉ
Les années se suivent mais ne se ressemblent pas pour les acteursde l’affaire de l’UIMM. 2007 aura été marqué par une “drôle” degestion de crise de la part du MEDEF, comme il y avait des “drôles”de guerres.
ENA
PART
É
NOUVEAUTÉS
Ils sont devenus clients de Vae Solis Corporate
en 2007 :
• Taj en communication corporate globale
(identité, presse, affaires publiques…),
• Guerlain en prévention des risques,
• Mattel en gestion de crise,
• ASN en relations publiques,
• Numericable en relations presse
et affaires publiques,
• FNCA, plate-forme de discours.
Ils ont rejoint l’équipe Vae Solis Corporate :
Antoine Boulay a rejoint Vae Solis
Corporate en qualité de directeur associé.
Ce diplômé de l’IEP de Paris et titulaire
d’un DEA d’économie, était précédemment
directeur général adjoint chez TBWA
Corporate. En 2007, il a par ailleurs accom-
pagné la candidate Ségolène Royal dans sa
campagne présidentielle…
En 2007, Vae Solis a également accueilli
Laura Hagyard et Marie-Gabrielle Sorin…
En mai 2007, Vae Solis publiait
avec le Service d’information
du gouvernement La crise en
100 mots, abécédaire nourri
de ses 7 années d’expérience
et d’analyse de la gestion
médiatique des crises…
La Documentation Française – mai 2007 – 12€
Entre les lignes
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STRI
P-TE
ASE
Comment devient-on directrice de la commu-
nication d’un cabinet d’avocats tel que Taj ?
Juriste de formation et après quinze années
passées dans l’édition juridique, j’ai voulu
aborder les enjeux du droit sous un nouvel
angle. Je souhaitais être plus proche des
problématiques juridiques des entreprises.
C’est dans cette optique que je suis arrivée
chez Deloitte & Touche Juridique et Fiscal, en
commençant par la mise en place de publica-
tions à destination des clients du cabinet. Puis
ma mission s’est élargie lorsque l’on m’a confié
la communication technique des métiers et
expertises ainsi que la communication corporate.
En 2004, un nouvel environnement régle-
mentaire a imposé au cabinet d’avocats de
se séparer de Deloitte France. Comment
avez-vous vécu cette séparation ?
En effet, la réglementation a fait qu’un cabinet
pluridisciplinaire ne pouvait plus fournir de
services aux clients dont il est commissaire aux
comptes. Deloitte France et le cabinet d’avocats
ont donc dû se séparer. Or, le cadre réglementaire
préconisait également de changer de nom. En
charge de la communication corporate, j’ai vu
apparaître un nouvel enjeu : comment exister
en dehors de Deloitte ? Comment conférer à la
nouvelle entité une existence propre ?
Vous avez donc piloté la création de la
marque Taj. Comment l’avez-vous gérée ?
Mais d’abord, pourquoi “TAJ” ?
Lorsqu’il a fallu imaginer un autre nom, nous
avons immédiatement rejeté l’idée classique de
prendre le nom des associés, nous avions la
ferme volonté de choisir un nom innovant,
ambitieux et nous distinguant sur le marché, à
l’image du cabinet. Tout a été mis en œuvre
pour que les collaborateurs s’approprient le
plus rapidement et naturellement possible
notre nouvelle identité. Le second enjeu a été
bien sûr de se faire (re)connaître par notre
public immédiat : nos clients. Je suis très
heureuse car la réaction des clients a été très
positive. Finalement, à tous les niveaux, l’adhé-
sion à notre nouvelle identité de marque a été
très forte. Je suis persuadée que la clé de ce
succès a été notre capacité à avoir tout mené
de front en même temps ; tout a basculé du
jour au lendemain pour qu’il n’y ait aucun
temps de latence.
Selon vous, en quoi un changement de nom
a-t-il eu des retombées positives sur votre
activité ?
J’étais loin d’imaginer, au départ, qu’un nom
pouvait avoir autant d’impact sur l’activité du
cabinet ; que ce soit en interne ou vis-à-vis des
publics extérieurs, cela a donné une nouvelle
dynamique à la communication corporate.
Je vois deux avantages majeurs à notre chan-
gement de nom : d’une part, son caractère
ambitieux a contribué à nous démarquer sur le
marché ; d’autre part, la marque Taj nous a
permis de communiquer plus facilement sur les
expertises du cabinet. Aujourd’hui, nous
sommes plus facilement identifiés comme un
cabinet d’avocats, nous existons en tant que
tel. Ce changement d’identité a été un véritable
pari gagnant.
La communication d’un cabinet d’avocats
présente-t-elle des spécificités particulières ?
Je dirais que communiquer sur de tels métiers
nécessite de réellement comprendre et cerner les
problématiques des expertises ; pour ma part,
mon background juridique m’a été indispensa-
ble. Je ne pense pas que l’on puisse communi-
quer sur un domaine que l’on ne comprend pas
et a fortiori pour un cabinet d’avocats.
D’autre part, les métiers du droit sont des profes-
sions réglementées dont on pourrait imaginer
que cela bride la communication. Mais je pense
qu’au contraire, en restant dans un cadre
imparti, nous nous efforçons de nous concentrer
sur la qualité. Nous ne tombons pas dans la
communication de “démarchage”, nous commu-
niquons sur des expertises pas sur des produits.
Pour exister, il nous faut trouver des formes origi-
nales de présence dans le débat public.
Comment organisez-vous votre présence dans
le débat public ?
Il y a plusieurs moyens pour nous de pouvoir
prendre la parole. Nous avons d’abord intensi-
fié nos relations avec les journalistes en nous
positionnant en force de proposition régulière.
Par ailleurs, nous venons, par exemple, de
créer, au sein du cabinet, un pôle “prospective
fiscale et stratégie d’entreprise” chargé de
piloter des activités de recherche. Ce think tank
nous permettra de nourrir le débat public de
nos expertises. Autre exemple, nous prévoyons
de publier des ouvrages sur certaines pratiques
juridiques et fiscales dont nous sommes
experts…
Quelles perspectives pour la communication
de Taj aujourd’hui ?
Nous allons continuer sur cette lancée. Notre
projet est d’être reconnu comme un cabinet
d’avocats spécialisé en stratégie fiscale et juri-
dique, par un public plus large, moins immé-
diatement concerné par nos services. Même si
nous y travaillons déjà, j’ai la conviction que le
cabinet doit prendre une part plus grande dans
le débat public. Nous considérons que la fisca-
lité dépasse largement le cadre du droit et
qu’elle est au cœur des grands enjeux écono-
miques : nous sommes en mesure d’apporter
aux décideurs publics et privés des clés de
compréhension, des analyses, des propositions
sur toutes les grandes questions économiques
qui animent les débats : assiette commune
consolidée, prix de transfert, crédit impôt-
recherche… nos expertises intéressent les
stratégies d’entreprises. C’est notre positionne-
ment de conseil que nous devons aujourd’hui
faire émerger plus fortement.
Propos recueillis par
Marie-Gabrielle Sorin
DE DELOITTE À TAJ,histoire d’une success story
Il y a quatre ans le cabinet d’avocats Deloitte & Touche Juridique et Fiscal changeait de nom. Taj voyait le jour, prenant son indépendance, créant sa marque. Retour surl’histoire d’un pari gagnant avec sa directrice de la communication, Pascale Ponroy.
Espace offert : Vae Solis Corporate soutient Solidarités Actives
Revenu de Solidarité Active (RSA)
Plate-forme d’accès à l’emploi des bénéficiaires du RMI
Val-d’Oise
Dispositif pour faciliter la mobilitéContrat Expérimental d’insertion
Micro-crédit personnel
Alimentation et InsertionAccès aux soins des plus démunisGardes d’enfants
Mobilisation des employeursParrainage de bénéficiaires du RMI
Paris Seine-Saint-Denis
Mobilisation des bénéficiaires
Oise
1, passage du Génie 75012 Paris • Tél. 01 43 71 39 48 / 01 43 48 65 24 • www.solidarites-actives.com • [email protected]
L’agence de l’expérimentation sociale
Solidarités Actives a lancé unesérie d’expérimentations sociales,une pratique peu usitée dans notrepays et qui trouve actuellement saconcrétisation avec l’expérimenta-tion puis la généralisation duRevenu de Solidarité Active (RSA)prévue en 2009.
Solidarités Actives développe uneingénierie sociale avec les respon-sables politiques ou économiquesdes collectivités locales dans desdomaines aussi variés que le RSA, lemicro-crédit personnel, l’accès auxsoins des plus démunis, le parrai-nage de Rmistes, des programmesnutritionnels, l’accès à Internet pourles plus défavorisés ou la mobilisa-tion des employeurs en faveur del’insertion économique.
Solidarités Actives est une asso-ciation à but non lucratif créée enjanvier 2006 pour mettre en appli-cation les quinze propositions delutte contre la pauvreté (dont leRSA), établies par la commission«Familles, vulnérabilité, pauvreté»présidée par Martin Hirsch.
Les entreprises peuvent soutenirSolidarités Actives dans le cadredu mécénat, par des financementsdirects, par la mise à dispositionde personnel (mécénat de compé-tence), par la création ou le soutiende structures d’insertion ou ennouant des partenariats dans lecadre d’expérimentations locales.
Carte des expérimentations en 2007
Pour lutter efficacement contre la pauvreté,
Projet1 25/06/08 10:53 Page 1
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