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Vers une culture inclusive : L’impact de la diversité générationnelle
des équipes IT sur la transmission des compétences
Auteur(s) : Kenza BELMOEITI Affiliation(s) : Université de Montpellier – Laboratoire MRM (Montpellier Recherche en Management) Coordonnées : [email protected]
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Résumé
L’objectif de cette communication est de mieux comprendre comment la diversité
générationnelle et la qualité des relations en entreprise peuvent favoriser la transmission
intergénérationnelle des compétences individuelles en particulier dans le secteur du
numérique en France.
L’instauration d’une culture inclusive contribue à l’amélioration de la cohabitation des quatre
générations présentes aujourd’hui au sein des entreprises du secteur numérique. La qualité de
la relation générationnelle semble être cruciale pour la réussite d’une transmission
intergénérationnelle des compétences individuelles. En ce sens, toutes les parties prenantes
sont appelées à contribuer à cette réussite, à renforcer l’esprit d’équipe et l’entraide
intergénérationnelle, réduire les écarts générationnels et assurer l’accès à l’apprentissage pour
tous.
Cette communication est fondée sur une étude qualitative menée auprès de 40 cadres RH et
collaborateurs (tuteurs et tutorés) appartenant aux grandes entreprises du secteur numérique
en France à travers des entretiens semi-directifs. Les résultats de cette recherche permettent de
comprendre en quoi l’inclusion des individus de générations différentes (dans une équipe IT)
et la relation entre ceux-ci favorisent la transmission des compétences individuelles.
Les mots clés : Transmission des compétences individuelles ; inclusion et diversité
générationnelle ; relations intergénérationnelles ; secteur numérique.
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Introduction
Depuis plusieurs années, la transmission des compétences et le transfert des connaissances
représentent un fait humain, incontournable et inéluctable dans la vie de l’être humain
(Ermine, 2010). Toutefois, ce sujet est considéré comme inédit au sein des entreprises et attire
autant de chercheurs que de professionnels. De plus, l’intergénérationnel et la dynamique
intergénérationnelle représentent des sujets rarement étudiés en GRH.
Aujourd’hui, la présence de quatre générations au sein des entreprises représente un défi pour
les responsables des ressources humaines, les managers d’équipes et pour l’ensemble des
collaborateurs. En effet, ce rassemblement des différentes générations dans le même milieu de
travail est une occasion d’échange entre des pairs de profils divers (âge, genre, culture, etc.) et
une opportunité de vivre ensemble, d’apprendre les uns des autres, de transmettre
mutuellement des compétences individuelles et d’assurer sa montée en compétences et celle
des autres. De plus, des recherches précédentes montrent que ce fait constitue une
reconnaissance de savoirs et des expériences des seniors (expérimentés) (Riffaud, 2007).Il
s’agit également d’une occasion de favoriser la cohabitation et la collaboration entre les
différentes générations au sein de l’entreprise.
Par ailleurs, Shore et al. (2018) soulignent que plusieurs travaux de recherche s’intéressent à
l’inclusion et à la valeur de l’inclusion (Shore et al., 2011 ; Ferdman et Deane, 2014), mais
très peu d’entre elles proposent la manière dont il faut procéder. Dans ce cadre, plusieurs
recherches et études empiriques doivent être faites pour compléter les travaux antérieurs et
généraliser certains résultats de recherche. Dans ce sens, Farndale et al. (2015) estiment que
les contextes nationaux et culturels impactent l’application de l’inclusion et de la diversité
dans les organisations. De ce fait, les recherches ultérieures doivent tenir compte de la
particularité des contextes (des terrains de recherche) et de l’application de la diversité et de
l’inclusion dans ces contextes.
L’objectif de cette communication est de mieux comprendre comment la diversité
générationnelle et la qualité des relations en entreprise peuvent favoriser la transmission
intergénérationnelle des compétences individuelles en particulier dans le secteur du
numérique en France. Il s’agit donc de se pencher sur cette problématique et de répondre à la
question suivante : Comment la diversité générationnelle et la qualité des relations en
entreprise peuvent-elles favoriser la transmission intergénérationnelle des compétences
individuelles ? Pour y répondre, la théorie de l’apprentissage organisationnel (Argyris et
Shön, 1978) semble apporter des éléments déterminants. Selon cette théorie, le travail
collectif est une modalité de travail qui facilite le partage, la transmission et la mise à jour des
compétences individuelles et d’en produire de nouvelles. Dans ce cadre, cette communication
souligne l’importance de l’inclusion générationnelle et détermine le rôle que joue la qualité
des relations intergénérationnelles dans la réussite de la transmission des compétences.
Dans cette perspective, 40 entretiens semi-directifs menés auprès des cadres RH et des
collaborateurs (tuteurs et tutorés) au sein d’entreprises du secteur numérique font l’objet
d’une étude qualitative.
Le plan de cette communication s’articule ainsi : La première partie consiste en l’exposition
d’une analyse de la revue de littérature. La seconde partie identifie la méthodologie de
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recherche, présente et analyse les résultats de l’étude menée dans de grandes entreprises du
secteur du numérique en France.
1. Inclusion et diversité générationnelle : l’impact sur la transmission des
compétences
Depuis quelques années, la cohabitation de quatre générations différentes dans les entreprises
représente un sujet pertinent pour les chercheurs autant que les managers (et les RH). En
revanche, la mixité générationnelle des équipes (et des entreprises en général) n’est un atout
que si elles sont caractérisées par la qualité des relations intergénérationnelles et favorisent le
partage et la transmission des compétences. Dans cette partie quatre points sont abordés. Il
s’agit de : la présentation des différentes définitions et enjeux de l’inclusion et de la diversité
générationnelle dans les organisations (1.1), le rôle de la diversité générationnelle (1.2), la
qualité des relations intergénérationnelles au travail (1.3), et la transmission des compétences
et les pratiques inclusives (1.4).
1.1. L’inclusion et la diversité générationnelle dans les organisations : définitions et
enjeux
L’inclusion est définie par Shore et al. (2011) comme le degré à partir duquel un salarié est
considéré comme un membre d’un groupe de travail dans lequel les besoins d’appartenance et
de particularité (ou d’unicité) sont satisfaits. Quant à Roberson (2006), il définit l’inclusion
comme la façon selon laquelle une organisation façonne ses fonctions et ses dispositifs pour
mettre en valeur les différences existantes, les exploiter et limiter leurs conséquences
(négatives). Dans ce même article, Roberson distingue entre l’inclusion et la diversité. Il
estime que la première concerne les objectives organisationnels permettant de renforcer la
contribution de l’ensemble des employés et de tirer profit de la diversité et ses effets sur
l’organisation. Alors que la seconde est encore plus axée sur la composition démographique
des groupes ou des organisations et leurs différences. Ce que nous retenons de ces approches,
c’est que l’inclusion fait référence à un lieu de travail dans lequel la diversité est acceptée et
valorisée, à un environnement permettant à chaque employé (peu importe sa couleur de peau,
son âge, son genre, son origine, etc.) d’être reconnu comme membre d’un groupe (ou d’une
équipe), et d’être respecté et accepté pour sa singularité.
Dans ce sens, Mor Barak (2000) estime qu’un lieu de travail, dit « inclusif » est un
environnement organisé, permettant d’inclure et de faire participer tous les membres d’une
communauté. C’est un endroit de travail qui valorise les différences individuelles et
intergroupes. Il répond aux besoins des personnes en difficulté, et favorise la coopération et la
collaboration entre les membres de la communauté (ou du groupe).
Parallèlement, les travaux de Shimada (2014 et 2015) et de Dameron (2002 et 2004)
s’inscrivent, entre autres, dans la diversité générationnelle au sein des organisations et le
travail collectif. Leur article publié en 2016 montre que la diversité générationnelle est le
résultat des mesures et des initiatives mises en place au sein des organisations comme la
gestion de carrières, les changements organisationnels (ex : de management, d’organisation du
travail, etc.). Sur ce point, Dejoux et Wechtler (2011) estiment que la diversité générationnelle
permet de renouveler les outils RH et de mettre en place des styles innovants de leadership.
Ces auteurs ajoutent que la cohabitation de quatre générations dans un même espace de travail
représente une opportunité malgré les obstacles que cela peut engendrer.
5
Finalement, nous constatons que la culture inclusive dans les organisations va non seulement
lutter contre la discrimination mais aussi promouvoir l’égalité, l’entraide et la cohésion
sociale. De plus, elle favorise l’innovation et contribue au développement social des
organisations.
Nous présentons, dans le point suivant, l’importance de la diversité générationnelle et son
impact sur la cohabitation et la collaboration intergénérationnelles.
1.2. La diversité générationnelle, au service de la cohabitation et de la collaboration
intergénérationnelles
En nous appuyons sur la revue de littérature, nous estimons que la cohabitation et la
collaboration permettent de favoriser la communication et le partage entre différentes
générations. Aujourd’hui, quatre générations sont présentes au sein des organisations : il
s’agit des baby boomers (1945-1960), de la génération X (1961-1980), de la génération Y
(1981-1994) et de la génération Z (né(e)s à partir de 1995). L’arrivée de chaque nouvelle
génération ayant des caractéristiques différentes de celles qui la précèdent pose plusieurs
questions sur les enjeux de la cohabitation intergénérationnelle dans les organisations
(Dreyfuss et Pijoan, 2015). A ce sujet, Seguin et Pommaville (1988) soulignent que la
coopération entre les différentes générations facilite l’intégration des juniors, promeut la
culture organisationnelle et empêche la perte de la performance et de l’efficacité au travail.
Dans la continuité, Le Roux (2006), Riffaud (2007), Grima (2007), et Dreyfuss et Pijoan
(2015) estiment que cette coopération contribue à la fidélisation des nouvelles recrues et
donne du sens au travail.
En complément, la cohabitation et la collaboration intergénérationnelles représentent un
facteur facilitant l’intégration des nouveaux employés au sein des organisations et favorisant
la transmission des connaissances et des compétences individuelles. En ce sens, Pijoan et al.
(2012) citent plusieurs pratiques de GRH stimulant la collaboration et la coopération entre les
générations : il s’agit de l’accueil, l’intégration et l’accompagnement des nouvelles recrues.
Ils ajoutent ainsi la transmission intergénérationnelle des compétences.
Par ailleurs, Bruna (2014) note que l’inclusion générationnelle joue un rôle majeur dans la
réussite d’une coopération entre les individus de générations différentes, et ce, à travers la
mise en place des réseaux sociaux numériques dans les entreprises. L’auteur estime que
l’utilisation des nouvelles technologies d’information et de communication facilite l’inclusion
des jeunes à travers différentes méthodes de transmission des savoirs et des compétences
(tutorat, mentorat, accompagnement, etc.). Dès lors, ces outils peuvent promouvoir la
conciliation, l’entraide et l’échange entre les générations.
A l’issue de ce qui précède, la cohabitation des différentes générations est un grand défi pour
la direction des ressources humaines. Cette dernière doit, d’ores et déjà, préparer l’intégration
des individus pour prendre en main la diversité qu’elle soit liée à l’âge, au genre, à l’origine, à
l’ancienneté ou à l’éducation (Dejoux, Wechtler, 2011). Selon Delay et Huyez-Levrat (2006),
cette préparation doit se faire au niveau local auquel les managers sont les « partenaires de
négociations crédibles» qui facilitent la cohabitation des différentes générations et participent
à la création d’un climat social propice.
Dans le point suivant, nous questionnons l’intérêt de la qualité des relations au travail dans la
réussite de la transmission des compétences entre différentes générations.
6
1.3. La qualité des relations au travail, un levier de réussite de la transmission des
compétences entre les générations ?
La littérature sur la transmission des compétences et des connaissances souligne que la
réussite de la transmission des compétences découle particulièrement de l’engagement des
parties prenantes, à savoir : le transmetteur (le tuteur), le récepteur (le tutoré) et l’organisation.
Principalement, l’entreprise représente un milieu de travail qui permet de rassembler plusieurs
personnes différentes. Cette différence peut être au niveau de : l’âge, du genre, l’origine, la
culture, le niveau social, etc. Pourtant, elle peut être une opportunité à prendre en main et un
facteur de réussite des individus (ou des collectifs) au travail. Comme elle peut être une
source de conflits en entreprise et par conséquent, une cause d’échec du partage et de la
transmission des compétences, à titre d’exemple. D’ailleurs, la réussite de la transmission des
compétences dépend de la conciliation et de l’entraide entre les différents employés,
particulièrement entre le tuteur et le tutoré (quel que soit leur particularité : jeune ou âgé, etc.).
En effet, Fabre et Roussel (2013) estiment que la qualité des relations (ex : interpersonnelles,
intergénérationnelles, etc.) entre les employés promeut l’apprentissage organisationnel et
contribue à l’acquisition de nouvelles compétences. De plus, une relation, basée sur le respect
mutuel, l’écoute, la confiance et le soutien, facilite l’échange et la transmission des
compétences et des expériences entre les collègues au travail. Aussi, elle contribue à la
réduction des conflits (interpersonnels, intergénérationnels, etc.) provoqués par l’absence de
la communication et le manque du respect. En ce sens, Karsenty (2011) souligne que les
relations interpersonnelles fondées sur la communication et la confiance permettent de
favoriser l’esprit collectif au travail. L’auteur ajoute que la méfiance interpersonnelle impacte
les relations au travail, particulièrement lors de la transmission des consignes.
Bien que la qualité des relations interpersonnelles joue un rôle majeur dans le processus de la
transmission des connaissances et des compétences au sein des entreprises et symbolise l’un
des facteurs clés de son succès, nous nous intéressons dans cette communication
essentiellement à la relation entre des personnes (transmetteur et récepteur) appartenant à
deux générations différentes (jeune et âgé).
A ce sujet, la littérature académique francophone montre que la diversité générationnelle et la
variété des caractéristiques entre les différentes générations provoquent une fracture et un
fossé intergénérationnels, et ce, dans l’absence ou par manque de coopérations
intergénérationnelles (Dreyfuss et Pijoan, 2015). Aussi, ces auteurs soulignent que la prise en
compte de la question de l’intergénérationnel (et de la gestion de l’âge) dans la stratégie de la
GRH (en s’intéressant à la formation et à la transmission des expériences et du métier) peut
réduire l’écart entre les générations. Pour sa part, Caradec (2008) estime que la ségrégation
spatiale entre les jeunes et les plus âgés limite les rencontres entre les générations et par
conséquent induit à une méconnaissance d’autrui. De leur côté, Chouki et Persson (2016)
soulignent que lorsque deux collègues de générations différentes : senior (mentor) et junior
(mentoré/ mentee), travaillant ensemble dans un même champ professionnel auquel la
motivation et le climat organisationnel sont favorables, ont une formation initiale semblable,
ont un vocabulaire technique similaire et échangent régulièrement, les barrières et les
incompréhensions (sémantiques ou syntaxiques) mutuelles sont restreintes. Par contre, ce qui
peut causer des problèmes entre cette dyade c’est la divergence des avis et des expériences
précédentes vécues.
Dans la continuité, les travaux de Wittorski (2007 et 2008) montrent que le travail collectif
permet de produire de nouvelles compétences et des pratiques professionnelles inclusives
propres au groupe de travail. Ces nouvelles pratiques inclusives résultent de l’ajustement et de
7
la modification des anciennes pratiques. L’auteur ajoute que la valorisation des membres du
groupe et la reconnaissance de leurs compétences génèrent une identité collective et un
sentiment d’appartenance au même groupe.
La littérature anglo-saxonne, quant à elle, montre que le mentorat, le travail collectif et le
développement des communautés de pratique au sein des entreprises favorisent
l’apprentissage organisationnel, l’échange et la transmission des connaissances entre les
différentes générations (Bennett et al., 2012). Aussi, ces pratiques permettent de réduire les
conflits intergénérationnels (Dolezalek, 2007). Il est également noté que les relations du
mentorat (mentor-mentoré/mentee) permettent une transmission intergénérationnelle des
compétences (dont le tutorat inversé), facilitent la socialisation des jeunes et améliorent la
communication interpersonnelle (McDonald, 2008).
Dans ce cadre, nous retenons que la qualité des relations au travail représente un facteur de
réussite de la transmission intergénérationnelle des compétences et des connaissances, et
réduit l’écart causée par la diversité générationnelle.
Dans le point suivant, nous discutons les pratiques inclusives qui pourront faciliter et favoriser
la transmission intergénérationnelle des compétences au sein des entreprises.
1.4. Transmission des compétences et pratiques inclusives
Bien que l’inclusion soit un sujet de recherche largement traité en sciences de l’éducation et
en sciences humaines, la littérature francophone en sciences de gestion reste très limitée. En
revanche, plusieurs recherches anglo-saxonnes mettent en lumière les pratiques
organisationnelles inclusives.
En effet, Shore et al. (2018) considèrent les pratiques inclusives comme étant des actions
volontaires mises en place par les entreprises. Roberson (2006) et Bell et al. (2011) estiment
que ces pratiques organisationnelles permettent aux individus d’avoir l’égalité d’accès aux
différentes opportunités offertes au travail. Pour leur part, Nishii et Rich (2014) soulignent
que les organisations sont, aujourd’hui, plus conscientes de l’intérêt des environnements
inclusifs pour faire face à la diversité au travail. Offerman et Basford (2014), quant à eux,
suggèrent de nombreuses « best practices » lesquelles promeuvent l’inclusion. Nous citons à
titre d’exemple les pratiques suivantes : D’abord, les dirigeants doivent donner de
l’importance au développement des différents talents, et ce, à travers des modes de soutien, tel
que le parrainage (méthode de transmission des compétences). Ensuite, ils doivent favoriser la
socialisation et le réseautage. Puis, ils doivent former les collaborateurs afin de développer les
compétences comportementales nécessaires. Enfin, ils doivent favoriser le soutien entre pairs.
Dans la continuité, Shore et al. (2011) montrent que la mise en place des pratiques
organisationnelles inclusives contribue au partage des connaissances, au renforcement de
l’esprit de l’équipe, à la tolérance, à la communication et au soutien entre les membres du
groupe. Par conséquent, cela induit une forte qualité des relations entre les employés.
Par ailleurs, la littérature francophone sur l’intergénérationnel souligne que le manager doit
constituer des groupes de travail hybrides car la diversité générationnelle des équipes
encourage le partage des connaissances et des compétences (Landier, 2014 ; Poilpot-Rocaboy,
2014).
A ce sujet, Bennett et al. (2012) notent que le travail en équipe hybride et la collaboration
intergénérationnelle facilitent la transmission des connaissances et favorisent le mentorat et
8
l’apprentissage mutuel : les baby-boomers transmettent aux millénials des connaissances et
des expériences. Aussi, les seconds forment les premiers à l’utilisation des nouveaux outils
technologiques.
Au regard de ce qui précède nous constatons que la diversité générationnelle et l’engagement
des parties prenantes (tuteur, tutoré et entreprise) renvoient vers une culture inclusive : il
s’agit non seulement d’une inclusion générationnelle mais aussi d’une inclusion numérique
duquel l’objectif est, selon Bouquet (2015), « la recherche d’égalité d’accès et d’usage des
nouvelles technologiques de l’information et de la communication. » (Ibidem, p.25).
2. Méthodologie et résultats de l’étude empirique
Pour répondre à notre problématique, nous avons choisi l’étude qualitative comme protocole
de recherche. Cette étude est fondée sur la conduite de plusieurs entretiens semi-directifs
(Blanchet, 1995) avec 40 collaborateurs (cadres RH, tuteurs et tutorés) travaillant au sein de
grandes entreprises, nationales et internationales, appartenant au secteur du numérique en
France.
2.1. La méthodologie de recherche
En nous référons à la revue de littérature, nous constatons que malgré la quantité des études
empiriques menées pour étudier la question de l’intergénérationnel (et de génération) dans
divers secteurs d’activité (ex : le social, les établissements scolaires, les hôpitaux, etc.)
plusieurs terrains de recherche semblent être très pertinents. Nous faisons le choix dans cette
recherche de nous intéresser au secteur numérique (le secteur des technologies d’information
et de communication) qui constitue un « marché de compétences » explicites et tacites, et un
carrefour des compétences transmissibles (d’après plusieurs rapports de : l’OCDE, l’INSEE,
BIPE, Syntec numérique, etc.) : il s’agit des compétences gestionnaires, organisationnelles et
comportementales (soft skills, gestion de projet, méthodes AGILE et SCRUM, etc.) et des
compétences numériques (nouvelles technologies, big data, etc.). Les premières sont les
compétences dont disposent les seniors (les expérimentés). Elles peuvent être transmises par
plusieurs méthodes (tutorat, mentorat, formation, etc.), tandis que les secondes sont les
compétences et les connaissances que les juniors (stagiaires, alternants, jeunes diplômés) ont
acquises à travers la formation initiale (ou bien par l’auto-formation). Aussi, elles sont
transmises aux plus âgés à travers le tutorat inversé. De ce fait, ce secteur d’activité peut être
considéré comme particulièrement représentatif et pertinent. En ce sens, nous ajoutons que la
particularité des entreprises du secteur numérique est qu’elles permettent aux différentes
générations de travailler dans une même équipe de travail (tel que le travail sur un projet).
Cette cohabitation intergénérationnelle génère le développement et le renouvellement des
compétences des uns et des autres (jeunes et âgés), et l’acquisition des nouvelles compétences
(gestionnaires, méthodologiques et technologiques). D’ailleurs, le « reverse mentoring », une
méthode de transmission inversée (des jeunes aux plus âgés) des compétences permet aux
jeunes de transmettre leurs compétences technologiques et numériques à leurs aînés. En effet,
dans un secteur connu par la rapidité des changements et la forte croissance des technologies
numériques, la transmission intergénérationnelle des compétences est désormais cruciale.
Avant de débuter nos entretiens avec les collaborateurs que nous avons ciblés selon plusieurs
critères (l’âge, l’ancienneté, la fonction, le secteur d’activité de l’entreprise et le statut : tuteur,
tutoré ou cadre RH), nous avons effectué un test du guide d’entretien afin d’ajuster ce dernier.
Nous n’avons pas pu effectuer des entretiens (sous forme de « dyade ou tandem » : tuteur-
tutoré) avec les répondants, comme souhaité, à cause de leur refus implicite ou explicite. Nous
9
ne regrettons pas cela et nous estimons qu’une réponse d’un répondant basée sur plusieurs
expériences d’apprentissage organisationnel et intergénérationnel (tutorat ou tutorat inversé)
avec des profils divers (au niveau de l’âge, de la génération ou de la personnalité) est plus
intéressante pour notre recherche et permet d’éviter tous les stéréotypes liés aux classes d’âge
(jeune ou âgé), ou encore aux relations intergénérationnelles au travail.
Les entretiens se sont déroulés dans la période allant de mi-février 2019 jusqu’à mi-janvier
2020. Ils ont pris plusieurs formes : individuels (face-à-face et téléphonique) et en binôme.
Dans un cadre horaire allant de 20 minutes jusqu’à 1h30 minutes.
Afin de préserver l’anonymat des répondants et des entreprises, ainsi que la confidentialité de
leurs réponses, nous attribuons des numéros aux entretiens (E=entretien).
Le tableau suivant présente les caractéristiques des répondants :
Les caractéristiques des :
Entreprises Répondants
N° Activité de
l’entreprise Fonction
Ancienneté
dans le poste Age
Durée de
l’entretien
E1 Opérateur de
télécommunications
Directrice de l’insertion
des jeunes en France -
-
1h12min
Chargée de la politique intergénérationnelle
- -
E2 Matériel informatique Responsable des
ressources humaines 9 ans et 4 mois 39ans 46min
E3 Opérateur de
télécommunications
Responsables formation
et développement des
compétences
5 ans 47ans 1h03min
E4 Ingénierie avancée,
technologie et R&D
Directrice des ressources
humaines 2 ans et 3 mois 34ans 45min
E5 Opérateur de télécommunications
Responsable du
développement des compétences
19 ans Gen X 1h27min
E6
Editeur des logiciels et
maquettes numériques
3D
Directrice des ressources
humaines 5 ans et 6 mois 43ans 1h10min
E7 Service du numérique HR Transformation
Leader 6 ans et 7 mois 44ans 1h18min
E8 Logiciel et matériel
informatique HR Business Partner 5 ans et 5 mois Gen X 1h09min
E9 Opérateur de télécommunications
Directeur des ressources humaines
4 ans et 2 mois 50ans 1h30min
E10
Technologies et
services de
l’information
Directeur des ressources
humaines 1 an et 6 mois 42ans 45min
E11
Technologies et
services de
l’information
Chargée de missions RH 2 ans et 3 mois 30ans 45min
E12
Technologies et
services de
l’information
Responsable des
ressources humaines 1 an et 5 mois 43ans 1h08min
E13 Télécommunications Chargée de missions RH 1 an et 11 mois 39ans 45min
E14
Technologies et
services de
l’information
Chargé de projets RH 3 ans et 5 mois 48ans 1h35min
E15 Matériel informatique Talent Acquisition
consultant 1 an et 8 mois 27ans 1h04min
10
E16 Service du numérique Chargée de recrutement 3 ans et 4 mois 29ans 50min
E17
Technologies et
services de
l’information
HR manager 9 ans et 4 mois 48ans 1h09min
E18
Editeur de logiciels
informatiques,
intégration
d’application et
infogérance
Gestionnaire RH 2 ans et 9 mois 24ans 48min
E19
Technologies et
services de
l’information
HR Business Partner 3 ans 32ans 45min
E20 Opérateur de télécommunications
Ingénieur formation 25 ans 49ans 1h32min
E21 Sécurité numérique Alternant développeur
informatique (Tutoré) 1 an et 1 mois 25ans 54min
E22
Technologies et
services de
l’information
Stagiaire développeur IT
(Tutoré) 1 mois et demi 19ans 39min
E23
Technologies et
services de
l’information
Développeur full-stack
d'application et site
(Tuteur)
1 an et demi 31ans 20min
E24
Technologies et
services de
l’information
Ingénieur informatique et
commercial (Tuteur) 4 ans et demi 30ans 25min
E25 Service du numérique
Apprenti en
développement
informatique (Tutoré)
9 mois 19ans 29min
E26 Logiciel et matériel
informatique
Stagiaire consultante
technique junior-
développeur (Tutoré)
6 mois 23ans 44min
E27 Matériel informatique Security Specialist -
ledear ERG (Tuteur) 7 ans 31ans 38min
E28 Matériel informatique Technical support senior
engineer (Tuteur) 3 ans 36ans 41min
E29
Technologies et
services de
l’information
Architecte en systèmes
d’information (Tuteur) 20 ans 50ans 40min
E30
Technologies et
services de
l’information
Apprenti ingénieur en
informatique (Tutoré) 1 an 22ans 47min
E31 Opérateur de
télécommunications
Ingénieur systèmes et
virtualisation (Tuteur) 2 ans 29ans 1h02min
E32 Opérateur de
télécommunications
Responsable programme
transformation IT
(Tuteur)
25 ans 55ans 54min
E33
Technologies et
services de l’information
Administrateur système
et ingénieur système (Tutoré)
4 ans 30ans 42min
E34 Logiciel et matériel
informatique
Manager d’équipe
technique (Tuteur) 1 an 51ans 1h03min
E35 Opérateur de
télécommunications
Ingénieur réseaux,
système et exploitation
(Tutoré)
5 ans 26ans 1h
E36 Service du numérique
Apprenti technicien
informatique et réseau
(Tutoré)
1 an 19ans 32min
E37 Technologies et services de
Ingénieur d’études et développement (Tutoré)
7 mois 26ans 28min
11
l’information
E38 Ingénierie avancée, technologie et R&D
Ingénieur systèmes (Tuteur)
7 ans 54ans 57min
E39
Technologies et
services de
l’information
Stagiaire consultant
d’applications MES
(Tutoré)
6 mois 23ans 43min
E40
Technologies et
services de
l’information
IT manager- Directeur de
projet informatique
(Tuteur)
1 an 45ans 47min
Après la collecte des données effectuées à travers 40 entretiens semi-directifs menés dans
toute la France, nous avons eu recours à l’analyse du contenu (Bardin, 1977) en nous fondant
sur les thématiques du guide d’entretien. Il s’agit d’une méthode d’analyse qualitative
d’entretiens qui permet de répondre à des problématiques bien déterminées. Les données
collectées ont fait objet d’un codage puis d’une interprétation après la retranscription.
2.2. Présentation et analyse des résultats de l’étude
Les résultats de cette étude permettent de déterminer la qualité des relations
intergénérationnelles dans les équipes IT (2.2.1), et de mentionner le rôle de la diversité
générationnelle (2.2.3) et celui des pratiques inclusives dans la réussite de la transmission des
compétences (2.2.4). Ils permettent également de souligner l’importance de la culture
inclusive dans la réduction des conflits intergénérationnels (2.2.2).
2.2.1. La qualité des relations intergénérationnelles dans les équipes IT
L’analyse des entretiens montre que, du point de vue des tuteurs et des tutorés, les relations
intergénérationnelles entre les jeunes et les plus âgés sont de très bonne qualité. Les relations
sont professionnelles mais aussi amicales et relationnelles, et induisent à un échange et un
apprentissage mutuel.
« Actuellement, j’accompagne une jeune personne. Et du coup, il n’y a pas vraiment de
problème particulier. Elle accepte la transmission de compétences que je lui fais sur le plan
relationnel, humain et professionnel. Et du coup voila, on va dire que la relation était très
cordiale. Elle est professionnelle et amicale. Et voila, c’est une relation gagnant-gagnant au
final. » (E.34, tuteur)
La bonne relation intergénérationnelle entre les membres d’une équipe IT peut être due à la
culture organisationnelle et aux valeurs inculquées, illustrées et partagées par l’ensemble des
employés. Ces derniers donnent plus d’importance à la formation et l’apprentissage (en virtuel
dans certains cas) et s’intéressent aux compétences dont disposent les individus (leurs
collègues ou/et leurs co-équipiers) sans faire attention à leur singularité (qu’ils soient des
jeunes, des plus âgées ou du même âge).
« J’aurai tendance à penser que dans notre entreprise, la qualité de ces relations est plutôt
bonne étant donné le niveau de diversité présent dans l’entreprise et le socle de culture et de
valeurs communes que nous partageons. Ceci dit, nous nous appuyons beaucoup sur le digital
pour la transmission des savoirs et des compétences et moins sur les relations
intergénérationnelles. » (E.26, tuteur)
« Là, c’est peu près toute l’équipe qui est mon tuteur. On est sur un projet et tout le monde
met la main dans la pate un petit peu et ça, c’est les gens de 28 et 45 ans, quelque chose
comme ça. Et donc, que ce soit avec eux ou avec ceux qui ne sont pas sur le projet, les
relations sont excellentes. » (E.10, tutoré)
12
La particularité des équipes IT est que ses membres ont un intérêt similaire et une passion
commune : l’informatique et les nouvelles technologies. Cette caractéristique facile le
dialogue et la communication entre le tuteur et le tutoré malgré leur différence d’âge. Aussi, la
disponibilité du tuteur, sa compréhension et sa bienveillance rendent la relation plus forte et
contribuent à l’apprentissage organisationnel du tutoré (notamment les alternants).
« [...] Alors la première expérience, ça s’est plutôt bien déroulée. J’avais un tuteur (lui, il
faisait l’informatique) qui était plutôt compréhensif et qui était vraiment basé sur le dialogue,
qui était à minimum pas mal disponible. Il était beaucoup plus âgé que moi. On avait 20 ans
de différence, voire un peu plus. Je pouvais aller lui parler de mon ressenti. D’ailleurs, on
avait prévu des points assez réguliers pour suivre l’alternance, est ce qu’il y a un problème
ou pas. Est-ce qu’on peut améliorer. On était toujours au fait dans une dynamique
d’amélioration. [...] Pour moi, l’alternance est déjà une transmission de compétences à
échelle au fait. C’est vraiment suivre le sujet en montée en compétences. » (E.13, tutoré)
Comme dans toutes les équipes (hybrides) de travail, des difficultés relationnelles et des
tensions professionnelles peuvent avoir lieu. La cause de celles-ci peut être l’incompréhension
et la méconnaissance d’autrui : sa vision des choses, par exemple. Pourtant, cela n’impacte
pas la relation, du fait que les personnes concernées communiquent sur le sujet qui a causé le
souci ou, pour certains, changent de sujet pour ne pas aggraver les choses.
«Au début certainement, j’avais quelques petits soucis avec certaines personnes mais voilà.
Je pense que c’est des problèmes, juste d’incompréhension et de façon de voir les choses.
Mais après, ça ne change pas grand choses aux relations. A partir du moment, on se dit les
choses et puis on avance. Aujourd’hui, je n’ai pas de problème particulier.» (E.35, tutoré)
« [...] On a eu des petites mal compréhensions, mais il n’y avait rien de méchant comme toute
personne, comme tout collègue. On peut ne pas avoir compris quelque chose sur les tâches à
faire, mais il y avait eu aucun problème. » (E.16, tutoré)
« Les conflits que je peux avoir. C’est quand on n’est pas d’accord sur la manière de faire sur
un sujet. Mais quand c’est de la transmission de connaissances, l’idée c’est apprendre. Si je
vois que ça commence à partir dans un mauvais sens, je change le sujet ou on part sur autre
chose parce que moi j’essaye d’éviter le conflit. Ca ne m’intéresse pas d’avoir des conflits sur
ce genre de sujet. » (E.18, tuteur)
Du point de vue les cadres RH, dans le secteur informatique et notamment dans les équipes
IT, les relations intergénérationnelles sont caractérisées par la convivialité, l’ouverture
d’esprit, et le partage mutuel des connaissances et des compétences. Les répondants justifient
cette bonne qualité des relations par la culture organisationnelle, le partage des espaces de
travail (la proximité géographique entre le tuteur et le tutoré) et l’intérêt commun. Sur ce
point, leur réponse rejoigne celle des collaborateurs.
« [...] On est très orienté Business. Donc, on est orienté résultats. On peut avoir ces conflits
générationnels. Parfois, on sent que la relation ne passe pas. Quand on est dix dans un appel,
dans un call, on sent qu’il y a des différences mais dans tous les cas, il va falloir être en
option, il va falloir avancer. » (E.15, RH)
« [...] Généralement la relation entre le tuteur et le tutoré se fait de manière relativement
informelle. [...] Elle se fait un peu sous l’ongle de la convivialité et nous, on insiste beaucoup
là-dessus. Surtout, si on a affaire avec un public jeune. C’est un public pour qui c’est
important cette notion de proximité et de convivialité, qui a besoin d’avoir un échange ouvert
13
etc., et d’autant plus dans le secteur de l’informatique où les jeunes sont très facilement
débauchés.[...]» (E.12, RH)
Parallèlement, les répondants (cadres RH) soulignent que le partage du même métier et de la
même ambition réduit la fracture et les conflits entre les générations au travail, et induit à la
transmission intergénérationnelle des compétences (quel que soit le canal de la transmission).
« [...] Je dirais, ils s’articulent bien entre eux. C’est avant tout des ingénieurs développement
et donc ils sont passionnés par leurs projets. Donc après, ça casse un peu la barrière de
génération. Enfin, les jeunes apprennent les nouvelles technologies aux anciens et les plus
anciens qui ont eux une bonne pratique de projets, vont accompagner les jeunes sur la gestion
de projets. Donc, c’est plutôt des populations qui se complètent bien. » (E.6, RH)
« [...] Il n’y a pas vraiment de conflits générationnels comme on peut le voir dans un autre
métier. A condition que la personne soit investit dans son métier et qu’elle soit coopérative.
[...] On a une moyen d’âge de 45 ans. Je suis confronté aujourd’hui à des jeunes qui ont
moins de 25 ans et on n’a pas effectivement la même façon de voir les choses. [...] Mais ça
n’impacte pas les relations au quotidien. Ca n’impacte pas la relation entre les gens mais
individuellement, on sent que les priorités sont différentes et qu’ils ne se comportent pas de la
même façon. [...] mais ça n’impacte pas les relations entre les gens. » (E.7, RH)
Nous retenons de ce qui précède que la particularité des équipes IT est qu’elles réunissent
différentes générations ayant différents caractères et modes de fonctionnement. Toutefois, ces
différences n’impactent pas leurs relations professionnelles. D’ailleurs, ces relations sont
jugées comme excellentes par les cadres RH ainsi que les collaborateurs (tuteurs et turorés)
que nous avons interrogés. Dans la prochaine partie, nous soulignons l’importance la culture
inclusive dans la réduction des conflits intergénérationnels (2.2.2).
2.2.2. La culture inclusive face aux conflits intergénérationnels
Les résultats de cette étude montrent que ce sont les managers d’équipe qui interviennent, en
premier, dans le cas d’un conflit entre le tuteur et le tutoré. Etant donné que les managers sont
les proches des membres de leur équipe, ils inculquent des notions de base pour le bon
fonctionnement du groupe et le bon déroulement des projets qu’ils gèrent. Ils encouragent le
dialogue et la communication entre les personnes et particulièrement, entre ceux qui se
trouvent face à une situation de conflit.
« Je pense que c’est par rapport à la communication. Il faut savoir communiquer avec les
personnes qui ne sont pas de la même génération que nous et de la même culture pour
justement essayer de s’adapter.» (E.34, tuteur)
« [...] Là, je suis vraiment un petit peu avec mon équipe et mon tuteur direct. L’entreprise
elle-même, n’a pas vraiment ce côté à vivre avec nous au jour le jour [...]» (E.1, tutoré)
Selon les répondants, les RH n’interagissent que dans un deuxième temps, et ce, après
l’intervention du manger de l’équipe. Ce dernier, au vu de sa proximité géographique, essaye
de trouver des solutions, en interne afin de résoudre le conflit. Dans le cas contraire, les RH
contactent les collaborateurs en question et prennent les choses en main. Les solutions
proposées peuvent être des formations pour acquérir de nouvelles compétences (ex : des
formations destinées aux tuteurs au sujet de l’accompagnement des jeunes).
14
« Tu en discutes d’abord avec son manager. Donc là après, il y a eu des discussions avec les
managers pour essayer de trouver des vecteurs d’amélioration ou de changement et résoudre
le conflit. Donc, ça c’est la première étape. Après, il y a deuxième étape qui est un petit peu
délicate où la tu vas contacter les RH [...] Après, si ça ne marche pas, au fait les RH
prennent le temps de voir avec le collaborateur s’il n’a pas besoin d’autres formations pour
que ça se passe mieux quoi.» (E.31, tuteur)
Dans le cadre d’une culture inclusive, nous retenons que certaines pratiques peuvent faire face
aux conflits intergénérationnels. En ce sens, les managers doivent développer l’esprit de leur
équipe, travailler sur leur dynamique et assurer leur cohésion.
« [...] Pour les conflits, c’est difficile pour nous de le constater au niveau RH parce qu’on est
plus de 1000 salariés sur le site. Du coup, nous on ne voit pas tout ce qui se passe au
quotidien, ça c’est la gestion quotidienne du manager et c’est là où, nous, on travaille
beaucoup sur la dynamique d’équipe : de faire beaucoup de team building, de s’assurer qu’il
a une vraie cohésion d’équipe, de s’assurer qu’il y a un vrai esprit d’équipe pour en fait
justement lisser ce type de comportements ou de conflits qu’on peut avoir et s’assurer que
finalement, on a le moins possible de problématique de ce genre[...]» (E.2, RH)
En complément, il faut être plus tolérant et apprendre à apprendre des autres sans se mettre
des barrières ou encore de devoir faire face à des stéréotypes liés à l’âge ou à la génération de
la personne en face.
« [...] Le constat que je fais, c’est que quand on avance en âge, on a l’impression de tout
savoir et on a l’impression que les jeunes n’ont rien à nous apprendre. Alors que c’est faut.
Les jeunes ont beaucoup de choses à nous apprendre et ma petite collègue là, [...] elle est
brillante cette fille [...]. Et au fait, quand on a un certain âge, c’est un peu comme les parents
avec les enfants. Il faut oser encourager les jeunes. [...] Ne pas essayer de se dire : je suis
plus vieux, donc je suis légitime dans ce poste. [...] » (E.22, tuteur).
Au regard de tout ce qui précède, nous constatons que la diversité des profils des membres des
équipes IT, de leur âge (ou de la génération à laquelle ils appartiennent), de leurs compétences
et de leurs expériences représente une opportunité pour ces équipes. C’est une occasion
d’apprentissage et de partage intergénérationnel. C’est un facteur d’égalité, d’entraide, de
tolérance et de cohésion sociale. La mixité générationnelle des équipes IT peut causer des
conflits intergénérationnels de temps en temps, d’où la nécessité d’inculquer une culture
inclusive qui encourage la coopération intergénérationnelle et la transmission des
compétences. Dans la partie suivante, nous identifions le rôle que joue la diversité
générationnelle dans le processus de la transmission des compétences entre les membres des
équipes IT (2.2.3).
2.2.3. La diversité générationnelle, un atout pour la transmission des compétences dans les équipes IT
Les résultats de cette étude qualitative montre que plusieurs répondants préfèrent travailler
avec des personnes qui font partie d’une autre génération. Ce choix est fondé sur plusieurs
éléments : D’abord, le travail dans une équipe hybride est plus riche et pertinent. Ensuite, la
variété des profils permet d’avoir plusieurs avis et réflexions sur des sujets variés ou des
problématiques spécifiques. Elle encourage la collaboration et le partage intergénérationnel
ou interpersonnel des expériences et de la culture également. Puis, l’équipe multi-
générationnelle permet aux jeunes apprentis ou diplômés de transmettre aux plus âgés de
nouvelles connaissances nécessaires pour la montée en compétences, notamment dans le
15
numérique qui connaît une évolution et un changement régulier. Enfin, le travail avec des
personnes de générations différentes permet non seulement d’acquérir de nouvelles
compétences et aussi d’apprendre des nouvelles méthodes de travail et de nouveaux modes de
fonctionnement.
« Alors moi, j’aime bien travailler avec les équipes riches [...] faut qu’il y a une variété de
genre, d’âge, de culture, de religion, et voilà. [...] Parce qu’au fait [...] ce que je recherche
c’est la performance de l’équipe quoi. Tu auras différentes opinions, tu auras plus de
réflexion sur les sujets, et tu auras aussi une collaboration parce qu’au final tu auras un
partage avec équipe plus fort, que ça soit intergénérationnel ou personnel, parce que chacun
profitera de l’expérience et de la culture de l’autre. » (E.31, tuteur)
« [...] On a encore beaucoup de chose à apprendre. Et les jeunes ont beaucoup de choses à
nous apprendre, ils sortent tout juste de l’école. Mais au fait, on a beaucoup à apprendre
d’eux. Ils ont à quoi apprendre de nous un petit peu et on a à apprendre d’eux beaucoup. Et
en fait, quand vous êtes dans une équipe jeune, ça fuse. C’est-à-dire qu’il y a plein de gens
qui font plein de choses dans tous les sens et ça va très vite. Et quand on a un certain âge, il
faut s’accrocher derrière pour suivre. Si on était dans une équipe de vieux, on ferait des
appéros tous les midis et on fait rien dans la journée et je pense que le soir on va se dire mais
qu’est-ce qu’on a fait. Et je pense que c’est le constat qu’en ferait. » (E.22, tuteur)
Par ailleurs, nous constatons que la diversité générationnelle des équipes IT permet aux jeunes
d’apprendre d’anciennes méthodes et d’anciennes technologies desquelles ils auront besoins
pour travailler certains projets et répondre aux besoins de certains clients (généralement, les
plus anciens). Cet apprentissage se fait grâce à une transmission intergénérationnelle des
connaissances et des compétences.
« [...] Dans mon équipe, on est 6 et c’est entre 30 ans et 56 ans. Et c’est vraiment un plus
parce que par exemple en terme de nouvelle technologie, il y a certaines que moi j’ai appris à
l’école mais pour certaines plus anciennes, il y a mes collègues qui travaillent dessus depuis
très longtemps. Sans les formations et la transmission des informations, je n’aurais jamais pu
voir autrement. Donc, ça reste une meilleure fin. Il y a plus de compétences au sein de
l’équipe quand il y a des profils qui ont des âges différents. » (E.4, tuteur)
Nous ajoutons que les équipes multi-générationnelles représentent une mine d’informations
majeures et inépuisables. En effet, les juniors (les moins expérimentés) peuvent accéder
facilement aux seniors (les plus expérimentés) et demander leurs aides pour trouver des
solutions à des problématiques et avancer sur leurs travaux (ex : codage, développement
informatique, projet, etc.). De ce fait, l’accompagnement semble être une méthode de
transmission des compétences, très utile pour l’apprentissage des juniors.
« Il faut des consultants techniques seniors sur notre domaine, des architectes juniors et
seniors qui ont de l’expérience et qui pourront bah peut être ils auront un point de vue global
parce qu’ils sont moins dans la rédaction du code mais ils sont passés par le poste en
général. Du coup, ils sont tout à fait aptes à répondre à la majorité de nos questions. Et si
c’est important, essayer d’être accompagné par une personne qui a plus de connaissances et
qui peut nous en faire profiter. » (E.6, tutoré)
Parallèlement, nous constatons que les jeunes sont également sollicités de transmettre leurs
compétences, ne serait qu’un simple point de vue ou une approche, aux anciens.
16
« [...] on a chacun son point de vue. Et moi, en tant que jeunes [...] Quand certains de mes
collègues bloquent sur certains points, et bah on me dit : tu vas aller les aider parce que ton
approche et ton point de vue est différent et vu que tu es jeune et que tu es actuellement en
formation, il y a des trucs que tu sauras et qu’ils ne peuvent pas savoir et puis tu vas peut-
être penser à autre chose que eux ne vont pas y penser. [...] » (E.16, tutoré)
Nous retenons de tous ces propos que la diversité générationnelle représente un atout pour la
transmission des compétences dans les équipes IT, du fait que la variété des âges et des
expériences contribue à un apprentissage mutuel. Dans la partie suivante, nous identifions le
rôle que jouent les pratiques inclusives dans la transmission des compétences entre les
membres des équipes IT (2.2.4).
2.2.4. Pratiques inclusives en faveur de la transmission des compétences
L’analyse des résultats de cette étude permet de constater que l’inclusion générationnelle est
un sujet qui intéresse les entreprises du secteur numérique. En effet, plusieurs actions et
pratiques sont mises en place afin de faciliter l’accès des jeunes au travail et d’assurer leur
apprentissage et notamment les stagiaires et les alternants. L’organisation de ces pratiques ce
fait non seulement par les RH mais aussi et surtout par les managers des équipes IT, du fait de
leur proximité, ils possèdent une bonne connaissance des besoins et des attentes des membres
de leur équipe. En ce sens, les managers assurent l’accès de l’ensemble des membres, quel
que soit leur statut (apprentis ou expérimentés, jeunes ou âgées), aux ressources nécessaires
pour garantir leur évolution et leur montée en compétences.
« [...] les RH s’assurent que toutes les personnes aient accès aux savoir-faire nécessaires et
elle (la transmission des compétences) est gérée aussi par les managers plus au moins, mais
normalement les managers, ils ont à dispositions toutes les ressources nécessaires pour
s’assurer que chaque membre de son équipe ait accès aux ressources nécessaires pour son
évolution et pour tout ce qu’il a besoin quoi.» (E.31, tuteur)
Les RH, quant à eux, proposent des formations aux tuteurs afin de mieux accompagner les
nouvelles recrus, et notamment les alternants et les stagiaires qui complètent leur formation
initiale par de la pratique au sein des entreprises auxquelles ils apprennent de nouvelles
choses et acquièrent de nouvelles compétences (hard skills et soft skills). Ces formations
traitent comme sujet la gestion du temps, l’intégration des stagiaires dans une équipe de
professionnelles experts, etc. Aussi, les RH prennent en considération le statut particulier des
stagiaires. Pour cela, ils organisent des journées d’arrivée des alternants pour simplifier leur
intégration et leur transmettre des connaissances desquelles ils auront besoins durant leur
période de stage ou l’alternance.
« Les RH, ils sont là toujours pour un conseil. C'est-à-dire que c’est la RH qui m’avait
conseillé de la formation des tuteurs. [...] Alors, je crois qu’il y a une journée d’arrivée des
alternants. Mon tutoré, il est allé. [...] Où l’entreprise va être présenté de façon plus générale
et aussi l’entité dans laquelle on travaille, les métiers ainsi de suite. » (E.22, tuteur)
« On a une formation spécifique pour les tuteurs [...]. On est là pour accompagner les jeunes
dans l’acquisition des compétences qui sont les nôtres [...]. Il faut qu’on prenne bien en
compte les particularités du stage : Comment bien gérer le temps du travail des
collaborateurs ? Comment bien associer le stagiaire dans l’équipe parce que ce n’est pas un
travailleur, c’est un stagiaire. C’est un statut particulier [...] Il est là pour apprendre. Donc,
il faut l’accompagner comme il faut.» (E.6, RH)
17
« Au sein de notre entreprise, les tuteurs ont une formation de deux jours justement pour
devenir tuteur. [...] Parfois pour certains tuteurs, on donne des primes pour leur encourager
dans leur mission de tuteur. Donc voila, ce n’est pas quelque chose qui est pris à la légère.
C’est vraiment un suivi qu’il y a [...]» (E.3, RH)
Par ailleurs, les répondants soulignent que parmi les actions lesquelles promeuvent la
transmission des compétences dans les équipes multi-générationnelles, sont la mise en place
des communautés de métier et la création des réseaux sociaux propres à l’entreprise. Ces
outils permettent de trouver des réponses à questions, de développer l’esprit d’équipe, d’avoir
une égalité d’accès aux informations utiles et connaissances nécessaires, d’avoir la capacité
d’échanger avec des personnes de tous âges et de renforcer les liens sociaux entre des
individus de profils divers.
« [...] ce qu’on perçoit avec les tuteurs et les parrains désignés. [...] Ils en profitent aussi et
ils en tirent un certain bénéfice parce que les jeunes aujourd’hui ont une certaine ouverture et
notamment encore une fois dans le domaine de l’informatique. [...] Donc, il y a ce type
d’échange qui peut naître c’est pour ca qu’on a développé ces communautés que j’ai
évoquées en début d’échange. Dans ces communautés (les communautés de métier), il y a le
jeune Geek qui férue de toutes les nouveautés et il y a le senior qui est là depuis très
longtemps et qui est lui expert de tous les sujets, voilà ces deux populations se côtoient. »
(E.12, RH)
« C’est au travers les SHAREPOINTS, etc. Ils vont poser les questions au travers le réseau
social, etc. Et ils arrivent toujours à trouver quand même des personnes qui sont capables de
répondre à leurs questions, des choses comme ça. » (E.17, RH)
Les répondants ajoutent que la transmission des compétences se fait dans tous les sens. En
effet, le « reverse mentoring » ou le tutorat inversé permet aux jeunes de partager leurs
connaissances et leurs compétences avec les plus âgés. Ce qui permet, à notre sens, briser les
barrières de l’âge et assurer les mêmes modalités d’accès à la formation pour tous les
collaborateurs.
« Chez nous, on a le mentoring depuis très longtemps et on a mis en place du reverse
mentoring, et notamment pour que les plus jeunes, notamment les natifs des réseaux sociaux,
etc. puissent aider les plus âgés que nous sommes à acquérir les compétences des réseaux
sociaux, [...]» (E.8, RH)
Nous retenons de ce qui précède que plusieurs pratiques organisationnelles inclusives
permettent de favoriser et faciliter la transmission intergénérationnelle des compétences au
sein des entreprises du secteur du numérique. Ces pratiques sont encouragées par l’entreprise
en tant que telle, mais elles sont des pratiques collectives et volontaires, instaurées par toutes
les parties prenantes (RH et collaborateurs) pour réduire les écarts générationnelles,
encourager le soutien et l’entraide intergénérationnelle et garantir la montée en compétences
pour tous.
Discussion
La recherche menée permet de répondre à notre problématique et de déterminer l’impact de la
diversité générationnelle des équipes IT sur la transmission des compétences individuelles.
Ainsi les résultats de l’étude qualitative permettent de confirmer l’importance de l’inclusion
des individus de générations différentes et de souligner que la qualité des relations entre des
profils diversifiés favorise la transmission des compétences et contribue à sa réussite.
18
En effet, malgré les limites que présente cette communication, les résultats de l’étude
renforcent et complètent les recherches précédentes, notamment celles de Delay et Huyez-
Levrat (2006), de (Bennett et al., 2012), de Fabre et Roussel (2013), de Bruna (2014), et de
Offerman et Basford (2014). En effet, les résultats de cette étude qualitative permettent
d’identifier des éléments déterminants :
Premièrement, la qualité des relations intergénérationnelles favorise la transmission des
compétences et l’apprentissage mutuel sans prêter attention à la particularité ou à la
singularité des individus. Nous confirmons par cette étude qualitative les propos de Fabre et
Roussel (2013) qui estiment que la qualité des relations entre les collaborateurs promeut
l’apprentissage et l’acquisition des nouvelles compétences, et les travaux de Chouki et
Persson (2016) qui considèrent que ce qui peut nuire à la relation entre un tuteur et un tutoré,
c’est différence des avis et des expériences. De plus, nous estimons que le contexte particulier
de l’équipe IT permet à ses membres de communiquer et d’échanger aisément, et ceux sont
dus à des points en commun, à savoir : le même vocabulaire technique, la même ambition et
passion pour l’informatique, etc. De ce fait, il impacte la qualité de leurs relations
professionnelles et humaines. Nous ajoutons que l’incompréhension et la méconnaissance
d’autrui peuvent être des causes de conflits professionnels et nuire, par conséquent, à la
qualité des relations au travail. Ainsi, nous confirmons les résultats des travaux réalisés par
karsenty (2011) et Caradec (2008). En effet, nous estimons que la communication et la
proximité géographique sont indispensables pour réussir les relations professionnelles
(interpersonnelles ou intergénérationnelles), notamment lors de la transmission des
compétences. De plus, nous complétons les travaux de Shore et al. (2011) et nous soulignons
que la culture organisationnelle, le partage des espaces de travail, le partage d même métier et
de la même ambition, et l’intérêt commun renforcent les relations entre les collaborateurs.
Ainsi, ils atténuent les conflits professionnels (notamment intergénérationnels) et favorisent la
transmission intergénérationnelle des compétences.
Deuxièmement, cette étude montre que la diversité générationnelle est une opportunité pour
les membres des équipes IT. La mixité générationnelle et la diversité des profils contribuent à
l’apprentissage et à la transmission des compétences individuelles grâce à la cohabitation et la
coopération intergénérationnelles. De plus, elles symbolisent l’égalité, l’entraide, la tolérance
et la cohésion sociale. Dans ce sens, nos résultats sont cohérents avec d’autres travaux de
recherches (Bennett et al., 2012 ; Bruna, 2014 ; Dreyfuss et Pijoan, 2015). En effet, le travail
dans une équipe multi-générationnelle facilite le partage des compétences et permet le
renouvellement de celles-ci ainsi que des pratiques inclusives. Les résultats montrent que
l’inclusion générationnelle impacte la collaboration entre les collaborateurs appartenant à des
générations différentes (Bruna, 2014). En l’occurrence, l’appartenance à une équipe hybride
permet aux plus jeunes d’apprendre de nouvelles méthodes de travail et de nouvelles
compétences. De plus, à travers une transmission inversée des compétences, ces jeunes
transmettent, à leur tour, des compétences technologiques et numériques aux plus âgés.
Troisièmement, les recherches antérieures identifient plusieurs pratiques organisationnelles
inclusives qui promeuvent l’inclusion (Offerman et Basford, 2014). Quant à nous, notre étude
complète ces travaux de recherche et souligne que les pratiques inclusives (quelles soient
managériales ou RH) sont des pratiques volontaires. Elles favorisent la transmission
intergénérationnelle des compétences individuelles, encouragent le soutien entre pairs et
l’entraide intergénérationnelle, et assurent le développement des compétences. Il s’agit des
actions et des pratiques encouragées par les entreprises (dans le cadre d’une culture inclusive)
et nécessitent l’implication de toutes les parties prenantes (RH, managers et collaborateurs),
comme nous pouvons le conclure des travaux d’Offerman et Basford (2014) et Shore et al.
19
(2018). Nous citons à titre d’exemple : la proposition des formations aux tuteurs avant
d’accompagner des tutorés ; et l’organisation des journées d’accueil afin de faciliter
l’intégration des nouvelles recrues et leur transmettre les codes de fonctionnement. Ainsi,
nous complétons les recherches anglo-saxonnes (ex : Roberson, 2006 ; Nishii et Rich, 2014)
et nous enrichissons la littérature francophone sur l’inclusion intergénérationnelle, les
pratiques inclusives et la transmission des compétences. Par ailleurs, comme le suggèrent
Farndale et al. (2015), ce travail de recherche prend en compte un contexte particulier : le
secteur de numérique en France. En effet, nous rappelons que l’une des particularités de ce
terrain de recherche est la diversité générationnelle des collaborateurs (notamment des
équipes IT).
A l’issue de étude qualitative réalisée dans le secteur du numérique, nous soulignons ainsi le
rôle important que joue toutes les parties prenantes dans la mise en place des pratiques
organisationnelles inclusive et dans l’instauration d’une culture inclusive permettant
d’encourager les collaborations intergénérationnelles, de faciliter l’intégration des jeunes
recrus et de réussir la transmission des compétence individuelles.
Conclusion
L’objectif de cette communication est de mieux comprendre comment la diversité
générationnelle et la qualité des relations en entreprise peuvent favoriser la transmission
intergénérationnelle des compétences individuelles en particulier dans le secteur du
numérique en France. Nous soulignons ainsi le rôle que joue l’inclusion des individus de
générations différentes (dans une équipe IT) pour faciliter et encourager cette transmission.
Après avoir présenté un état de l’art sur l’inclusion et la diversité générationnelle dans les
organisations, nous avons questionné l’impact de la diversité générationnelle des équipes IT
sur la transmission des compétences individuelles. Nous avons choisi un secteur particulier et
représentatif, le secteur des technologies d’information et de communication (du numérique).
La particularité de ce secteur est qu’il représente un marché de compétences transmissibles :
techniques (hard skills), gestionnaires et comportementales (soft skills). Ainsi ils rassemblent
des individus de différences profils. Dans le cadre de cette étude qualitative, nous nous
sommes appuyé sur une approche qualitative fondée sur des entretiens semi-directifs menées
auprès des cadres RH et des collaborateurs (tuteurs et tutorés) des entreprises du numérique.
En conclusion de cette communication, nous soulignons que celle-ci apporte plusieurs
contributions. Sur le plan théorique et académique, cette communication permet de
comprendre le rôle que jouent la qualité des relations intergénérationnelles et la diversité
générationnelle dans le processus de la transmission des compétences. Cette communication
permet de compléter les travaux antérieurs et de contribuer ainsi à la littérature sur l’inclusion
et la diversité générationnelle. Sur le plan managérial, cette communication contribue à
l’identification de nouvelles pratiques inclusives (managériales et RH) à mettre en place pour
faciliter et encourager la transmission intergénérationnelle des compétences. Cette étude
qualitative connaît des limites d’ordres méthodologiques et détermine ainsi de nouvelles
perspectives. D’abord, il est recommandé d’interroger les managers des équipes pour mieux
comprendre la manière dont ils procèdent pour gérer la diversité et mixité générationnelles.
Ensuite, élargir l’échantillon et le faire suivre par une étude quantitative afin de vérifier les
résultats obtenus et les généraliser.
20
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