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Enseignants, coopérez avec les neurosciences !

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&Animat ionN°238 Janvier-Févr ier 2014 – Pr ix : 2 ,50 !N°238 Janvier-Févr ier 2014 – Pr ix : 2 ,50 !

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AUTOUR DU MONDE

Echanges internationauxDes CM2

partent à la découverte de Hong-Kong

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Echos desUne expérience pionnière

Observer la vie fascinante des abeilles!!

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Animation & Education est la revue pédagogique de l’Office Central de la Coopération à l’Ecole

Pédagogie coopérative

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De «Neurosup» aux«Neuroclasses» - Lierfonctionnement ducerveau et apprentissageParu en page(s) : 14-17dans le No 238 d'A&E

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Enseignants, coopérez avec les neurosciences !

De « Neurosup » aux « Neuroclasses »Lier fonctionnement du cerveau et apprentissage

Animation & Education : Qu’est-ce que le projet « Neurosup »(1) ?

Eric Gaspar : Neurosup se pro-pose de rassembler et de présenteraux enseignants et élèves la syn-thèse des dernières avancées enneurosciences dans le domaine del'apprentissage.

Les neurosciences apportent, eneffet, un éclairage nouveau sur l'ap-prentissage. Cet éclairage ne vientpas se substituer à ceux déjà exis-tants, il s'y ajoute. Les neuroscienti-fiques les plus sérieux aiment à direqu'il n'est pas prescriptif mais qu'ilest déjà incontournable. Je trouveque c'est une excellente formule quirésume bien tout le positif que l'onpeut extraire de ces avancées scien-tifiques qui viennent souvent confir-mer ce que nous pressentions demanière purement empirique (en tantque professeur ou en tant qu'élève)et viennent expliquer toute unepanoplie de situations que l'on ren-contre chaque jour en classe.

La valeur ajoutée de Neurosupréside dans sa destination simulta-née aux enseignants ET aux élèves.

En France, il est de coutume de for-mer les premiers aux méthodespédagogiques, mais pas les seconds.Par ailleurs, lors de la formationpour les enseignants, il est fréquentde parler de l'existence des concep-tions-représentations que peuventavoir les élèves sur une notion de ladiscipline enseignée, mais jamais deleurs conceptions-représentationssur l'apprentissage en lui-même. De

nombreux élèves pensent, parexemple, que l'intelligence est unevaleur innée et que l'on fait toutesa vie avec un capital fixé à la nais-sance (alors que l'on sait désormaisque c'est un non-sens scientifique,du seul fait de la plasticité céré-brale). Comment s'étonner alorsplus longtemps que de nombreuxélèves ne tiennent pas vraimentcompte des conseils donnés parleurs professeurs, s'ils sont convain-cus qu'il y a un caractère inéluctableà leur réussite dans telle ou tellematière ou que cela prendra untemps bien trop long (et doncdécourageant) pour arriver à desprogrès significatifs et qui procu-rent du plaisir ?

A&E : Le rapprochement dontvous parlez, Neuroscience etScience de l’éducation, constituedonc la Neuro-éducation ?

E.G. : Oui, la neuro-éducation ou« neuroscience de l'éducation » estun champ qui se veut transdiscipli-naire, source de coopération présenteet future entre le milieu de l'éduca-tion et le milieu de la recherche. Sonobjet principal est de pointer les liensentre fonctionnement du cerveau etfacteurs qui peuvent éventuellementfaciliter un apprentissage (ou le com-pliquer inutilement), puis de lesrendre accessibles au plus grandnombre. Tout en gardant à l'espritqu'aucune conclusion ne peut êtreuniverselle ou prescriptive en matièrede didactique !

A&E : Pouvez-vous nous donnerun exemple de lien possible entreces nouvelles connaissancesscientifiques, résultant des pro-grès de l’imagerie médicale, et lafaçon d’enseigner ?

E.G. : Prenons l’exemple du fonc-tionnement de la mémoire. Lamémoire à court terme, désormais

Actuellement, en France, 145 « neuroclasses » expérimentent unenouvelle méthode d’enseignement dont l’originalité réside dansl’application des principes de base du fonctionnement du

cerveau. Eric Gaspar, professeur de Mathématiques, porteur du projetNeurosup, est à l’initiative de cette approche pédagogique basée surle résultat des recherches neuroscientifiques. Explications.

Plus d’informations sur :http://www.neurosup.fr

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souvent appelée mémoire de travail(incluant une mémoire à courtterme) pour rappeler le caractèreactif de cette mémoire (car elle n'estpas un simple réceptacle de donnéesque le cerveau ne travaillerait pas,ne modifierait pas, n'associeraitpas), possède une capacité de stoc-kage limitée dans le temps (dequelques secondes à une minute, enmoyenne) et dans le volume (de 5 à9 items en moyenne). Au-delà de ceslimites, la mémoire de travail effacedes données… ! Inutile, donc, de seperdre dans des consignes ou expli-cations qui se veulent exhaustives sion peut les segmenter. Par ailleurs,la mémoire de travail efface égale-ment les données qui ne semblentpas intéressantes, ou pas intéres-santes pour le futur proche, pour lecerveau. Il est donc risqué (commenous le faisons tous) de parler pen-dant 10 minutes aux élèves dequelque chose et de dire juste après :« Bon, eh bien, maintenant nousallons faire une activité sur ce queje viens de dire… ». Car le cerveau,n’ayant pas été averti que ces don-nées allaient servir immédiatementa, entre temps, effacé de nombreusesinformations. Mieux vaut alors pré-venir : « Dans 10 minutes, nousallons faire une activité sur tellechose, durant laquelle vous allez avoirbesoin de mémoriser ce que je vaisvous dire maintenant ». Voici legenre d'astuce qui ne coûte rien maisqui rend bien des services à tout lemonde, élèves comme enseignants.

On sait que la mémorisationdurable passe par trois grandesétapes qui sont : l'encodage, lestockage, le rappel. L'encodage sol-licite particulièrement la mémoirede travail (ce qui demande donc dene pas saturer inutilement cettemémoire, notamment en évitantd'être investi simultanément dansde multiples tâches cognitives

concurrentielles). Le stockage etson degré de profondeur sont assu-rés par de multiples allers-retoursentre la mémoire de travail et lamémoire à long terme. Plus on réac-tive (en relisant, en en reparlant,etc.), plus on consolide la tracemnésique. Réviser sert donc àquelque chose, même quand on acompris, contrairement à ce que denombreux élèves croient. Le rappeld'une information stockée va êtred'autant plus facile que l'encodageaura été bon et que l'on disposed'indices pour la récupérer. Cesindices peuvent être créés en y pen-sant consciemment lors de la phased'encodage, grâce à des associa-tions personnelles.

Comprendre et mémoriser sontdeux choses différentes même s'ilest scientifiquement prouvé que l'unaide l'autre.

A&E : Ce sont ces astuces etconnaissances que vous appliquezconcrètement dans les classesexpérimentant votre méthode etque vous appelez Neuroclasses ?

E.G. : En effet car une neuroclasseest une classe ayant pour projet d’ap-pliquer les connaissances des neuros-ciences et où tous les professeurs sontdonc formés aux principes de base dufonctionnement du cerveau dans lecontexte d'apprentissage (scolaire ounon, car nous avons le même cerveaudans les deux cas, faut-il le rappeler !).

« (…) une neuroclasse est une classe ayant pour projet d’appli-quer les connaissances des neurosciences et où tous les professeurssont donc formés aux principes de base du fonctionnement du cerveau dans le contexte d'apprentissage (scolaire ou non, car nousavons le même cerveau dans les deux cas, faut-il le rappeler !) »

Eric Gaspar

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La formation proposée ne demandeaucun bagage scientifique préalable,se veut exempte de toute erreurscientifique en l'état actuel desconnaissances (le contenu a notam-ment été vérifié et évalué positive-ment par Patrice Potvin, neuroscien-tifique à l'Université du Québec, à

Montréal) et rapidement dirigée versles situations concrètes qu'ensei-gnants et élèves rencontrent chaquejour en classe.

Une fois les professeurs formés,ceux-ci constituent une équipepédagogique entière à la rentrée de

septembre, et forment à leur tourleurs élèves, grâce au DVD fourniaux seuls établissements participantau projet. Ceci à l'occasion notam-ment de six séances d'environ deuxheures. Le reste de l'année, les pro-fesseurs et les élèves sont alors pos-sesseurs des mêmes informations,ce qui permet de donner une dyna-mique inédite et un travail communfructueux, grâce à de nombreusesréférences possibles aux différentspassages de la formation.

L’enseignant a intérêt à répéter et faire des exercicesd'entraînement

Chaque connaissance est en fait matéria-lisée par un trajet neuronal. Répéter, révi-ser permet de consolider ce trajet et d'ac-célérer la vitesse de transmission desinformations.

L'enseignant donne souvent un seulexemple après avoir présenté la théorie(voire pas d'exemple du tout). A cet instant,plusieurs élèves n'écoutent pas, pensantqu'il s'agit d'un moment accessoire. Or,l'exemple, en particulier s'il est relié àquelque chose que l'élève a rencontrédans sa vie, a un impact considérable surla compréhension de la notion et sa mémo-risation.

Les enseignants ont donc intérêt à multi-plier les exemples, à les répéter et à attirerl’attention des élèves sur ce moment pré-cieux pour la compréhension.

Apprendre moins mais apprendre mieux

Les réseaux neuronaux sont à la base dela compréhension d'une information, deson encodage, de sa mémorisation et de safuture restitution. La notion de combinaisonest adaptée à cette configuration.

Ainsi, consacrer les 5 dernières minutesdu cours à faire le résumé de l'heure écou-lée avec les élèves leur permet de partiravec de bonnes combinaisons de notions,déjà triées de surcroît.

« L’idée, explique Elise Mazelin*, est defixer des objectifs aux élèves, de les aiderà reformuler la leçon pour voir s’ils ontcompris. Ce n’est pas une perte de temps.

Auparavant, lorsque j’avais 5 minutes enfin de cours, je voulais expliquer une notionsupplémentaire. Je tombais dans la suren-chère de documents. Désormais, en fin decours, je reviens sur les points essentiels.Les élèves en apprennent peut-être moinsmais mieux ».

*Enseignante en économie-gestion auLycée Delorme de l’Isle-d’Abeau.

Comprendre aide à mémoriser mais ne suffit pas pour mémoriser

Pour faciliter la tâche de mémorisationpar le cerveau (mémoire de travail etmémoire à long terme), il est conseilléd'adopter des stratégies de mémorisation,comme, par exemple, le regroupement desituations ou de mots pour diminuer lenombre d'items à gérer (ce n'est pas laseule astuce, bien sûr).Formules et carte mentale

Au collège de Fontoy*, Valérie Sébastiani,professeure de Mathématiques, et MoniqueLanois, professeure de Français, se sontportées volontaires pour expérimenter laméthode Neurosup avec une classe de3ème. Si leurs élèves se montrent intéres-sés par la méthode, ils ne la mettent pastous en pratique : « Cela dépend des tech-niques, explique Valérie Sébastiani, je leurai donné une formule lorsque nous avonsfait le chapitre sur la trigonométrie qu’ils onttrès bien retenue. Il s’agit de « CAHSOH-TOA » qui signifie Cosinus adjacent sur l’hy-poténuse, Sinus opposé sur hypoténuse,tangente opposée sur adjacent ». En fran-çais, sa collègue Monique Lanoix a, quant àelle, utilisé la méthode de mémorisationgrâce à l’élaboration d’une carte mentale eta donc choisi d’apprendre à ses élèves àprendre des notes avec cet outil.

Des astuces pour mieux enseigner et apprendreVoici quelques exemples de connaissances en neurosciences qui viennent légitimerou enrichir les pratiques d’apprentissages ou les conseils donnés habituellement parles enseignants mais dont les élèves ne tiennent pas forcément compte, or, ils devraient !

Synthèse Marie-France Rachédi

Exemples

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En trois ans, en France, 145 classesont été formées par leurs professeursgrâce au projet Neurosup. Le nombrede classes impliquées dans un éta-blissement donné va d’une classe àtoutes les classes (ce qui est le caspour l ’Internat d’Excellence deMontpellier dont l'enthousiasme desélèves, des enseignants, et deM.Sirvent, proviseur, est remar-quable). La formation s'adresse àtous les publics, pour l'instant du

cycle 3 de l'école primaire au Bac +2,en passant majoritairement par lescollèges et les lycées.

Le projet Neurosup comporte uneévaluation qualitative de l'évolutiondes pratiques méthodologiques desélèves au cours d'une année aucontact du projet. Cette évaluationpermet aux enseignants d'avoir desretours des élèves sur ce point, tou-jours délicat à formuler, et à déci-der de la poursuite du projet l'an-

née d'après (avec extension ou nonà d'autres classes et d'autres pro-fesseurs), ce qui est le cas pour uneécrasante majorité.

Interview Marie-France Rachédi

1. Présentation du projet Neurosup, exemple deNeuroclasses, témoignages d’enseignants, d’élèves,recherches récentes… Voir www.neurosup.fr

Ménager des pauses de trente secondes A l ’école primaire Jean-Burger de

Knutange*, Fabrice Cerbai participe, avecses élèves de CM2, à l’expérimentationNeurosup. Il met également en place cer-tains facteurs de la méthode : la carte men-tale, la synthèse de cinq minutes en fin decours mais, également, il s’oblige à préser-ver des pauses de trente secondes toutesles quinze minutes de cours afin de réacti-ver l’attention des élèves.

Le résultat plus que positif du bilan aconduit à étendre le projet, à la rentrée2013, à tous les CE2, CM1 et CM2.

Réviser efficacement

Les avancées en neurosciences permet-tent d'expliquer pourquoi il faut : Fractionner son travail du soir en étapesfacilement atteignables

« Je fais 15 minutes de maths et après jepasse à autre chose, quitte à y revenir après ».

Car le succès entraîne dans le cerveau lalibération de « dopamine », qui donneraenvie de recommencer ou en tout cas nousempêchera d'être écœuré. Donc, très vite,un meilleur moral et une meilleure capacitéde travail. Essayez un soir, pour voir... Revoir son cours le soir même

Nous sommes lundi. L'élève a cours demaths. La prochaine fois qu'il aura mathssera vendredi. D'un point de vue de lamémorisation, il lui sera plus efficace de sereplonger dans le cours le lundi soir même,plutôt que le jeudi soir (veille du prochaincours).Rédiger une fiche unique

L’élève souhaite faire des fiches de révi-sion. D'un point de vue de la facilité à com-prendre et mémoriser, il lui sera plus effi-cace de confectionner un document uniquepour un chapitre plutôt que sur plusieurspetites feuilles. Encore plus si les informa-tions sont regroupées en catégories.

* Sources : pour d’autres exemples voirwww.neurosup.fr ; pour Collège de Fontoy et école de Knutange,voir le Journal « Le Républicain Lorrain » du 3janvier 2013 ; pour le Lycée Delorme, voir « Le Dauphiné Libéré » du 8 janvier 2013 :Neurosup au lycée Delorme (L'Isle-d'Abeau - 38).

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