IFPEK Rennes
Institut de Formation en Ergothérapie
Ergothérapie, sclérodermie systémique et qualité de vie
Comment aider la personne à mieux vivre avec sa maladie ?
Dans le cadre de validation des UE suivantes :
UE 5.4 – S6 : initiation à la démarche de recherche
UE 5.6 – S 6 : anglais professionnel
UE 6.5 – S6 : Evaluation de la pratique professionnelle et recherche
Sous la direction de Jean-François GUICHOUX, cadre de santé et formateur à l’IFPEK
Annabel PRUVEL Année 2015-2016
Selon le code de la propriété intellectuelle, toute reproduction intégrale ou partielle faite sans le
consentement de l’auteur est illégale.
Résumé du mémoire :
La sclérodermie systémique est une maladie rare, chronique et auto-immune dont l’origine
n’a pas clairement été mise en évidence. De par sa chronicité, elle entraîne des
changements physiques et sociaux influant sur la qualité de vie. La personne atteinte va
devoir alors être accompagnée pour accepter cette évolution. L’ergothérapeute intervenant
auprès de ces personnes se base sur les habitudes de vie.
Cette étude a pour objectif de déterminer l’impact de l’accompagnement ergothérapique sur
la qualité de vie des personnes atteintes de sclérodermie systémique.
Des entretiens réalisés auprès d’ergothérapeutes et de patients atteints de la maladie ont
mis en évidence que la relation de confiance entre l’ergothérapeute et le patient était
primordiale. Celle-ci se construit grâce à une attitude aidante de l’ergothérapeute et la prise
en compte des habitudes de vie de la personne. Enfin, une nouvelle réflexion autour de la
perception de la maladie chronique (par la personne et le soignant) et les apports de
l’éducation thérapeutique est abordée.
Mots-clefs : sclérodermie systémique, qualité de vie, accompagnement ergothérapique
Abstract:
Systemic Sclerosis (scleroderma) is a rare, chronic, and auto-immune disease. Its origin has
yet to be determined. This chronic state leads to some physical and social changes which
affect patients’ quality of life. Therefore, people with scleroderma need professional support
to better cope with it all. Occupational therapists will adapt their intervention based on the
person’s lifestyle preferences.
The objective of this survey is to measure the impact of the occupational therapist’s support
on the quality of life of people with systemic sclerosis.
Interviews with occupational therapists and people with scleroderma were carried out (and
have shown how essential a trusting relationship between OT and patients is. (They revealed
that a trusting relationship between the occupational therapist and the patient is essential).
This trusting relationship can be established through supportive attitude and attention to the
person’s ….. A further reflection on the patient’s and the caregiver’s perception of chronic
disease and on therapeutic information approaches is broached.
Key words: systemic sclerosis, quality of life, occupational therapy support, support through
OT/patient relationship
Remerciements
Tout d’abord, j’aimerais remercier les personnes qui ont contribué à la rédaction de ce
mémoire :
Mon directeur de mémoire, ma responsable pédagogique et l’équipe de l’IFER qui ont pu m’aider dans
le cheminement de ma réflexion
Toutes les personnes qui ont accepté de répondre à mes questions et notamment les patients d’avoir
accepté de partager leur expérience
Ma famille et mes amis normands pour leur soutien inconditionnel
Mon groupe mémoire pour le soutien mutuel que nous avons pu nous apporter
Mes camarades de promotion pour tout ce que nous avons pu vivre ensemble
Mes amies « bretonnes »pour ces trois magnifiques années que j’ai passées à leurs côtés. Elles m’ont
confirmé que la diversité est ce qui fait la richesse d’un groupe.
Enfin, mon père et Héloïse pour leur aide, leurs relectures attentives et leurs conseils avisés
Merci
A mes grands-mères, qui m’ont vue entrer à l’IFER mais qui n’ont malheureusement pas pu voir
l’aboutissement de ce travail…
Sommaire 1 Introduction .................................................................................................................... 1
2 Problématique ................................................................................................................ 2
3 Cadre théorique.............................................................................................................11
3.1 Impacts de la sclérodermie systémique ..................................................................11
3.2 Qualité de vie et processus de changement ...........................................................16
3.3 Accompagnement ergothérapique et prévention liée à la sclérodermie systémique
22
4 Enquête .........................................................................................................................31
4.1 Méthodologie ..........................................................................................................31
4.1.1 Choix de l’outil utilisé .......................................................................................31
4.1.2 Choix des personnes à interroger....................................................................31
4.2 Analyse des données recueillies ............................................................................32
5 Discussion .....................................................................................................................41
6 Conclusion ....................................................................................................................48
7 Bibliographie .................................................................................................................49
8 Sommaire détaillé………………………………………………………………………………52
9 Sommaire des annexes…………………………………………………………………………..54
1
1 Introduction
De nos jours, les maladies chroniques se font de plus en plus fréquentes. En effet, les
progrès en matière de santé ont permis au gens de vivre plus longtemps, ce qui a entraîné
un vieillissement de la population. Or, ce vieillissement de population a des conséquences :
des maladies qui n’existaient pas ou peu auparavant sont apparues. Les traitements
apportés par la recherche permettent souvent de retarder les conséquences de ces maladies
mais rarement de les supprimer. Les personnes sont alors amenées à vivre pendant
longtemps (souvent, plusieurs années) avec leurs maladies.
La sclérodermie systémique fait partie de ces maladies. C’est une pathologie rare qui a pour
conséquence principale une fibrose important qui entraîne le durcissement de la peau, d’où
son nom (en grec, skleros veut dire dur et derma veut dire peau) mais aussi des tissus
composant les autres organes (d’où l’adjectif systémique). Elle a donc de nombreuses
conséquences physiques et esthétiques et peut gêner la vie quotidienne et sociale de la
personne atteinte.
L’ergothérapeute, professionnel de santé spécialisé dans l’indépendance et l’autonomie de
la personne peut alors intervenir pour essayer d’améliorer la vie quotidienne de celle-ci. Or,
son intervention peut ne pas s’arrêter à ce simple aspect « technique ».
En effet, les aspects physiques et fonctionnels de la maladie vont engendrer des difficultés
psychologiques et sociales. Le patient peut avoir du mal à accepter sa maladie.
L’objectif de ce travail de recherche est de déterminer l’impact que peut avoir
l’ergothérapeute sur la qualité de vie des personnes atteintes de sclérodermie systémique.
La première partie du travail consistera à exposer le processus qui m’a amenée à poser ma
question de recherche. Cette question sera alimentée de deux hypothèses qui vont orienter
la suite de l’écrit. La deuxième partie se proposera de théoriser les différents aspects
énoncés dans la question de recherche et les hypothèses, comme la sclérodermie
systémique, ses conséquences, l’impact d’une maladie chronique sur la qualité de vie,
l’accompagnement ergothérapique (tant dans ses dimensions techniques que relationnelles).
Une enquête sera ensuite effectuée auprès d’ergothérapeutes et de patients pour recueillir
leurs avis et leurs expériences sur les thèmes abordés auparavant. La dernière partie se
proposera de croiser les lectures et les résultats de l’enquête pour répondre à la question de
recherche et émettre de nouveaux questionnements.
2
2 Problématique
A l’occasion de ma formation en ergothérapie, j’ai effectué un stage dans un service de
rhumatologie. J’ai eu l’occasion d’y rencontrer un bon nombre de personnes atteintes d’une
pathologie appelée sclérodermie systémique. Cette maladie concerne le tissu conjonctif et
les vaisseaux qui sont victimes d’une fibrose importante. L’étiologie de la sclérodermie
systémique est encore inconnue, même si de nombreuses pistes sont explorées
actuellement par la recherche. On sait tout de même que la maladie est déclenchée par un
processus auto-immun et que de nombreux facteurs jouent sur celui-ci.
2.1 Données épidémiologiques
Cette maladie touche principalement des femmes (trois à huit femmes pour un homme). Il
existe un pic de fréquence entre 45 et 64 ans. En France, la prévalence de la maladie a été
estimée entre 6000 et 8000 personnes atteintes (Haute Autorité de Santé (HAS), 2009).
2.2 Répercussions de la sclérodermie systémique
2.2.1 Répercussions fonctionnelles
La sclérodermie systémique connaît différentes formes et manifestations mais certains
symptômes sont récurrents. Dans ce travail, je ne m’intéresserai qu’à la sclérodermie
systémique de forme diffuse et je me concentrerai sur la population adulte.
Les personnes atteintes sont facilement fatigables. Elles connaissent souvent des problèmes
respiratoires, rénaux et digestifs.
La fibrose du tissu conjonctif entraîne un durcissement, un épaississement et un
assèchement de la peau. Les articulations en sont particulièrement touchées et se trouvent
en limitation d’amplitude. Cela est le cas notamment pour les mains des patients, ce qui
induit un retentissement fonctionnel important dans toutes les activités de vie quotidienne.
Le rétrécissement des vaisseaux conduit au phénomène de Raynaud. Celui-ci rend les
extrémités du patient très sensibles au froid. La personne est donc obligée de se protéger de
façon importante, notamment pendant l’hiver. Cette sensibilité, couplée à l’assèchement de
la peau provoque souvent des ulcères, parfois très étendus, au niveau des doigts. Les mains
sont donc très douloureuses et peu fonctionnelles. L’ischémie causée par le rétrécissement
de la lumière des vaisseaux peut donner, à long terme, une nécrose des extrémités et
amener à une amputation.
3
Des douleurs importantes sont fréquentes. Elles peuvent être causées par les ulcères et
leurs infections consécutives, mais aussi par les tiraillements dus à l’assèchement de la
peau. Certaines personnes subissent aussi des crises rénales à répétition.
2.2.2 Répercussions psychologiques
J’ai rencontré de nombreux patients atteints. Ils décrivent souvent la maladie comme très
invalidante. Aucun de ces patients ne travaillait et certains en souffraient. Certains, ayant
pour habitude d’effectuer la majorité des tâches ménagères et familiales, se trouvaient très
limitées et me l’ont exprimé à de nombreuses reprises.
Les relations sociales sont souvent touchées : la personne est fatigable et passe parfois
beaucoup de temps à des rendez-vous médicaux. Elle a moins le temps de s’occuper de sa
famille, est moins disponible pour voir ses amis… Les transformations physiques qui
s’opèrent lors de la maladie peuvent aussi gêner la personne : elle peut avoir peur du
jugement des autres et se renfermer sur elle-même.
Les relations de couple peuvent aussi être perturbées pour les mêmes raisons : personne
moins disponible, peur du jugement de l’autre, …
La douleur joue aussi un gros rôle dans la répercussion psychologique de la maladie, ainsi
que le fait que la maladie soit orpheline : le diagnostic est souvent tardif, les causes sont
toujours inconnues et la maladie n’est pas une priorité de la recherche, sa prévalence étant
faible, comparée à des maladies comme le cancer. Tout cela est souvent très dur à accepter
pour le patient.
2.3 Sclérodermie systémique et ergothérapie
Voici la définition de l’ergothérapie donnée par l’Association Nationale Française des
Ergothérapeutes (ANFE) :
« L'objectif de l'ergothérapie est de maintenir, de restaurer et de permettre les activités
humaines de manière sécurisée, autonome et efficace. Elle prévient, réduit ou supprime les
situations de handicap en tenant compte des habitudes de vie des personnes et de leur
environnement. L'ergothérapeute est l'intermédiaire entre les besoins d'adaptation de la
personne et les exigences de la vie quotidienne en société. » (ANFE, 2016)
On voit donc que l’ergothérapeute est un professionnel qui intervient sur les problèmes
d’indépendance liés aux situations de handicap que peut connaître une personne.
Les personnes atteintes de sclérodermie systémique connaissent des situations de handicap
qui limitent leur indépendance. D’après Sylvie MEYER, le groupe de travail ENOTHE
4
(European Network of Occupational Therapy in Higher Education) a défini l’indépendance
comme « le fait d’être capable de réaliser des activités de la vie de tous les jours de manière
satisfaisante » (MEYER, 2013). La maladie, associée à des caractéristiques particulières de
l’environnement ou des habitudes de vie, peut donc empêcher la personne de faire ce dont
elle a envie ou besoin. Cette limitation peut avoir des conséquences sur la qualité de vie de
la personne et donc son vécu de la maladie.
J’ai consulté le Protocole National de Diagnostic et de Soins (PNDS) pour la Sclérodermie
Systémique (Affection Longue Durée n°21) de la Haute Autorité de Santé (HAS) et la liste
des actes et produits remboursés (LAP). Dans celle-ci, il est mentionné la rééducation des
personnes, pour limiter les déficiences liées à la maladie, la confection d’orthèses pour
ralentir l’apparition des limitations articulaires, et la recommandation d’aides techniques ou
d’aménagements de l’environnement pour compenser les situations de handicap. Toutes ces
actions relèvent du champ de compétences de l’ergothérapeute. En effet, dans l’arrêté du 5
juillet 2010, relatif au diplôme d’Etat d’ergothérapeute figure un référentiel d’activités (Annexe
I de l’arrêté) auquel est lié un référentiel de compétences. La compétence 3 s’intitule
« mettre en œuvre des activités de soins, de rééducation, de réadaptation, de réinsertion et
de réhabilitation psycho-sociale en ergothérapie » (Ministère de la Santé et des Solidarités,
2010). La compétence 4, elle, consiste à « concevoir, réaliser, adapter les orthèses
provisoires, extemporanées, à visée fonctionnelle ou à visée d’aide technique, adapter et
préconiser les orthèses de série, les aides techniques ou animalières et les assistances
technologiques » (Ministère de la Santé et des Solidarités, 2010). On voit donc que ces deux
compétences sont en corrélation avec les activités décrites dans la LAP. Le PNDS, lui,
mentionne l’éducation thérapeutique et notamment « l’apprentissage des mesures
préventives du phénomène de Raynaud » (HAS, 2009). Or, la compétence 5 du diplôme
d’Etat d’ergothérapeute est d’« élaborer une démarche d’éducation et de conseil en
ergothérapie » (Ministère de la Santé et des Solidarités, 2010). Le phénomène de Raynaud
étant parfois très handicapant dans les activités de vie quotidienne, l’ergothérapie peut donc
tout à fait intervenir dans une démarche d’éducation thérapeutique. En revanche, dans ces
deux textes publiés en 2008 et 2009 par l’HAS, il n’y a pas de mention explicite de
l’ergothérapie.
D’après Luc Mouthon, professeur de médecine interne à l’hôpital Cochin de Paris, la prise en
charge ergothérapique permet une meilleure mobilité des mains des personnes et faciliter
les activités de vie quotidienne.
J’ai eu l’opportunité d’assister à une conférence organisée par l’Association des
Sclérodermiques de France (ASF), à l’occasion de la Journée Internationale de la
5
Sclérodermie Systémique, en juin 2015. Lors de cette conférence, un ergothérapeute est
intervenu pour présenter la profession et ses activités aux personnes présentes, la plupart
étant des personnes atteintes par la maladie. J’ai été très surprise de découvrir que la
majorité de ces personnes ne connaissaient pas la profession. Il semblerait donc que peu de
patients sont orientés vers des ergothérapeutes par les médecins qui les suivent.
2.4 Cas de Mme M.
Lors de mon stage, j’ai pu observer l’exercice d’ergothérapeutes qui travaillaient avec des
personnes sclérodermiques. J’ai moi-même conduit le suivi d’une patiente, Mme M., une
femme de 40 ans, mariée et mère de deux enfants adolescents. Je l’ai suivie du début à la
fin de sa prise en charge en hôpital de jour. Cet accompagnement s’effectuait au sein d’une
équipe pluri-disciplinaire. En ergothérapie, j’ai effectué avec Mme M. une évaluation initiale
et des séances de rééducation. Je lui ai prodigué des conseils tout au long du suivi ainsi que
des recommandations d’aides techniques. Enfin, nous avons effectué une évaluation finale.
Lors de l’évaluation initiale, j’ai pu constater que Mme M. connaissait des déficiences liées à
sa maladie : les articulations de ses membres supérieurs avaient des limitations d’amplitude,
notamment au niveau digital. Elle avait beaucoup de problèmes dermatologiques : peau
asséchée, étirée et ulcères digitaux importants. La maladie n’étant pas encore dans un stade
très avancé chez elle, ces déficiences restaient assez limitées. Elle avait des capacités de
préhension plutôt bonnes : elle était capable de prendre une épingle en prise pulpo-pulpaire
en s’aidant de la tête de celle-ci. En revanche, la maladie lui conférait une faible endurance
et des douleurs importantes. Les médecins qui la suivaient ont du ajuster plusieurs fois ses
traitements médicamenteux afin de lui permettre de ne plus souffrir. Sa douleur, additionnée
à sa fatigue déclenchaient régulièrement des situations de handicap : elle était gênée dans
sa vie quotidienne, familiale et était en arrêt de travail de longue durée. Tous ces faits ont
joué sur son moral et elle m’a confié être depuis peu sous antidépresseurs, prescrits par un
médecin psychiatre.
En comparant les évaluations initiale et finale, j’ai pu observer de façon objective une
amélioration des amplitudes articulaires des mains de cette personne (pour elle, les
conséquences de la maladie se situaient principalement à ce niveau). Cependant elle
continuait à avoir des déficiences. Elle m’a confié mieux se sentir au niveau de ses activités
quotidiennes. Cependant, elle avait toujours des problèmes de fatigabilité qui lui coûtaient
encore beaucoup. De plus, elle avait beaucoup souffert de ses incapacités : au travail,
beaucoup de personnes l’ont critiquée, au début de sa maladie. En effet, n’ayant pas de
diagnostic prononcé, beaucoup de gens pensaient qu’elle exagérait ses symptômes et que
6
ses arrêts de travail étaient injustifiés. Elle disait toujours avoir du mal à « accepter sa
maladie ». Cette situation m’a beaucoup posé question.
2.5 Question de départ
Tout cela m’a amenée à m’interroger sur la qualité de vie des patients atteints de
sclérodermie systémique et sur l’action que peut avoir l’ergothérapeute sur celle-ci. Ma
question de départ est donc :
Comment l’ergothérapeute peut-il améliorer la qualité de vie des personnes atteintes
de sclérodermie systémique ?
La sclérodermie systémique étant une maladie de prévalence faible, en France comme à
l’étranger, peu d’écrits existent sur le sujet. Le peu de sujets disponibles rendent les études
peu précises sur le point scientifique. J’ai eu d’autant plus de difficulté à trouver des écrits
sur la qualité de vie des personnes atteintes de sclérodermie systémique. Les articles parlant
de l’intervention ergothérapique sur ce point étaient quasiment inexistant. Cela montre donc
qu’il y a eu peu de recherche en ergothérapie sur cette question. Je trouve donc intéressant
d’effectuer un travail de recherche dessus car je trouve que c’est, malgré tout, une question
qui se pose pour les personnes atteintes de cette affection.
Afin d’affiner cette question, j’ai recherché des détails sur les différents éléments la
constituant. Pour cela, j’ai tout d’abord effectué une revue de littérature. J’ai tout d’abord
cherché à définir le terme « qualité de vie ».
Voici la définition de la qualité de vie donnée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS)1
en 1993 :
« C’est la perception qu’a un individu de sa place dans l’existence, dans le contexte de la
culture et du système de valeurs dans lesquels il vit en relation avec ses objectifs, ses
attentes, ses normes et ses inquiétudes. C’est un concept très large, influencé de manière
complexe par la santé physique du sujet, son état psychologique, son niveau
d’indépendance, ses relations sociales ainsi que sa relation aux éléments essentiels de son
environnement. »
D’après cette définition, la qualité de vie est un concept très subjectif. Il va dépendre de l’état
de santé d’une personne mais aussi de sa personnalité dont vont découler ses relations
avec son environnement matériel mais aussi social. D’après A. LEPLEGE, différents
domaines sont retrouvés chez plusieurs auteurs : le domaine de la santé physique, le social,
1 Citée par A. LEPLEGE dans son livre Les mesures de la qualité de vie
7
l’émotionnel, la cognition, l’activité. Cependant, il parait difficile d’établir une liste qui pourrait
convenir à tout le monde.
De nombreuses évaluations de la qualité de vie ont été créées. La plupart de ces évaluations
explorent les différents aspects de la qualité de vie évoqués ci-dessus. Par exemple, le
questionnaire MOS SF-36 (Medical Outcomes Study Short-Form 36) regroupe plusieurs
items concernant la santé physique et d’autres concernant la santé mentale. Cependant, ce
questionnaire n’a pas été créé pour un problème de santé en particulier, il est donc peu
spécifique.
2.6 Entretiens exploratoires
J’ai pu échanger avec deux ergothérapeutes qui travaillent auprès de personnes atteintes de
sclérodermie systémique. L’échange avec le premier ergothérapeute s’est fait par mail2. Pour
lui, le fait de pouvoir ou non réaliser ses activités de vie quotidienne est une composante
importante de la qualité de vie. Cependant, il a aussi évoqué une composante émotionnelle
et psychologique. Il m’a paru important d’explorer ce côté. Lorsque je lui ai demandé s’il
évaluait la qualité de vie chez ses patients, il m’a répondu positivement. Pour lui, « Dans la
sclérodermie systémique, la qualité de vie est affectée par la difficulté à réaliser les activités
de vie quotidienne ». Ainsi, les évaluations évoquées (la main de Cochin et l’Health
Assessment Questionnaire) ne s’intéressaient qu’à l’impact qu’a la maladie sur les activités
de vie quotidienne : il n’y avait pas mention du vécu de la personne par rapport à ses
incapacités.
Le deuxième entretien s’est fait par téléphone3. Avec celui-ci, j’ai obtenu plus de détails
concernant le rôle de l’ergothérapeute auprès des personnes atteintes de sclérodermie
systémique, mais les réponses se centraient principalement sur l’impact du côté somatique
de la maladie. J’ai donc essayé d’orienter l’entretien sur le côté psychologique.
L’ergothérapeute m’a confirmé que, selon elle, notre profession a un rôle sur le vécu de la
maladie : « En quelques sortes, l’ergothérapeute permet au patient de s’investir dans la prise
en charge, d’en devenir acteur, et donc de dédramatiser. Cela permet de lui dire qu’il y a des
solutions, de lui donner de l’espoir. » Ainsi, en investissant le patient dans sa rééducation et
sa réadaptation, l’ergothérapie lui permettrait de mieux accepter sa condition.
Dans le contexte d’une maladie chronique, il existe en effet une composante psychologique
très importante qui est le vécu de cette maladie par la personne.
2 Voir Annexe I
3 Voir Annexe II
8
2.7 Le vécu d’une maladie chronique
Dans le plan Maladies Chroniques de 2007 à 2011, le Ministère de la Santé et des
Solidarités dit qu’« Une maladie chronique est une maladie de longue durée, évolutive,
souvent associée à une invalidité et à la menace de complications graves. ».
J’ai travaillé sur la question du vécu d’une maladie ou d’un handicap dans le cadre d’un
travail en groupe avec mes camarades de promotion. Cette expérience m’a fait réfléchir à la
question de façon importante. Lors de ce travail en groupe, nous avions déterminé qu’il
existait plusieurs facteurs qui pouvaient influencer le vécu d’une maladie ou d’un handicap.
Avec une maladie chronique, le contexte me semble d’autant plus compliqué que la
personne sait qu’elle sera atteinte de cette maladie toute sa vie ou du moins sur une longue
durée et donc qu’elle va devoir apprendre à vivre avec. Souvent, cette maladie se classe
comme dégénérative, ce qui ajoute un facteur négatif sur le vécu : la personne sait que son
état va se dégrader au fil du temps.
De nombreux processus psychologiques et personnels peuvent alors se mettre en place tels
qu’un processus de changement ou de deuil (celui d’une main fonctionnelle, par exemple)
comme les décrit Elisabeth Kübler-Ross et auxquels le patient va plus ou moins résister.
Selon la personnalité et l’expérience de la personne, les réactions ne seront pas les mêmes.
L’environnement (humain, matériel, …) va aussi jouer un rôle prépondérant. Tous ces
facteurs propres à la personne joueront un rôle sur son vécu.
2.7.1 Qu’est-ce que la santé ?
Toutes ces questions sur le vécu de la maladie m’ont amenée à me poser des questions sur
la représentation de la santé et de la maladie. Je me suis interrogée sur les définitions de la
santé et de la maladie. A propos de la santé, il en existe un grand nombre. La plupart
incluent une intégrité des organes et du corps en général. Seulement, la plupart du temps,
l’état de santé mental n’est pas pris en compte. L’OMS définit la santé comme : « un état de
complet bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en l'absence de
maladie ou d'infirmité. » (Charte de l'OMS – 1946)4. Cette définition est donc bien plus
complète. En revanche, elle implique qu’une personne connaissant une déficience physique
ou mentale (par exemple une maladie chronique telle que le diabète ou la sclérodermie
systémique) ne peut pas être en bonne santé.
Une ergothérapeute exerçant en rhumatologie dans un centre de rééducation m’a suggéré
de lire des travaux de Claude HAMONET. Celui-ci a publié de nombreux écrits dans lesquels
4 Préambule à la Constitution de l'Organisation mondiale de la Santé, tel qu'adopté par la Conférence
internationale sur la Santé, New York, 19-22 juin 1946
9
il introduit une qu’on retrouve peu chez d’autres auteurs : le ressenti de la personne sur son
handicap ou sa maladie dans la notion de santé. Il appelle cela le handicap subjectif. Je
trouve cela intéressant et important. De nombreuses mesures et classifications existent mais
peu d’entre elles prennent en compte le ressenti de la personne face à son handicap. Ce
ressenti me semble particulièrement important face à une personne atteinte de maladie
chronique telle que la sclérodermie systémique. On sait qu’elle ne se débarrassera pas de
cette maladie en quelques mois. Il va donc être important de faire en sorte qu’elle se sente le
mieux possible par rapport à sa maladie ou sa (ses) situation(s) de handicap afin de pouvoir
vivre pleinement les autres situations de sa vie.
Sur son site internet, Claude HAMONET dit « Être en bonne santé, c’est aussi ne pas être et
ne pas s’imaginer être en situation de handicap » (HAMONET, 2002). Pour lui, la santé est
donc relative aux situations de handicap que vit la personne, mais aussi de situations qu’elle
perçoit comme des situations de handicap alors que d’autres ne les considéreraient pas
ainsi. Dans un autre article, paru en 2001, il dit que pour lui, l’image de la santé est aussi
fortement influencée par la société et les médias. En effet, la représentation que se font
beaucoup de personnes de la santé inclut un corps et un esprit sains, sans aucun
dysfonctionnement.
Une personne en bonne santé ne connaîtrait donc aucune difficulté, n’éprouverait jamais de
douleur. Or, l’existence d’une telle personne serait utopique : qui n’a jamais ressenti la
moindre petite douleur, le moindre petit désagrément, ne serait-ce que pendant une
journée ? Ainsi, personne ne pourrait se considérer « en bonne santé ». La question est
d’autant plus importante lorsqu’on parle de maladie chronique. Les données de santé
publique montrent que les progrès de la médecine a permis aux personnes atteintes d’avoir
une meilleure espérance de vie. Pour certaines de ces maladies, l’espérance de vie peut
être encore importante, d’après BRIANÇON and al. Une personne atteinte, passerait alors
dix, vingt voire trente ans de sa vie à être « en mauvaise santé » !
Par curiosité, j’ai posé quelques questions à mon entourage, qui n’a jamais travaillé dans le
domaine de la santé, mais aussi à des camarades, étudiants en ergothérapie. Lorsque j’ai
demandé si une personne pouvait être à la fois malade et en bonne santé, mon entourage
m’a catégoriquement répondu que non, alors que les étudiants en ergothérapie ont plus
facilement déclaré cela possible. Je pense qu’au cours de notre formation, nous sommes
plus facilement sensibilisés à l’importance de la considération des capacités conservées.
Nous sommes donc plus facilement enclins à dire qu’une personne est en bonne santé,
malgré qu’elle soit atteinte d’une maladie chronique.
10
Ainsi, je pense que la qualité de vie des personnes peut être facilement influencée par son
vécu de la maladie, sa perception et sa représentation de la santé. Je me suis donc dit qu’en
agissant sur ces facteurs, l’ergothérapeute pourrait peut-être agir sur cette qualité de vie.
2.8 Question de recherche et hypothèses
Je me suis donc posée la question de recherche suivante :
Quel impact l’accompagnement ergothérapique peut-il avoir sur la qualité de vie
des personnes atteintes de sclérodermie systémique ?
Pour y répondre, je propose deux hypothèses que je vais essayer de vérifier dans la suite de
ce mémoire :
Hypothèse 1 : Avec un patient porteur de maladie chronique, le potentiel thérapeutique
d’une activité signifiante permet à l’ergothérapeute de créer une relation aidante à
l’amélioration de la qualité de vie.
Hypothèse 2 : En prenant en compte les habitudes de vie de la personne lors de son
accompagnement, l’ergothérapeute l’aide à accéder à une meilleure participation sociale.
11
3 Cadre théorique
3.1 Impacts de la sclérodermie systémique
3.1.1 La sclérodermie systémique
Dans un article sur la physiopathologie de la sclérodermie systémique, MOUTHON and al.
expliquent que c’est une affection rare. Elle se caractérise par une fibrose importante et une
hyperréactivité vasculaire. Ses symptômes cliniques sont très diversifiés. L’étiologie (causes)
n’a pas encore été clairement identifiée. Cependant, la recherche a pu mettre en évidence
plusieurs dysfonctionnements chez les personnes atteintes :
- Fibrose :
La fibrose est la « transformation fibreuse de certaines formations tissulaires »5. Le tissu
s’assimile alors à un tissu cicatriciel, moins souple. Dans la sclérodermie systémique, ce
tissu est présent en trop grosse quantité, suite à une inflammation chronique. L’étendue de
cette fibrose excessive est très variable selon les personnes atteintes. Sur les formes
cutanées, elle se limite à la peau des extrémités. Dans le cas des formes de sclérodermie
systémique diffuse, elle remonte au dessus des coudes et des genoux et peut aussi
atteindre les autres organes.
- Dysfonctionnement des fibroblastes
Dans la plupart des sclérodermies systémique, il existe une accumulation de collagène
(protéine composant la plupart des tissus fibrineux). Les mécanismes de cette accumulation
ne sont pas encore connus de manière certaine. Cependant, il semble que les fibroblastes
des personnes sclérodermiques fabriquent en excès des constituants de la matrice
extracellulaire dont le collagène de type IV (le gène du procollagène est anormalement
transcrit). Ils semblent aussi fortement produire des protéines inhibitrices de la dégradation
de cette matrice, ce qui expliquerait en partie l’accumulation. Une synthèse excessive de la
protéine Connective Tissue Growth Factor (CTGF) ainsi que d’autres molécules stimulant la
prolifération entraînent aussi une multiplication des cellules endothéliales et des fibroblastes.
De plus, ces fibroblastes ne subissent pas l’apoptose (mort cellulaire) comme les autres
cellules : ils se retrouvent donc en surnombre.
Pour résumer, la fibrose dans la sclérodermie systémique est en partie expliquée par une
multiplication anormale des cellules fabricantes en plus d’une synthèse trop forte de ces
cellules.
5 Définition du dictionnaire médical Garnier Delamare
12
- Dysfonctionnement des cellules immunitaires
Dans la sclérodermie systémique, des protéines synthétisées par les fibroblastes recrutent
des leucocytes et les font migrer dans le derme où ils s’accumulent. De plus, des
lymphocytes semblent produire en trop grande quantité une sorte d’interleukine qui stimule la
croissance des fibroblastes et augmente la matrice extracellulaire. Dans le sérum de patients
atteints de sclérodermie systémique de forme diffuse, on retrouve en plus des anticorps
antifibroblastes qui vont eux aussi induire la production de fibres.
- Dysfonctionnement des cellules endothéliales
L’endothélium est un « tissu pavimenteux formant le revêtement interne des vaisseaux »6. Le
phénomène de Raynaud est un signe précurseur de la maladie. Toutes les personnes qui en
sont atteintes n’auront pas la sclérodermie systémique mais la plupart des personnes
sclérodermiques l’ont. Ce phénomène est une ischémie (absence d’apport sanguin)
transitoire et réversible des doigts. En effet, les cellules endothéliales sont remaniées au
cours de la sclérodermie systémique. La structure des parois artériolaires est donc modifiée.
Les conséquences principales de cette modification sont une diminution de la lumière des
artères mais aussi une fibrose de la paroi (ce qui va la rendre moins extensible). Tout cela va
aussi entraîner une hypertension artérielle qui est, la plupart du temps, retrouvée chez les
personnes atteintes. De plus, la structure cellulaire va entraîner un défaut d’angiogenèse : il
n’y a pas assez de vaisseaux pour assurer un apport sanguin suffisant.
- Atteintes viscérales
Dans la forme diffuse de la maladie, la fibrose atteint les tissus des différents organes du
corps. Ainsi, plusieurs atteintes sont possibles. Les plus fréquentes sont les atteintes
pulmonaire, rénale et cardiaque.
3.1.1.1 Le traitement
Le traitement médicamenteux
La recherche n’a pas encore déterminé de traitement spécifique de la sclérodermie
systémique. En effet, « Si la biologie et la physiopathologie de la sclérodermie systémique
sont aujourd’hui mieux comprises, aucun agent thérapeutique, qu’il soit antifibrosant ou
immunosuppresseur, n’exerce un effet spectaculaire et durable au cours de cette maladie. »
(MOUTHON and al., dans un article sur la prise en charge thérapeutique de la sclérodermie
2 Définition du dictionnaire médical Garnier Delamare
13
en 2006). La rareté de la maladie rend les études cliniques difficiles. Cependant, certaines
catégories de médicaments peuvent être utilisées selon les symptômes présentés par la
personne : « Cependant, il est important de mentionner que de plus en plus, dans la
pratique, le traitement de fond proposé au patient sclérodermique est fonction du type
d’atteinte viscérale qu’il présente. » (MOUTHON and al., 2006).
- Les traitements antifribrosants
Ces traitements sont indiqués pour inhiber la synthèse de collagène par le fibroblaste.
Plusieurs molécules ont cette propriété comme la D-pénicillamine (Trolovol®), la bucillamine
ou la colchicine.
- Les traitements vasodilatateurs
En dehors de l’hypertension artérielle pulmonaire et de la crise rénale, les traitements
vasodilatateurs sont indiqués en cas d’atteinte vasculaire périphérique. Ils se suppléent au
sevrage tabagique et à la non-exposition au froid des extrémités. Il y a les inhibiteurs
calciques, la prostacycline qui permet de diminuer la fréquence des accès de Raynaud. Pour
l’hypertension artérielle pulmonaire, une autre catégorie de traitement est indiquée.
- Les traitements immunosuppresseurs
La sclérodermie systémique étant une maladie auto-immunes, les immunosuppresseurs sont
indiqués pour la traiter, notamment les corticoïdes mais ces traitements présentent soit
beaucoup d’effets secondaires (notamment des complications rénales), soit une efficacité qui
n’a pas encore été prouvée significativement dans les études contre placebo.
- Autres traitements pharmacologiques
D’autres traitements sont en cours d’essais thérapeutiques, mais pour l’instant, aucune
efficacité significative n’a été démontrée.
Le traitement non-médicamenteux
D’après MOUTHON and al, peu de données sont disponibles concernant l’effet des
traitements non médicamenteux sur la sclérodermie systémique. Les plus indiqués sont des
exercices de rééducation qui maintiennent l’ouverture de la bouche et les amplitudes
articulaires des membres (notamment les membres supérieurs). D’autres peuvent permettre
de limiter la raideur des muscles inspirateurs.
14
3.1.2 Une maladie chronique
L’approche thérapeutique d’une maladie chronique va être différente de celle d’une atteinte
aiguë. La caractéristique principale d’une maladie chronique est sa durée : c’est une
affection qui ne pourra pas être guérie dans les quelques mois qui suivent sa prise en
charge. Souvent, elle ne pourra même jamais l’être. Parfois, les maladies chroniques
n’impactent pas beaucoup la vie quotidienne des gens qui en sont atteints. « Pour d’autres,
[…] le poids de la maladie affecte plus ou moins gravement leur vie personnelle, familiale,
professionnelle et sociale. Dans certains cas, l’atteinte touche jusqu’à l’autonomie. Tous les
malades chroniques souffrent d’une perte du sentiment d’intégrité, sans compter les
menaces de décompensation ou de détérioration de leur état. » (LACROIX et ASSAL, 2011,
p.5
La maladie chronique va donc changer la vie du patient mais aussi la prise en charge du
soignant. En effet, le soignant ne va pas chercher à guérir cette maladie mais à faire en sorte
que la personne vive mieux avec. Pour lui, cela implique de concéder de ne pas guérir la
personne. Or, la guérison est un des buts principaux du soin. Il faut donc accepter de se
détourner d’une des premières raisons pour lesquelles nous avons choisi de faire ce métier.
Une des caractéristiques principales de la prise en charge d’une maladie chronique va être
qu’on va chercher à éduquer le patient. En effet, il va devoir apprendre à vivre avec les
caractéristiques de sa maladie. D’après LACROIX et ASSAL, cette pédagogie est très
difficile : « Les patients sont des apprenants particuliers, très hétérogènes de par leur âge,
leur origine socioculturelle, leurs besoins. » (LACROIX et ASSAL, 2011).
La maladie chronique pose le problème de son acceptation. En effet, « le changement
représente un déséquilibre existentiel, une rupture, qui introduit l’incertitude » (LACROIX et
ASSAL, 2011). Les patients à qui on diagnostique une maladie chronique sont donc souvent
angoissés. Ce changement va entraîner un processus qui va s’apparenter au processus de
deuil, tels que le décrivent FREUD et KÜBLER-ROSS7 dans leurs travaux. Selon LACROIX
et ASSAL, la personne peut passer par deux processus qui vont donner des résultats
différents. L’un est le processus d’intégration : il va amener la personne à l’acceptation ou
coping (expression anglaise qui peut se traduire par faire face). L’autre est le processus de
distanciation : il va amener la personne à la résignation.
7 Cités par LACROIX et ASSAL
15
Figure 1 : les deux processus suivant le diagnostic - LACROIX et ASSAL, 2011
Pour eux, si une personne emprunte le chemin du processus de distanciation, elle pourra
difficilement en sortir seule et risque de basculer vers la dépression. En revanche, si elle est
accompagnée par un professionnel avec une attitude aidante, elle peut retrouver un
processus d’intégration.
LACROIX et LASSAL relatent qu’un des points les plus difficiles pour les professionnels qui
accompagnent les personnes atteintes de maladies chroniques est la communication : en
effet, il va falloir prendre en compte les représentations que la personne a de la maladie
(représentations qu’elle va acquérir par son vécu, son expérience, sa culture,…). De plus, il
va être essentiel de s’assurer que la personne comprenne le vocabulaire employé par les
médecins : si elle ne le comprend pas, elle risque de ne pas être capable de s’assurer une
prophylaxie efficace des complications éventuelles de la maladie. Je pense que cette
consigne doit être généralisée pour tous les professionnels de santé.
16
3.2 Qualité de vie et processus de changement
3.2.1 Les habitudes de vie
D’après le Dictionnaire culturel en langue française, l’habitude est une « façon d’agir
constante ; manière, façon d’être à laquelle la plupart des membres d’une société se
conforment ; façon d’agir ou de se comporter individuelle plus ou moins constante et
régulière » (Rey 2005, cité par Hélène HERNANDEZ, 2015). Hélène HERNANDEZ précise
ensuite que l’habitude évoque autant la démarche que l’on fait pour l’acquérir que le résultat
de cette acquisition. Selon, elle, l’habitude se construit individuellement et socialement par la
répétition mais elle est « non-réduite à cette répétition » (HERNANDEZ, 2015). Les
habitudes sont donc tout à fait sujettes à l’évolution. Si on change d’environnement, à force
de répéter un nouveau geste ou un nouveau parcours, on va se créer de nouvelles
habitudes.
En voulant parler d’habitudes de vie dans les textes français, on se réduit souvent à un
jugement : bonnes habitudes de vie, mauvaises habitudes de vie… Cela se retrouve
notamment dans le milieu de la santé. En sociologie, on va plutôt parler de mode de vie :
« manière de vivre d’une personne ou d’un groupe » (HERNANDEZ, 2015). Les habitudes
de vie dépendent de la classe sociale, de l’héritage culturel, économique, et des conditions
géographiques et socio-économiques de la personne.
Le Processus de Production du Handicap ou PPH (Fougeyrollas, 1998)8 définit l’habitude de
vie comme « une activité courante ou un rôle valorisé par la personne ou sno contexte
socioculturel selon ses caractéristiques […]. Elle assure la survie et l’épanouissement d’une
personne dans sa société tout au long de son existence ». Le PPH sépare les habitudes de
vie en deux grandes catégories : les activités courantes et les rôles sociaux.
Les activités courantes ou quotidiennes peuvent regrouper les soins personnels (hygiène,
alimentation, sommeil, …), les activités ménagères (entretien de ses biens, préparation des
repas, …), les activités professionnelles (tâches que demande l’emploi).
Les rôles sociaux peuvent être familiaux (place dans sa famille, par rapport à ses parents,
ses frères et sœurs, place dans un couple, éducation des enfants, …), professionnels (place
dans une société, rapports de hiérarchie, …), citoyens (vote, impôts, …) ou amicaux.
D’après Pierre CASTELEIN, la réalisation des habitudes de vie se fait en fonction des
variables de l’environnement et des caractéristiques fonctionnelles et identitaires de la
8 FOUGEYROLLAS, P. & CLOUTIER, R, 1998. Classification québécoise : processus de production du handicap
= The Quebec Classification : Disability Creation Process. Québec, Canada : Réseau International sur le Processus de Production du Handicap.
17
personne. Pour lui, trop de professionnels de réadaptation se concentrent uniquement sur
les capacités intrinsèques de la personne : l’environnement devrait être pris en compte d’une
meilleure façon.
3.2.2 La qualité de vie
Selon David CELLA, le concept « qualité de vie » suggère deux notions essentielles : la
subjectivité et la multidimensionalité.
3.2.2.1 La subjectivité
« La qualité de vie ne saurait être évaluée de façon adéquate qu’en interrogeant directement
le patient » (CELLA, 2007). En effet, selon la personnalité et le vécu de la personne, une
évaluation de qualité de vie, aussi objective qu’elle soit, différera toujours, si c’est le patient
qui est directement soumis à cette évaluation. L’observation de son comportement ne peut
pas suffire. Il va donc être important d’évaluer le degré de dysfonctionnement, le
retentissement qu’il a sur la vie quotidienne mais aussi et surtout la perception qu’en a le
patient : est-ce qu’il vit « bien » ce retentissement ?
3.2.2.2 La multi-dimensionnalité
Tous les chercheurs sont d’accord sur le fait qu’il existe plusieurs dimensions composant la
qualité de vie. Cependant, il existe plusieurs écoles pour définir ce que sont ces dimensions.
D’après M.C MOREL-BRACQ, l’aspect physique ou biologique (l’état de santé physique en
constituant une partie majeure) influence les capacités et incapacités de la personne.
Lorsque la personne va présenter des limitations, celles-ci vont souvent représenter des
facteurs défavorisant la qualité de vie. L’aspect psychologique et affectif (représenté, entre
autres, par la personnalité) va déterminer la capacité de la personne à se créer des relations
avec les autres. Si l’on a le sentiment de contrôler sa vie, de parvenir à ses objectifs, on
donne plus facilement une évaluation positive de sa qualité de vie. Il en est de même si on
ressent du plaisir et de la satisfaction ou si on se sent autonome. Enfin, les facteurs sociaux
et culturels (et notamment l’environnement matériel et l’environnement humain) jouent un jeu
dans l’appréciation de la qualité de vie : selon les sociétés et les cultures, les personnes ne
vont pas évaluer leur bien-être de la même façon.
Aucun de ces facteurs ne peut en lui-même assurer une bonne qualité de vie. Celle-ci sera
permise par la combinaison de plusieurs caractéristiques favorisantes, présents chez la
personne.
D’après Marie-Chantal MOREL-BRACQ, la qualité de vie est un concept dynamique. En
effet, les facteurs qui l’influencent étant très nombreux et multi-dimensionnels et la
18
subjectivité possédant une place très importante, la satisfaction que les gens ont de leur vie
peut être très changeante d’un moment à l’autre.
Deux stratégies peuvent donc être employées pour améliorer la qualité de vie. On peut
améliorer les conditions extérieures (les facteurs) ou changer la perception que la personne
a de ces conditions.
3.2.3 La résilience et le processus de changement
3.2.3.1 Acceptation de l’état, résilience
Définition
« La résilience est la capacité d’une personne ou d’un groupe à se développer, à continuer
à se projeter dans l’avenir en dépit d’évènements déstabilisants, de conditions de vie
difficiles, de traumatismes parfois sévères »
(M. Manciaux et al., 2001, p17)
Ici, les maladies chroniques telles que la sclérodermie systémique sont des évènements
déstabilisants, par leur annonce mais aussi leurs conséquences. Elles créent de nouvelles
conditions de vie qui sont souvent plus difficiles.
La résilience n’est pas une notion statique. Il ne s’agit pas d’un état mais d’un processus.
C’est quelque chose qui évolue. Cette évolution peut être positive ou négative, mais elle
n’est jamais figée. Une personne peut être résiliente, à un moment, puis connaître un
changement dans sa vie qui va la replonger dans son traumatisme. De même, quelqu’un qui
a lutté toute sa vie contre les effets d’une période difficile de sa vie, peut, un jour, devenir
résilient. Ce processus est inconscient. La personne ne réalise pas qu’elle commence à se
tourner vers l’avenir.
Le tuteur de résilience
Le tuteur de résilience est une personne qui aide le processus à se dérouler. L’action de
cette personne n’est pas forcément volontaire (elle l’est même rarement). Souvent, il s’agit
juste de quelqu’un qui montre de la gentillesse, de la compassion ou de l’empathie envers la
personne qui a subit l’évènement difficile. Ce tuteur n’a donc pas de compétence spécifique :
il peut s’agir d’un professionnel mais aussi d’une toute autre personne de l’entourage
(amical, familial, …).
Le sens de la souffrance
19
Comme tout ce qui se déroule dans notre vie, nous avons souvent tendance à vouloir donner
du sens à la souffrance qui va être liée à cet évènement difficile. En effet, les personnes vont
s’interroger : « pourquoi ? ». Le processus de résilience va être plus compliqué quand cette
question n’a pas de réponse. Ici, la sclérodermie systémique étant une maladie de cause
inconnue, on ne peut y répondre clairement.
Au fur et à mesure, la question va évoluer vers une autre : « pour quoi ? ». A ce moment, la
personne arrête de chercher un sens à son passé et commence à vouloir en trouver un pour
son futur. Ainsi, elle va pouvoir débuter sa reconstruction.
L’épreuve
La plupart du temps, l’épreuve vécue enrichit la vie des personnes résilientes, d’après leurs
récits. Souvent, on retrouve que si l’on ne peut pas l’éviter, autant l’utiliser d’une façon
optimale. Beaucoup de ces personnes vont plus profiter des choses simples de la vie. La
personnalité va alors avoir un rôle important : elle va se révéler facilitatrice ou obstacle à la
résilience.
Le fait de témoigner semble aider à la résilience : les personnes ayant vécu une épreuve
difficile ont le sentiment de pouvoir aider les autres, même si cela n’est pas facile pour eux.
Ainsi, ils ont un fort sentiment d’utilité. Dans le cas d’une maladie chronique, ce témoignage
peut se faire via le titre de patient expert qui sera développé un peu plus loin dans ce cadre
théorique. De même, beaucoup de personnes résilientes décident de s’investir dans
l’associatif, de faire du bénévolat…
La reconnaissance
Boris CYRULNIK évoque plusieurs fois l’importance pour les victimes d’être reconnues
comme telles. Ici, la reconnaissance va se faire à travers le diagnostic : l’importance va être
dans les mots que l’on va pouvoir poser sur ce que la personne subit. Cependant, si cette
reconnaissance est importante, elle ne doit pas dicter la totalité de la vie de la personne. Elle
ne doit en être qu’une partie pour permettre au processus de résilience de s’achever.
3.2.3.2 Amener la personne au processus de changement
Selon Emeric OFFENSTEIN, le changement est « un bouleversement de l’organisation
construite autour de nos habitudes » (OFFENSTEIN, 2015). Pour lui, les habitudes
composent et organisent l’activité mais on les construit autour d’elle. Le changement est un
processus. Ce processus peut avoir différents rythmes selon la personne et la situation : il
peut être rapide et flagrant ou au contraire, plus lent et silencieux. Souvent, la personne elle-
même ne s’en rend pas compte.
20
La capacité à changer est différente selon les individus : certaines personnes refusent les
bouleversements qu’amène le changement. Selon Benoît CURNILLON, tout individu est en
fait un système ouvert : il est en interaction avec son environnement. La plupart du temps, ce
système est en équilibre : les différentes forces qui le composent se compensent. Si de
nouvelles forces s’ajoutent à l’équation, elles ne se compensent plus et le système n’est plus
en équilibre. Il va alors traverser un processus de changement qui va alors le faire parvenir à
un nouvel équilibre.
Parfois, l’individu est capable de trouver seul les solutions pour rééquilibrer les forces qui le
composent. D’autres fois, ces solutions ont besoin d’être suggérées par un tiers. Dans tous
les cas, le plus gros du travail est fait par la personne elle-même. Le processus de
changement est donc un processus qui se tourne vers l’avenir. Pour la personne qui le vit, il
est aussi une démarche d’autonomisation car elle doit pouvoir effectuer ses propres choix.
Selon Emeric OFFENSTEIN, il est donc important que la motivation de la personne soit
intrinsèque car « plus une situation fait sens pour l’individu […], plus sa motivation à son
égard sera importante » (OFFENSTEIN, 2015). Pour cela, il est très important que la
personne soit passée par les stades du processus de deuil, développés par Elisabeth
KÜBLER-ROSS (1975). Si la personne n’accepte pas le deuil (ici, de la fonction perdue, du
corps en bonne santé, …), elle ne peut pas accéder au changement. Il faut aussi que la
personne soit décidée à changer : elle doit avoir « une intention ou une prise de décision
nécessaire au démarrage du processus de changement » (OFFENSTEIN, 2015). Notre
comportement et nos paroles peuvent empêcher cette prise de décision et l’accession aux
étapes du processus de deuil. C’est pourquoi, en tant que professionnel, nous devons
adopter une attitude aidante. Les entretiens motivationnels sont, par exemple, une méthode
utile pour aider les personnes dans leur motivation au changement. Il est aussi intéressant
de s’enquérir des possibilités de la personne à s’engager. Selon Emeric OFFENSTEIN, rares
sont les personnes qui ne sont pas prêtes à s’engager pour réduire les conséquences de
leur maladie. En revanche, certaines ont des contraintes (culturelles, affectives, sociales,
psychologiques, physiques, …) qui les en empêchent. « Ainsi, l’enjeu premier est de
permettre à la personne de retrouver la maîtrise des différentes situations de sa vie »
(OFFENSTEIN, 2015). Ainsi, la personne est dans les meilleures conditions pour agir d’elle-
même.
Pour le Groupe Terminologie d’ENOTHE, l’engagement est « le sentiment de participer, de
choisir, de trouver un sens positif et de s’impliquer tout au long de la réalisation d’une activité
ou d’une occupation » (Meyer, 2013, P.155). D’après OFFENSTEIN, « rechercher
l’engagement, c’est en premier lieu le rendre possible » (OFFENSTEIN, 2015). En effet, en
21
mettant en situation la personne (sur des situations concrètes de la vie), et en l’amenant à
découvrir ses propres solutions, on l’accompagne à trouver elle-même la structure de sa
propre activité ou une nouvelle façon d’agir. C’est une méthode de pédagogie active.
Pour Benoît CURNILLON, ce que nous percevons est une image du monde : elle
s’apparente à un référentiel personnel. Ce référentiel rassemble tout ce que nous
connaissons : nos expériences passées, nos croyances, nos valeurs… Pour Emeric
OFFENSTEIN, les habitudes sont à considérer comme « un ensemble de repères ou modes
d’action, transposables dans plusieurs situations et s’agençant afin d’ouvrir le champ
possible des actions de l’individu » (OFFENSTEIN, 2015). Le référentiel va commander nos
actions. Ces actions peuvent, elles, avoir un effet sur le référentiel : ce processus
s’apparente à un cycle. En effet, tout changement sera une nouvelle addition à notre
perception et va donc modifier notre image du monde. En ergothérapie, cette action peut se
faire à travers l’activité mais aussi par l’accompagnement du patient.
Lors de l’annonce et de la survenue d’un handicap, la personne se retrouve dans un monde
inconnu, sans être préparée. Elle connaît alors une période de désorientation importante.
Cette désorientation induit une rupture avec l’équilibre antérieur : les forces ne se
compensent plus, le référentiel personnel n’est plus valide : la personne n’a plus de repère.
C’est l’état de crise pour le patient et son entourage (notamment sa famille). Tous les projets
prévus se retrouvent suspendus, le temps que tout le monde digère la nouvelle et trouve une
nouvelle organisation : « Le handicap du patient peut devenir le handicap de la famille
entière » (CURNILLON, 2001).
Les mécanismes de défense alors manifestés montrent une résistance au changement. Les
personnes qui les expérimentent souhaitent retrouver leur équilibre antérieur. Le risque est
alors que cet état de crise devienne le nouvel équilibre du système et qu’il se pérennise.
Selon B. CURNILLON, seule la personne elle-même peut faire son processus de
changement, en trouvant ses propres solutions. Elle est dans la nécessité de se construire
un nouveau référentiel, en intégrant le handicap et toutes ses conséquences dans sa
nouvelle image du monde. En ergothérapie, nous pouvons l’aider à accéder à ce nouveau
référentiel.
En effet, selon Emeric OFFENSTEIN, la résistance au changement peut correspondre à une
« non-reconstruction des habitudes » (OFFENSTEIN, 2015) ce qui peut empêcher une
personne de s’engager ou de réaliser une activité.
Benoît CURNILLON explique que d’une part, l’activité que nous pouvons introduire, en tant
qu’ergothérapeute, en contrôlant ses paramètres afin d’assurer la sécurité physique,
22
psychique et sociale de la personne, va lui permettre de prendre conscience de ces
incapacités mais surtout de ses capacités. Ces capacités seront à mettre en avant afin de
valoriser au maximum la personne. En effet, la notion de subjectivité va être importante.
Souvent, au début de la prise en charge, la personne ne se sent pas capable de faire. En la
confrontant à une activité, réaliste et concrète, elle se rend compte qu’elle est capable de la
réaliser. Elle introduit alors une nouvelle image à son référentiel.
D’autre part, l’ergothérapeute va aussi jouer un rôle important par son attitude. Pour que la
personne puisse accéder à un processus de changement efficace, il sera nécessaire
d’adopter une attitude empathique, de n’émettre aucun jugement et de s’adapter au patient
et à sa situation. Ainsi, une relation de confiance pourra se construire (on peut aussi
l’appeler alliance thérapeutique). Cette relation sera utile à établir un cadre émotionnel
favorable au processus de changement. En effet, la personne se sentira en sécurité pour
expérimenter de nouvelles actions qui leur permettraient de construire au mieux leur
nouveau référentiel.
Cependant, le thérapeute n’est pas lui-même l’auteur du changement. Il permet à la
personne d’y accéder en l’informant et en lui donnant une relation de qualité. Tout cela se
fait dans une vision de finalité. Il est important que la personne ne se concentre pas sur ce
qu’elle était mais sur ce qu’elle sera. Afin d’obtenir cela, le projet individualisé va être un outil
très utile car il se construit avec la personne et se tourne vers l’avenir.
Ainsi, on peut comprendre que suite à l’annonce ou l’apparition d’un handicap, la personne
va passer par une succession d’images et donc de référentiels avant d’arriver au dernier qui
sera, normalement, durable. Elle est sujet et non objet de son soin : elle doit agir pour
accéder au changement. De plus, la famille doit faire partie du soin, de manière importante :
elle est aussi concernée par le handicap.
3.3 Accompagnement ergothérapique et prévention liée à la
sclérodermie systémique
3.3.1 La relation d’aide
Selon Carl ROGERS, les relations d’aide sont « des relations dans lesquelles l’un au moins
des deux protagonistes cherche à favoriser chez l’autre la croissance, le développement, la
maturité, un meilleur fonctionnement et une plus grande capacité d’affronter la vie » ainsi
que « une situation dans laquelle l’un des participants cherche à favoriser chez l’une ou
l’autre partie ou chez les deux une appréciation plus grande des ressources latentes internes
de l’individu, ainsi qu’une plus grande possibilité d’expression et un meilleur usage
fonctionnel des ressources ». (ROGERS, 1998)
23
Ainsi, on peut imaginer qu’une relation d’aide est une relation qui va chercher à entraîner un
changement positif chez l’autre. Ainsi, toutes les relations de fonction éducative sont des
relations d’aide, tout autant que les relations de soin.
La relation d’aide peut exister entre deux personnes mais aussi entre un conseiller et un
groupe.
3.3.1.1 L’attitude de la personne aidante
« Le conseiller, le médecin ou l’administrateur qui se montre chaleureux dans son
expression, qui respecte sa propre individualité et celle de l’autre, et s’intéresse à lui sans
désir de possession, facilite, grâce à ces attitudes, la réalisation de soi ». (ROGERS, 1998)
En psychiatrie, il est aussi important que la personne aidante ait une attitude active mais non
interprétative, instructive ou de conseil. Selon C. ROGERS, cette attitude est utile et peut
s’appliquer dans tous les domaines. Le simple fait de chercher à comprendre les ressentis
ou les intentions de la personne aidée peut suffire à construire une relation d’aide.
A l’inverse, il a été relevé que qu’une attitude désintéressée, distante, une sympathie trop
exprimée ou trop de conseils distribués étaient plutôt délétères à la relation d’aide et
pouvaient même entraîner des mécanismes de défense.
C. ROGERS exprime le fait que l’attitude du thérapeute et la perception qu’en a le patient est
bien plus importante que les connaissances et l’orientation théoriques du premier.
3.3.1.2 Créer une relation d’aide selon Carl ROGERS
Il faut tout d’abord que la personne aidée perçoive son thérapeute comme une personne
digne de confiance. Pour cela, il est important de respecter ses engagements (horaires,
confidentialité, …) mais aussi de rester authentique dans ses émotions : ne pas chercher à
tout prix à faire croire qu’on approuve quelque chose qui nous est hostile, par exemple. Il
faut veiller à ce que notre attitude ne contredise pas notre discours. Cela rassure la
personne aidée.
De même, C. ROGERS constate qu’une attitude chaleureuse, affectueuse et intéressée est
aidante. Cependant, peu de soignants se permettent ces attitudes. C. ROGERS l’explique
par la peur de devoir ensuite remplir des exigences posées par le patient et que celui-ci soit
déçu par la suite : « Aussi, par réaction, avons-nous tendance à établir une distance entre
nous-mêmes et les autres – une réserve, une attitude « professionnelle », une relation
impersonnelle». D’un autre côté, il explique qu’il est aussi important de se considérer comme
une « personne séparée » et ne pas s’imaginer à sa place pour pouvoir aider le patient : de
24
cette manière, il pourra développer sa propre stratégie de changement et trouver sa
personnalité, sans qu’on l’ait influencé.
Il relate ensuite qu’il est important non seulement de n’émettre aucun jugement mais surtout
d’essayer d’en ressentir le moins possible. En effet, l’être humain en société est
constamment jugé (de façon positive comme négative), de l’enfance à la fin de vie. Ce
jugement peut avoir certaines utilités (éducation, …) mais dans une relation d’aide, il est
plutôt défavorisant : la personne aidée peut sentir une menace et entrer dans une position de
défense.
Enfin, C. ROGERS explique qu’il lui semble extrêmement important de considérer la
personne comme un « processus » qui va encore évoluer : « Si j’accepte l’autre comme
quelque chose de figé, déjà diagnostiqué et classé, déjà formé par son passé, je contribue
ainsi à confirmer cette hypothèse limitée. Si je l’accepte comme processus de devenir, alors
je fais ce que je peux pour confirmer ou réaliser ses potentialités ».
3.3.2 L’activité
Dans son livre, Sylvie MEYER indique que le groupe de terminologie d’ENOTHE définit
l’activité comme « une suite structurée d’actions ou de tâches qui concourt aux
occupations » (MEYER, 2013, p.14). Elle explique aussi que l’activité est réalisée grâce aux
capacités physiques et mentales d’une personne, ainsi que de sa volonté et de ses
habitudes. Ainsi, l’ergothérapeute utilise l’activité à la fois comme un moyen de rééduquer la
personne, mais aussi comme un but de sa rééducation : il utilise l’activité pour faire regagner
ou maintenir des capacités à la personne mais il va aussi tenter de maintenir et faire
regagner ces capacités pour que la personne puisse accomplir ses activités comprises dans
ses habitudes de vie.
Avec la sclérodermie systémique, nombreuses sont les activités de vie quotidienne qui
peuvent être modifiées : les raideurs des mains et les problèmes de préhension empêchent
beaucoup de manipulations de petits objets pour se laver, préparer les repas, manger, faire
ses courses, …
De nombreuses activités peuvent être utilisées comme moyens de rééducation : jeux faisant
travailler la préhension, des gestes de la vie quotidienne (écriture, ouverture de bouchons,
…).
25
3.3.2.1 Le potentiel thérapeutique de l’activité
D’après Doris PIERCE, l’aspect thérapeutique de l’activité repose sur « the depth of the
therapist’s professional knowledge of occupation and its use » (PIERCE, 2015)9. En effet, la
science de l’occupation (bien que le terme occupation en anglais soit traduit en français par
activité, il n’a pas exactement la même signification, d’où l’utilisation fréquente en
ergothérapie du terme occupation dans un autre sens que celui d’une activité « pour passer
le temps ») permet aux ergothérapeutes de comprendre un spectre large d’activités, de
comprendre comment peuvent varier ces activités selon les incapacités, la culture, et
d’autres aspects-clé. Elle leur permet aussi de décrire l’activité et ses variations à travers des
processus plus larges tels que le vieillissement et le développement. Enfin, la science de
l’occupation permet, à travers la recherche, de développer des outils mesurant l’évolution
des occupations.
D’après MEYER en 2013, les ergothérapeutes peuvent utiliser différentes activités (activités
de vie quotidienne, mais aussi activités manuelles, jeux…), tant que le patient y est actif.
Ainsi, il participe, malgré ses incapacités. MEYER évoque ensuite la participation.
3.3.3 La participation
Depuis la loi du 11 février 2005 (loi n°2005-102 pour l’égalité des droits et des chances, la
participation et la citoyenneté des personnes handicapées), le terme de participation sociale
a pris une très grande importance dans les pratiques professionnelles et notamment dans la
pratique ergothérapique. En effet, suite à cette loi, la participation sociale est reconnue
comme un droit pour toutes les personnes : « C’est ainsi […] qu’accéder à l’éducation, au
travail, à une activité sociale valorisante, aux loisirs, assumer librement ma sexualité dans
une relation partagée, choisir mon lieu de vie, organiser ma vie quotidienne selon mes
choix… sont autant de dimensions de MA participation sociale, qui doivent être entendues et
respectées par mon environnement local et en particulier par les professionnels qui
m’accompagnent pour m’aider à développer mon potentiel adaptatif. » (CASTELEIN, 2015,
p.218)
Le groupe de terminologie d’ENOTHE définit la participation comme « L’engagement, par
l’occupation, dans des situations de vie socialement contextualisées » (MEYER, 2013, p.16).
Pour Sylvie MEYER, la participation se rapporte à un engagement dans un groupe. Elle
précise aussi que cette participation augmente les échanges au sein de ce groupe. Selon
Pierre CASTELEIN, le terme participation laisse entendre un partage du pouvoir, ce qui est
intéressant à prendre en compte dans le cadre d’un accompagnement thérapeutique : en
améliorant la participation d’une personne, on l’aide à avoir plus de pouvoir.
9 le niveau de connaissance du thérapeute à propos de l’activité et de son usage (traduction personnelle)
26
Sylvie MEYER indique que la participation est devenue un but central de l’ergothérapie :
« elle est même sa raison d’être parce que la participation volontaire est un facteur important
de bien-être et que diverses déficiences peuvent la limiter ou en altérer la qualité ».
L’ergothérapeute promeut la participation en permettant à la personne de réaliser ses
occupations. Outre la notion de performance, il existe une importance de la simple présence
de la personne dans une situation qu’elle peut partager. Sylvie MEYER rajoute que la
participation implique toujours un engagement de la part de la personne.
3.3.3.1 La participation sociale
D’un point de vue sociologique, l’adjectif « sociale » introduit la notion de collectivité. Ainsi, la
participation sociale implique un droit mais aussi un devoir, de la part de la personne comme
de la société, ce qui n’est pas toujours évident : « Faire de la participation sociale l’enjeu
majeur de la réadaptation, c’est accepter la singularité et les droits à la différence de chaque
individu mais ces droits subjectifs peuvent s’opposer aux droits objectifs liés aux exigences
de la vie collective. » (CASTELEIN, 2015, p.219).
Selon le PPH, la participation sociale se décline en ces composantes : la nutrition, la
condition corporelle, les soins personnels, la communication, l’habitation, les déplacements,
les responsabilités, les relations interpersonnelles, la vie communautaire, l’éducation, le
travail, les loisirs et les autres habitudes.
Dans le PPH la participation sociale a pour opposition la « situation de handicap »
(FOUGEYROLLAS, 1998). En effet, lorsque l’imbrication entre les facteurs personnels et les
facteurs environnementaux empêche la personne de réaliser ses habitudes de vie, on dit
qu’elle se trouve en situation de handicap. Ce concept est dynamique : il peut évoluer.
Souvent, la personne vit plusieurs situations de handicap.
Pierre CASTELEIN précise qu’une bonne participation sociale n’est pas forcément
synonyme de bonne qualité de vie : une mauvaise satisfaction d’une participation sociale qui
paraitrait correcte à tout autre individu que la personne concernée peut entraîner une
mauvaise perception de la qualité de vie, ce concept étant extrêmement subjectif.
L’évaluation de la participation sociale
La participation sociale étant un élément que l’ergothérapeute va chercher à améliorer, il va
être important de pouvoir l’évaluer, au début et à la fin de l’accompagnement mais aussi de
façon ponctuelle, au cours de celui-ci. Pierre CASTELEIN a analysé et regroupé plusieurs
instruments d’évaluation. Certains peuvent être utilisés dans le cas de personnes atteintes
de sclérodermie systémique.
27
Par exemple, le London Handicap Scale est un instrument destiné aux adultes atteints de
maladie chronique. Il évalue la mobilité, l’indépendance physique, l’occupation, l’intégration
sociale et l’orientation et la suffisance économique mais n’évalue que le degré de réalisation
des activités : il n’y a pas de place faite à l’évaluation subjective de la personne.
La MIF (Mesure d’Indépendance Fonctionnelle), elle, évalue beaucoup d’activités de la vie
quotidienne et quelques activités en rapport avec les rôles sociaux. Elle évalue la réalisation
de ces activités et la nécessité d’une aide pour cette réalisation.
La MHAVIE (Mesure des Habitudes de Vie), elle, évalue de nombreuses composantes de la
participation sociale. Elle évalue leur réalisation, précise si celle-ci se fait avec aide ou non et
évalue aussi le degré de satisfaction de la personne.
Enfin, l’ESOPE BD, un guide d’entretien ayant un support visuel évalue lui aussi de
nombreuses composantes de la participation sociale. Il évalue le degré de réalisation et
introduit la notion de risque. De la même façon que la MHAVIE, il indique si la personne a eu
besoin d’aide pour réaliser son habitude de vie et s’il en est satisfait. Il rajoute l’importance
accordée à l’habitude, qu’elle soit en fréquence ou en valeur. Cependant, il a tout d’abord été
destiné aux personnes possédant une atteinte cérébrale.
3.3.4 La notion d’accompagnement
Ainsi, dans les paragraphes précédents, les différents auteurs ont évoqué l’importance de
l’implication du patient dans son suivi en général, et plus spécifiquement, en ergothérapie.
Pour cela, j’utiliserai plus facilement le terme d’accompagnement plutôt que celui de prise en
charge, qui laisse supposer que le patient est passif tandis que le soignant est actif. En effet,
Maela PAUL annonce qu’il n’y a pas encore vraiment de définition claire de
l’accompagnement. Cependant, elle part de la définition du verbe accompagner : « se joindre
à quelqu’un pour aller où il va en même temps que lui » pour étudier ses composantes.
Pour elle, la dimension relationnelle est extrêmement importante. On « est avec » la
personne. Cela suppose non seulement d’être présent, mais aussi de pouvoir mobiliser la
personne. L’accompagnement « ne devrait pas être une nouvelle forme d’assistance, un
appareillage de plus. Ce n’est pas une « aide » mais une « ressource ». » (PAUL, 2012). En
ergothérapie, il ne s’agit pas de « rendre » la personne autonome, il s’agit de l’encourager à
se rendre elle-même autonome.
La posture d’accompagnement se distingue, selon M. PAUL, par son côté éthique (elle
émane d’un questionnement important). C’est également une posture de « non-savoir » : le
professionnel n’est pas dans la toute-puissance. Elle implique une posture de dialogue et
28
d’écoute. Et enfin, elle se distingue par son côté émancipateur : le professionnel ne cherche
pas à ce que la personne qu’il accompagne soit dépendant de lui.
3.3.5 L’intervention de l’ergothérapeute auprès d’un patient atteint de maladie
chronique
Pour A. RAO, l’activité physique (pas nécessairement intense) peut, pour certaines maladies
chroniques et progressives, être plus effective que certains traitements médicamenteux. Or,
le niveau d’activité physique pratiquée est un facteur modifiable. Cependant, il n’est pas
toujours évident de changer le comportement des gens : cela n’est possible que si l’activité
s’inclut dans une habitude qui va ensuite devenir automatique. Or, d’après RAO, faire
intervenir l’ergothérapie dans ces habitudes permet d’obtenir un bénéfice important dans
l’amélioration de l’indépendance et dans la prévention ou l’apparition plus tardive d’une perte
de fonction.
3.3.6 La fabrication et la préconisation d’aides techniques
Cependant, malgré la volonté d’autonomisation du patient, le métier d’ergothérapeute
comporte quelques compétences spécifiques qu’un patient n’ayant pas reçu cette formation,
ne pourra acquérir. En effet, la compétence 4 du Diplôme d’Etat d’ergothérapeute s’intitule
« Concevoir, réaliser, adapter les orthèses provisoires, extemporanées, à visée fonctionnelle
ou à visée d’aide technique, adapter et préconiser les orthèses de série, les aides
techniques ou animalières et les assistances technologiques ». (Ministère de la Santé et des
Solidarités, 2010)
Dans le cadre de la sclérodermie systémique, la raideur des mains rendant difficiles bon
nombre de préhensions, de nombreuses aides techniques peuvent être proposées pour
assister la personne dans sa vie quotidienne, après avoir fait un point avec elle sur ses
difficultés : ciseaux ne demandant qu’une prise globale, couverts à manche élargi, …
D’après L. MOUTHON and al, « Les difficultés observées lors de la manipulation
d’ustensiles lors de l’alimentation sont les plus fréquentes et des aides techniques dérivées
de celles développées dans la polyarthrite rhumatoïde peuvent être proposées. »
(MOUTHON and al., 2006). D’après lui, les patients sclérodermiques ont souvent besoin de
dispositifs pour pallier à leurs problèmes de force, de limitation articulaire et d’endurance et
des aménagements de domicile ou des adaptations d’objets peuvent être effectués par un
ergothérapeute.
De plus, l’ergothérapeute peut préconiser une aide à domicile. Il peut ensuite rédiger un
argumentaire qui permettra de justifier un financement de ces aides techniques ou humaines
auprès de la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées), car la plupart ne
sont pas remboursées (ou non intégralement) par la Sécurité Sociale.
29
3.3.7 Fabrication d’orthèses
L’orthèse est « un outil de travail mécanique, fixé sur le membre, dans le but d’en influencer
ou d’en modifier les données anatomo-physiologiques » (VAN LEDE P., GRIET VAN
VELDHOVEN, 1998, p.11). L’ergothérapeute va travailler sur prescription médicale pour la
fabriquer. Cet outil peut se fabriquer dans différentes matières : plastique thermo-formable,
néoprène, résine, … Il existe deux grands types d’orthèses : les orthèses à visée
d’immobilisation (ou orthèses de repos) et les orthèses à visée de mobilisation (ou orthèses
dynamiques).
Les orthèses d’immobilisation ont pour objectif d’immobiliser le membre dans une position
qui va lui éviter de s’enraidir et de permettre le maintien des amplitudes articulaires. Les
orthèses de mobilisation, elles, sont fabriquées dans le but de mobiliser des sections de
membres afin de regagner une amplitude articulaire perdue auparavant (traumatisme,
maladie, …), à l’aide d’un moyen de traction douce (élastique, corde à piano, …).
Les orthèses peuvent être fabriquées par plusieurs professionnels : orthoprothésiste,
kinésithérapeute, … Les ergothérapeutes fabriquent souvent des orthèses de membre
supérieur, à visée fonctionnelle. « Sa grande habileté manuelle, dans de nombreuses
techniques, lui confère aussi une grande habileté, ingéniosité et inventivité dans le domaine
des orthèses. Par ailleurs, l’ergothérapeute a une vision plus fonctionnelle de la main du
patient. » (STUTZMANN, BUCH-JAEGER, 2006, p. 110)
La sclérodermie systémique étant une maladie qui entraîne une forte raideur des
articulations des mains, de nombreuses orthèses peuvent être fabriquées, dans le but de
maintenir une fonction manuelle satisfaisante. D’après MOUTHON and al, « des orthèses
dynamiques d’enroulement et d’extension peuvent contribuer à maintenir une préhension
efficace ». Ces orthèses sont à porter ponctuellement : les préconisations vont de quelques
minutes à quelques heures par jour, mais elles sont à adapter en fonction du patient.
Les orthèses d’enroulement vont maintenir le
poignet dans une position de repos en le
plaçant dans un plastique thermo-formable et
travailler la flexion des doigts avec un velcro
élastique qui va s’enrouler autour de ceux-ci :
Figure 2 : orthèse d'enroulement des doigts - rhumatismes.net
30
Les orthèses d’extension vont contenir des
éléments moteurs (corde à piano, élastique, lame
métallique, orfitube,…) sur leur dos en plastique
thermo-formable. Ces éléments moteurs vont agir
sur les doigts (souvent, ils appliquent une traction
au niveau de la troisième phalange) pour travailler
l’extension.
Enfin, des orthèses globales de repos
peuvent être recommandées. Ces orthèses
d’immobilisation en thermo-formable
placent le poignet et la main en position de
repos : légère extension du poignet (pas
plus de 30°) et légère flexion des
articulations digitales. Elles sont à porter la
nuit. Si elles perturbent trop le sommeil, on
peut aussi conseiller au patient de la porter
lorsqu’il fait une activité qui ne sollicite pas
ses mains (regarder la télévision, par
exemple).
D’après MOUTHON and al, les orthèses pour les personnes atteintes de sclérodermie
systémique doivent cependant être fabriquées et utilisées prudemment : étant donné la
fragilité de la peau, elles ne doivent pas être abrasives. De même, il faut surveiller la
survenue d’œdème. Leur efficacité n’a pas été mise significativement en évidence par des
études scientifiques.
Figure 3: orthèse d'extension des doigts - biguenet.e-monsite.com
Figure 4 : orthèse globale de repos
31
4 Enquête
4.1 Méthodologie
4.1.1 Choix de l’outil utilisé
J’ai choisi de travailler à partir d’entretiens. En effet, la sclérodermie systémique étant une
maladie de faible prévalence en France, le nombre de réponses à un questionnaire risquait
de ne pas être assez important pour avoir des données vraiment exploitables. De plus, mon
sujet se prêtait plus à une enquête qualitative que quantitative : l’important est le contenu
des réponses et non pas leur nombre. L’entretien était donc l’outil le plus adapté.
J’ai choisi d’effectuer un entretien semi-directif : cet entretien permet de poser des questions
sur des thèmes déterminés à l’avance mais il permet tout de même à la personne de
s’exprimer librement sur ces thèmes. J’ai choisi de poser certaines questions communes aux
ergothérapeutes et patients et d’autres questions spécifiques. Mes guides d’entretien sont
disponibles en annexe n°III et IV.
4.1.2 Choix des personnes à interroger
J’ai choisi d’interroger des ergothérapeutes, afin qu’ils puissent me faire part de leur
expérience d’un point de vue professionnel. Pour les trouver, je me suis rapprochée
d’hôpitaux centres de référence de la sclérodermie systémique que j’ai contactés par
téléphone. Pour essayer d’avoir aussi l’avis de professionnels ne travaillant pas en centre de
référence, j’ai aussi posté un message sur un réseau social d’ergothérapeutes, mais je n’ai
pas obtenu de réponse. J’ai donc réussi à interroger quatre ergothérapeutes. Trois de ces
entretiens se sont faits en personne et un a été réalisé par téléphone.
J’ai aussi choisi d’interroger des personnes atteintes de la maladie. En effet, ce sont les
premiers concernés par les changements apportés par la sclérodermie et la qualité de vie
étant une notion très subjective, je voulais avoir leur avis. J’ai donc tout d’abord essayé de
contacter l’Association des Sclérodermiques de France, mais je n’ai pas réussi à avoir mon
message diffusé. J’ai donc trouvé un groupe de personnes atteintes de sclérodermie
systémique sur un réseau social et j’ai posté un message. J’ai eu plusieurs réponses mais
une seule s’est concrétisée et j’ai rencontré le patient 1 en personne. La patiente 2, elle, a
été prise en charge par l’un des centres de référence dans lequel j’ai pu voir des
ergothérapeutes qui l’ont contactée. Elle a donc accepté un entretien téléphonique.
32
4.2 Analyse des données recueillies
Afin d’exploiter les données que j’ai recueillies à travers mes entretiens, j’ai regroupé les
réponses par thèmes10. Elles seront mentionnées selon leur fréquence d’apparition. Les
personnes qui ont répondu à mes entretiens ont répondu selon leur propre expérience de la
maladie et de l’accompagnement en ergothérapie : leurs réponses ne peuvent pas être
généralisées à l’ensemble des personnes atteintes de sclérodermie systémique ou des
ergothérapeutes travaillant avec cette population.
4.2.1 Caractéristiques des personnes interrogées
4.2.1.1 Les ergothérapeutes
Tous les ergothérapeutes que j’ai interrogés travaillaient en service de rhumatologie, au sein
d’hôpitaux universitaires, centres de référence de la sclérodermie systémique. Trois
exerçaient à temps complet (ergothérapeutes 1, 2 et 3) et une exerçait à temps partiel
(ergothérapeute 4) dans ces services.
4.2.1.2 Les patients
J’ai interrogé deux patients. Le patient 1 est un homme d’environ 45 ans. Il a une
sclérodermie systémique qui s’est déclarée en 2011. Il a été diagnostiqué la même année. Il
est marié et a 3 enfants qui ont de 9 à 21 ans. La patiente 2 est une femme de 39 ans. Elle
est pacsée et a 2 enfants (de 3 et 6 ans). Elle est atteinte d’une sclérodermie systémique qui
s’est déclarée en 1992 mais qui avait tout d’abord été diagnostiquée comme une polyarthrite
rhumatoïde de forme juvénile. Le diagnostic de sclérodermie systémique a été effectué en
2011.
Les deux ont été suivis par des ergothérapeutes. Le premier patient était dans un service de
médecine interne d’un centre hospitalier qui n’avait jamais suivi de personne sclérodermique
auparavant. La deuxième patiente a bénéficié au début de l’année 2016 d’un suivi au sein du
service de rhumatologie d’un centre hospitalier universitaire, centre de référence de la
maladie. Ce suivi était effectué en hôpital de jour et s’est déroulé sur 6 séances réparties sur
un peu plus d’un mois.
4.2.2 Les changements apportés par la sclérodermie systémique
4.2.2.1 Selon les ergothérapeutes
Les ergothérapeutes m’ont relaté des changements physiques : ils ont parlé de fatigue, de
difficultés de souffle, de manque de force et de raideur du corps. Ils ont aussi évoqué des
changements esthétiques, notamment au niveau du visage (ergothérapeutes 1 et 3).
10
Voir annexe n°XI
33
L’ergothérapeute 4 a parlé de changements sensitifs aussi : certaines personnes deviennent
hypersensibles.
D’après eux, ces difficultés entraînent des changements dans la vie quotidienne des
personnes : cela rend difficile l’indépendance dans les actes de la vie quotidienne et change
le rythme de celle-ci. Les difficultés induisent aussi des changements dans les loisirs des
gens : ils ne peuvent pas toujours être pratiqués comme ils l’étaient avant. L’ergothérapeute
4 a évoqué des changements au niveau des relations au sein du couple et de la famille.
L’ergothérapeute 2 a évoqué des changements psychologiques : le fait de devoir accepter sa
maladie, de la faire accepter à son entourage, la peur de la montrer.
Enfin, les ergothérapeutes 1 et 3 ont parlé de changements professionnels : aménagement
du temps de travail et arrêts maladie.
4.2.2.2 Selon les patients
Les patients ont eux aussi relaté les changements physiques : ils ont parlé de l’atteinte des
mains, de douleur (patiente 2), de fatigue (patient 1), de raideur ou manque de mobilité. La
patiente 2 a évoqué une déshydratation et une fibrose du poumon ainsi qu’une perte de
force. De même, ils ont parlé de changements esthétiques : couleur de la peau, syndrome
de Raynaud (nommé ou non). Les changements sensitifs sont retrouvés : une grande
sensibilité au froid, notamment.
Ils ont eux aussi évoqué des changements dans leur vie quotidienne : des difficultés de
mouvement et de la fatigue qui empêchent les sorties prolongées, des difficultés de mobilité
des mains qui empêchent les préhensions fines dans les soins quotidiens (hygiène,
alimentation) et l’entretien du logement. Les loisirs aussi sont impactés : la patiente 2 ne peut
plus aller au ski et n’arrive pas à faire tous les exercices proposés à la gym tandis que le
patient 1 ne peut plus s’adonner au bricolage comme il le faisait auparavant. Tous les deux
évoquent le fait de devoir demander à d’autres personnes, chose qui est difficile à vivre pour
eux (« c’est un handicap, quand même. Un gros handicap. », patient 1). Leurs relations avec
leurs entourages sont donc impactées : des changements de rôle dans le couple ont lieu
(patient 1), il faut affronter le regard des gens (patiente 2). Tous les deux évoquent des
changements d’ordre psychologique : une thymie plus basse, un manque de confiance en
soi, une nervosité et une irritabilité qui n’étaient pas là auparavant.
4.2.2.3 Synthèse
J’ai donc pu remarquer que les ergothérapeutes et les patients relevaient des changements
de catégories identiques. Cependant, les patients avaient tendance à rapporter des
situations très précises de ce qu’ils avaient vécu. La catégorie où les réponses ont été les
34
plus nombreuses (notamment au niveau des patients) était la vie quotidienne : la
sclérodermie systémique impacte celle-ci de façon importante.
4.2.3 Les facteurs influençant le processus de changement
4.2.3.1 Selon les ergothérapeutes
Facteurs aidants
Selon les ergothérapeutes, l’entourage humain (conjoint, famille, amis) peut être un soutien
très important, lorsque les relations sont aidantes. L’ergothérapeute 2 pense même que
« l’environnement humain va conditionner la manière de l’accepter [la maladie] ». Le contact
avec d’autres patients, notamment par le biais d’associations de patients peut aussi aider. Le
fait d’être suivi par une équipe médicale et/ou rééducative, de façon régulière est aussi un
atout, si les relations avec ces professionnels sont bonnes.
La personnalité des personnes peut aussi être un atout, selon les ergothérapeutes 2 et 4 :
une personne motivée, volontaire ou encore créative aura plus facilement accès à un nouvel
équilibre, une fois sa maladie déclarée. Pour l’ergothérapeute 4, les rôles sociaux sont aussi
très importants : le fait de devoir s’occuper de son logement ou d’enfants, par exemple. De
même, selon elle, les loisirs peuvent être une ressource positive, malgré les difficultés qu’ils
peuvent engendrer.
Les ergothérapeutes ont ensuite mentionné des aspects plutôt techniques de la profession :
la rééducation et le matériel (aides techniques, aménagements de l’environnement, …).
Facteurs obstacles
Les ergothérapeutes n’ont nommé aucun facteur obstacle spécifique. Cependant, ils ont bien
dit que si la personne n’avait pas les ressources évoquées ci-dessus, cela constituait un
obstacle au processus de changement.
4.2.3.2 Selon les patients
Facteurs aidants
Les patients révèlent que ce sont les membres de leur famille et leur soutien qui les aident
beaucoup : aide du conjoint, des enfants pour la vie quotidienne, compréhension de la
maladie… Le patient 1 ne mentionne aucun autre facteur aidant.
La patiente 2, elle, parle de l’équipe rééducative à laquelle elle a eu affaire : elle parle d’une
écoute attentive, de soignants qui ne précipitent pas les choses et qui travaillent en dessous
du seuil de la douleur. Elle dit ensuite que la rééducation en elle-même l’a aidée : elle a pu
35
voir ses progrès. De plus, le contact avec les autres patients lui a permis de s’apercevoir
qu’elle n’était pas toute seule et de relativiser : « je sais qu’il y a pire que moi ».
Elle parle aussi des différentes aides techniques qu’elle a acquises et qui l’aident dans sa vie
quotidienne. Son rôle de mère prend une place prépondérante pour elle : tant qu’elle arrive à
s’occuper de ses enfants, cela lui convient. De même, ses loisirs l’aident à positiver. On peut
donc supposer une personnalité plutôt optimiste qui elle aussi, est un facteur favorisant le
processus de changement. Enfin, elle évoque son traitement qui, selon elle, l’aide à « vivre
convenablement ».
Les facteurs obstacles
Le patient 1 est très embêté par ses limitations de participation, notamment pour pratiquer
son loisir favori, qui prenait aussi une grande place dans sa vie professionnelle : le bricolage.
Le fait de toujours demander de l’aide le fatigue.
La patiente 2, elle, reconnaît que si aujourd’hui, son conjoint comprend sa maladie, cela n’a
pas toujours été le cas. Elle a aussi hésité à avoir un 2e enfant à cause de sa maladie et des
complications qu’elle pouvait engendrer.
4.2.3.3 Synthèse
Des catégories de facteurs aidants reviennent donc entre les ergothérapeutes et la patiente
2 : la compréhension et l’aide de l’environnement humain, le contact avec les équipes
soignantes et les autres patients, les rôles sociaux et les loisirs. La personnalité de la
personne et sa capacité à positiver et se projeter semblent aussi jouer sur le processus de
changement.
Cependant, aucun des deux patients n’a clairement dit avoir retrouvé un équilibre. Le patient
1 a même plutôt évoqué des difficultés que des paramètres qui l’avaient aidé. Les plus
grosses difficultés des patients sont des limitations de participation dans leurs loisirs et leur
vie de famille.
4.2.4 Interventions de l’ergothérapeute et prise en compte des habitudes de vie
4.2.4.1 Interventions des ergothérapeutes
Tous les ergothérapeutes et les patients ont relaté le début de l’intervention par un temps
d’évaluation : entretiens, bilans (analytiques et fonctionnels). Ensuite, presque tous font
pratiquer des activités ayant une fonction rééducative aux patients : activités plutôt
analytiques (déplacements d’objets), jeux, activités manuelles (perles de rocaille, déco-
patch, …).
36
D’autres mettent les patients en situation : écriture, repas, toilette, déplacement… Grâce à
ces mises en situation, ils peuvent ensuite conseiller les patients sur les compensations
qu’ils peuvent effectuer, les aides techniques qu’ils peuvent acquérir. L’ergothérapeute 4 ne
fait d’ailleurs que des mises en situation de vie quotidienne. Elle dit que par manque de
temps, elle ne peut pas faire d’activités de rééducation.
La préconisation d’aides techniques est un point important relevé par pratiquement toutes les
personnes interrogées. Les ergothérapeutes font essayer et conseillent les patients sur
différentes aides techniques avant que ceux-ci ne se les procurent. Suite à cette
préconisation, ils peuvent rédiger un argumentaire sur lequel le patient pourra s’appuyer afin
de faire une demande de financement, comme l’a indiqué le patient 1.
Enfin, des ergothérapeutes donnent des programmes d’auto-exercices que les patients
doivent reproduire chez eux.
4.2.4.2 La prise en compte des habitudes de vie
A la question de la prise en compte des habitudes de vie, tous les ergothérapeutes ont
répondu qu’ils évaluaient les patients. En revanche, ils ont des moyens différents : les
ergothérapeutes 1, 2 et 3 utilisent des bilans écrits (bilans d’activités quotidiennes maison,
bilans chiffrés sur les capacités physiques ou fonctionnelles) tandis que l’ergothérapeute 4
elle, ne fait plus aucun bilan écrit. Elle note cependant ses observations pour pouvoir les
transmettre aux autres professionnels. Tous les ergothérapeutes racontent que les
discussions avec les patients leur permettent d’en savoir plus sur les habitudes de vie de
ceux-ci. Elles peuvent donc amener à des interrogations qui n’étaient pas survenues
auparavant.
On peut cependant remarquer que, pour la plupart, les ergothérapeutes ne choisissent pas
les activités (hors mises en situation) en fonction des habitudes de vie des patients. Ils les
choisissent plutôt en fonction de leurs déficiences. Parfois, les goûts des patients sont aussi
évoqués (une activité demandant un peu plus de réflexion pour une personne avec un profil
plus intellectuel, par exemple).
Les habitudes sont plus facilement prises en compte pour choisir l’aide technique,
notamment grâce à l’essai du matériel.
4.2.4.3 Synthèse
On voit donc que les habitudes de vie sont évaluées systématiquement, que ce soit grâce à
des bilans ou grâce à des discussions avec le patient. En revanche, les activités permettant
la rééducation sont encore choisies majoritairement selon les difficultés relevées dans les
bilans (notamment analytiques) et ont pour fonction de travailler un mouvement en
37
particulier. Elles sont rarement choisies pour correspondre aux habitudes de vie des
patients.
Les habitudes de vie sont plutôt prises en compte à travers les mises en situation, que ce
soit pour essayer du matériel ou évaluer les difficultés. Ces mises en situation sont très
rarement effectuées au domicile du patient et très peu répétées dans le temps.
4.2.5 Potentiel médiateur de l’activité et relation de confiance
4.2.5.1 Pour les patients
Lorsqu’on demande aux patients ce qui a pu leur permettre de faire confiance à leur
ergothérapeute, ils donnent beaucoup d’éléments. Un thème global revient : l’attitude de
l’ergothérapeute ou de l’équipe. Un ergothérapeute qui va donner des explications et/ou va
faire une démonstration des exercices, qui aura peu de monde dans la salle (ce qui lui
permet plus de disponibilité) et qui prend du temps pour vérifier (que les exercices soient
bien effectués ou que les orthèses ne soient pas blessantes) est vu comme plus impliqué
dans son soin. Il en est de même pour celui qui prendra le temps de connaître les difficultés
du patient au quotidien. Il se verra alors accorder plus facilement la confiance du patient.
De même, la patiente 2 a apprécié de voir que l’équipe à laquelle elle a eu affaire était très à
l’écoute et ne jugeait pas (ses échecs ou difficultés, ses habitudes de vie, …). Ils avaient
beaucoup d’échanges avec elle et les autres patients et s’assuraient qu’elle comprenait bien
ce qu’ils disaient. De plus, elle trouve qu’ils avaient une prise en charge personnalisée
(adaptée à chaque personne, des petites attentions pour chaque personne, …). Cela l’a
rassurée. Elle avait peur d’avoir mal, au début de sa prise en charge. Pourtant, elle a
apprécié ses séances de rééducation : elle n’a jamais ressenti la moindre douleur. De
même, elle dit que le challenge donné par les exercices n’était pas trop haut : elle ne se fixait
pas d’objectif en particulier et il n’y avait donc pas de déception. Elle a aussi apprécié la
continuité du suivi : elle peut retourner dans le service pour un programme de rééducation, si
son médecin lui accorde et elle a toujours le contact des ergothérapeutes et sait qu’elle peut
leur poser des questions si elle en a. Enfin, l’ambiance chaleureuse du service dans lequel
elle était l’aidait à se détendre et donc à accorder sa confiance : de la musique de fond, un
environnement coloré et accueillant, une équipe qui semblait avoir de bons rapports entre
eux et avec les patients et qui utilisait souvent l’humour.
Enfin, en comparant avec un autre établissement qui l’avait prise en charge auparavant, elle
a apprécié les connaissances de l’équipe sur la maladie. Ils connaissaient notamment la
sensibilité au froid induite par le syndrome de Raynaud et proposaient toujours de réchauffer
les mains avant de commencer les exercices de rééducation.
38
4.2.5.2 Pour les ergothérapeutes
Pour les ergothérapeutes interrogés, les activités peuvent aider à construire la relation de
confiance : « tout ce qui est activité manuelle, je pense que ça joue un rôle important dans la
médiation » (ergothérapeute 1). Différentes sortes d’activités le permettent : pour les
ergothérapeutes 1 et 2, l’activité manuelle permet des discussions qui vont parfois amener
les patients à parler de leurs difficultés au quotidien. Pour l’ergothérapeute 4, c’est plutôt
l’activité journalière qui permet de rentrer en relation avec le patient : pour elle, on voit assez
vite les difficultés du patient et on peut donc rapidement en parler avec lui. Elle pense que
« l’activité manuelle ou les jeux ne vont pas forcément nous faire arriver sur ce terrain-là ».
Pour que ces activités médiatisent la relation de confiance, il y a tout de même quelques
conditions. Les ergothérapeutes 1, 2 et 3 parlent du niveau de difficulté de l’activité : celle-ci
ne doit pas être irréalisable pour le patient afin de ne pas le mettre en échec.
L’ergothérapeute 3 dit tout de même que parfois, les patients pensent ne pas être capables
de réaliser l’activité. Cependant : « si on le fait faire, c’est parce que, par notre expérience,
on peut se douter qu’elles y arriveront ». De plus, les activités doivent apporter du plaisir au
patient. Même si une activité fait travailler un point important, le patient peut ne pas l’aimer et
il est donc inutile de vouloir la continuer.
Enfin, outre que l’activité elle-même, les ergothérapeutes 1, 2 et 3 ont rapporté que le
contexte dans laquelle elle se déroule est important. Leur attitude compte beaucoup :
l’activité sert de support à l’échange. Ainsi, le patient entre plus facilement en relation. Pour
cela, l’ergothérapeute doit être à l’écoute du patient. Il prend son temps : « on prend le temps
de discuter avec la personne en même temps » (ergothérapeute 2), « on prend le temps de
s’installer, de montrer, ... » (ergothérapeute 3). Enfin, l’implication en général compte pour
l’ergothérapeute 3.
4.2.5.3 Synthèse
De nombreux paramètres semblent entrer en jeu dans la relation de confiance. L’activité en
fait partie, pas par sa nature mais par son contexte. Pour les patients comme pour les
ergothérapeutes, elle ne doit pas demander un niveau de challenge trop haut, qui la rendrait
irréalisable.
Le point qui ressort le plus de la relation de confiance, que ce soit du côté des patients ou
des ergothérapeutes, est l’attitude de ceux-ci. Un ergothérapeute à l’écoute, enclin à
l’échange, qui s’implique sans être dans le jugement, qui assure un suivi personnalité et qui
le pérennise dans le temps va plus facilement inciter le patient à lui faire confiance. Cette
confiance va ensuite pouvoir permettre une meilleure adhésion au suivi.
39
4.2.6 Les spécificités du suivi d’une maladie chronique
Le suivi d’une maladie chronique est spécifique selon plusieurs points, d’après les
ergothérapeutes. Le point revenant souvent est la continuité du suivi. Pour les
ergothérapeutes 1 et 4, les patients sont régulièrement revus. Ensuite, les ergothérapeutes
se projettent plus facilement dans le futur : ils vont donner des conseils pour « l’après-
rééducation » et parfois même des auto-programmes d’exercices. De même, ils se rendent
disponibles pour les patients qui peuvent leur téléphoner ou leur écrire par messagerie
électronique pour demander des conseils.
Un autre point va être l’évolution dans le temps : la maladie n’évolue pas favorablement : il
ne faut donc pas chercher à retrouver les capacités « d’avant » de la personne. Il s’agit
surtout d’améliorer les capacités de la personne dans une moindre mesure, et de prévenir
une aggravation : « soit on gagne, soit on limite la perte […] on sait surtout que si on ne fait
rien, ça s’aggrave » (ergothérapeute 3). D’après l’ergothérapeute 4, lorsque la maladie
évolue de façon défavorable, on arrive sur une démarche de fin de vie. Or, les services, dans
leurs configurations actuelles ne sont pas toujours adaptés (temps de prise en charge trop
court, …). Pour elle, il serait intéressant de se poser la question de l’accompagnement vers
l’évolution de leur maladie.
4.2.7 L’amélioration de la qualité de vie selon les ergothérapeutes
Lorsqu’on demande aux ergothérapeutes comment ils pensent améliorer la qualité de vie
des patients, les réponses sont assez variées.
Un élément revient cependant dans le discours de tous les ergothérapeutes : on améliore la
qualité de vie en aidant le patient à redevenir indépendant et autonome. Les aides
techniques, les aménagements de l’environnement et les adaptations des activités
permettent l’indépendance de la personne : elle peut de nouveau réaliser ses activités seule,
ce qui est important pour un bon nombre de personnes. De même, en les incitant à trouver
des idées par eux-mêmes, l’ergothérapeute 4 dit les amener à une démarche de réflexion
qui pourra ensuite les mener vers une plus grande autonomie.
Cette démarche d’autonomisation permettra ensuite à la personne de retrouver confiance en
elle : elle se sent de nouveau capable de réaliser des activités et retrouve un peu voire
beaucoup de fierté. Sa perception de sa qualité de vie s’améliore donc.
L’attitude de l’ergothérapeute permettra aussi l’implication du patient et permettra aussi
l’autonomisation de celui-ci. Cela va jouer ensuite sur le moral : cela leur redonne le goût des
activités et surtout, va les aider à mieux accepter leur maladie.
40
4.2.8 La vision de l’avenir par les patients
4.2.8.1 Patient 1
Le premier patient exprime que l’avenir ne lui paraît pas très brillant : le fait de ne pas
pouvoir retourner travailler le contrarie beaucoup, son travail ayant été une grande partie de
sa vie. De plus, il n’a pas été reconnu en invalidité, ce qui l’empêche de recevoir les
compensations financières du handicap. La société le considère donc comme étant au
chômage : « Donc je suis à Pôle Emploi. Et eux, ils m’ont dit qu’ils pouvaient pas faire grand-
chose. Bah non ! Je peux rien faire avec mes mains, je peux faire quoi ? ». Il sait qu’il ne
pourra plus récupérer ses capacités d’auparavant, que sont état ne peut que stagner ou
régresser. Il dit cependant avoir un meilleur moral qu’au début de sa maladie et qu’il faut
« continuer comme ça ». Ses enfants et son rôle auprès d’eux l’aident beaucoup : au
moment de l’entretien, sa fille aînée venait d’emménager et l’appelait souvent pour l’aider à
régler quelques soucis, ce qu’il faisait volontiers.
4.2.8.2 Patiente 2
La deuxième patiente, elle, dit voir l’avenir « avec pas mal d’optimisme ». Elle dit avoir
conscience que son état peut s’aggraver et donc vivre le plus possible actuellement : elle
veut voyager tout de suite, de crainte de ne plus pouvoir le faire ensuite. Cependant, si son
état s’empire, elle pense avoir encore des ressources. Par exemple, elle essaie de prendre
le moins de médicaments possible actuellement, afin de pouvoir faire augmenter son
traitement si ses symptômes venaient à évoluer. Le regard des gens l’a beaucoup gênée,
mais c’est bien moins le cas maintenant. Elle dit avoir accepté sa maladie, ce qui l’a aidée à
avancer. De plus, quelques situations dans sa vie lui ont fait remarquer que tous les gens ne
jugeaient pas, ce qu’elle a apprécié : « l’entraide existe encore ».
4.2.8.3 Synthèse
On peut donc voir que les deux patients ne se disent pas vraiment tournés vers l’avenir.
Tous les deux semblent se concentrer sur le présent. La patiente 2 semble mieux accepter
sa maladie. Cependant, elle est atteinte depuis plus longtemps et son environnement
socioprofessionnel n’a pas autant changé que celui du patient 1. On peut imaginer que cela
l’a aidée.
41
5 Discussion
5.1 Limites de l’étude
Ce travail comporte plusieurs limites. La première contrainte qui m’a fortement gênée dans
sa rédaction est que la sclérodermie systémique est une maladie rare. En effet, j’ai tout
d’abord eu des difficultés à trouver des écrits la concernant. Parmi ceux que j’ai trouvés très
peu mentionnaient l’intervention en ergothérapie auprès des personnes atteintes de cette
maladie. J’ai donc utilisé des écrits plus généraux sur l’ergothérapie et ai essayé de les relier
à la sclérodermie systémique. De plus, j’ai dû utiliser certains écrits qui n’étaient pas
vraiment récents.
En construisant ma problématique, cette rareté s’est trouvée être une nouvelle difficulté pour
trouver des ergothérapeutes avec qui échanger pour ma phase exploratoire. J’ai pu en
trouver deux mais l’un deux n’a pu répondre à mes questions que par e-mail : ses réponses
étaient donc très concises et ce moyen de communication permettait difficilement de les faire
approfondir.
Lors de la phase d’enquête, le même problème s’est posé pour retrouver des
ergothérapeutes à interroger. J’ai réussi à en interroger 4 mais 3 travaillaient au même
endroit : bien que leurs avis soient différents, cela ne m’a pas permis d’avoir une véritable
diversité des pratiques professionnelles. De même, en interrogeant uniquement 4
personnes, je ne peux pas avoir une vue d’ensemble de toute la population des
ergothérapeutes travaillant avec la population : leurs réponses ne peuvent donc pas être
généralisées à l’ensemble des ergothérapeutes.
Du côté des patients interrogés, j’ai eu le contact de l’une d’elle par un des ergothérapeutes
que j’avais interrogé. J’ai pu contacter le deuxième patient par l’intermédiaire d’un groupe de
personnes atteintes de la sclérodermie systémique, sur un réseau social, sur lequel j’avais
laissé un message expliquant le but de mon travail. Par ce même réseau, d’autres
personnes m’ont contactée. Certaines ne correspondaient malheureusement pas aux
critères que je m’étais fixés pour l’étude (personnes atteintes de forme diffuse uniquement).
D’autres ne m’ont plus répondu par la suite, malgré des relances multiples. J’étais passée
par ce réseau social en espérant avoir des réponses de personnes qui n’étaient pas suivies
par des ergothérapeutes en espérant enrichir l’enquête sur l’intervention de l’ergothérapeute
mais cela n’a pas été le cas. J’ai contacté l’Association des Sclérodermiques de France,
ceux-ci n’ont pas souhaité diffuser un message concernant mon travail.
De plus, la sclérodermie systémique présentant un nombre important de manifestations
différentes, même en limitant l’étude à sa forme diffuse, les réponses des personnes
42
interrogées ne peuvent pas être généralisées à toutes les personnes ayant cette maladie :
leurs atteintes seront sûrement différentes. De plus, elles ne seront pas situées dans le
même contexte.
Concernant les entretiens, certains ont été effectués par téléphone. Ce moyen de
communication ne permet pas de voir les réactions de la personne : les données para-
verbales sont donc perdues. J’aurais peut-être pu avoir plus d’informations grâce à cela,
reformuler mes questions si besoin ou demander des précisions.
Enfin, beaucoup de mes données proviennent du même établissement, centre de référence
de la sclérodermie systémique. Trois ergothérapeutes interrogés y travaillent et une patiente
interrogée y a été suivie. C’est aussi le même endroit où j’ai fait le stage qui m’a permis de
suivre la situation qui m’a interrogée au début de ce travail. Cependant, les contraintes
temporelles et géographiques imposées par l’année scolaire (les stages, notamment) n’ont
pas rendu possible une exploration plus approfondie.
5.2 L’ergothérapeute et le processus de changement chez les
personnes atteintes de sclérodermie systémique
L’enquête réalisée a permis de confirmer les changements physiques et esthétiques
suggérés par les écrits. Cependant, les deux changements qui ressortent le plus de
l’enquête restent celui de la vie quotidienne et celui de la vie sociale. En effet, les
changements physiques impactent de façon importante la vie quotidienne : la personne va
manquer de mobilité pour effectuer les manipulations fines que demandent les activités de
vie quotidienne. Par exemple, elle va être en difficulté pour ouvrir des bouteilles, des bocaux,
pour porter des casseroles ou d’autres choses lourdes.
Cela va la forcer à demander de l’aide, ce qui va ensuite amener une modification des
relations sociales. Dans la relation de couple, cela peut amener à changer le rôle de simple
conjoint en un rôle d’aidant. Il en est de même pour la relation entre parent et enfant. Cette
« perte » de rôle social peut avoir des conséquences sur le moral de la personne. Ainsi, sa
qualité de vie s’en trouve affectée. Une nouvelle piste de réflexion peut alors être évoquée :
comment la sclérodermie systémique va impacter la dynamique de la personne avec son
entourage ? Comment l’ergothérapeute peut-il aider à accompagner ce changement de
dynamique ?
Il pourrait être intéressant pour cela de comparer deux types de populations : une population
de personnes ayant eu un suivi en ergothérapie et une population de personnes n’ayant
jamais vu un ergothérapeute. Il serait aussi intéressant de multiplier le nombre de réponses
afin de rendre les résultats plus significatifs. Ainsi, on pourrait déterminer plus facilement
43
l’impact que l’ergothérapeute peut avoir sur l’acceptation de la maladie par la personne et
son entourage.
5.3 Rappel de la question de recherche et discussion autour des
hypothèses
La question de recherche de ce travail était la suivante : quel impact l’accompagnement
ergothérapique peut-il avoir sur la qualité de vie des personnes atteintes de sclérodermie
systémique ?
La première hypothèse était la suivante : Avec un patient porteur de maladie chronique, le
potentiel thérapeutique d’une activité signifiante permet à l’ergothérapeute de créer une
relation aidante à l’amélioration de la qualité de vie.
Grâce à l’enquête, nous pouvons nous rendre compte que l’activité (activité manuelle, jeu,
activité de vie quotidienne) a en effet un rôle médiateur. Si elle comporte un niveau de
challenge juste (ni trop difficile, ni trop facile) et que le patient y prend plaisir, elle permet
d’initier un dialogue entre la personne et le thérapeute. Ce dialogue va permettre un meilleur
échange entre les deux et l’ergothérapeute va donc pouvoir en savoir plus sur le patient :
quelles sont les difficultés dont il n’a pas osé parler lors des premiers bilans ? Quel est son
vécu de la maladie ?
Cependant, lorsque les patients interrogés ont répondu à la question « qu’est-ce qui vous a
permis de faire confiance à votre ergothérapeute ? », l’un des plus gros éléments de réponse
a été l’attitude et la position de l’ergothérapeute. Il en a été de même pour les réponses des
ergothérapeutes, malgré le fait que la question ait été plutôt orientée pour qu’ils parlent de
l’activité. La façon dont les thérapeutes se comportent avec les patients est primordiale : le
patient doit se sentir soutenu, écouté, compris et en confiance. La patiente 2 a révélé que
pour elle, une bonne partie de cette confiance est arrivée suite à l’ambiance dans le service :
elle y a rencontré une équipe chaleureuse et détendue. Ainsi, on peut voir que si le
personnel d’un service se sent bien dans son lieu d’exercice, cela peut avoir un
retentissement important sur le patient. L’inverse est aussi vrai : si le patient ne trouve pas le
thérapeute à l’aise, s’il le sent tendu et stressé, il ne va pas se montrer détendu lui-même et
cela aura sûrement un impact important sur son adhésion aux soins. Or le soin en lui-même
est tout de même recommandé pour améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de
sclérodermie systémique. Une non-adhésion aux soins pourrait donc avoir pour
conséquence une amélioration amoindrie de la qualité de vie. Si l’ergothérapeute est
impliqué dans le soin et s’adapte au patient et à ses besoins, la démarche en sera d’autant
plus facilitée.
44
La deuxième hypothèse de ce travail intervient alors : En prenant en compte les habitudes
de vie de la personne lors de son accompagnement, l’ergothérapeute l’aide à accéder à une
meilleure participation sociale.
En effet, dans tous les écrits sur l’ergothérapie, il est indiqué que l’ergothérapeute se base
sur les habitudes de vie. Voici un extrait du site de la World Foundation of Occupational
Therapists : « The plan should be relevant to the person's development stage, habits, roles,
life-style preferences and the environment. »11 (WFOT, non daté sur le site). De nombreux
écrits préconisent donc de mettre en place des activités basées sur les habitudes de vie des
patients. C’est pourquoi les ergothérapeutes utilisent beaucoup les activités de vie
quotidienne dans leur exercice. L’enquête effectuée nous informe que les ergothérapeutes
basent beaucoup leurs évaluations dessus. Des bilans maison sont effectués pour connaître
ces habitudes de vie : ils abordent le maximum d’aspects de la vie quotidienne, s’intéressent
aux loisirs, à l’environnement de la personne, … Les bilans maison ont été choisis par les
professionnels car ils sont modulables : l’ergothérapeute 3 a confié qu’il modifiait
régulièrement le bilan, dès qu’une personne lui rapportait une difficulté à laquelle il n’avait
pas pensé auparavant. L’ergothérapeute 4, elle, rapporte ne pas faire de bilan à proprement
parler mais elle évalue beaucoup les besoins de la personne par des échanges avec les
patients et les observations qu’elle peut faire lors des mises en situation.
En revanche, les autres ergothérapeutes ne choisissent pas forcément leurs activités de
rééducation en fonction des habitudes de vie des patients. Ils les choisissent plutôt pour la
fonction qu’elles vont faire travailler et afin que le patient y prenne goût. Cela permet au
patient de récupérer des capacités en se faisant plaisir. Il en est de même avec la fabrication
des orthèses : elles ne sont pas vraiment fabriquées en fonction des habitudes de vie du
patient mais plutôt de la fonction à maintenir ou améliorer. La seule prise en compte des
habitudes de vie les concernant sera dans la préconisation de port : nous pouvons essayer
d’indiquer au patient des moments qui seront les moins gênants pour leurs occupations.
Dans le cadre de la rééducation, la participation sociale du patient va donc être améliorée
grâce à ce gain ou maintien de capacités, mais pas forcément par la prise en compte des
habitudes de vie.
Les activités de réadaptation, elles, se basent beaucoup plus sur les habitudes de vie du
patient. L’ergothérapeute 4 ne pratique que des mises en situation avec ses patients, car
pour elle, la prise en compte des habitudes de vie est essentielle. Grâce à leur évaluation,
les ergothérapeutes vont pouvoir connaître ces habitudes de vie. Ils vont ensuite chercher à
11
Le plan d’intervention doit être pertinent en regard du niveau de développement de la personne, de ses habitudes, de ses rôles, de ses habitudes de vie et de son environnement (traduction personnelle)
45
adapter l’environnement (par les aménagements de domicile) ou une activité (par la
préconisation d’aides techniques ou de compensations physiques). Ainsi, les habitudes de
vie ne resteront pas inchangées, certes, mais les occupations de la personne seront
réalisables pour elle. La participation sociale est donc en effet améliorée par la prise en
compte des habitudes de vie dans le cadre de la réadaptation.
Pour cela, il faut que l’ergothérapeute puisse prendre le temps de connaître son patient. Le
temps de l’évaluation est donc un moment très important. Malheureusement, ce temps n’est
pas le plus agréable pour les patients. Lors d’un de mes stages en centre de rééducation,
j’avais effectué une analyse de pratique sur le sujet. J’avais remarqué que le fait de se sentir
évalué faisait souvent réagir les patients d’une façon inhabituelle pour eux : ils en perdaient
souvent leurs moyens. En les mettant dans une situation qui les « sanctionnait » moins
(comme une situation de jeu ou de challenge), leurs résultats augmentaient ! Il pourrait donc
être intéressant de réfléchir à une solution qui permettrait de faire une évaluation en enlevant
le côté « scolaire » de celle-ci. De plus, une des contraintes évoquée par l’ergothérapeute 4
m’a semblé importante à relever : les prises en charge se font souvent sur un temps court.
Cela ne nous permet pas assez d’apprendre à connaître le patient et nous sommes souvent
obligés de nous concentrer sur les problèmes les plus urgents. Je pense donc que la qualité
de vie des personnes atteintes de sclérodermie systémique pourrait être encore améliorée si
l’on pouvait avoir un suivi sur du long voire très long terme.
5.4 Programmes d’éducation thérapeutique du patient
Ce suivi à long terme peut être possible grâce aux programmes d’éducation thérapeutique
du patient (ETP). Selon le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP), « L’éducation
thérapeutique aide les personnes atteintes de maladie chronique et leur entourage à
comprendre la maladie et le traitement, à coopérer avec les soignants et à maintenir ou
améliorer leur qualité de vie. Pour bon nombre de pathologies, il est démontré que
l’éducation thérapeutique des patients améliore l’efficacité des soins et permet de réduire la
fréquence et la gravité des complications. » (HCSP, 2009, p.2). Les programmes d’ETP se
construisent sur plusieurs séances, ce qui permet d’assurer un plus long suivi. Les
personnes sont accompagnées au sein d’un groupe. Plusieurs professionnels interviennent
sur un programme. L’ETP étant de plus en plus recommandée par les autorités de santé, sa
formation commence à être assurée dans les instituts de formation professionnelle,
notamment en ergothérapie.
Le but d’un programme d’ETP ne va pas être de pratiquer des soins sur le patient et que
celui-ci rentre ensuite chez lui dans la foulée. Au contraire, il va s’agir de faire en sorte
d’impliquer le patient dans son soin. On peut alors se rapporter au terme anglo-saxon venant
46
d’Amérique du Nord, empowerment. Comme le rappellent LACROIX et ASSAL,
l’empowerment correspond au fait d’aider une personne à retrouver son pouvoir de décision
et d’action sur sa vie. L’intervention du soignant va alors être menée dans le but
d’autonomiser et de responsabiliser au maximum le patient afin qu’il gère au mieux sa
maladie. Le patient est vraiment acteur de son soin. Le mot accompagnement, tel
qu’expliqué dans la partie théorique de ce travail prend alors tout son sens.
Actuellement en France, il existe quelques programmes d’ETP destinés aux personnes
atteintes de sclérodermie systémique. En effet, plusieurs points peuvent être abordés dans
ces programmes. L’ETP va apprendre au patient à vivre avec sa maladie et à prévenir les
complications que celle-ci peut amener.
Tout d’abord, le syndrome de Raynaud implique des précautions à prendre pour la
personne : ne pas exposer les mains au froid est la plus importante. Or, on peut rarement
échapper au froid lorsqu’on sort de chez soi, notamment en hiver. Il est donc important que
les patients puissent avoir des astuces afin de se protéger.
Ensuite, les limitations articulaires liées à la rétraction de la peau peuvent être réduites par
des exercices quotidiens.
Ces astuces peuvent même être données par les patients eux-mêmes, lorsqu’ils sont en
groupe. Le rôle du patient expert est, dans cette optique, très intéressant. D’après SIMON
and al., le patient expert n’est pas là uniquement dans le but de transmettre ses
connaissances mais aussi pour permettre à la personne de s’exprimer. Il peut aussi partager
son expérience. Encore une fois, il s’agit d’un échange et non plus d’une relation entre une
personne « qui sait » et une personne « qui ignore ». On parle alors de pair-émulation.
Le professionnel va lui aussi pouvoir partager son expérience mais il sera aussi présent pour
médiatiser les échanges. L’ergothérapeute sera alors prédisposé pour parler de tous les
tracas de la vie quotidienne et de la prévention des rétractions. Il va pouvoir donner un auto-
programme d’exercices quotidiens qui vont permettre de mobiliser les doigts. Les conseils
sur le port des orthèses peuvent aussi faire partie d’un programme d’ETP. Or, en faisant des
recherches sur les sites Internet des centres de référence de la maladie, j’ai découvert qu’il
n’en existait que peu validés par la HAS et destinés aux personnes atteintes de sclérodermie
systémique, qui contenaient une intervention ergothérapique. Il pourrait donc être intéressant
de se questionner sur le rôle et la place de l’ergothérapie dans de tels programmes. Cette
réflexion pourra d’autant plus être pertinente que ceux concernant la sclérodermie
systémique sont, pour la plupart, assez récents.
47
5.5 La perception de la maladie chronique : le concept de « santé-dans-
la-maladie »
Dans les programmes d’ETP, les professionnels sont amenés à travailler avec des patients
atteints de maladie chronique. Comme rappelé dans la partie théorique, la maladie
chronique nécessite une approche particulière. En effet, pour le patient, il va s’agir
d’accepter qu’il devra vivre avec. Pour le thérapeute, il va s’agir d’accepter qu’il ne pourra
pas guérir la personne. Pour cela, je trouve qu’il est intéressant de s’interroger sur la façon
dont nous percevons la santé. En faisant des recherches sur le terme « santé » lors de la
construction de ma problématique, j’ai découvert un article écrit par E. ELLEFSEN et C.
CARA, deux infirmières et professeures canadiennes. Cet article abordait un concept,
appliqué à la sclérodermie, mais encore peu connu : le concept de « santé-dans-la-
maladie ». Dans l’article, elles expliquent que dans leur étude, elles ont amené tout d’abord
les personnes interrogées à réfléchir sur ce à quoi la maladie correspond chez elle. Elles
travaillent donc sur les perceptions et les représentations des personnes. Les réponses sont
variées, mais on voit qu’elles sont, pour la plupart, négatives et liées aux symptômes de la
maladie (souffrance du corps, dysharmonie intérieure, …). En revanche, certaines parlent
« d’accommodation à la maladie ». Cela a permis de pousser plus loin l’étude. Elles
expliquent alors que le concept de « santé-dans-la-maladie » permet d’inciter les personnes
à penser à ce qui peut les aider à se considérer en bonne santé et à reprendre le dessus par
rapport à la maladie. Et en effet, quand elles demandent ce qu’évoque « l’expérience de
santé-dans-la-maladie », les réponses sont plus positives : nouvelle prise de pouvoir, un
nouveau bien-être dans son environnement.
Je pense que la vision de la « santé-dans-la-maladie » est donc très intéressante pour les
personnes atteintes de sclérodermie systémique mais aussi pour toutes les personnes
atteintes de maladie chronique. Les programmes d’ETP pourraient être construits dans cette
optique : le but serait de montrer à la personne que, tout en ayant sa maladie, elle est
capable de vivre, et même mieux, de se sentir en bonne santé.
48
6 Conclusion
Ce travail de recherche s’est donc effectué à partir d’entretiens réalisés auprès
d’ergothérapeutes et de personnes atteintes de sclérodermie systémique. Il se destinait à
déterminer comment la démarche de l’ergothérapeute impactait la qualité de vie de ces
personnes. L’enquête a révélé que les ergothérapeutes cherchent tout d’abord à s’enquérir
des habitudes de vie des patients. Ainsi, ils connaissent mieux celui-ci et peuvent adapter au
mieux leur accompagnement. Le choix d’une activité de rééducation importe peu, tant que le
patient y prend plaisir et peut y voir du résultat. En revanche, la réadaptation se base
vraiment sur les habitudes de vie : en mettant la personne en situation dans ses activités,
l’ergothérapeute va pouvoir plus facilement adapter celles-ci. Ainsi, l’ergothérapeute
améliore la qualité de vie de la personne en lui permettant d’avoir une meilleure participation
sociale. L’enquête a aussi permis de voir que l’attitude de l’ergothérapeute, au sein de
l’équipe pluridisciplinaire, permettait de redonner confiance au patient. En impliquant celui-ci,
il va mieux adhérer au soin et se sentira acteur de sa prise en charge. Il pourra alors se
projeter plus facilement dans sa vie, s’impliquer de nouveau dans celle-ci et donc améliorer
sa perception de la qualité de vie. Dans cette optique, les programmes d’éducation
thérapeutique du patient ainsi que le concept de « santé-dans-la-maladie » sont des outils
intéressants qui devraient se développer dans les prochaines années. Les ergothérapeutes
sont tout à fait à même d’intégrer ces outils et de les utiliser.
A travers ce travail, j’ai eu l’occasion de me lancer dans une démarche de recherche, chose
à laquelle je n’avais jamais été confrontée auparavant. Cette démarche m’a permis d’enrichir
mes connaissances, à travers les nombreuses lectures que j’ai pu faire, même si je ne les ai
pas retenues pour ce travail, mais aussi par les échanges que j’ai pu effectuer. Les
échanges avec les ergothérapeutes m’ont permis de mieux appréhender mon futur exercice
professionnel et les échanges avec les patients m’ont permis de mieux comprendre ce qu’ils
vivaient.
Ce travail m’a aussi permis d’en découvrir plus sur une pathologie très complexe, qui m’avait
beaucoup touchée lorsque je l’ai connue en stage. Il m’a permis de m’interroger sur le
positionnement que nous pouvons avoir en tant que professionnels face à une maladie
chronique telle que celle-ci. J’espère ne pas oublier la complexité qu’implique un tel
accompagnement car, ces maladies voyant leur nombre augmenter d’années en années, je
serai certainement amenée à en rencontrer dans le futur exercice de ma profession.
7 Bibliographie
Ouvrages
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humaine, in MOREL-BRACQ M., L’activité humaine : un potentiel pour la santé ?, coll.
Ergothérapies, ed. Boeck-Solal, Paris pp.217-234
- HERNANDEZ H., 2015, Evolution des habitudes de vie des Français, in MOREL-BRACQ M.,
L’activité humaine : un potentiel pour la santé ?, coll. Ergothérapies, ed. Boeck-Solal, Paris,
pp.15-34
- KÜBLER-ROSS E., 1998, Accueillir la mort, Monaco : ed. du Rocher
- LACROIX A., ASSAL J., 2011, L’éducation thérapeutique des patients. Accompagner les
patients avec une maladie chronique : nouvelles approches, ed. Maloine, Paris,
- LEPLEGE A., 1999, Les mesures de la qualité de vie, ed. Presses Universitaires de France, Paris,
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- MEYER S., 2013, De l’activité à la participation, ed. De Boeck Solal, Paris
- OFFENSTEIN E., 2015, L’ergothérapeute, catalyseur du changement ?, in L’activité humaine,
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- PIERCE D., 2015, What Makes Occupation Therapeutic ?, in L’activité humaine : un potentiel
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- ROGERS C., 1998, Le développement de la personne, ed. DUNOD, Paris pp.27-43
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Elsevier Masson, Issy-les-Moulineaux
Articles de périodiques
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- CURNILLON B., 2001, Le changement vers l’autonomie : l’ergothérapie au service du
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- MANCIAUX and al, 2001, La résilience : résister et se construire, in Archives de pédiatrie,
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- MOREL-BRACQ M., 2001, Activité et qualité de vie, la théorie du Flow, in ErgOThérapies, n°4,
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systémique : Protocole national de diagnostic et de soins, Saint-Denis-la-Plaine. Disponible
sur Internet : <http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2008-
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- HAS (Haute Autorité de Santé), 2008, Liste des actes et prestations remboursés affection de
longue durée, Sclérodermie systémique, Saint-Denis-la-Plaine. Disponible sur Internet :
<http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2008-
11/lap_sclerodermie_web.pdf> (consulté le 25.10.2015)
- Ministère de la Santé et des Solidarités, 2005, Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour
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handicapées, Journal Officiel n° 36 du 12 février 2005 page 2353, Paris. Disponible sur
Internet : <
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000809647&dateText
e=&categorieLien=id> (consulté le 22.05.2016)
- Ministère de la Santé et des Solidarités, 2010, Arrêté du 5 juillet 2010 relatif au diplôme
d'Etat d'ergothérapeute, Journal Officiel n°0156 du 8 juillet 2010 page 12558, texte n° 30,
Paris. Disponible sur Internet :
<http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000022447668&categorie
Lien=id> (consulté le 19.05.2016)
Sommaire 1 Introduction .................................................................................................................... 1
2 Problématique ................................................................................................................ 2
2.1 Données épidémiologiques ..................................................................................... 2
2.2 Répercussions de la sclérodermie systémique ........................................................ 2
2.2.1 Répercussions fonctionnelles ........................................................................... 2
2.2.2 Répercussions psychologiques ........................................................................ 3
2.3 Sclérodermie systémique et ergothérapie ............................................................... 3
2.4 Cas de Mme M. ....................................................................................................... 5
2.5 Question de départ .................................................................................................. 6
2.6 Entretiens exploratoires ........................................................................................... 7
2.7 Le vécu d’une maladie chronique ............................................................................ 8
2.7.1 Qu’est-ce que la santé ? .................................................................................. 8
2.8 Question de recherche et hypothèses ....................................................................10
3 Cadre théorique.............................................................................................................11
3.1 Impacts de la sclérodermie systémique ..................................................................11
3.1.1 La sclérodermie systémique ............................................................................11
3.1.2 Une maladie chronique ...................................................................................14
3.2 Qualité de vie et processus de changement ...........................................................16
3.2.1 Les habitudes de vie .......................................................................................16
3.2.2 La qualité de vie ..............................................................................................17
3.2.3 La résilience et le processus de changement ..................................................18
3.3 Accompagnement ergothérapique et prévention liée à la sclérodermie systémique
22
3.3.1 La relation d’aide .............................................................................................22
3.3.2 L’activité ..........................................................................................................24
3.3.3 La participation ................................................................................................25
3.3.4 La notion d’accompagnement .........................................................................27
3.3.5 L’intervention de l’ergothérapeute auprès d’un patient atteint de maladie
chronique ......................................................................................................................28
3.3.6 La fabrication et la préconisation d’aides techniques .......................................28
3.3.7 Fabrication d’orthèses .....................................................................................29
4 Enquête .........................................................................................................................31
4.1 Méthodologie ..........................................................................................................31
4.1.1 Choix de l’outil utilisé .......................................................................................31
4.1.2 Choix des personnes à interroger....................................................................31
4.2 Analyse des données recueillies ............................................................................32
4.2.1 Caractéristiques des personnes interrogées ...................................................32
4.2.2 Les changements apportés par la sclérodermie systémique ...........................32
4.2.3 Les facteurs influençant le processus de changement ....................................34
4.2.4 Interventions de l’ergothérapeute et prise en compte des habitudes de vie .....35
4.2.5 Potentiel médiateur de l’activité et relation de confiance .................................37
4.2.6 Les spécificités du suivi d’une maladie chronique ...........................................39
4.2.7 L’amélioration de la qualité de vie selon les ergothérapeutes ..........................39
4.2.8 La vision de l’avenir par les patients ................................................................40
5 Discussion .....................................................................................................................41
5.1 Limites de l’étude ...................................................................................................41
5.2 L’ergothérapeute et le processus de changement chez les personnes atteintes de
sclérodermie systémique ..................................................................................................42
5.3 Rappel de la question de recherche et discussion autour des hypothèses .............43
5.4 Programmes d’éducation thérapeutique du patient.................................................45
5.5 La perception de la maladie chronique : le concept de « santé-dans-la-maladie » .47
6 Conclusion ....................................................................................................................48
7 Bibliographie .................................................................................................................49
8 Sommaire détaillé………………………………………………………………………………52
9 Sommaire des annexes………………………………………………………………………...54
Sommaire des annexes
I : Echange exploratoire par mail…………………………………………………………………….1
II : Entretien téléphonique exploratoire…………………………………………………..…………2
III : Guide d’entretien pour les ergothérapeutes………………………………………..………….3
IV : Guide d’entretien pour les patients………………………………………………..……………4
V : Entretien ergothérapeute 1………………………………………………………….…………...6
VI : Entretien ergothérapeute 2……………………………………………………………….……..8
VII : Entretien ergothérapeute 3……………………………………………………………………10
VIII : Entretien ergothérapeute 4…………………………………………………………………...14
IX : Entretien patient 1………………………………………………………………………………16
X : Entretien patiente 2……………………………………………………………………………...20
XI : Tableau d’analyse des entretiens……………………………………………………………..28
1
I. Annexe n°1 : échange exploratoire effectué par mail un ergothérapeute exerçant dans un centre hospitalier, référence de la sclérodermie systémique
- Que signifie pour vous le terme "qualité de vie" ? La qualité de vie est la perception qu’a un individu de sa place dans la société. Celle-ci est en lien avec ses activités de vie quotidienne (qu’il parvient ou non à réaliser), ses relations avec les autres… - Quels sont les facteurs influant sur la qualité de vie ? L’état émotionnel et psychologique de l’individu peuvent être des facteurs influant sur la qualité de vie. - Selon vous, comment est-elle affectée par la sclérodermie systémique ? Dans la sclérodermie systémique, la qualité de vie est affectée par la difficulté à réaliser les activités de vie quotidienne. - Effectuez-vous des évaluations en rapport avec la qualité de vie ? Si oui, lesquelles et pourquoi celles-ci ? La main de Cochin et l’HAQ
12
Cependant, ces évaluations n’abordent que l’impact de la maladie sur les activités de vie quotidienne. - Comment l'ergothérapeute peut, selon vous, influer sur la qualité de vie des personnes atteintes de sclérodermie systémique ? L’ergothérapeute peut agir par la préconisation d’aides techniques afin d’améliorer l’indépendance du patient. - Avez-vous des remarques ou des suggestions à faire ? Avez-vous pensé à la MOS-SF 36 ?
12
Health Assessment Questionnaire
2
II. Annexe n°2 : Entretien téléphonique exploratoire, avec une ergothérapeute exerçant dans un service de rhumatologie, dans un hôpital centre de référence de la maladie.
Que représente pour vous la qualité de vie ?
Alors… La qualité de vie est un terme assez vague. Je dirais que c’est ce qui est important pour le patient : ses activités signifiantes et significatives et ce qui répond à ses objectifs personnels. C’est donc une notion très subjective. Et je dirai que ça amène à une échelle : à partir de quand peut-on dire qu’on a une bonne ou une mauvaise qualité de vie ? Est-ce que c’est être en bonne santé ? Autre chose ?
Comment est-elle affectée par la sclérodermie systémique ?
C’est le handicap qui touche le plus les gens. En tant qu’ergothérapeute, on va essayer de découvrir ce que représente la qualité de vie de la personne : en posant des questions, en faisant passer des bilans d’autonomie et en regardant quelles sont les atteintes. Nous allons répondre à ses demandes en apportant des conseils pour améliorer les activités de vie quotidienne, faciliter l’autonomie, et présenter des aides techniques. On va aussi créer une amélioration de la qualité de vie en améliorant les capacités du patient (par la rééducation).
Quelles sont les prescriptions médicales des personnes que vous recevez ?
Les prescriptions comportent : la confection d’orthèses (de repos, dynamiques d’enroulement et d’extension des doigts).
On nous demande aussi de maintenir et de gagner en amplitudes particulières, de lutter contre la douleur (grâce aux orthèses mais aussi en agissant contre les ulcérations, en conseillant les gens pour se réchauffer, et en protégeant la sensibilité de la pulpe : protection des doigts en fabriquant des capuchons). Parfois, on nous prescrit un renforcement musculaire, et un travail d’aérobie/endurance pendant les activités. Nous devons aussi apporter des conseils pour la vie quotidienne.
Pensez-vous que l’ergothérapeute puisse agir sur le côté psychologique de la maladie ? Si oui, comment ?
Oui, l’ergothérapeute agit sur le côté psychologique de la maladie : il agit sur l’acceptation de la pathologie. En quelques sortes, l’ergothérapeute permet au patient de s’investir dans la prise en charge, d’en devenir acteur, et donc de dédramatiser. Cela permet de lui dire qu’il y a des solutions, de lui donner de l’espoir.
Je suis allée chercher le protocole de diagnostic et de soins de la sclérodermie systémique de la Haute Autorité de Santé (l’HAS) et l’ergothérapie n’y figure nulle part. Pourtant, dans les hôpitaux de référence sur cette maladie, il y a des ergothérapeutes qui interviennent auprès des personnes qui en sont atteintes. Pourquoi à votre avis ?
C’est un peu une contradiction. Pour le texte de l’HAS, cela pose question. A l’hôpital Cochin, nous avons tout à fait notre place dans la prise en charge de ces maladies, les médecins nous demandent souvent de suivre les personnes atteintes. Cela peut amener à réfléchir sur la place de l’ergothérapeute dans les textes officiels. De plus, la sclérodermie systémique est une maladie rare : les gens en général et donc les ergothérapeutes ne se penchent pas forcément dessus.
A l’hôpital Cochin, nous voyons beaucoup de personnes arrivant de province. Avec eux, nous fabriquons des orthèses, et nous leur donnons des conseils pour agir sur le quotidien. La sclérodermie systémique handicape leur vie quotidienne : cela les rassure de voir des centres spécialisés avec des ergothérapeutes, pour aménager leur environnement, les conseiller, …
Avez-vous des remarques ou des suggestions à faire ?
Pour moi, la qualité de vie est un terme très général, presque trop vague. Il pourrait peut-être être intéressant d’utiliser un autre terme ?
3
III. Guide d’entretien pour les ergothérapeutes
Bonjour, je m’appelle Annabel PRUVEL, je suis étudiante en 3ème
année d’ergothérapie à l’institut de formation de Rennes. Mon mémoire porte sur la qualité de vie des personnes atteintes de sclérodermie systémique.
1) Selon vous, quels changements entraîne la sclérodermie systémique chez les personnes qui en sont atteintes ?
Je cherche à savoir quelles sont les modifications qui ont pu entraîner un changement dans la qualité de vie du patient : des changements physiques (raideur des mains, de l’ouverture buccale, difficultés respiratoires, …), psychologiques (humeur dépressive), sociaux (arrêt de travail, changements dans les relations : plus de fatigue donc moins de sorties, …)
2) Quels sont les facteurs qui peuvent aider ces personnes à trouver un nouvel équilibre ? Quels peuvent être les facteurs qui les en empêchent ?
Je cherche à connaître les facteurs favorables et défavorables au processus de changement : la réaction de la famille et de l’entourage par rapport à la maladie, la personnalité de la personne, …
3) Comment prenez-vous en compte les habitudes de vie des patients dans votre accompagnement et le choix des activités que vous proposez ?
Je cherche à identifier à quel point les habitudes de vie sont prises en compte dans les besoins du patient lors d’un accompagnement ergothérapique : sont-elles évaluées ? Les activités proposées sont-elles inspirées par ces habitudes de vie ?
4) A quel point pensez-vous que ces activités vous aident à entrer en relation avec le patient ?
Je cherche à identifier le potentiel thérapeutique de l’activité et comment elle peut être un médiateur dans la relation soignant/soigné. Je pense que l’implication du patient est une notion importante.
5) Comment prenez-vous en compte la chronicité de la maladie dans votre accompagnement ?
Je cherche à connaître la différence d’accompagnement entre une pathologie aiguë et une pathologie chronique : je suppose qu’on va moins chercher à avoir un « meilleur » résultat sur les capacités physiques mais qu’on va plutôt chercher à améliorer le confort de la personne.
6) Enfin, comment pensez-vous améliorer la qualité de vie des personnes que vous accompagnez ?
Je cherche à identifier ce qui est important selon l’ergothérapeute pour améliorer la qualité de vie d’une personne atteinte de sclérodermie systémique. Je pense qu’il est moins important de s’attarder sur les capacités de la personne mais plutôt sur la façon dont elle vit sa maladie.
4
IV. Guide d’entretien pour les patients
Bonjour, je m’appelle Annabel PRUVEL, je suis étudiante en 3ème
année d’ergothérapie à l’institut de formation de Rennes. Mon mémoire porte sur la qualité de vie (la façon dont les personnes se sentent, aussi bien physiquement que moralement, dans leur environnement
humain et matériel) des personnes atteintes de sclérodermie systémique.
Je vais donc vous poser quelques questions. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, ce qui m’intéresse, c’est de recueillir votre avis.
Tout d’abord, j’aimerais savoir si vous êtes suivi par un ergothérapeute. Oui/non. Si non, connaissez-vous le métier ? Oui/non. Explications au cas où
1) Quels changements a entraîné la sclérodermie systémique chez vous ? (votre personnalité, vos occupations, vos relations sociales, …)
Je cherche à savoir quelles sont les modifications qui ont pu entraîner un changement dans la qualité de vie du patient : des changements physiques (raideur des mains, de l’ouverture buccale, difficultés respiratoires, …), psychologiques (humeur dépressive), sociaux (arrêt de travail, changements dans les relations : plus de fatigue donc moins de sorties, …)
2) Pensez-vous avoir retrouvé un équilibre ? Qu’est-ce qui, selon vous, vous a aidé ou vous en a empêché ?
Je cherche à connaître les facteurs favorables et défavorables au processus de changement : la réaction de la famille et de l’entourage par rapport à la maladie, la personnalité de la personne, …
3) (pour les personnes suivies par un ergothérapeute) : Pouvez-vous me décrire en quoi l’ergothérapeute est intervenu auprès de vous ?
Je cherche à savoir quelles interventions ergothérapiques ont été mises en place : activités de rééducation, évaluations, préconisation d’aides techniques, fabrication d’orthèses ?
4) Selon vous, quels outils ont pu vous aider à construire la relation avec l'ergothérapeute ?
Je cherche à savoir si les activités ont eu un potentiel thérapeutique et ont médiatisé la relation soignant/soigné.
5) Qu’auriez-vous souhaité que l’ergothérapie vous apporte de plus ?
Je souhaite savoir si les personnes ressentent un besoin supplémentaire par rapport à l’ergothérapie
3) (pour les personnes non suivies par un ergothérapeute) : Après avoir eu la description du métier d’ergothérapeute, comment pensez-vous qu’une activité pratiquée auprès de lui puisse vous aider ?
Je cherche à connaître le potentiel thérapeutique que peut imaginer un patient par rapport à une activité
4) Comment pensez-vous qu’une relation aidante puisse se construire entre un ergothérapeute et un patient atteint de sclérodermie systémique ?
Je cherche à connaître les facteurs aidants pour une relation thérapeutique, selon les patients
6) Actuellement, quel futur envisagez-vous pour vous et votre entourage ?
Je cherche à savoir si le patient est toujours dans une optique de changement et si l’accompagnement de l’ergothérapeute l’a aidé à mieux accepter sa maladie.
5
V. Entretien ergothérapeute n°1
Ergothérapeute travaillant en centre de référence de la sclérodermie
systémique – hôpital de jour et hospitalisation complète
Selon vous, quels changements entraîne la sclérodermie systémique chez les personnes
atteintes ?
Alors, dans les changements physiques, je pense que c’est surtout visible au niveau du visage et
après, au niveau du changement de la qualité de vie, il y a moins d’autonomie, forcément. Puis je
pense qu’il y a aussi une altération du moral. Oui, je dirais ces facteurs-là.
Et au niveau de l’entourage ?
Il peut y avoir aussi un changement, comme il y a une perte d’autonomie plus ou moins importante, il y
a aussi des répercussions dans le domaine du travail. Ça, je n’y avais pas pensé et c’est vrai que c’est
important. Souvent, ce sont des gens qui essayent de conserver une activité professionnelle mais
c’est difficile. Donc souvent, il y a un mi-temps, ils s’arrêtent… Après, au niveau de la famille, on n’a
pas énormément de retour, parce qu’on ne la voit pas beaucoup et c’est vrai qu’on ne pose pas trop la
question. C’est plus l’autonomie de la personne et puis le travail, on pose quelques questions. Après,
on leur demande s’ils ont de l’aide ou pas d’aide… Souvent, on n’a pas trop de retour si la famille
accepte ou a du mal à accepter ces changements.
Et quels sont les facteurs qui peuvent aider ces personnes à retrouver un nouvel équilibre,
après tous ces changements ou les facteurs qui peuvent les en empêcher ?
Euh… Je pense qu’il y a la rééducation, qui joue un rôle important. Après, il peut y avoir aussi les
associations. Ça, c’est à double versant, selon les personnes. Soit ça aide, soit c’est l’inverse, ça
déprime. Non, je pense surtout à la rééducation. Dans la rééducation, le suivi régulier avec le
médecin, l’entente avec le médecin, l’équipe rééducative, ça, je pense que ça joue.
Ici, comment prenez-vous en compte les habitudes de vie des gens dans l’accompagnement
que vous avez et dans les activités que vous proposez ?
Bah déjà, on fait un bilan d’autonomie, après, on essaye de trouver des solutions pour palier aux
difficultés. On peut essayer de trouver aussi des activités qui correspondent, des activités manuelles
pour essayer de récupérer les préhensions fines, ou des trucs comme ça. Et puis, en discutant avec le
patient. Savoir ce qu’il aime, ce qu’il veut faire, ce qui est difficile pour lui… Ce qu’il aimerait récupérer.
Par exemple, une dame qui a du mal à se coiffer et pour qui c’est important, on va essayer de se
concentrer là-dessus. Après, si elle n’arrive pas à se coiffer mais qu’elle dit qu’elle a les cheveux
courts, ben ce n’est pas un problème. On va vraiment essayer de s’adapter au patient en discutant
avec lui.
Et à quel point pensez-vous que les activités que vous faîtes avec les patients vous aident à
entrer en relation avec eux ?
Euh… Bah tout ce qui est activité manuelle, je pense que ça joue un rôle important dans la médiation,
déjà, ça peut permettre de discuter. Après, il faut trouver la bonne activité, que ça plaise au patient,
pas trop difficile non plus. Et après, ça peut être un prétexte pour discuter… Que le patient puisse
rentrer plus facilement, que ce soit quelqu’un qui soit plus en confiance.
C’est quelque chose qui peut jouer ensuite sur le moral de la personne ?
6
Ouais, je pense. Après, nous on essaye de trouver des activités qui plaisent et on les incite à
continuer chez eux. Ça, après, on n’a pas parlé de tout ce qui est appareillage On les incite à mettre
les attelles, l’appareillage…
Et le fait d’avoir une bonne relation suite aux activités, ça aide à ce qu’ils suivent plus
facilement les conseils ?
Oui. Oui, tout à fait. Je pense que ce qui est vraiment important, c’est d’être à l’écoute du patient. Des
fois, ils n’aiment pas du tout les activités manuelles, il faut en tenir compte, des fois on propose des
jeux, ils n’aiment pas jouer, alors il faut aussi en tenir compte. Il faut vraiment être à l’écoute pour ne
pas forcer les choses et aussi faciliter la relation.
Comment prenez-vous en compte le fait que la sclérodermie soit une maladie chronique dans
l’accompagnement ?
Bah… On donne plus de conseils pour après la rééducation. L’appareillage, on essaie d’insister, s’il y
a des problèmes, de venir nous voir avant le dernier jour… On se projette plus. On essaye de se
projeter, de les encourager à continuer la rééducation. On donne nos coordonnées, si jamais il y a un
souci… S’il y a un problème, ils peuvent venir nous voir, nous appeler… Après, on leur explique aussi
comment ça se passe ici, qu’ils sont régulièrement revus par le médecin, pour la rééducation. Voilà, ils
peuvent revenir à peu près deux sessions par an ou tous les deux ans… Enfin, tout dépend de la
gravité de la maladie, l’évolution…
Comment pensez-vous améliorer la qualité de vie, en général, de la personne ?
Alors… Moi je dirais plus que c’est au niveau du moral. Essayer de les inciter à faire le maximum de
choses, qu’ils retrouvent confiance. Parce que c’est surtout ça qui est important. Leur montrer qu’ils
peuvent encore faire des activités, leur redonner le goût de faire des activités. Après, il y a les aides
techniques, également, mais ça c’est autre chose, je ne suis pas sûre que ça rentre. Je dirais ouais,
plus agir sur le moral, l’envie de faire des choses. Essayer de les rendre un peu plus actifs.
Vous avez beaucoup de gens qui ne veulent plus rien faire ?
Non, mais en fait, il y en a beaucoup qui ont arrêté et qui, à cause de la maladie, pensent qu’ils ne
peuvent plus faire, donc le fait de leur trouver des activités, de leur montrer qu’ils peuvent encore faire
des choses avec leurs mains, c’est un facteur important. Ça aide, et puis trouver des solutions aussi,
par exemple, s’il y a des ulcérations au bout des doigts, on peut trouver des petits doigtiers pour
protéger, on peut essayer de modifier l’activité. Ouais, pis le fait d’être à l’écoute, de s’ils ont des
questions, de répondre, sur des techniques, ou autres. Ça et puis le fait d’être disponible, au
téléphone, après. Mais ça, on n’a pas beaucoup d’appels. On n’est pas très sollicités. Après, je pense
qu’ils veulent plutôt voir les médecins que les ergothérapeutes, les attelles, on ne sait pas vraiment si
elles sont portées… Mais après, voilà, c’est les relancer dans cette dynamique, qu’ils ne se sentent
pas tout seuls, accompagnés.
7
VI. Entretien ergothérapeute n°2
Ergothérapeute travaillant en centre de référence de la sclérodermie
systémique, hôpital de jour et hospitalisation complète
Selon vous, quels sont les changements qui vont intervenir chez les personnes sclérodermiques ?
Le fait de savoir qu’on a la maladie ?
Les deux : le fait de l’avoir et de le savoir.
Ça va changer le rythme de la vie quotidienne que cette personne aura, parce qu’il lui faudra plus de temps, pour s’habituer aux changements de son corps, aux changements physiques. Et… Souvent, les patients viennent avec des difficultés dans les préhensions, dans les activités quotidiennes qui demandent une préhension fine ou de la force. Ça, ça va changer. Après, au niveau du moral, ça va changer aussi, de la confiance en soi… Ils vont être beaucoup gênés et… Voilà !
Et sur leur entourage, leur vie professionnelle ?
Euh… Ça dépend de l’entourage, mais en tout cas, il faut passer par l’étape du deuil, on va dire, pour accepter sa maladie soi-même, déjà, et ensuite le faire accepter aux autres. Il y a des patients qui ont peur de montrer leur maladie et il y en a qui le montrent sans crainte et moi je pense que ça dépend vraiment de l’entourage. On va dire que l’environnement humain va conditionner la manière de l’accepter ou pas, on va dire.
Et quels sont les facteurs qui peuvent aider ou empêcher un nouvel équilibre après tous ces changements dont on vient de parler ?
Oui, c’est sûr que l’environnement humain, ça joue beaucoup. C’est quelque chose qui va aider dans l’acceptation, dans… Le côté psychologique. Dans le côté physique, ce sera plus l’environnement matériel, aussi : les aides techniques, les aménagements du domicile… Ou du travail.
Vous avez beaucoup de demandes par rapport aux postes de travail ?
Pas tant que ça, c’est vraiment au quotidien, ce qui gêne.
Comment prenez-vous en compte les habitudes de vie des personnes dans votre accompagnement et le choix des activités que vous leur proposez ?
Bah déjà, on fait beaucoup de bilans. On fait un bilan de Kapandji, un bilan de préhension… S’il y a besoin, on fait un bilan de force de préhension. On fait un bilan des AVQ [activités de vie quotidienne] mais c’est un bilan fait maison. Si les épaules sont touchées, on fait le bilan fonctionnel des membres supérieurs. Et ensuite, à travers les résultats, on voit ce qu’il faut travailler. Après, pour se rapprocher de la vie quotidienne du patient, ce sera vraiment le bilan des AVQ qui nous aidera. Déjà, à connaître ses goûts, ses loisirs, tout ce qui est signifiant pour cette personne. Ça nous aide vraiment à cibler les difficultés et à travailler vraiment dessus.
A quel point pensez-vous que les activités que vous pouvez proposer ou faire avec les patients aident à entrer en relation avec eux ?
On utilise beaucoup d’activités manuelles. Des activités qui ne mettent pas en échec et on travaille beaucoup la confiance en soi et on prend le temps de discuter avec la personne en même temps. Donc, c’est là où on observe le changement au niveau psychologique et social, on va dire. C’est surtout par… Les discussions, quoi. Qu’on voit l’impact.
Comment prenez-vous en compte la chronicité de la maladie dans l’accompagnement ?
Comme les patients, on ne les voit que quelques jours d’hospitalisation, maximum une semaine, on axe beaucoup sur le transfert d’acquis, le retour à domicile. On essaye au maximum d’autonomiser le
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patient, enfin, de le rendre acteur de sa prise en charge. Pendant les séances, on leur explique vraiment, à chaque activité, ce qu’on travaille, comme ça, au quotidien, ils peuvent aussi le faire. On distribue aussi un auto-programme d’exercices qu’ils peuvent reproduire à la maison.
En général, comment pensez-vous améliorer la qualité de vie des gens quand ils viennent dans votre service ?
Euh… C’est avant tout axé sur la confiance en soi. Quelque soit ce qu’on va travailler, c’est ça qui va permettre au patient de voir qu’il est capable de travailler ça et de se débrouiller tout seul, qu’il est capable d’être autonome. C’est vrai que le moment des bilans, ce n’est pas le moment le plus agréable, mais on va plutôt axer sur : « même si vous avez cette difficulté, on va faire ça, on va travailler comme ça, vous pouvez même utiliser cet objet pour le faire tout seul… ». Enfin, c’est vraiment montrer au patient qu’il est capable, et c’est ça qui va changer sa qualité de vie, sa perception de sa maladie… Si le patient se focalise trop sur ses difficultés, il ne va pas forcément avancer ou accepter sa maladie et du coup, tout ce qu’on va proposer, ça ne va pas forcément être accepté donc… On va dire que c’est la priorité.
9
VII. Entretien ergothérapeute n°3
Ergothérapeute travaillant en CHU, centre de référence de la sclérodermie systémique, en hospitalisation de jour et hospitalisation complète mais courte (une semaine).
1) Selon vous, quels sont les changements qui touchent les personnes atteintes de sclérodermie systémique ? Autant les changements physiques que les changements dans leur vie, sociale, etc…
Bah y en a plein… Dans… C’est pas par ordre prioritaire, mais effectivement, physiques. Euh… Professionnels aussi, parce que pour certains, ils sont obligés d’aménager, enfin, de changer, parce que leur travail, soit, passe à temps partiel, parce que la fatigue aussi est présente. Euh… Les capacités physiques, en général. Au début, quand je disais physique, c’était le… Faciès, on va dire. Et là, le côté physique, c’est le côté force, le côté souffle, le côté endurance. Donc les personnes font moins de… Moins de choses qu’avant, que ce soit au niveau professionnel, au niveau des loisirs, des sorties aussi, et dans les cas… J’suis bien placé pour le savoir parce que j’en ai vu un, dans les cas très extrêmes, euh… Bah y en a certains qui ne marchent plus donc qui sont au fond du lit et 26 ans, pourtant. [soupir] Donc, y a plein… Plein d’affects au quotidien, pour… Evidemment, ça c’est le côté ergo, pour tout ce qui est actes de la vie quotidienne… Ils ont besoin d’une tierce personne, de nos interventions pour trouver des solutions pour rendre… Des p’tites choses de la vie plus simples. Et… Dans les cas sévères, effectivement, y a un tableau très large, beaucoup de… Beaucoup d’aspects sont impactés, quoi.
2) Et quels peuvent être les facteurs qui peuvent aider ou empêcher le retour à un nouvel équilibre ? Après les changements.
Un bon équilibre psychologique, j’pense. Faut… Eventuellement, enfin, avec un suivi. Ou… Confronter ou être encadré, en tout cas, par une équipe médicale, que ce soit par… Par des associations, aussi. Et je pense ne pas… Ne pas être tout seul. Avoir un encadrement… Voilà, un accompagnement, j’dirais. Ça, c’est une équipe en général, et même, en dehors des équipes médicales ! Les associations ont un rôle important, je pense.
Et… Les autres relations, en général ? La famille, les amis…
Alors… Y avait… Oui. Si… Si y des… Bonnes relations, enfin, c’est pareil, dans un couple, je m’appuie toujours sur des exemples concrets, dans un couple où ça se passe bien, où le… La femme se sentait vraiment soutenue par son mari, même par ses enfants aussi qui peuvent parfois aider aussi, faire certaines tâches. Surtout quand ils sont en bas-âge, pour eux, bah c’est… Ils s’habituent, p’t’être, entre guillemets… Plus que s’ils avaient… 15-18 ans parce que c’est… C’est… Ils grandissent avec. Euh… Faut qu’il y ait un bon équilibre dans le couple… C’est sûr que… Si on n’est pas… Si on n’est pas soutenu, on se sent vite seul et… On déprime… Enfin, il peut y avoir des retentissements importants… Psychologiquement parlant. Après, avec les amis… Oui, je présume que les amis… Les vrais amis, ont un rôle important. Pour accompagner et pour sentir que la personne souffre pas en silence, quoi.
3) Comment, ici, prenez-vous en compte les habitudes de vie, des gens, dans l’accompagnement et dans le choix des activités que vous leur proposez pour la rééducation ?
On les questionne. Alors, y a le côté… Côté classique. Les bilans, évidemment. Bilans qui sont… Qui sont évolutifs, comme je disais il y a pas longtemps, parce que j’ai donné un cours sur ça, les bilans sont amenés… à changer, dans le temps, en fonction… De l’apparition de p’tites difficultés auxquelles on n’aurait pas pensé, donc qu’on glisse pour… Pour y penser, quand on bilantera la personne suivante sur… Au fur et à mesure, avec le temps, l’évidence se… S’oriente vraiment sur… Sur la sclérodermie. Des p’tites choses auxquelles on n’aurait pas pensé, par exemple… On me disait avoir des difficultés à ouvrir son clapet d’essence, à tirer… Enfin, c’est pas… C’est pas des questions qu’on avait à l’origine, qu’on glisse petit à petit. Et puis surtout aussi, en dehors du cadre… La feuille, les questions… On discute avec la personne et… La relation de confiance y joue pas mal. Il faut vraiment… Quitte à faire la réflexion, que la personne se confie à nous, se sente à l’aise. Qu’elles
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sentent qu’on est là, pour les aider et… C’est comme ça que… Qu’elles peuvent vraiment nous confier leurs difficultés, voilà, du quotidien et… De ce style-là. Dernièrement, c’était par exemple… C’est pareil, ça, c’est une question qui était pas inscrite dans notre formulaire : une personne, au cours d’une conversation, nous a dit « bah oui, quand je fais la cuisine, j’ai du mal à rentrer DANS la pièce parce que la poignée est… Difficile ». Donc… Pour la p’tite histoire, et la bonne fin, c’est qu’on a réussi à créer une aide technique qui aujourd’hui, est intégrée dans son quotidien, bien intégrée et bien… Appréciée aussi, par les enfants ! Qui trouvent ça très joli. Et… Pour revenir à la question de départ, c’est vraiment les… Questionnaires, et puis… Les échanges informels, quoi. Relation de confiance. Des personnes sont… Ouais, elles se livrent. Sans à priori.
Et… Les activités de rééducation ?
On les choisit… Bah… C’est toujours pareil, si on respecte un peu le protocole, c’est en fonction des difficultés qui nous sont… Qui nous sont données par les bilans, par les… Par les dossiers aussi, du patient. On a, assez rapidement, un aperçu. Même, au premier coup d’œil, aussi, parce qu’on a un peu d’expérience, on peut voir… Jeter un coup d’œil sur les mains, le degré d’atteinte, savoir vers quoi… Vers quoi on va s’orienter, si c’est plus… Travailler la flexion, l’extension des doigts. Si les mains, c’est plutôt rare, mais on en voit, ont l’air impeccables, qu’elles s’étendent, qu’elles fléchissent très bien, bon, p’t’être que la personne vient pour d’autres… Problèmes, hein. Poignets, l’épaule… Quoiqu’il en soit, on s’appuie sur les… Sur les bilans. Qui sont fait soit par… Par les externes, au préalable, soit par nous, quand on récupère, entre guillemets, les patients en rééducation, et en fonction de ça, on voit bah… Avec des bilans chiffrés, notamment… Bah, là où ça pêche, là où il faudra qu’on passe un peu de temps, où on peut espérer gagner donc… Du point de vue… Vraiment, du point de vue… Objectivement parlant. C’est-à-dire… Test de force. Bah on peut voir… Dire, « bah tiens, là, il manque vraiment… » Y a vraiment un manque de force donc c’est un… C’est un point sur lequel on peut travailler et espérer gagner. Donc c’est pour ça qu’on fait les tests avant. Les tests chiffrés avant, j’ai dit, le test de force, on le fait aussi à la toute fin et, généralement, on constate des améliorations, ce qui signifie qu’on a bien ciblé, on va dire, quelque part, là où il fallait… Là où il fallait appuyer, quoi. Après, pourquoi une activité plus qu’une autre ? Plus concrètement… On va prendre en compte aussi, le profil de la personne, si… Si on sent qu’il y a pas du tout de patience, bah on évitera… Les activités qui prennent du temps, qui demandent de l’attention, qui demandent de réfléchir. Généralement, c’est pas franchement, on n’a pas ce cas de figure, où on est mis en échec, où on sait pas quoi trouver. Alors. Est-ce que c’est aussi propre à la sclérodermie, mais on a souvent un profil de patients… J’dirais presque patientes, parce que la plupart sont des femmes que… Bah qui sont motivées, malgré le… Bah on pourrait imaginer une certaine forme d’abattement mais eux… Ils sont motivés, volontaires… Qui participent… Qui nous donnent des idées, parfois, qui nous donnent des recommandations donc on… On travaille en équipe et comme j’disais à… A mes étudiants, nous, on est là pour prendre et donner. Donc, prendre des idées qui peuvent venir des confrères, venir des étudiants, et aussi des patients qui… On s’enrichit à leur contact, parce que… On a des patients qui peuvent nous donner des astuces pour qu’on crée une activité. Par exemple, on a eu une dame qui nous a rapporté une caisse en bois, une caisse à vin, pour pouvoir faire un exercice travaillant le poignet donc ouais, par la suite, on a voulu en faire, pour les personnes qui revenaient avec, pour reproduire cette activité. Donc y a vraiment des échanges et… Pour rebondir sur la question d’avant, enfin, ça se regroupe, c’est… Faut vraiment qu’il y ait une confiance d’installée, un climat où les échanges se font facilement dans la confiance.
4) Ça va me faire une petite transition pour la prochaine : est-ce que selon vous, les activités aident à la relation de confiance et comment ?
J’pense parce que déjà, on peut proposer des choses que les personnes… Bah découvrent. Donc, on prend le temps de s’installer, de montrer… J’vais m’appuyer sur des exemples, ça va être plus facile. Y a les perles de rocailles, les personnes connaissent pas du tout et… Elles s’demandent au début, déjà, pourquoi on leur fait faire, ensuite, si elles arriveront à le faire… Evidemment, si on le fait faire, c’est parce que, par notre expérience, on peut se douter qu’elles y arriveront, avec plus ou moins de temps, plus ou moins de difficultés, certes, et… Toujours en s’appuyant sur notre expérience, on sait que… Une fois que c’est terminé, les personnes ont… Une certaine fierté, on va dire, d’avoir réussi, même au bout d’un certain temps, leur exercice. Donc, avant d’arriver là, il faut prendre le temps, bah, de leur expliquer, donc… On s’assoit à côté, on leur montre, on passe du temps, véritablement, avec ces personnes, on s’implique, pour qu’ensuite, elle, elle fasse du mieux possible. Et voilà, j’pense que déjà, s’asseoir à côté de la personne, lui montrer, le guider, savoir aussi… Qu’on est là, en cas de souci, qu’on leur donne pas une activité dans un coin puis point barre, j’pense que les personnes le
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ressentent et… On leur propose aussi des… En fonction de leur profil, si c’est des personnes un peu… Un peu scientifiques, un peu… Qu’ont de l’humour, on peut… Proposer des activités qui, justement, vont aller un peu dans ce sens, donc. Toujours, qui joigne l’utile à l’agréable. Donc euh… Utile, bah souvent, c’est le travail moteur, et l’agréable, c’est… Ce qui nous a été dit plusieurs fois par des patients, c’est… Le ressenti du patient… Le ressenti global, et des personnes disaient que… Des exercices de préhension, des choses très fines, qui semblent difficiles, mais qui, à l’arrivée, sont possibles, et, qui surtout, à l’arrivée, procurent, bah… Des sensations, un peu de fierté, on a vu, de bien-être aussi, des personnes qui me disaient… à l’issue de la séance : « bah j’me suis sentie bien. Donc, j’pensais pas à… J’étais dans ma p’tite bulle et… Ça faisait du bien. » Donc, toujours pareil, on s’appuie, on a un p’tit vécu, donc on s’appuie dessus pour proposer des choses où on sait que les personnes réussiront, que les personnes seront assez surprises, et agréablement du résultat et même… Se sentir bien, psychologiquement, parce qu’elles font un peu le vide. Donc… Oui, on s’appuie sur du vécu, pour proposer des choses dont on sait… Qu’apporteront un bien-être, quoi.
5) Comment prenez-vous en compte la chronicité de la maladie ?
Alors… Déjà, qu’est-ce qu’on peut appeler chronicité ?
Le fait qu’on ne guérisse pas de la maladie.
D’accord. D’un autre côté, c’est… Y a pas forcément de fatalisme à tous les étages, hein, dans la mesure où y a des personnes, on le voit, dans le temps, qui récupèrent un peu de force, un peu de souplesse, donc… On essaye toujours de… Bah de s’appuyer sur des petits exemples, sur des articulations, sur des p’tites choses… Qui peuvent donner espoir. Donc… On sait que les personnes ne redeviendront, normalement, jamais comme elles ont été auparavant, mais on sait surtout que si on fait rien, ça… Ça s’aggrave, ça s’aggrave. On voit des personnes qui reviennent… C’qu’on appelle une piqûre de rappel, tous les six mois, tous les ans. Ils disent, hein, que ça leur fait du bien de revenir, parce qu’au moins, ils se remettent… Dans le bain. Et, chez elles, même si elles… S’activent un petit peu, c’est jamais avec la même intensité que lors de… Lors du suivi ici. C’est pour ça, on sait que… Que ce qu’on fait, logiquement, ça regroupe toute l’équipe… C’est utile, les gens sont là pour… Pour nous le rappeler. Bon bah… On s’appuie sur les bienfaits de la rééducation pour… Bah, pas baisser les bras et puis… La conduire, cette rééducation, de façon, on va pas dire intensive, parce qu’il faut toujours… Respecter les phases de… De repos et de fatigabilité, mais on la fait de façon assez soutenue, quand même, sur une demi-journée. Et … En se disant toujours que… Soit on gagne, soit on limite la perte mais… En tout cas, c’est pas inutile, quoi. On s’appuie sur… Sur du concret.
6) Ok. Et enfin, en général, comment pensez-vous améliorer la qualité de vie des gens ?
Boah, c’est pareil, j’vais m’appuyer toujours sur des exemples concrets, hein, c’est ce qui sera le plus parlant. Une personne… Qu’on a là, actuellement, ne tarit pas d’éloges sur nous, sur nos stagiaires aussi, parce que… Oui, bon, on lui a proposé, suite aux bilans, des aides techniques pour vraiment, essayer de lui apporter un petit plus ! T’façon, c’est ce que je dis, le but de… Le but, en général, des sclérodermiques en particulier, c’est, d’améliorer la qualité de vie. Ça peut être, bah… En proposant une aide aux personnes pour… Bah, pour pouvoir enfiler ses boutons de chemise toute seule. Là, je parle de cet exemple, parce que c’est concrètement, on est en plein dedans avec cette dame. Euh… Elle repasse les chemises de son fils, et elle lui demandait de… De les boutonner. Là, grâce à cette aide technique, qu’on a déterminé, suite évidemment aux bilans, elle arrive à le faire toute seule, donc elle… Elle a cette fierté de plus avoir besoin de demander, et de… Voilà, de voir concrètement… Le résultat. Cette dame… Qu’est-ce qu’on lui a fait ? D’autres choses, aussi, des systèmes pour ouvrir ses yaourts, … Ce sont plein de petites choses mais, qui permettent de, comme la dame avant, pour ouvrir sa porte, bon, c’est vrai que ça passe aussi par la rééducation, pour leur permettre d’avoir un peu plus de force, et d’endurance, mais aussi concrètement pour pouvoir avoir le résultat bah tout de suite, quoi, illico, bah des aides techniques qui permettent, bah, d’enfiler des boutons de chemise, d’ouvrir une bouteille, ouvrir un clapet d’essence, pouvoir tirer ses rideaux, donc, réussir à leur fournir bah… Un peu d’autonomie, un peu de fierté aussi… Donc c’est vrai que… Que les aides techniques, ça marche pas mal, en plus, c’est… Dans la mesure où… Dans la mesure du possible, on essaye de les faire nous-mêmes, donc, ça leur coûte rien, et en plus, voilà, cerise sur le gâteau, on les implique, puisque que c’est eux-mêmes qui les… Qui décorent, qui peignent, ou qui font du déco-patch dessus, donc qui s’approprie le… L’aide technique en question, donc on… On joint vraiment l’utile à l’agréable, la personne se sent concernée et impliquée et à l’arrivée, ben… Quand on voit que chez elle, elle
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arrive à faire des choses qu’elle arrivait pas avant, et qu’elle nous envoie des photos pour nous montrer : « bah voilà, ça fonctionne, encore merci ! », voilà, nous, on se dit, on a… On a rempli notre job. Puis bon… C’est vrai que c’est plutôt gratifiant, quoi ! On fait c’boulot-là, pour ça, pour la grosse paye qu’on a à la fin du mois, certes ! [rires] Mais aussi pour voir les… Les gens, pas forcément revenir, comme c’est le cas, avec cette dame qui a fait des chocolats et des cookies [qui est passée dans le bureau d’ergothérapie au moment où je me présentais pour l’entretien], avec le sourire aux lèvres, en nous disant, « oh ça, c’est formidable, avec ça, j’ai pu besoin de demander d’l’aide ! » et ça, c’est vrai que c’est… La fierté qu’on peut avoir, c’est gratifiant.
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VIII. Entretien ergothérapeute 4
Ergothérapeute exerçant en CHU, dans un service de rhumatologie, centre de référence de la sclérodermie systémique.
Selon vous, quels changements entraîne la sclérodermie systémique de forme diffuse chez les personnes qui en sont atteintes (j’entends aussi bien les changements physiques que psychologiques ou sociaux…)
Je pense qu’en effet, un des premiers changements c’est le changement physique : la forme diffuse est la forme la plus grave. Ça dépend aussi de l’évolution : est-ce qu’elle est rapide ou pas ? J’ai quelques patients dont ça a évolué rapidement
Il y a aussi des changements fonctionnels, notamment au niveau de la peau. Du coup, il y a aussi tout ce qui est esthétique. Parfois, la maladie est secondaire à des traitements. Par exemple, j’ai une patiente qui a déclaré la sclérodermie après une chimiothérapie pour un cancer du sein. Pour cette patientes, les relations dans le couple ont changé : son mari ne la voit plus jamais nue : il ne supporte pas de la voir changer. Elle, elle dit qu’elle ne lui en veut pas, que c’est dur pour lui de la voir changer comme cela. La proximité relationnelle change. Même pour nous, ergothérapeutes, quand nous touchons un bras : le corps est dur et rigide au lieu d’être souple.
Pour une autre patiente, elle a des difficultés à supporter le contact des tissus, quels qu’ils soient. On a essayé d’en chercher qui lui procuraient des sensations agréables mais on n’a pas trouvé, pour l’instant.
Il ya aussi les changements par rapport à l’autonomie : la difficulté à demander de l’aide, à faire tout seul.
Pour une autre dame, le changement a été dans la famille : elle vit avec sa famille élargie et la famille se relaie pour s’occuper d’elle (la masser, par exemple. Tout le monde s’est organisé pour pouvoir se relayer auprès d’elle).
Quels sont les facteurs qui peuvent aider ces personnes à trouver un nouvel équilibre ? Ou qui peuvent les en empêcher ?
Alors oui, il y a la famille, l’entourage, le réseau. Ça dépend aussi de ce que la personne avait mis en place avant. La première patiente dont je vous ai parlé (celle qui avait un cancer du sein), est très réglo au niveau du ménage : ça peut paraître un peu contradictoire mais c’est quelque chose de relativement moteur chez elle : ça la mobilise aussi. J’ai aussi une dame très créative. Cela peut aussi être un facteur favorisant : elle cherche à trouver des petites aides pour sa vie quotidienne. Donc oui, quelqu’un qui dans sa personnalité est créatif ou ingénieux.
Une troisième patiente, elle devait s’occuper de sa nièce : c’est le soutien aux autres qui la tient.
Une autre faisait des activités créatives : elle faisait du scrapbooking. Elle avait connu l’atelier par une amie et l’a rejoint malgré des grosses difficultés de préhension. Elle fabrique des objets pour ses petits-enfants.
Comment prenez-vous en compte les habitudes de vie des patients dans votre accompagnement et le choix des activités que vous proposez ?
Alors moi, je ne fais pas d’activités. Je ne travaille qu’à mi-temps. Du coup, je suis plutôt sur la vie quotidienne. Je pars de leurs demandes. Je ne fais pas forcément de bilans : je leur demande de me raconter ce qui a changé dans leur vie, quelles sont les répercussions de la maladie et ce qu’ils aimeraient modifier ou améliorer. Je m’intéresse aussi aux préconisations spécifiques du syndrome de Raynaud : où en sont-ils ? A partir de là, je donne des recommandations et fais essayer des choses. La prise en compte des habitudes de vie, je trouve que c’est primordial ! Dans notre service, ce sont des personnes que l’on revoit régulièrement. Au départ, je faisais des bilans (Perdue, Box and Block, …) : cela me faisait perdre un temps fou, j’avais beaucoup moins de temps pour les patients. Dans mon service, les patients pris en charge courte : c’est une hospitalisation à la semaine, de jour. La
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plupart du temps, ils ne voient que 2 ou 3 fois l’ergothérapeute. Au final, en accord avec les médecins (je note quand même les choses), je me concentre plus autour de la vie quotidienne.
A quel point pensez-vous que l’activité peut vous aider à entrer en relation avec le patient ?
Je me concentre sur l’activité journalière : la prise de repas, on fait aussi des mises en situation de confection de repas. On ne peut pas trop avec les patients atteints de sclérodermie mais avec ceux atteints de polyarthrite rhumatoïde, on fait un repas avec une diététicienne, dans le cadre de l’éducation thérapeutique du patient. On rentre assez vite dans le vif du sujet par ces activités. On entre en relation de façon un peu « détournée ». Même quand on a pour objectif d’améliorer une fonction, c’est toujours en vue d’améliorer la vie quotidienne. Exemple avec la première patiente dont je vous ai parlé : en parlant de la douche et en la mettant en situation, j’ai pu voir qu’elle avait un fort risque de chute. Cependant, c’est une dame qui refuse catégoriquement les aide-techniques. Du coup, j’ai demandé si son mari ne pouvait pas l’aider. C’est là, qu’elle m’a parlé de ses problèmes face à sa nudité et avec son mari. La personne est en confiance. Pour moi, l’activité manuelle ou les jeux, ne vont pas forcément nous faire arriver sur ce terrain-là.
Dans notre centre, le suivi psychologue peut énormément aider les personnes aussi (ils peuvent aussi être vus en dehors de l’hospitalisation).
Comment prenez-vous en compte la chronicité de la maladie dans votre accompagnement ?
En voyant les gens régulièrement. C’est une question d’adaptation : ce qui est compliqué, c’est quand ça s’aggrave surtout, c’est qu’on accompagne les gens vers le besoin de plus d’aide, la diminution physique et certains même, vers la mort : en tout cas, vers des choses qui vont se compliquer. Petit à petit, on va avoir une démarche plus large d’accompagnement de fin de vie. On n’est pas complètement prêt. Le service ne s’y prête pas forcément : beaucoup de turn-over, la prise en charge sur un court laps de temps. Ça, c’est dommage. Ce serait intéressant de s’interroger sur la façon dont on accompagne les gens vers l’évolution.
En ce qui concerne les activités artistiques ou créatives : l’art-thérapie pourrait être développée : je suis aussi artiste par ailleurs, je pense qu’il serait intéressant de développer ça mais le temps de travail actuel rend cela difficile.
Enfin, comment pensez-vous améliorer la qualité de vie des personnes que vous accompagnez ?
Un petit peu tout ce qu’on a dit : les pistes qu’on peut leur donner et j’essaye toujours de valoriser les idées qu’ils trouvent eux-mêmes : les inciter à une démarche de réflexion. L’idée c’est qu’eux-mêmes trouvent des solutions.
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IX. Entretien patient n°1 Pouvez-vous me dire, selon vous, ce qui a changé chez vous depuis que vous avez la sclérodermie ?
Alors, qu’est-ce qui a changé… Bah beaucoup de choses ! Je peux plus travailler comme je travaillais avant, déjà. Euh… Comment je peux dire ça ? Même les marchés dehors, ça dure pas longtemps quoi, c’est une demi-heure, après mes jambes fatiguent. Je suis obligé de revenir à la maison. Pour travailler, bah les mains, ce n’est pas facile non plus. Tout ce qui est bricolage, tout ça, bah ce n’est pas facile. Il y a des trucs, c’est impossible à faire. C’était mon métier, j’adorais ça… C’est arrivé du jour au lendemain, en deux/trois jours c’était fini, mes mains ne fonctionnaient plus du tout. Ils ont dit que ça venait du ciment, vu que je suis maçon. Ça a amené la maladie là : tous mes doigts étaient abîmés. Bah, j’avais plus de doigts du tout. Tout était abîmé. Bah oui, le quotidien, ça a changé beaucoup, ce n’est pas pareil. Même pour se laver, se raser… Ce n’est pas facile, quoi. Autrement, pour l’entourage bah… Avant, je filais un coup de main, beaucoup à des personnes, quand ils avaient besoin, bah j’y allais. Pis une fois que j’ai eu la maladie, bah il y avait beaucoup moins de monde. Ouais, je servais plus à grand-chose, quoi, en clair. Du coup, on trie. Il y avait beaucoup de services de demandés, maintenant moins.
Sur votre vie de famille, ça a amené des changements ?
Bah ce sont les enfants qui m’aident beaucoup. J’ai été obligé de descendre la chambre, aussi, parce que les escaliers, c’était plus possible. Il fallait qu’ils me portent à deux pour arriver là-haut. Je voulais ma douche en bas aussi, mais mon docteur m’a dit qu’il fallait que je monte les escaliers au moins une fois par jour. On a changé de voiture aussi, elle était trop basse, je ne pouvais plus monter dedans.
Vous avez donc des difficultés au niveau des mains, mais aussi des jambes ?
Ouais. Bah les jambes, c’est quand je marche beaucoup, quoi. Quand je vais chercher ma fille, des fois, à pied à l’école, bah… A la fin, c’est dur, quand j’arrive à la maison, c’est fini, quoi, c’est cuit. Ah bah, il ne faut pas me demander de faire demi-tour ! Même des fois quand je tonds, c’est dur. C’est fatigant.
D’accord. Est-ce que vous pensez avoir retrouvé un équilibre depuis tous ces changements et qu’est-ce qui selon vous, l’a aidé ou empêché ?
Pfff… Bah les difficultés… C’est toujours pareil, c’est le bricolage, je ne peux pas faire, je suis obligé de demander à tout le monde, enfin, toujours à quelqu’un, quoi. Autrement, bah quand je n’y arrive pas, c’est soit ma femme, ou un voisin, un ami qui vient m’aider, quoi. C’est embêtant de demander à chaque fois, quoi.
Oui, c’est quelque chose qui vous gêne.
Bah c’est un handicap, quand même. Un gros handicap. Toujours demander à quelqu’un, à la fin, c’est fatigant. J’ose même plus demander. C’est un handicap parce que tu ne peux pas faire… Tout seul, quoi. Faut toujours, toujours quelqu’un avec toi. Avoir de l’aide à chaque fois, c’est obligé, sinon, je ne fais rien. Soit je fais, ou sinon, je fais des conneries, alors donc… Et je n’y arrive pas, parce que prendre des petits boulons pour visser, je n’y arrive pas. Un tournevis, pour visser, bah, je suis obligé de prendre une machine, parce qu’avec un tournevis dans la main, je n’y arrive pas. Pour la visseusse/dévisseuse, c’est pareil : mettre des chevilles ou des mèches, je ne peux pas faire. C’est impossible, ça ! Même visser une vis, non. Non, parce qu’après, j’ai les mains qui deviennent toutes bleues. Et dès que je mets les mains dans l’eau, elles deviennent toutes violettes. Là, ça fait mal. Le docteur a dit : pas les mains dans l’eau, pas les mains dans le froid (comme le congélateur). Je suis obligé de sortir avec des gants, tout le temps. Sans gants, c’est une catastrophe ! Et dès que je me coupe, il faut six mois pour cicatriser ! Et ça saigne tout le temps.
Pouvez-vous me décrire en quoi l’ergothérapeute est intervenu auprès de vous ?
Alors… Au départ, c’était pour remettre mes mains droites. Et pour prendre des objets, parce que je n’y arrivais pas. Je ne pouvais pas prendre, mes mains étaient comme ça [position de flexion des doigts], je ne pouvais pas prendre. Donc on a commencé avec des… Des jetons, qu’il fallait prendre, mettre d’un côté, mettre de l’autre. Après, ils ont fait plus petit, attraper des petites aiguilles, mais là,
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c’était même pas la peine, c’était pas possible. Après, j’ai fais, euh… Ecrire, parce que je n’arrivais pas à écrire. J’ai du monter des petits puzzles, poser des petits trucs ronds qu’il fallait déposer dans des compartiments, comme ça. On avait fait un bilan d’autonomie. Ils m’avaient posé des questions sur ma maison, sur mon travail.
Une fois que vous avez fait ce bilan avec l’ergothérapeute, il a axé sur des choses en particulier ?
Des trucs précis ? Oui, sur ce que j’ai dit qui me posait problème. Par exemple, pour prendre des choses avec la fourchette et le couteau, comment couper… Ma pince, pour attraper des choses, parce que je ne pouvais pas ramasser par terre. Même pour ouvrir quelque chose, je n’y arrivais pas : un bocal de cornichons, une bouteille d’eau, n’importe quoi, je n’y arrivais pas. Ma femme la laissait ouverte pour moi, le matin. Et là, ça va mieux. Heureusement, ça s’est amélioré un peu. Bah à l’hôpital, l’ergothérapeute a fait beaucoup. Il a fait énormément, parce que c’était une catastrophe. J’avais une balle aussi et de la pâte à faire, tous les jours, tous les jours, tous les jours, chez moi. Ou ramasser des objets ou prendre des objets dans la cuisine, mettre des couverts, des trucs comme ça.
Selon vous, avez-vous pu voir des choses qui ont aidé la relation que vous aviez avec l’ergothérapeute ?
Ah oui. Beaucoup. Elle m’expliquait bien et elle disait que s’il y avait quelque chose, il fallait l’appeler, il n’y avait pas de souci que je pouvais faire d’autres trucs avec elle. Et elle me demandait ce qu’il m’aurait fallu pour améliorer mon quotidien. Donc on avait fait toute une liste et puis on a travaillé avec les objets que moi j’avais décidé, quoi. Ça s’est bien passé. Ce n’était pas facile : il a fallu changer beaucoup de fois d’outil, parce que je n’y arrivais pas.
Oui, vous avez pu tester différentes choses ?
Oui, et des fois, il fallait même re-tester avec les revendeurs de matériel médical parce que des fois, quand on arrivait, ce n’était pas toujours le même truc. C’était comme pour les poignées, ce n’était pas facile à trouver : il n’y avait pas les mêmes choses. L’ergo et ce qu’il y a à vendre, ce n’est pas pareil. J’ai du matériel pour : pour ouvrir les bocaux, des couteaux et fourchette, les toilettes parce que j’ai du mal à me lever. J’ai une pince aussi, pour attraper des choses par terre. Pour le matériel que j’ai eu, pour la salle de bains, c’est surtout pour les jambes.Bah ça innove tout le temps, quoi ! Et c’est cher pour ce que c’est. Mais ça va, on a eu l’aide du conseil général, pour ça.
L’ergothérapeute vous a aidé, pour ça ?
Oui, elle avait monté un dossier. Il vaut mieux… Et si j’ai encore besoin de quelque chose, il me reste de l’argent, il faut que je les rappelle.
Et en général, est-ce que vous auriez souhaité que l’ergothérapie vous apporte quelque chose en plus ?
Elle m’a apporté beaucoup, hein ! Déjà, l’autonomie de mes mains ! Parce qu’il n’y avait plus rien. On a travaillé beaucoup, beaucoup, beaucoup là-dessus. Avant, je ne pouvais pas les fermer ni les ouvrir. Donc on a travaillé beaucoup sur ça, sur l’ouverture et la fermeture. Même sur le moral et le mental, aussi ! C’est dur : du jour au lendemain, plus rien, quoi !
Le fait de voir que vous étiez capable de refaire des choses que vous ne pouviez plus faire, ça vous a aidé ?
Oh bah oui ! Oh oui, parce que je ne pouvais plus rien faire du tout ! Je ne pouvais même pas me lever du canapé ! Donc on a travaillé sur les jambes. J’ai fait du kiné, aussi, après : travail sur les jambes, les mains, marcher… Après, ça allait mieux. Mais il a fallu du temps. Au moins six mois. Oh oui, plus de six mois ! Elle m’en a fait faire plusieurs, des bilans : elle me donnait des choses à faire, puis c’était comme à l’école, elle mettait acquis ou pas acquis. Et après, quand j’arrivais à faire quelque chose, elle prenait des pièces encore plus petites et elle me faisait refaire la même chose. Moi j’ai trouvé que c’était très très bien. C’était très bien fait. J’ai jamais rien eu à dire. Ça m’a aidé beaucoup : sans ça, c’était impossible, je ne pouvais rien faire. Les mains auraient empiré. Sans l’ergothérapeute, ce n’était pas possible. De toute façon, il n’y avait pas le choix. Et c’est après qu’ils m’ont fabriqué des attelles. Mais mon petit doigt, ils m’ont dit que celui-là était fini. Ils ne pouvaient
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plus rien faire. Moi, l’ergothérapeute, j’avais fait 20 séances. Au bout de 20 séances, ils ne prennent plus. C’est le kiné qui prend la suite. Lui, il tire plutôt sur les doigts ou il met des machines pour faire des pulsions. Moi, j’avais demandé d’en faire d’autres, à l’hôpital, et ils m’avaient dit que pour l’instant, non. Mais bon, il faudrait que je redemande encore. A l’hôpital, ils n’avaient jamais vu ça. Ce n’est pas connu en France. Au Canada, oui. Ils devraient prendre ça en charge. Ce n’est pas normal, ça ! Je suis à 100% mais je n’ai pas été reconnu en invalidité. Dès qu’on va voir pour un papier ou quoi, ils ne connaissent pas la maladie. Même les assurances, ils ne connaissent pas ce que c’est.
Mais il y a pire que moi ! Il y en a, ils ont les mains abîmées… Moi, au départ, comme j’avais les mains abîmées, ils voulaient me les couper. Ils voulaient me couper tous les bouts de doigt ! Mais j’ai dit non. Je préfère garder mes doigts ! Parce que je mets longtemps à cicatriser. Une fois, j’ai été une semaine à l’hôpital pour ça. Ça a commencé par un petit trou, sur tous les doigts, comme ça ! Puis après pfiou ! Tous les doigts ! Ils ont réparé le bout des doigts. Ça a bien marché. Ça a mis du temps, mais ça a bien marché. C’est comme ça ! [soupir] Mais je comprends pas la vitesse où ça a été. En deux jours, c’était… J’avais eu le bout des doigts, et après, j’arrivais pu à me lever. Je me suis dit « Y a un problème ! ». J’arrivais pu à faire mes lacets, rien du tout. Je me suis dit « Qu’est-ce qui se passe ? ». J’ai été à l’hôpital, ils m’ont dit que c’était la sclérodermie. Ils ont eu du mal, à trouver ce que c’était. Elle avait été à une conférence, à Paris, pour voir. Et elle m’avait appelé en me disant « j’ai été à la conférence, j’ai trouvé ce que c’est ». Et nous, on était là : « La sclérodermie, c’est quoi, ça ? ». Elle avait été exprès à Paris pour voir. Mais c’est une saloperie, parce que ça peut attaquer tout ! Les poumons, les reins, … C’est vrai, hein ? Ça peut attaquer n’importe où ! Tous les six mois, je fais radio des poumons, la totale ! Le foie, le cœur, … Je fais une journée. Et je fais une prise de sang tous les mois.
Pour finir, quel futur envisagez-vous pour vous, pour votre entourage ? Comment voyez-vous la suite ?
La suite ? Euh… Bah je sais pas trop. Déjà, parce qu’ils m’ont dit que j’avais interdiction de retravailler. Ils m’ont dit… A l’hôpital, ils m’ont dit qu’il était pas question parce que… Ou alors, il faut que je trouve un truc, au chaud, quoi ! Et encore. Sans que mes mains ne fatiguent de trop, quoi ! Et sans que je marche de trop. Je devais rester assis toute la journée, alors… Moi, si je reste assis deux ou trois heures, vous voyez, c’est impossible. Je suis obligé de me lever à chaque fois ! Même en repas, comme ça, je suis obligé de me lever ! Autrement, après, c’est fini ! Je suis obligé de demander un coup de main pour me lever.
Boah, l’avenir… Y en a pas beaucoup ! Faut continuer comme ça, quoi… Tant que le moral est là, ça va, quoi ! Au départ, il était pas là du tout. Quand t’as travaillé vingt-six ans dans la même boîte et qu’on te dit « bah… C’est fini ! », pfiou… Là c’était dur, quoi. C’est pas facile ! J’ai mis du temps à m’en remettre. Après, j’ai été licencié, il a pas eu le choix. J’ai été arrêté deux ans pis bah au bout de deux ans, y a pas le choix ! Ils sont obligés de licencier. Après, ils m’ont dit « Non. Pas question que vous travailliez. ». Et ça, c’est pas écrit. Donc je suis à Pôle Emploi. Et eux, ils m’ont dit qu’ils pouvaient pas faire grand-chose. Bah non ! Je peux rien faire avec mes mains, je peux faire quoi ? La médecine du travail ont été très intelligents, ils ont dit que j’étais inapte à mon travail mais que je pouvais faire du… Du secrétariat ! Avec mes mains, bonjour ! Je peux pas taper sur les chiffres ! Taper sur un clavier, moi j’fais comme ça : [me montre en déplaçant ses mains sur la table], avec les mains, je peux pas. Des fois, quand j’appuie sur une touche, il y en a deux ! Y a que sur la tablette que je réussis, parce que… Soit je parle et il me fait, ou soit je fais comme ça [fait un mouvement glissé]. Nan, l’ordinateur c’est impossible. Impossible. Même une calculatrice, c’est pas la peine. Ah non, parce que vous tapez 50 fois les mêmes chiffres. Au lieu de mettre un chiffre, j’en mets deux. A la fin, ça énerve. Mon portable c’est pareil. J’suis obligé de prendre un grand portable. Même si c’est tactile. Il faut tout adapter, y a pas le choix ! Tout. Les couteaux, les fourchettes, la salle de bains. La salle de bains, quand j’allais au bain, je disais à tout le monde, j’avais du mal à me relever. Mais l’équipement de la salle de bains est mal équipé ! C’esst mal euh… Toute la salle de bains, c’est mal conçu ! Les poignées sont mal conçues. C’est pas… C’est pas un truc comme ça qu’il m’aurait fallu.
Donc vous avez eu des poignées d’installées ?
Oui, plus un siège.
Et ça, qui est-ce qui vous l’a installé ?
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Bah c’est… J’ai vu ça avec l’ergothérapeute.
Il était venu chez vous ?
Non. Non. Il devait venir. Mais… Y des trucs, maintenant, c’est un truc au bord de la baignoire, comme ça, t’as un grand truc, que t’accroches de l’autre côté et il descend tout seul. Il descend et quand t’as fini, il remonte. Ça, c’est pas mal. Mais avec le budget du conseil général, là, je dépasse. Sur 3950€ qu’ils nous proposaient, nous, on a demandé que 257€. Nan mais ça devrait pas avoir de budget, comme ça ! Il y a des douches, qui sont faites comme ça, tout équipées. Mais j’en veux pas. Y a des trucs qui sont bien mais y a des trucs qui sont pas assez adaptés. C’est trop de paperasse, pour avoir un… Une poignée ou des fourchettes, des machins… Faut… Faut passer par un, qui te dit oui, pis après, faut passer par un autre, c’est pas sûr. C’est trop… Moi j’dis, ça devrait être l’ergo qui devrait dire : « bon, il lui faut ça », terminé ! La personne l’a et pis c’est tout. Mais là, y a 50 à parler pour un… Y a trop de monde ! C’est l’ergothérapeute, qui sait, hein, c’est pas les autres ! Parce qu’il travaille avec toi ! Après, ils vont dire : « non, c’lui-là, y a pas besoin, … ». Les médecins…
Le souci des médecins, c’est qu’ils ne peuvent pas toujours connaître tout le matériel qui existe sur le marché. Nous, dans notre formation, on est un peu plus axé là-dessus.
Ouais. L’avenir, ouais, on va voir. De revenir comme avant, de toute façon, le médecin, il a dit que c’était fini. Revenir normal, non. S’empirer, oui. Ou rester comme ça. Enfin, faut pas que ça empire, parce qu’alors-là… Ça va être une catastrophe. Bon, j’arrive encore à les bouger, un peu, ça va. Bon, j’arrive à faire à manger. Ouais, parce que c’est des grosses poignées. C’est grosses poignées donc… J’arrive à les porter ! J’aime bien cuisiner… C’est long, la journée. J’fais le p’tit ménage, j’passe l’aspirateur, … J’bricole, comme-ci, comme-ça. Bah faut s’occuper, autrement… Mais c’était pas facile, parce qu’au départ, c’était ma femme qui faisait à manger. Du coup, c’était pas facile pour elle… Moi je faisais jamais à manger, moi. Bah… J’avais pas le temps, moi ! J’arrivais le soir, il était quelle heure ? 6 heures, p’t’être. Des fois, j’travaillais le samedi, même le dimanche. Les habitudes ont changé, quoi. Le linge, j’le plie. J’veux pas repasser, j’me brûlerais. Faut pas que j’me brûle, sinon… Déjà, quand j’suis coupé, c’est… 6 mois. Et encore. C’est tout un travail sur soi. Moi j’ai dis, faut bien l’prendre. Parce que si tu le prends mal, tu pars… Tu, tu… Si t’as pas la tête solide, tu pars. Bah heureusement j’avais mes enfants, moi, au départ. Heureusement, ah ouais ouais ouais. Heureusement. Y’en a pu que deux à la maison, la plus grande a emménagé. Mais bon, elle est pas là, elle appelle : « Papa, y a ça qui marche pas, papa, j’ai ci, j’ai ça ! Papa, y a une vis à mettre là ! ». Bon d’accord. J’vais aller voir. Voilà !
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X. Entretien patiente n°2 1) Quels changements a entraîné la sclérodermie systémique chez vous ? (votre personnalité, vos occupations, vos relations sociales, …)
Alors déjà moi, j’ai pas mal de symptômes de la sclérodermie. Pas tous, pas encore et peut-être jamais, d’ailleurs ! Moi j’ai une maladie de Raynaud qui est assez prononcée, donc ça, ça m’a beaucoup gênée mal et ça continue de me gêner. Moins maintenant, parce que je porte des gants en quasi-permanence et c’est vrai que ça, ça m’a pas mal gênée dans les relations sociales parce que du coup, quand on n’ose pas dire aux gens ou qu’on n’a pas envie de leur dire qu’on est malade, c’est vrai qu’on a toujours un regard un peu « Oh la la, vous avez les mains violettes, qu’est-ce qu’il vous arrive ? – Non, ne vous inquiétez pas, c’est pas grave ! – Ah, mais peut-être que je vous ai serré la main trop fort ! – Non, c’est pas du tout ça ! ». Donc du coup, c’est vrai que la réaction des gens, des fois peut mettre très mal à l’aise et du coup, moi j’ai réglé le problème, je mets des gants tout le temps ! Donc comme ça, même quand je vais à la cantine, je travaille, en fait, dès que je vais à la cantine et que je porte mon plateau, c’est pareil, pour éviter toutes les questions des gens, plutôt que d’être obligée de réexpliquer les choses, maintenant je mets les gants. Donc comme ça, j’élude le problème, quoi.
Donc oui, la maladie de Raynaud, elle est assez invalidante au niveau social et puis aussi au niveau des activités sportives, du coup. Enfin, ce n’est pas tout le monde qui va au ski, mais moi j’aimais bien skier une fois par an et c’est vrai que bah, je ne pouvais plus. Alors, on m’a acheté à Noël des gants chauffants parce que ça existe, mais moi, j’ai eu mes premiers gants chauffants, au début, ça marchait pas très bien, la batterie tenait pas. Des fois, je restais coincée en haut des pistes, les gants ne fonctionnaient plus, c’était la panique à bord ! Donc c’est vrai que ouais, c’est assez angoissant. Donc il y a des sports comme ça, qu’on ne peut plus faire et puis, moi, je suis atteinte surtout des mains et c’est vrai que la raideur des mains etc, même pour faire de la gym, on m’a dit qu’il fallait que je continue à avoir une activité sportive parce que c’était bien de ne pas laisser les articulations s’enraidir etc et c’est vrai qu’à la gym, il y a plein de choses que je ne peux pas faire avec mes mains : poser les mains à plat, etc, pour faire euh, je ne sais pas… Plein d’exercices, ben moi, je suis sur les coudes, parce que sinon, c’est trop douloureux, quoi ! Donc ouais, ça c’est vrai qu’au niveau sportif, on ne fait pas ce qu’on veut, quoi !
Sinon, moi j’ai eu aussi au poumon, ça fait partie de la sclérodermie, ça fait longtemps, j’ai eu une fibrose au poumon et donc du coup, on s’inquiétait un peu que ça évolue. Chez certaines personnes, ça évolue et ça provoque des problèmes de souffle etc. Moi pour l’instant, ça n’évolue pas, donc ça va, c’est assez stable. Pour l’instant, il y a juste une partie du poumon, on m’a expliqué, c’est comme une cicatrice, donc pour l’instant, ça, ça n’évolue pas. Voilà !
Sinon, moi je suis sous traitement. Et puis au niveau de la vie quotidienne, oui parce qu’on perd beaucoup de force. Du coup, après, bah on n’est plus sûr de soi, donc les choses lourdes, bah, on ne peut plus les porter. Bah là, moi, ça va, c’est récent, j’ai été suivie à l’hôpital, j’ai fait de la rééducation : j’ai fait de la kiné et de l’ergothérapie. Parce que comme j’avais mal aux mains, ils m’ont aidée, enfin, ils m’ont fait des attelles de repos, etc, des attelles d’enroulement pour mes doigts, parce que mes doigts étaient complètement crispés, je n’arrivais pas à joindre les deux mains, je n’arrivais pas à les poser à plat, donc c’est vrai qu’au final, au niveau force, ça me posait problème dans la vie du quotidien : porter les enfants, faire à manger, tout ça, c’est vrai que c’est… Ça devenait dur, quoi ! Même le ménage, on a du prendre quelqu’un parce que j’arrivais pu, quoi ! Donc euh… Là, ils étaient très bien, à l’hôpital, justement, parce que le suivi avec les patients, déjà, ils prennent en note nos difficultés et ensuite, ils essaient de trouver des solutions pour améliorer la vie quotidienne, pour nous débrouiller par nous-mêmes au lieu de demander toujours l’aide de quelqu’un d’autre !
Donc euh… Donc là, ils m’ont donné pas mal d’astuces. Pour ouvrir les bouteilles, je demandais toujours à quelqu’un, bah maintenant, j’achète toujours des gros bouchons. Donc là, déjà, je suis plus indépendante même si je n’ai pas forcément gagné énormément de force à ce niveau-là, moi j’ai un ustensile qui me permet de ne pas être dépendante des autres et voilà, de toujours attendre l’arrivée de quelqu’un pour ouvrir une bouteille, quand même ! Après, les ciseaux, c’est pareil, je ne savais pas qu’il existait des ciseaux spéciaux où on ne mettait pas forcément les doigts dans des ronds pour découper quelque chose… Ils m’ont fait aussi des… Des résines pour mettre sur mes poignées de porte, parce que j’avais des poignées de porte très dur à ouvrir et du coup, j’ouvrais avec le coude, parce que j’arrivais pas à les ouvrir rapidement. Il y avait plein de petites choses comme ça : des
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embouts pour les stylos, quand on n’arrive pu à bien écrire, parce que bon… Ça part dans tous les sens, parce qu’on n’arrive pas à tenir le stylo ! Même, je travaille sur ordinateur donc euh… J’ai acheté une souris spéciale aussi, au travail, enfin, c’est mon patron qui me l’a payée et avec un écran spécial aussi, donc euh… Pour éviter de faire supporter aux articulations des mouvements répétitifs qui font mal, donc euh… Donc il y a tout ça !
Pis moi j’ai un syndrome sec. Du coup, c’est vrai que… Bah il faut mettre des gouttes tout le temps, quoi, donc… Quand on travaille sur écran, il faut penser à mettre des gouttes tout le temps etc… Donc des fois, vis-à-vis des autres, on a l’impression d’être la pharmacie [rires], ou d’être la personne assez extraordinaire du bureau parce que c’est vrai que tous les gens qui arrivent dans mon bureau me disent : « Oh la la, mais on croirait que tu vis dans l’espace avec ton clavier et ta souris ! » Et moi je fais « bah oui mais moi c’est parce que j’en ai besoin, c’est pas juste pour faire geek ou je sais pas quoi, être à la pointe de la technologie, moi, c’est parce que j’en ai besoin ! ». Les gens me demandent : « mais t’as trouvé ça où ? ». Je leur réponds : « non mais c’est un équipement spécial, en fait ! C’est pas pour faire joli, hein, c’est parce que j’en ai besoin ! ». Donc euh… Donc voilà ! Donc ça, c‘est au niveau du quotidien
Au niveau de la voiture, aussi, j’ai eu un problème, parce que, bah moi, j’ai un levier de vitesse normal, quoi et à un moment, j’avais très mal au pouce et impossible de passer les vitesses, j’étais obligée de mettre les deux mains pour passer une vitesse. Donc j’ai réfléchi à acheter une voiture à boîte automatique mais c’est super cher ! Donc du coup, j’ai… On m’avait fait une infiltration et bon, ça avait pas trop mal marché mais je me suis dit, bon, je ne vais pas me faire faire une infiltration tous les six mois pour pu avoir mal, quoi ! Et donc c’est pour ça que là, franchement, ils m’ont bien aidée, à l’hôpital, ils sont vraiment très bien. Les kinés ont déjà débloqué les articulations, ils ont assoupli les doigts… Ensuite, ils m’ont donné beaucoup d’exercices à faire à la maison et puis à faire sur place aussi et bon, c’était pas une heure de kiné, quoi, c’était la matinée ou l’après-midi. Donc c’est vrai qu’on a vu des progrès assez notable, ça, ça aide pas mal ! Donc du coup, après, ils m’ont donné une vidéo et des exercices au format papier à faire à la maison. Donc bon, c’est un peu plus difficile à la maison, parce qu’on a le quotidien, on s’accorde pas forcément le temps mais c’est vrai que c’est important de le faire quand même, parce qu’on voit que ça porte ses fruits, quoi. Donc euh… De temps en temps, quand je travaille, quand j’ai une pause, j’essaye de faire les exercices qu’ils m’ont donné, pour euh… pour la force, pour serrer la balle de temps en temps… Ils nous ont donné plein de petites astuces comme ça qui étaient vraiment bien.
Pis les attelles, oui : quand j’ai vraiment mal (parce que des fois, on ne peut pas s’empêcher : on nous dit ne portez pas des choses lourdes, n’abîmez pas votre cas, portez pas des fardeaux, des trucs comme ça, des fois, on n’a pas trop le choix !), donc c’est vrai que là, quand je mets les attelles, je vois vraiment la différence, je sais que ça fait du bien : je n’hésite pas à les mettre, quoi. Donc euh… Après, évidemment, quand on sort, on ne les met pas ! Parce qu’on ne veut pas ressembler à RoboCop ! [rires] Et moi, j’ai déjà essayé : mettre les attelles, les vêtements plus le manteau, c’est impossible ! Donc, en plus, moi, j’ai besoin des gants quand il fait froid, donc c’est pas la peine ! A la maison, ouais, mais à l’extérieur, c’est très compliqué, quoi ! Donc voilà.
Mais c’est vrai que toutes ces petites contraintes de la vie quotidienne… Pis au niveau cutané aussi, moi j’ai pas d’ulcères au niveau des doigts, mais sur la peau, surtout au niveau du visage, j’ai des tâches rouges qui sont apparues, et ça c’est un peu gênant. Donc bon, on m’avait conseillé des crèmes, des machins mais bon, y avait rien qui couvrait forcément tout. Déjà, on sait que j’ai une maladie qui fait qu’on ne peut pas faire appel à n’importe qui pour opérer ou pour faire des petits trucs. Je me suis fait opérer de la jambe parce que j’ai eu un problème veineux et la chirurgienne qui était pourtant recommandée par le professeur qui me suit à l’hôpital, elle n’avait pas prévu ça et ça m’a fait des grosses plaques ocres : c’était un dépôt de fer qui se met sous la peau et donc, suite à ça, on n’a décidé de ne plus intervenir sur ma peau… J’avais des gros grains de beauté que je devais faire enlever, on m’a dit : « ah non, il vaut mieux ne pas y toucher ! ». Euh… Là, sur la peau du visage, c’est quasiment sûr que ça influe aussi sur les tâches. Du coup, je laisse ça comme ça. C’est vrai que visuellement, c’est pas très beau, quoi. Enfin… Plus ça va, plus on en a et on ne peut rien faire, donc c’est vrai que ça, c’est un peu gênant. Le fait de ne pas pouvoir se mettre au soleil, aussi… A chaque fois, on me dit « ah c’est chouette, tu vas en vacances au soleil ! – Ah ouais, génial, sauf que moi, je serai à l’ombre, avec un T-shirt, parce que je n’ai pas le droit de me mettre au soleil ! » [rires] Donc euh… ça c’est vrai qu’il faut faire attention, on est à l’indice 50 tout le temps, à faire attention, à pas prendre le soleil donc ouais c’est un peu… [rires] C’est pas que ça gâche les vacances, mais il faut se couvrir, il faut faire attention, quoi ! Donc il y a plein de petite choses comme ça…
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Et puis sinon, moi, de temps en temps, au niveau de l’humeur, on est moins patient, surtout quand on a mal, quand il y a les douleurs qui se réveillent. Ouais c’est vrai qu’on est plus nerveux, on a tendance à être plus crispé et forcément, on est pas toujours agréable, quoi. Des fois, on est plus nerveux, facilement irritable, il y a un truc, on le prend mal, ou on le prend de travers, etc... Pis les gens qui ne connaissent pas la maladie, qui nous disent « oh mais t’inquiète pas, ça va aller mieux », des trucs comme ça, bah moi, j’ai envie de leur dire « tais-toi, tu sais pas ce que c’est ! ». Donc euh… C’est vrai que c’est… Des fois, c’est pas facile, ces moments-là. Y’a des moments où il y a de la douleur, ça c’est assez pénible, quoi. Donc après, on fait ce qu’on peut mais c’est cyclique, c’est pas tout le temps, donc quand une douleur se ravive, on se dit « ah, il faut que je fasse attention ! ». Faut pas trop forcer. Donc voilà, et puis on n’a pas un sommeil non plus qui aide forcément, parce que si on pouvait se reposer aussi, mais bon, des fois quand les douleurs réveillent la nuit, c’est pas évident quoi. Donc euh … Voilà voilà. Non bah sinon, y’a pas… j’ai pas trop trop d’autres choses à dire.
2) Du coup pour la 2e question, je voulais vous demander, est-ce que vous vous pensez, suite à
tous ces changements, avoir retrouvé un équilibre ? Et qu’est-ce qui selon vous a pu l’aider ou l’empêcher en fait ?
Si je retrouve un équilibre avec le traitement et tout ça, c’est ça ?
Avec le traitement et d’autres choses en fait, depuis que vous avez appris que vous avez la maladie.
Hmmm, oui, un équilibre, ben en fait, ça a été un peu compliqué parce que moi je suis suivie à l’hôpital ***** depuis 92, j’étais assez jeune et à l’époque on m’avait diagnostiqué une polyarthrite rhumatoïde, et après, c’était parti, enfin c’était parti… Disons qu’en l’an 2000 j’étais plus suivie et j’ai été re-suivie en 2011, cette fois ci par le Pr. ***** de l’hôpital *****, qui lui m’a … m’a… comment dire, m’a dit que j’avais une sclérodermie systémique.
Le problème, c’est que moi je voulais avoir un 2e enfant, donc le 1
er enfant je l’ai eu j’avais pas de
médicament ni rien, enfin voilà, tout allait bien. Et le 2e enfant, bah justement, j’ai, enfin, comme on
m’avait annoncé ça, c’était un peu difficile, parce que du coup le bébé a dû… comme j’ai des anticorps anti-SSA et anti-SSB et je sais plus quoi, on m’a dit « il faut venir régulièrement pour faire des échographies cardiaques du bébé» et c’est vrai que c’était un peu difficile à vivre, parce que du coup ça changeait un petit peu tout dans la vie, etc… Le conjoint ne comprenait pas forcément, enfin bref. Et donc du coup, c’était pas … C’était pas évident, et une fois que le 2
e est né, moi j’avais bien
demandé si y’avait des risques de transmission de cette maladie, etc… On m’a dit « non c’est une maladie auto immune, normalement, vos enfants ils l’auront pas » et donc du coup c’est … Du coup après, bah après tout s’est mis en place, et puis bon, la famille, tout ça, bon bah, ils connaissent la maladie, parce que bon, je leur en ai parlé, etc… Je leur ai expliqué, donc c’est vrai qu’ils comprennent, ils comprennent bien, et puis bon, le conjoint c’est pareil, enfin il râle pas quand je lui demande de m’attraper un truc qui est à 1m50 ou à 2m et qui est trop lourd et que j’arrive pas à attraper, bon bah il comprend tout à fait, c’est pas… Il dit pas « tu te fais servir » quoi, il comprend que c’est parce que je peux pas le faire, quoi. Et que c’est pas juste … que c’est pas juste parce que je lui demandais un service toutes les 5 minutes quoi. Donc le fait d’être prise en charge, ouais, ça m’a rassurée déjà, et ça m’a permis de voir aussi lors des consultations ou même, là, lors des séjours à l’hôpital Cochin, ça m’a permis de voir d’autres personnes qui avaient la même chose et c’est vrai que bon, enfin, disons que je m’estime pas malheureuse parce que bon, j’ai quand même un traitement qui me permet de vivre convenablement, de continuer à travailler. Bon, j’ai quand même eu 2 enfants et je les élève, je m’occupe bien d’eux, et puis bon, je suis pas … Enfin, disons que j’en veux à personne et j’suis pas dans l’attente de ce qui va m’arriver plus tard quoi, enfin, je vis au jour le jour, pour l’instant. Le Pr. ***** dit que c’est relativement stable, que c’est pas trop mal. Donc quand il dit ça, je me dis « ça va », surtout quand il ne me change pas de traitement et il me dit, bon bah … Il me demande comment ça va, etc… Moi du moment que j’arrive à faire un peu mes activités quand même, que j’arrive à jardiner un peu, que … que j’arrive à faire un peu de vélo avec les enfants, que j’arrive à aller encore en cours de gym, même si je ne fais pas tout parce que bon, j’peux pas tout faire avec les mains que j’ai, mais bon… Enfin, j’veux dire ça me va, je m’estime pas … Enfin y’a pire quoi. Je pense que j’ai pas d’atteinte aux reins, de chose comme ça pour le moment, donc j’peux pas… Je sais qu’il y a pire que moi, quoi. Donc euh… Donc moi c’est ce que je dis, je dis il faut toujours positiver. Moi quand j’suis allée à l’hôpital ******** pour la … justement pour la kiné des mains et à l’ergothérapie, bon, à la limite, j’voyais pas trop ce qu’on pouvait m’apporter, quoi.
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J’me disais que ben oui, d’accord, j’y vais, mais bon, c’est sympa de faire des massages des mains, mais bon, ça va pas changer grand-chose, quoi. Et puis j’me dis que l’ergothérapie c’est cool, on va enfiler des perles dans des petites aiguilles, mettre des pinces à linge sur un support, j’dis j’vois pas non plus, enfin, au début j’étais vraiment sceptique, quoi. Et puis au fur et à mesure du temps, quand je passe au kiné, le kiné me dit « ah, vos mains sont vachement plus souples, etc… Essayez de faire ci, essayez de faire ça » et j’voyais que j’y arrivais bien, quoi, donc bon, quelque part, puis en plus ils sont très à l’écoute, donc c’est pas, c’est pas du tout… enfin, on se sent vraiment écouté, parce que les gens font vraiment attention et… et je suis jamais ressortie d’une séance en ayant mal, quoi , enfin j’ai … Parce qu’on m’avait dit « tu vas voir, tu vas peut-être dérouiller, tu vas peut-être avoir mal après » comme toutes les séances de kiné, et en fait, pas du tout, enfin, j’avais pas mal en sortant, absolument pas. Donc du coup… Donc du coup, j’ai … Enfin franchement, j’y suis allée sans problème. Au début, j’me disais moi j’habite loin, ça fait prendre à chaque fois… Enfin c’est pas mal d’heures de trajet et tout, mais je pense que ça vaut vraiment le coup de le faire, parce que c’est vraiment quelque chose qui peut aider les gens.
Même si on n’y croit pas au début, après, on voit les progrès qu’on arrive à faire. Moi, quand ils m’ont passé une je feuille sous les doigts au début, ils m’ont dit « ah oui, ça touche même pas, enfin ça touche pas la table » et puis qu’à la fin ça touchait la table… Je voyais quand même quand on me disait « joignez vos mains » et que j’y arrivais alors qu’avant j’y arrivais pas. Ils m’ont dit … Ils m’ont dit « faut le faire quand on est jeune », quoi. Là, il me dit « à presque 39 ans, si vous le faites pas maintenant, si vous laissez vos doigts s’enraidir, ça va pas aller, là c’est pas immuable, vous pouvez encore changer », quoi… Donc du coup, c’est vrai que quand on fait ce qu’on nous dit, ça… Ça sert quoi ! Ça sert… Donc du coup, ouais, j’étais vraiment super contente, quoi. Puis les gens là bas, ils sont vraiment super gentils… Après, quand j’ai senti qu’ils m’ont donné, parce que je leur ai demandé si j’pouvais continuer, j’étais tellement contente que je leur ai demandé si j’pouvais continuer la kiné, mais près de chez moi.
Et il se trouve que pas loin, à ******* y’a une clinique de la main. Et je me suis dit « oh bah pas de problème, je vais aller là, je vais faire de la kiné » et en fait, j’en ai fait 3-4 séances, et à chaque fois que je suis sortie de là, 1h après, j’avais super mal aux mains. Et donc c’est là que j’me suis rendue compte que bon faut vraiment… C’est vraiment spécialisé, quoi. C’est pas… Je peux pas faire les mêmes exercices que tout le monde, et puis… et tout ça, et puis j’me suis dit, à *******, eux, ils sont vraiment spécialisés, ils savent vraiment ce que les personnes, enfin les personnes qui ont cette maladie peuvent faire ou peuvent pas faire, quoi. Moi j’ai dit au Pr. ******* « ils m’ont fait faire ci, ça, ça, ça, mais à chaque fois, » je lui ai dit « j’ai eu mal et tout » et il m’a dit « c’est pas la peine de continuer » il me dit « faites les exercices qu’on vous a donnés sur les polycopiés, et puis sur la vidéo, » et il dit « ça ira pour vous » enfin, faut pas non plus chercher à… à avoir des mains de quelqu’un de « normal »… Enfin, j’veux dire, c’est pas le but, quoi. Le but, c’est d’arriver à nous, à vivre comme … comme on peut, enfin, j’veux dire, de façon à pas être trop gêné. C’est pas non plus de pouvoir tout faire, quoi. Donc, euh….
Moi mon fils, quand il me dit « ah tiens, Maman, regarde si l’oiseau, tu mets tes mains comme, comme ci, comme ça » j’lui fais « ah non mais mon chéri, moi de toute façon, moi ça j’y arriverai pas ». Il me fait « mais si, essaye », j’fais « écoute, j’essaye, mais tu vas pas te moquer si j’y arrive pas » et il se moque pas, parce que j’l’ai prévenu, j’lui ai dit que j’y arriverais pas. Mais ça me fait pas de la peine, parce que je sais que de toute façon, ce genre de truc, j’arriverai pas à le faire. Donc, euh… Mais par contre, continuer à cuisiner, continuer à … à les habiller, à pouvoir faire leur toilette, ouais, ça c’est super important. Parce que le petit, j’arrivais même plus à le … j’arrivais même plus à le crémer ni rien. Ça me faisait mal quoi. Donc j’arrivais plus à me servir de mes mains comme je voulais. Donc là, ouais, ouais, c’était franchement une… C’était vraiment une reconnaissance quand j’ai vu que je pouvais de nouveau me servir de mes mains comme je voulais, bah là, ouais, là j’étais contente, quoi. Puis j’me disais « c’est pas pour maintenant que j’changerai de voiture, ça va, j’peux encore… j’suis en levier de vitesse maintenant, tout va bien ». Donc ouais, j’pense que c’est important de le faire… C’était pas longtemps, c’était 6-8 séances, mais c’était… Enfin, vraiment les gens ont pris le temps, quoi. Et on voit qu’on est pas juste un numéro, etc, quoi. Les gens font vraiment attention… Là, c’est pareil, ils ont vu que j’avais la maladie de Raynaud et la 1
ère chose qu’ils ont fait, c’est en entrant le
matin, c’est « ah bah, attendez, on va vous mettre un coussin chaud sur les mains, pour pouvoir commencer les exercices, etc, quoi. Pas commencer à froid, parce que là, ça va pas aller, vous allez pas… pas pouvoir faire grand-chose, quoi ». Enfin c’est ce genre de petites attentions qui m’ont fait dire « ah bah eux, ils connaissent bien, ils savent… Enfin, c’est leur métier, quoi. Donc… Donc, c’est vrai que… Ouais, moi la vie, la vie quotidienne maintenant, oui , j’la vis vraiment mieux… Parce que
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j’suis pas en train de me dire « oh, j’y arrive pas, j’en ai marre, j’arriverai jamais à faire ça, maintenant c’est foutu », enfin non, justement, y’a des avancées, et… et heureusement, quoi. Et puis heureusement qu’il y a… l’atelier aussi d’ergothérapie avec… avec des jeunes très sympas, très détendus, voilà, qui nous parlent pas comme des extraterrestres, quoi. Qui nous parlent juste comme des personnes humaines qu’ont besoin d’aide, quoi, tout simplement.
Donc… Ouais, c’est vrai que j’étais super contente quand ils m’ont fait les poignées de porte. Je pensais pas qu’ils réussiraient à m’faire quelque chose… qui me permette d’ouvrir cette satanée porte qui me pose beaucoup de soucis ! Donc on avait démonté ma serrure, on leur a rapportée, ils m’ont fait la poignée de porte et vraiment, c’était très bien et je l’ai encore et ça va, quoi, enfin… Disons qu’on arrive à ouais, à mieux vivre… C’est sûr, quoi. Maintenant, il y a tellement de gadgets qui existent, des fois… Oui, ils m’ont montré beaucoup de choses, quoi ! Même mes comprimés, ils m’ont dit « vous coupez vos comprimés comment ? », j’fais « bah, avec les dents ! », ils m’ont dit « ah bah non non non, mais il y a des coupe-comprimé qui existent ! Il faut acheter un coupe-comprimé ! » Moi, je savais même pas, donc c’est vrai que… On sait pas, quoi ! Donc c’est vrai que… moi j’ai acheté plein de p’tits trucs comme ça, assez rigolos quoi, et… Et du coup, les enfants, ils sont là : « ah, c’est super, ton truc, hein maman, pour ouvrir les bocaux, c’est génial, ton machin, t’appuie sur un bouton ! » J’dis : « bah oui, au lieu de, avec une cuillère, m’acharner pendant un quart d’heure » et après, me prendre les deux mains en me disant « ouh, j’aurais jamais dû ouvrir ce pot parce que maintenant c’est la galère ! », ben ouais, maintenant, j’ai un truc automatique, bon bah… Faut… On a investit un peu au départ, mais c’est sûr qu’après, c’est pour nous rendre service, quoi, donc… Forcément… Donc… Ouais ! Enfin, moi, je dirais que du bien de l’hôpital ***** et de ces services-là, parce que franchement, je pense qu’ils aident beaucoup de gens, quoi !
3) D’accord. Pour la prochaine question, elle est un petit peu en rapport avec ce que vous m’avez dit, mais… Selon vous, qu’est-ce qui a pu vous aider à construire la relation avec l’ergothérapeute quand vous étiez là-bas ? Peut-être à leur faire confiance, des choses comme ça…
Ouais, alors. Alors, déjà, ce sont des gens qui… Ils sont peu nombreux mais… Et du coup, il y a aussi peu de monde dans leur atelier, à chaque fois, on n’est pas 10, hein, on est maximum 3/4 et… Et du coup, il suivent la personne, enfin… Vraiment. Ils disent pas « ah bah faîtes tel exercice » et puis après ils nous laissent en plan pendant une demi-heure, quoi ! C’est… Ils sont vraiment à côté de nous, quoi, ils nous montrent comment faut faire, si on fait bien ,si on fait pas bien... Des fois, nous poussent un peu plus que ce qu’on veut faire parce qu’au début on a peur d’avoir mal, donc on fait un petit peu, ils nous disent : « Non, vous pouvez faire mieux, faîtes encore ça, allez, plus fort, je change de pâte, je vous donne une plus dure, etc… » Et au début, on se dit « on va pas y arriver, on va pas y arriver » et en fait… Et en fait, on est contents de pouvoir y arriver, quoi ! Et même si on n’y arrive pas, enfin j’veux dire… Eux, ils jugent pas quoi : ils… On n’est pas là pour être jugés et ils sont là pour écouter, et puis pour faire en fonction de nous et de nos capacités et ça c’est vraiment bien…
Et même, ils ont pris beaucoup de temps, aussi, pour faire les attelles, vérifier que ça nous gêne pas… Euh… Moi j’en ai une à chaque bras, donc il fallait que j’puisse mettre une attelle et après que j’puisse mettre l’autre avec l’autre main c’qui est pas évident ! [rires] Et donc c’est vrai que du coup, ils trouvent des astuces, ils font des trucs spéciaux, enfin, c’est vraiment adapté à la personne, et à ses besoins, quoi ? On n’a pas tous la même attelle etc, qui fait mal et qui écorche j’sais pas quoi, ils ont des petites attentions, ils nous mettent une espèce de petite chaussette à l’intérieur aussi, pour pas… Que la peau soit directement au contact. Enfin, ils ont plein de petites attentions super gentilles ! Moi, j’arrivais le matin, ils voyaient que j’avais les mains froides, ils me donnaient… Des p’tits réchauffe-mains, pour que je puisse me réchauffer les mains ! Enfin, c’était vraiment gentil, quoi ! Et puis ils avaient pas mal de stagiaires aussi, qui étaient… Qui étaient aussi adorables, qui venaient aussi pour nous aider, prendre des notes etc, et j’pense que l’ambiance est très conviviale : on a toujours un peu de musique, ils blaguaient, tout ça, donc ça nous détendait aussi, on n’était pas… On se sentait pas comme un rat de laboratoire, quoi. On était… J’pense que c’était vraiment une bonne ambiance, en plus, ils… J’pense qu’ils doivent accueillir des enfants aussi, parce que bon, leur local, en ergothérapie, il est très accueillant, quoi. C’est vrai qu’on se sent comme dans une… Comme dans une école maternelle, quoi ! Y a plein de jeux ! Y a de la pâte à modeler, y a plein de trucs, on peut faire du collage, … Enfin moi, ma poignée de porte ils m’l’ont faite, et pis bon, elle était, j’sais pas en quoi, en quelle matière, mais ça faisait résine, après, ils m’ont dit : « tiens, on va faire du déco-patch, bah tiens, vous allez la décorer ! ». Donc j’me suis amusée à la décorer et tout ça, et c’est vrai qu’on fait ça dans une ambiance détendue, tout ça…
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Pis on n’a pas vraiment d’objectif : euh… On ne se donne pas un objectif qu’on ne peut pas atteindre. Donc après, on fait en fonction, on voit nos résultats, on voit qu’on progresse etc, mais on ne s’est pas fixé un objectif, donc on n’est pas déçu. Y a pas de déception si, au contraire, on est toujours… On est toujours content de voir qu’on peut faire un petit peu plus, quoi ! Donc euh… Ouais, mais les gens sont vraiment gentils, ils sont vraiment… Ils jugent pas, ils nous regardent pas de travers… Ils voient… Qu’on fait ce qu’on peut et… Et ils sont super à l’écoute, quoi, donc ça, c’est vraiment bien et… Quand on a un problème, s’ils ont pas la solution tout de suite, ils disent « attendez, on va chercher et on va trouver quelque chose… » et la fois d’après, ils ont déjà quelque chose à nous proposer, quoi ! Donc c’est vrai que c’est… Ouais. C’est personnalisé, quoi ! C’est ça que j’ai aimé. Une équipe à l’écoute et une aide personnalisée… Le fait d’être en petit… En petit comité, comme ça, c’est… Ça aide beaucoup, quoi. C’est vrai que… Pourtant, c’est un hôpital, hein, donc moi, je m’attendais que ce soit un peu l’usine, et pas du tout ! Enfin… C’était vraiment très bien ! Pareil pour la kiné, quand j’y étais allée, j’étais toujours avec la même personne, qui me suivait, c’était toujours la même personne et… Même si des fois, on était à deux, avec la même personne, bah… Il s’arrangeait toujours pour me laisser un exercice, il me disait « faîtes 10 fois ci, et 10 fois ça » et il savait exactement dans sa tête combien de temps ça prenait et il revenait tout de suite avant que j’ais fini, quoi ! Il me laissait pas en plan, quoi, j’avais pas l’impression que « bon bah… J’fais quoi maintenant ? », quoi ! Donc euh… Donc ouais. Enfin, moi franchement, je trouve que c’est une équipe, la relation a été très bonne, hein, donc euh… Et pis j’voyais, enfin, à chauqe fois, les gens, y a pas que moi ! Tout le monde était content, parce que quand quelqu’un partait, euh, ils ramenaient toujours des petits croissants ou des petites sucreries etc pour… Les remercier et tout, donc c’est vrai que… Enfin, je pense que les liens étaient forts quoi, entre les patients et pis l’équipe, quoi. Donc… Donc ouais, ça c’était vraiment bien. Moi, j’avais plaisir à y aller, hein ! C’était pas du tout une corvée, hein ! [rires] Donc ouais… D’ailleurs, si je revois le professeur *******, j’vais lui demander si j’peux y aller une fois par an, justement, comme ça, pour le refaire, parce que… J’ai vraiment trouvé ça bien ! Surtout que comme j’vous ai dit, qu’après, j’ai pu comparer, par rapport à là… A côté de chez moi, la clinique, où j’ai fait que 4 ou 5 séances, là, [soupir], oh mon Dieu, c’était horrible ! On attendait tout le temps, en fait. Et au début, j’me suis dit « mais c’est que moi, parce que j’suis nouvelle » mais en fait, non, y en a qui étaient là depuis plus d’un an et bon, ils arrivaient et ils faisaient leurs trucs tout seuls, bah, y avait personne pour les guider ! S’ils se faisaient mal, tant pis pour eux, enfin. Moi je… J’me suis dit « oh là là ! » et c’est pour ça que j’suis partie de là par ce que, non seulement, ça me fait mal, je leur dis que j’ai la maladie de Raynaud, à la fin de l’exercice, ils me mettent de la cryothérapie sur les doigts ! Donc… J’ai tenu une minute et après, j’lui ai dit « non mais attendez, là, j’commence à avoir les mains bleues, ça va pas du tout ! Donc euh… J’avais l’impression que la personne n’avait même pas écouté ce que j’lui avais raconté, en fait ! Parce que je lui avais dit que j’avais la maladie de Raynaud et elle m’a mis du froid… Du froid sur les mains quoi ! [rire] Donc ouais, j’ai trouvé ça un p’tit peu bizarre, quoi ! Donc… Ouais, donc c’est vrai que quand on compare, pis bon… Y a 10 personnes pour une kiné etc… Donc bon, c’est pas du tout les mêmes conditions ! A ***** c‘est… Ouais, à *****, on se sent entouré, c’est vraiment comme une petite famille, d’ailleurs, entre eux, ils rigolent, ils s’connaissent super bien, voilà, y a pas du tout de relation de hiérarchie ni rien… Enfin, c’est très… Ouais. Y a vraiment une très bonne ambiance, aussi bien du côté ergo que kiné… Les deux équipes sont… Sont très bien, c’est franchement impeccable !
4) D’accord. Alors, ensuite, euh… Est-ce que vous auriez souhaité que l’ergothérapie vous apporte quelque chose de plus ? Est-ce que vous avez pensé à d’autres choses, depuis que vous êtes revenue ?
Depuis que j’ai fini ?
Oui.
Ah. Euh… Depuis que j’ai fini… Ben, non, pas vraiment parce qu’en fait, à chaque fois que je… Comme ils m’avaient dit, « Faîtes l’exercice… D’ici la prochaine fois, vous essayez de voir qu’est-ce que vous pouvez améliorer chez vous, dans votre quotidien, que vous aimeriez qu’on vous aide ». Euh… Du coup, ouais, typiquement, j’étais r’venue avec la poignée de porte parce que… Parce que ça, ça m’embêtait vraiment ! Ne pas pouvoir ouvrir cette… Fichue porte, du coup, j’avais le coude tout esquinté ! Ils m’ont dit : « oh, faut pas rester comme ça ! Vous trouvez toujours des solutions de rechange, mais qui sont pas forcément bonnes ! C’est comme les comprimés coupés avec les dents, c’est pas bon pour vos dents, quoi ! » Donc c’est vrai que… C’est eux après, c’est eux qui me donnaient la solution. Moi, en gros, j’arrivais avec mes problèmes [rires], et pis eux… Ils essayaient de trouver une solution adaptée, quoi ! Donc c’est vrai que… A la fin de… Comme j’ai étalé ça sur un
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mois et demi, parce qu’il y avait les vacances entre temps et que j’étais avec les enfants, du coup, c’est vrai que sur un mois et demi, j’ai bien eu le temps de réfléchir à tous mes petits soucis. [rires] Donc… Donc à la fin, j’pense pas qu’il y ait encore… Comme des fois, on s’écrit, je pense que si jamais j’avais un souci et que je leur disais, je pense que… J’pense qu’ils seraient… Je pense qu’ils me répondraient sans problème, quoi. Là, j’en suis sûre. J’pense que… Que j’ai réussi à construire la relation donc du coup… J’pense que si j’avais des questions… Qu’ils seraient tout à fait d’accord pour me répondre, donc… Pour le moment, pour le moment, non, j’ai pas vraiment vu d’autres choses qui me posaient problème... Auxquelles ils m’ont pas répondu, quoi !
5) Ok. Alors… Dernière question : pour vous, actuellement, du coup, vous envisagez comment le futur ?
Euh… Le futur : je l’envisage comment ? Bah j’espère que… Mon état va rester stable. [rires] J’espère que… Bah si je continue mes exercices, j’espère que… Que je vais pas trop régresser ! Parce que bon… C’est quand même assez intense, ce qu’on a fait pendant un mois et demi, donc j’ai vu des progrès très rapides, très nets, pis euh… J’espère que… Maintenant, c’est à moi de faire le boulot ! [rires] C’est à moi de continuer à… pérenniser ces efforts et pis à… Et pis à pas tout laisser tomber… Et ouais, j’vois l’avenir avec pas mal d’optimisme, parce que bon… J’me dis que la médecine fait tellement de progrès… Et… Que de toute façon, on pourra toujours arriver à soulager de mieux en mieux les douleurs des gens et… Et ouais, à un moment, j’imaginais très mal, c’est vrai, l’avenir, quand on me parlait de quand je serais en retraite : han, mais moi, j’imaginais du tout la retraite, quoi, j’disais « nan mais attendez, nan mais… J’espère bien que j’ferai plein de voyages avant et tout, parce que moi, en retraite, j’serais dans un piteux état, quoi ! » Donc euh… J’disais « mais moi, je compte pas du tout faire des voyages après la retraite, il en est pas question ! ». Et… Et maintenant, c’est vrai que j’me dis… Que si j’arrive à tenir comme ça encore de nombreuses années, que j’ai le même traitement… Que rien ne s’aggrave, qu’on ne découvre pas des choses, comme cette maladie, elle peut évoluer etc, donc… J’dis tant que ça va, tant que j’découvre pas de nouveaux trucs, bon. Voilà, mais bon, j’ai un médecin, je pense, qui est assez à l’écoute, aussi, bon. Y a eu une période où… Où bon, ça allait pas trop, parce que bon, j’avais du mal à déglutir etc, donc il m’avait donné des médicaments et pis, je sais pas pourquoi, après, c’est passé. Après, il m’a juste dit : « Bah… Mangez doucement, allez doucement… A la limite, vous coupez vos repas, etc, si vous avez… Des… Enfin, moi, j’appelle ça des renvois, mais si vous avez des… Problèmes, là, des reflux ! Si vous avez des reflux gastro-oesophagiens, bah dans ces cas-là, vous pouvez prendre tels médicaments, etc ». Et bon ! Comme je suis, j’suis pas anti-médicament, mais j’essaye d’en prendre le moins possible parce que justement, j’me dis, dans l’avenir, peut-être, si j’dois en prendre d’autres etc… Faut pas trop en prendre non plus systématiquement si on n’en a pas toujours besoin. Donc du coup… J’essaye de m’dire bon… Bah, j’en prends vraiment si j’en ai besoin et bizarrement c’est parti donc… Du coup, j’espère que mon état va rester stable assez longtemps ! Et pis si jamais ça s’aggrave, bon bah, voilà, hein, faudra prendre d’autres choses, pis… Pis voilà, enfin… Je compte pas couper les liens avec mon médecin non plus donc euh… [rires]. Donc… Donc, j’lui fais assez confiance, pour ce genre de chose, il a l’air quand même assez à la pointe et... Et bon, il connaît beaucoup de patients qui sont dans le même cas et… J’pense qu’il peut… Il peut répondre à mes questions etc quoi ! C’est vrai que…
Après, c’est juste la question de la nervosité à régler, de l’irritabilité tout ça… [rires] Des fois, on me dit : il faut lâcher prise un petit peu et bon, essayer de prendre du recul et euh… Bon, moi, de toute façon, j’me dis qu’il y a toujours pire que soi, donc bon. On est quand même pas… Pas si mal aussi que ça ! Donc… Donc l’avenir, oui, je l’envisage, de toute façon… Bah, j’ai pas l’espoir de vivre jusqu’à 80 ans ou j’sais pas quoi, parce que bon… On sati pas ! Mais… Mais j’dis oui, si j’avais des choses à faire maintenant, j’les fais maintenant ! Les voyages, je les fais maintenant parce que… C’est pas que… C’est pas comme certaines personnes qui sont « ah bah moi, j’vais faire le voyage après, la retraite ! » bah moi, non, je préfère les faire maintenant, parce que, justement, je me rends compte que ça peut s’aggraver. Que pour l’instant, j’ai pas tout… Ce qu’on peut lire dans les livres et que bon… Je sais pas comment j’serai plus tard, donc… Donc oui, j’profite ! On va dire ! [rires]. Je profite. Je suis quelqu’un qui aime bien me cultiver : j’aime bien aller au théâtre, j’aime bien le cinéma, tout ça… Et... Et voilà, quoi, faut en profiter maintenant, faut pas rester chez soi… Ouais, bon, bah on a cette maladie, oui, les gens ils voient les tâches rouges sur le visage, oui, et pour les mains bleues et tout, mais bon, tant pis ! C’est pas grave ! [rires] J’me dis… Faut prendre soin de soi, aussi, parce que bon… Si on pense qu’au regard des gens, c’est pas vivable, quoi !
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Là, j’étais très contente, c’est un autre exemple , j’étais avec mon fils au supermarché et bon, on a deux chats, j’avais un lot de 4 paquets de litière de 10 litres, donc ça fait quand même 40kg à porter… Malheureusement, j’ai réussi à le mettre dans le caddie, mais y a un des sacs qui s’est percé ! Donc y avait de la litière partout ! Alors, là, non mais… La honte ! Et… Et j’avais mes gants parce qu’il faisait super froid dans le supermarché : et… D’un seul coup, j’me dis mais avec mes gants, d’toute façon, ça glisse, j’arriverai jamais à les enlever de là, et mon fils de 6 ans, il me regardait, impuissant, et j’étais là : « non mais t’inquiète pas, mon loulou, je vais y arriver ! » mais j’y arrivais pas ! Donc j’ai enlevé un de mes gants, avec la main bleue… Et là, y a un monsieur très gentil qui est venu nous dire : « ah non non, mais attendez, madame, j’vais vous aider, c’est super lourd et tout… » ? J’ai dit « ah bah c’est gentil, surtout qu’il y a un paquet qui s’est éventré ! », il m’a dit « non, non, mais ne vous inquiétez pas, j’m’en occupe… », enfin, il a été vraiment adorable, il a fait aucune remarque ni rien, il a soulevé les paquets, il m’en a remis d’autres dans le chariot, et là, j’ai réfléchis : mais comment vais-je les sortir, une fois que j’serai arrivée à ma voiture ? Pis finalement, j’ai juste réfléchi qu’il fallait juste enlever le gros blister pour sortir les paquets un à un, donc j’y suis arrivée. Mais… [rires] mais j’ai du réfléchir à ça aussi après, mais du coup, j’étais super contente, parce que j’me suis dit… Le monsieur, il a pas JUGE, quoi. Il a pas dit « oh là là, vous avez des gants, bla bla bla, vous avez la main bleue, patati patata » et il a juste proposé son aide gentiment… Et là, c’est vrai que j’me suis dit en fait, il faut faire confiance au gens, quoi. Il y a des gens qui sont… Peuvent avoir des réactions, p’t’être un peu bêtes mais… Il y a beaucoup de gens aussi qui sont assez sympas et... Et puis, l’entraide ça existe encore, quoi, c’est c’que j’me dis et j’me dis, les gens sont pas tous bêtes, quoi ! Donc euh… Ils voient qu’on n’y arrive pas, c’est pas parce qu’on veut pas, quoi, c’est juste parce qu’on peut pas ! [rires]. Donc euh… Donc voilà, en fait, Ça m’a donné assez confiance, parce que j’me dis qu’à partir du moment où… J’me suis dit à partir du moment où on l’accepte, on s’dit, bon bah, voilà, moi, c’est comme ça, j’ai telle maladie, j’ai tel truc que je ne pourrai pas changer de toute façon, bah j’pense que ça peut que… Que ça peut que aller mieux, en fait ! Si on est dans le déni, ça, c’est sûr que ça peut pas aller, quoi. Donc… A partir du moment où on l’assume, bah moi, j’assume de mettre mes gants tout le temps, bon bah voilà, je mets des gants tout le temps, si y a des gens qui me posent des questions, bah je leur dirai « bah… J’ai un problème aux mains, et pis j’suis obligée de mettre des gants et pis c’est tout, quoi ! » Donc… Donc ouais, maintenant, j’arrive mieux à l’assumer, quoi ! Donc… Ça c’est… Ça, ça va mieux !
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Ergo 1 Ergo 2 Ergo 3 Ergo 4 Pat 1 Pat 2 Changements
physiques « s’habituer aux changements de son corps » « difficultés dans les préhensions »
« les capacités physiques, en général » « force », « souffle », « endurance » « fatigue »
« le corps est dur et rigide au lieu d’être souple »
« du mal à me lever » « mains très abîmées » +++ « mes jambes fatiguent » « tous mes doigts étaient abîmés, bah, j’avais plus de doigts du tout » « j’ai les mains qui deviennent toutes bleues et si je les mets dans l’eau, elles deviennent toutes violettes » « dès que je me coupe, il me faut 6 mois pour cicatriser ! » « mes mains étaient comme ça ! » (raideur en flexion des doigts) « avant, je ne pouvais pas les fermer ni les ouvrir »
« j’ai une maladie de Raynaud qui est assez prononcée » « je suis atteinte surtout des mains » « la raideur des mains » « ne pas laisser les articulations s’enraidir » « c’est trop douloureux » « j’ai eu une fibrose au poumon » « il y a juste une partie du poumon […] c’est comme une cicatrice » « on perd beaucoup de force » « j’avais mal aux mains » « j’ai un syndrome sec […] il faut mettre des gouttes tout le temps »
esthétiques « c’est surtout visible au niveau du visage »
« faciès » « il y a tout ce qui est esthétique » « j’ai une patiente […] son mari ne la voit plus jamais nue : il ne supporte pas de la voir changer »
« j’ai les mains qui deviennent toutes bleues et si je les mets dans l’eau, elles deviennent toutes violettes » « mains très abîmées »
« j’ai une maladie de Raynaud qui est assez prononcée » « sur la peau, surtout au niveau du visage, j’ai des tâches rouges qui sont apparues, et ça, c’est un peu gênant »
professionnels « il y a un mi-temps, ils s’arrêtent »
« aménager » « temps partiel »
« je suis maçon » « c’était mon métier, j’adorais ça » « quand t’as travaillé 26 ans dans la même boîte et qu’on te dit « bah… C’est fini ! » pfiou… Là, c’était dur, quoi » « donc je suis à Pôle Emploi […], ils m’ont dit qu’ils pouvaient pas faire grand-chose »
« j’ai acheté une souris spéciale aussi, au travail, enfin, c’est mon patron qui me l’a payée et avec un écran spécial […] pour éviter de faire supporter aux articulations des mouvements répétitifs qui font mal » « on a l’impression d’être la pharmacie […] ou la personne extraordinaire du bureau »
Entourage Relations sociales
« on n’a pas trop de retour mais on ne pose pas la question »
« j’ai une patiente […] son mari ne la voit plus jamais nue : il ne supporte pas de la voir changer » « la proximité relationnelle change » « j’ai une autre patiente, le changement a été dans la famille […]. Tout le monde s’est organisé pour pouvoir se relayer auprès d’elle »
« c’était pas facile, parce qu’au départ, c’était ma femme qui faisait à manger. Du coup, c’était pas facile pour elle. » « bah ce sont les enfants qui m’aident beaucoup » « avant, je filais un coup de main, beaucoup à des personnes. […] pis une fois que j’ai eu la maladie, bah il y avait beaucoup moins de monde »
« Moins maintenant, parce que je porte des gants en quasi-permanence et c’est vrai que ça, ça m’a pas mal gênée dans les relations sociales » « quand on n’ose pas dire aux gens ou qu’on n’a pas envie de leur dire qu’on est malade, c’est vrai qu’on a toujours un regard un peu… » « c’est vrai que la réaction des gens, des fois, peut mettre très mal à l’aise » « pour éviter toutes les questions des gens, plutôt que d’être obligée de réexpliquer les choses, maintenant, je mets les gants » « on a l’impression d’être la
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pharmacie […] ou la personne extraordinaire du bureau »
Vie quotidienne Loisirs
« ça va changer le rythme de la vie quotidienne »
« au niveau des loisirs, des sorties aussi » « plein d’affects au quotidien » « actes de la vie quotidienne » « ouvrir son clapet d’essence » « tirer ses rideaux »
« changements fonctionnels, notamment au niveau de la peau » « par rapport à l’autonomie : la difficulté à demander de l’aide, à faire tout seul »
« j’ai du mal à me lever » « même les marchés dehors, ça dure pas longtemps, quoi » « tout ce qui est bricolage, tout ça, bah, c’est pas facile » « mes mains ne fonctionnaient plus du tout » « même pour se laver, se raser… » « j’ai été obligé de descendre la chambre, aussi, parce que les escaliers, c’était plus possible » « on a changé de voiture, aussi, elle était trop basse » « quand je vais chercher ma fille à l’école, bah… A la fin, c’est dur » « je ne pouvais pas ramasser par terre » « pour ouvrir quelque chose, je n’y arrivais pas »
« et puis au niveau des activités sportives, du coup » « moi j’aimais bien skier une fois par an et c’est vrai que bah, je pouvais plus » « donc il y a des sports, comme ça, qu’on peut plus faire » « à la gym, il y a plein de choses que je ne peux pas faire avec mes mains : poser les mains à plat etc » « au niveau sportif, on ne fait pas ce qu’on veut » « au niveau de la vie quotidienne, oui, parce qu’on perd beaucoup de force » « les choses lourdes, bah, on ne peut plus les porter » « porter les enfants, faire à manger, tout ça, c’est vrai que ça devenait dur » « même le ménage, on a du prendre quelqu’un » « demander toujours l’aide de quelqu’un d’autre ! » « pour ouvrir les bouteilles, je demandais toujours à quelqu’un » « j’avais des poignées de porte très dures à ouvrir […] j’arrivais pas à les ouvrir rapidement » « on n’arrive pu à bien écrire » « on n’arrive pas à tenir le stylo » « au niveau de la voiture, aussi, j’ai eu un problème […] impossible de passer les vitesses » « le fait de ne pas pouvoir se mettre au soleil »
psychologiques « accepter sa maladie […] le faire accepter aux autres » « peur de le montrer » « montrent sans crainte »
« Même sur le moral et le mental, aussi ! C’est dur : du jour au lendemain, plus rien, quoi ! » « j’ai mis du temps à m’en remettre »
« on n’est plus sûr de soi » « au niveau de l’humeur, on est moins patient, surtout qu’on on a mal » « on est plus nerveux, on a tendance à être plus crispé et forcément, on est pas toujours agréable » « facilement irritable »
sensitifs « des difficultés à supporter le contact des tissus, quels qu’ils soient »
« le docteur a dit : « pas les mains dans l’eau, pas les mains dans le froid » (comme le congélateur) »
Facteurs aidants
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et obstacles au processus de changement
aidants
Famille/entourage « l’environnement humain va conditionner la manière de l’accepter ou pas » « c’est sûr que l’environnement humain, ça joue beaucoup »
« et même en dehors des équipes médicales ! » « oui. Si […] y a des bonnes relations » « dans un couple où ça se passe bien […] la femme se sentait vraiment soutenue par son mari, même par ses enfants aussi qui peuvent parfois aider aussi » « quand ils sont en bas-âge […] ils s’habituent […] plus que s’ils avaient 15-18 ans » « faut qu’il y ait un bon équilibre dans le couple » « si on n’est pas soutenu, on se sent vite seul et… On déprime » « les vrais amis ont un rôle important. Pour accompagner et pour sentir que la personne ne souffre pas en silence »
« il y a la famille, l’entourage, le réseau »
« la famille […] ils connaissent la maladie […] ils comprennent bien » « le conjoint, c’est pareil, enfin il râle pas quand je lui demande de m’attraper un truc »
Associations Contact avec d’autres patients
« il peut y avoir les associations. Ça, c’est à double versant, selon les personnes »
« par des associations, aussi » « les associations ont un rôle important, je pense »
« voir d’autres personnes qui avaient la même chose » « je sais qu’il y a pire que moi »
Rééducation « la rééducation, qui joue un rôle important »
« j’voyais que j’y arrivais bien » « c’est vraiment quelque chose qui peut aider les gens » « on voit les progrès qu’on arrive à faire »
Equipe rééducative médicale
« le suivi régulier avec le médecin » « l’entente avec le médecin, l’équipe rééducative »
« avec un suivi » « confronter ou être encadré » « avoir un encadrement […] un accompagnement, j’dirais »
« le fait d’être prise en charge, ouais, ça m’a rassurée » « ils sont très à l’écoute » « je suis jamais ressortie d’une séance en ayant mal » « eux, ils sont vraiment spécialisés » « les gens ont pris le temps » « les gens font vraiment attention »
personnalité « un bon équilibre psychologique » « motivés, volontaires »
« une dame très créative. Cela peut être très favorisant : elle cherche à
« je dis, il faut toujours positiver » « ça me fait pas de la peine, parce que […] ce genre de truc, j’arriverai
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trouver des petites aides pour sa vie quotidienne » « quelqu’un qui dans sa personnalité est créatif ou ingénieux »
pas à le faire »
matériel « dans le côté physique, ce sera plus l’environnement matériel, aussi : les aides techniques, les aménagements du domicile… ou du travail »
« j’étais super contente quand ils m’ont fait mes poignées de porte » « maintenant, il y a tellement de gadgets qui existent » « j’ai acheté plein de truc comme ça, assez rigolos » « j’ai un truc automatique » « on a investi un peu au départ, mais c’est sûr qu’après, c’est pour nous rendre service »
Rôles sociaux « la première patiente […] est très réglo au niveau du ménage : ça peut paraître un peu contradictoire mais c’est quelque chose de relativement moteur chez elle » « une troisième patiente, elle, devait s’occuper de sa nièce : c’était le soutien aux autres qui la tenait »
« j’ai quand même eu 2 enfants et je les élève, je m’occupe bien d’eux » « par contre, continuer à cuisiner […] à les habiller, à faire leur toilette, ouais, ça c’est super important »
loisirs « une autre faisait du scrapbooking […] malgré des grosses difficultés de préhension »
« du moment que j’arrive un peu à faire mes activités, quand même, que j’arrive à jardiner un peu […] à faire un peu de vélo avec les enfants, que j’arrive encore à aller en cours de gym »
traitement « j’ai quand même un traitement qui me permet de vivre convenablement »
obstacles
Limitations de participation
« c’est le bricolage, je ne peux pas faire, je suis obligé de demander à tout le monde » « j’ose même plus demander » « c’est un handicap parce que tu ne peux pas faire… Tout seul, quoi »
« moi je voulais un 2e enfant […]
comme on m’avait annoncé ça, c’était un peu difficile »
entourage « le conjoint ne comprenait pas forcément »
Interventions de l’ergo/prise en compte des habitudes de vie
bilans « bilan d’autonomie »
« on fait beaucoup de bilans » « bilan de Kapandji »
« les bilans, évidemment » « évolutifs […] les bilans
« je ne fais pas forcément de bilans »
« on avait fait un bilan d’autonomie » « ils m’avaient posé des questions sur ma
« ils prennent en note nos difficultés » « ils m’ont passé une feuille sous les
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« bilan de préhension » « bilan de force » « bilan des AVQ […] fait maison » « bilan fonctionnel des membres supérieurs »
« on voit ce qu’il faut travailler »
« ça nous aide vraiment à cibler les difficultés et à travailler vraiment dessus »
« connaître ses goûts, ses loisirs, tout ce qui est signifiant pour cette personne »
sont amenés à changer dans le temps » « bilans chiffrés, notamment » « test de force »
« au départ, je faisais des bilans (Perdue, Box and Block) : cela me faisait perdre un temps fou, j’avais beaucoup de moins de temps pour les patients » « en accord avec les médecins (je note quand même les choses), je me concentre plus autour de la vie quotidienne)
maison, sur mon travail » doigts »
Activités « trouver des activités qui correspondent » « des activités manuelles pour essayer de récupérer les préhensions fines »
« si on respecte un peu le protocole, c’est en fonction des difficultés […] qui nous sont données par les bilans » « on va prendre en compte aussi, le profil de la personne »
« je ne fais pas d’activités » « prendre des objets » « des jetons, qu’il fallait prendre, mettre d’un coté, mettre de l’autre » « après, ils ont fait plus petit, attraper des petites aiguilles » « monter des petits puzzles » « des petits trucs ronds qu’il fallait déposer dans des compartiments »
« enfiler des perles dans des petites aiguilles, mettre des pinces à linge sur un support »
Mises en situation « on a eu une dame qui nous a rapporté une caisse en bois, une caisse à vin, pour faire un exercice »
« je suis plutôt sur la vie quotidienne »
« prendre des choses avec la fourchette et le couteau, comment couper… » « écrire, parce que j’arrivais pas à écrire »
« ils essayent de trouver des solutions pour améliorer la vie quotidienne » « ils m’ont donné pas mal d’astuces »
Préconisation AT « au cours d’une conversation… on a réussi à créer une aide technique »
« je donne des recommandations et fais essayer des choses »
« ma pince, pour attraper des choses » « j’ai du matériel pour : ouvrir les bocaux, des couteaux et fourchettes, les toilettes » « il a fallu changer beaucoup de fois d’outil […] il fallait même re-tester avec les revendeurs de matériel médical »
« j’achète toujours des gros bouchons » « je ne savais pas qu’il existait des ciseaux spéciaux où on ne mettait pas forcément les doigts dans des ronds » « ils m’ont fait aussi des… Des résines pour mettre sur mes poignées de porte » « des embouts pour les stylos » « une souris spéciale », « un écran spécial » « ils m’ont montré beaucoup de choses » « même mes comprimés, ils m’ont dit […] : « il faut acheter un coupe-comprimé ! » ». « pour ouvrir les bocaux […]
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maintenant, j’ai un truc automatique »
Fabrication orthèses
« ils m’ont fait des attelles pour serrer mes mains ou pour les tendre parce qu’elles sont très abîmées »
« ils m’ont fait des attelles de repos, etc, des attelles d’enroulement des doigts »
Echanges avec le patient
« en discutant avec le patient » « savoir ce qu’il aime, ce qu’il veut faire, ce qui est difficile pour lui… »
« on les questionne » « on discute avec la personne » « les échanges informels » « on est là pour prendre et donner » « qui nous donnent des idées, parfois, qui nous donnent des recommandations » « faut vraiment qu’il y ait […] un climat où les échanges se font facilement dans la confiance »
« je leur demande de me raconter ce qui a changé dans leur vie, quelles sont les répercussions de la maladie et ce qu’ils aimeraient modifier ou améliorer » « je m’intéresse aussi aux préconisations spécifiques du syndrome de Raynaud : où en sont-ils ? » « LA PRISE EN COMPTE DES HABITUDES DE VIE, JE TROUVE QUE C’EST PRIMORDIAL ! »
« [il a axé] sur ce que j’ai dit qui me posait problème »
Argumentaire MDPH
« c’est cher pour ce que c’est. Mais ça va, on a eu l’aide du conseil général, pour ça. […] elle avait monté un dossier »
Auto-programmes « j’avais une balle aussi et de la pâte à faire, tous les jours […] chez moi » « ou ramasser des objets ou prendre des objets dans la cuisine, mettre des couverts, des trucs comme ça »
Relation de confiance
activité « tout ce qui est activité manuelle, je pense que ça joue un rôle important dans la médiation » « ça peut permettre de discuter »
« on utilise beaucoup d’activités manuelles »
« je me concentre sur l’activité journalière » « on rentre assez vite dans le vif du sujet par ces activités » « on entre en relation de façon un peu « détournée ». » « pour moi, l’activité manuelle ou les jeux, ne vont pas forcément nous faire arriver sur ce terrain-là »
challenge « pas trop difficile » « des activités qui ne mettent pas en échec »
« si on le fait faire, c’est parce que, par notre expérience, on peut se douter qu’elles y arriveront » « une fois que c’est terminé, les personnes ont… Une
« au début, on a peur d’avoir mal, donc on fait un petit peu […] et en fait, on est contents d’y arriver, quoi ! » « on ne se donne pas un objectif qu’on ne peut pas atteindre » « y a pas de déception »
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certaine fierté, on va dire, d’avoir réussi » « des personnes disaient que… Des exercices de préhension, des choses très fines, qui semblent difficiles, mais qui, à l’arrivée, sont possibles »
plaisir « que ça plaise au patient » « on essaye de trouver des activités qui plaisent » « des fois, ils n’aiment pas […], il faut en tenir compte »
« une fois que c’est terminé, les personnes ont… Une certaine fierté, on va dire, d’avoir réussi » « On leur propose aussi […] en fonction de leur profil […] des activités qui vont aller un peu dans ce sens » « toujours, qui joigne l’utile à l’agréable » « qui, surtout, à l’arrivée, procurent, bah… Des sensations, un peu de fierté, on a vu, de bien-être aussi » « se sentir bien, psychologiquement, parce qu’elles font un peu le vide »
échange « ça peut être un prétexte pour discuter » « que le patient puisse rentrer plus facilement »
« on prend le temps de discuter avec la personne en même temps » « les discussions »
« elle me demandait ce qu’il m’aurait fallu pour améliorer mon quotidien »
« les liens étaient forts, quoi, entre les patients et pis l’équipe » « qui nous parlent pas comme des extraterrestres quoi. Qui nous parlent juste comme des personnes humaines qu’ont besoin d’aide, tout simplement »
continuité « on les incite à continuer chez eux »
« j’vais lui demande si j’peux y aller une fois par an » « Comme des fois, on s’écrit, je pense que si jamais j’avais un souci et que je leur disais, je pense […] qu’ils me répondraient sans problème »
écoute « ce qui est vraiment important, c’est d’être à l’écoute du patient »
« ils sont là pour écouter » « ils sont super à l’écoute » « une équipe à l’écoute »
découverte « on peut proposer des choses que les personnes… Bah découvrent »
Prendre son temps
« on prend le temps de discuter avec la personne en
« on prend le temps de s’installer, de montrer… »
« ils ont pris beaucoup de temps, aussi, pour faire les attelles, vérifier
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même temps »
« il faut prendre le temps de leur expliquer »
que ça nous gêne pas »
Implication du soignant
« on s’implique » « s’asseoir à côté de la personne, lui montrer, le guider, savoir […] qu’on est là, en cas de souci »
« elle m’expliquait bien et elle disait que s’il y avait quelque chose, il fallait l’appeler, il n’y avait pas de souci que je pouvais faire d’autres trucs avec elle »
« il y a aussi peu de monde dans leur atelier, à chaque fois […] du coup, ils suivent la personne, enfin… Vraiment » « ils sont vraiment à côté de nous, quoi, ils nous montrent comme faut faire […] Des fois, nous poussent un peu plus »
Non-jugement « et même si on n’y arrive pas, […] eux, ils jugent pas » « on n’est pas là pour être jugés » « ils jugent pas, ils nous regardent pas de travers… Ils voient… Qu’on fait ce qu’on peut »
Adaptation au patient
« faire en fonction de nous et de nos capacités » « c’est vraiment adapté à la personne, et à ses besoins » « ils ont des petites attentions » « c’est personnalisé » « une aide personnalisée »
Ambiance dans l’équipe/patients
« des jeunes très sympas, très détendus » « ils avaient pas mal de stagiaires […]qui étaient adorables » « l’ambiance était très conviviale : on a toujours un peu de musique, ils blaguaient tout ça, donc ça nous détendait aussi, … » « on se sentait pas comme un rat de laboratoire » « leur local, en ergothérapie, il est très accueillant » « les gens sont vraiment gentils » « c’est vraiment comme une petite famille » « y a pas du tout de relation de hiérarchie » « y a vraiment une très bonne ambiance, aussi bien du côté ergo que kiné »
Connaissances de l’équipe
Raynaud
Chronicité de la maladie
Implication du « on axe beaucoup sur le
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patient transfert d’acquis, le retour à domicile » « on distribue aussi un auto-programme d’exercices » « on essaye au maximum d’autonomiser le patient, de le rendre acteur de sa prise en charge » « on leur explique vraiment, à chaque activité, ce qu’on travaille, comme ça, au quotidien, ils peuvent aussi le faire »
conseil « conseils » « encourager »
continuité « on donne plus de conseils pour après la rééducation » « on se projette plus » « ils sont régulièrement revus par le médecin »
« on distribue aussi un auto-programme d’exercices »
« en voyant les gens régulièrement »
« ils m’ont donné beaucoup d’exercices à faire à la maison »
disponibilité « ils peuvent venir nous voir, nous appeler… »
Ne pas chercher à récupérer ce qu’il y avait avant
« on sait que les personnes ne redeviendront, normalement, jamais comme elles ont été auparavant » « soit on gagne, soit on limite la perte »
prévenir « on sait surtout que si on ne fait rien, ça s’aggrave »
Evolution défavorable
« ce qui est compliqué, c’est quand ça s’aggrave, surtout » « Petit à petit, on va avoir une démarche plus large d’accompagnement de fin de vie. On n’est pas complètement prêt » « le service ne s’y prête pas forcément : beaucoup de turn-over, la prise en charge sur un court laps de temps. Ça c’est dommage. Ce
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serait intéressant de s’intéresser sur la façon dont on accompagne les gens vers l’évolution »
Intéressant à développer
« l’art-thérapie pourrait être développée […] mais le temps de travail actuel rend cela difficile »
Envisager le futur
travail « ils m’ont dit que j’avais interdiction de retravailler […] ou alors au chaud […] sans que mes mains ne fatiguent de trop […] sans que je marche de trop. Je devais rester assis toute la journée […] Moi, si je reste assis deux ou trois heures, vous voyez, c’est impossible ! » « quand t’as travaillé 26 ans dans la même boîte et qu’on te dit « bah… C’est fini ! », pfiou… Là, c’était dur, quoi » « je suis à Pôle Emploi »
avenir « Boah, l’avenir… Y en a pas beaucoup ! » « de revenir comme avant, de toute façon, le médecin, il a dit que c’était fini » « revenir normal, non. S’empirer, oui. Ou rester comme ça » « faut pas que ça empire, parce qu’alors là… Ça va être une catastrophe »
« j’espère que… Mon état va rester stable » « que je ne vais pas trop régresser » « j’vois l’avenir avec pas mal d’optimisme » « si jamais ça s’aggrave, bon bah, voilà hein, faudra prendre d’autres choses » « j’ai pas l’espoir de vivre jusqu’à 80 ans » « je me rends compte que ça peut s’aggraver » « je sais pas comment j’serai plus tard » « à partir du moment où on l’accepte [ …] bah j’pense que ça peut que… Que ça peut aller mieux, en fait ! » « à partir du moment où on l’assume […] ça va mieux ! »
moral « tant que le moral est là, ça va quoi ! Au départ, il était pas là du tout »
« Après, c’est juste la question de la nervosité à régler, de l’irritabilité, tout ça… »
continuer « faut continuer comme ça, quoi » fille ayant emménagé.
« Maintenant, c’est à moi de faire le boulot ! » « C’est à moi de continuer à… Pérenniser ces efforts et pis à… Et pis à pas tout laisser tomber »
Confiance dans le « la médecine fait tellement de
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médical progrès » « on pourra toujours arriver à soulager de mieux en mieux les douleurs des gens »
Présent « les voyages, je les fais maintenant » « pour l’instant, j’ai pas tout… Ce qu’on peut lire dans les livres » « je profite » « faut pas rester chez soi » « faut prendre soin de soi »
Gens autour « si on pense qu’au regard des gens, c’est pas vivable, quoi ! » « j’étais contente, parce que j’me suis dit… Le monsieur, il a pas JUGE, quoi […] et il a juste proposé son aide gentiment » « il y a des gens qui […] peuvent avoir des réactions, p’t’être un peu bêtes mais… Il y a beaucoup de gens aussi qui sont assez sympas » « l’entraide, ça existe encore » « les gens sont pas tous bêtes » « ça m’a donné assez confiance »
Qualité de vie
Moral « moi je dirais plus que c’est au niveau du moral » « leur redonner le goût de faire des activités » « je dirais ouais, plus agir sur le moral, l’envie de faire des choses » « essayer de les rentre un peu plus actifs »
Confiance en soi « qu’ils retrouvent confiance » « leur montrer qu’ils peuvent encore faire des activités » « il y en a beaucoup qui […] pensent qu’ils ne peuvent plus faire »
« c’est avant tout axé sur la confiance en soi » « c’est ça qui va permettre au patient de voir qu’il est capable de travailler ça et de se débrouiller tout seul »
Lié à l’acceptation de la maladie
« un peu de fierté aussi »
Activité « essayer de les
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inciter à faire le maximum de choses » « leur redonner le goût de faire des activités » « on peut essayer de modifier l’activité »
Aides techniques/ Autonomisation du patient
« après, il y a les aides techniques, également » « trouver des solutions » « des petits doigtiers pour protéger » « on peut essayer de modifier l’activité »
« se débrouiller tout seul, qu’il est capable d’être autonome »
« des aides techniques » « réussir à leur fournir bah… Un peu d’autonomie »
« les pistes qu’on peut leur donner » « j’essaie toujours de valoriser les idées qu’ils trouvent eux-mêmes : les inciter à une démarche de réflexion. L’idée, c’est qu’eux-mêmes trouvent des solutions »
Attitude de l’ergo « être à l’écoute » « être disponible » « qu’ils ne se sentent pas tout seuls, accompagnés »
« on les implique »
Acceptation de la maladie
« C’est ça qui va changer sa qualité de vie, sa perception de la maladie… » « Si le patient se focalise trop sur ses difficultés, il ne va pas forcément avancer ou accepter sa maladie » « on va dire que c’est la priorité »