les îles
transparentes
Textes, photographies et objets ont été présentés dans le cadre de la manifestation « TERRE ART’ERE, eau d’ici, eau de là » Centre culturel Le Cap, Plérin, Côtes d’Armor, du 29 mars au 1
er juin 2013.
Projet présenté dans le cadre du 10e Colloque de Sorèze/20, 21 et 22 février 2013 ECOFICTIONS, FICTIONS PAYSAGERES, de la fiction paysagère à la fiction du paysage. ESAV/LARA, Université de Toulouse II – Le Mirail. (Jean-Pierre Brazs : "Le regard sur l’Ailleurs. Deux exemples de contes picturaux et paysagers"), ainsi que dans le cadre d‘une conférence à l’Ecole supérieure d’art et de design d’Orléans, le 20 mars 2013 : « Quelques fictions artistiques ». Un chapitre de « La boîte [b] », publié aux éditions HDiffusion en novembre 2014 est consacré aux « îles transparentes ». ________________________________________________
le Centre de Recherche sur les Faits Picturaux créé par Jean-Pierre Brazs en janvier 2009, a pour objectifs l’inventaire et l’étude de
faits picturaux réels ou imaginaires, passés,
présents ou futurs, volontaires ou involontaires.
Les lieux d’étude et d’archivage des documents sont
situés à Paris, à Genève et à Vern-sur-Seiche (Ille
et Vilaine). Il conduit des études, intervient sous
la forme de conférences ou d’expositions et publie
des communiqués et un petit journal « Parlons
peinture ».
Contact : [email protected] / +33(0)614194554
www.jpbrazs.com
communiqué du 06 12 2012_________________________________________________
LES ÎLES TRANSPARENTES/1
Psychophysiologie de la vision
DES ÎLES APPARAISSENT ET DISPARAISSENT DANS LE PACIFIQUE ET AU LARGE DES CÔTES D’ARMOR On se souvient de la découverte en janvier 2012 d’une nouvelle espèce vivante (Nodulea pictorialis) sur plusieurs plages de la commune de Plérin, en Côtes-
d’Armor*. Depuis les mêmes plages, on a observé récemment des îles aux allures de mirages. Peu de temps après ces fugaces apparitions, on a découvert sur les grèves d’étranges objets apportés par les flots. Par ailleurs la presse mondiale a
évoqué la disparition d’une île entre l’Australie et la Nouvelle-Calédonie.
depuis Martin Plage, Plérin, Côtes d’Armor le 25.09.2012 à 11h30
Cet automne, des scientifiques australiens, à
l’occasion d’une expédition géologique, ont
cherché en vain Sandy Island, pourtant présente sur
de nombreuses cartes et sur Google Earth. En fait,
« l’île disparue » n’a jamais existé : une simple
erreur dans le relevé d’un baleinier, effectué en
1876, a été recopiée de carte en carte, au fil des
années **. Au large de Plérin en Côtes d’Armor, la
première île est apparue le 22 septembre 2012 à la
fin de l’après-midi. Les rares témoins de ce
phénomène ont indiqué avoir clairement distingué
à contre-jour, dans la lumière du couchant, une
forme qui ne pouvait être confondue avec la
silhouette d’un bateau. L’île ayant disparu au
moment même où le soleil s’est enfoncé sous
l’horizon, ils pensèrent dans un premier temps à un
phénomène optique assimilable à un mirage.
À l’occasion d’une enquête entreprise après la
découverte d’étranges objets déposés par les flots
dans la zone d’estran de la baie de Saint-Brieuc,
j’ai rencontré ces témoins. Ils m’ont décrit
comment, à la suite de la première apparition de
l’île, ils ont organisé avec un groupe de parents et
d’amis (d’abord incrédules) des séances
d’observation en différents lieux et à différentes
heures de la journée. Les apparitions de l’île
s’étant renouvelées, ils ont tenu un registre des
observations successives. Une copie de ce
document m’a permis d’entreprendre une étude
statistique riche d’enseignements. De mon côté, je
leur ai communiqué l’inventaire des objets, aux
formes et aux couleurs très particulières,
découverts sur le rivage, ainsi que des photos
d’objets flottants.
Nous avons décidé dans un premier temps de
nous revoir régulièrement pour faire le point sur
l’avancée de nos études respectives, tout en
gardant le secret sur nos découvertes. Aujourd’hui,
nous pouvons établir de façon certaine une relation
entre les apparitions momentanées d’îles au large
de la baie et le dépôt d’objets flottés. Le moment
est donc venu publier nos travaux, non seulement
parce qu’ils peuvent intéresser la communauté
scientifique, mais aussi parce qu’ils pourraient
avoir des conséquences sur les relations que les
habitants de région entretiennent avec leur milieu
de vie, sans parler de leur impact dans le domaine
touristique.***
_______________________________________________________ * voir nos communiqués du 3 et du 5 janvier 2012. ** http://voyages.blogs.ouest-france.fr/archive/2012/12/03/sandy-island-mystere-ile-fantome-resolu.html *** les comptes rendus d’étude ont été présentés en février 2013 dans le cadre du 10
e colloque de Sorèze, « Écofictions, fictions paysagères » et
seront présentés en avril et mai 2013 au Centre culturel Le Cap à Plérin dans le cadre du projet « Eau d’ici, Eau de là ».
communiqué du 06 01 2013_________________________________________________
LES ÎLES TRANSPARENTES/2
Psychophysiologie de la vision
QUELQUES DOCUMENTS PHOTOGRAPHIQUES
TÉMOIGNENT DU PHÉNOMÈNE D’APPARITION DES ÎLES EN BAIE DE SAINT-BRIEUC Les études statistiques concernant le phénomène d’apparition des îles dans
la baie de Saint-Brieuc apportent des éléments nouveaux permettant de mettre en relation apparitions des îles et dépôts d’objets sur les plages. De
nouveaux documents photographiques ont été réunis.
1 2 1. depuis La Roselière, Plérin, Côtes-d’Armor, le 05.01.2013 à 11h30 2. depuis la plage des Rosaires, Plérin, Côtes-d’Armor, le 10.11.2012 à 10h22
L’apparition des îles au large de la baie de
Saint-Brieuc ne correspond à aucun cycle régulier.
De longues semaines peuvent s’écouler entre deux
phénomènes, qui peuvent avoir lieu à toute heure
du jour (aucune apparition nocturne n’a été
relevée). Toutefois, sur la période de mars 2012 à
janvier 2013, pour laquelle nous disposons de
statistiques complètes, on constate de légers pics
dans les courbes des fréquences des apparitions :
aux heures du lever et du coucher du soleil, ainsi
qu’en matinée, avant la levée des premières
brumes
Depuis les points d’observation terrestres, les
îles apparaissent plus nettement si les observateurs
sont nombreux. En créant des points d’observation
symétriquement situés de part et d’autre de la baie,
les apparitions sont plus précises encore.
Les observations à la jumelle ainsi que les
photographies au téléobjectif donnent des images
floues. De même, les tentatives d’observations
rapprochées, depuis des embarcations, ont permis
de constater que plus on se rapproche de la
position supposée d’une île plus celle-ci perd de sa
netteté, jusqu’à disparaître totalement.
Réunir simultanément plus d’observateurs a permis
d’obtenir des apparitions plus nettes, mais plus
espacées dans le temps. C’est au cours de ces
périodes « sans îles » que les récoltes d’objets sur
les plages ont été les plus fructueuses. Nous avons
constaté que les dépôts d’objets avaient lieu deux à
trois jours après les apparitions d’îles.
Les études sont en cours pour expliquer la
relation entre le phénomène d’apparition des îles et
celui de l’échouage des objets.
communiqué du 15 01 2013_________________________________________________
LES ÎLES TRANSPARENTES/3
Morphogenèse hydraulique
LES OBJETS FLOTTANTS ÉCHOUÉS SUR LES
COTES D’ARMOR NAISSENT DE SIMPLES MOUVEMENTS DES EAUX Une campagne photographique conduite en janvier 2013 permet de mieux
comprendre comment des objets flottants naissent au large de la baie de Saint-Brieuc, dans une zone de probabilité d’apparition d’îles virtuelles,
avant de s’échouer sur les plages.
Nous avons évoqué dans nos précédents
communiqués comment des îles apparaissent (et
disparaissent) dans la baie de Saint-Brieuc. Sur
les vues satellitaires de la baie, on distingue
nettement, aux endroits supposés de l’apparition
des îles, des taches circulaires composées de
bandes concentriques de différentes couleurs.
Des spécialistes des analyses cartographiques
consultés, indiquent que ces tâches peuvent
résulter d’effets d’optique liés à la structure des
couches basses de l’atmosphère, mettant en jeu
des phénomènes de réflexions, d’absorptions et
de réfractions.
Par ailleurs des mouvements étranges de l’eau
ont pu être photographiés à proximité des lieux
supposés d’apparition des « îles transparentes ».
Sur certaines photographies, on observe des
tourbillons sans matières : de simples
mouvements de l’eau qui n’auraient rien de
remarquable si on ne distinguait, en s’éloignant
un peu des îles, les mêmes formes
mouvementées constituées de fines particules
(de sable, de vase, de plancton ?) s’agglomérant
d’abord en masses indécises puis en formes
évoquant des spirales galactiques ou la longue
chevelure de la blanche Ophélie. Ensuite les
formes sont de plus en plus compactes et
deviennent de véritables objets aux contours très
précis dérivant vers les berges.
Au fur et à mesure de leur avancée, les objets
semblent remonter peu à peu vers la surface,
pour devenir, à l’approche de la terre ferme, de
véritables « objets flottants » évoluant lentement
vers un point d’échouage.
C’est à l’occasion de ce déplacement vers la
terre ferme que les formes se complexifient. Des
sphères s’allongent en masses oblongues qui
peuvent s’étrangler ou s’étirer en germination,
ou en diverticules. Un autre phénomène est
pourvoyeur de formes : les inévitables collisions
entre objets flottants engendrent des
combinaisons inattendues, formant de nouvelles
entités continuant à dériver. Étant donné
l’étrangeté des objets récoltés sur les plages, il
semble que cette morphogénèse par assemblage
soit très fréquente.
communiqué du 18 01 2013_________________________________________________
LES ÎLES TRANSPARENTES/4
Dynamique fluvio-glacielle
UNE TROUBLANTE RELATION A PU ÊTRE MISE EN ÉVIDENCE ENTRE MOUVEMENTS DES EAUX ET RETOURNEMENTS DE PAYSAGES Un rapprochement intéressant peut être fait entre la formation d’objets flottants dans la baie de Saint-Brieuc et un phénomène très particulier
d’agglomération de particules de glaces dans des rivières et des fleuves de l’hémisphère nord. Il introduit l’idée de possibles « retournements de
paysages ».
Cherchant une explication à la formation de
d’objets flottant par agglomération de particules,
j’ai été conduit à me documenter sur un
phénomène similaire, fréquent en période
hivernale dans les rivières du Canada, mais qui
peut aussi être observé dans beaucoup de cours
d’eau de l’hémisphère nord*. (J’ai pu aussi réunir
des documents concernant la formation de frasil
sur la Semois en Belgique : cette rivière alors
« béthine ». En France le frasil est également
apparu de façon particulièrement spectaculaire
sur la Loire au début du mois de février 2012).
À l’occasion d’un léger mais rapide
refroidissement de l’eau, si la rivière n’est pas
recouverte d’une couche de glace et que
l’écoulement de l’eau est turbulent, il se forme
des grains de glace ayant un comportement très
particulier. Ce « frasil » est composé de cristaux
de glace de 0,1 à 4 mm, de formes circulaires ou
elliptiques. Transportés par l’eau, ils vont
s’agglomérer pour former des floculats qui
pourront divaguer entre deux eaux ou remonter à
la surface et parfois former des plaques
circulaires aux allures de nénuphars. Ces radeaux
de glace peuvent se souder et former une nappe
de glace continue. Un phénomène
particulièrement intéressant peut alors se
produire : le frasil libre (plus léger que l’eau)
continue de circuler sous cette couche de glace de
surface ; les particules de glace s’y déposent et
petit à petit s’agglomèrent jusqu’à former un
amoncellement, que certains observateurs ont pu
décrire comme « une dune de glace inversée ».
On peut retenir de la comparaison des
formations d’objets flottés avec les
accumulations de frasil l’image d’un paysage
subaquatique inverse d’un paysage aérien.
________________________________________________________* Guide des glaces fluviales au Nouveau Brunswickhttp://www2.gnb.ca/content/dam/gnb/Departments/env/pdf/Publications/GuideGlacesFluviales.pdf * Geneviève Allard, janvier 2010. Dynamique fluvio-glaciaire, étude de cas d’une fosse à frasil, rivière Mitis, Bas Saint-Laurent. http://semaphore.uqar.ca/73/1/Genevieve_Allard_janvier2010.pdf
communiqué du 21 01 2013_________________________________________________
LES ÎLES TRANSPARENTES/5
Colorimétrie
LES PREMIERS RÉSULTATS DE L’ÉTUDE DES
OBJETS ÉCHOUÉS A MARTIN PLAGE SONT DISPONIBLES Les objets échoués découverts à Martin Plage sur la commune de Plérin
dans la baie de Saint-Brieuc n’ont acquis leur aspect coloré qu’une fois déposés sur le sable, les graviers ou la vase.
Durant tout leur périple les objets flottants,
comme en témoignent les rares photographies
prisent avant leur échouage, sont blancs. On peut
raisonnablement supposer qu’ils n’ont acquis
leur aspect coloré qu’une fois déposés sur le
sable, les graviers ou la vase. Malheureusement,
nous ne disposons d’aucun témoignage
concernant ce moment important du passage du
stade aquatique à celui de l’existence terrestre au
cours de laquelle ils acquièrent cette tenue
d’apparat combinant des rouges, des jaunes, des
noirs plus ou moins brillants et parfois de l’or.
De l’examen attentif de plusieurs de ces
objets on peut retenir que les zones colorées ne
correspondent pas aux différents volumes
agglomérés pour constituer l’objet. Elles
permettent toutefois de différencier clairement la
partie aérienne de l’objet échoué, en contact avec
l’air, de sa partie prisonnière du sol, (de la même
manière que pour une embarcation on distingue
les « œuvres vives » au-dessus de la ligne de
flottaison et les « œuvres mortes » en dessous de
cette ligne). Le rouge et le jaune semblent le plus
souvent appartenir aux surfaces du dessus et le
noir au monde du dessous. L’or quand il est
présent se trouve souvent posé sur une zone
rouge ; il est parfois recouvert partiellement d’un
glacis noir. Ces constructions colorées parfois
complexes trouvent facilement une explication :
les objets une fois échoués, ont pu être déplacés
et même retournés sens dessus dessous, soit
qu’un animal de passage…, soit qu’une vague
d’une marée plus forte… Une mince zone noire
peut alors recouvrir une surface dans laquelle le
jaune se dégrade progressivement en rouge. Un
glacis rouge ou jaune peut se déposer sur un
dessous noir. Les coupes stratigraphiques
effectuées sur certains échantillons témoignent
de toutes les combinaisons possibles. Certains
objets ont une coloration très pâle, pour d’autres
l’intensité des couleurs est maximale. Il semble
que parvenus à ce point de saturation les objets
restent stables dans leur apparence et que seule
une altération naturelle puisse ensuite les
transformer. La présence de l’or ne peut
s’expliquer que par la nécessité de capter
quelques éclats de la lumière solaire.
Reste à définir le mécanisme de coloration
progressive des objets échoués.
communiqué du 25 01 2013_________________________________________________
LES ÎLES TRANSPARENTES/6
Chromatogenèse
UNE EXPLICATION BIOLOGIQUE POUR LA
COLORATION DES OBJETS DE MARTIN PLAGE Parmi les différentes hypothèses émises pouvant expliquer la coloration
particulière en ocres jaune et rouge des objets échoués à Martin plage, le phénomène bactérien n’est pas à exclure.
1 2 3
4 5
Les rochers des Côtes d’Armor sont parfois
teintés de jaune ou de rouge. Il peut s’agir de
lichens colorés (fig.1-2-3) ou de la présence
d’oxydes de fer dans la roche elle-même (fig.4).
On connaît bien, depuis les travaux du
géologue Jean-Marie Triat, le processus de
formation des ocres dans la région d’Apt en
Provence : il y a 110 millions d’années, des
sédiments se sont accumulés dans des mers peu
profondes, dans lesquelles s’est formée une
argile verte (la glauconie) emprisonnant des
atomes de fer ; les mouvements tectoniques en
faisant émerger d’épaisses couches
sédimentaires les ont soumises à un climat
tropical ; l’argile en s’altérant a libéré les atomes
de fer, formant avec l’oxygène de l’air des
oxydes et des hydroxydes parcourant une belle
gamme de couleurs du jaune au rouge.
Malheureusement ce phénomène se déroule à
une échelle de temps géologique et ne peut être
évoqué pour expliquer la coloration relativement
rapide de nos objets flottants, après leur
échouage.
Je me suis donc intéressé à la formation de
boues d’hydroxyde de fer sur certains sols et
dans certains drains agricoles. Il n’est pas rare en
effet d’observer des nappes d’ocre flottant à la
surface d’une eau stagnante ou des dépôts d’ocre
dans un fossé, au bord d’une rivière, dans une
canalisation de drainage agricole (fig.5). Ces
dépôts d’ocre peuvent avoir une origine
bactérienne ou résulter d’une réaction chimique.
Ils apparaissent à partir d’une concentration
minimale en fer et en fonction de la nature du
sol, de son degré d’acidité et de sa température.
Un phénomène de ce type pourrait parfaitement
expliquer la coloration en jaune et rouge des
objets échoués.
communiqué du 26 01 2013_________________________________________________
LES ÎLES TRANSPARENTES/7
biomatériologie
DU PAPIER NATUREL A ÉTÉ RECUEILLI SUR
LES OBJETS ÉCHOUÉS EN CÔTES D’ARMOR Les échantillons de papier recueillis sur certains objets échoués dans la baie de Saint-Brieuc ont pu être comparés à des papiers naturels en
provenance de l’Île d’Oléron.
1 2 3
4
Sur certains objets ont été prélevés des
fragments de papier végétal (fig.1-2-3). La
comparaison avec des échantillons de papiers
réalisés selon les techniques orientales ou
occidentales a permis d’exclure toute origine
anthropique.
Un rapprochement avec un phénomène
constaté durant l’été 2004 sur l’île d’Oléron est
par contre riche d’enseignements. Cette année de
grande sécheresse, des papiers végétaux se sont
formés naturellement dans certains chenaux
alimentant les anciens bassins des marais salants.
On peut imaginer des fibres végétales se
déposant par couches successives à la surface de
l’eau, les sels marins détruisant toutes les
matières putrescibles et ensuite des chaleurs
exceptionnelles provoquant une forte
évaporation de l’eau et la formation sur la vase
asséchée de nappes épaisses de papier,
emprisonnant parfois de petits coquillages ou
enveloppant des branches abandonnées. (fig.4).
Un phénomène de ce type a très bien pu se
produire dans la zone d’estran à l’occasion des
allées et venues des eaux maritimes et déposer
des couches de papier sur les objets échoués.
J’ai retenu des différents rapprochements
avec des phénomènes naturels que les objets
flottants se sont formés dans le monde aquatique
puis ont acquis leur coloration une fois échoués ;
que pour réaliser cette métamorphose, il a suffi
de laisser agir les hasards des rencontres entre
matières végétales et minérales.
communiqué du 15 02 2013_________________________________________________
LES ÎLES TRANSPARENTES/8
Chromatogenèse
LE NOIR DES OBJETS FLOTTANTS ÉCHOUÉS SUR LES PLAGES DE PLÉRIN EST D’ORIGINE NATURELLE L’hypothèse d’une pollution par des hydrocarbures qui aurait produit la coloration noire des objets découverts sur les plages de la commune de Plérin, est désormais
abandonnée au profit d’un phénomène naturel proche de celui utilisé pour la fabrication de certaines encres noires traditionnelles.
Pour expliquer la formation de la coloration
superficielle, on peut imaginer des phénomènes
chimiques dans lesquels interviennent d’une part les
sels marins (qui n’ont pas manqué d’imprégner
l’objet) et d’autre part l’oxygène de l’air ainsi que les
nombreux agents atmosphériques transportés parfois
très loin de leur lieu d’émission. Les vases sur
lesquelles les objets se sont parfois échoués peuvent
également être pourvoyeuses d’oxydes et de sels
métalliques. De telles réactions chimiques créatrices
de teintes noires à partir d’éléments naturels sont
fréquentes : les motifs noirs des bogolans sont obtenus
par réaction de tanins végétaux avec la boue
ferrugineuse extraite de marigots maliens. C’est le
même type de réaction chimique qui permet depuis
l’antiquité de fabriquer des encres noires (les encres
ferro tanniques) en faisant réagir des tannins avec des
sels de fer. La présence du noir serait ainsi facilement
expliquée.
________________________________________________________* Nous avons évoqué ce phénomène très particulier d’apparition d’« îles virtuelles » dans notre communiqué du 12 décembre 2012.
communiqué du 01 03 2013_________________________________________________
LES ÎLES TRANSPARENTES/9
Psychosociologie maritime
LE MYSTÈRE DES « ÎLES TRANSPARENTES »
DE LA BAIE DE SAINT-BRIEUC RESTE ENTIER Pour l’instant aucune explication satisfaisante n’a pu permettre d’associer, dans un système global, à la fois l’apparition des îles et la formation, l’échouage puis la
coloration des objets flottants.
Récapitulons. Dans une zone précise au large
de la baie existent des îles potentielles. Elles
n’ont pas de réalité matérielle (au moins en ce qui
concerne la matière telle que nous la manipulons
couramment) ; un effort collectif peut faire
exister une image de ces îles ; des regards, s’ils
sont suffisamment nombreux et puissants,
peuvent être capables de détacher des fragments
de la réalité virtuelle des îles ; des conditions
particulières mettant en jeu des phénomènes
énergétiques peuvent matérialiser des fragments
de ce monde virtuel qui peuvent alors venir se
déposer sur les plages. Jusque-là l’explication est
rationnelle.
Afin de valider l’orientation de ma recherche,
j’ai exploré d’autres hypothèses en inversant la
réflexion. On peut en effet considérer que les îles
existent matériellement dans leur état naturel,
mais que dans certaines conditions elles
pouvaient devenir invisibles. Dans ce cas, nous
pourrions être devant un phénomène appliquant à
des ondes lumineuses, les techniques de
détournement d’ondes sismique expérimentées en
laboratoire à petite échelle (dont on attend
beaucoup pour se protéger des ravages des raz-
de-marée). Une « cape d’invisibilité » temporelle,
utilisant le fait que les différentes radiations
colorées composant le spectre lumineux visible
se déplacent à des vitesses très légèrement
différentes, existe déjà en laboratoire : différents
« méta-matériaux » sont ainsi utilisés de façon à
ce que la lumière contourne un objet avant de
reprendre sa trajectoire normale, rendant ainsi cet
objet invisible. Considérant qu’un tel dispositif à
grande échelle n’est pas réalisable avec les
technologies dont nous disposons aujourd’hui,
j’ai abandonné cette hypothèse pour retrouver
mon chemin initial et la toute-puissance du
regard.
communiqué du 22 03 2013_________________________________________________
LES ÎLES TRANSPARENTES/10
informatique
ICI ET AILLEURS RÉUNIS POUR EXPLIQUER
LE MYSTÈRE DES « ÎLES TRANSPARENTES » Un calque caché dans un fichier numérique apporte une solution inattendue au mystère des « îles transparentes » de la baie de Saint-Brieuc.
À l’occasion des apparitions des îles quelques
prises de vues photographiques ont pu être
effectuées. Pensant que le
capteur d’un appareil photo numérique se
substitue souvent au regard direct, j’ai orienté
mon enquête vers l’étude des documents
photographiques eux-mêmes. J’ai pu consulter
des tirages de petits formats (parfois de mauvaise
qualité) et dans un deuxième temps disposer de
fichiers numériques à partir desquels j’ai effectué
des opérations systématiques de traitement
d’image. J’allais abandonner ce travail fastidieux,
quand certaines des images traitées ont éclairé de
façon inattendue la compréhension du
phénomène d’apparition des îles. Le constat le
plus étonnant concerne la découverte d’une
image cachée dans les fichiers numériques
originaux. En effet en jouant sur les séparations
des couches colorées, il est apparu un calque
particulier, invisible dans l’image reconstituée. Je
suis parvenu à isoler ce calque. En améliorant son
contraste et en effectuant diverses variations
chromatiques j’ai obtenu une surprenante
image dans laquelle la silhouette d’une île
apparaissant au loin correspondait à l’image
retournée d’un fragment du premier plan de la
photo : l’endroit d’où l’on regarde est projeté au
loin pour constituer ce qui est regardé. Et
retourné à cette occasion ! Il est impossible
aujourd’hui de mesurer toutes les conséquences
de cette découverte.
Je suis sur une plage et regarde la mer ; je
suis ici et regarde l’ailleurs ; cet ailleurs est une
projection du lieu d’où je regarde. La pulsation
régulière des vagues vient de loin, sans
déplacement de matière, mais a besoin d’une
plage pour acquérir une présence sonore : le
bruit très particulier de la vague se brisant sur
les graviers, puis celui du ruissellement bientôt
recouvert par le déferlement de la vague
suivante. Cette musique répétitive encourage à la
rêverie. J’imagine, une fois installée cette
relation entre le proche et le lointain, que puisse
s’établir un « chenal mental » pouvant aussi
fonctionner dans l’autre sens : comme lieu de
projection de l’« ailleurs » vers l’« ici » ; (ainsi
s’expliquerait le phénomène de venue des objets
flottés). Mais tout alors s’inverserait : mon
« ici », totalement virtuel, deviendrait
l’« ailleurs » d’un autre.
Jean-Pierre Brazs
LES ÎLES TRANSPARENTES
Les apparitions des îles au large de la baie
de St-Brieuc, avaient suscité autant de curiosité que de scepticisme. Pour vérifier l’improbable, ou pour découvrir le merveilleux, furent organisées des voyages vers les îles. Les traversées en bateaux trop grands, embarquant trop de passagers avaient conduit à des échecs : plus les bateaux approchaient des îles, plus elles s’estompaient, au point que parvenus sur les lieux de leurs présences supposées, les embarcations traversaient une île absente, devenue parfaitement transparente
Pour s’approcher des îles, il sembla à certains
qu’un choix judicieux de l’embarcation pouvait avoir un effet sur la possibilité de vérifier la matérialité de l’apparition. On pouvait penser en effet qu’un bateau trop bruyant ou trop voyant pouvait nuire à l’observation rapprochée des îles ; qu’il pouvait « inquiéter » ; qu’en somme une approche discrète (sans être sournoise) pouvait être la solution ; quelques marins pensèrent que l’embarcation idéale devait non seulement être légère, mais aussi singulière, puisque destinée à un voyage très particulier. Les barques les plus étonnantes, les voilures les plus extravagantes furent donc mises à l’épreuve. Sans résultats.
Un érudit se souvint de l’utilisation d’embarcations rudimentaires, construites depuis le néolithique en tendant sur une armature de bois des peaux ensuite enduites de goudron. On en trouve ces « coracles » un peu partout dans le monde : le Bullboat des Indiens d’Amérique, le Gufa irakien, le Parisal indien, le Thung-Chai vietnamien, les Ku-Dru et Kowas du Tibet, le curragh irlandais.
À partir de dessins anciens, et sur le modèle du curragh encore utilisé aujourd’hui sur
quelques rivières du Pays de Galles, deux coracles (en gallois cwrwgl) furent construits : un modèle circulaire ne pouvant embarquer qu’un seul passager, et un modèle plus grand de forme oblongue. Les bateaux furent construits et l’expédition soigneusement préparée. Les marins furent désignés, entraînés et mis en astreinte : ils devaient en effet être disponibles dès la prochaine apparition d’une île. Puisqu’on avait constaté que l’apparition était plus nette en réunissant un grand nombre d’observateurs, il fallut, à la première apparition de la silhouette brumeuse d’une île, convoquer une foule d’habitants pour les disposer ensuite en certains points des rivages de la baie. Une fois que la puissance de leurs regards conjugués fit apparaître une île nettement dessinée, les embarcations furent mises à l’eau et les deux coracles lancés vers le large. Ce ne fut pas une compétition puisqu’il s’agissait simplement de vérifier si la forme de l’embarcation pouvait avoir un effet sur la qualité de l’observation. Du fait des inégales performances des deux bateaux, les deux marins ne purent s’approcher ensemble de l’île apparue. Le premier arrivé attendit l’autre en silence. Ils avaient depuis longtemps disparu à la vue des observateurs restés sur la plage qui attendaient patiemment leur retour. Quand les coracles réapparurent, puis furent suffisamment proches du rivage, les gestes très peu vigoureux des rameurs furent interprétés comme le signe du manque d’empressement à annoncer la mauvaise nouvelle. Certains s’avancèrent néanmoins dans l’eau pour agripper les embarcations et être les premiers à savoir que l’île, malheureusement, s’était avérée aussi transparente que les précédentes.
Le recours aux coracles avait suscité un ultime espoir. Il était déçu. Les coques de peaux tendues furent tirées sur le sable sec, dans l’attente d’être enlevées à dos d’homme, car ces embarcations sont si légères qu’elles peuvent ainsi être transportées.
Le temps vira au gris et le ciel se couvrit. La vie aurait pu alors reprendre son cours normal, mai un événement inattendu est survenu à la suite d’un déchirement brusque des nuages. Le soleil est alors apparu et sa lumière éclaira d’abord modestement le rivage. Les bateaux ne projetèrent d’abord sur le sable qu’une ombre indécise, puis la lumière devenant plus puissante, les ombres acquirent elles aussi une présence plus forte. Du fait du fort contraste entre le sable illuminé par le plein soleil, et l’ombre portée du bateau, la lisière de l’ombre apparaît dans ce cas plus sombre. Simultanément, au pied de la coque, le peu de lumière réfléchie par celle-ci génère un léger reflet qui éclaire l’ombre.
Les peintres ont l’habitude de tenir compte de ce phénomène de contraste et de reflet pour représenter de façon réaliste un objet ou un corps dans l’espace. La vision de ces bateaux échoués aurait pu ainsi respirer au rythme de l’intensité variable de la lumière solaire. Nous aurions pu guetter le soleil parvenant à son zénith et projetant l’ombre la plus forte, mais la moins étendue, ou encore attendre l’instant fatal où le soleil s’éclipsant derrière l’horizon emporte l’ombre avec lui, alors qu’elle avait atteint sa plus grande longueur. Le phénomène s’est produit après l’instant d’équilibre du midi, alors que l’après-midi était bien avancé. Les ombres des coques avaient commencé imperceptiblement à s’allonger, puis à s’alanguir. Dans les zones d’ombre, des coulées de lumières colorées se répandirent sur le sable, d’abord pâles (au point qu’elles auraient pu à ce stade être interprétées comme de simples reflets), puis de plus en plus saturées de bleu, de jaune, de rouge, de vert, de violet et d’orangé. Les ombres ensuite s’allongeant, entraînèrent les couleurs. Quelques passages nuageux rendirent momentanément au sable sa grisaille, puis le soleil réapparaissant, les ombres des coracles se colorèrent à nouveau. On ne peut expliquer ce phénomène qu’avec l’hypothèse des marins cherchant à atteindre des îles imaginaires et accrochant involontairement aux coques goudronnées les reflets colorés d’une illusion.
Je ne peux m’empêcher de rapprocher ce
phénomène d’une étonnante découverte : il y a quelques années, en arpentant à marée basse, les berges de la vasière située en aval de Pont-Aven, j’ai aperçu une barque isolée, abandonnée peut-être, dont seule l’étrave émergeait du noir continu de la vase et de la coque : sous la gangue brillaient des éclats jaunes, rouge et bleu, venus d’ailleurs.
Jean-Pierre Brazs