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En 1001, un nouvel évêque est consacré à Strasbourg :
Werner.
Ici, nous aurons une vaste nef…
Celui-ci fait construire une cathédrale en
1015. Ses fondations supportent toujours
l’édifice actuel.
Voilà, comme ceci !
Mais l’évêque Werner est aussi un Habsbourg. En 1002, il soutient les prétentions
d’Henri IV de Bavière au trône de Germanie.
Cela n’est pas du goût du rival d’Henri, Hermann II de Souabe.
Il prend la ville d’assaut.
En avant, et pas de quartier !
En 1003, Henri obtient la couronne. Il oblige Hermann
à lui faire soumission.
… Quant à tes droits sur Saint-Étienne, tu y renonces en cet instant,
au profit de mon bon évêque
Werner.
C’est à la même période que le couvent devient un chapitre de chanoinesses
et se sécularise.
En 1172, on dit qu’un ange serait apparu à un vieux chevalier, Albéron.
Le corps d’Attale a
été dissimulé dans l’église
voici bien longtemps.
Elle prétend aujourd’hui aux
honneurs du culte. Retrouvez
ce corps.
Il y a quelque chose !
Par ici !
La fouille a aussi ouvert un puits phréatique. L’eau de la « source de sainte Attale », très pure, acquiert la réputation
de guérir des maladies de peau.
Et après de nombreuses réticences et un chantier de
fouilles décourageant…
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Avec le pèlerinage de la source et des reliques, la prospérité revient… En 1214, l’abbaye fait construire une église dans sa possession de Wangen.
Six ans plus tard, c’est au tour de l’église abbatiale.
Celle-ci est rebâtie dans le style roman tardif ; il en subsiste
actuellement le chœur et le transept.
Combien de temps encore ? Nous avons hâte de pouvoir
réinstaller les reliques.
Avançons jusqu’au XIVe siècle. Pour Strasbourg, la décennie 1350 sera… tumultueuse. En 1332, deux familles
patriciennes se disputent le pouvoir : les Zorn et les Mullenheim.
Après une véritable guerre civile, les corporations chassent les patriciens du pouvoir.
Laissez-moi passer ! Je dois siéger
au conseil.
Nous étions là
avant vous !
Nous sommes les plus anciens ! Passez votre chemin.
Désormais, nous nous débrouillons tout seuls.
En 1349, la Grande Peste ravage la ville. Le pouvoir bourgeois cherche des coupables…
Ce sont ces juifs ! Ils ont empoisonné
l’eau !
La persécution qui s’ensuit fera des
centaines de victimes.
Au même moment, à Saint-Étienne, l’on fait sculpter et installer un Saint Sépulcre. Une réforme, en 1345, ramène les chanoinesses
à une vie plus simple.
Patricien, artisan, chrétien, juif, pauvre
ou nanti…
… Toute cette violence est-elle nécessaire,
ma sœur ?
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Mais là encore, cette démolition programmée va rencontrer un imprévu. En 1800…
C’est le théâtre !
Le théâtre est en feu !
Voyez, mes sœurs, l’exemple que Julie
vous donne. Satan lui avait tendu un piège, Dieu l’en retire par la grâce divine… *
En attendant une solution plus pérenne,
le théâtre municipal s’installe provisoirement dans l’église de l’enclos
Saint-Étienne.
Hélas ! Puisse ce dieu clément
éteindre le feu qui brûle dans mon cœur ! *
À cause de sa nouvelle fonction, l’édifice est remanié : les bas-côtés, à l’extérieur, sont surélevés,
l’arc triomphal intérieur est supprimé. Surtout, l’on installe un faux-plafond pour améliorer l’acoustique.
L’église conservera cette configuration jusqu’au
bombardement de 1944.
En 1804, les visitandines ont perdu tout espoir de restaurer le culte à Saint-Étienne.
Elles donnent la relique en dépôt à l’abbé Hobron, curé de Sainte-Madeleine.
C’est bien peu de choses, vu l’amitié qui a toujours lié
votre établissement et ma paroisse !
En 1810, Napoléon Ier instaure le monopole d’État de la vente
des tabacs. Une partie de l’enclos Saint-Étienne reçoit une des 16 manufactures impériales.
Les lieux sont achetés par un autre entrepreneur, un certain Vanné.
Il permet la tenue, dans l’enclos, d’« olympiades »
(peut-être sur le modèle de celles qui ont eu lieu à Paris
une vingtaine d’années auparavant).
Homme pieux, Vanné fait aussi restaurer
les bâtiments en espérant les rendre à l’Église.
En 1818, le théâtre municipal est enfin reconstruit. Wohlfahrt remet à la vente
sa part de l’enclos Saint-Étienne… mais l’évêché décline prudemment.
En voici un qui a une belle
foulée.
Oui, mais celui-là
court plus vite.
Celles-ci sont mauvaises, jetez-les.
Je veux du neuf, et du beau !
Merci encore,
mon père.
* Olympe de Gouges, Le couvent, 1792.
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En 1823, par la personne de Mgr de Croÿ, l’évêché accepte de prendre le site en location.
L’institution installe, dans les murs, un petit
séminaire, c’est-à-dire un établissement voué à la
formation initiale des prêtres. Il accueille une soixantaine
de jeunes garçons.
Hé, vous
là-bas !
Ah flûte ! Au moment où j’allais gagner…
Simon-Ferdinand Mühe, vicaire à la cathédrale, est une figure locale importante de l’époque. Il sera vénéré par certains comme un saint…
L’abbé Mühe fait beaucoup pour relever l’église et sauvegarder
sa vocation de lieu de culte.
Si je puis me permettre, mon père… Pourquoi
cette lithographie ? Le culte du Sacré Cœur est tombé
dans l’oubli à Saint-Étienne, depuis le départ des
visitandines.
Justement, mon fils :
nous allons lui rendre vie !
L’abbé met beaucoup d’efforts à constituer un nouveau trésor pour l’église.
Parmi de remarquables pièces remontant jusqu’au XIVe s., il déniche un saint Étienne de 1501, par Nicolas de Haguenau.
Votre saint Étienne n’en est pas un : vous voyez bien que l’on a rajouté après coup
les pierres de la lapidation.
…Mais c’est d’accord, je le prends.
L’on se souvient qu’au Moyen Âge, le village de Wangen était une possession de l’abbaye. L’établissement percevait,
à l’époque, une dîme en vin, le Bodenzins.
En 1827, un procès a lieu entre l’Institut des jeunes aveugles de Paris, représentés par M. Martha, greffier, et 282 habitants de Wangen. Que demande le plaignant ?
…le rétablissement du Bodenzins, monsieur
le président. Tout simplement !
Oh ! C’est un
scandale !
Accapareur !Il se croit
dans l’Ancien Régime !
Et après une véritable bataille juridique…
…la Cour de cassation rejette le pourvoi du sieur
Martha.
Depuis, les habitants fêtent chaque 3 juillet l’anniversaire du jugement.
Pour l’occasion, le vin remplace l’eau de la fontaine…
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En 1886, l’établissement reçoit une nouvelle appellation, celle qui demeure aujourd’hui : « Bischöfliches
Gymnasium an Skt. Stephan ».
Le futur peintre Georges Ritleng se distingue en classe de dessin. Beaucoup de peintres locaux, professeurs aux « Arts Déco » tout proches,
assurent des cours à Saint-Étienne.
Fin XIXe-début XXe s., les « Bierzeitungen », revues d’élèves, caricaturent les
professeurs et leurs manies.
En 1896, on construit le gymnase prévu dans le projet de Petiti. Le lieu servira aux
solennités de l’établissement jusque vers 1960.
Vers 1900, Saint-Étienne compte une vingtaine de classes. Les élèves viennent
de la paysannerie, de la petite notabilité de campagne et de la petite bourgeoisie citadine.
Ils fournissent le plus gros contingent d’Abiturienten (bacheliers) pour l’Alsace.
Bon sang, qu’est-ce qu’il ronronne ! Comment
l’as-tu baptisé ?
Wilhelm, bien sûr !
L’administration allemande impose ses vues ; l’établissement est désormais dirigé par un laïc.
Alors ce sont eux, nos peintres sur
fourrure… ?
Oui, mon pè… monsieur le directeur.
Mais oui, voyons ! Quel empoté !
Vous êtes sûre qu’ils nous laisseront entrer ?En 1904, un incendie
ravage l’orphelinat et l’église Sainte-
Madeleine.
C’est fini, on ne sauvera plus rien.
Allez mon gars, haut les cœurs !
L’établissement Saint-Étienne, ce ne sont pas seulement des matières et des professeurs…
… mais aussi une riche vie périscolaire : une brillante chorale, qui se produit dans toute la ville, un club de mandoline, une troupe théâtrale, des participations aux tournois sportifs…
En 1908, pour le 25e anniversaire de l’établissement, le professeur abbé Burckert fonde la première
association d’« anciens ».
Saint-Étienne héberge le culte de la paroisse sinistrée. Cette situation durera
une dizaine d’années.
« Alors ce sont eux, nos peintres sur
fourrure ? »
Ce brave matou me manque, parfois…
Ha ha ha !
Cependant, l’histoire
frappe déjà à la porte…
En 1914, pour des raisons « indépendantes de sa volonté », la Direction doit
écourter l’année scolaire.
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À la déclaration de guerre, les autorités réclament la liste des professeurs et leur situation militaire.
Vous vous fichez de moi, Herr Direktor ? Vous les avez tous notés comme
« indispensables » !
Évidemment, puisqu’ils enseignent !
Malgré ces bricolages administratifs, les enseignants sont mobilisés, et les locaux réquisitionnés.
L’église est transformée en dépôt de farine, la salle de sport et les classes du rez-de-chaussée… en écuries !
Prenez une feuille et écrivez
« Dictée ».
Arrête tes âneries, Karl ! Viens plutôt
m’aider !
Surtout, le site de Saint-Etienne sert d’hôpital militaire, le Festungslazarett XVIII.
Les lieux peuvent accueillir jusqu’à 350 blessés.
Je n’ai plus d’hypochlorite de
soude !
… Il faut dire que l’établissement connaît, depuis l’ouverture, une
pénurie chronique de personnel.
Et que deviennent les élèves ? Les cours continuent… dans des appartements en ville.
Huit classes sont éparpillées dans Strasbourg, rue des Couples, rue de
l’Arc-en-Ciel, impasse de l’Ancre…
Bien, répétez après moi, les enfants.
… Salut, noble fils des Zollern, tout-puissant
empereur ! / Tu es l’ornement du trône de l’Allemagne
entière…
Les laïcs allemands sont expulsés. Saint-Étienne connaît une nouvelle pénurie d’enseignants. Les professeurs-prêtres
peuvent rester, mais la plupart ne maîtrisent pas assez le français pour faire cours dans cette langue. L’évêché embauche
des prêtres alsaciens qui ont opté pour la France en 1870…
Après ces 4 années terribles, la guerre se termine en 1918. Le territoire alsacien
retourne à la France.
… Mais cela ne suffit pas à combler le manque.
Les Marianistes sont appelés à la rescousse.
Trouvez-en !
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C’est du Moyen Âge, je parie !
Perdu ! Vous avez là un mur
du Ve siècle !
En 1956 démarre une campagne de fouilles sous les décombres de l’église. On découvre, entre autres, des vestiges de l’abside de la basilique
antique ; ceux-là mêmes que l’on peut aujourd’hui admirer au fond de l’auditorium.
En 1959, suite à un épisode de pluies exceptionnelles, le barrage de
Malpasset, dans le Var, cède sous la poussée des eaux. La ville de
Fréjus est ravagée ; on compte des centaines de morts.
Le collège Saint-Étienne collecte plus de 200 000 F (environ 320 000 €) pour aider les sinistrés du diocèse.
Autre grande cause : à partir de 1959 et durant deux
ans, l’église, toujours en déshérence, est reconstruite. Les architectes ménagent une
crypte sous l’édifice.
En avant pour les cimes !
Ouaiiiis !
Dans le cadre de la nouvelle loi Debré, l’établissement passe en 1960 sous contrat d’association avec l’État.
Dans ces mêmes années, un professeur de lettres anime la vie de l’établissement : le père Paul Ringeissen, dit « Ringo ». Par ses bons offices, Saint-Étienne acquiert une
vieille colonie de vacances à Bassemberg.
Elle deviendra un incontournable lieu
d’excursion pour les internes.
En 1962, la troupe scoute du collège campe à Lalaye, près de Villé.
Mieux encore : le père Ringeissen fait construire une nouvelle
infrastructure à Lalaye : la colonie de vacances « Jeunesse heureuse ».
À partir de 1966, elle recevra les classes vertes de l’établissement.
En avant pour les cimes !
Hé, langsam ! Elles ne vont pas s’envoler,
les cimes !
Le père « Ringo » emmène aussi de petits groupes en voyage culturel à travers l’Europe, dans son minibus qui ne tient que par l’opération du Saint Esprit…
… C’était un cheval blanc…
En 67 arrive un nouveau directeur : le p. Bernard Vial. À l’opposé du strict chanoine Lips, il veut « faire entrer la
lumière dans la maison »
Le directeur idéal, au moment où éclate Mai 68. L’établissement connaîtra un ou deux jours de
grève très partielle…
« Illimitée », vous ne trouvez pas que vous
poussez un peu ?
Mais c’est du matérialisme dialectique, mon père…
Bon d’accord, on change la banderole.
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Dans la même décennie, la crypte recevra plusieurs fois le culte orthodoxe. Un prêtre y sera même ordonné.
… Le Christ est devenu chair, pour que nous devenions divins…
Quant aux effectifs, ils se féminisent : jusqu’en 1973, l’établissement reçoit
en effet quelques élèves filles surnuméraires de l’institution
Notre-Dame.
En 1968, une initiative d’un nouveau genre voit le jour à Saint-Étienne : le Comité des fêtes.
Cette association organise la « fête de l’Amitié », tradition toujours
suivie aujourd’hui.
Ouais ! Essaie de faire mieux que ça, Papa !
Fastoche !
Au fil des années, de nombreuses personnalités en devenir vont
fréquenter Saint-Étienne.
Certaines auront un parcours plutôt sombre, comme Karl
Roos : élève de l’établissement vers 1890 puis homme politique autonomiste, il manifeste des sympathies pour les nazis. Il sera condamné à mort par la justice militaire française et
exécuté le 7 février 1940.
D’autres auront un tout autre destin : Francis Rapp, élève dans la décennie
40, membre de l’Institut…
… André Bord, homme politique, élève dans les années 30-40…
… L’acteur Jean-Claude Brialy,
élève autour de 1950…
… Roland Ries, élève vers 1950-60,
actuel maire de Strasbourg…
… Christian Kratz, évêque auxiliaire,
élève vers 1960-70…
… Ou encore, élèves dans les années 70-80,
Bernard Xibaut, actuel chancelier de l’archevêché…
… et l’écrivain Gaston-Paul Effa.