La vidéo touristique : l’influence d’un outil marketing dans le choix des destinations
Master 1 Histoire
Année 2013-2014
Université de La Rochelle
F.L.A.S.H.
LA VIDEO TOURISTIQUE : L’INFLUENCE D’UN OUTIL MARKETING DANS
LE CHOIX DES DESTINATIONS
Remerciements
Je tiens tout d’abord à remercier l’équipe de l’International Student Network
Leiden 2013 qui en m’acceptant au sein du groupe d’organisation du Festival a permis la
naissance de cette étude de recherche.
Je souhaite également remercier Daniel Rixte, Marine Herrada et Pascal Dribault
qui en me sollicitant dans la stratégie de communication du SMA m’ont apporté une aide
précieuse dans la constitution de ce mémoire.
Je suis également très reconnaissant envers Grégoire Chartron pour m’avoir
accordé de son temps afin de répondre à mes questions.
Enfin, je remercie Flora Gauthier, Benjamin Fraigneau, Marie et Gaëlle Allègre
pour le temps et l’aide qu’ils m’ont accordés quant à la rédaction de ce travail.
Sommaire
Introduction 1
Plan et méthode de recherche 3
Plan 3
Méthode de recherche 4
Chapitre I – La vidéo touristique, produit du tourisme à l’ère numérique 8
I] Introduction au tourisme et au touriste8
II] La vidéo en ligne 10
III] La vidéo touristique 21
Chapitre II – La vidéo touristique dans le marketing en ligne, une approche exploratoire 30
I] Marketing et vidéo en ligne 31
II] Le poids de la vidéo touristique dans le marketing viral 35
III] La vidéo touristique comme composante de la fidélisation du touriste 38
Chapitre III – Le rôle médiateur de l’expérience audiovisuelle 41
I] Le touriste hédoniste 41
II] Le tourisme de film comme élément de comparaison à la vidéo
touristique 46
III] L’authenticité d’une destination véhiculée par la vidéo touristique 49
Chapitre IV – La vidéo touristique intégrée aux infrastructures territoriales de tourisme 54
I] Introduction aux organismes touristiques publics et privés 54
II] Etude de cas : le Syndicat Mixte de la Montagne Ardéchoise57
Conclusion 65
Sources 69
Bibliographie 73
Annexes 79
Table des matières I
INTRODUCTION
Qui n’a jamais rêvé de partir, sortir de son environnement quotidien ? Et si ce n’est
physiquement, nous avons tous un jour voyagé à travers la musique, la peinture, la lecture
ou encore les films. Aujourd’hui, les films et les vidéos en ligne nous transportent aux
quatre coins du monde grâce à l’image animée. C’est un vecteur de communication par
l’image et le son qui stimule notre imagination. Pour certains, c’est un moyen d’échapper
au quotidien, un pèlerinage, et pour d’autres c’est la connexion entre le réel et
l’imaginaire. Internet véhicule un nombre considérable de vidéos chaque jour1, et nombre
d’entre elles concernent directement et indirectement le domaine du voyage. L’e-
commerce a émergé en conséquence de cette nouvelle réalité permettant l’accès à presque
toute information d’un seul clic. Produits, services, idées, tout ou presque peut aujourd’hui
être acheté ou échangé grâce à Internet. L’évolution de ce monde virtuel bien différent du
monde réel est aussi intéressante que complexe. Il en va de même pour l’étude d’un tel
sujet. Dans le cadre de ce mémoire, nous tenterons d’expliquer ce qu’est la vidéo
touristique et comment influence-t-elle les touristes dans le choix des destinations. On
cherche ici à détailler davantage ce qu’est la vidéo touristique afin d’offrir une base
d’informations et de recommandations aux professionnels du tourisme en France qui
seraient intéressés par ce nouveau modèle de promotion. C’est également un travail qui
fait l’objet d’une recherche approfondie sur le marketing de la vidéo en tourisme, et qui
peut donc être utilisé plus tard comme élément de comparaison à une situation changée
puisque les outils en matière de communication liée à Internet évoluent constamment.
Aujourd’hui, l’accès à l’information n’a jamais été aussi facile grâce à la
documentation numérique et au partage de contenu via les réseaux sociaux. Les
expériences que vivent les touristes sont accessibles dans la vie de tous les jours sans la
1 Selon les statistiques de youtube.com, le site internet en tête du visionnage de vidéo sur internet, 100 heures de vidéo seraient téléchargées sur le site chaque minute. Statistics [Site internet, consulté le 15.09.2013]. <URL : http://www.youtube.com/yt/press/statistics.html>.
1
nécessité de se déplacer dans le lieu concerné grâce aux vidéos en ligne amateurs.2 Ces
vidéos personnelles rendues publiques participent à la promotion touristique d’un lieu,
mais à très petite échelle. En accordant beaucoup plus d’importance à la qualité d’une
vidéo promotionnelle, les professionnels du tourisme espèrent attirer davantage l’attention
des internautes. La vidéo touristique n’est avant tout qu’un moyen de communication
cherchant à rediriger les internautes vers un site de voyage, de réservation d’hôtel ou de
compagnie de transport. La campagne marketing Holland. The original cool visant à
promouvoir les Pays-Bas est un très bon exemple de communication touristique réussite.
Depuis sa diffusion sur la célèbre plateforme d’hébergement de vidéos YouTube le 14 mai
2013, la vidéo a déjà enregistré plus de 1 099 000 de visionnages.3 Réalisée par la
compagnie de production NBTC basée à New York, elle a été financée grâce au partenariat
de plusieurs organisations touristiques hollandaises que sont The Netherlands Board of
Tourism & Conventions, KLM Royal Dutch Airlines, Amsterdam Marketing, et
Amsterdam Airport Schiphol.4 Rosina Shiliwala, directrice de la compagnie de production,
défend l’idée qu’une diffusion de la vidéo via les réseaux sociaux fût la meilleure stratégie
à adopter dans cette campagne marketing. Cet exemple de vidéo touristique expose
parfaitement le cadre général du sujet abordé dans ce mémoire.
Nous tenterons de délimiter ce qu’englobe la vidéo touristique, et ses effets sur son
public afin de comprendre quels bénéfices les organismes territoriaux de tourisme peuvent
entrevoir en incluant cet outil à leur stratégie de communication territoriale. Pour ce faire,
il s’agira d’articuler notre étude de recherche autour de la question suivante : quels aspects
de la vidéo touristique peuvent influencer significativement les internautes à devenir
touristes ?
2 URIELY N. 2005 « The Tourist Experience: Conceptual Developments », Annals of Tourism Research, Vol. 32, p. 199-216.3 Visit Holland, 2013, Holland. The Original Cool. The Beginning. [vidéo en ligne (durée : 00:02:00), consultée le 10.04.2013]. <URL : http://www.youtube.com/watch?v=hqEh0iFWlgs >.4 Tourism Holland, 2013, Discovering the original cool with Holland, SMITH Spotlight, [article en ligne consulté le 10.04.2013]. <URL : http://www.trosmith.com/2013/07/holland-the-original-cool>.
2
PLAN ET METHODE DE RECHERCHE
PLAN
Pour répondre à cette problématique, nous nous intéresserons dans un premier
temps à la définition et aux limites de ce média numérique. Nous rappellerons ainsi
brièvement ce qui définit le tourisme, avant d’expliquer dans quel contexte la vidéo en
ligne a fait son apparition. C’est alors qu’il nous sera possible de proposer une analyse
détaillée de la vidéo touristique.
Dans une deuxième partie, nous procéderons à une étude exploratoire sur la place
de la vidéo touristique dans le marketing en ligne. Cette étude nous permettra de
comprendre en quoi la fidélisation du touriste peut s’effectuer grâce au marketing en ligne,
au marketing viral, et à la vidéo touristique.
La troisième partie sera consacrée à l’expérience audiovisuelle vécue par les
internautes. Il s’agira là d’exposer ce que les touristes cherchent à atteindre lorsqu’ils
visionnent une vidéo touristique. L’hédonisme est donc une notion qu’il nous faudra lier à
la vidéo touristique. La comparaison du phénomène du tourisme de film au tourisme
provoqué par la vidéo touristique nous permet enfin de mettre en lumière la recherche
d’authenticité par les touristes.
Dans une quatrième et dernière partie, nous exposerons les types d’organismes
concernés par l’intégration de la vidéo touristique au sein de leur stratégie de
communication. La mise en relation de nos analyses précédentes au cas concret du
Syndicat Mixte de la Montagne Ardéchoise nous permettra enfin de comprendre toute la
nécessité d’intégrer la vidéo touristique au sein de ce type d’organisme.
3
METHODE DE RECHERCHE
L’élaboration de ce mémoire s’est appuyée sur deux modes de recherches :
l’interprétation par l’observation et la recherche descriptive par les sources littéraires.
Compte tenu des séjours d’études à l’étranger effectués lors du cursus en Master, le sujet
étudié s’est enrichi tout au long de cette recherche. Le premier séjour d’étude de l’auteur à
Leyde, aux Pays-Bas, a permis de définir le point de départ de ce projet, apportant les
fondements de l’intérêt porté au sujet traité ici. C’est également à Leyde, que l’auteur a pu
expérimenter pour la première fois ses compétences en matière de réalisation
promotionnelle grâce à la vidéo. Cette expérience et la vidéo promotionnelle ainsi réalisée
à l’étranger lui ont par la suite ouvert les portes sur un stage au sein du Syndicat Mixte de
la Montagne Ardéchoise (SMA). Ce stage a évidemment joué un rôle crucial dans
l’avancée des recherches sur le sujet. Par ailleurs, un deuxième séjour à l’étranger,
toujours dans le cadre des études en Master, a permis d’observer plus objectivement ce
phénomène touristique à Londres, au Royaume-Uni. C’est par la présence de l’auteur dans
cette mégapole qu’il a pu mettre en relation le tourisme de film et la vidéo touristique. On
pense notamment ici aux nombreux films qui ont été tournés à Londres, et qui ont par la
suite provoqué un engouement de la part des touristes, comme par exemple Harry Potter5,
Notting Hill6 ou encore Sherlock Holmes7. Il m’était donc aisé de me rendre sur ces lieux
exposés sur les écrans de cinéma, et d’observer ce phénomène touristique.
Très peu de travaux ont à ce jour été réalisés sur la vidéo touristique, on trouve en
revanche quantité d’informations lorsque l’on parle du tourisme de film. Nous
expliquerons plus tard qu’il n’y a qu’un pas à franchir entre la vidéo touristique et ce
tourisme de film, deux thèmes aux premiers abords semblables, mais dans le fond très
différents. De plus, la revue Annals of Tourism Research a été d’une aide précieuse dans la
définition du sujet, et notamment l’article de Iis P. Tussyadiah et Daniel R. Fesenmaier.8 Il
est important de souligner l’absence d’ouvrages spécialisés en matière de vidéo 5 COLUMBUS C. 2001, Harry Potter and the Philosopher's Stone, Warner Bros. Pictures, (durée : 02:32:00).6 KENWORTHY D. 1999, Notting Hill, Universal Pictures, (durée : 02:04:00).7 RITCHIE G. 2009, Sherlock Holmes, Warner Bros. Pictures Roadshow Entertainment, (durée : 02:08:00).
4
touristique, et c’est pourquoi les recherches de ce sujet se sont agrémentées
essentiellement d’articles de revues consultées à l’aide des catalogues des revues en ligne
tels que AtoZ, Cairn : Revues, Cambridge Journals, ou encore Elsevier. Par ailleurs, ce
mémoire est destiné majoritairement aux professionnels du tourisme en France. Or, la
majorité des recherches documentaires se sont effectuées soit en ligne, soit à Leyde et à
Londres. Il était donc possible de trouver certaines informations en français via internet,
mais une grande partie des lectures s’est faite en anglais. En cela, ce mémoire offre un
point de vu objectif sur la vidéo touristique à l’international, à défaut d’être trop focalisé
sur la situation en France. Cette particularité peut être considérée comme un atout pour les
professionnels du tourisme en France qui cherchent non pas seulement à attirer une
clientèle française, mais davantage étrangère.
La promotion via la vidéo doit s’appuyer sur ce que l’on peut déjà observer à
l’étranger. Lors de ces recherches, l’auteur a pu observer que de nombreux organismes
touristiques en France ont déjà suivi cette logique. Il s’est donc interrogé quant à la
viabilité de ce mémoire tout au long de sa rédaction. Remettre en question son travail en
permanence est un exercice très difficile, tant dans la vérification des sources et des idées
que lorsque l’on doit admettre ses erreurs. Finalement, ce mémoire doit être considéré à la
fois comme un état des lieux sur l’usage de la vidéo touristique, et à la fois comme un
guide pour les professionnels du tourisme désireux d’utiliser cet outil de promotion et de
marketing digital.
La littérature a énormément aidé à établir la ligne directrice de ce mémoire et a
permis la construction d’une problématique aboutie. Les lectures des travaux précédents9
sur le tourisme de film ont également été d’une grande utilité dans l’élaboration du plan de
ce mémoire et comme support de comparaison sur la forme du mémoire. Les clés
permettant de répondre aux nombreuses questions que pose cette recherche ont été
trouvées à travers des ouvrages, des revues, des périodiques, des supports multimédia,
mais également grâce à des entretiens menés auprès de professionnels de la
8 Tourism Holland, 2013, Discovering the original cool with Holland, SMITH Spotlight, 9[article en ligne consulté le 10.04.2013]. <URL : http://www.trosmith.com/2013/07/holland-the-original-cool>.
5
communication, du tourisme, et de la vidéo touristique. Ces entretiens ont permis de se
questionner quant à la validité des témoignages. Il est en effet difficile d’évaluer la
viabilité des informations obtenues lors d’interviews d’étudiants et de professionnels
s’intéressant au domaine du tourisme et de la vidéo. Les entretiens sont basés sur l’opinion
personnelle des personnes interrogées, comme l’on a pu interpréter par exemple les
phénomènes observés. En cela, dans le domaine du tourisme, ou des sciences humaines de
manière générale, la parfaite fiabilité des informations est un élément très dur à discerner.
Nous avons donc suivi la même méthode utilisée par Tanja Tanskanen10 concernant les
entretiens : même si ces derniers consistaient en une succession de questions ouvertes
définies au préalable, nous avons préféré dans un deuxième temps laisser s’exprimer
librement les personnes interrogées, en leur indiquant seulement le thème abordé dans ce
travail de recherche. C’est dans la troisième partie des entretiens que des questions plus
précises permettaient de diriger le dialogue sur des sujets plus spécifiques. La fiabilité
d’une information signifie qu’une recherche peut être menée à plusieurs reprises avec
comme finalité le même résultat. En sciences sociales, les situations évoluent en
permanence, les informations obtenues lors d’observations et d’entretiens doivent donc
être analysés avec précaution.11 Par ailleurs, des suppositions d’un ordre général sont ici
évitées puisque le phénomène en question est évidemment amené à évoluer dans les
prochaines années. Il consistera alors un élément de comparaison aux futures recherches.
Ce mémoire a été mené et rédigé en suivant les codes d’éthique inculqués par
l’Université La Rochelle. L’objectif de ce mémoire étant de donner un point de vue sur le
phénomène de la vidéo touristique tout en restant impartial. Comme énoncé
précédemment, ce travail s’est appuyé sur de nombreuses sources, le droit individuel des
personnes questionnées a donc été respecté. Par ailleurs, vous l’aurez compris, ce mémoire
est beaucoup plus porté sur la thématique audiovisuelle et marketing qu’historique. Ce
choix n’est pas anodin, il tient compte du futur projet professionnel de l’auteur dans le e-
Tourisme. Par ailleurs, comme nous le rappelle Florence Deschamps, maître de conférence
10 TANSKANEN T. 2012, Film Tourism: Study on How Films Can Be Used to Promote Tourism, Laure University of Applied Sciences, Bachelor’s thesis, Degree Programme in Tourism.11 VEAL A.J. 2006. Research methods for leisure and tourism, London, Pearson Education, p. 41.
6
à l’EPHE12 en sciences historiques et philologiques, il est de plus en plus difficile de ne
pas parler des TIC13 dans une ère où les liens ne cessent de se resserrer entre la recherche
en sciences humaines et sociales et l’audiovisuel14.
CHAPITRE I
LA VIDEO TOURISTIQUE, PRODUIT DU TOURISME A L’ERE NUMERIQUE
12 Ecole Pratiques des Hautes Etudes.13 Technologies de l’Information et de la Communication.14 DESCAMPS F. et al., « Valoriser les patrimoines avec la vidéo », Documentaliste-Sciences de l'Information, 2010/4, Vol. 47, p. 54-67, p. 56.
7
Pour se plonger dans une observation du phénomène de la vidéo touristique, il
paraît important de définir plus clairement la notion de tourisme et de touriste, et de
préciser de quel type de vidéo nous parlons. Nous pourrons alors étudier le mode
opératoire de la vidéo touristique dans le tourisme en ligne.
I] INTRODUCTION AU TOURISME ET AU TOURISTE
Il est difficile de définir une entité aussi large que le tourisme. Néanmoins, on peut
proposer ici une définition générale grâce au croisement de diverses sources sur le sujet.
Selon l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), le tourisme se définit comme le
mouvement des individus en dehors de leur résidence habituelle pour des raisons
personnelles ou commerciales, et pour une durée ne dépassant pas une année. Il nous est
aussi précisé que pour être considéré pleinement comme « touriste », le séjour doit inclure
une nuitée complète. Autrement, le visiteur est classé comme étant un excursionniste ou
un «visiteur d’un jour»15. Michèle Clotilde et Alioune Ba, tous deux chercheurs au Centre
d’études et de recherche sur le management et l’entrepreneuriat au Laboratoire de
Recherche sur l’Industrie et l’Innovation (Lab.RII) à l’Université du Littoral Côte
d’Opale, insistent sur l’importance de l’échange. Ils affirment que le tourisme est une
interaction des individus entre eux, mais également avec l’environnement physique et
culturel. Sur le plan spécifiquement humain, le tourisme serait l’interaction des personnes
par le biais des échanges interindividuels ou organisationnels, gratuites (dans le cadre
d’une rencontre fortuite dans la rue par exemple) ou monnayés (par exemple dans le cadre
d’un service rendu négocié dans une auberge ou un hôtel)16.
D’un point de vue économique, les mots touriste et tourisme dateraient du début du
XIXème siècle. Avant cette période, le voyage n’était en effet qu’un phénomène marginal,
et il ne se serait vraiment développé qu’après qu’une mesure sociale, les congés payés, fut
15 Yearbook of Tourism Statistics, Data 2008 – 2012, UNWTO, 2014 Edition.16 MICHELE C. et ALIOUNE B. 2007/1 « L’interaction cognitive dans l’innovation touristique », Marché et organisations, N°3, p. 19-34, p. 23.
8
élargie à toutes les couches de population des pays industrialisés17. Toujours en lien avec
cet aspect économique, Charles R. Goeldner18 et J.R. Brent Ritchie19 soutiennent que le
tourisme est un composite d’activités, de services et d’industries distribuant une
expérience du voyage.20 C’est une composante qui regroupe et lie ensemble les services du
transport, du logement, du divertissement, de la restauration et des magasins afin de les
proposer aux voyageurs.21 Le tourisme est donc l’interaction entre plusieurs fournisseurs et
les touristes. N’oublions donc pas que le tourisme est avant tout une activité commerciale
dont le but principal est évidemment de réaliser un profil commercial en échange d’un
service.22
Enfin, contrairement à la célèbre citation de l’auteur et voyageur français Nicolas
Bouvier affirmant « Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit
à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui vous fait,
ou vous défait. »23, l’autrichien Peter Laimer soutient qu’un voyage nécessite un motif
précis. Il distingue même neufs catégories comme décrivant les motivations principales
des touristes : le commerce et le voyage d’affaire, les vacances et le divertissement, la
visite d’amis ou de la famille, l’éducation, la santé et les soins médicaux, la religion, le
shopping, les transits et les motifs inclassables.24 Avec ou sans motifs, depuis son essor, la
vidéo touristique en ligne motive les futures touristes à faire le pas. Mais pour comprendre
tous les tenants et les aboutissants de cet outil numérique spécifique, il nous faut tout
d’abord s’intéresser aux origines de la vidéo touristique.
17 LANQUAR R. 1994, L’économie du tourisme, Paris, Presses universitaires de France, 127p., p. 2.18 Professeur et chercheur en Marketing et Tourisme à l’Université du Colorado, à Boulder aux Etats-Unis.19 Professeur et chercheur en Marketing et Tourisme à l’Université de Calgary, au Canada.20 GOELDNER C.R. et RITCHIE J.R.B. 2006, Tourism: Principles, practices, philosophies, Hoboken, N.J., John Wiley & Sons, 590p., p. 5.21 Ibid.22 MCKERCHER B. et CROS H. 2002, Cultural tourism : The partnership between tourism and cultural heritage management, Binghamton, The Haworth Hospitality Press.23 BOUVIER N. 2001, L’usage du monde, Paris, Editions Payot & Rivages, 432p.24 LAIMER P. 2010, Basic concepts and definitions: Travel and Tourism (domestic and international), UNWTO/UNSD WS Moldova, [consulté le 08.02.2014]. < URL : https://unstats.un.org/unsd/tradeserv/Workshops/Chisinau/docs/05%20a%20-%20UNWTO-Basis%20concepts.pdf >.
9
II] LA VIDEO EN LIGNE
A - Description technique
Il ne s’agit pas ici de donner seulement une définition précise du terme vidéo, mais
également de répondre à la question : quel type de vidéo est susceptible de convertir son
audience en touristes ? On ne peut évidemment pas remonter à l’invention du cinéma et de
la caméra moderne inventés par les frères Lumières en 189525, ou encore décrire l’histoire
de la vidéo de sa création jusqu’à nos jours. Mais nous pouvons néanmoins proposer une
définition de la vidéo telle qu’elle est répandue aujourd’hui : autrement dit, la vidéo
numérique ou la vidéo du « Web 2.0 ».
D’une manière simplifiée, car une définition technique détaillée n’aurait aucun
intérêt ici, la vidéo consiste en une série d’images fixes ou de cadres (ou frames si l’on
reprend le terme anglais) juxtaposées ensemble afin de générer un mouvement visuel. Une
image simple est une photographie fixe alors qu’un cliché vidéo (ou shot) est le fait
d’enregistrer continuellement une séries d’images grâce à une caméra. Un film ou une
vidéo finale résulte d’une série de ces clichés découpés et assemblés dans une frise
chronologique que l’on appelle également séquence dans le milieu de la postproduction
vidéo26. Selon Michel Jacobson, ingénieur informatique et chef de projet sur l’archivage
électronique au Service interministériel des Archives de France, la vidéo consisterait en
« un ensemble de technologies visant à coder et restituer de l’image animée,
éventuellement accompagnée de son. […] l’usage populaire de la vidéo est de représenter
des situations du monde courant, de sorte que leur restitution procure aux personnes qui
les regardent une perception proche de celles qu’elles auraient eue dans ces situations. Il
convient donc que la vidéo sache coder des informations temporelles, visuelles, sonores,
spatiales, ou du moins qu’elle code suffisamment d’informations pour tromper une 25 RITTAUD-HUTINET J. 1993, Les frères Lumière : L'invention du cinéma, Paris, Flammarion, 390p.26 TUSSYADIAH I. et FESENMAIER D. 2008, « Mediating Tourist Experiences, Access to Places via Shared Videos », Annals of Tourism Research, Vol. 36, No. 1, p. 24-40, p. 28.
10
personne ou que celle-ci accepte la tromperie. C’est ainsi que l’on accepte le son que
transmet un téléphone cellulaire ou que les vingt-cinq images par seconde du cinéma ne
nous paraissent pas une simple succession de diapositives. »27 Nous reviendrons plus tard
sur la perception de la vidéo par l’internaute, mais ce que l’on peut retenir de ce que nous
dit Michel Jacobson est qu’effectivement, la vidéo n’est quelque part qu’une illusion
d’optique. L’œil humain reproduit le même mécanisme qu’une caméra, c’est-à-dire qu’il
photographie une succession d’images fixes de la réalité pour les assembler par la suite
dans l’unique but d’obtenir le mouvement que l’on perçoit tous les jours. Notre œil
photographie ainsi environ 25 images par seconde (25i/s). La vidéo enregistrée par une
caméra essaye de reproduire le même schéma, et restitue donc une succession de 25i/s ou
plus communément 50i/s dans le domaine du cinéma pour éviter l’apparition d’images
saccadées lorsqu’une scène est filmée avec trop de mouvement. Concernant l’aspect audio,
la fréquence la plus élevée perceptible par l’homme est d’environ 20kHz. La résolution
d’une vidéo joue également un rôle important. Il s’agit de la qualité de la mesure ou la
qualité de l’image que l’on perçoit. Les différents formats vidéo jouent un rôle dans la
qualité du son et de cette image restituée à l’écran puisque chacun procède à un encodage
spécifique. On parle ici du rendu final d’une vidéo, lors de la phase de postproduction. Ce
qu’il faut essentiellement retenir ici, c’est l’importance de la qualité d’une vidéo en ligne.
Comme énoncé précédemment, le nombre de vidéos mises en ligne augmente chaque
minute, les attentes des utilisateurs en matière de qualité visuelle suivent donc
logiquement cette évolution28. Une vidéo disponible en HD29 (1920x1080, 1920 colonnes
de point sur 1080 lignes de point), présentant une bande sonore de très bonne qualité, et un
encodage adapté au Web 2.0, aura beaucoup plus de chance d’être visionnée dans la durée
par les internautes, et d’être par ailleurs partagé sur les réseaux sociaux.
Il est intéressant de noter ici l’importance des formats vidéo proposés par les
plateformes d’hébergement, puisque ce sont bien ces formats qui vont influencer le secteur
27 GERVAIS J-F. et al., 2010/4 « Modèles économiques et techniques », Documentaliste-Sciences de l'Information, Vol. 47, p. 30-41.28 DOBRIAN F. et al. 2013 « Understanding the Impact of Video Quality on User Engagement », Communication of the ACM, Vol. 56, No. 3, p. 91-99, p. 91.29 La HD (High Definition) succède à la SD (Standard Definition). Alors que la SD présentait une définition de 720x576 (on parle ici des points par colonne et par ligne qui constitue l’image numérique), la HD présente une définition de 1920x1080.
11
marchand. Le marché des appareils photo numériques s’est effectivement adapté à cette
demande des réseaux numériques. Aujourd’hui, les appareils photo numériques sont aussi
bien tournés vers la production d’images numériques que vers celle de vidéos.30
B – L’apparition du leader en matière d’hébergement de vidéos en ligne : YouTube
a) YouTube en chiffres
Selon Jean-François Gervais31, responsable de la filière Multimédia à la Direction
de la Formation de l'INA, la première vidéo postée sur YouTube daterait du 23 avril 2005.
A défaut d’être une vidéo promotionnelle ou marketing, l’un des 3 fondateurs du site
internet se filme au zoo de San Diego tout en décrivant les éléphants qui se trouvent
derrière lui. A l’époque, il ne se doutait certainement pas qu’il était le précurseur d’un
phénomène interplanétaire. Jawed Karim, Chard Hurley et Steven Chen sont donc les trois
fondateurs du site internet YouTube qui proposera à tous les internautes une plateforme de
publications et d’échanges de vidéos basée sur le format Flash. Cinq ans plus tard, le site
recensait 120 millions de vidéos. Et ce chiffre n’a cessé d’augmenter puisqu’en 2010, ce
serait 24 heures de vidéos qui étaient mises en ligne chaque minute et 15 milliards de
vidéos visionnées chaque mois32. Aujourd’hui, les statistiques dépassent l’entendement
avec plus d’un milliard d’utilisateurs unique connectés chaque mois et plus de 100 heures
30 PIROLLI F. et CRETIN-PIROLLI R. 2011 « Web social et multimédia : propriétés d’une relation symbiotique», Les Enjeux de l’information et de la communication, No. 11/2, p. 73-82, p. 77.31 GERVAIS J-F. et al., 2010/4 « Modèles économiques et techniques », Documentaliste-Sciences de l'Information, Vol. 47, p. 30-41, p. 30. et LE CROSNIER H. 2013, Cours de Culture Numérique 2012-2013 : Télévision et Vidéo à l’heure d’Internet (1ère partie), Université de Caen Basse-Normandie, le 11.01.2013, [Vidéo en ligne, (durée : 00:59:36), consultée le 20.09.2013]. < URL : http://www.canal-u.tv/video/centre_d_enseignement_multimedia_universitaire_c_e_m_u/culture_numerique_2012_2013_10_television_et_video_a_l_heure_d_internet_2eme_partie.11078 >32 GERVAIS J-F. et al., 2010/4 « Modèles économiques et techniques », Documentaliste-Sciences de l'Information, Vol. 47, p. 30-41, p. 30.
12
de vidéos mises en ligne chaque minute33. Il va sans dire que YouTube s’est donc imposer
comme le leader en matière de publication vidéo, et c’est pourquoi la majorité des
internautes ont opté pour cette plateforme. Cependant, il est important d’observer que des
plateformes similaires ont vu le jour, pendant, ou suite à la création de YouTube, et sont
donc actuellement toujours en compétition sur le marché de la mise en ligne de vidéos.
Parmi ces plateformes, on retiendra surtout Break, Metacafe, Google Video, Dailymotion,
Revver, Yahoo! ou encore Vimeo34.
Tableau comparatif des sites internet de partage de vidéos35
33 Statistics [consulté le 15.09.2013]. <URL : http://www.youtube.com/yt/press/statistics.html>.34 PREECE J. 2014, 2014 Video Share Websites Comparisons, [tableau statistique, consulté le 15.09.2013]. < URL : http://video-share-review.toptenreviews.com >.35 Ibid.
13
b) Création d’une chaîne YouTube et le référencement de la vidéo en ligne
Jean-François Gervais36 distingue trois types de vidéo sur YouTube : les vidéos
amateurs (le plus souvent filmées avec du matériel accessible au grand public :
caméscope, appareil photo numérique, tablette, smartphone), les vidéos professionnelles
postées par des internautes (ne respectant pas ainsi les droits d’auteur, ou ayant obtenu
l’accord de l’auteur qui trouve un avantage à cette diffusion), et enfin les vidéos
professionnelles postées par leurs auteurs ou par des institutions à des fins de promotion
ou de communication. On s’intéressera à cette dernière catégorie. Dans le cadre du
tourisme, ces vidéos sont dans un premier temps le moyen d’attirer les clients sur le site
internet des professionnels. Elle doit être l’élément qui motive le client à s’informer
davantage sur une destination ou sur un service proposé, tout en lui simplifiant la tâche
puisque que la vidéo est de fait plus dynamique qu’un texte fixe. Par ailleurs, Google est le
premier moteur de recherche mondial, il est donc important de référencer son site internet
pour pouvoir apparaître dans l’un des premiers sites affichés par Google ou autre moteur
de recherche. Mais le référencement seul n’est pas suffisant. Selon Marko Siller et Reigo
Kimmel37, deux jeunes estoniens ayant lancé leur propre entreprise de création de vidéo
touristique, les sites web touristiques possédant une vidéo auraient beaucoup plus d’impact
sur les internautes puisque leurs chances d’apparaître sur la 1ère page de Google seraient
multipliées par 5338. Par ailleurs, YouTube serait désormais le second moteur de recherche
derrière Google, ce qui nous apprend que rechercher des vidéos est maintenant devenu un
réflexe aussi naturel que de rechercher du texte via Google39.
36 GERVAIS J-F. et al., 2010/4 « Modèles économiques et techniques », Documentaliste-Sciences de l'Information, Vol. 47, p. 30-41, p. 31.37 SILLER M. et KIMMEL R. 2012, #1 reason for video marketing in tourism business [Blog en ligne, consulté le 20.09.2013]. < URL : http://tourismvideomarketing.com/1-reason-for-video-marketing-in-tourism-business >.38 SILLER M. et KIMMEL R. 2012, #1 reason for video marketing in tourism business [Blog en ligne, consulté le 20.09.2013]. < URL : http://tourismvideomarketing.com/1-reason-for-video-marketing-in-tourism-business >.39 GERVAIS J-F. et al., 2010/4 « Modèles économiques et techniques », Documentaliste-Sciences de l'Information, Vol. 47, p. 30-41, p. 33.
14
Il semble important de détailler ici le fonctionnement de YouTube du point de vue
de l’utilisateur afin de mieux comprendre ce qui rend cette plateforme facile d’accès et
d’utilisation, un aspect qui joue énormément sur la popularité d’un site internet. Cette
analyse de l’utilisation de la plateforme YouTube nous servira plus tard à comprendre en
quoi ce site internet peut-il être intégré facilement dans les organismes touristiques.
YouTube propose depuis quelques années la création d’une chaîne de vidéos,
permettant à tout utilisateur de poster un nombre infini de vidéos référencées sous un nom
ou un pseudonyme choisi. La chaîne fonctionne comme un blog personnel où l’utilisateur
aura la possibilité d’ajouter des vidéos, de les rendre publiques ou privées, de les
organiser, de les éditer ou même de les monétiser en acceptant d’inclure une publicité
avant chaque visionnage. Lorsque l’on ajoute une vidéo sur sa propre chaîne, YouTube
nous propose de rajouter un titre à cette vidéo, ainsi qu’une description, une catégorie, et
enfin des mots-clés (ou tags) afin de référencer au mieux notre vidéo. Ces quatre éléments
qui définissent la vidéo sont donc à choisir méticuleusement puisqu’ils ont un impact
direct sur le référencement de la vidéo dans les moteurs de recherche. Ils influencent
également les internautes qui, en fonction de cette description et des commentaires, vont
choisir de visionner ou non la vidéo.40 Il va sans dire que le nom du fichier doit être
compréhensible et pertinent par rapport au service proposé aux touristes.41
40 RACINE A. 2012, De la création de contenu à la diffusion de la vidéo, [Article en ligne, consulté le 22.09.2013]. < URL : http://veilletourisme.ca/2012/04/23/de-la-creation-de-contenu-a-la-diffusion-de-la-video >.41 HALL S. 2011, Seven tips for Marketing a Business with Video, [Article en ligne, consulté le 11.04.2014]. < URL : http://www.entrepreneur.com/article/220593 >.
15
Outils de référencement d’une vidéo lors de son téléchargement sur YouTube42
C – L’avènement de la vidéo en ligne
42 http://youtube.com
16
a) L’implication des utilisateurs et apparition d’un Web social
Aujourd’hui, on peut dire que les jeunes générations regardent et échangent des
vidéos avec une grande aisance et sans aucune limitation : des clips musicaux aux tutoriels
en lignes, les vidéos leur apportent à la fois divertissement et renseignement sur une
multitude de sujets ou sur l’actualité. Avec l’avènement des réseaux sociaux tel que
Facebook, Twitter, ou Google+, rien n’est en effet plus simple que d’échanger des vidéos
en ligne via son ordinateur, sa tablette, sa TV connectées ou son smartphone. Et le
tourisme n’échappe pas à la règle. En effet, Barry Brown, co-directeur du Centre de
Recherche de la vie mobile à Stockholm (Suède), et Matthew Chalmer, chercheur en
sciences de l’informatique à l’Université de Glasgow (Royaume-Uni), nous expliquent
que l’un des besoins importants des touristes est de partager leurs expériences avec les
autres43. Il faut souligner qu’il est possible pour n’importe quel internaute possédant un
compte YouTube de commenter les vidéos visionnées. Ces commentaires peuvent être
positifs ou négatifs, mais sont avant tout une véritable mine d’informations sur le ressenti
de l’audience qu’il ne faut absolument pas négliger. N’oublions pas qu’une organisation,
touristique ou non, se doit de se remettre perpétuellement en question, et il en va donc de
même pour les campagnes promotionnelles d’une destination touristique. Cette remise en
question est d’autant plus importante depuis l’avènement des outils numériques permettant
le partage de contenu sur les réseaux sociaux. YouTube et les autres plateformes de vidéos
offrent en effet un outil qui permet de partager les vidéos visionnées sur les réseaux
sociaux les plus importants.
Le contenu généré par les utilisateurs (ou UGC pour User-Generated Content) n’a
cessé d’augmenté depuis l’avènement du web 2.044 et aujourd’hui, les vidéos de vacances
43 BROWN B. et CHALMER M. 2003 « Tourism and Mobile Technology », Proceedings of the Eight European Conference on Computer Supported Cooperative Work, K. Kutti and E. Karsten, eds. Kluwer Academic Press, p. 6, 7 et 8.44 TUSSYADIAH I. et FESENMAIER D. 2008, « Mediating Tourist Experiences, Access to Places via Shared Videos », Annals of Tourism Research, Vol. 36, No. 1, p. 24-40, p. 25.
17
ou liées au tourisme en général se trouvent sur les blogs, les réseaux sociaux, les sites
internet, et plus généralement, sur presque tous les sites permettant le partage
d’informations. Michael Wesch, professeur au département d’anthropologie culturelle et
d’ethnologie numérique à l’Université du Kansas, nous apprend que YouTube est lui-
même utilisé comme un outil de socialisation, et non plus seulement comme une simple
plateforme d’hébergement de vidéos45. La possibilité d’ajouter des commentaires à chaque
vidéo accentue évidemment ce phénomène puisqu’il peut être la source de nombreuses
conversations. Grâce à de nombreux outils numériques, YouTube va permettre aux
internautes de se répondre mutuellement via les commentaires, les réponses sous forme de
vidéo, ou même via le partage de la vidéo sur les réseaux sociaux. Ce dialogue entre les
utilisateurs va donc créer un réseau autour de cette vidéo, une communauté qui jouera un
rôle important dans l’avènement d’une destination. Fabrice Pirolli46 et Raphaëlle Crétin-
Pirolli47 nous expliquent également que ces outils proposés par ce web social accentuent
l’engagement des utilisateurs : « La gratuité des services pour l’utilisateur ainsi que la
simplicité de leur mise en œuvre, appuyée par l’adaptation progressive des dispositifs
techniques de production de contenus, facilitent l’implication spontanée et l’engagement
des usagers. […] Le web social, espace de partage et d’échange, a naturellement contribué
à créer de nouveaux espaces de médiation pour les contenus audio-visuels de toutes
natures.»48
b) L’inquiétude des chaînes de télévision
Les chaînes de télévision ont bien compris que la vidéo en ligne suscite de plus en
plus d’intérêt, et se sont inquiétées de cet engouement en ligne, percevant YouTube et les
45 WESCH M. 2008, An anthropological introduction to YouTube, [video en ligne, (durée : 00:55:33), consultée le 28.10.2013]. < URL : http://www.youtube.com/watch?v=TPAO-lZ4_hU >. 46 Maître de Conférences en Sciences de l'Information et de la Communication à l'université de Bourgogne, et chercheur au laboratoire CIMEOS.47 Maître de Conférences en Sciences de l’Information et de la Communication à l’Université du Maine et membre du CREN (Centre de Recherche en Éducation de Nantes).48 PIROLLI F. et CRETIN-PIROLLI R. 2011 « Web social et multimédia : propriétés d’une relation symbiotique», Les Enjeux de l’information et de la communication, No. 11/2, p. 73-82, p. 75.
18
autres plateformes de vidéos comme de nouveaux concurrents direct. Même si les chaînes
de télévision ont au départ tenté de lutter, elles ont très vite compris qu’il valait mieux
s’adapter à cette nouvelle tendance en proposant les plateformes de rediffusion sur
internet. Selon Jean-François Gervais49, grâce à l’apparition de la télévision en ligne, les
audiences TV se seraient maintenues en 2009, dissipant ainsi les craintes des chaînes de
télévision. Le développement des terminaux numériques tel que les tablettes numériques,
les smartphones ou les TV connectées n’y est sans doute pas pour rien, puisque selon un
rapport de l’EIAA (European Interactive Advertising Association) publié en 2009, 22%
des Européens utilisaient la TV et internet simultanément50. Aujourd’hui, les télévisions
connectées nous permettent d’accéder directement à internet, facilitant l’accès aux vidéos
en ligne. Plus encore, Google a récemment lancé sa propre chaîne de télévision,
permettant de se connecter rapidement à YouTube via son mobile, et de partager les vidéos
visionnées directement sur l’écran de la télévision connectée.51 Le partage de contenu
numérique fait donc aujourd’hui partie intégrante de notre quotidien grâce à l’évolution
perpétuelle des nouvelles technologies.
c) Le développement de la vidéo en ligne dans tous les secteurs
De nombreux éléments concourent donc à l’avènement de la vidéo en ligne. On
parle ici des UGC qui ont émergés brutalement du Web 2.0, des réseaux sociaux qui
définissent les tendances que les professionnels tentent de s’approprier plus tard, mais on
49 GERVAIS J-F. et al., 2010/4 « Modèles économiques et techniques », Documentaliste-Sciences de l'Information, Vol. 47, p. 30-41, p. 32-33.50 FENNAH A. 2009, European Interactive Advertising Association, Média Multi-tasking Report, [document en ligne, consulté le 29.11.2013]. < URL : http://www.slideshare.net/robertmattar/eiaa-media-multitasking-report >.51 GERVAIS J-F. et al., 2010/4 « Modèles économiques et techniques », Documentaliste-Sciences de l'Information, Vol. 47, p. 30-41, p. 35.
19
parle également des infrastructures de télécommunication et des technologies de
compression qui autorisent la circulation de fichiers vidéo. Comme l’expose Claire Scopsi,
maître de conférences en sciences de l'information et de la communication à l’Institut
national des sciences et techniques de la documentation (Intd), l’engouement que les
internautes portent de plus en plus pour la vidéo en ligne permet son développement dans
tous les secteurs d’activités, et non plus seulement dans les médias ou dans les sociétés du
secteur audiovisuel. « Les entreprises, les organismes publics ou les associations
reconsidèrent leurs fonds patrimoniaux, suscitent de nouvelles collectes ou de nouvelles
captations et s’interrogent sur leur exploitation ».52 Comme nous l’aborderons plus tard
dans une dernière partie, on peut considérer le Syndicat Mixte de la Montagne Ardéchoise
comme étant un organisme public ayant effectué cette démarche de remise en question.
III] LA VIDEO TOURISTIQUE
A - Proposition d’une définition
52 SCOPSI C. 2010/4 « Les nouveaux développements de la vidéo numérique en ligne », Documentaliste-Sciences de l'Information, Vol. 47, p. 28-29.
20
a) Des caractéristiques techniques professionnelles, ou presque
Nous arrivons enfin à une observation faite sur les vidéos touristiques. Très peu de
sources définissent clairement les vidéos dites touristiques, mais en combinant les deux
recherches précédentes faites sur le tourisme et la vidéo en ligne, on peut aisément
proposer la définition suivante : une vidéo touristique possède les même caractéristiques
qu’une vidéo commerciale, donc marketing, proposée par une compagnie, et cherche à
vendre un produit ou un service. Ici, la vidéo touristique cherche à promouvoir une
destination dans le but de rediriger l’internaute vers un site de réservation de voyages, un
site d’un office de tourisme ou n’importe quel organisme destiné à l’accueil des touristes.
On ne peut pas intégrer ici les vidéos amateurs qui ne cherchent en aucun cas à vendre un
service, même si, inconsciemment, l’internaute ayant publié une vidéo de ses vacances en
Nouvelle-Zélande participera indéniablement à la promotion de cette destination.
Il existe cependant une exception qui échappe à cette règle. En effet, la campagne
promotionnelle Keep Exploring menée par la Commission du Tourisme Canadien53 a
élaboré sa campagne marketing sur le projet d’une vidéo collaborative. Après avoir lancé
une annonce sollicitant les canadiens à envoyer des vidéos de leurs meilleures expériences
sur le territoire, la Commission du Tourisme Canadien aurait reçu plus de 65 heures de
vidéo pour environ 7 000 vidéos. Le principe est simple : après avoir sélectionné les
meilleurs clichés, il ne restait plus qu’à réaliser une vidéo de 2 minutes en incluant le
maximum d’activités et d’expériences diverses. Publiée le 20 novembre 2012, la vidéo a
aujourd’hui été visionnée plus de 913 770 fois, ce qui peut largement être considéré
comme un succès. La vidéo finale reste de l’ordre professionnel puisque réalisée par la
Commission du Tourisme Canadien, mais le contenu est presque entièrement constitué de
prise de vues amateurs.
53 Site officiel de la Commission Canadienne du Tourisme, [Site internet, consulté le 22.10.2013]. < URL : http://uk-keepexploring.canada.travel >.
21
Vidéo touristique participative réalisée à la demande de la Commission du
Tourisme canadien.54
b) La durée, le visuel et l’audio
Nous l’avons évoqué précédemment, l’objectif principal de la vidéo touristique est
de vendre un service. Pour vendre, il faut tout d’abord attirer l’attention. Dans un monde
où la publicité est omniprésente dans la rue comme à notre domicile, se différencier de ses
54 CANADA Explore, 2012, Canada Shared by Canadians – keep Exploring, [vidéo en ligne, (durée : 00:02:00), consultée le 15.09.2013]. <URL : https://www.youtube.com/watch?v=cotGh4Lu29M >.
22
concurrents, même en tourisme, n’est pas chose aisée. La vidéo apparait comme l’un des
nouveaux « contenus à valeur ajoutée »55 en matière de promotion, mais elle n’échappe
pas à la règle des publicités qui se doivent succinctes pour ne pas perdre l’attention du
spectateur, ici l’internaute. Le dynamisme de la vidéo est donc un élément très important :
suivant les principes du marketing vidéo, une vidéo touristique doit être de courte durée.
Elle n’est qu’une amorce, le moyen de renvoyer les touristes potentiels vers le site internet
de réservation d’hôtels ou d’achat de billets d’avion par exemple. Une durée de 2 à 5
minutes semble être le référentiel temporel lors de la postproduction d’une vidéo
touristique. Cela paraît très court, et pourtant, lorsque l’information contenue dans une
vidéo est condensée, elle a beaucoup plus de chance d’avoir un impact efficace sur la
clientèle visée56. Cette durée peut évidemment varier en fonction du style de la vidéo, une
notion que nous aborderons plus tard. La vidéo touristique permet une connexion plus
personnelle avec l’internaute car elle n’apporte pas seulement une information, mais
intervient à différents niveaux sensoriels : le visuel et l’audio. Ces deux atouts vont
efficacement construire un rapport personnel avec l’internaute. Par exemple, une vidéo
exposant des personnages souriants et possédant une voix amicale aura plus de chance
d’établir rapidement une relation de confiance avec le client, alors qu’un texte trop long,
même si riche en informations, ne véhicule pas d’émotion rapidement.
B – Un contenu bien défini
a) Le stéréotype touristique : un danger pour la vidéo touristique
Bien souvent, on retrouve de nombreuses compagnies de tourisme ayant créé une
vidéo dans le seul but de l’inclure à leur site internet, se rassurant ainsi de l’attractivité de
55 LECLERC V. 2013, Le marketing de contenu en tourisme : sur quoi miser ?, [Article en ligne, consulté le 22.10.2013]. < URL : http://veilletourisme.ca/2013/09/25/le-marketing-de-contenu-en-tourisme-sur-quoi-miser >.56 HALL S. 2011, Seven tips for Marketing a Business with Video, [Article en ligne, consulté le 11.04.2014]. < URL : http://www.entrepreneur.com/article/220593 >.
23
leur campagne promotionnelle. Mais il ne faut pas s’y méprendre, la réalisation d’une
vidéo touristique doit répondre à des critères d’esthétique et d’originalité précis, et doit
évidemment être adaptée à la clientèle visée. Selon Monica Hanefors, chercheure à
l’Institut de Recherche sut le Tourisme et le Voyage de l’Université de Falun (Suède), et
Lena Larsson, chercheure au département de l’Administration Commerciale de
l’Université de Droit de Gothenburg (Suède), les tours opérateurs considèreraient la vidéo
comme étant complémentaire de leur campagne de promotion. Les tours opérateurs ne
souhaitent en aucun cas se servir de la vidéo comme simple annonce d’un produit
touristique, mais souhaitent qu’elle apporte un aspect journalistique qui refléterait
beaucoup plus le caractère et l’environnement d’une destination. Cet aspect qui rejoint
presque le documentaire ou le reportage télévisé est utilisé pour rendre une destination
beaucoup plus attractive, tout en s’éloignant des stéréotypes de la destination ne valorisant
que le soleil et les plages au sable fin57. On retiendra ici le malheureux exemple de la vidéo
présentant l’île d’Albarella en Italie, réalisée par la compagnie Marcegaglia Tourism. La
vidéo consultable ci-dessous présente tout ce qu’il faut éviter en matière de vidéo
touristique, notamment en dépassant 8 minutes de visionnage, mais également en
reprenant tous les stéréotypes que l’on a trop souvent associé au tourisme.
57 HANEFORS M. et LARSSON L. 1993, « Tourism Management, Video strategies used by tour operators, What is really communicated? », Tourism Management, Vol. 14, No. 1, p. 27-33, p. 30.
24
Un exemple de vidéo reprenant de nombreux stéréotypes associés au tourisme.58
L’originalité mais surtout la créativité d’une vidéo sont donc des critères
importants puisqu’ils permettent de sortir de ces stéréotypes et peuvent potentiellement
provoquer le divertissement et l’émotion chez l’internaute.
58 Marcegaglia Tourism, 2013, MARCEGAGLIA TOURISM – Isola di Albarella, [vidéo en ligne, (durée : 00:08:12), consultée le 30.01.2014]. <URL : https://vimeo.com/62781660 >.
25
b) Lien entre la structure touristique et le vidéaste sollicité
Réaliser une vidéo touristique s’avère plus complexe qu’il n’y paraît, la
communication entre le réalisateur de la vidéo et l’organisation touristique effectuant la
commande est donc importante. Toujours selon Monica Hanefors et Lena Larsson, on peut
distinguer deux stratégies adoptées par les tours opérateurs dans l’élaboration d’une vidéo
touristique59. La première est la participation active du tour opérateur dans la réalisation de
la vidéo, alors que la deuxième stratégie laisse le réalisateur entièrement responsable de la
production vidéo. Même si l’article de Monica Hanefors et Lena Larsson date de 199360 et
ne concernait que les tours opérateurs, on peut affirmer que ces deux stratégies sont
aujourd’hui encore vérifiables et applicables à n’importe quelle organisation touristique
désireuse de réaliser une vidéo touristique. Concernant plus spécifiquement le Syndicat
Mixte de la Montagne Ardéchoise, on a pu observer la participation active et à la fois le
détachement de la structure dans la réalisation des vidéos touristiques. Une participation
active qui se manifestait par un compte rendu du réalisateur de la vidéo chaque semaine, et
un détachement qui se témoignait dans la confiance accordée à ce dernier dans le choix
des plans et du style des vidéos commandées. On peut comprendre cependant qu’il existe
un risque réel lorsque l’on applique la deuxième stratégie. Un risque que la vidéo ne
présente pas forcement les aspects qu’auraient souhaité voir apparaître les professionnels
du tourisme. Néanmoins, les professionnels de la communication et de l’audiovisuel
connaissent leur métier, et sont donc plus à même de réaliser une vidéo qui attirera
l’attention des internautes, surtout lorsqu’ils ont toutes les libertés souhaitées. On peut ici
retenir l’exemple d’une vidéo réalisée par Colin Delehanty et Sheldon Neill, réalisateurs et
photographes américains. Ces deux professionnels en audiovisuel ont réalisé en parfaite
autonomie la vidéo Yosemite HD II61 à la demande du Parc national du Yosemite, aux
Etats-Unis. Cependant, certains professionnels du tourisme ou certaines organisations
touristiques, souhaitent davantage s’assurer du travail des vidéastes et du contenu de la
59 HANEFORS M. et LARSSON L. 1993, « Tourism Management, Video strategies used by tour operators, What is really communicated? », Tourism Management, Vol. 14, No. 1, p. 27-33, p. 29.60 Ibid. p. 30.61 DELEHANTY C. et NEILL S. 2014, Yosemite HD II, [vidéo en ligne, (durée : 00:05:19), consultée le 01.11.2013]. < URL : https://vimeo.com/87701971 >.
26
vidéo. Dans ce cas-là, et cela a été le cas au sein du SMA, il est primordial d’établir un
cahier des charges entre le réalisateur de la vidéo et la structure touristique afin de détailler
efficacement le résultat attendu et éviter ainsi un échec en matière de promotion
audiovisuelle. Le contenu doit être défini précisément en fonction de la clientèle visée. Si
nécessaire, un script peut être rédigé pour garder la ligne directrice du projet. Par ailleurs,
il ne faut pas oublier que la vidéo doit apporter une quantité d’informations limitées, mais
essentielles62, trop de détails pourrait en effet rendre la vidéo inutile puisqu’elle ne
renverrait pas l’internaute à se diriger vers le site internet de l’organisation touristique,
mais perdrait à l’inverse son attention. C’est en appliquant cette 1ère stratégie que le
processus de création d’une vidéo peut être beaucoup plus compliqué, mais surtout plus
long. Marine Herrada, chargé de mission en communication du SMA, nous confie : « je
pense que la difficulté est pour le créatif de se mettre au service de la commande tout en
apportant son univers et sa touche personnelle. Et la difficulté pour le commandeur est de
ne pas se substituer au réalisateur en imposant une façon de filmer. Je pense que l'équilibre
est fragile entre le suivi et la liberté ».63 Le réalisateur et le professionnel du tourisme
devront donc s’entretenir plusieurs fois lors du processus de réalisation de la vidéo afin
d’être en parfait accord, jusqu’à la publication en ligne de la vidéo.
62 ARNOLD J. 2010, Five qualities of successful online videos, [Article en ligne, consulté le 02.11.2013]. < URL : http://www.entrepreneur.com/article/207394 >.63 Témoignage recueilli lors d’un entretien avec Marine Herrada, le 16.05.2014. Consulter l’annexe 1.
27
c) Classement des vidéos touristiques
Grégoire Chartron, spécialiste français du tourisme numérique et auteur du blog
récent « LeWeboskop »64, nous propose un classement détaillé des différents styles de
vidéos touristiques. On préférera s’appuyer ici sur ce classement qui présente beaucoup
plus l’aspect créatif et technique d’une vidéo plutôt qu’un classement par thème abordés
ou par tags utilisés, comme ce que l’on peut retrouver dans les revues Annals of Tourism
Research65 et Tourism Management.66
Voici donc un tout autre classement des différents types de vidéos touristiques de
ces dernières années, qui prend en compte le classement proposé par Grégoire Chartron, et
quelques catégories qu’il nous paraissait nécessaire d’inclure à cette liste suite aux
recherches effectuées sur Internet : les vidéos réalisées avec un budget comparable aux
longs métrages ou au monde du cinéma, les vidéos utilisant des techniques de tournage
novatrices (la time lapse, le tilt shift, le stop motion, la prise de vue par drone), les vidéos
avec un sujet référentiel inclus à chaque plan, les vidéos incluant une célébrité, les vidéos
décalées et humoristiques, les vidéos en lien avec un long métrage, les vidéos
participatives, les vidéos carnets de voyage ou le storytelling, les vidéos qui surfent sur les
tendances ou les vidéos buzz, les vidéos qui alimentent les stéréotypes, les vidéos sous
forme d’épisodes liés les uns aux autres, et enfin les vidéos inclassables. Ce classement
tient également compte de l’originalité, la pertinence de l’angle abordé par rapport à la
cible, la cohérence rythmique entre le son et l’image, la qualité technique de réalisation,
l’utilisation des techniques novatrices et la durée de la vidéo67.
64 CHARTRON G. 2013, Biographie de Grégoire Chartron, rédacteur invité, [Article en ligne, consulté le 28.12.2013]. < URL : http://www.etourisme.info/?author=772 >. Pour plus de détails, consulter le site internet de Grégoire Chartron : http://www.leweboskop.fr. 65 TUSSYADIAH I. et FESENMAIER D. 2008, « Mediating Tourist Experiences, Access to Places via Shared Videos », Annals of Tourism Research, Vol. 36, No. 1, p. 24-40, p. 28.66 HANEFORS M. et LARSSON L. 1993, « Tourism Management, Video strategies used by tour operators, What is really communicated? », Tourism Management, Vol. 14, No. 1, p. 27-33, p. 30-33.67 CHARTRON G. 2013, Vidéos touristiques, à chacun son style !, [Article en ligne, consulté le 28.12.2013]. < URL : http://www.leweboskop.fr/videos-touristiques-a-chacun-son-style >.Pour voir les exemples de chaque type de vidéos présentées ici, consulter l’annexe 2.
28
Ainsi, nous avons vu que le tourisme implique les notions de mouvement et
d’échange interindividuel et organisationnel. Concernant la vidéo en ligne, nous avons pu
mettre en avant l’importance de la qualité technique mais également du contenu véhiculé.
Ces aspects sont effectivement essentiels puisqu’ils augmentent les probabilités qu’un
internaute visionne cette vidéo. En ce qui concerne l’hébergement en ligne des vidéos,
nous avons pu mettre en avant la domination du site internet YouTube face à ses
concurrents. Nous avons donc choisi de nous intéresser davantage à cet hébergeur, et
avons démontré la nécessité de décrire méticuleusement la vidéo que l’on souhaite intégrer
au Web 2.0. Cette description va avoir un impact direct dans le référencement de la vidéo.
Une vidéo possédant un titre, une description, et des tags adéquats aura donc plus de
chance d’être visionnée. Avec l’accumulation du Contenu Généré par les Utilisateurs, les
réseaux sociaux vont voir le jour. Grâce à ce web social, la vidéo en ligne va connaître un
essor important, et va par ailleurs inquiéter les chaînes de télévision. Grâce à l’avènement
de la vidéo en ligne, la communication audiovisuelle va s’étendre à de nombreux secteurs
d’activité, dont le tourisme. C’est ainsi qu’on verra apparaître la vidéo touristique. Comme
nous l’avons abordé précédemment, la qualité et le contenu d’une vidéo sont des aspects
très important dans le monde du tourisme, puisqu’ils vont déterminer le choix de
l’internaute. Afin d’éviter les stéréotypes et de favoriser la créativité dans la réalisation
d’une vidéo touristique, les organismes ont tout intérêt à établir un cahier des charges avec
le vidéaste. Cet équilibre entre créativité et respect de la demande commerciale va
permettre la réalisation de contenus vidéo de qualité. Cette créativité, liée à la qualité de la
vidéo touristique, vont permettre d’attirer l’attention de l’internaute. Mais pour cela, il va
falloir intégrer cette vidéo à un modèle promotionnel qui n’a cessé d’évoluer ces dernières
années : le marketing en ligne.
29
CHAPITRE II
LA VIDEO TOURISTIQUE DANS LE MARKETING EN LIGNE,
UNE APPROCHE EXPLORATOIRE
Depuis le début des années 1990, Internet est passé d’un nouvel outil de
technologie à une chaîne d’information quotidienne. Aujourd’hui, le marché électronique
occupe une grande place dans notre société, et avec la création de médiations nouvelles, la
relation entre l’offre et la demande n’a cessé d’évoluer. La vidéo touristique ayant un
intérêt commercial indirect, il est essentiel d’aborder la place qu’elle occupe dans le
domaine de l’économie en ligne. Comme l’énonce Kévin Mellet , économiste, sociologue
et chercheur au laboratoire des sciences sociales d’Orange Labs, « Internet plonge
d’emblée consommateurs et marchands dans une économie de l’attention dans laquelle
l’abondance d’informations disponibles accentue à l’extrême les contraintes en matière de
captation d’attention » . On revient ici sur la difficulté grandissante de se distinguer par
rapport à ses concurrents, qui concernant la vidéo touristique ne sont autres que les
destinations. La vidéo n’est qu’un outil de cette économie en ligne qui a su se développer
par sa créativité et sa capacité à attirer l’attention de l’audimat. Quelle place occupe donc
la vidéo touristique au sein de l’économie en ligne ? Pour répondre à cette question, il
nous faut définir ce qu’est le marketing en ligne et tenter d’appliquer l’exemple de la
vidéo touristique à ce modèle économique.
30
I] MARKETING ET VIDEO EN LIGNE
A – Histoire et objectifs du marketing en ligne
En suivant la création du Web 2.0, le marketing en ligne est apparu au milieu des
années 199068. Contrairement aux idées reçues, ce modèle n’avait rien de révolutionnaire,
mais appliquait simplement les techniques du marketing traditionnel à l’Internet.
Toutefois, le marketing en ligne se base sur un modèle économique particulier :
l’économie de l’audience69. Cette économie repose sur le rassemblement en un même lieu
des contenus, des annonceurs et des audiences. Par exemple, à la télévision, un film ou
une émission télévisée peut être considéré comme un contenu qui rassemble une audience.
Cette audience va être vendue aux annonceurs sous forme de temps de passage pour un
spot publicitaire. Mais avec l’arrivée d’Internet, cette économie va connaître un nouveau
souffle. Tout d’abord, on verra apparaître dès 1994 les bannières publicitaires sur la
plupart des sites internet. Ces bannières étaient commercialisées grâce au système du coût
pour mille pages vues (CPM), très populaire aux débuts du commerce via le Web 2.0.
Aujourd’hui, ce format de financement de la publicité sur Internet a été submergé par de
nouveaux formats comme le coût au clic (CPC), les annonceurs ayant évidemment
compris l’intérêt d’intégrer l’animation ou la vidéo dans les annonces publicitaires en
ligne. Avec ces nouveaux outils de médiation, la mesure de l’audimat a elle aussi évolué.
En 1999, on verra apparaître le Panel Médiamétrie//NetRatings qui permet de calculer les
résultats d’audience de l’Internet français. Ce calcul de l'usage des internautes va
provoquer la mise en place de planifications stratégiques, d'études concurrentielles ou
encore de ce que l’on appelle médiaplanning dans le monde du commerce. Toutes ces
mesures commerciales ont par ailleurs contribué à la véritable domination des grands sites
ou plateformes de médias tels que Google et YouTube, qui ont largement su analyser leur
audimat et leur proposer des offres commerciales de plus en plus ciblées70.
68 DUSSART C. et NANTEL J. 2007/3 « L’Evolution du Marketing » Retour vers le futur, Gestion, Vol. 32, 66-74, p. 67.69 MELLET K., 2011/1 « Marketing en Ligne », Communications, No. 88, p. 103-111, p. 104-105.70 Soulignons ici que la société YouTube est aujourd’hui la propriété de Google, et ce, depuis 2006. Il est donc évident que les deux sociétés appliquent la même stratégie
31
Même si le marketing en ligne n’a cessé d’évoluer depuis le milieu des années
1990, Kevin Mellet insiste sur le fait que cette économie du lien ne représente qu’un tiers
des dépenses de communication des annonceurs71. Selon lui, le marketing en ligne ne
permettrait pas de toucher une clientèle nouvelle, mais ne serait qu’un outil permettant la
fidélisation d’une clientèle acquise. Le marketing en ligne aurait donc pour seul objectif de
susciter une réponse directe de la part des internautes et de réactiver leur intérêt pour la
marque, ou ici, la destination. Il est vrai dans le cas de la vidéo touristique qu’on pourrait
penser qu’il ne s’agit là que d’un simple outil média permettant de convaincre un
internaute, en supposant qu’il ait effectué au préalable des recherches sur la destination
concernée. Or, il suffit de rappeler l’importance des réseaux sociaux dans la diffusion des
vidéos touristiques pour comprendre qu’un tel média peut être un élément premier dans la
découverte d’une destination, et non pas un simple outil de fidélisation.
B – La surproduction de publicité numérique
Il existe cependant quelques failles dans ce modèle économique en ligne. L’une
d’entre elles concerne la surproduction de publicité. En effet, que l’on consulte un site
d’achat en ligne ou, dans notre cas, une vidéo sur YouTube, la publicité est présente. Dans
le cas de la vidéo touristique, cette dernière peut déjà être considérée comme un outil de
promotion d’une destination. Mais depuis quelques années, YouTube a inclus un système
de spot publicitaire se manifestant sur un grand nombre de vidéos72. L’internaute
consultant une vidéo touristique pourrait être confronté à une succession de deux vidéos
promotionnelles. Ce type de marketing risque fortement de perdre l’attention de
l’internaute et générer une opinion négative de la part de ce dernier qui n’en tire
évidemment aucune utilité. La publicité en ligne est donc aujourd’hui largement perçue
comme un désagrément, même si les filtres mis en place par les moteurs de recherche
tendent à proposer une publicité de plus en plus ciblée73, et donc ayant plus de chance
marketing.71 MELLET K. 2011/1 « Marketing en Ligne », Communications, No. 88, p. 103-111, p. 106.72 Le choix d’inclure cette publicité avant le lancement de la vidéo appartient maintenant détenteur de cette dernière.73 Notamment grâce aux cookies informatiques.
32
d’intéresser les internautes. Mais Kevin Mellet soutient que « ces techniques de ciblage
comportemental tendent à rompre le lien entre publicité et contenu éditorial, qui est au
fondement de l’économie de l’audience ».74 Concernant les vidéos hébergées sur YouTube,
ce lien n’existe déjà presque plus. Les annonceurs utilisent à la fois le spot publicitaire à
chaque début de vidéo pour promouvoir leur destination ou leur marque, et à la fois la
plateforme d’hébergement de contenu pour permettre aux internautes de retrouver la vidéo
commerciale concernée. Il est cependant important de noter ici que ce système de spots
publicitaires n’est pas encore présent sur certaines plateformes telles que Vimeo. Est-ce ici
un choix de la plateforme qui, ayant conscience de cette saturation publicitaire, espère
attirer les internautes lassés par ce flux promotionnel ? Ce qui est certain, c’est que les
internautes ne sont plus les consommateurs passifs ou moutonniers de l’économie de
l’audience, mais sont au contraire très autonomes et libres, jusqu’à choisir ou éliminer la
publicité sur internet. Le schéma suivant nous montre cette évolution de la prise de
pouvoir du consommateur dans le monde du marketing75 :
74 MELLET K. 2011/1 « Marketing en Ligne », Communications, No. 88, p. 103-111, p. 108.75 DUSSART C. et NANTEL J. 2007/3 « L’Evolution du Marketing » Retour vers le futur, Gestion, Vol. 32, p. 66-74, p. 71.
33
Synthèse de l’évolution du marketing.76
76 DUSSART C. et NANTEL J. 2007/3 « L’Evolution du Marketing » Retour vers le futur, Gestion, Vol. 32, p. 66-74, p. 71.
34
II] LE POIDS DE LA VIDEO TOURISTIQUE DANS LE MARKETING VIRAL
A – Du marketing de l’audience à la prise de pouvoir par les internautes
Comment toucher une audience qui ne cesse d’évoluer dans ses choix et ses désirs,
et surtout, qui ne se fixe pas en un lieu77, mais navigue sans cesse sur les différentes
plateformes que propose Internet ? Nous ne le rappellerons jamais assez, les réseaux
sociaux sont aujourd’hui un vecteur d’informations incontournables. Ils s’appuient sur les
dynamiques d’attention collective, et rassemblent une audience nécessaire au marketing en
ligne. C’est sur cet outil que va donc s’appuyer un nouveau modèle économique en ligne :
le marketing viral.
Selon Kevin Mellet, les plateformes de partage de contenu sont aujourd’hui
essentielles dans la communication d’une offre commerciale, et seraient même le nouveau
bouche-à-oreille, ou word-of-mouth (WOM)78, du marketing traditionnel79 appliqué sur
Internet. Ce nouveau modèle a de quoi effrayer les grandes entreprises. En effet, ce n’est
plus la publicité qui détermine la consommation des individus, mais bien ces derniers qui,
organisés en réseaux, prennent inconsciemment le contrôle de la promotion. On retrouve
un exemple dans l’article de Kévin Mellet de ce contrôle des individus et de ce pouvoir de
faire et de défaire une marque ou un produit : « Constatant l’engouement pour les vidéos
postées en ligne […] le PDG de CocaCola n’a-t-il pas affirmé que, pour la première fois
de l’histoire de son entreprise, il ne contrôlait plus sa marque ? ».80 Le comportement des
internautes n’est effectivement plus stable ou linéaire mais varie selon de nombreuses
variables, et il en va de même lorsqu’il s’agit du partage d’une vidéo touristique.81 On a vu
que les réseaux sociaux et les plateformes permettent le partage de multimédias et
favorisent la création d’un réseau communautaire, ici autour du voyage. Mais Kévin
77 Ici, « lieu » désigne un site internet.78 L’appelation word-of-mouth marketing (WOM) a été adoptee par le Bureau of Applied Social Research (BASR)79 MELLET K. 2009/5 « Aux Sources du Marketing Viral », Réseaux, No. 157-158, p. 267-292, p. 277.80 Ibid. p. 269-270.81 PEREIRA H. et al. 2012 « Video for travel: Determinants of Video Content Usage Relations », International Journal of Innovations in Business, Vol. 1, No. 6, p. 471-491, p. 472.
35
Mellet insiste sur le fait que ces réseaux influencent la prise de décision grâce à la
circulation d’informations au sein de petit groupe constitués de contacts proches tels que
l’entourage familial ou les amis proches.82 C’est entre autre, selon Kévin Mellet,
l’influence de ces groupes qui détermine le choix décisif des individus.
B – Des internautes pas tous égaux
Kévin Mellet s’intéresse à l’existence de leaders d’opinion, s’appuyant sur les
travaux menés par Katz et Lazarsfeld83. Ces leaders d’opinion seraient des individus
exerçant plus d’influence que d’autres sur leur entourage. Les entreprises ou les
destinations auraient donc tout intérêt à promouvoir leurs produits par le biais de ces
leaders d’opinion, et éviter ainsi une promotion de masse perçue de manière trop négative
par les internautes. C’est ainsi que Kévin Mellet décrit l’apparition du two-step flow model
au marketing : les entreprises font le choix de sélectionner des individus à forte influence84
pour toucher ensuite une sous-couche d’individus visés. Selon Ted Smith, chercheur au
CNET Networks et président de la société MedTrackAlert, cette pratique encouragerait le
marketing du bouche-à-oreille : « identifying influential individuals in social networks
and connecting with them in ways that encourage WOM message movement »85.
Mais l’existence de ces leaders d’opinion n’est pas partagée par tout le monde.
Dave Balter et John Butman, fondateurs de la société BzzAgent et chercheur en marketing
du word-of-mouth, soutiennent que ce modèle de marketing ne consiste en rien à
convaincre une minorité de leader d’opinion pour ensuite toucher la majorité des
82 MELLET K. 2009/5 « Aux Sources du Marketing Viral », Réseaux, No. 157-158, p. 267-292, p. 273-274. et KATZ E. et BERRY J. 2003, The Influentials : one american in ten tells the other nine how to vote, where to eat and what to buy, New York, Free Press, 360p.83 KATZ E. et BERRY J. 2003, The Influentials : one american in ten tells the other nine how to vote, where to eat and what to buy, New York, Free Press, 360p..84 Rappelons le, via les cookies et les informations véhiculées sur les réseaux sociaux.85 SMITH T. et al. 2007 « Reconsidering models of influence: the relationship between consumer social networks and worth-of-mouth effectiveness », Journal of advertising Research, p. 387-397, p. 387. Traduction : « en identifiant des individus influents dans les réseaux sociaux et en se connectant à eux afin d’encourager le mouvement du message du bouche-à-oreille. ».
36
individus, mais repose sur un modèle économique qu’il est difficile de maîtriser puisqu’il
concerne les individus et donc les internautes considérés comme un ensemble homogène86.
Ce qu’il faut comprendre ici, c’est que chaque internaute est intégré à un niveau
différent dans ces réseaux de communications sur internet, mais que chacun peut jouer le
rôle du relais de l’information. Chaque individu est évidemment différent, et c’est la
perception de la vidéo touristique qui influencera le partage de cette vidéo. Ce concept
d’une communication à deux niveaux est difficile à prouver dans des réseaux où les
individus sont maîtres de leurs choix. Un choix, soit dit en passant, bien souvent aléatoire.
Kévin Mellet rajoute par ailleurs que « l’Internet relationnel possède des propriétés qui
l’éloignent des formes de relations analysées traditionnellement sous le qualificatif de
WOM ».87
Enfin, les travaux sur lesquels s’appuient Kévin Mellet prouvent que la réussite
d’une campagne promotionnelle ne dépend pas du ciblage de certaines personnes clés,
susceptibles de véhiculer rapidement l’information, mais davantage de l’environnement.
Kévin Mellet met donc en évidence une seconde approche en définissant le marketing
viral comme étant une initiative ayant pour but d’encourager notre désir de partager du
contenu que nous considérons comme attractif, pour le bénéfice et le plaisir des autres, et
pour dévoiler des traits de notre personnalité88. Le terme de marketing viral insiste sur la
transmission involontaire d’une information. Ici, considérons la vidéo touristique comme
un virus numérique parfois orchestré par les marketers ; dans notre cas, les destinations ou
les organismes touristiques et/ou de développement territorial. La vidéo cherche
évidemment à intégrer ces réseaux et communautés d’internautes tout en évitant d’être
perçue comme un spot publicitaire. En somme, le marketing viral chercherait à contrôler
86 MELLET K. 2009/5 « Aux Sources du Marketing Viral », Réseaux, No. 157-158, p. 267-292, p. 282. et BALTER D. et BUTMAN J. 2005, Grapevine: The New art of word-of-mouth marketing, New York, Portofolio.87 MELLET K. 2009/5 « Aux Sources du Marketing Viral », Réseaux, No. 157-158, p. 267-292, p. 287.88 Ibid. p. 289.
37
un phénomène considéré comme incontrôlable, et supposerait une communication
promotionnelle à moindre coût.89
III] LA VIDEO TOURISTIQUE COMME COMPOSANTE DE LA FIDELISATION DU
TOURISTE
Pour revenir à ce dont nous parlait Kévin Mellet, la vidéo touristique doit
également être considérée comme un outil de fidélisation. Insistons ici sur le fait que la
fidélisation n’est en aucun cas l’objectif premier de la vidéo touristique, mais n’est qu’une
caractéristique supplémentaire à cet outil numérique. Il nous faut comprendre ici les liens
étroits qui existent entre la vidéo touristique et les effets qu’elle produit sur l’internaute en
matière de marketing en ligne. La satisfaction, la confiance, la fidélisation : autant de
notions essentielles et propres au commerce en ligne (ou e-commerce) et au marketing
viral (ou e-WOM). Ces notions sont toutes liées, et dans notre cas, commencent toutes
avec la vidéo touristique. Contrairement au commerce traditionnel, le e-commerce ne
propose pas d’interaction sociale directe. Il est beaucoup moins personnel et plus
anonyme90. Il est donc beaucoup plus difficile de communiquer l’émotion à l’internaute.
Or, comme nous avons pu le voir, la vidéo remplit parfaitement ce rôle. Elle véhicule une
certaine émotion chez l’internaute et provoque même le désir, et donc l’hédonisme. La
vidéo touristique va donc jouer le rôle d’expérience personnelle de l’internaute et va
provoquer la satisfaction de ce dernier91. Cette e-satisfaction va évidemment avoir un
impact direct sur la confiance et donc la fidélité du touristonaute. Sans cette confiance,
89 DYE R. 2000 « The buzz on buzz », Harvard Business Review, Vol. 78, No. 6, p. 139-146, p. 139; et HELM S. 2000 « Viral marketing: establishing customer relationships by word-of-mouth », Electronic Markets, Vol. 10, No. 3, p. 158-161.90 HASSANEIN K. et HEAD M. 2007 « Manipulating perceived social presence through the web interface and its impact on attitude towards online shopping », International journal of Human-Computer studies, Vol. 65, No.8, p. 689-708.91 PEREIRA H.G. et al. 2012 « Video for travel: Determinants of video Content Usage Relations », International Journal of Innovations in Business, Vol. 1, No. 6, p. 471-491, p. 475.
38
l’internaute ne peut devenir un client fidèle à une destination. A l’inverse, si la fidélité
d’un internaute est gagnée, ce dernier va jouer le rôle de relai dans les réseaux sociaux
auxquels il appartient, et va donc avoir un impact direct sur le marketing viral. Le schéma
proposé ci-dessous résume ce modèle conceptuel développé dans l’article d’Hélia
Gonçalves Pereira et al., et intègre par ailleurs les paramètres extérieurs auxquels
appartient la vidéo touristique, à savoir l’image véhiculée par le site internet de
l’organisme touristique, les outils d’achat d’un service en ligne, et la personnalisation du
service proposé92. La vidéo touristique, pour avoir un impact significatif sur la fidélisation
des touristes, doit donc être intégrée dans un ensemble d’outils promotionnels et
commerciaux.
Schéma : Traduction du modèle conceptuel proposé par Hélia Gonçalves Pereira et al.
92 PEREIRA H.G. et al. 2012 « Video for travel: Determinants of video Content Usage Relations », International Journal of Innovations in Business, Vol. 1, No. 6, p. 471-491, p. 475.
39
e-WOMe-FidélisationConfiancee-
Satisfaction
Perception de la vidéo
Image du site
internet
Achat du service
Personnalisation du service
Pour conclure sur cette partie, on a vu qu’en s’appuyant sur les bases du marketing
de l’audience, le marketing en ligne a progressivement évolué vers un modèle très
différent. Suite à ce premier essor de l’économie du lien, la publicité s’est immiscée dans
ce système et a provoqué la diffusion d’une image négative de la publicité, notamment par
sa surproduction. Avec l’arrivée des réseaux sociaux et du partage de contenu sur le web
social, le marketing en ligne a été altéré. En effet, l’internaute ne suit désormais plus un
comportement moutonnier comme cela avait pu être le cas dans le marketing traditionnel,
mais prend le contrôle des contenus marketing. Cette inversion du pouvoir s’est effectuée
grâce à l’apparition du marketing du bouche-à-oreille sur Internet, autrement dit, le
marketing viral. En partageant du contenu tel que la vidéo touristique sur les réseaux
sociaux, les sociologues ont émis l’hypothèse de l’existence de leaders d’opinion.
L’existence de ces leaders d’opinion permettrait aux organismes de contrôler le marketing
viral, un modèle marketing considéré comme incontrôlable. Néanmoins, il est encore
difficile de prouver l’existence réelle de ces leaders d’opinion. La vidéo touristique,
faisant partie de ce partage de contenu, va avoir un impact décuplé puisqu’elle a la
possibilité de provoquer l’émotion chez l’internaute. L’émotion, résultat d’une expérience
virtuelle, va permettre d’inclure la vidéo dans un concept promotionnel et commercial du
tourisme. La vidéo, associée à d’autres outils de promotion et des services touristiques, va
participer à la satisfaction du touriste sur Internet. Cette satisfaction gagnerait la confiance
de l’internaute, et permettrait ainsi de fidéliser ce dernier. Toutes ces étapes permettraient
ensuite au produit touristique, et par ailleurs à la vidéo, d’être propagé sur le web social
via le bouche-à-oreille numérique, ou le e-word-of-mouth. Mais comment explique-t-on
l’émotion provoquée par la vidéo touristique. Lorsqu’un internaute décide de visionner
une vidéo en ligne dans sa totalité, plusieurs éléments présents dans le contenu de cette
vidéo concourent à garder le spectateur attentif et impliqué émotionnellement.
40
CHAPITRE III
LE ROLE MEDIATEUR DE L’EXPERIENCE AUDIOVISUELLE
Pour séduire les internautes, et avoir une chance de les convertir en touristes, il faut
comprendre avant tout ce qui peut les pousser à regarder des vidéos en ligne sur le thème
du voyage et du tourisme. Il faut pour cela comprendre ce que l’internaute recherche
lorsqu’il consacre quelques minutes de son temps sur les plateformes d’hébergement
vidéo, et par conséquent, ce que leur apporte la vidéo touristique.
I] LE TOURISTE HEDONISTE
A – L’expérience virtuelle
En dehors de l’évolution des nouvelles technologies qui évidemment participent au
partage massif de contenu, on peut se demander ce qui motive les touristes à partager les
vidéos liées au voyage et activités touristiques. Le touriste par définition cherche à
s’échapper de son quotidien. Selon André Jansson93, chercheur en Arts et Communication
à l’université de Malmö (Suède), le tourisme implique une part d’hédonisme, c’est-à-dire
que les touristes témoignent leur désir d’expérimenter différents types de plaisirs
physiques et spirituels, en contradiction à la routine quotidienne. L’expérience du touriste
peut être perçue comme une quête d’authenticité94, ou une visite temporaire à l’extérieur
de son environnement quotidien pour expérimenter le changement95. Or, pour
expérimenter ce changement, le tourisme inclut la notion de mouvement. Pourtant, grâce à
la médiatisation massive des expériences touristiques, notamment via la vidéo touristique
93 JANSSON A. 2002 « Spatial Phantasmagoria: The Mediatization of Tourism Experience », European Journal of Communication, Vol. 17, No. 4, p. 429-443, p. 436.94 MACCANNEL D. 1973 « Staged Authenticity: Arrangements of Social Space in Tourist Settings », American Sociological Review, Vol. 79, p. 589-603.95 SMITH V. 1989, Host and Guests : The Anthropology of Tourism, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 341p.
41
en ligne, l’accès à ce changement et à des expériences touristiques nouvelles peut
s’effectuer sans un déplacement physique, mais bien virtuel.
Adrian Franklin, professeur en sociologie à l’Université de Tasmania (Australie) et
Mike Crang, professeur en géographie culturelle à l’Université de Durham (Royaume-
Uni) rajoutent également « people are constantly alerted to and routinely get excited by
the flows of global cultural materials all around them in a range of locations and
settings »96. Ici, on nous parle de l’idée d’appropriation de l’espace ou des lieux. La vidéo
touristique, et plus généralement le processus de médiatisation via internet, ont favorisé
cette appropriation des lieux emblématiques des pays du monde. Combien de fois sur
internet peut-on trouver une photographie des pyramides de Gizeh, avec en premier plan
l’auteur de cette dernière ? L’usage massif des réseaux sociaux a influencé indéniablement
notre pratique du tourisme. On visite aujourd’hui les plus beaux monuments du monde
comme on participerait à une chasse au trésor internationale dont le seul but est de se
photographier ou de se filmer dans ces lieux emblématiques. Ces photos et vidéos
semblent ne représenter que des trophées que l’on arborerait à ses amis et proches via les
réseaux sociaux.
On peut ainsi distinguer deux types d’expériences touristiques, une expérience
physique et une expérience virtuelle. En d’autres termes, ce processus de médiatisation des
expériences touristiques permet de différencier un hédonisme réel d’un hédonisme
imaginaire. D’après Colin Campbell, professeur en politique publique à l’Université de
Georgetown (Washington, Etats-Unis), l’hédonisme réel, aussi défini comme hédonisme
traditionnel, est associé aux sensations qui découlent d’un échange social et culturel.97 A
l’inverse donc, l’hédonisme imaginaire, dit hédonisme moderne, est associé aux sensations
qui découlent des émotions imaginaires ou anticipées. La vidéo doit être considérée
comme un excellent vecteur de sensations puisqu’elle provoque chez le touriste un certain
96 FRANKLIN A. et CRANG M. 2001 « The Trouble with Tourism and Travel Theory? », Tourist Studies, Vol. 1 No. 1, p. 5-22, p. 8.Traduction : « Les gens sont constamment avertis et s’enthousiasment régulièrement par les flux de matériaux culturels générales tout autour d’eux dans un éventail de lieux et de cadres. »97 BODEN S. et WILLIAMS S. 2002, « Consumption and Emotion: The Romantic Ethic Revisited », Sociology SAGE Publications, Vol. 36, p. 493-512, p. 495.
42
type de plaisir lié à l’imaginaire, que l’expérience soit désirée, actuelle, ou remémorée.
Considérons donc la vidéo touristique comme un outil provoquant l’hédonisme imaginaire
chez l’internaute. Iis P. Tussyadiah, professeure et chercheure en médiation des
expériences des touristes, marketing des destinations et comportement spatiotemporel des
touristes, et Daniel R. Fesenmaier, professeur et directeur du Laboratoire National pour le
Tourisme et le e-Commerce, tous deux basés à l’Université de Temple (Philadelphie,
Etats-Unis), nous proposent le schéma suivant :
Figure 1. La communication de l’expérience du touriste via les technologies de
médiation98.
Cette figure illustre clairement le mécanisme de la médiation par la vidéo
touristique. La vidéo touristique doit être associée à un outil résultant des technologies de
médiation (Technology Assisted Mediators). Une fois hébergée sur une plateforme de
vidéo, et partagée via les réseaux sociaux, la vidéo touristique va avoir un impact direct
98 TUSSYADIAH I. et FESENMAIER D. 2008, « Mediating Tourist Experiences, Access to Places via Shared Videos », Annals of Tourism Research, Vol. 36, No. 1, p. 24-40, p. 27.
43
sur les internautes, en provoquant un certain plaisir lié à cette notion d’hédonisme
imaginaire. Comme nous le montre la figure, cette médiation via la vidéo impacte sur trois
fronts. La vidéo touristique stimule l’imagination des internautes n’étant pas encore
touristes à proprement dit, mais seulement des spectateurs susceptibles de se déplacer dans
la destination promue par la vidéo. Elle stimule également le plaisir chez les internautes
qui vivent au même moment cette expérience présentée dans la vidéo. Bien souvent, cette
deuxième phase va faire apparaître chez le touriste les sentiments de satisfaction, de
déception et surtout d’identification vis-à-vis des personnages présents dans la vidéo. Ces
sentiments se retrouvent dans une troisième phase, une phase réflective. C’est-à-dire
qu’une fois le séjour effectué, le touriste peut être amené à visionner la vidéo de nouveau.
Cette troisième phase témoigne à nouveau du besoin chez le touriste de partager son
expérience avec ses proches.
B – La nécessité de partager son expérience
Comme le soulignent Iis P. Tussyadiah et Daniel R. Fesenmaier99, les internautes
ne se contentent pas seulement de visionner ces vidéos, mais comme énoncé
précédemment, ils créent une conversation liée à cette vidéo, notamment grâce aux
commentaires que permettent les outils présents sur YouTube. Ces commentaires sont
étroitement liés à la notion d’hédonisme imaginaire puisqu’ils permettent une interaction
entre les internautes, les touristes, et parfois le réalisateur lui-même de la vidéo. Ils créent
ainsi une véritable communauté de voyageurs autours de la vidéo touristique. Grâce à ces
commentaires, on peut essayer de comprendre le point de vue des internautes et des
touristes non seulement sur la vidéo touristique présentée, mais surtout sur leur ressenti en
comparaison de leur propre expérience en matière de voyage. L’article expose une étude
appliquant la méthode de la netnographie100, basée sur des vidéos touristiques ayant pour
99 TUSSYADIAH I. et FESENMAIER D. 2008, « Mediating Tourist Experiences, Access to Places via Shared Videos », Annals of Tourism Research, Vol. 36, No. 1, p. 24-40, p. 34.100 KOZINETS R. 2010 « Cultures and Communities Online », Netnography Doing Ethnographic SAGE Publications, 232p., p. 1-20, [document en ligne, consulté le 20.12.2013]. < URL : http://www.uk.sagepub.com/upm-data/31333_01_Kozinets_Ch_01.pdf >.
44
destination principale la ville de New York aux Etats-Unis. On apprend donc grâce aux
commentaires des internautes que ces derniers utilisent dans un premier temps la vidéo
touristique afin d’obtenir ou de vérifier des informations sur la destination. Les futurs
touristes rechercheraient des marqueurs, des repères décrivant la destination au sens large.
Ils utiliseraient dans un deuxième temps la vidéo touristique afin de voyager virtuellement,
et d’accéder à des lieux étrangers via l’image animée. On rejoint ici le concept
d’hédonisme imaginaire, et les trois phases qui distinguent les internautes. Enfin, on
souligne à nouveau dans cet article l’importance des commentaires liés à la qualité de la
vidéo101. En effet, ces commentaires ne sont pas seulement des appréciations personnelles,
mais des vecteurs promotionnels forts. Une vidéo de bonne qualité aura beaucoup plus de
chances d’être visionnée par le touriste, et recevra donc davantage de commentaires
positifs, puisqu’elle permet à l’internaute d’accéder plus facilement à une expérience
relevant de l’imaginaire.
La vidéo touristique stimule donc le plaisir et le désir des touristes et va devenir
pour l’internaute un moyen de transportation virtuelle dans une destination. La vidéo va
notamment provoquer le fantasme ou la nostalgie d’une destination. YouTube et les outils
permettant d’interagir entre internautes vont créer une véritable communauté autour du
voyage, et la vidéo associée à ces commentaires constituera une quantité d’information
considérable sur l’expérience du voyage présenté. L’outil de communication qu’est la
vidéo touristique est donc un moyen pour les touristonautes102 d’explorer un hédonisme
par la confrontation à l’autre grâce aux commentaires. Au final, la vidéo touristique nous
permettrait d’échapper au quotidien, tout en restant dans le confort de chez soi : « The
videos are rather an image of ourselves, in the periphery of our own culture where norms
are allowed to be challenged and changed, than any exciting information about another
101 KOZINETS R. 2010 « Cultures and Communities Online », Netnography Doing Ethnographic SAGE Publications, 232p., p. 1-20, p. 36, [document en ligne, consulté le 20.12.2013]. < URL : http://www.uk.sagepub.com/upm-data/31333_01_Kozinets_Ch_01.pdf >.102 Terme employé par Grégoire Chartron pour définir les internautes pouvant potentiellement devenir touriste, ou étant déjà touriste à la fois.
45
culture. They show compensation and escape in a tourist environment – far away but still
home. »103
II] LE TOURISME DE FILM COMME ELEMENT DE COMPARAISON A LA
VIDEO TOURISTIQUE
A – Les marqueurs d’une destination
Si l’on s’intéresse à l’étude réalisée par Tanja Tanskanen, Film Tourism : Study on
How Films Can Be Used to Promote Tourism104, on se rend aisément compte qu’un film
peut influencer de nombreux spectateurs à partir vers une destination. Et c’est là l’objectif
principal de la vidéo touristique. Comme le film cinématographique, la vidéo touristique
amène l’internaute à se projeter dans la peau du personnage présent dans la vidéo.
L’internaute cherche ainsi des marqueurs de la destination présentés dans la vidéo. Il en va
de même pour le spectateur allant au cinéma. Comme énoncé dans l’étude de Tanja
Tanskanen, les films font partie intégrante de l’expression de l’art, de la culture, des
traditions locales, et de l’industrie du divertissement. Ils sont donc inclus dans la branche
culturelle du tourisme.105 Une affirmation qu’elle confirme par ailleurs en présentant une
publication de recherche du journal SAGE, dans laquelle il est spécifié que le tourisme
généré par les films est une forme de tourisme culturel encouragé par la croissance de
l’industrie du divertissement et du voyage.106
103 HANEFORS M. et LARSSON L. 1993, « Tourism Management, Video strategies used by tour operators, What is really communicated? », Tourism Management, Vol. 14, No. 1, p. 27-33, p. 32.Traduction : « Les vidéos sont une image de nous-même, dans les pourtours de notre propre culture où les normes peuvent être défiées et changées, plutôt que n’importe quelle information excitante d’une autre culture. Elles montrent la compensation et l’évasion dans un environnement touristique – loin mais toujours chez soi. ».104 TANSKANEN T. 2012, Film Tourism : Study on How Films Can Be Used to Promote Tourism, Mémoire de licence en Tourisme, Laurea University of Applied Sciences, p. 13.105 MCKERCHER B. et CROS H. 2002, Cultural tourism : The partnership between tourism and cultural heritage management, Binghamton, The Haworth Hospitality Press, 262p., p. 133.106 HUDSON S. et RITCHIE B. 2006, « Promoting destinations via film tourism : An empirical identification of supporting marketing initiatives », Journal of Travel Research, Vol. 44, p. 387–396, p. 387.
46
Tanja Tanskanen reprend par ailleurs l’ouvrage de Stefan Roesch, directeur de
l’Institut de CenTourist à l’Université de Passau (Allemagne)107, en soulignant que les
touristes des films cinématographiques sont à la recherche de signes ou de marqueurs leurs
remémorant des scènes qu’ils auraient pu voir dans le film. Grâce à notre développement
précédent, on peut d’ores et déjà remarquer qu’on retrouve ce même cas de figure
concernant la vidéo touristique. Par exemple, dans le film Mission Impossible – Ghost
Protocol108, Ethan Hunt, interprété par Tom Cruise, apparaît escaladant la paroi extérieure
du plus haut gratte-ciel du monde : le Burj Khalifa. Dans la vidéo touristique Dubai in 4K
– City of Gold109 réalisée par Parker Walbeck et Carter Hogan, le même gratte-ciel apparaît
à plusieurs reprises. Le Burj Khalifa est évidemment le marqueur fort de Dubaï, et dans
chacun de ces deux cas, on comprend facilement que le spectateur et l’internaute
effectuent la même démarche, c’est-à-dire associer le Burj Kahlifa à une destination,
Dubaï, par le film ou la vidéo touristique. Par « marqueurs présents dans la vidéo
touristique » il faut comprendre ici les symboles forts d’une destination touristique, bien
souvent des bâtiments, des évènements ou des lieux existant bien avant la réalisation du
film ou de la vidéo, et en aucun cas des lieux recréés en studios comme cela pourrait être
le cas concernant le tourisme de film. Ces marqueurs vont indéniablement provoquer chez
le spectateur le désir de partir dans les destinations promues par le film cinématographique
et la vidéo touristique.
B - Entre films cinématographiques et vidéos touristiques, un public semblable ?
Alexis Papathanassis, professeur à l’Université des Sciences appliquées de
Bremerhaven (Allemagne) en Systèmes du Tourisme et de l’Information et en Tourisme
maritime, souligne que le tourisme de film ne vise pas une catégorie de touristes précis,
107 ROESCH S. 2009, The experiences of film location tourists, Bristol, Channel View Publications, 272p., p. 69.108 BIRD B. 2011, Mission impossible – Ghost Protocol, Paramount Pictures, [Film, (durée : 02:12:00)]109 WALBECK P. et HOGAN C. 2014, Dubai in 4K – City of Gold, TeamSupertramp Film, [Vidéo en ligne, (durée : 00:03:16), consultée le 30.03.2014]. < URL : https://www.youtube.com/watch?v=SLaYPmhse30 >.
47
mais qu’au contraire, chaque film va viser une clientèle différente.110 Il en va de même
pour la vidéo touristique. En effet, lors de notre entretien avec Grégoire Chartron111, ce
dernier défendait l’idée que chaque destination touristique devrait posséder une vidéo
touristique dite globale qui présenterait le territoire concerné dans son ensemble. Si la
destination souhaite par la suite valoriser une activité ou un lieu précis, alors la réalisation
d’une vidéo beaucoup plus ciblée sur la clientèle concernée serait à envisager. Lors de
notre présence au SMA, la première vidéo réalisée abordait le thème de la randonnée dans
la montagne ardéchoise. Cette vidéo devait viser une clientèle très large, des jeunes aux
séniors. C’est seulement après la finalisation de cette première vidéo que la demande a été
faite de réaliser une deuxième vidéo beaucoup plus ciblée sur les touristes sportifs, le
thème étant la course d’orientation sur le site du Pal en Ardèche. Comme pour le tourisme
de film, il n’existe pas une clientèle spécifique à la vidéo touristique, mais chaque vidéo
doit cibler une clientèle en fonction de la destination promue. Néanmoins, l’étude menée
par Hélia Gonçalves Pereira et al. sur les vidéos promotionnelles du voyage112 démontre
qu’en 2012, 56,2% des internautes intéressés par les vidéos touristiques étaient des
femmes, dont 35,6% entre 21 et 35 ans.113 Les réponses obtenues grâce aux questionnaires
en ligne démontraient que les internautes utilisaient principalement la vidéo touristique
afin d’obtenir de plus amples informations sur la destination et pour des raisons
professionnelles. Une lecture approfondie des réponses aurait permis de distinguer quatre
raisons principales justifiant l’usage des vidéos touristiques : la recherche d’informations,
l’amusement, la socialisation, et le commerce. Par ailleurs, cette étude identifie deux
groupes différents parmi les internautes : les utilisateurs âgés et les plus jeunes. Cette
différenciation aurait été élaborée à partir de la confiance qu’accorderait chacun des deux
groupes. Il apparaîtrait que les jeunes utilisateurs préfèrent visionner les vidéos
touristiques sur des sites web personnels, tels que les blogs, les forums ou les réseaux
110 PAPATHANASSIS A. 2011, The long tail of tourism : Holiday niches and their impact on mainstream tourism, Germany, Deutsche Nationalbibliothek, 230p., p. 149.111 Entretien avec Grégoire Chartron. Consulter l’annexe 3. 112 PEREIRA H.G. et al. 2012 « Video for travel: Determinants of video Content Usage Relations », International Journal of Innovations in Business, Vol. 1, No. 6, p. 471-491, p. 484-485.113 Ces statistiques sont basées sur les résultats obtenus grâce à une série de questionnaires en ligne.
48
sociaux. A l’inverse, les personnes plus âgées auraient plus de difficultés à accorder leur
confiance dans ce type de réseaux, et préféreraient consulter les vidéos touristiques sur le
site internet officiel de l’organisme touristique. On comprend donc ici l’importance
d’inclure la vidéo touristique à la fois sur les plateformes d’hébergement vidéos et les
réseaux sociaux, et à la fois sur les sites des organismes touristiques tels que les sites
internet des offices de tourisme, des musées ou encore des parcs d’attractions.
III – L’AUTHENTICITE D’UNE DESTINATION VEHICULEE PAR LA VIDEO
TOURISTIQUE
A – Une notion complexe et difficile à définir
Au cours de nos recherches, nous avons pu observer l’intérêt que portent les
universitaires aux notions d’hyper-réalité, de simulacre et d’authenticité. Cette dernière
notion soulève beaucoup plus de questions que toutes les autres. Les anthropologues étant
eux-mêmes des acteurs du tourisme, le regard ethnologique qu’ils portent sur le tourisme a
fortement influencé les définitions que l’on propose pour l’authenticité. Dans son article
L’anthropologie du Tourisme et l’Authenticité114, Céline Cravatte, docteure en sociologie
agrégée de sciences économiques et sociales à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-
en-Yvelines, reprend une citation des anthropologues Carol J. Steiner (Australie) et Yvette
Reisinger (Etats-Unis) : « La notion d'authenticité, malgré les nombreux travaux qui l'ont
mobilisée, n'est pas stabilisée. Cela conduit certains auteurs à prôner son abandon en
arguant qu'un même concept utilisé dans plusieurs sens différents est un obstacle à la
recherche plutôt qu'il ne la stimule. »115 Comme le propose Céline Cravatte dans son
article, il m’a paru utile de présenter ici une définition générale de cette notion
d’authenticité afin de la lier au désir des internautes visionnant une vidéo touristique.
114 CRAVATTE C. 2009/1 « L'anthropologie du tourisme et l'authenticité », Cahiers d'études africaines, No. 193-194, p. 603-620, p. 603.115 Ibid.
49
Ainsi, comme on le retrouve dans l’article collaboratif d’Anne Buchmann,
professeure et chercheure à l’Université de Newcastle (Australie), Kevin Moore et David
Fisher116, tous deux professeurs à l’Université de Lincoln (Nouvelle-Zélande), la notion
d’authenticité aurait été popularisée par Dean MacCannel, professeur et chercheur aux
Universités de Californie et de Davis (Etats-Unis). Il aurait par ailleurs opposé la pensée
de la société moderne, reposant sur des relations interpersonnelles, à la société
prémoderne, qui selon lui aurait vu naître la fascination pour la vie réelle des autres. Il
aborderait aussi le caractère artificiel du tourisme, opposant les touristes aux intellectuels,
ces derniers cherchant à voir derrière les apparences plutôt que de se laisser tromper par
une société moderne. Une affirmation qui n’est pas sans risques puisque les
anthropologues opérant cette analyse s’incluent bien évidemment dans cette catégorie
d’intellectuels117. D’autres anthropologues spécialistes du voyage et du tourisme, comme
le professeur Tom Selwyn118, ont par la suite affirmé qu’un intérêt principal des études sur
le tourisme est de poser des hypothèses sur la nature de la société moderne ou
postmoderne.119 C’est en cela que la notion d’authenticité s’avère complexe et a été
définie à plusieurs reprises.
B – L’authenticité chaude
Dans le cadre du tourisme, Céline Cravatte distingue plusieurs types
d’authenticités. Elle s’appuie sur les travaux effectués par T. Selwyn et N. Wang pour
différencier l’authenticité chaude de l’authenticité existentielle120. L’authenticité chaude,
définie de la sorte par T. Selwyn, serait fondée sur des mythes touristiques. Des mythes
qui aborderaient l’authenticité sociale d’un groupe ou même de soi. Le touriste serait à la
116 BUCHMANN A., MOORE K. et FISHER D. 2010 « Experiencing Film Tourism, Authenticity and Fellowship », Annals of Tourism Research, Vol. 37, p. 229-248, p. 230.117 CRAVATTE C. 2009/1 « L'anthropologie du tourisme et l'authenticité », Cahiers d'études africaines, No. 193-194, p. 603-620, p. 605.118 SELWYN T. 1996, The Tourist Image: Myths and Myth Making in Tourism, Wiley, 270p., p. 1-32.119 CRAVATTE C., Op. Cit. p. 606.120 CRAVATTE C., Op. Cit. p. 606-607.
50
recherche de cette authenticité chaude à travers les brochures touristiques, les récits de
voyage, et aujourd’hui les vidéos touristiques. N. Wang quant à lui aborderait
l’authenticité existentielle comme étant une expérience corporelle qui chercherait à se
sortir de la routine quotidienne. Cette expérience permettrait la réalisation de soi. Par
ailleurs, Céline Cravatte souligne que les touristes concernés par cette authenticité ne
rechercheraient pas un rapport à un autre groupe social étranger, mais le groupe de
touristes eux-mêmes (groupes touristiques ou familles). Cette démarche permettrait la
réalisation de soi par le sentiment d’appartenance à un groupe communautaire. Anne
Buchmann, Kevin Moore et David Fisher121 reviennent également sur cette authenticité
dite existentielle en prenant l’exemple des tours organisés sur les lieux de tournage du film
Le Seigneur des anneaux122. Ils insistent par ailleurs sur l’importance du déplacement sur
le lieu de tournage pour le touriste, et l’aspect émotionnel que cela provoque chez ce
dernier. L’importance de la présence physique s’allie également avec la relation entretenue
avec les autres touristes du groupe participant au tour touristique. La relation avec le lieu
et les autres membres du groupe sont donc la traduction directe de la quête d’une
authenticité existentielle.
C – L’authenticité mise en scène
On peut également définir brièvement l’authenticité mise en scène proposée par
Erik Cohen123, chercheur en sociologie et en anthropologie à l’Université de Hebrew, à
Jerusalem (Israel), comme étant la quête des coulisses par les touristes. On assiste ici à une
succession de façades. Les touristes cherchant à découvrir l’envers du décor d’une
destination vont finalement se retrouver face à des coulisses qui auront-elles-même été
mises en scène. On peut ici prendre l’exemple du tourisme de film : lorsqu’un nombre
121 BUCHMANN A., MOORE K. et FISHER D. 2010 « Experiencing Film Tourism, Authenticity and Fellowship », Annals of Tourism Research, Vol. 37, p. 229-248, p. 240.122 JACKSON P. 2001, The Lord of the Rings: The Fellowship of the Ring, New Line Cinema, [Film, (durée : 02:58:00)].123 CRAVATTE C. 2009/1 « L'anthropologie du tourisme et l'authenticité », Cahiers d'études africaines, No. 193-194, p. 603-620, p. 608. et COHEN E. 1989 « “Primitive and Remote” Hill Tribe Trekking in Thailand », Annals of Tourism Research, Vol. 16, p. 30-61.
51
important de touristes a commencé à s’intéresser aux locations de tournages du Seigneur
des Anneaux124, de nombreuses agences de voyage ont très vite reproduit et présenté des
lieux de tournage comme authentiques alors qu’il s’agissait en réalité de reproductions.
Les touristes pensent donc visiter les coulisses d’une destination grâce à un type de voyage
qu’on peut définir comme alternatif, alors qu’ils sont en fait dupés. Certains touristes le
comprennent parfois et c’est pourquoi on peut voir apparaître un certain rejet et la peur de
cette fraude et de la mise en scène à destination des touristes. A l’inverse, d’autres
touristes acceptent cette tromperie, ou choisissent même d’être isolé des expériences
authentiques en suivant le courant du tourisme de masse.125
La notion d’authenticité est très évolutive, et doit donc être utilisée avec
précaution. Lorsqu’une vidéo touristique cherche à attirer les touristes en présentant les
meilleurs attraits d’une destination, la notion d’authenticité doit être un élément à prendre
en considération. Les acteurs du tourisme doivent en effet s’interroger quant à
l’authenticité que peut transmettre la présentation audiovisuelle de la destination
touristique. La vidéo touristique ne présentant que les atouts d’une destination,
l’authenticité véhiculée doit être repensée afin de provoquer le désir et l’émotion chez le
spectateur. Mais face au flux considérable de vidéos touristiques, il serait envisageable
d’entreprendre la réalisation de contenus vidéos qui reposeraient beaucoup plus sur la
sincérité, ou sur une authenticité définit comme « émergente » par Céline Cravatte126.
Dans cette troisième partie, nous avons abordé l’expérience du touriste qui avec la
vidéo devient également virtuelle. Avec l’avènement des réseaux sociaux, on assiste en
effet à un désir massif de la part des touristes de s’approprier les lieux via Internet. Opposé
à l’hédonisme réel, dit traditionnel, cette expérience virtuelle provoque l’apparition d’un
hédonisme imaginaire, ou moderne. L’hédonisme traditionnel étant basé sur l’échange
social, l’hédonisme imaginaire est par contradiction définit par l’expression des émotions
124 JACKSON P. 2001, The Lord of the Rings: The Fellowship of the Ring, New Line Cinema, (durée : 02:58:00).125 STEINER C. et REISINGER Y. 2006 « Understanding existential authenticity », Annals of Tourism Research, Vol. 33, No. 2, p. 312.126 CRAVATTE C. 2009/1 « L'anthropologie du tourisme et l'authenticité », Cahiers d'études africaines, No. 193-194, p. 603-620, p. 610.
52
véhiculées notamment par la vidéo touristique. On a donc la manifestation d’un plaisir lié
à l’imagination, que l’expérience soit désirée, actuelle, ou remémorée. Par ailleurs, le
touriste témoigne la nécessité de partager ces sensations émotionnelles, et donc son
expérience virtuelle, via les réseaux sociaux. En jouant le rôle de relai de l’expérience
virtuelle, le touriste permet la création d’une communauté de voyageurs. Cette
communauté rappelle par ailleurs ce principe hédoniste traditionnel basée sur l’échange
social, grâce à la confrontation à l’autre. Aussi, la comparaison entre le film
cinématographique et la vidéo touristique nous a permis de mettre en lumière quelques
correspondances. En effet, dans chacun de ces médias, le touriste va s’identifier aux
personnes présentées à l’écran, et va également chercher ou identifier des marqueurs de
destinations. Ces marqueurs vont par ailleurs pousser le spectateur à se rendre
physiquement dans les lieux présentés à l’écran, en fonction du ressenti personnel du film
ou de la vidéo touristique. Afin de comprendre cette relation au lieu, nous avons essayé
d’éclairer la notion d’authenticité. Or, il s’est avéré qu’il s’agit d’une notion encore
difficile à définir. Au cours des années, les anthropologues ont clairement établi une
distinction entre les touristes et les intellectuels. S’intégrant dans cette dernière catégorie,
ils vont même dénoncer le caractère artificiel du tourisme, tout en prônant la pratique
authentique des intellectuels. C’est ainsi que l’on a proposé d’aborder différents concepts
d’authenticité : l’authenticité existentielle qui n’est autre que l’expérience corporelle afin
de sortir d’une routine, l’authenticité chaude qui aborde la recherche d’un mythe
touristique (entre autres à l’aide des brochures), et l’authenticité mise en scène qui doit
être considérée comme la quête des coulisses d’une destination par les touristes, ces
dernier étant finalement dupés par une succession de façades. Ces différents concepts nous
ont finalement aidé à différencier certaines catégories de touristes à la recherche d’une
authenticité bien souvent utilisée comme un leurre par les organismes touristiques.
53
CHAPITRE IV
LA VIDEO TOURISTIQUE INTEGREE AUX INFRASTRUCTURES
TERRITORIALES DE TOURISME
I] INTRODUCTION AUX ORGANISMES TOURISTIQUES PUBLICS ET PRIVES
A- Les organismes territoriaux de tourisme
Dans une nouvelle économie en ligne où ce n’est plus les annonceurs qui transmettent
l’information, mais les internautes qui vont à l’information par eux-mêmes, les organismes
territoriaux de tourisme ont toutes leurs chances de rivaliser avec des organismes à forte
attraction touristique. Pour comprendre comment, il s’avère essentiel de définir ce
qu’englobe ce terme d’organisme territorial de tourisme.
Depuis l’apparition officielle des régions françaises le 2 mars 1982 suite au passage de
la loi sur la décentralisation, les différentes collectivités territoriales que sont les
communes, les communautés de communes ou urbaines, les départements et les régions se
sont vues dotées « de champs de compétences élargies ». Cette décentralisation a
notamment permis aux collectivités locales de prendre des décisions publiques et par
ailleurs, assurer la propre promotion touristique du territoire. Tous les organismes
territoriaux participant au développement touristique d’une collectivité territoriale sont
donc subventionnés, en partie, grâce au système de délégation des budgets établis lors de
54
l’acte de décentralisation. Ainsi, le terme d’organismes territoriaux de tourisme regroupe
les offices de tourisme, les musées publics, les syndicats et tous autres organismes publics
participant au développement touristique d’une collectivité territoriale.
B – Le Puy du fou : l’exemple du succès d’une entreprise touristique privée
Avec l’essor du e-tourisme sur internet, les grands organismes touristiques ont tôt
fait de s’accaparer les stratégies de marketing en ligne, dont fait notamment partie
intégrante la vidéo touristique. On trouve de nombreux exemples en France, entre autres,
le parc d’attraction du Puy du Fou en Vendée, qui a su partir d’une clientèle locale à une
clientèle internationale. Lorsque l’on effectue une recherche basique sur ce parc
d’attraction, le moteur de recherche Google affiche en premier lien une vidéo touristique
que l’on retrouve sur la page d’accueil du site officiel du parc. Une fois encore, on a ici
l’exemple d’une vidéo touristique étant parfaitement référencée dans les moteurs de
recherche, et un organisme touristique utilisant la vidéo en ligne comme principal outil de
communication sur Internet. Par ailleurs, le parc du Puy du Fou intègre ce que nous avons
pu développer auparavant, c’est-à-dire la présentation du parc via une vidéo touristique
dite générale, puis une succession de vidéos sous forme d’une série d’épisodes présentant
chacun une attraction spécifique du parc.127 Rappelons que le Puy du Fou, depuis sa
création en 1989 par Philippe De Villiers, a été récompensé à deux reprises, en 2012 avec
le prix Thea Classic Award 2012 Meilleur Parc du Monde, et en 2013 avec le prix
TripAdvisor Traveller’s Choice 2013128. On a donc à la fois l’aspect informationnel abordé
dans une vidéo générale, puis un aspect beaucoup plus créatif qui, dans le cas de ce parc
d’attraction, fidélise le touriste.
127 The Puy du Fou, 2014, [Site internet, consulté le 10.03.2014]. < URL : http://www.puydufou.com >.128 GELIOT C. 2013, Le Puy du fou, une réussite à la française, Le Figaro, [Article en ligne, consulté le 10.03.2014]. < URL : http://www.lefigaro.fr/culture/2013/06/14/03004-20130614ARTFIG00578-le-puy-du-fou-une-reussite-a-la-francaise.php >.
55
A quoi doit-on cette réussite ? Si l’on se base sur notre étude précédente, il va s’en
dire que l’utilisation des relations entre web social et multimédia par le parc d’attraction a
fortement contribué au succès du Puy du Fou. Ce n’est pas la simple utilisation d’une
vidéo touristique qui a permis le succès de la stratégie de communication, mais bien son
intégrité dans l’ensemble des outils de marketing en ligne.
C – L’utilisation du marketing en ligne à l’échelle d’un territoire
Selon une autre étude réalisée sur cinquante-sept organismes culturels et
touristiques par le laboratoire CIMEOS, et en partenariat avec une institution culturelle de
la région Bourgogne (SEM – Alésia), huit outils du web 2.0 occuperaient une place
importante dans la stratégie de communication institutionnelle. Il s’agirait sans surprise de
Facebook, Twitter, Flickr, Picassa, YouTube, Dailymotion, Myspace et Scribd129. Par
ailleurs, cette étude affirme que 86% des organismes étudiés étaient et sont toujours
présents sur Facebook via une page officielle de l’organisme, et 54% des musées et parcs
de loisirs proposaient également des contenus vidéo sur l’une des plateformes YouTube et
Dailymotion. Viennent ensuite les sites permettant le partage d’images. Ce qui nous
intéresse ici, c’est la présence de ces outils de communication à travers les structures
institutionnelles. On peut en effet constater que ces organismes ont bien compris
l’importance de s’immiscer dans les réseaux sociaux pour toucher une clientèle sans
alourdir le budget consacré à la communication promotionnelle de la structure. L’article
de Fabrice Pirolli et Raphaëlle Crétin-Pirolli souligne tout de même l’importance
d’alimenter constamment ce contenu multimédia présent sur les plateformes de partage
afin de conserver dans le temps l’attention et la fidélité de son audimat.130 Il est cela dit
important de noter que l’étude exposée dans cet article n’apporte aucun détail sur l’aspect
qualitatif des vidéos. Il nous est donc impossible de savoir s’il s’agit là de contenus
129 PIROLLI F. et CRETIN-PIROLLI R. 2011 « Web social et multimédia : propriétés d’une relation symbiotique », Les Enjeux de l’information et de la communication, No. 11/2, p. 73-82, p. 79.130 Ibid.
56
professionnels131 ou simplement de vidéos amateurs exploitées par les organismes
culturels et touristiques. Dans notre cas, rappelons que nous nous intéressons
essentiellement aux vidéos touristiques au sens professionnel du terme, et non amateurs, la
qualité de la vidéo étant un facteur essentiel dans la stimulation visuelle de la sensibilité
des internautes.
Alors comment les organismes territoriaux de tourisme doivent-ils intégrer la vidéo
touristique dans leur stratégie marketing, et quel rôle cet outil promotionnel peut-il jouer à
l’échelle d’un territoire ? Pour répondre à cette question, nous nous appuierons sur un cas
précis d’un organisme ayant inclus pour la première fois dans sa stratégie de
communication la vidéo touristique.
II] ETUDE DE CAS : LE SYNDICAT MIXTE DE LA MONTAGNE ARDECHOISE
A – Présentation du SMA
Cet organisme, vous l’aurez compris, c’est le Syndicat Mixte de la Montagne
Ardéchoise (SMA), un organisme créé à l’automne 2000, prenant le relais de l’association
Tourisme en Montagne Ardéchoise (TEMA). Avec l’augmentation de la demande
touristique, la structure s’est développée et aujourd’hui, c’est une structure de coopération
intercommunale (ou syndicat mixte) qui couvre 33 communes de la montagne ardéchoise.
Elle est par ailleurs composée par les élus représentant le Conseil Général d’Ardèche, les
communes et les communautés de communes du territoire. Ces élus sont regroupés au sein
d’un Comité syndical et de son Bureau qui ont pour tâche d’assurer le développement
économique, local et touristique de la montagne ardéchoise dans le domaine des activités
131 Tel que les différents types de vidéos proposées par le classement de Grégoire Chartron, Annexe 2.
57
sportives de pleine nature et dans la mise en valeur du patrimoine naturel et bâti.
Actuellement, le fonctionnement de la structure est subventionné à plus de 55% par le
Conseil Général, contre 32% des recettes d’exploitation des services gérés par le SMA.132
En termes de marketing territorial, intégrer une démarche de communication est
primordial au développement touristique des collectivités133, mais pas seulement. C’est
une exigence manifestée également par les habitants locaux qui souhaitent davantage de
transparence dans la prise des décisions des élus et dans la structuration de projets
collectifs. En somme, l’un des objectifs principaux du SMA est de faire la promotion du
projet de développement du territoire de la montagne ardéchoise en communiquant et
fédérant les acteurs du tourisme et les habitants.
B – Une identité de la montagne ardéchoise
Selon l’article de Michel Barabel, maître de conférences en gestion des ressources
humaines, management et théorie des organisations à l'Université Paris-Est Créteil Val de
Marne (UPEC), le territoire que cherche à promouvoir les organismes territoriaux de
tourisme ne doit plus être perçu comme une entité spatiale contenant des zones d’activités
aménagées, mais davantage comme une communauté participant à son développement.134
Dès lors, pour le SMA, il ne s’agit plus seulement de promouvoir les activités touristiques
présentes sur le territoire ardéchois, mais également de valoriser une identité ardéchoise et
montagnarde forte au sein des communautés locales. Il est difficile de définir la notion
d’identité pour un territoire, néanmoins, on peut se baser ici sur une analyse proposée par
Valérie Girard-Millet, qui nous propose le tableau suivant :
132 Document Word et PowerPoint par Daniel Rixte , Présentation du SMA, et « 2008-05-14 présentation stratégies SMA par Daniel »133 GIRARD V. 1997 « Le marketing territorial », Actes du congrès de l’association française du marketing, Toulouse.134 BARABEL M. et al. 2010/2 « Les médias sociaux au service du marketing territorial : une approche exploratoire », Management & Avenir, No. 32, p. 233-253, p. 235.
58
Tableau : Le mix territorial135
Ce tableau résume parfaitement les composantes qui rentrent dans la définition
d’une identité territoriale. On peut comprendre grâce à ce tableau toute la difficulté pour
un organisme territorial de tourisme tel que le SMA à promouvoir l’ensemble de ces
composantes afin de créer un sentiment d’appartenance des habitants. Une difficulté
accentuée lorsqu’il s’agit d’appliquer une stratégie de communication touristique.
135 BARABEL M. et al. 2010/2 « Les médias sociaux au service du marketing territorial : une approche exploratoire », Management & Avenir, No. 32, p. 233-253, p. 236. et GIRARD-MILLET V. 1995 « Identité territoriale et marketing territorial : application du concept de Corporate Mix », Les cahiers Lyonnais de la recherche en Gestion, No. 16, p. 148-172.
59
C – La stratégie de communication du SMA
Des points de vues économique, politique et social, la stratégie marketing
territoriale adoptée par le SMA a porté ses fruits puisqu’elle a su à la fois vendre son
territoire aux touristes, établir un bilan de gestion auprès des élus locaux, et créer un
sentiment d’appartenance des habitants. Pourtant, il n’est pas simple de lier tous ces
aspects à une seule et même campagne promotionnelle. Toute la difficulté étant en effet
d’opérer une communication à la fois interne et externe au territoire. Nous l’avons vu en
effet, l’enjeu pour le SMA est d’effectuer une communication interne non seulement pour
convaincre les habitants de la pertinence des décisions prises par les élus, mais également
pour fédérer ces individus locaux autours d’un projet de développement territorial, de
valeurs, d’une culture et d’une identité montagnarde. Mais dans un même temps, cette
stratégie de communication doit promouvoir le territoire ardéchois dans d’autres régions
de France, voir même à l’étranger, afin de favoriser son développement touristique et donc
économique.
Nous l’avons vu, le marketing traditionnel n’est plus suffisant dans une société où
Internet est devenu incontournable en matière de communication. Il ne faut pas pour
autant oublier les outils traditionnels en matière de communication territoriale, tels que les
journaux municipaux, les affichages et la publicité, ou encore les radios et les chaînes de
télévisions locales, mais il ne s’agit là que de la communication interne. Une stratégie qui
ne remplit donc pas les nouvelles attentes du SMA, c’est-à-dire, une stratégie de
communication à la fois interne et externe. Pour répondre aux attentes des organismes
territoriaux de tourisme, nous avons mis en lumière l’intérêt d’utiliser le marketing en
ligne, et notamment les sites de partage de contenu. Le SMA possède une page officielle
sur le réseau social Facebook, et publie ainsi régulièrement l’actualité touristique. Cet
outil numérique a déjà permis au SMA d’établir une communauté autours de la structure et
du tourisme en montagne ardéchoise, et véhicule donc l’image d’une identité ardéchoise
via le rassemblement des habitants et internautes sur ce réseau social, et en provoquant la
rencontre des individus. C’est dans ce contexte que l’échange de contenu apparait.
60
Par contenu, rappelons qu’il s’agit là de commentaires, de documents audio,
d’images, et de vidéos véhiculés entre individus appartenant à la communauté en ligne.
Comme l’énonce Patrice Flichy136 dans son article, les grandes plateformes de web social
tendent à développer chez les usagers de nouvelles compétences et savoir-faire. Nous
l’avons expliqué dans la partie sur le fonctionnement de YouTube, l’utilisation de tels
outils du web social est simplifiée et accessible à tout un chacun : « La séparation entre le
statut d’auteur et celui de lecteur, ou de spectateur, devient de plus en plus ténue »137. Et
pour cause, le web social, et donc les sites de partage de contenu, ont mis en place de
nombreux dispositifs d’autoproduction ou, comme l’énonce Jean-Paul Fourmentraux138,
maître de conférence et chercheur à l’Université de Lille 3 et au laboratoire GERiiCO en
Sciences de la Communication, de « production de soi ». Ces nouvelles compétences et
savoir-faire vont permettre une meilleure appropriation du contenu déjà présent sur
Internet par les internautes.
C’est alors qu’intervient la vidéo touristique dont le dynamisme certain va
intensifier l’attention que porte la communauté en ligne envers le projet de développement
touristique initié par le SMA. Par ailleurs, si le SMA a accepté d’expérimenter ce nouveau
support de communication, c’est parce qu’il coïncide au changement de signature
institutionnelle initié par le Conseil Général d’Ardèche et le SMA. Cette nouvelle
signature a pour objectif majeure d’afficher plus clairement dans son appellation
l'investissement économique du département dans le Syndicat Mixte de la Montagne
Ardéchoise.139
136 FLICHY P. 2008 « Technique, usage et représentations », Réseaux, No. 148-149, p. 147-174, p. 166. Patrice Flichy est professeur de sociologie à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée et chercheur au Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés (LATTS).137 DOUEIHI M. 2009 « Le livre à l’heure du numérique : objet fétiche, objet de résistance », Les cahiers de la librairie, No. 7, p. 20-28, p. 26.138 FOURMENTRAUX J.-P. 2010 « Créer à l’ère des médias praticables : le net art 2.0 », Web social : mutation de la communication, p. 112-124, p. 112.139 Propos recueillis lors d’un entretien avec Marine Herrada, chargée de mission en communication au sein du SMA. Par ailleurs, on peut noter ici que le Syndicat Mixte de la Montagne Ardéchoise changera d’appellation en Ardéche Espace Montagne lors du lancement futur de la nouvelle signature institutionnelle.
61
D – Quelles particularités pour les organismes territoriaux de tourisme ?
En visionnant la vidéo touristique, les internautes vont non seulement stimuler
l’intérêt qu’ils portent pour le territoire, mais vont également s’emparer de ce média pour
« devenir eux-mêmes des acteurs de la communication territoriale ».140 Mais ce qui
caractérise l’usage de la vidéo touristique au sein des organismes territoriaux de tourisme,
et donc du SMA, est cette force de fédérer les acteurs du développement territorial et
touristique au niveau de la communication interne. En effet, en partageant la vidéo
touristique, les individus témoignent de leur désir d’adhérer à un patrimoine et un projet
commun. On assiste à un sentiment de fierté territoriale poussé par la vidéo touristique.
Cette expérience virtuelle, comme abordée précédemment, provoque également
l’hédonisme chez l’internaute, qu’il soit interne ou externe au territoire. Les concepts
associés à l’expérience vont donc se faire ressentir. Le plaisir, les sensations et
l’engagement sont autant de notions qui peuvent évidemment convaincre les touristes de
cette identité et de l’authenticité territoriale, et les pousser à expérimenter physiquement
les attraits présentés dans la vidéo touristique. On retrouve donc le modèle d’expérience
précédemment décri qui provoque la prise de décision de l’internaute autours des
émotions.
Mais ce sont là des notions comportementales et psychologiques qu’il nous est
difficile d’analyser au sein d’une structure telle que le SMA. La sensibilité relative à la
stimulation des internautes via la vidéo touristique est une notion qui varie évidemment
d’un individu à l’autre. Elle peut néanmoins être estimée en fonction des réponses
émotionnelles positives ou négatives communiquées via les réseaux sociaux et les outils
que proposent les plateformes de partage de contenu. Dans notre cas, le SMA a choisi
d’héberger les vidéos touristiques réalisées sur la plateforme YouTube. Cette dernière nous
propose un outil (Analytics) qui permettrait d’analyser l’audience que peut attirer une
vidéo sur YouTube. Grâce à cet outil, les organismes territoriaux de tourisme ayant choisi
140 BARABEL M. et al. 2010/2 « Les médias sociaux au service du marketing territorial : une approche exploratoire », Management & Avenir, No. 32, p. 233-253, p. 245.
62
d’intégrer la vidéo touristique à leur stratégie de communication possèdent un moyen
d’analyser en temps réel l’impact d’un tel média sur son audience.
Analytics : Un outil d’analyse de l’audience d’une vidéo sur YouTube.
63
En Vendée, le Puy du fou doit une bonne partie de son succès à sa position
géographique avantageuse au niveau des transports, et à une offre d’hébergement efficace
sur son territoire. Mais là où cet organisme fait beaucoup parler de lui, c’est dans sa
stratégie de communication qui récemment a inclus la vidéo touristique dans sa stratégie
de communication. Nous l’avons vu, l’utilisation de cet outil a fait ses preuves dans
l’organisme privé à renommée internationale, et c’est là un exemple sur lequel les
organismes territoriaux de tourisme peuvent s’appuyer. Afin de prouver la faisabilité de
cette démarche, nous nous sommes intéressés au Syndicat Mixte de la Montagne
Ardéchoise. Cet organisme a en effet récemment changé sa signature institutionnelle et a
décidé d’initier une stratégie de communication du territoire qu’elle recouvre. La vidéo
touristique est donc apparue comme un outil promotionnel essentiel à cette
communication. En décrivant le processus d’intégration de ce média, nous avons mis en
lumière une grande partie des éléments d’analyse présents dans les parties précédentes de
cette étude de recherche. Par ailleurs, nous avons souligné l’aspect fédérateur du
marketing territorial, et l’apparition d’une identité territoriale revendiquée par les
habitants. On a donc une influence de la vidéo touristique à deux niveaux : une
communication interne et externe au territoire qui contribue au développement d’un projet
territorial adopté par la population locale. La vidéo touristique doit donc être considérée
comme un outil à la fois promotionnel et relationnel. On retiendra pour conclure, la
citation de « La qualification territoriale ne peut-être le fait de quelques spécialistes, elle
doit être portée par une communauté qui s’identifie à ces valeurs qui lui sont propres.»141
141 BARABEL M. et al. 2010/2 « Les médias sociaux au service du marketing territorial : une approche exploratoire », Management & Avenir, No. 32, p. 233-253, p. 251.
64
CONCLUSION
L’usage massif des réseaux sociaux a indéniablement influencé notre pratique du
tourisme. En effet, avec l’avènement du web social, le partage de contenus virtuels entre
individus s’est généralisé, à tel point qu’il est rentré dans notre quotidien. Ce partage
massif d’informations a notamment connu un tournant avec l’apparition de la vidéo en
ligne. Ce média hébergé par les plateformes de vidéos en ligne va permettre de captiver
davantage l’attention des internautes grâce à l’image animée. Cet outil qui alimente les
sociabilités et les conversations va très vite contribuer à la création de nouveaux espaces
de médiation et attirer les professionnels du tourisme. Ces derniers vont voir dans la vidéo
touristique le moyen d’attirer une clientèle qui, dans le domaine du tourisme, est
aujourd’hui majoritairement présente sur Internet. Pour se différencier des autres contenus
audiovisuels, ces organismes touristiques vont privilégier la qualité technique lors de la
réalisation des vidéos. Mais est-ce suffisant ?
A l’aide des recherches exposées dans ce mémoire, nous avons mis en évidence
différentes catégories de vidéos touristiques. Le classement proposé nous a ainsi amené à
comprendre l’intérêt d’accorder plus d’importance à la créativité plutôt qu’aux stéréotypes
véhiculés par le tourisme. Alors comment transmettre la vidéo touristique aux touristes
potentiels ? Pour répondre à cette question, il a fallu nous intéresser au marketing en ligne.
Après l’étude de ce domaine, nous avons mis en évidence l’existence d’un marketing du
bouche-à-oreille appliqué sur Internet : le marketing viral. Dans notre cas, ce marketing
viral ne serait en fait que la prise de pouvoir des internautes sur le marketing des
destinations. En somme, ce modèle de marketing, par le partage d’informations via les
réseaux sociaux, aurait permis aux internautes de passer d’un comportement moutonnier
propre au marketing traditionnel, à une autonomie totale dans le choix de la publicité. Afin
de promouvoir leur destination, les professionnels du tourisme doivent alors tenter
d’intégrer l’une des communautés de touristes présentes sur le Web 2.0, entre autres grâce
65
à la vidéo touristique. Si le contenu de la vidéo touristique séduit alors les internautes, ces
derniers peuvent décider de partager cette expérience virtuelle sur l’un des réseaux
auxquels ils appartiennent. Le marketing viral encouragerait donc notre désir de partager
du contenu pour le bénéfice des autres et nous permettrait de dévoiler une part de notre
personnalité. La vidéo touristique jouerait donc ici le rôle de médiateur d’une expérience
désirée, actuelle, ou remémorée. Ce partage d’expérience témoigne évidemment d’une
satisfaction virtuelle (ou e-satisfaction) qui participe à la fidélisation du touriste. Mais de
quelle expérience parle-t-on ici ?
Certes, l’expérience véhiculée par une vidéo touristique n’est évidemment pas
physique, mais bien virtuelle. Alors en dehors du désir de partager son expérience,
comment cet outil numérique parvient-il à convaincre l’internaute ? Notre étude de
recherche nous a prouvé que les commentaires circulant sur les réseaux sociaux et de
partage de contenu participent à la création d’une communauté, et dans notre cas, une
communauté de voyageurs. Ces communautés mettent en évidence l’existence d’un
hédonisme imaginaire que l’on retrouve chez l’internaute lorsqu’il décide de visionner la
vidéo touristique. Les émotions transmises permettent à l’internaute d’échapper à son
quotidien, tout en restant dans le confort de sa résidence. Mais la comparaison établie
entre la pratique touristique liée à la vidéo et le tourisme de film nous a permis de
comprendre que le film cinématographique et la vidéo touristique peuvent pousser
l’internaute à effectuer un mouvement physique dans la destination désirée. Cette
influence s’effectue grâce à l’identification de marqueurs des destinations par l’internaute.
Ce dernier va en effet chercher à retrouver dans la vie réelle les marqueurs présents dans
une vidéo touristique ayant provoqué l’émotion. Le déplacement physique est également
favorisé par la recherche d’authenticité. Cette notion d’authenticité a longtemps divisé les
anthropologues, nous avons donc décidé de différencier trois catégories : l’authenticité
existentielle, l’authenticité chaude et l’authenticité mise en scène. Ainsi, grâce à la
définition de l’hédonisme et de ces trois catégories d’authenticité, nous avons pu
comprendre ce qui peut motiver les touristes à partir physiquement dans une destination
promue par la vidéo touristique.
66
Enfin, l’analyse concrète de la stratégie de communication adoptée par le Syndicat
Mixte de la Montagne Ardéchoise nous a été profitable dans la mise en application des
résultats obtenus précédemment à un organisme territorial de tourisme. Cette analyse nous
a par ailleurs permis d’apporter des éléments nouveaux dans l’explication du rôle de la
vidéo touristique dans la stratégie de communication des organismes territoriaux de
tourisme. Entre autres, nous avons mis en lumière l’aspect fédérateur de la vidéo
touristique et l’apparition d’une identité territoriale forte chez les internautes relayant ce
contenu vidéo. De la sorte, nous avons pu conclure que la vidéo touristique est un outil
enrichissant considérablement la stratégie de communication des organismes territoriaux
de tourisme, mais un outil que s’approprient les internautes afin de témoigner leur désir de
participer au développement touristique et économique d’un territoire.
La vidéo touristique ne se suffit pas à elle-même, mais il faut animer le débat, les
discussions et le partage qu’elle provoque. Cette animation autour de la vidéo montre
l’attractivité d’une destination par son dynamisme. Notamment par les commentaires liés à
la vidéo. On l’a vu dans cette étude de recherche, la vidéo touristique liée au marketing
viral offre la possibilité aux organismes territoriaux de tourisme d’avoir le même impact
promotionnel qu’une destination à forte popularité touristique. Encore faut-il savoir
utiliser cet outil à bon escient. Rappelons que la qualité d’une vidéo augmente
évidemment les chances que celle-ci soit visionnée. Mais dans un web social où l’attention
des internautes est constamment sollicitée, ne serait-il pas judicieux de miser sur
l’originalité et la créativité d’une vidéo touristique, quitte à rompre les limites entre vidéos
touristiques et vidéos artistiques ? Par ailleurs, pour obtenir une analyse plus exhaustive, il
nous faudrait davantage étudier les effets liés à cette expérience virtuelle produite chez
l’internaute, au niveau comportemental et psychologique des individus. Enfin, rappelons
qu’il s’agit là d’une étude de recherche ayant pour intention de transposer la vision
actuelle de la situation. Mais il est certain que cette situation est amenée à évoluer, tant
dans l’utilisation des outils numériques via le web social, que dans l’organisation des
structures territoriales de tourisme. Je pense notamment ici à l’avenir des structures telles
que le Syndicat Mixte de la Montagne Ardéchoise, lorsque la réforme territoriale mise en
67
place par François Hollande sera appliquée en 2017.142 En effet, ce redécoupage du
territoire français va amener à la suppression des Conseils Généraux de France prévue
pour 2020. Or, c’est bien de ces Conseils Généraux dont dépendent les organismes
territoriaux de tourisme. On peut donc s’interroger quant au devenir de ces structures.
N’oublions pas qu’une destination est amenée à renouveler son offre et, les outils du web
évoluant parallèlement, il est évident que le tourisme ne peut se fixer dans un modèle
marketing, mais s’adapter aux progrès des générations. Enfin, toutes les informations
consultées lors de la rédaction de ce mémoire tendent à penser que le Web initialement
composé de textes et d’images fixes tend à évoluer vers un Web où règnera la vidéo.
« Le web et le tourisme sont deux sphères étroitement liées et en perpétuelle
mutation. Evoluer dans cet environnement, c’est avoir la chance de pouvoir cultiver au
quotidien sa curiosité d’apprendre. »143
142 Site du gouvernement, 2014, Réforme territoriale : pour des régions plus fortes aux compétences affirmées, [Article en ligne, consulté le 07.06.2014]. <URL : http://www.gouvernement.fr/premier-ministre/reforme-territoriale-pour-des-regions-plus-fortes-aux-competences-affirmees >.143 Entretien avec Grégoire Chartron, consulter l’annexe 3.
68
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78
ANNEXES
Annexe 1 :
Entretien avec Marine Herrada, chargé de communication au Syndicat Mixte de la
Montagne Ardéchoise.
Lorsque Pascal t'as pour la première fois parlé de mon projet de réaliser une vidéo
touristique, qu'est-ce qui t'as interpelé dans cette proposition ? Pourquoi t'es-tu
intéressé à cet outil de promotion ?
La proposition de stage m'a interpellé car nous n'avions jamais eu une personne
ressource dédiée à ce type de support de communication. La vidéo étant un élément
important dans la promotion notamment virale, un support vidéo qui coïncidait avec notre
changement de signature institutionnelle, et le lancement de notre page Facebook.
La vidéo s'inscrivait donc dans une "mise à jour" de l'image ou de la communication
du SMA. Qui en a fait la demande ?
Le Conseil Général nous a demandé de changer de signature institutionnelle afin que le
syndicat mixte de la Montagne ardéchoise affiche plus clairement dans son appellation
l'investissement économique du département dans notre structure.
Quelles sont les objectifs de cette nouvelle campagne promotionnelle ? Je pense ici à
la nouvelle appellation "Ardèche, Espace Montagne".
79
Les objectifs sont d'afficher explicitement la participation (financière) du département
dans toutes les actions portées par le syndicat mixte de la Montagne ardéchoise.
Le marketing viral via les réseaux sociaux a véritablement explosé ces dernières
années, alors selon toi, quelle place occupe la vidéo touristique dans la promotion
d'une destination telle que le territoire géré par le SMA ?
La vidéo a une place fondamentale dans le marketing viral mais impose un
renouvellement important afin de drainer des flux. En termes d'image et d'ambiance, la
vidéo est indéniablement un formidable vecteur de communication. Après, cela reste un
support assez onéreux que des structures publiques de notre taille ne peuvent multiplier.
Lors de mon stage puis de mon contrat d’embauche, on a souvent fait le point
ensemble sur les différentes clientèles visées par le SMA. Les organisations tel que le
SMA cherchent-ils donc à attirer une clientèle plutôt familiale, jeune et sportive,
étrangère, séniore, ou toutes ces catégories a la fois ?
En fonction des produits, Ardèche Espace Montagne a des cibles différentes. Pour la
randonnée celle-ci n'est pas clairement établie à l'heure actuelle car nous sommes dans
une démarche territoriale qui devrait positionner le territoire de la Montagne ardéchoise.
Ardèche espace Montagne adoptera une stratégie en fonction de ces résultats.
Les vidéos touristiques sont en plein essor, et la promotion des petits territoires tels
que celui couvert par le SMA est selon moi de mieux en mieux travaillée. Penses-tu
que ces petites destinations, loin des foules de touristes, sont les nouveaux
« eldorados » du tourisme, ou un simple complément de l'offre touristique d'un
territoire plus large.
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Les vidéos doivent s'inscrire dans une démarche globale car diffusée de façon isolée, elles
ont beaucoup moins d'impact selon moi. C'est par la construction d'une stratégie
touristique ciblée et différenciatrice que les ''petits'' territoire marqueront leur différence.
Pour cela, le territoire c'est à dire l'ensemble des acteurs du territoire doivent avoir une
vision partagée des objectifs à atteindre... Chaque opérateur doit servir la destination et
leurs actions convergé en un même but : la construction d'une destination Montagne
ardéchoise.
Enfin, lors de la réalisation des vidéos, le SMA m'a donné une très grande autonomie
sur le terrain, mais suivait tout de même de très près mes travaux chaque semaine au
bureau. Si tu avais fait appel à un professionnel de production vidéo, aurais-tu opéré
ce même suivi ou aurais-tu donné carte blanche au réalisateur.
Réponse difficile. Je pense que le rôle du maitre d'ouvrage est de s'assurer que les
objectifs de la vidéo soient présents et donc de s'assurer que le maitre d'œuvre a bien
compris la commande. Pour moi je pense que la difficulté est pour le créatif de se mettre
au service de la commande tout en apportant son univers et sa 'touche' personnelle. Et la
difficulté pour le commandeur est de ne pas se substituer au réalisateur en imposant une
façon de filmer. Je pense que l'équilibre est fragile entre le suivi et la liberté. Après je
pense que cela dépend des réalisateurs car quand on connait le travail de certains
artistes, on leur passe commande pour qu'il exprime leur façon de mettre en scène.
Dans le cas de notre collaboration, je pense et j'espère que nous avons fait un suivi
régulier car c'était une première mission en tant que professionnel pour toi. Le cahier des
charges était défini clairement mais nous souhaitions avoir ton retour d'expérience
régulier pour savoir si le scénario devait être modifié. Nous avons proposé quelques
scènes de prises de vue pour te faciliter le travail de recherche mais nous ne sommes
jamais substitués à toi en ce qui concerne le choix des angles, appréciation de la lumière,
choix des protagonistes, etc.
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Annexe 2 :
Les différentes catégories de vidéos touristiques par Grégoire Chartron
1) Les vidéos réalisées avec un budget comparable aux longs métrages ou au
monde du cinéma :
AMINI B. 2013, Definitely Dubai, [Vidéo en ligne, (durée : 00:10:53), consultée le
15.12.2013].
< URL : https://vimeo.com/62153826 >.
2) Les vidéos utilisant des techniques de tournage novatrices :
- A) La time lapse : NEILL S. et DELEHANTY C. 2012, Yosemite HD, [Vidéo
en ligne, (durée : 00:03:57), consultée le 15.12.2013].
< URL : https://www.youtube.com/watch?v=MeQo-Rl9VFc >.
- B) Le tilt shift : LOUTIT K. 2012, The Lion City, [Vidéo en ligne, (durée :
00:05:46), consultée le 15.12.2013].
< URL : https://www.youtube.com/watch?v=mOK7mkohP8k >.
- C) Le stop motion : Verbier St-Bernard, 2011, One day in Verbier St-Bernard -
Stop-Motion, [Vidéo en ligne, (durée : 00:02:13), consultée 15.12.2013].
< URL : https://www.youtube.com/watch?v=5S44QxujBnA >.
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- D) La prise de vue par drone : SkyMotion Video, 2012, Tourism Partnership
of Niagara TV Spot, [Vidéo en ligne, (durée : 00:00:30), consultée le
15.12.2013]. < URL : https://www.youtube.com/watch?
v=67jOghn3BGA >.
3) Les vidéos avec un sujet référentiel : WANCERZ P. 2013, Peru & Bolivia | a
stop-motion journey, [Vidéo en ligne, (durée : 00:01:46), consultée le
15.12.2013].
< URL : https://vimeo.com/66019492 >.
4) Les vidéos incluant une célébrité : Barbados Tourism Authority campaign,
2013, Rihanna Barbados 2013 Campaign Video, [Vidéo en ligne, (durée :
00:01:27), consultée le 15.12.2013].
< URL : https://www.youtube.com/watch?v=V5kbjC96oss >.
5) Les vidéos décalées et humoristiques : MySwitzerland, 2011, La Suisse, ce
n'est pas que la montagne !, [Vidéo en ligne, (durée : 00 :01 :35), consultée le
15.12.2013].
< URL : https://www.youtube.com/watch?v=7SnwvaqM4cw >.
6) Les vidéos en lien avec un long métrage : Air New Zealand, 2013, Just another
day in Middle-earth #airnzhobbit, [Vidéo en ligne, (durée : 00:02:30),
consultée le 15.12.2013].
< URL : https://www.youtube.com/watch?v=C7q7WFMuxsg >.
7) Les vidéos participatives : Commission canadienne du tourisme (Canada
Explore | Explorez), 2012, Canada Shared by Canadians - Keep Exploring,
[Vidéo en ligne, (durée : 00:02:00), consultée le 15.12.2013].
< URL : https://www.youtube.com/watch?v=cotGh4Lu29M >.
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8) Les vidéos « carnets de voyage » ou le storytelling : LE LAY M. (en
collaboration avec la Commission canadienne du tourisme), 2014, Keep
Exploring - Brice Portolano, [Vidéo en ligne, (durée : 00 :09 :20), consultée le
28.02.2014].
< URL : https://vimeo.com/85148657 >.
9) Les vidéos qui surfent sur les tendances ou les vidéos « buzz » : MAZARD A.
(Social Unit), MOUGEL M. (MM Production) et FAUCHER L.(Akamedia),
2014, Pharrell Williams - Happy (We are from Clermont-Ferrand), [Vidéo en
ligne, (durée : 00:05:40), consultée le 15.05.2014].
< URL : https://www.youtube.com/watch?v=Wtnu_ZneZhg&noredirect=1 >.
10) Les vidéos qui alimentent les stéréotypes : The Bahamas, 2013, Behold The
Islands Of The Bahamas, [Vidéo en ligne, (durée : 00:01:00), consultée le
15.12.2013].
< URL : https://www.youtube.com/watch?v=QBQ63qb21po >.
11) Les vidéos inclassables : Villars Tourisme, 2013, La plus haute flashmob
jamais réalisée ! Version mobile, [Vidéo en ligne, (durée : 00 :10 :04),
consultée le 15.12.2013].
< URL : https://vimeo.com/57046634 >.
12) Et enfin on peut inclure à cette liste les vidéos sous forme d’épisode :
A) Visit Holland, 2014, Holland. The Original Cool. Episode 1: Can Cool be
Taught?, [Vidéo en ligne, (durée : 00:02:41), consultée le 29.05.2014].
< URL : https://www.youtube.com/watch?v=GlOu7MJALQ4 >.
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B) Visit Holland, 2014, Holland. The Original Cool. Episode 2: Can Cool Be
Experienced?, [Vidéo en ligne, (durée : 00:01:53), consultée le 29.05.2014].
< URL : https://www.youtube.com/watch?v=gupwaoYMMlk >.
Annexe 3 :
Entretien avec Grégoire Chartron, auteur du site internet leweboskop.fr spécialisé en e-
tourisme.
Peux-tu me raconter ton parcours dans le domaine du tourisme ?
Après avoir obtenu un BTS Tourisme en l’an 2000, j’ai tout d’abord fait le choix de me
lancer dans une aventure musicale en tant que percussionniste dans un groupe de
musique d’Afrique de l’Ouest jusqu’à 2004. Cette période m’a permis de beaucoup
voyager et donc de nouer un lien certain avec l’univers du tourisme.
Je me suis ensuite rapproché de ma formation initiale et j’ai eu l’opportunité de
travailler pour plusieurs destinations touristiques. J’ai débuté en 2005 à l’Office de
Tourisme de Lacanau en tant que simple agent d’accueil. J’ai ensuite été recruté en 2007
par l’Office de Tourisme de Montpellier comme Chargé de projet Etourisme. Depuis
2012, je suis Chargé de projet Web à Sud de France Développement.
Parallèlement à mon travail actuel, j’ai lancé en 2013 le blog www.leweboskop.fr
"Curiosité Digitale & Tourisme Numérique" dont les domaines de prédilection sont le
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webmarketing, la photo, la vidéo, les réseaux sociaux, le webdesign, le storytelling et les
nouveaux médias.
Quand as-tu commencé à t'intéresser au marketing touristique ou de manière plus
générale, à la promotion touristique via le web ?
Lors de ma formation en BTS, on était alors aux prémices du webmarketing touristique et,
malheureusement, la promotion touristique via le web ne faisait pas du tout partie du
programme d’enseignement…
Mes premiers pas dans le web remontent donc à 2002 lorsque j’ai voulu réaliser le site
web pour mon groupe de musique. N’ayant pas de moyen financier pour faire appel à une
agence web mais étant d’une nature curieuse et débrouillarde, je me suis donc auto-formé
afin de réaliser des sites web de manière autonome.
A la fin mon aventure musicale et à mon entrée dans le monde professionnel du tourisme,
j’ai réussi à capitaliser sur cette expérience et mes acquis numériques en les mettant à
disposition des différentes destinations pour lesquelles j’ai œuvré. J’ai dû alors compléter
mes connaissances et apprendre « sur le tas » à maîtriser les outils nécessaires au
déploiement d’une stratégie touristique numérique optimale. Pour ce faire j’ai réalisé et
réalise toujours une veille internet intense car le web et le tourisme sont deux sphères
étroitement liées qui sont en perpétuelle mutation.
Mon blog LeWeboskop me permet de faire partager mes réflexions et découvertes car, une
fois la phase d’apprentissage « terminée », je trouvais dommage de ne pas faire profiter
de ces éléments à mes homologues d’autres destinations.
Quelle démarche as-tu suivi dans la classification des vidéos touristiques que tu
proposes sur ton blog ?
En matière de promotion touristique sur le web et les réseaux sociaux, la vidéo prend
depuis quelques années une place grandissante et de nombreuses destinations investissent
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à juste titre dans ces contenus dont les touristonautes sont de plus en plus friands et
consommateurs.
On constate cependant une certaine disparité dans la qualité de réalisation des vidéos de
destinations…
Afin de mettre en avant les bonnes pratiques du genre et d’en faire profiter le plus grand
nombre, j’ai donc décidé de réaliser de manière mensuelle un « Best Of Vidéo et
Tourisme ».
Mes critères de sélection et de classification sont nombreux et pour certains assez
subjectifs… Je me base cependant sur plusieurs points :
- l’originalité, l’aspect novateur et créatif du scénario
- la justesse du ton utilisé et la pertinence de l’angle abordé par rapport à la cible
marketing visée
- la cohérence rythmique de la bande-son et du montage
- la qualité technique de réalisation (enchaînement des plans / séquences, finesse du
montage, traitement vidéo homogène)
- l’utilisation de techniques novatrices telles que le tilt shift, le time lapse ou encore les
prises de vues aériennes par drones…
- la durée de la vidéo
Qu'est-ce qu'une vidéo touristique réussie ? Ratée ?
Réussie => Difficile de répondre à cette question de manière juste et objective tant la
diversité du genre est grande. Je ne pense pas qu’il existe de recette unique afin de
réaliser LA vidéo de promotion touristique parfaite. Chaque destination dispose de ses
spécificités, d’une identité propre qui peut s’avérer complexe à retranscrire en vidéo. Le
challenge réside dans une mise en image pertinente pour une cible définie en saupoudrant
le tout d’une dose d’originalité afin de capter efficacement les internautes.
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Ratée => Le principal reproche que je peux faire à un grand nombre de réalisations de
destinations est leur côté parfois encore trop institutionnel et leur manque de créativité et
de pertinence stratégique.
En quoi la vidéo touristique est-elle un atout supplémentaire dans la promotion des
destinations ? Qu'apporte-t-elle de nouveau au marketing traditionnel ?
Comme le dit l’adage, une image valant 1000 mots, une vidéo de 2 minutes à 24 images
par seconde je te laisse faire le calcul… La vidéo permet de véhiculer encore plus
d’émotion et d’explorer de manière enrichie et profonde les différentes techniques de
storytelling afin de véhiculer l’image souhaitée et d’amplifier la présence d’une
destination sur la toile.
Grâce à ton blog, on te voit décrypter le web régulièrement, alors selon toi, la vidéo
touristique est-elle suffisamment répandue en France ou est-ce seulement un
phénomène observable aux "points chauds du tourisme" ou pour les grandes
destinations touristiques ?
Je pense que le média vidéo est encore sous exploité en France. Lors de ma veille
internationale, je constate que les destinations anglo-saxonnes sont beaucoup plus
productives dans ce domaine. Mais, malgré tout, force est de constater que la vidéo monte
en puissance au niveau national.
Bien évidemment, quand on se lance dans un projet vidéo, le budget disponible entre
grandement en jeu. Il est clair que les grandes destinations urbaines par exemple
disposent de moyens plus conséquents pour réaliser et diffuser massivement des contenus
vidéo. Cependant je pense que les petites destinations, en s’équipant d’un matériel
adéquat et en formant leur personnel à la prise de vue et au montage, ont leur carte à
jouer. Elles peuvent ainsi aisément créer et diffuser en toute autonomie leurs propres
vidéos qui se révéleront être un atout supplémentaire pour la promotion de leur territoire.
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La vidéo touristique est-elle un outil promotionnel de masse ou est-il possible de
cibler une clientèle spécifique ?
Tout est une question de définition stratégique en amont. Pour cibler une clientèle de
masse, chaque destination devrait disposer à minima d’une vidéo globale de présentation
de son territoire.
Ensuite, si l’on souhaite segmenter les messages et affiner ses cibles, il devient alors
nécessaire de réaliser des vidéos spécifiques mettant en avant certaines caractéristiques
d’un territoire qui intéresseront plus particulièrement une catégorie de vidéonautes.
Le nombre de vidéo mise en ligne chaque jour sur les grandes plateformes (Youtube,
Dailymotion, Vimeo...) atteint des chiffres record chaque année. La vidéo touristique
est donc évidemment amenée à évoluer. Quelles évolutions envisages-tu pour ce type
d'outil marketing ?
Je suis persuadé que les supports comme les vlogs, le webdocumentaire et autres web-
séries ont un bel avenir en termes de promotion touristique et deviendront dans les années
à venir des standards de communication incontournables !
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