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PERSPECTIVES DOUVERTURE A LA CONCURRENCE DU SERVICE PUBLIC DE
TRANSPORT FERROVIAIRE REGIONAL DE
VOYAGEURS De la Rgionalisation la Concurrence
Mmoire de Master 2
Sous la Direction de Monsieur Yves CROZET
Jury: Yves CROZET (IEP de Lyon, LET), Christian DESMARIS (IEP de Lyon, LET),
Laurent GUIHERY (LET)
Hugo TRENTESAUX
Master 2 Transport, Espaces, Rseaux
Laboratoire dEconomie des Transports
2010 - 2011
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REMERCIEMENTS
La rdaction de mon mmoire naurait pas eu lieu sans lattention dun certain nombre de
personnes que je me dois aujourdhui de remercier.
Je tiens tout dabord remercier le professeur qui a dirig mon mmoire, Yves CROZET, sans qui
ce travail naurait pas t possible, pour ses conseils et son attention.
Jadresse galement naturellement mes remerciements Christian DESMARIS et Laurent
GUIHERY qui ont accept de me rencontrer, de lire mon mmoire et de faire partie du jury de
soutenance, mais aussi Sylvie HAMELIN-TIBAUD, Gilbert FAVEAU, et Alix LECADRE, qui mont
accord leur temps pour un entretien.
Et puis, il mest impossible de conclure cette liste de remerciements sans remercier mes
relecteurs Anne-Marie, Cdrick, Florence, Louise, et ma famille, pour leurs remarques et conseils
aviss.
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NOTICE ANALYTIQUE
NOM PRENOM
AUTEUR TRENTESAUX Hugo
TITRE DU MEMOIRE Perspectives douverture la concurrence du service public de transport ferroviaire rgional de voyageurs : de la rgionalisation la concurrence
MASTER Transports, Espace, Rseaux
TABLISSEMENTS HABILITES
cole Nationale des Travaux Publics de lEtat Universit Lumire Lyon 2
ANNEE SCOLAIRE 2010-2011 DATE DE SOUTENANCE 20/09/2011
ORGANISME D'AFFILIATION ET LOCALISATION NOM PRENOM
DIRECTEUR DU MEMOIRE
Laboratoire dEconomie des Transports
IEP de Lyon
CROZET Yves
NOMBRE DE PAGES
NOMBRE D'ANNEXES NOMBRE DE REFERENCES
COLLATION 136 8 72
MOTS CLES Concurrence - Ferroviaire TER Rgionalisation Rglement OSP Rapport GRIGNON - Industries de rseaux -
TERMES GEOGRAPHIQUES
France Allemagne Sude Rhne-Alpes Lyon Saint-Etienne Saint-Gervais-les-Bains-le-Fayet-Vallorcine Ouest Lyonnais
RESUME La question de la libralisation du transport ferroviaire rgional de voyageurs en France est un sujet dactualit en 2011. Il est dactualit dune part par la publication en 2007 du rglement OSP, et dautre part en France avec la remise fin mai 2011 du rapport GRIGNON qui comporte des propositions afin de mettre le droit franais en conformit avec le rglement OSP. Il importe de replacer cette question dabord dans son contexte conomique : celui de la rgulation historique puis de la drgulation de lindustrie ferroviaire, industrie aux caractristiques particulires. Cest le premier temps de ce mmoire. Un second chapitre revient sur le contexte franais spcifique dans lequel se pose la question de la libralisation des TER : le pass rcent avec la rgionalisation, le prsent avec un service public cher, la publication du rapport GRIGNON, et le peu dempressement des acteurs rgionaux semparer du sujet. Un dernier temps focalise sur le cas Rhne-Alpin en tentant de montrer comment dans cette rgion clef pour le TER, si aucune exprimentation nest envisage ce jour, celle-ci semble possible, et, peut-tre, souhaitable.
TITLE + ABSTRACT Perspectives of a possible opening in the competition of the public service of passengers' regional rail transport system in France: from regionalization to competition.
The question of the liberalization of passengers' regional rail transport system in France is a topical subject in 2011. It is so for many reasons: on the one hand because of the publication in 2007 of the Regulation (EC) No 1370/2007 on public passenger transport services by rail and by road, and on the other hand because of the publication in France at the end of May 2011 of the GRIGNON report. It is important to replace this question at first in its economical context: that of the historic regulation and then the deregulation of the rail industry, industry which has particular characteristics. It is the first chapter of this report. A second chapter returns on the specific French context of the possible liberalization of TER (Regional Express Trains): the recent past with the regionalization, the present with an expensive public service, the publication of the GRIGNON report, and the reluctance for the regional actors to seize the subject. A last chapter focuses on the case of Rhne-Alpes by trying to show how, in this key region for the TER, if no experiment is considered this day, that solution could still be possible, and, maybe, wished for.
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SOMMAIRE
Introduction ............................................................................................................................. 9
Chapitre 1er La rgulation des transports ferroviaires rgionaux de voyageurs : une rgulation
particulire pour un objet particulier ...................................................................................... 19
A. Libralisation et Rgulation des Industries de rseaux ........................................................ 20
B. La libralisation de lindustrie ferroviaire en Europe ........................................................... 26
C. Concurrence sur le march et concurrence pour le march................................................ 32
D. Quelles autres mthodes de rgulation du transport rgional de voyageurs ? .................. 40
Chapitre 2 Un contexte franais spcifique, ou la difficult de dpasser la Rgionalisation .... 45
A. De la Rgionalisation russie la concurrence .................................................................... 46
B. Le rapport GRIGNON : vers un acte 2 de la Rgionalisation ? .............................................. 55
C. Un jeu somme nulle qui rend la mise lagenda de la concurrence dlicate ................... 62
D. Quel positionnement pour les AOTR ? ................................................................................. 70
Chapitre 3 Regard Rhne-Alpin sur lexprimentation de la concurrence TER ........................ 83
A. Une monte en comptence progressive du Conseil Rgional ............................................ 84
B. La situation du TER en Rhne-Alpes en 2011 : la situation franaise exacerbe ? .............. 87
C. Vers une exprimentation en Rhne-Alpes ? ....................................................................... 94
Conclusion ........................................................................................................................... 107
Table des sigles .................................................................................................................... 111
Bibliographie ....................................................................................................................... 113
Annexes ............................................................................................................................... 119
Table des matires ............................................................................................................... 133
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INTRODUCTION
Attendu depuis plus dun an, la publication le 18 mai 2011 du rapport du Snateur Francis
GRIGNON intitul Conditions pour une exprimentation portant sur louverture la concurrence
des services de transports ferroviaires rgionaux de voyageurs , apporte une perspective
nouvelle la rflexion thorique sur louverture la concurrence du service public de transport
ferroviaire rgional de voyageurs.
La version provisoire du rapport, disponible en ligne depuis quelques mois a subi un certain
nombre dvolutions. Le titre de ce rapport parle de lui-mme puisque Pour une ouverture
progressive la concurrence des services de transports ferroviaires rgionaux de voyageurs a
laiss la place une tournure nettement moins affirmative prsentant simplement les
conditions pour une exprimentation .
Le secteur ferroviaire est un des monopoles historiques en France et sa libralisation progressive
y soulve de nombreuses questions. Ce processus progressif de libralisation a commenc
concrtement en 1997 avec la cration de Rseau Ferr de France (RFF), pr-requis toute
ouverture des marchs, mais na pris une tournure visible quen 2006 avec louverture la
concurrence du transport de marchandises. Malgr tout, si la libralisation du transport de
marchandises a eu des consquences concrtes, et dcries chez les acteurs du secteur, la
faiblesse du fret ferroviaire franais et son faible impact sur le grand public nont pas permis ce
dernier de prendre conscience des changements luvre dans le secteur du ferroviaire et des
modifications que peut entrainer la libre concurrence.
Cette absence de prise de conscience des changements luvre depuis 1997 est une premire
raison de la naissance relativement tardive du dbat sur le sujet de la concurrence, et
notamment concernant les services de transport ferroviaires rgionaux de voyageurs.
Une autre raison expliquant le caractre tardif de ce dbat est que le systme TGV , de par
son succs et lengouement dont il a t lobjet, tout comme par ce quil rapporte la SNCF et
RFF, fait aujourdhui lobjet de beaucoup plus dattentions que le transport rgional. Ainsi, la
concurrence sur les lignes grande vitesse pour les liaisons intrieures est dans tous les esprits.
Pourtant, pour bien des raisons intrinsques au systme TGV , elle nest pas forcement la plus
envisageable court terme. Par bien des aspects, louverture la concurrence de certaines lignes
rgionales de transport de voyageurs est plus probable et plus proche mais na pas t
mdiatise auprs du grand public. Elle a fait pourtant lobjet de nombreux travaux de recherche
et de benchmark.
Sintresser aux perspectives douvertures la concurrence du transport ferroviaire rgional
amne questionner diffrentes notions et champs de recherches. Cela ncessite de travailler
sur les conceptions du service public et notamment du service public de transport, mais
galement sur la question de lefficience de largent public et de lefficacit conomique dun
10
systme complexe tel que le ferroviaire. Cela ncessite galement de travailler sur lide de
rforme la fois du point de vue politique, social et socital.
Quand le monde ferroviaire franais prend le tournant de la concurrence
Le monde ferroviaire franais est, jusqu prsent, fortement en retrait dans son ouverture la
concurrence par rapport dautres pays europens.
Aujourdhui les transports ferroviaires franais se caractrisent par trois situations diffrentes. Il
faut distinguer les secteurs rguls des secteurs ouverts la concurrence et des secteurs
en cours douverture .
Pour le premier, la SNCF est tenue dassurer une mission de service public qui est dfinie par
lautorit publique. Il sagit ce jour du transport rgional de voyageurs pour le compte des
Conseils Rgionaux, des Trains dits dEquilibre du Territoire (TET)1, ainsi que de la
maintenance de linfrastructure pour le compte de Rseau Ferr de France via une dlgation de
service public et enfin de la gestion des gares. Ces missions de services publics sont dfinies et
finances par les pouvoirs publics.
Les secteurs ouverts la concurrence en France, et pour lesquels cette concurrence est effective,
quoi que balbutiante, sont le transport de marchandises, et lingnierie ferroviaire.
Enfin, le secteur du transport de voyageurs longue distance est en cours douverture avec, ce
jour, une concurrence possible, mais non effective, sur les transports de voyageurs
internationaux. Dans ce domaine les compagnies ont trouv jusqualors leur intrt dans des
alliances type rail team et des filiales communes (Thalys, Eurostar, Lyria, etc.).
Le tournant de la concurrence se dcompose en beaucoup dvolutions. Cela sexplique par un
secteur ferroviaire trs htrogne et donc comprenant des modles conomiques diffrents
suivant les activits.
Concurrence et monopole
Avant de rentrer dans le dtail des perspectives de concurrence dans le secteur spcifique des
services de transports ferroviaires rgionaux, il convient de rappeler les racines de cette notion
conomique de concurrence. M-A. FRISON-ROCHE en propose une dfinition particulirement
intressante.
Si on la dconnecte de toute ide ferroviaire, elle rappelle que la concurrence est la situation
dans laquelle les agents sur le march sont la fois mobiles, cest--dire libres dexercer leur
volont, et atomiss, cest--dire non regroups entre eux. Cela est vrai pour ceux proposant un
1 Trains dEquilibre du Territoire : Il sagit de 40 liaisons Corail, Intercits, Toz et Luna dfinies par la convention du
13 dcembre 2010 signe la SNCF et le ministre du dveloppement durable. (Cf. Annexes 1 et 2)
11
bien ou un service, les offreurs, comme pour ceux cherchant les acqurir, les demandeurs. 2
Lobjectif dun tel systme de rencontre de loffre et de la demande tant de permettre une
baisse des prix ainsi quune augmentation de la qualit du produit ou du service propos pour un
prix donn.
Certaines industries font pourtant lobjet dun monopole, et pour la plupart dentre elles, de
monopoles longtemps dfendus, notamment, par lEtat franais.
M-A.FRISON-ROCHE y voit la prise en compte de services publics. Elle note ainsi que si lon
considre que les secteurs rguls relvent dune toute autre logique que la logique
concurrentielle, () alors certains comportements, notamment monopolistiques, ne sont pas
illgitimes en soi et nont pas se justifier face au modle concurrentiel, car ils nen constituent
pas lexception 3.
Concurrence et service public de transports de voyageurs
Certaines lignes exploites actuellement par la SNCF sont dficitaires et celle-ci ne trouve pas
forcement de logique conomique leur maintien. Elle dispose malgr tout dune obligation de
maintenir leur exploitation du fait du monopole dont elle bnficie sur lexploitation des services
nationaux de voyageurs. Il sagit de certains trains TET. Ces TET sont composs des trains
Intercits, Toz et Luna, dnommes de manire gnrique Trains Corail . Il sagit galement
de certaines liaisons TER et de quelques services TGV lourdement subventionns.
L'quilibre financier de ces lignes reposait en partie sur l'existence d'une prquation interne la
SNCF entre les produits et les charges de lensemble des lignes exploites : les lignes grande
vitesse, globalement excdentaires, permettaient de financer les lignes Corail, globalement
dficitaires.
Dans le contexte de mise en uvre du rglement europen n 1370/2007 du 23 octobre 2007
relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, dit
rglement OSP pour obligations de service public , et de louverture la concurrence des
services internationaux de transport ferroviaire de passagers, le financement des TET sous la
forme dune prquation interne la SNCF ne sera plus possible. Aussi, il a t dcid par le
Gouvernement la mise en place dun mcanisme dexternalisation de cette prquation, sous la
forme dun dispositif de conventionnement entre ltat et la SNCF pour lexploitation des TET,
conformment au rglement OSP (cf. Annexes 1 et 2).
Par ce dispositif, ltat devient lAutorit Organisatrice (AO) des TET. Il dfinit travers une
convention avec la SNCF, les obligations de service public que lexploitant devra assurer pour
lensemble de ces trains, en matire de desserte des gares, de frquence, de maintenance et de
rgnration du matriel roulant existant. En contrepartie de la ralisation de ces obligations de
service public, la SNCF reoit une compensation de lAutorit Organisatrice (AO) afin de
contribuer au financement du dficit dexploitation.
2 FRISON-ROCHE M-A., Les 100 mots de la rgulation, 2011, p.38
3 Ibid. p.39
12
La rgionalisation ferroviaire : Le renforcement du service public rgional de voyageurs
Le transport rgional de voyageur est galement une mission de service public dfini cette fois
par les Conseils Rgionaux en tant quAutorits Organisatrices (AO). Proposer aux citoyens une
offre de dplacement pertinente et efficace fait partie depuis 2002 de leurs comptences. La
SNCF, tablissement public bnficiant dun monopole sur le transport ferroviaire de voyageurs
de par larticle 18 de la Loi dOrientation des Transports Intrieurs (LOTI), est tenue, en change
de compensations financires, de raliser pour le compte des Conseils Rgionaux ces missions de
service public. Celles-ci sont dfinies dans des conventions pluriannuelles. Les Conseils Rgionaux
ont comptence pour dcider de la desserte ferroviaire rgionale et de la desserte routire de
substitution, de la consistance des services en gare, de la tarification, de la qualit du service, de
linformation de lusager et de la ralisation dtudes. 4
Par son histoire et son pass dentreprise dEtat caractre monopolistique, la SNCF est
aujourdhui le seul exploitant du service de transport ferroviaire rgional et elle ne peut se
soustraire son obligation de service public.
La comptence transport des excutifs rgionaux : la rgionalisation
Les Rgions sont Autorits Organisatrices de Transport (AOT) depuis 2002 par la loi Solidarit et
Renouvellement Urbains (Loi dite SRU de 2000). Elles sont aujourdhui contraintes de confier
leurs services de transports rgionaux de voyageurs la SNCF, avec peu de marges de
manuvre.
A lexception de sept rgions exprimentales, les premires conventions entre les excutifs
rgionaux et la SNCF datent de 2002. Il sagit prcisment de conventions dexploitation du
service public de transport rgional de voyageurs, c'est--dire dune contractualisation avec la
SNCF. En effet, si la rgion fixe les conditions dexploitation et de financement, elle procde
aujourdhui, par le biais de cette contractualisation, une attribution directe sans mise en
concurrence. Cest le principe de lattribution directe que remet en cause lide de concurrence.
Les transports rgionaux constituent aujourdhui lune des comptences majeures des rgions.
Cette comptence reprsente en effet une large part du budget, mais elle est galement
majeure en termes de communication. Elle permet en effet aux rgions de montrer leur poids
grandissant sur leur territoire, en tant fortement visibles. La comptence transports a trs
fortement jou sur le renforcement de lindpendance des excutifs rgionaux suite aux
mouvements de dcentralisation.
Il convient ce stade de prciser les lments de la comptence des rgions et ce que lon
entend par service public de transport rgionaux . Larticle 21-1 de la loi SRU donne
comptence aux rgions la fois sur les services ferroviaires rgionaux de voyageurs, qui sont
les services ferroviaires de voyageurs effectus sur le rseau ferr national, l'exception des
services d'intrt national et des services internationaux , mais galement sur les services
4 Rgion Rhne-Alpes, Convention Rgion Rhne-Alpes - SNCF 2007-2014, 2007, p.12
13
routiers effectus en substitution des services ferroviaires *dintrt rgionaux] , et au-del sur
les services routiers rguliers non urbains d'intrt rgional 5. La comptence est donc
conditionne lexistence dun intrt rgional aussi bien pour les services routiers que
ferroviaires. Il existe une exception notable pour lIle-de-France, rgion pour laquelle le Conseil
Rgional nest pas Autorit Organisatrice puisquil sagit de la comptence du Syndicat Mixte des
Transports dIle-de-France (STIF). Elle est malgr tout le premier contributaire financier du STIF.
Le TER : une marque qui nappartient pas aux rgions
Dans ce mmoire, nous utiliserons rgulirement et dans un souci de simplicit et de lisibilit
lacronyme TER pour Transports Express Rgionaux . Les services de transports rgionaux
sont en gnral connus sous ce nom, mme si lacronyme lui-mme est une marque de la SNCF
et non pas une marque dpose par les Rgions. Les TER sont en effet ns en 1988 comme lune
des marques commerciales de la SNCF. Cette marque se dcline dans lensemble des rgions
SNCF lexception nouveau de lIle-de-France (et de la Corse). La cration de la marque TER
tait loccasion de redynamiser le transport public local avec un produit dont limage sinspire du
TGV. 6 Il sagit bien dune marque SNCF, au sein de la branche SNCF Proximits au mme titre
que le Transilien, Intercits, les Chemins de Fer de la Corse, Kolis et Effia.
Contexte juridique de la concurrence au niveau des TER
La convention passe entre les Conseils Rgionaux et la SNCF est un contrat de service public (art
21-4 LOTI), mme si celui-ci est pass sans mise en concurrence.
A ce jour, le droit communautaire a largement contribu louverture la concurrence des
marchs ferroviaires par le biais des diffrents paquets ferroviaires , autrement dit par des
ensembles de directives, mais aucune ne mentionne louverture la concurrence des services
intrieurs de voyageurs. En revanche, le rglement relatif aux services publics de transport de
voyageurs par chemin de fer et par route (CE n 1370/2007), dit rglement OSP concerne les
services intrieurs de voyageurs.
Ce rglement, sil est souvent considr comme obligeant louverture la concurrence des
services rgionaux, les sort au contraire du champ de paquets ferroviaires existants (et dune
future libralisation des transports ferroviaires nationaux de voyageurs) au nom de leur besoin
de financements publics.
L autorit locale comptente , telle que nomme par le rglement dispose de deux options :
soit lattribution directe du service un oprateur, soit la mise en concurrence par le biais dune
concurrence pour le march telle que lon peut la retrouver dans les transports publics urbains.
La premire option, qui est celle en vigueur en France actuellement, est clairement prsente
5 Article 21-1, loi SRU, Legifrance.gouv.fr
6 CALVIER J., Lapproche clients comme moyen de concilier une logique de service et les projets damnagement de
gares, Mmoire de DESS TURP, LYON 2 - ENTPE, 2004, p.10
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par le texte comme une drogation la premire. Le droit franais fait donc aujourdhui la rgle
dune exception du texte europen.
Ce rglement est entr en vigueur le 3 dcembre 2009 et a ouvert un dbat en France sur son
interprtation. La premire interprtation possible est que le texte nimpose pas de modification
de larticle 18 de la LOTI, relatif au monopole de la SNCF pour le transport de voyageurs sur le
Rseau Ferr National (RFN). La seconde interprtation possible est que le rglement sadresse
aux rgions et leur donne la possibilit, ds son entre en vigueur, de choisir entre la mise en
concurrence et lattribution directe. Le droit europen primant dans la hirarchie des normes,
larticle 18 de la LOTI deviendrait alors caduc.
Initialement, la position officielle de la France tait favorable la premire interprtation comme
la rappel Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, alors Secrtaire dEtat Charge de lEcologie, en
rpondant une question orale au gouvernement du Snateur Hubert HAENEL le 13 janvier 2009
au Snat. Elle sexprimait ainsi : En toute hypothse, le rglement OSP ne remet pas en cause le
monopole lgal confr la SNCF par larticle 18 de la Loi dOrientation des Transports Intrieurs
de voyageurs sur le Rseau Ferr National 7. Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, devenue depuis
Ministre en charge de lEnvironnement, du Dveloppement Durable, des Transports et du
Logement, affirmait pourtant le 16 juin 2011, lors dun colloque organis par le Conseil
Economique, Social et Environnemental de la Rpublique (CESER) sur louverture la
concurrence du transport rgional, que la concurrence matrise est la bonne manire
datteindre un mieux disant ferroviaire 8.
La position de la Commission Europenne a t rappele par Antonio TAJANI au nom de la
Commission en fvrier 2009 suite une question crite du Dput Europen Gilles SAVARY. La
position de la commission est rsume dans cette phrase : [le rglement OSP] ne permet pas
ladoption ou le maintien dune lgislation nationale qui prohiberait aux autorits comptentes la
facult de mettre en concurrence les contrats de services publics ferroviaires en imposant, en
droit ou en fait, lattribution directe de ce type de contrats. 9
Les divergences et ambiguts du contexte lgislatif ne sont pas leves. Une nouvelle pierre la
rflexion sur lvolution lgislative a t demande en mars 2009 par le Prsident de la
Rpublique au Snateur du Bas-Rhin Francis GRIGNON. Celui-ci ne prend pas position sur
linterprtation du rglement OSP, ni sur le bien fond ou non de la concurrence pour les TER,
mais prsente, depuis plus dun an maintenant, des propositions pour modifier la LOTI. Ces
propositions ont tard venir lagenda politique mais ont finalement t rendues publiques en
mai 2011.
Les rebondissements du Rapport de la Commission GRIGNON
Cette Commission devait initialement rendre son rapport au printemps 2010. Cependant, la
prsentation du rapport fut une premire fois reporte la rentre 2010 pour consulter les 7 Snat.fr, sance du 13 janvier 2009.
8 Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, CESER, Palais dIna, Paris, 16 juin 2011
9 Europarl.europa.eu, Question crite pose par Gilles Savary (PSE) la Commission, P-0563/09
15
nouveaux excutifs suite aux lections rgionales. Aprs les lections, en plein conflit sur la
rforme des retraites, celle-ci fut nouveau gele, vu le sujet hautement polmique.
Lobjectif du rapport est de prsenter les modifications possibles de la LOTI pour se mettre en
conformit avec le rglement OSP et mettre en place un systme pour une exprimentation de
louverture graduelle la concurrence au niveau rgional. Il sagit d *] envisager lensemble
des conditions de faisabilit dune ouverture la concurrence en examinant les points dlicats
traiter et de proposer un encadrement lgislatif qui, tout en modifiant la loi du 30 dcembre 1982
dorientation des transports intrieurs, rende possible louverture la concurrence en mettant en
place un dispositif acceptable par lensemble des acteurs du secteur ferroviaire. 10
Ce mouvement de libralisation se veut la suite du mouvement de rgionalisation. La
rgionalisation ferroviaire a t en effet salue unanimement comme une entreprise russie,
voire mme, comme lcrivait le Snateur du Haut-Rhin Hubert HAENEL en 2008 dans son
rapport au Premier Ministre, comme la russite la plus emblmatique de la dcentralisation
franaise : le service offert est aujourdhui sans commune mesure avec ce quil tait avant le
transfert de comptences. 11.
Si la dcentralisation pousse ntait pas sans risque et sans difficults dans la France de la fin du
20me sicle, les mouvements de libralisation ne sont pas non plus sans enjeu et sans risque. Ils
cristallisent au moins tout autant les antagonismes politiques et sont vecteurs de changements
profonds dans les structures conomiques de secteurs de monopoles concerns.
Un contexte changeant et des enjeux de taille pour les Conseils Rgionaux
Le contexte juridique, sil nest pas forcment clarifi avec la remise du rapport GRIGNON,
impose des volutions moyen voire court terme. La remise officielle du rapport oblige les
acteurs se positionner sur la question de la libralisation du transport dintrt rgional.
Dautre part, la situation du point de vue de la qualit de loffre et des finances publiques des
rgions va dans le sens dune volution profonde et ncessaire du systme TER actuel et
pousse sa rforme, quelle passe ou non par lexprimentation de la concurrence.
Un certain nombre de dfis sont donc relever par les Conseils Rgionaux et imposent un
questionnement systmatique de ce mouvement de libralisation. Comment les Conseils
Rgionaux pourront-ils passer de la rgionalisation du transport ferroviaire de voyageurs sa
libralisation ? Quelles opportunits et quels risques cela implique-t-il aussi bien pour ces
institutions que pour la SNCF actuellement en situation de monopole ? Quels sont les ventuels
facteurs incitatifs et les blocages ?
Diffrentes hypothses peuvent tre formules ce stade. On peut en effet anticiper diffrents
risques majeurs. Un premier risque est de considrer louverture la concurrence comme la
solution miracle lensemble des dysfonctionnements du systme actuel. A linverse, le poids de
10
GRIGNON F., Conditions pour une exprimentation portant sur louverture la concurrence des services de transports ferroviaires rgionaux de voyageurs, 2011, p.6 11
HAENEL H. Des rgions lEurope : les nouveaux dfis du chemin de fer franais, 2008, p.89
16
limaginaire ngatif par rapport cette concurrence et limaginaire collectif li la SNCF, et au
service public la franaise, risquent dempcher toute nouvelle exprimentation en matire de
transport ferroviaire dintrt rgional.
Par certains aspects, on peut pourtant galement penser que la libralisation pourrait, si elle est
mise en uvre de faon rflchie et pragmatique, tre synonyme de la poursuite de la monte
en comptence des Conseils Rgionaux et de la monte en efficacit de la SNCF. La maitrise de
leur politique de transport est en effet encore loin dtre optimale pour les rgions et lefficacit
de la SNCF sur certaines liaisons est trs clairement sujette caution. Reste alors poser les
garde-fous ncessaires cette volution dlicate. A cet gard, le recours lexprimentation,
comme outil de mise en place dune politique publique semble dans la continuit de la
rgionalisation.
***
Lobjet de ce travail de recherche est dapporter des premiers lments de rponse aux
interrogations que pose la perspective de libralisation des TER. Il sagira de confirmer ou
dinfirmer la cas chant les quelques hypothses formules.
A priori, lobjectif nest pas de se prononcer pour ou contre le principe de louverture la
concurrence des TER, mais au contraire de donner des lments de rationalisation de cette
possibilit douverture la concurrence. Il faudra pour cela montrer le contexte dans lequel ce
mouvement de libralisation sinscrit, de mettre plat les enjeux lis la concurrence. La
concurrence faisant lobjet dun marquage politique fort est un sujet qui a une forte tendance
cliver et ne pas permettre un dbat serein. Il sagit en dautres termes de trouver un
positionnement pragmatique hors du clivage que le sujet impose trop facilement.
Ce mmoire sattache questionner les volutions en cours dans le transport rgional de
voyageur en France compte tenu des volutions du contexte lgislatif national et europen. Il
revient dans un premier temps sur les spcificits conomiques des industries de rseaux et
notamment du transport ferroviaire de voyageurs. Les spcificits de cette industrie de rseau
expliquent sa difficile libralisation et les nombreuses procdures mettre en place de manire
proactive pour ouvrir les marchs (Chapitre 1er). Dans un second temps, en se focalisant sur le
cas franais, ce mmoire questionne la mise en place de procdures exprimentales de
concurrence pour le march, ainsi que leur bien fond et met en lumire les risques de blocages
dune telle mise en place (Chapitre 2nd). Enfin, le chapitre troisime propose un regard spcifique
sur la Rgion Rhne-Alpes, rgion aux caractristiques ferroviaires particulires et qui a fait
preuve dun volontarisme en la matire. Lobjectif est dapprhender la position du Conseil
Rgional Rhne-Alpes, les perspectives douverture la concurrence sur ce territoire et les
ventuelles zones de pertinence de lexprimentation dune forme de mise en concurrence
(Chapitre 3me).
17
Tout au long de ce mmoire, on trouvera sans sen tonner un certain nombre dexemples et de
comparaisons avec dautres pays europens, notamment lAllemagne, la Grande-Bretagne ou la
Sude. En effet, dautres pays ont connu des processus de rgulation et de concurrence avec des
mthodes et calendriers diffrents quil nest pas inintressant de regarder.
Enfin, comme lconomie publique est souvent proche de ltude des politiques publiques par
certains aspects, ce mmoire est la fois un mmoire dconomie des transports et de science
politique tant les deux disciplines sont lies dans notre tude.
19
CHAPITRE 1ER
LA REGULATION DES TRANSPORTS FERROVIAIRES REGIONAUX DE
VOYAGEURS : UNE REGULATION PARTICULIERE POUR UN OBJET
PARTICULIER
Lexpression Industries de Rseaux renvoie diffrentes activits qui utilisent un rseau. Il
sagit notamment du secteur des tlcommunications, du secteur de lnergie, ou encore du
transport ferroviaire. De par lexistence dun rseau, ces secteurs se caractrisent par des offres
et demandes particulires et ils font en gnral lobjet dune grande concentration, voire de
monopoles.
Une autre dimension particulire est le caractre de service public de lobjet de certaines
industries de rseaux. Ces industries nont donc pas dans leurs productions pour objectif premier
la rentabilit mais la ralisation dune forme dintrt gnral. Cette caractristique historique a
fait que les monopoles constitus ont souvent t des monopoles publics.
Nicolas CURIEN, membre de lAutorit de Rgulation des Communications Tlphoniques et des
postes (ARCEP) a propos des conditions didentification des industries de rseaux (N. CURIEN,
2005). On y retrouve cinq critres. Le premier critre est de savoir si le consommateur bnficie
() dun effet de club12, c'est--dire dterminer si laugmentation du nombre dutilisateurs du
rseau ou du nombre de services offerts par le rseau, augmente lutilit des autres utilisateurs.
Le deuxime critre concerne les synergies de production . Autrement dit, existe-t-il de forts
cots fixes lis linfrastructure qui rendent possibles des conomies dchelles ? Le troisime
critre consiste en lexistence de subventions croises entre des types de services diffrents
ou entre des types dusagers. Ainsi, un service dont le prix est infrieur au cot est financ par un
autre service du rseau dont le cot est infrieur au prix. Ces financements croiss sont
particulirement prsents dans les contextes de monopoles de services publics. Le quatrime
critre identifi par N. CURIEN est relatif lexistence dun conflit de frontire () entre
domaines sous monopoles et concurrentiels13 notamment avec la diversification des services
finals. Le dernier critre est celui de la forte rgulation du secteur.
Ces cinq critres sappliquent parfaitement au cas des transports de voyageurs. Cette industrie
de rseau est galement caractrise par son statut de monopole historique et de production
dun service public. Les conditions progressives de son ouverture la concurrence sont donc
spcifiques.
12
CURIEN N., Economie des Rseaux, 2005, p.16 13
Ibid., p.16
20
A. Libralisation et Rgulation des Industries de rseaux
Au cours des deux dernires dcennies, la politique de cration dun march unique europen
sest traduite par un travail continu de rformes pour insrer de la concurrence dans les marchs
nationaux des pays membres de lUnion Europenne. Ce volontarisme de la Commission
notamment, ainsi que les ncessits structurelles de sadapter de nouveaux marchs ont
amen une forte volution des secteurs des industries de rseaux. Ainsi les tlcommunications
et lnergie ont fait lobjet de larges programmes de libralisation.
Avant de rentrer dans la description du ferroviaire franais comme industrie de rseau
particulire, voire antinomique lide de libralisation, il convient de rappeler quelques bases
micro-conomiques de la justification de lide de libralisation.
i. Rente de monopole, optimum Paretien et tarification oriente vers le cot marginal
Il nous semble important de reprendre quelques principes de base indispensables la bonne
comprhension du reste de notre travail.
Sans se proccuper pour linstant de la question de lindustrie de rseau ferroviaire, il faut
rappeler que lide conomique de concurrence est celle dun cadre conomique plus vertueux.
Elle est intrinsquement lie lide dune situation doptimum conomique. Cette situation se
caractriserait par lexistence dun march contestable par dautres entreprises, transparent,
avec une atomicit suffisante et sur lequel le prix est le plus proche possible du cot marginal.
Dans lanalyse micro conomique, cette situation de concurrence pure et parfaite est une
rfrence, un talon, sans que lon puisse prtendre la raliser totalement. Elle est parfois aussi
un objectif vers lequel il faudrait tendre au nom dun meilleur quilibre, cest un des objectifs du
march unique europen.
Lobjectif de loptimum et La ralit des monopoles
Lobjectif conomique est de tendre vers loptimum, c'est--dire la situation conomique idale,
qui satisfait le mieux lutilit de lensemble des acteurs du systme conomique. La situation de
monopole est de fait non optimale par rapport la situation de concurrence, le dsquilibre
quelle entraine peut tre schmatis de la manire suivante (figure 1). Lutilit de lensemble
des acteurs nest pas optimale.
21
Figure 1 Equilibre de monopole et quilibre concurrentiel14
On nomme Qc et Pc respectivement la quantit produite/offerte et le prix en situation de
concurrence. On nomme Qm et Pm respectivement la quantit produite/offerte et le prix en
situation de monopole.
En situation de monopole, la collectivit perd du surplus car certains consommateurs renoncent
lachat compte tenu du niveau de prix (zone hachure sur la figure 1). A linverse le monopole
cre un surplus (zone grise sur la figure 1) appel rente de monopole pour le producteur.
Cet tat sous optimal justifierait la mise en place dune politique de concurrence afin de rduire
la rente de monopole et daugmenter lutilit des consommateurs.
La concurrence pure et parfaite serait donc un modle thorique vers lequel il faudrait tendre car
plus garant des prix les plus bas pour les consommateurs, c'est--dire de prix qui tendraient vers
le cot marginal (Cm). De fait, la micro conomie adopte pour principe lobjectif de tarification
oriente vers le cot marginal, dite aussi oriente vers les cots, qui rduit la rente du
producteur. Cette tarification est synonyme de tarification au cot marginal , ou tarification
de PARETO ou encore, doptimum de premier rang .
Le monopole serait donc une situation sous optimale lie aux conomies dchelle dune
industrie qui ne permet pas davoir une tarification oriente vers les cots. Cela est schmatis
figure 2.
- o correspond dans ce schma loptimum, c'est--dire au point de rencontre de
loffre et de la demande un prix Po . Le producteur ne vend pas perte et la
demande est satisfaite de faon optimale compte tenu des cots.
- no correspond une situation non optimale puisquil y a perte pour les usagers et
rente pour le monopole
La situation o est appele optimum de premier rang car il sagit de loptimum au sens propre.
La ralit conomique fait que cet optimum nest pas toujours loptimum choisi comme
14
R. JACQUIER, Cours de 3me
anne, ENTPE 2011.
22
rfrence. On parlera alors doptimum de second rang considr comme un optimum
secondaire, une situation de moindre mal .
Figure 2 Schmatisation de l'optimum de premier rang, dit "optimum de PARETO"
Cette situation de concurrence pure et parfaite avec un objectif doptimum de premier rang nest
pas ralise dans les industries de rseaux.
Il y a en effet pour ces industries des barrires lentre importantes. Elles sont lies
lexistence de forts cots fixes intrinsques linfrastructure, lexistence des financements
publics et de subventionnements pour les services publics, et pour beaucoup des
rglementations particulires. De plus, linformation disponible nest pas transparente et le
march nest pas atomique puisquil est en situation historique de monopole. Les produits quant
eux sont peu diffrenciables. Il ny a donc pas du tout une situation de march favorable la
concurrence. Cest le cas pour lindustrie ferroviaire qui nous proccupe.
A ces caractristiques sajoute le fait que pour le ferroviaire, notamment rgional, la courbe de
demande ne permet pas de couvrir le cot moyen. Il est de fait structurellement subventionn :
le cot marginal est pris en charge par le voyageurs et le cot moyen par la collectivit (pages
pays par lEtat, les Rgions, etc.). Nous sommes donc ici dans une situation doptimum de
second rang, optimum secondaire que lon justifie par les effets externes positifs du systme de
transports ferroviaires, quand bien mme la demande prive ne justifierait pas conomiquement
la ralisation de ce service.
23
ii. Le ferroviaire Franais, une industrie de Rseaux franaise antinomique la libralisation
La structure de loffre et de la demande des industries de rseaux, rapidement voque dans les
cinq critres dvelopps par N. CURIEN va de manire naturelle lencontre de la libralisation
des secteurs concerns.
Ainsi, la demande se caractrise par la production dexternalits en faveur dune concentration
sur un rseau. Cest leffet de club propos par N. CURIEN. La satisfaction du consommateur du
service va en augmentant avec la progression du nombre de consommateurs. Les services
produits par le rseau sont ainsi plus attractifs. On parle alors de cercle vertueux renforant
lavantage du leader de march. La cration dun monopole est une tendance naturelle de ce
type de march.
Quant loffre, elle se caractrise par un cot fixe lev du fait de linvestissement important
ncessaire dans la mise en place de linfrastructure du rseau, un cout marginal faible, voire nul,
et un cot moyen dcroissant. Ce phnomne, naturel lui aussi lorsquil sagit dune industrie de
rseau, renforce galement la concentration et pousse lmergence de monopoles.
Les structures doffre et de demande combines renforcent la tendance la cration dun
monopole.
Lexistence dun monopole peut galement trouver une justification dans les missions de services
publics des industries de rseaux. Certaines productions de services publics sont non rentables et
ne trouvent leur justification que dans la ralisation de lintrt gnral. Lexistence dun
monopole ou dun march trs concentr permet de financer de manire croise les services
rentables et les services non rentables. Le caractre public du monopole fait que la recherche du
profit nest pas lobjectif conomique. Cest le sens de lexception la concurrence voque part
M-A. FRISON-ROCHE (2011) et dont nous nous faisions lcho en introduction.
Lensemble de ces lments explique la tendance au monopole pour les industries de rseaux.
Le passage de la notion franaise de service public celle de service universel promue par
la Commission Europenne rend cependant possible une volution des industries de rseaux
vers la concurrence.
En effet, les services universels ont t dfinis pas la Commission dans son livre vert sur les
Services dintrt Gnral comme un ensemble dexigences dintrt gnral dont lobjectif
est de veiller ce que certains services soient mis la disposition de tous les consommateurs et
utilisateurs sur la totalit du territoire dun tat membre, indpendamment de leur position
gographique, au niveau de qualit spcifi et, compte tenu de circonstances nationales
particulires, un prix abordable. 15
15
COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES, Livre Vert sur les Services dIntrt Gnral, 2003, p. 16
24
Cette position de la Commission, comme lcrit M. TOURBE, a t labore dans le contexte
particulier de leur ouverture la concurrence. Le service universel a dailleurs t prsent,
explicitement, comme une contrepartie de la libralisation de ces marchs. 16
Le contenu de la notion de service universel se heurte en France aux modalits
dorganisation du service public la franaise (assimil, dans ces secteurs, aux monopoles
publics), ainsi que sa finalit de renforcement de la cohsion nationale. 17 Cette assimilation du
service lentreprise publique explique les difficults douverture la concurrence des industries
de rseaux en France et notamment les difficiles volutions du paysage ferroviaire franais dans
lequel la SNCF est associe la notion de service public.
iii. Le ferroviaire, une industrie de rseau particulire
Le rseau ferroviaire franais se compose, comme les autres rseaux de trois couches (CURIEN,
2003). La premire est le rseau, linfrastructure technique en tant que telle. La seconde couche
est linfo-structure qui a pour objet la gestion et le fonctionnement scuris et homogne du
rseau. Enfin, la troisime et dernire couche correspond au service final. Dans notre propos la
troisime couche concerne la circulation des trains sur le rseau et loffre de service propose
entre diffrentes origines ou destinations pour des voyageurs ou des marchandises.
La concurrence dont il est question dans le contexte actuel concerne cette troisime couche : le
service aux personnes ou aux entreprises de se dplacer ou de dplacer des marchandises. Il est
aujourdhui possible en France de dconnecter de faon aise linfrastructure et la fourniture du
service final du fait de la sparation entre le gestionnaire de linfrastructure, RFF, et loprateur
historique, la SNCF. Cette sparation permet de saffranchir du cot dentre important constitu
par la ralisation de linfrastructure. Celle-ci reste dans une situation de monopole dEtat.
Pour poursuivre trs rapidement la question de loptimum conomique que nous avons
prsente au pralable, la sparation entre RFF et la SNCF ouvre de nouvelles perspectives.
Lobjectif de maximisation de lutilit voudrait que RFF adopte pour le rseau une tarification au
cot marginal qui sappliquerait aux oprateurs utilisant le Rseau Ferr National (RFN).
Cependant, en matire dinfrastructure, il est ncessaire dintgrer dans le calcul des cots de
renouvellement de linfrastructure, le cot marginal ne suffit pas. RFF adopte donc une
tarification dite au cot complet qui permet au gestionnaire de couvrir lensemble de ses
cots. Quant la perte sociale lie au dcalage entre le cot marginal et le cot complet, elle
peut potentiellement tre limite par une tarification variable, dite de Ramsey Boiteux . Cette
tarification scarte du cot marginal en proportion de la sensibilit au prix du consommateur.
Ainsi le prix est par exemple limit au cot marginal pour le fret, et compens par une tarification
dinfrastructure bien plus leve pour les TGV.
16
TOURBE M., Service public versus service universel : une controverse infonde ? , 2004, p.21 17
Ibid., p.22
25
Comme nous le disions, nous traitons donc ici de la troisime couche du service aux personnes
ou aux entreprises. Ce service se traduit par un produit commercialis par le propritaire et
gestionnaire du rseau afin de permettre de faire circuler un train dun point un autre du
rseau un moment donn. 18 : le sillon.
Le rseau ferroviaire, parce quil est physique et quil ne peut tre us quune fois au travers de
sillons, est rare et doit se concevoir aussi bien dans lespace que dans le temps. Ainsi entre deux
points du rseau un temps T une seule circulation peut circuler. Sauf multiplier les
infrastructures parallles (ce qui est thoriquement une solution, mais une solution coteuse et
trs rarement considre) le produit ferroviaire nest pas dmultipliable. Il peut donc tout fait
faire lobjet dune concurrence entre deux oprateurs souhaitant utiliser les sillons proposs.
La concurrence qui porte sur les services offerts par le rseau peut galement prendre diffrents
formes. Les diffrentes solutions sont lenchre entre diffrents oprateurs pour le sillon ou
lenchre entre ces oprateurs pour un droit spcifique exploiter lensemble des sillons dune
sous partie du rseau ferr.
Ces deux solutions sont thorises. Ainsi, on parle de concurrence pour le march ( off the
track ) : les entreprises sont alors en concurrence pour obtenir pour un temps donn un
monopole sur une partie du rseau. A linverse, il sagit dune concurrence sur le march ( on
the track ) lorsque les entreprises sont en comptition pour obtenir des sillons sur une mme
partie du rseau. Lidentification des ces deux voies possibles pour la mise en concurrence des
sillons est la base des propositions existant actuellement pour libraliser le domaine
ferroviaire.
***
Nous reviendrons sur ces deux voies possibles de libralisation dans le point C et principalement
sur la concurrence pour le march plus mme de correspondre la libralisation des TER, mais
auparavant, il nous semble intressant dobserver par quel processus et dans quel objectif cette
concurrence ferroviaire est en cours de mise en place en France et en Europe.
18
rff.fr
26
B. La libralisation de lindustrie ferroviaire en Europe
La libralisation du secteur ferroviaire est un phnomne ni limit au cadre national, ni soudain.
Il sagit plutt, comme nous le prsentions en introduction, dun processus qui stale sur
plusieurs dcennies et qui prend pour cadre lUnion Europenne dans sa globalit. Le droit
communautaire a en effet largement contribu louverture la concurrence des marchs des
industries de rseaux et du ferroviaire en particulier.
i. Des situations europennes trs diffrentes
Louverture du march ferroviaire est en effet un processus complexe initi dans lUnion
Europenne depuis un certain nombre dannes. IBM et lUniversit Humboldt de Berlin publient
depuis 2002 un index de la libralisation ferroviaire europenne appel Rail Liberalisation Index.
Figure 3 Index de libralisation des pays europens (UE, Norvge et Suisse) 2011
Cette tude, qui consiste en une comparaison internationale, est ralise en collaboration avec
C. KIRCHNER professeur luniversit Humboldt. LIndex 2011 a t publi en janvier et apporte
872
865
842
825
817
806
753
741
738
738
737
737
737
729
729
726
718
672
672
658
612
592
592
587
585
583
467
0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000
SE
GB
DE
DK
NL
AT
BE
CH
CZ
SK
PT
PL
IT
EE
NO
RO
BG
FI
SI
HU
FR
LT
GR
LV
LU
ES
IE
Rail Liberalisation Index 2011 (Rail freight and passenger transport)
Delayed
On schedule
Advanced
27
des lments intressants sur la libralisation ferroviaire dans son ensemble et les situations trs
variables des pays membres.
Lobjectif communautaire est rsum en ces termes : le dveloppement la concurrence du
march du transport ferroviaire, en liminant les obstacles techniques, administratifs et lgaux
laccs au march. 19 Ltude de benchmarking permet de comparer les situations des pays
membres au regard de louverture des marchs. Elle distingue en dfinitive diffrents groupes
suivant leur degr de mise en conformit aux exigences et lgislations europennes. On
distingue ainsi les pays advanced , on schedule et delayed . Les rsultats sont
synthtiss dans le diagramme prcdant. (Figure 3). Les pays sont tudis au regard de deux
groupes de critres : des critres purement lgislatifs (le LEX index ), et des critres factuels
de barrires lentre existantes ou non (l ACCESS Index ).
Lindex 2011 propose un expos intressant de la doctrine sous jacente louverture la
concurrence des rseaux ferroviaires. Celle-ci se base sur la vision selon laquelle les avantages
comparatifs du rail (aussi bien pour le transport de voyageurs que de marchandises) ne pourront
tre totalement exploits que lorsque les rseaux nationaux seront ouverts permettant ainsi le
transport ferroviaire sur de longues distances. 20 Lobjectif nest pas la libralisation en soit, mais
celle-ci est vue comme un moyen daugmenter la part modale du ferroviaire et de mettre en
place un rseau europen, condition de cette augmentation de la part modale. Telle est en tous
les cas la doctrine europenne et le fil conducteur de la politique de la Commission depuis les
premires incitations la libralisation. Si lon se place dans ce contexte, on comprend alors que
[la] mise en uvre du march unique europen pour le transport ferroviaire nest pas possible
tant que les monopoles dEtat nationaux contrlent leurs marchs nationaux et par le contrle de
laccs aux infrastructures, les ferment la concurrence en empchant laccs cette
infrastructure dautres entreprises ferroviaires.21
E. GRILLO-PASQUARELLI, Directeur des transports la Commission Europenne, rsumait cela
dune manire proche. Ainsi disait-il : dune part, dans un march qui se veut unique pour les 27
Etats membres, il ny a plus de place pour des monopoles nationaux. Dautre part, louverture la
concurrence est bnfique pour les consommateurs, tout en sauvegardant les lments
ncessaires dun service public efficace pour lensemble des citoyens. En effet, louverture la
concurrence permet aux consommateurs de bnficier de services optimaux un prix fix par la
concurrence 22.
Ltude de benchmarking propose un classement des pays europens (UE, Norvge et Suisse),
classement selon lequel la France se classe 21me sur 27. Elle a cependant rejoint dans cet Index
2011 le groupe des pays on schedule alors quelle faisait jusqualors partie des pays
delayed . Elle est cependant bien loin de la catgorie des pays advanced qui regroupe dans
lordre la Sude, la Grande-Bretagne, lAllemagne, le Danemark et les Pays-Bas.
19
Rail Liberalisation Index, 2011, p.9 (traduit par nous) 20
Ibid., p.17 (traduit par nous) 21
Ibid., p17 (traduit par nous) 22
SOULAGE B. GONNOT F-M., Actes du Colloque louverture la concurrence des marchs ferroviaires, 2011, p.4
28
Dans le cas de la France, lIndex souligne bien la mise en place de RFF qui spare lgalement le
gestionnaire du rseau de loprateur historique, mais il pointe aussi la contradiction qui veut
que la SNCF soit gestionnaire dinfrastructure dlgu (GID). La mise en place de lAutorit de
Rgulation des Activits Ferroviaires (ARAF) en dcembre 2011 est galement regarde comme
un lment positif, tout comme louverture totale du fret ferroviaire depuis avril 2006. En
revanche l ACCESS index relevant les barrires factuelles lentre, souligne leur importance
et les difficults pour les nouveaux entrants daccder de fait au march, bien que la loi les y
autorise pour certaines activits. Les difficults reposent aussi bien sur linformation disponible
auprs de RFF, les barrires administratives (la double homologation Etablissement Public de
Scurit Ferroviaire (EPSF) et RFF, sous-traite la SNCF et qui coute cher), et enfin les barrires
oprationnelles (priorits, cots et dlais de rservation des sillons).
Cet tat des lieux de la concurrence ferroviaire en Europe et lobservation prcise de la situation
de la France, la fois lgalement et dans les faits, montre quel point la France nest quau
dbut de la transition de son modle conomique ferroviaire. Les volutions rcentes sont vues
positivement au regard de la doctrine de Bruxelles et du processus progressif et long de
libralisation du ferroviaire franais.
ii. Les cycles de libralisation du ferroviaire et le poids de lEurope
Le processus de libralisation a commenc au dbut des annes 1990. La Commission a
progressivement labor une politique europenne du rail afin de pousser les Etats membres
modifier lorganisation de leurs secteurs ferroviaires qui se limitaient le plus souvent une
entreprise en situation de monopole (CHABADIER, 2007).
Une premire directive relative au dveloppement de chemins de fer communautaires prvoit la
transposition dans les lgislations nationales de la sparation de la gestion de l'infrastructure
ferroviaire et de l'exploitation des services de transport des entreprises ferroviaires, la sparation
comptable tant obligatoire, la sparation organique ou institutionnelle facultative 23. Cette
directive numro 91/440 pose le premier jalon de la libralisation des secteurs ferroviaires dans
lUE.
Depuis, le monde ferroviaire na cess dvoluer vers la libralisation. Le dcret n97-444 relatif
aux missions et aux statuts de Rseau ferr de France met le droit franais en conformit avec le
droit europen en mai 1997. En 2001 puis en 2004, deux directives, respectivement 2001/12 et
2004/51 amnent la libralisation des services nationaux de fret ferroviaire au 1er janvier
2007.
Enfin, en 2007, le troisime paquet ferroviaire (aprs 2001 et 2004) comporte diffrentes
directives, dont la directive 2007/58 qui prvoit louverture du march pour le transport
international de passagers.
23
Directive 91/440/CEE du Conseil, du 29 juillet 1991, relative au dveloppement de chemins de fer communautaires Journal Officiel Union Europenne, n L 237 du 24/08/1991, p.25
29
Les situations auxquelles ces paquets ferroviaires ont abouti ne sont pas uniformes, loin de l.
Les Etat nont pas tous fait la mme interprtation des textes, les systmes mis en place diffrent
et les calendriers de traduction du droit europen sont trs variables. Ceci explique les situations
trs contrastes rvles de faon rcurrente par les Rail Liberalisation Index.
Les textes communautaires nimposent pas une uniformit dans la traduction dans les droits
nationaux, bien au contraire. Ainsi, limportance de maintenir des libralisations diffrencies
selon les Etats est souligne de nombreuses reprises.
La France, nous lavons vu, fait partie du groupe des pays on schedule au regard du Rail Index
2011. Elle vient juste de rejoindre ce groupe. Quelles que soient les critiques sur un ventuel
retard ou une frilosit franaise, cest bien sous limpulsion de Bruxelles que louverture des
marchs ferroviaires en France a t progressive. On peut mme, par bien des gards, considrer
que celle-ci est assez rapide au regard de lhistoire du ferroviaire. En 2003, le fret international
tait mis en concurrence, puis le fret national en 2006, et enfin le transport de voyageurs
international en 2010.
Si lon regarde les volutions rcentes et leur rythme, il fait peu de doute que la libralisation des
transports de voyageurs nationaux ne saurait tarder. Lautorisation du cabotage sur certaines
liaisons internationales, si elle nest pas encore effective en France, en est la premire tape. Le
rglement OSP, voqu en introduction de ce mmoire pose bien une pierre supplmentaire
dans ldifice de la concurrence ferroviaire europenne.
iii. Le rglement OSP : transition avant un quatrime paquet ferroviaire ?
Au regard de la politique des paquets ferroviaire qui met en place graduellement une ouverture
des marchs ferroviaires depuis 1991, un tournant a lieu en 2007. Il est en effet dcid de
recourir un rglement europen dit rglement OSP relatif aux obligations de service public,
lequel exonre les services ferroviaires dficitaires de lobligation de mise en concurrence. Est-il
signe de plus de temprance dans le mouvement de libralisation du secteur ?
Il est ncessaire ici de rappeler les principales distinctions entre un rglement et une directive. En
effet, sil semble que la Commission ralentisse le mouvement de libralisation ce nest pas parce
quelle utilise un autre outil, en loccurrence le rglement, mais du fait du contenu de ce
rglement.
Un rglement est obligatoire dans tous ses lments et directement applicable dans tous les
Etats membres 24. Contrairement une directive europenne, il ne doit pas tre transpos dans
les droits nationaux des Etats membres mais son application peut ncessiter des modifications
des textes existants. Les directives, outils utiliss jusqualors, lient les Etats membres dans les
rsultats mais les laissent relativement libres de la forme.
24
DOLLAT P., Droit europen et droit de lUnion europenne, 2007, p.232
30
A titre dexemple, sur le sujet qui nous concerne, la Directive 91/440/CEE prescrit une sparation
entre les oprateurs de service ferroviaires et le gestionnaire de linfrastructure. Cette
prescription sest traduite par des sparations des degrs divers. Ainsi, on observe une totale
indpendance entre les deux entits en Sude ou au Pays-Bas, il existe une holding regroupant le
gestionnaire de linfrastructure et loprateur historique en Allemagne, et en France la
sparation formelle entre RFF et la SNCF masque un contrat important qui fait de la SNCF le
gestionnaire dinfrastructure dlgu (GID). Il faut dailleurs noter que la Commission a saisi la
Cours de justice de lUnion europenne (CJUE) dun recours en manquement, notamment contre
la France et lAllemagne, pour dfaut de mise en uvre des mesures de libralisation du march
ferroviaire contenues dans les directives du premier paquet ferroviaire.
Nous avons prsent rapidement deux interprtations possibles du rglement OSP dans notre
introduction. Il convient dy revenir rapidement.
Une premire interprtation considre que le rglement noblige pas modifier la LOTI et
notamment son article 18, relatif au monopole de la SNCF pour le transport de voyageurs sur le
RFN. La seconde interprtation que nous avions prsente est que le rglement sadresse aux
rgions et leur donne la possibilit, ds prsent, de choisir entre la mise en concurrence et
lattribution directe. Larticle 18 de la LOTI deviendrait alors caduc.
Une interprtation supplmentaire intressante existe : celle de la CGT. La fdration CGT des
cheminots considre quune interprtation juste du rglement OSP nimpose pas de modifier la
LOTI. Ils considrent ainsi que : () le rglement OSP na pas pour objet principal douvrir la
concurrence le secteur ferroviaire, mais de prciser, par des rgles de procdure, les conditions
dans lesquelles des droits exclusifs peuvent tre attribus (...). ce titre, aucune disposition du
rglement nempche un tat membre de rserver tout ou une partie de son march ferroviaire
un oprateur de son choix, dont loprateur historique.25 Si lon se base en effet sur le texte du
rglement, le choix entre lexploitation en rgie, la mise en concurrence ou lattribution de droit
exclusif dpend de l autorit comptente comme nous lindiquions dans lintroduction. Or,
celle-ci est dfinie de la manire suivante dans le rglement OSP : toute autorit publique, ou
groupement dautorits publiques, dun ou de plusieurs tats membres, qui a la facult
dintervenir dans les transports publics de voyageurs dans une zone gographique donne, ou
tout organe investi dun tel pouvoir. 26 LEtat restant la principale autorit comptente selon la
CGT, il lui appartient de dterminer lexploitant. Dans la logique de la CGT, cest ce quil fait dans
larticle 18 de la LOTI en choisissant lattribution directe la SNCF. Le droit franais serait donc de
ce point de vue en conformit avec le rglement OSP.
Cette position a le mrite de poser la question de la vraie AOT et du rle de lEtat. Si cela peut
sentendre pour les trains dquilibre du territoire, cest cependant faire peu de cas, semble-t-il,
des rgions en tant quAOT.
25
www.cheminotcgt.fr 26
PARLEMENT EUROPEN ET CONSEIL DE LEUROPE, Rglement (CE) No 1370/2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, 2007, p.18
31
Alors que le rglement OSP nest pas appliqu dans lensemble de lUnion, et que lchance
pour sa mise en uvre totale est 2019, le 17 septembre 2010 la Commission a fait une nouvelle
proposition de directive. Il sagit dune directive tablissant un espace ferroviaire unique
europen.27 Cette proposition est considre comme la mise en place prochaine dun
quatrime paquet ferroviaire 28 visant ouvrir le march des liaisons intrieures.
Ce projet de rsolution, sil ne concerne pas directement les TER, est malgr tout la marque
dune poursuite du mouvement de libralisation. Il a pour objet la refonte du premier paquet
ferroviaire et traite notamment de la tarification de linfrastructure, des distorsions de
concurrence dues l'utilisation de fonds publics dans le cadre d'activits commerciales, et du
renforcement de lindpendance des organismes de contrles.
Ce projet de directive a fait lobjet dune rsolution vote par la Commission des Affaires
Europennes du Snat29. Les discussions de la Commission du Snat sont particulirement
intressantes et positionnent clairement les tendances politiques sur le dbat de la sparation du
gestionnaire et de lentreprise ferroviaire historique.
Deux textes majeurs sont galement attendus pour 2012 : un projet de directive sur la
libralisation du transport national de voyageurs, qui imposerait aussi une sparation plus nette
entre gestionnaires dinfrastructures et entreprises ferroviaires ainsi quune une rvision du
rglement de lAgence ferroviaire europenne afin den accrotre les prrogatives, notamment
en matire dhomologation du matriel roulant.
Cet ensemble de directives annonc pourrait bien constituer un nouveau paquet ferroviaire et
effacer la posture plus mesure du rglement OSP.
***
27
ec.europa.eu 28
Commission des Affaires Europennes du Snat, Compte rendu de la runion Paquet ferroviaire : examen de trois propositions de rsolution, 2011, p.9 29
Ibid.
32
C. Concurrence sur le march et concurrence pour le march
Une fois mis en vidence le contexte europen de ces ensembles de processus de libralisation
du secteur ferroviaire, il est maintenant possible de prciser les diffrents types de concurrences
existants.
Dans le domaine du transport ferroviaire de voyageurs il convient de distinguer plusieurs options
possibles douverture la concurrence. Toutes ne sont pas quivalentes ni adaptables
lensemble du ferroviaire qui doit aujourdhui se subdiviser en diffrentes catgories. Ainsi on
peut sparer trois catgories dactivits voyageurs en France en 2011. Il sagit bien
videmment de la grande vitesse et des relations exploites par TGV (et donc y compris des
circulations sur le rseau classique), des transports rgionaux de personnes (aujourdhui sous la
marque TER de la SNCF) et enfin les trains dquilibre du territoire qui relvent de plus en plus de
lEtat comme Autorit Organisatrice de Transports.
Ces derniers se composent des lignes maintenues par le financement public et pour lesquelles
une exploitation ouverte la concurrence nest pas envisage. En revanche les systmes TGV et
TER tels quils existent en France permettent de mettre en place une ouverture la concurrence.
Cependant, la nature diffrente des deux industries oblige une ouverture la concurrence de
nature diffrencie.
i. Une concurrence TGV versus une concurrence TER ?
La concurrence sur le march ou concurrence on the track est envisageable pour les liaisons
grande vitesse. Il sagit dun systme dans lequel, sur une mme infrastructure et sur une mme
relation, diffrents oprateurs ferroviaires se font concurrence en ayant chacun la possibilit de
rserver des sillons au propritaire de linfrastructure et daccder aux gares. Cette situation a
t largement observe par C. NASH30 et Y. CROZET31. Cette forme de concurrence est dlicate
car elle ncessite de la part des nouveaux entrants des investissements lourds et des
comptences acqurir. Ce systme est dj en vigueur (thoriquement) en sur les trajets
internationaux depuis et vers la France.
La forme de concurrence la plus envisageable pour les TER est au contraire une concurrence pour
le march. Elle est sans doute, certains gards, plus ralisable dans un dlai relativement
rapide. Il sagit de la seule envisage pour lexprimentation portant sur les TER.
Cette concurrence pour le march correspond, par exemple, aux franchises voyageurs
britanniques, aux services rgionaux allemands, ou encore aux Dlgations de Services Publics
(DSP) des rseaux de transports urbains en France. Ce systme est compatible avec
ltablissement dun contrat de service public.
30
NASH C., When to invest in High Speed Rail Links and Network?, 2009. 31
CROZET Y., TGV le temps de doute, Revue Transport, 2010.
33
Cette concurrence pour le march se dfinit, selon M. MOUGEOT et F. NAEGELEN (2005), comme
la mise aux enchres du droit de servir la demande . Concrtement, il sagit dune concurrence
au niveau de lappel doffre de lAutorit Organisatrice de Transports.
Dans labsolu, il peut sagir dune concurrence ouverte sur lensemble dun rseau, comme pour
un rseau urbain, ou sur certaines lignes, voire sur une portion du rseau. Il faut bien considrer
quil ne peut pas sagir ce stade pour les TER dune concurrence ouverte sur lensemble dun
rseau rgional mais dune concurrence limite certaines lignes. Dans tous les cas, lenchre
ne concerne plus lattribution dune position de monopole mais lobtention dun droit servir une
demande sur un march oligopolistique .32.
Lide de concurrence pour le march nest pas nouvelle et il importe de revenir ses origines
pour bien en saisir lapparente simplicit et les relles complexits. E. CHADWICK est la figure
historique du systme de gestion dun monopole par le systme des contrats. Il sinscrit ainsi
dans la ligne de BENTHAM (M. MOUGEOT, F. NAEGELEN, 2005). Il propose une nationalisation
des chemins de fer en Grande-Bretagne base sur la sparation de la proprit et de la
gestion, celle-ci tant confie, aprs mise en concurrence, des fermiers qui paieraient ainsi une
redevance lEtat et mettraient en uvre une tarification oriente vers les cots. 33
Cette ide est rapparue la fin du 19me en France dans la pense de WALRAS qui souhaitait
que lon procde par adjudication pour la production de certains monopoles naturels tels que la
rgulation de chemins de fer. Elle est rapparue galement de manire rcente dans les
propositions de DEMSETZ (1968) sous la forme de lexpression de mise aux enchres dune
concession de monopole , cette concession tant attribue lentreprise proposant le prix le
plus bas, c'est--dire le plus proche du cot marginal.
ii. La concurrence pour le march : la concurrence la plus difficile ?
La mise en place dune concurrence pour le march sur certaines dessertes TER ne sera pas
aise. Elle ncessite aussi bien des prcautions dans le choix de la procdure que dans les
mcanismes denchres utiliss.
Faut-il choisir lentreprise qui propose le prix le plus bas compte tenu des subventions
proposes ? Ou celle qui demande la subvention la plus faible ? Ou encore celle qui propose le
prix au consommateur le plus faible et le plus proche du cot marginal?
Le type denchre pose galement question : quel serait lavantage dune enchre au second prix
par rapport une enchre au premier prix ?
MOUGEOT et NAEGELEN (2005) mettent en vidence les difficults lies aux mthodes de
concurrence pour le march.
32
MOUGEOT M., NAEGELEN F., La concurrence pour le march, 2005, p.741 33
Ibid. p.744
34
Premirement, la nature de lenchre est particulire puisquelle concerne le droit de servir la
demande. Cette demande est une donne variable pour laquelle lvaluation est relative, et ce
dautant plus que le gestionnaire en place est peu transparent sur ses donnes dentre. L.
GUIHERY y faisait rfrence lors de ltude de louverture la concurrence en Allemagne dans la
rgion de Leipzig. Ainsi, Veolia, nouvel oprateur qui expliquait la faiblesse de capacit de son
matriel roulant par labsence de donnes sur le nombre de voyageurs, la DB Regio aurait
rpondu nous ne mettons pas *ces donnes+ disposition dun concurrent 34. Par son objet,
lenchre est donc dlicate et potentiellement asymtrique.
Deuximement, les mcanismes denchres, par limportance quils auront sur lissue de la mise
en concurrence, devront galement tre labors stratgiquement. Lobjectif tant de rduire la
rente de monopole (mme sil sagit dun monopole temporaire et partiel) et donc dobtenir le
prix le plus bas, c'est--dire le plus proche du cot marginal.
Dans cet objectif, nous avons dit quil existe deux solutions : une enchre au premier ou au
second prix. Une enchre au premier prix consiste dans lide en une enchre au plus offrant.
Ainsi, dans notre cas de mise en concurrence pour la fourniture dun service, lenchre est
attribue lentreprise proposant le prix final le plus bas qui remporte ainsi lenchre en ces
termes. Une enchre au second prix est similaire une enchre au premier prix, la diffrence
que lentreprise la mieux disante remporte lenchre, mais dans les termes de la deuxime
meilleure offre. Cela oblige les diffrentes entreprises prenant part lenchre proposer leur
plus juste prix pour l'objet de lenchre.
Figure 4 Application de lenchre au second rang 35
Dans notre cas, supposons que lon organise une enchre au second prix pour attribuer la
concession au moins offrant, tout participant restant actif dans lenchre jusqu ce que le prix
atteigne le niveau auquel la courbe de cot moyen coupe la demande. Lorsque le second moins
offrant se retire, le dernier participant, savoir loprateur ayant le cot moyen le plus bas,
obtient la concession au prix p2 qui galise le cot du premier perdant et la demande. 36.(cf.
34
GUIHERY L., Transport ferroviaire rgional en Allemagne : Lexemple de la rgion de Leipzig, 2011, p18 35
MOUGEOT M., NAEGELEN F., La concurrence pour le march, 2005, p.745 36
Ibid. p.745
35
Figure 4) La diffrence entre le cot moyen et le cot propos par le premier perdant correspond
au profit de lentreprise obtenant le march. La concurrence dans cette ide permet de rduire
la rente de monopole.
Enfin, que privilgier entre le prix lusager, le niveau de subventionnement et de qualit de
service ? La dfinition du cahier des charges et des standards de qualits du service est aussi une
tape dlicate. A cette tape une flexibilit dans le critre dattribution permettant diverses
combinaisons de prix et de qualit peut tre souhaitable 37. En effet, lobjectif est une
tarification Pareto optimale, qui maximise la fois le surplus de lautorit organisatrice (prix du
contrat) et des voyageurs (tarification et niveau de service). Diffrentes combinaisons sont
possibles. Le processus denchres doit permettre de considrer ces diffrentes options.
iii. La concurrence la plus dangereuse : dure des contrats, rengociation et risque
La dure des contrats, quelle que soit leur nature exacte est une question dlicate. Un contrat
long recre temporairement une situation de monopole pour une certaine dure avec les risques
que cela implique. La dure entraine galement beaucoup dincertitude, aussi bien pour le
dlgataire que pour lentreprise ferroviaire. Les contrats ne peuvent prendre en compte
lensemble des volutions possibles notamment de la structure de la demande et du risque qui
lui est li (et ce dautant plus quun contrat long implique la ralisation dinvestissements plus
consquents). La question nest pas spcifique la France. Ainsi, lors dun colloque sur
louverture la concurrence des marchs ferroviaires M.BLEITRACH, Prsident de Kolis revenait
sur lexprience de Kolis en Grand Bretagne dans les termes suivants : La question de la dure
des franchises se pose galement en Grande-Bretagne (). Le gouvernement conservateur
envisage de porter la dure de la franchise 15 ans, tout en demandant loprateur dinvestir.
Par exemple, nous participons leffort dlectrification entre Liverpool et Manchester 38
A linverse un contrat trop court ne permet pas aux entreprises de raliser des investissements
puisque la dure ne va pas leur permettre damortir ces investissements et de les rentabiliser. Il
ny aura donc pas dinvestissements de long terme. Ainsi, si la dlgation de service public est
trs courte, il devient trop dlicat dintroduire toute linnovation ncessaire pour faire voluer le
transport en fonction des attentes des voyageurs. 39
La question de la dure du contrat pose galement la question de la charge du risque trafic. Il
faut prendre garde a trop exonrer lentreprise du risque trafic (ou risque commercial). La
garantie dun taux de rentabilit minimum par lAOT concdante nincite pas la rduction des
cots. Nous disions prcdemment quil sagit dans le cas du transport rgional de voyageurs
dun objet particulier puisque lentreprise ferroviaire obtient un droit de servir la demande,
demande qui est variable et par dfinition incertaine. Le risque trafic est donc important,
dautant plus que les tarifs lusager du service sont rguls dans un contexte de service public.
37
Ibid. p.763 38
SOULAGE B. GONNOT F-M., Louverture la concurrence des marchs ferroviaires, 2011, p.25 39
Ibid., p.25
36
Lexonration de tout risque nest pas souhaitable, en revanche faire porter le risque
intgralement sur lentreprise ferroviaire ne lest pas forcment non plus, lexemple de la ligne
Malm - Stockholm en Sude qui est exploite depuis 2009 par Veolia Transport et dpend
entirement des bnfices commerciaux de la ligne. Veolia nest aucunement subventionne et
le risque trafic est entirement support par Veolia. Ce type de contrat est rare, et peu
envisageable pour un trafic ferroviaire rgional fortement subventionn et rgul. Dans la
mesure o il y a rgulation et encadrement des prix, les contrats intgrent en gnral des
formules de rvisions des tarifs voire des rengociations rgulires si le contrat est long.
Le recours un systme de concurrence pour le march, sil est simple dans son principe de
concurrence pour obtenir un droit exclusif de servir la demande sur une ligne ou un groupe de
lignes, pose donc un certains nombre de difficults, ces difficults ncessitent que les contrats
soient trs prcisment penss au vu de leurs implications.
Dautres difficults existent qui compliquent le recours un systme de mise en concurrence.
Lune des difficults intrinsque la France rside dans les caractristiques de son rseau ferr
national.
iv. Le Rseau Ferr National, facteur de complexit
Le RFN compte 1 884 km de lignes grande vitesse, 15 687 kilomtres de lignes lectrifies, dont
5 863 km en 1 500 volts continu, et 9 698 km en 25 000 volts alternatif. Ce rseau se caractrise
par sa grande taille (29 273 kilomtres de lignes en service contre 5 063 km pour le rseau
suisse) et par sa grande htrognit. Il se caractrise galement, comme tout rseau, par des
nuds de correspondances relis entre eux par le rseau ferr. Ces nuds constituent les points
de jonction de ce rseau et sont des points la fois cruciaux et critiques. Cest en effet au niveau
de ces nuds que les diffrents types de circulations ferroviaires cohabitent, ralentissent et
schangent leurs voyageurs ou marchandises. (Cf. Figure 5 reprsentant la vision rseau du RFN)
On peut aujourdhui distinguer, au sein de ce rseau national, diffrents types de rseaux : le
rseau grande vitesse, et les lignes classiques qui constituent des sous ensembles rgionaux. Sur
les lignes grande vitesse circulent aujourdhui de rares exceptions prs, un seul de type de
circulations. En revanche, sur le rseau classique, les TGV circulent, les trains rgionaux et les
trains Corail de toutes natures et vitesses circulent galement, mais aussi les trains de fret. Cest
donc sur cette partie du rseau que les difficults de cohabitation sur linfrastructure se posent.
Or cest galement sur ce rseau l que ltat des infrastructures est parfois insuffisant. A la
complexit du systme sajoute la fragilit de linfrastructure.
Etant donn les enjeux actuels lis au rseau que nous venons de rappeler il apparait que la
question de la concurrence entre diffrents oprateurs ne peut se distinguer des rflexions sur
lvolution du RFN.
Pour ce qui concerne les perspectives douverture la concurrence du service public de transport
rgional de voyageurs, le recours envisag la concurrence pour le march propose le recours
pour certaines lignes ou groupes de lignes une DSP et donc avoir une entreprise ferroviaire
37
unique sur la desserte dune ligne. Cette solution semble priori viter la multiplication des
circulations doprateurs diffrents sur une portion du rseau. Cependant les TGV circulant
actuellement sur le rseau classique seront selon toute probabilit toujours amens circuler
sur le rseau ferr national classique pour rejoindre leurs destinations finales, quils soient TGV
de la SNCF ou autre type de train grande vitesse dun autre oprateur circulant sur le rseau
grande vitesse. Il en va de mme pour les oprateurs fret, pour un futur potentiel oprateur
spcialis dans les trains de nuit, etc. Il nest donc pas vident que le recours une concurrence
pour le march permette dviter tout problme dinterface entre les oprateurs, au contraire.
Lexclusivit du droit de servir la demande sur certaines origines-destinations nimplique pas
lexclusivit de lusage de linfrastructure sur cette liaison. Labsence dinteractions est dautant
moins certaine que les nuds seront ncessairement les points de contacts potentiellement
entre deux titulaires dune DSP sur deux portions diffrentes du rseau.
Figure 5 Vision rseau de RFN, Source : RFF.fr
Face cette complexit vidente dans la gestion des interfaces situs au niveau des nuds (bien
souvent confondus avec les gares), la SNCF a t force de crer une direction des circulations
ferroviaires (DCF) qui a vocation plus ou moins court terme se rapprocher de RFF tout en se
sparant de la SNCF. Il en va de mme pour la cration de gares et connexions , branche de la
SNCF, probablement bientt filiale de la SNCF et pourquoi pas lavenir socit indpendante
(dautant que le potentiel du march des gares intresse dautres groupes).
38
Un autre lment de contexte li au rseau est la mise en place du cadencement gnralis du
RFN. Celui-ci est prvu pour le service dhiver 2011-2012. Son objectif est de faciliter les
correspondances et la lisibilit des horaires au niveau national. Il ajoute une contrainte dans la
construction des graphiques horaires et obligera pour les diffrents oprateurs un travail de
coordination important. Il est galement lourd pour les nuds ferroviaires qui sont un lment
clef de la russite dun tel cadencement. (cf. Annexe 3 sur le principe du cadencement).
Cette complexit, dont les solutions de gestion sont en cours de mise en place, rend toute
perspective dexprimentation audacieuse pour ne pas dire tmraire, et ce aussi bien pour les
AOTR que pour les entreprises ferroviaires qui ne disposent pas dune vision claire du systme
ferroviaire prsent et venir.
Face ce constat, une de solution les plus envisageables court terme est louverture la
concurrence sur certaines parties du rseau moins impactes par les interactions avec le reste du
rseau national. Si lon regarde la situation suisse notamment on constate que dune manire
gnrale les Chemins de Fer Fdraux (CFF) restent trs largement dominants sur le rseau
principal et que les nombreuses voies locales et montagneuses exploites par dautres socits
ne sont pas interconnectes avec le rseau. Elles ne font qutre en correspondance. Sans aller
sur labsence dinterconnections, cest aussi par ce type de sous rseau que la concurrence du
transport ferroviaire rgional de voyageurs a t initie en Allemagne. Dans un systme si
complexe, il nest pas surprenant que les concurrents comme les AOTR aient privilgis les
rseaux plus simples et indpendants. Cest en tous les cas un dbut