Photographies, entretiens et graphisme réalisés par le collectif Pia Pia Pia.
Le vingtième siècle aura été celui des grandes
conquêtes pour les femmes!: droit de vote, droits
dans le couple et la famille, droit à la santé et
à la maîtrise de la fécondité, droit à l’éducation,
au travail, à la libre disposition des revenus…
Les femmes représentent désormais près de la
moitié de la population active. Pour autant, les
femmes ont toujours travaillé et ont toujours été
nombreuses à le faire contrairement aux idées
reçues. Le travail des femmes n’est pas d’origine
récente mais son développement n’a pas été linéaire.
L’histoire du travail des femmes révèle en effet une
alternance de périodes favorables durant lesquelles
leurs droits progressent et de période de régression
où le droit même à travailler est questionné.
Des lois ont proclamé l’égalité de rémunération
entre les femmes et les hommes ainsi que
l’égalité professionnelle entre les femmes et
les hommes mais force est de constater que
des inégalités demeurent alors même que
les femmes font preuve d’un investissement
et d’une réussite scolaire remarquable.
Ce paradoxe entre scolarité et insertion
professionnelle dif"cile que nous connaissons
avec plus d’acuité en Bretagne, région de
l’excellence scolaire, tient en partie aux types
d’orientation! : insuf"samment diversi"és, très
concentrés pour les "lles. C’est ainsi que 48! %
des emplois des bretonnes sont concentrés sur
4 des 36 secteurs professionnels que compte la
nomenclature. Les femmes sont ainsi largement
minoritaires voire absentes de 32 secteurs! !
De cette forte concentration découle un chômage
structurel supérieur à celui des hommes. Les femmes
ne pro"tent pas de toutes les opportunités d’emplois
et de carrière et subissent une forte déquali"cation
sur le marché du travail. Les femmes ne représentent
que 30!% des cadres mais 75!% des employés.
Diversi"er les choix professionnels des femmes
nécessite d’en "nir avec un certain nombre de
préjugés et de stéréotypes sur les métiers que
pourraient exercer ou non les femmes. Des
actions volontaristes doivent être conduites pour
informer, former, ouvrir le champ des possibles!!
Bousculer nos préjugés, donner «! à penser
l’impensable! », en proposant d’autres modèles
d’identi"cations pour les "lles et les garçons,
telle est l’ambition de ces portraits de femmes
qui ouvrent des horizons nouveaux pour la
mixité des emplois, un enjeu pour plus d’égalité
professionnelle entre les femmes et les hommes!!
J ’ai commencé ma carrière professionnelle
en tant qu’assistante de direction, avec
un BTS Assistante de gestion en PME et
PMI en poche. Après quelques années sur
un poste d’assistante
d’opérations, j’ai senti
que j’en avais fait le
tour et commençais à
éprouver de l’ennui. Étant
à l’époque embauchée auprès d’un chargé
d’opérations à Territoires et Développement,
où je travaille toujours, j’ai eu l’opportunité
de suivre un chantier. Cette expérience
a eu un effet de détonateur car j’ai tout
de suite eu envie de continuer. J’ai alors
suivi différentes formations en techniques
du bâtiment et en conduite de travaux
dans le cadre de la formation continue.
Cela fait maintenant cinq ans que je suis
conductrice de travaux. Concrètement,
je m’occupe du suivi des chantiers en
coordonnant les relations entre les différents
intervenants, à savoir les promoteurs, les
maîtres d’œuvre et les entreprises. Je peux
être amenée à travailler sur des projets
de travaux d’aménagement, de voirie, de
réseaux (eau, téléphone, etc.), paysagers,
de dépollution ou
encore de construction.
Je passe la plupart de
mon temps à l’extérieur,
sur les chantiers, et
une autre part au bureau pour assurer
le traitement administratif des dossiers.
Ce que j’apprécie le plus dans mon travail!?
Être sur le terrain, voir l’avancement des
travaux et les machines fonctionner. Si
j’avais été mieux informée sur les métiers
techniques, je me serais orientée dès le
Bac vers des études me permettant de
travailler dans le bâtiment et les travaux
publics. Et pour ceux, femmes et hommes,
qui sont en processus d’orientation, je leur
conseille de ne pas hésiter à se lancer,
quelque soit le secteur qu’ils visent! !
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Même si j’ai toujours voulu travailler sur
les navires, j’ai commencé ma carrière
professionnelle dans un autre secteur.
Après avoir étudié en physique du froid
et obtenu le Diplôme d’études supérieures
techniques, j’ai été embauchée en tant que
technico-commerciale chez un fabricant
et distributeur de matériel frigorifique. Je
me suis rapprochée du secteur maritime
quelques années plus tard en me mettant
à mon compte dans la vente de bateaux
et de matériel de plongée. Après 7 ans
d’exercice, je n’ai plus voulu dépendre
d’une activité extrêmement aléatoire en
termes de rémunération. J’ai donc décidé
de passer le concours de contrôleur des
travaux publics de l’État option voies
navigables et ports maritimes. Même si
mon affectation a été au domaine fluvial, et
non pas maritime comme je le souhaitais,
j’ai apprécié cette expérience en eau
douce. J’ai ensuite passé le concours, en
interne, d’inspectrice des affaires maritimes
et suis venue travailler en bord de mer.
Mon travail consistait alors à contrôler la
sécurité à bord des navires français et
étrangers à Dunkerque puis à Saint-Malo. J’ai
récemment évolué vers le poste de cheffe
du pôle plaisance, ENIM et gens de mer à la
délégation mer et littoral de Saint-Nazaire.
Je trouve que les filières pour lesquelles
j’ai opté restent méconnues des femmes.
Malheureusement, les métiers ont tendance
à être « sexués » alors qu’il n’y a pas
d’activités féminines ou masculines. Et
les clichés ont la peau dure ! Une aide-
soignante est par exemple amenée à porter
de plus lourdes charges qu’un maçon... Il
s’agit, à mon sens, de faire connaître les
métiers et filières sans distinction à toute
personne en processus d’orientation.
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lore
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En tant que fille de skipper, j’ai certes été
amenée à connaître tôt ce métier, mais j’ai
souhaité d’abord me consacrer aux études
: un Bachelor d’école de commerce, passé
à La Rochelle et Plymouth en Angleterre.
C’est en 2003 que j’ai effectué ma première
course en double, la Transat Jacques Vabre
avec mon père. Ce fut un déclic. Dans les
mêmes années, en effectuant un stage
d’études en Allemagne, j’ai compris que
je souhaitais me consacrer à la course en
mer. Ce que j’ai fait à plein temps de mai
2005 à janvier 2011, avec en point d’orgue
la participation à la Route du Rhum 2010.
Depuis, j’ai eu un enfant, ce qui a changé
la donne. J’ai mis ma carrière sportive
entre parenthèses pour un temps, menant
actuellement de front deux autres activités
: la restauration de bateaux en bois, via
l’entreprise Mayday Boat que je dirige, et
l’écurie de course au large BG Race, de mon
compagnon Louis Burton, en qualité de
coordinatrice. Nous préparons actuellement
sa participation au prochain Vendée Globe.
Toutes ces activités sont majoritairement
réalisées par des hommes. Je ne dirais pas
cependant que c’est difficile en tant que
femme de s’y faire une place. Il faut faire
preuve de caractère, ne pas avoir peur
des tâches physiques, mais pour le reste…
C’est un milieu qui peut parfois être décrit
comme austère et dur, je le qualifierais
plus volontiers de brut, constitué de gens
honnêtes, entiers et passionnés par ce qu’ils
font. C’est d’ailleurs une grande chance
que j’ai de pouvoir faire de ma passion
un métier. J’en ai pleinement conscience.
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À mes débuts dans la vie active,
jamais je n’aurais imaginé travailler dans
l’ostréiculture. J’évoluais alors dans le
secteur de l’immobilier à Rennes, à un
poste administratif qui me convenait. J’ai
rencontré mon mari Olivier, qui s’occupait
avec son associé Stéphane d’une société
de mareyage spécialisée dans la vente
d’huitres en gros. En 2006, nous avons eu
l’opportunité de racheter un magasin de
détail à Cancale, que nous développons
parallèlement à notre exploitation ostréicole
de Saint-Méloir-des-Ondes, « La Fine de
Cancale », dotée d’un parc ostréicole de
10 hectares. Pendant un an, entre 2008 et
2009, j’ai suivi une formation de 1 200 heures
sanctionnée par le Brevet professionnel
de responsable d’exploitation aquacole
maritime. De fait, je suis donc devenue
officiellement la cheffe d’exploitation !
Je ne regrette pas mon ancienne activité
d’assistante commerciale dans l’immobilier.
J’y prenais du plaisir, mais l’ostréiculture a
ceci de passionnant que nous travaillons sur
du vivant. Nous gérons la partie production et
l’aspect vente, tout en ayant en permanence
à l’esprit des règles d’hygiène et de sécurité
à respecter. Il m’arrive d’aller sur le terrain
lors des marées, même si ça reste encore
majoritairement un travail effectué par des
hommes. Et pour cause : manipuler les
pieds dans l’eau 200 à 300 poches d’huitres
pouvant peser jusqu’à 18 kilos chacune,
c’est très dur physiquement. Alors il faut
savoir se rendre indispensable ailleurs.
Heureusement que le travail au bureau
s’avère tout aussi important dans ce métier !
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égis
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C ’est par pur hasard que je suis devenue
conductrice d’autocar. À la base, j’ai une
formation de dessinatrice en bâtiment,
métier que j’ai exercé avant d’élever mes
enfants. Un jour, l’autocariste en charge
du ramassage scolaire, apprenant que je
cherchais à me reconvertir me fait une
offre. Trois jours plus tard, je prenais mes
premiers cours à l’auto-école et un jour
après l’obtention
de mon permis D,
j’étais au travail,
sous la neige! !
C’était pendant
l’hiver 1982. En 30 ans, j’ai attrapé le
virus du transport routier, un métier
parfait pour moi qui avais toujours rêvé
d’être mécanicienne étant plus jeune. À
l’époque, pour une fille, c’était impossible.
Heureusement, les mentalités ont un peu
évolué. Travailler dans un environnement
majoritairement masculin ne m’a jamais
contrariée, au contraire. À mes débuts,
mes collègues conducteurs d’autocar se
montraient plutôt protecteurs vis-à-vis de
moi, une des seules femmes de l’entreprise.
Ce métier m’a aussi beaucoup fait voyager
pour accompagner des groupes de touristes.
J’aime leur montrer des lieux remarquables.
Les relations humaines sont essentielles
dans ce métier où on est en contact
permanent avec les clients. Conductrice
d’autocar, ce n’est
pas seulement
tenir un volant,
c’est transmettre un
savoir et véhiculer si
possible des valeurs de respect et de civisme.
Si la profession reste encore masculine et
âgée (48,5 ans en moyenne), j’essaie de
faire évoluer les mentalités et les conditions
de travail, au travers de responsabilités
syndicales. Chaque avancée sociale est
une petite victoire apportée à l’ensemble
d’une profession en mouvement.
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égis
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Mon métier consiste à
cultiver des algues que
je vends ensuite en gros
pour la transformation puis
le commerce de détail.
Environ 90!% de la production est destinée
au marché alimentaire et le reste à celui des
cosmétiques. Cela fait douze ans que je
travaille à mon compte dans l’algoculture.
C’est un travail très prenant car il faut se
rendre chaque jour sur les concessions
d’algues situées à une cinquante mètres
de la côte quelques soient les conditions
climatiques. Je n’ai pour ainsi dire jamais
de vacances et je suis au travail aussi bien
pendant la semaine que le week-end. Dans
un tel contexte, il est très difficile de trouver
un équilibre entre vies professionnelle
et personnelle. Mais c’est un choix que
je ne regrette pas puisque mon activité
représente un véritable espace de liberté!:
être mon propre chef et pouvoir travailler en
relation avec la mer. C’est
ce que j’ai toujours voulu.
Après le Bac, j’ai étudié au
Conservatoire national des
arts et métiers pour obtenir
le diplôme de technicienne supérieur de la
mer (DTSM) puis celui d’études supérieures
en techniques aquacoles (DESTA). Ce
bagage me permet non seulement de mener
mes tâches à bien, mais aussi d’apporter
des compétences spécifiques dans le
domaine de l’aquaculture. Et grâce à ce profil
scientifique, je pense avoir toute ma place
dans un environnement majoritairement
masculin. C’est d’autant plus vrai que je fais
partie du Comité départemental des pêches.
Même s’il faut parfois que je hausse le ton
pour me faire entendre, j’ai l’impression
de faire évoluer les mentalités en étant
tout simplement moi-même et en montrant
qu’hommes et femmes ont tous leur place.
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Mes débuts en archéologie
remontent à l’enfance!: j’avais
8 ans quand j’ai participé à
mon premier chantier terrestre!! Chantier que
j’ai poursuivi les dix années suivantes quand je
pouvais y consacrer du temps. Parallèlement,
je me suis passionnée pour la plongée et
le monde maritime. Lors de mes études
supérieures, je me suis orientée vers l’histoire
de l’art et l’archéologie. C’est une grande
chance que d’avoir pu combiner mes passions
en un seul métier! : l’archéologie maritime.
Un autre dé" a été d’intégrer le service référent
en la matière!: le DRASSM (Département des
recherches archéologiques subaquatiques et
sous-marines), où jusqu’en 2002 il n’y avait
pas eu de création de poste d’archéologue
maritime depuis 10 ans!! Il a d’abord fallu que
j’acquière de l’expérience sur une trentaine
de chantiers, en France comme à l’étranger.
J’ai notamment fouillé au large de Saint-Malo
sur deux frégates corsaires
du 18e siècle. Puis j’ai
mené une formidable
aventure avec l’exposition itinérante «! La
Mer pour mémoire!», entre 2005 et 2008. Ce
n’est qu’après qu’on m’ait proposé le projet
de valorisation du patrimoine à portée du
grand public!: l’Atlas archéologique des biens
culturels maritimes de l’Arc atlantique, porté
par l’association pour le développement
de la recherche archéologique maritime
(ADRAMAR) que j’ai dirigé durant trois ans.
Les priorités du DRASSM sont le recensement,
l’étude, la protection et la valorisation du
patrimoine immergé ainsi que la diffusion de
la recherche scienti"que. Pour espérer percer
dans ce métier où les places sont chères, la
passion est un moteur essentiel. La plongée
archéologique peut parfois s’avérer physique
mais elle convient parfaitement et sans aucun
problème aux femmes autant qu’aux hommes.
Cré
dits
: T
ed
dy S
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in
Rien ne me prédestinait à devenir cheffe
d’entreprise dans le secteur du bâtiment.
Informaticienne de métier, j’ai décidé
de donner un tournant à ma carrière
professionnelle lorsque mon père, qui était
artisan, a amorcé son départ en retraite.
Je ne voulais pas
que son affaire cesse
d’exister après avoir
fourni autant d’efforts
et passé autant
d’années à la tête de
son entreprise de carrelage et de peinture.
Je lui ai donc proposé de la reprendre
et l’aventure a débuté il y a quatre ans,
en 2008. J’ai tout d’abord passé un CAP
peinture puis un CAP plâtrier plaquiste en
alternance dans l’équipe de mon père en
tant qu’ouvrière. J’ai ensuite décroché un
GEAB qui est un diplôme spécialisé dans la
gestion de l’entreprise artisanale du bâtiment.
Mon objectif était alors de maîtriser aussi
bien le terrain que le domaine de la gestion
pour ensuite pouvoir reprendre les rênes.
Même si mon activité est passionnante,
j’ai parfois rencontré
des difficultés à faire
reconnaître mes
compétences auprès
des hommes. Cela s’est
finalement présenté
comme un défi qui m’a permis d’identifier
et de m’entourer de partenaires fiables et
fidèles en qui j’ai pleinement confiance.
Grâce à eux, je parviens à avancer à la tête
de mon entreprise. Ainsi, la complémentarité
et la solidarité sont les moteurs d’un travail
coopératif qui permettent de s’épanouir.
Cré
dits
: C
ath
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ne G
rall