Appel à projet du MinistÚre des finances du Québec :
Gestion optimale de la dette en réponse à la crise sanitaire (covid-19)
Moudachirou OUMAROU 1
Guillaume SUBLET2,
Département de sciences économiques, Université de Montréal
Centre Interuniversitaire de Recherche en Economie Quantitative (CIREQ)
Montréal,
Septembre 2020
2
Les opinions et analyses Ă©mises dans ce document sont celles des auteurs et ne
reprĂ©sentent pas nĂ©cessairement celles de lâUniversitĂ© de MontrĂ©al, du CIREQ ou du
MinistÚre des Finances du Québec.
3
Les points clés de cette étude :
1. La dette permet dâabsorber les fluctuations des besoins de financement du
gouvernement dues aux différents risques auxquels le Québec fait face. Ce rapport met
lâemphase sur le risque de persistance de la crise sanitaire et sur les difficultĂ©s de
refinancement en cas de crise de liquidité.
2. La gestion du risque par la dette dĂ©pend des possibilitĂ©s dâassurance contre les risques.
3. Les titres Ă revenu fixe limitent les possibilitĂ©s dâassurance, ce qui pousse Ă la
prĂ©caution. Une perspective de long terme prĂ©conise lâĂ©pargne de prĂ©caution en amont
de la matĂ©rialisation du risque de hausse des dĂ©penses publiques lors dâune pandĂ©mie.
Cependant, une perspective de court terme prĂ©conise lâemprunt de prĂ©caution avec de
la dette de longue maturitĂ© en vue de pallier au risque dâune crise de liquiditĂ©.
4. Innover sur les marchés financiers en émettant de la dette conditionnelle permettrait de
sâassurer contre les risques, ce qui limiterait le besoin dâĂ©pargne de prĂ©caution.
Cependant le risque sanitaire nâest pas propice Ă lâĂ©mission de dette conditionnelle car
la matérialisation de ce risque sanitaire dépend, en partie, de la politique du
gouvernement.
5. Une autre façon de sâassurer contre le risque sanitaire et les difficultĂ©s de refinancement
est dâexploiter le diffĂ©rentiel de lâĂ©volution de la valeur des obligations Ă diffĂ©rentes
maturités. Le succÚs de cette approche dépend en grande partie de la différence de
progression des taux dâintĂ©rĂȘts qui dĂ©pend de la situation sanitaire et de la reprise
Ă©conomique. Dans un contexte de taux dâintĂ©rĂȘt invariablement bas, cette approche
requiert de trÚs larges positions opposées dans des obligations de différentes maturités.
Cette stratégie consiste notamment à émettre de la dette de moyenne maturité et de
compenser celle-ci avec de lâĂ©pargne dans des actifs de plus longue maturitĂ©. Bien que
lâendettement net rĂ©sultant de cette stratĂ©gie reste modĂ©rĂ©, une telle innovation en
gestion de la dette pourrait surprendre les investisseurs et donc la précaution reste de
mise.
4
Table des matiĂšres
Résumé : ..................................................................................................................................... 6
Introduction ................................................................................................................................ 7
1. MĂ©thodologie ..................................................................................................................... 8
2. Situation financiÚre au Québec avec la Covid ................................................................... 9
3. Modélisation des finances publiques ................................................................................ 11
3.1. En Ă©quilibre partiel .................................................................................................... 12
3.2. En équilibre général ................................................................................................... 13
4. Estimations préliminaires et calibration ........................................................................... 14
5. Niveau optimal de la dette et de la taxation en réponse à la covid .................................. 17
5.1. En Ă©quilibre partiel .................................................................................................... 17
5.1.1. En absence de seconde vague de contaminations .............................................. 17
5.1.2. PossibilitĂ© dâune deuxiĂšme vague ...................................................................... 20
5.1.3. Conclusion partielle ............................................................................................ 22
5.2. En équilibre général ................................................................................................... 23
5.3. Robustesse des résultats ................................................................................................ 23
6. Choix Optimal de maturité de la dette ............................................................................. 24
7. Le risque de refinancement de la dette ............................................................................. 26
8. Discussion des différents résultats ................................................................................... 28
Conclusion Générale : .............................................................................................................. 29
Annexes : .................................................................................................................................. 31
Références bibliographiques : .................................................................................................. 35
5
Liste des Tableaux :
Tableau 1: Révision des prévisions de finances publiques (en M$) au Québec en juin 2020 . 10
Tableau 2: Résumé de la calibration ........................................................................................ 16
Tableau 3: Liste des épidémies majeures dans le monde ......................................................... 31
Liste des Figures :
Figure 1: Taux de croissance du PIB réel au Québec .............................................................. 10
Figure 2 : RĂ©sultats de l'estimation SEIR ................................................................................. 16
Figure 3: Dette et de taxation optimale selon la structure de marché ...................................... 18
Figure 4: Taxation et dette optimale dans le cas d'une seconde vague dans un marché complet
.................................................................................................................................................. 21
Figure 6 : Choix de maturité optimale de la dette .................................................................... 26
Figure 7 : Gestion du risque de refinancement avec la dette de plusieurs maturitĂ©s .âŠâŠâŠ27
Figure 5: Comportement des variables dans un marché complet en équilibre général ⊠34
6
Résumé :
Cette Ă©tude rappelle lâimportance de lâĂ©pargne de prĂ©caution face au risque de la hausse des
dépenses publiques résultant de la crise sanitaire et des réserves de liquidités prudentielles
face au risque de refinancement. En prévoyant des fonds de réserves, le gouvernement
peut, dans une certaine mesure, se préparer à faire face à des hausses imprévues de
dépenses publiques comme celles occasionnées par la crise sanitaire actuelle. Nous avons
utilisé les données sur les nouveaux cas infectés par la covid-19 au Québec pour
déterminer le choix de politique fiscale optimale du gouvernement au regard des
possibilités de deuxiÚme vague. Les résultats suggÚrent que le niveau de dette optimale
dépend des possibilités d'assurance sur les marchés financiers : (1) le plan optimal du
gouvernement en émettant des titres à revenu fixe est un endettement modéré en
l'absence de crise sanitaire en anticipation dâune seconde vague de contamination. La
possibilitĂ© dâune seconde vague freine lâendettement du gouvernement lors de la
premiĂšre vague. (2) Si les marchĂ©s financiers permettent dâĂ©mettre de la dette
conditionnelle, le portefeuille de dettes conditionnelles du gouvernement devrait
permettre dâanticipĂ© le risque et d'absorber une hausse subsĂ©quente des dĂ©penses
publiques; (3) Plus la deuxiÚme vague est plausible et anticipée comme persistante, plus
le gouvernement émet de dette conditionnée à la réalisation de la seconde vague; (4) Le
gouvernement peut bĂ©nĂ©ficier des avantages dâassurance que procure la dette
conditionnelle grùce à une gestion active de dettes non conditionnelles mais de maturités
différentes. (5) Nous avons enfin considéré le risque de crise de liquidité. Les emprunts
dâavances sur du long terme permettent de pallier ce risque en constituant des fonds de
précautions.
Mots-clés : Dépenses publiques, dette, taxation, covid
7
Introduction
Lâoptimisme Ă©conomique qui sâannonçait au dĂ©but de lâannĂ©e 2020 sâest vu estompĂ© par la
crise sanitaire de la Covid-19 qui a secouĂ© le monde. Le Canada, Ă lâinstar des autres pays, nâa
pas manquĂ© de subir les effets de la crise. Le FMI (2020) table sur une contraction de lâactivitĂ©
Ă©conomique du Canada dâenviron 12% par rapport Ă lâannĂ©e derniĂšre, faisant ainsi de lui, le
deuxiĂšme pays le plus affectĂ© parmi les Ă©conomies avancĂ©es aprĂšs les Ătats-Unis.
Sâagissant du QuĂ©bec, les consĂ©quences ne sont pas des moindres. Plusieurs mesures
dâassouplissement et de soutien financier ont Ă©tĂ© dĂ©ployĂ©es par le gouvernement quĂ©bĂ©cois pour
atténuer les effets de la crise. PrÚs de 15 milliards de liquidités ont été octroyés aux ménages
ayant perdu leurs emplois durant le confinement et aux entreprises dans le besoin. Câest ainsi
que le dynamisme excĂ©dentaire du solde budgĂ©taire qui prĂ©valait avant la crise sâest estompĂ©
pour laisser cours à un déficit budgétaire induit par les pertes de revenus fiscaux et
lâaugmentation des dĂ©penses publiques suite Ă la crise. Selon les estimations du ministĂšre des
finances, le dĂ©ficit budgĂ©taire 2020-2021 du QuĂ©bec, en date dâavril 2020, serait de 12 milliards
de dollars, soit un accroissement annuel du ratio de la dette par rapport au PIB de 6 points de
pourcentage en mars 2021.
La possibilitĂ© dâune deuxiĂšme vague de contamination Ă©ventuelle laisse entrevoir une
amplification encore plus importante du déficit budgétaire. Les dépenses gouvernementales
peuvent ĂȘtre financĂ©es soit par les revenus de la taxation, soit par la dette. La dette permet de
répartir les revenus de la taxation dans le temps afin de minimiser le coût social associé au
financement dâune hausse de dĂ©penses publiques. Pour ce faire, le gouvernement a
potentiellement accĂšs Ă diffĂ©rents leviers de structuration de sa dette tels que lâĂ©mission de dette
conditionnelle ou la répartition de la dette selon un profil de maturité choisi.
Quelle est la gestion optimale de la dette au regard du déficit engendré en réponse à la
crise sanitaire ? Face au climat dâincertitude que la situation sanitaire engendre, quels sont les
avantages de lâĂ©mission dâune dette conditionnelle ? Une gestion active dâun portefeuille de
diffĂ©rentes maturitĂ©s peut-elle rĂ©pliquer les bĂ©nĂ©fices Ă©conomiques de lâĂ©mission de dettes
contingentes ?
Lâobjectif de ce projet est de guider la politique fiscale du gouvernement quĂ©bĂ©cois face Ă la
situation dâincertitude Ă©conomique engendrĂ©e par la Covid-19. De maniĂšre spĂ©cifique, il sâagit
dâĂ©valuer la dynamique de la taxation et de la dette du gouvernement face Ă lâaccroissement
8
des dĂ©penses publiques rĂ©sultant de la gestion de la crise sanitaire Tout au long de lâanalyse,
deux scĂ©narios plausibles sont considĂ©rĂ©s : lâabsence dâune deuxiĂšme vague de contamination
et la prĂ©sence dâune deuxiĂšme vague de contamination Ă la Covid-19. Le deuxiĂšme scĂ©nario
permettrait entre autres, au gouvernement du QuĂ©bec, dâanticiper dâĂ©ventuelles dĂ©penses
publiques futures et la façon optimale dont elles seront financées en cas de réalisation de ce
scénario.
Le prĂ©sent rapport se structure en six sections : la premiĂšre section sâarticule autour de
lâapproche mĂ©thodologique avec les diffĂ©rents modĂšles utilisĂ©s pour rĂ©pondre aux questions de
recherche. La section deux décrit la situation des finances publiques au Québec et la section
trois prĂ©sente lâenvironnement Ă©conomique des diffĂ©rents modĂšles de finances publiques que
nous avons utilisé. La section quatre, quant à elle, est consacrée à la calibration des modÚles et
la section cinq est relative Ă lâanalyse et lâinterprĂ©tation des rĂ©sultats. Enfin, la derniĂšre section
traite du choix de maturité de la dette et de la gestion du risque de refinancement en cas de crise
sanitaire majeure.
1. MĂ©thodologie
Dans le cadre de ce travail, nous avons utilisé le modÚle de taxation linéaire à la Ramsey (1927)
étendu par les modÚles de finances publiques suggérés par Barro (1979, 1999, 2003), Lucas et
Stokey (1983), Aiyagari et al (2002), et Bhandari et al (2017). Dans son papier original (1979),
Barro explique comment le gouvernement pourrait financer une hausse des dépenses publiques
Ă partir de lâendettement tout en minimisant les distorsions gĂ©nĂ©rĂ©es par la taxation. La taxation
optimale de Ramsey permet, en effet, de choisir des plans d'imposition et d'emprunt qui
minimisent le coût social associé au financement de dépenses publiques.
Le modĂšle utilisĂ© pour rĂ©pondre aux questions de recherches dĂ©termine lâĂ©volution de la dette
et de la taxation dans le temps de façon à minimiser l'espérance d'une fonction de coût social
sous les contraintes budgétaires du gouvernement étant donné l'évolution exogÚne des dépenses
publiques et du taux dâintĂ©rĂȘt. Plus tard, lâhypothĂšse du taux dâintĂ©rĂȘt indĂ©pendant de la
politique fiscale sera levĂ©e avec un modĂšle qui prend en compte, par la mĂȘme occasion, le
comportement des ménages en équilibre général. Les différentes analyses déterminent les
avantages dâune utilisation optimale des deux leviers de structuration de la dette
9
susmentionnĂ©s : la possibilitĂ© dâĂ©mission de dette conditionnelle et le profil de maturitĂ© de la
dette.
Pour ce travail, nous avons utilisé les prévisions de dépenses et de revenus budgétaires révisées
en juin 2020 par le ministÚre des finances du Québec pour intégrer les dépenses additionnelles
du gouvernement face au coronavirus.1 Il en est de mĂȘme pour la dette. La situation sanitaire,
quant Ă elle, est modĂ©lisĂ©e comme un processus stochastique reprĂ©sentant lâincertitude Ă
laquelle le gouvernement quĂ©bĂ©cois fait face. Dans le premier scĂ©nario dâabsence de deuxiĂšme
vague, deux situations sanitaires sont considĂ©rĂ©es : lâĂ©tat sans covid, et lâĂ©tat avec covid. Dans
le deuxiÚme cas de figure, nous avons trois états sanitaires : la période sans covid, la premiÚre
vague de la covid et lâĂ©tat de la deuxiĂšme vague de la pandĂ©mie. LâĂ©volution entre les diffĂ©rents
Ă©tats sanitaires, dans les deux scĂ©narios, sera construite Ă partir des probabilitĂ©s dâoccurrences
induites, entre autres, par simulation dâun modĂšle SEIR-Etendu2 (« Susceptible-Exposed-
Infected-Removed »), qui analyse la dynamique de propagation de maladies infectieuses. Ce
modÚle proposé initialement par McKendrick et Kermack en 1927 (modÚle SIR) a connu des
avancĂ©es notables avec lâapparition de diffĂ©rentes crises sanitaires quâont connu le monde (la
variole, le VIH, la grippe A (H1N1) etc.). Il considĂšre quatre catĂ©gories dâindividus : les
individus susceptibles dâĂȘtre touchĂ©s « S », les individus exposĂ©s « E », les individus infectĂ©s
notées « I » qui répandent la maladie par contact avec les exposés et enfin, les individus qui ont
récupéré de la maladie puis immunisés notés « R ». Une proportion des infectés récupÚre de la
maladie sans ĂȘtre hospitalisĂ©s (ceux qui ont contractĂ©s une forme non grave de la covid) avec
une probabilitĂ© positive et lâautre proportion en situation critique nĂ©cessite dâĂȘtre hospitalisĂ©s
(soins intensifs). Un pourcentage non nul parmi ces derniers décÚde avec une probabilité non
nulle.
2. Situation financiÚre au Québec avec la Covid
La croissance Ă©conomique au QuĂ©bec sâest accrue en moyenne de 2,7% les trois derniĂšres
annĂ©es avant lâarrivĂ©e de la crise sanitaire (voir figure 1). Cette performance serait
principalement tirée par la diversification grandissante du secteur manufacturier selon le
1 Révisions du plan budgétaire de mars 2020 pour répondre à la pression des besoins du systÚme de santé
quĂ©bĂ©cois et les besoins de lâĂ©conomie face Ă la crise sanitaire (aide financiĂšre pour les mĂ©nages et entreprises). 2 En plus de la prise en compte du groupe des « ExposĂ©s » comparativement au modĂšle SIR dâorigine, le modĂšle
SEIR-Etendu prend en compte les possibilités de surcharges des hÎpitaux avec les ruptures de disponibilités de
lits dans les soins intensitifs.
10
ministÚre des finances. Les prévisions de ce dernier, en juin 2020, tablent sur un recul de 6,5
points de pourcentage du PIB rĂ©el en 2020 suivi dâun relĂšvement Ă hauteur de 6% en 2021. Ce
repli de croissance en 2020 fait suite Ă lâarrĂȘt de lâactivitĂ© Ă©conomique avec le confinement.
Figure 1: Taux de croissance du PIB réel au Québec
En ce qui concerne les finances publiques, le tableau 1 présente les prévisions budgétaires des
dépenses et des revenus en lien avec la covid. En juin 2020, le gouvernement du Québec a
rĂ©visĂ© Ă la baisse sa prĂ©vision de revenus pour lâexercice budgĂ©taire 2020-2021 (de 4,83%), Ă
la hausse ses dépenses publiques (de 4,42%) et son niveau de dettes (19%) par rapport à ses
premiÚres prévisions de Mars 2020. Avec ces réajustements, le budget du gouvernement devrait
ĂȘtre dĂ©ficitaire pour lâannĂ©e budgĂ©taire 2020-2021. Comparativement Ă lâexercice budgĂ©taire
en cours 2019-2020, les revenus du gouvernement pour lâannĂ©e budgĂ©taire 2020-2021 devraient
baisser de 1,8% et les dépenses augmenter de 11% en glissement annuel.
Tableau 1: Révision des prévisions de finances publiques (en M$) au Québec en juin 2020
11
Source : MinistĂšre des finances et calcul des auteurs
- Autres sources de données :
Les diffĂ©rents paramĂštres du modĂšle SIR et de politique de taxation seront calibrĂ©s et estimĂ©s Ă
partir des données économiques et de santé (Covid-19) sur le Québec. Les principales données
utilisées sont :
- La dynamique du nombre de cas de contamination confirmés, de guérisons et de décÚs
à la Covid-19 dans le Québec. Les données détaillées et agrégées sur le nombre de cas
sont disponibles sur le site de Statistique Canada3 et du ministÚre de la santé.
Source : StatCan et Institut National de Santé Publique Québec (INSPQ)
- Les dépenses, revenus et dette du gouvernement de Québec à partir des données
présentées ci-haut.
Source : Institut de la Statistique Québec4 (ISQ) et MinistÚre des finances
3. Modélisation des finances publiques
Les possibilitĂ©s dâune deuxiĂšme vague de contamination Ă la covid se justifient par le
relĂąchement des restrictions du gouvernement avec notamment lâarrivĂ©e de lâĂ©tĂ© et lâouverture
progressive de lâĂ©conomie oĂč les mesures de distanciations sont de moins en moins strictes. La
résurgence de nouveaux cas de contamination dans certains pays tels que la chine, les Etats-
Unis ⊠laisse croire quâune deuxiĂšme vague de contaminations pour la crise sanitaire actuelle
de coronavirus est une réalité. De telles situations suscitent des interrogations de politiques
Ă©conomiques en matiĂšre de finance publique dont la suivante :
3 https://www150.statcan.gc.ca/n1/dai-quo/cal3-eng.htm 4 https://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/economie/comparaisons-economiques/interprovinciales/index.html
12
Comment est-ce que le gouvernement devrait se préparer pour une meilleure gestion de sa dette
en rapport avec lâĂ©ventualitĂ© dâune deuxiĂšme vague ?
En essayant de répondre à cette interrogation, les modÚles de finances publiques ci-aprÚs ont
été élaborés suivant la structure de marché (équilibre partiel vs équilibre général et marché
complet vs marché incomplet). En effet, en équilibre partiel, le rendement des actifs est
indépendant de la politique fiscale et est déterminé hors du marché des titres. Par contre, lorsque
le rendement des actifs est une fonction de lâenvironnement Ă©conomique et de la politique
budgĂ©taire, il sâagit dâune structure de marchĂ© en Ă©quilibre gĂ©nĂ©ral. Quant Ă la structure de
marchĂ© complet ou incomplet, elle est relative Ă la possibilitĂ© ou non dâĂ©mettre de dettes
contingentes. Dans le cadre de ce travail, nous parlerons de marché complet lorsque le
gouvernement émet de dettes conditionnelles aux états sanitaires à travers une autorité externe
indĂ©pendante du gouvernement Ă©metteur, tels que lâOMS, qui pourra dĂ©crĂ©ter le dĂ©but et la fin
des différents états.
3.1.En Ă©quilibre partiel
Nous avons appliquĂ© le modĂšle de Barro (1979) pour le QuĂ©bec oĂč les dĂ©penses publiques
suivent un processus exogĂšne et le taux dâintĂ©rĂȘt est dĂ©terministe. La fonction objective du
gouvernement est de minimiser une fonction linéaire quadratique de la valeur escomptée de la
taxation mesurant la distorsion engendrée à travers la taxe.
Dans un premier temps, nous allons supposer que le gouvernement a uniquement la possibilité
dâĂ©mettre des titres sans risque pour une maturitĂ© dâune pĂ©riode. Le problĂšme dâoptimisation
du gouvernement est le suivant :
min{đđĄ, đ”đĄ+1}
đŹđ â đœđĄ
â
đĄ=0
đ2
đșđĄ + đ”𥠆đœđ”đĄ+1 + đđĄ (1)
oĂč đșđĄ indique la dĂ©pense publique, đđĄ est la taxe collectĂ©e Ă t et đ”đĄ+1 est la dette dâune pĂ©riode
de maturitĂ© Ă©mise Ă t. Le prix de lâactif sans risque est Ă©gal au facteur dâescompte đœ. Autrement
dit, le gouvernement escompte le futur au mĂȘme taux que le marchĂ©. LâĂ©quation (1) reprĂ©sente
la contrainte budgĂ©taire du gouvernement oĂč la partie gauche reprĂ©sente lâensemble des
dĂ©penses5 et la partie droite lâensemble de ses revenus.
5 Le total des dépenses du gouvernement est constitué par les dépenses publiques Gt et du remboursement de la
dette đ”đĄ contractĂ©e la pĂ©riode prĂ©cĂ©dente et due Ă t.
13
Dans un second temps, nous allons considĂ©rer que le gouvernement a la possibilitĂ© dâĂ©mettre
de la dette contingente Ă lâĂ©tat de la nature dans un environnement sans frictions. Il sâagit des
marchĂ©s complets oĂč il existe un prix dâĂ©quilibre pour chaque dette conditionnelle, quel que
soit lâĂ©vĂšnement sanitaire qui se rĂ©alise. La fonction objective du gouvernement Ă minimiser
est identique au prĂ©cĂ©dent avec une nouvelle contrainte budgĂ©taire (1â) qui est dĂ©pendante de
la réalisation des états et une contrainte additionnelle (2) ci-aprÚs :
đșđĄ(đđĄ) + đ”đĄ(đđĄ) †â đđĄ(đ|đđĄ) đ”đĄ+1(đ|đđĄ) + đđĄ(đđĄ) (1âČ)
đ
đđĄ(đ|đđĄ = đ) = đœđđ,đ (2)
OĂč đđĄ est lâĂ©tat sanitaire6 rĂ©alisĂ© Ă la pĂ©riode t, đ”đĄ+1(đ|đđĄ) est la dette contingente que le
gouvernement rembourse lorsque lâĂ©tat j se rĂ©alise Ă t+1 sachant lâĂ©tat đđĄ de la pĂ©riode courante
t, et đđĄ(đ|đđĄ) le prix de vente des obligations đ”đĄ+1(đ|đđĄ) Ă©mis Ă la pĂ©riode t et qui sont dues Ă
t+1. LâĂ©quation (2) est la restriction qui rend le taux dâintĂ©rĂȘt espĂ©rĂ© (brute) exogĂšne et Ă©gale
Ă lâinverse du facteur dâescompte intertemporel đœ7.
Il convient de rappeler que les prĂ©cĂ©dents modĂšles ont Ă©tĂ© menĂ©s dans un contexte dâĂ©quilibre
partiel oĂč le taux dâintĂ©rĂȘt est dĂ©terminĂ© de maniĂšre indĂ©pendante du choix de politique fiscale
du gouvernement. Une telle hypothĂšse suppose que le gouvernement nâa pas la main mise sur
la rĂ©munĂ©ration des titres de dettes quâil Ă©met. Ce qui, dans une certaine mesure, est restrictif.
De mĂȘme, le modĂšle nâa pas de fondements microĂ©conomiques avec une modĂ©lisation explicite
des ménages. Le modÚle suivant prend en compte ses différents points.
3.2. En équilibre général
Le modĂšle dâĂ©quilibre gĂ©nĂ©ral que nous avons utilisĂ© sâinspire de Lucas et Stokey (1983) avec
trois agents : le gouvernement, des ménages et des firmes8 identiques (représentatifs). Le
gouvernement tire ses revenus de la taxation linéaire du revenu de travail du consommateur
ainsi que de lâĂ©mission de dettes contingentes pour financer ses dĂ©penses publiques. Le
6 Deux états sanitaires dans le premier scénario (pré-covid et covid) contre trois états dans le deuxiÚme scénario
(prĂ©-covid, 1re vague covid, et 2Ăš-vague covid). 7 đ đĄ =
1
â đđĄ(đ|đđĄ=đ)đ=
1
â đœ đđ,đđ=
1
đœ
8 Les firmes ont un rendement dâĂ©chelle constant.
14
consommateur quant à lui, maximise la valeur escomptée de ses utilités futures sous contrainte
de son budget. Son revenu est défini par son revenu net du travail (exclu de la taxe sur le salaire)
ainsi que du remboursement de la dette par le gouvernement ; lequel revenu lui permet de
consommer et dâĂ©pargner son argent sous forme de prĂȘts Ă lâendroit du gouvernement avec
lâachat dâobligations et/ou de bons.
ProblÚme du consommateur représentatif :
đđđ„{đ¶đĄ(đđĄ) ,đ”đĄ+1(đđĄ+1,đđĄ )}
â â
đđĄ
đœđĄđđĄ(đđĄ) [đ¶đĄ(đđĄ)1âđ
1 â đâ đ
đđĄ(đđĄ)1âđ
1 â đ]
â
đĄ=0
đ¶đĄ(đđĄ) + â đđĄ(đđĄ+1,đđĄ ) đ”đĄ+1(đđĄ+1,đ
đĄ ) †(1 â đđĄ(đđĄ)) đđĄ(đđĄ) +
đđĄ+1
đ”đĄ(đđĄ, đđĄâ1) â đĄ (3)
Contrainte budgétaire du gouvernement :
đșđĄ(đđĄ) + đ”đĄ(đđĄ, đđĄâ1) = â đđĄ(đđĄ+1,đđĄ ) đ”đĄ+1(đđĄ+1,đ
đĄ ) + đđĄ(đđĄ)đđĄ(đđĄ) â đĄ (4)
đđĄ+1
Contrainte de ressources :
đ¶đĄ(đđĄ) + đșđĄ(đđĄ) = đđĄ(đđĄ) â đĄ (5)
LâĂ©quation (5) dĂ©crit comment lâensemble des ressources produit dans lâĂ©conomie est rĂ©parti
entre les diffĂ©rents agents en termes de consommation. La variable đđĄ(đđĄ) reprĂ©sentant lâoffre
de travail du consommateur suivant lâhistoire đđĄ , dĂ©note Ă©galement la production totale dans
lâĂ©conomie.
4. Estimations préliminaires et calibration
Cette section décrit comment les différents paramÚtres du modÚle et des matrices de transition9
ont Ă©tĂ© estimĂ©s. Ces derniĂšres contiennent les probabilitĂ©s dâoccurrences et de transition entre
les diffĂ©rents Ă©tats sanitaires. Elles sont donnĂ©es par les matrices đ1 đđĄ đ2 ci-aprĂšs,
correspondant respectivement aux deux scénarios susmentionnés :
9 La matrice de transition est celle qui dĂ©crit les probabilitĂ©s de passer dâun Ă©tat de la nature Ă un autre.
15
đ1 = [1 â đ đ
1 â đ1 đ1] et đ2 = [
1 â đ đ 01 â đ1 â đ2 đ1 đ2
1 â đ3 0 đ3
]
OĂč đ est la probabilitĂ© dâoccurrence dâune crise sanitaire (covid-19 ou toute autre crise future)
et đ1 est la probabilitĂ© de persistance de la pandĂ©mie. Le paramĂštre đ2 dĂ©note la probabilitĂ© de
passer de la premiĂšre vague de contamination Ă une seconde vague et đ3 reprĂ©sente la
probabilité de persistance de la deuxiÚme vague.
Nous avons recensĂ© la liste des maladies infectieuses que le monde ait connue depuis lâan 165
et engendrant plus dâun million de dĂ©cĂšs Ă partir duquel nous avons calculĂ© la frĂ©quence
dâapparition moyenne dâune crise sanitaire. Le tableau 3 de lâannexe A1 donne la liste de ces
maladies. Il ressort de ce tableau que la frĂ©quence dâapparition dâune pandĂ©mie est en moyenne
de 126 ans. Il sâen suit donc que la probabilitĂ© dâun risque sanitaire đ est donc calibrĂ© Ă
1
126 â 12 đđđđ (il sâagit en effet dâun modĂšle mensuel). Nous avons Ă©valuĂ© par la suite, la
sensibilité des résultats avec cette maniÚre de calibrer les probabilités en utilisant une procédure
directe de calcul des matrices de transitions.
Sâagissant du paramĂštre đ1, il a Ă©tĂ© obtenu Ă partir de la modĂ©lisation SEIR-Etendu sur les
nouveaux cas de contamination (infectés) sur le Québec. Le modÚle utilisé prend en compte les
capacités des soins intensifs en termes de disponibilité de nombre de lits pour les infectés en
situation critique ayant besoin de respirateurs artificiels. Le modĂšle utilisĂ© sâinspire de celui
proposé par Froese H. (2020) et ajuste au mieux le nombre de personnes infectés observés
journaliĂšrement au QuĂ©bec du 1er mars au 21 juin. Il prĂ©dit Ă©galement lâĂ©volution futur du
nombre de cas jusquâĂ extinction totale de la covid Ă partir des observations sur les infectĂ©s. Le
systĂšme dâĂ©quations dĂ©crivant le modĂšle SEIR-Etendu est dĂ©crit Ă lâannexe A2. Il dĂ©crit la
dynamique des susceptibles, des exposés, des infectés en situation critique, des décédés et des
guĂ©ris de la Covid. La figure 2 donne les rĂ©sultats de lâajustement du nombre dâinfectĂ©s au
Québec ainsi que de sa prévision dans le temps.
16
Figure 2 : RĂ©sultats de l'estimation SEIR
Le modĂšle prĂ©dit la disparition de la covid vers la fin du mois dâoctobre au QuĂ©bec si les
mesures de distanciation et dâhygiĂšnes continuent dâĂȘtre respectĂ©es10, soit une durĂ©e totale de
8,2 mois. Ainsi le paramĂštre đ1 est fixĂ© Ă 1
8,2.
Les paramĂštres đ2 đđĄ đ3 sont relatifs au scĂ©nario avec une deuxiĂšme vague. Plusieurs facteurs
non maitrisables tels que lâallĂšgement des restrictions Ă©tatiques et de mesures de mitigations11,
le respect des rĂšgles dâhygiĂšnes et de distanciations sociales etc. influencent les valeurs de ces
paramĂštres. Il devient donc difficile de les estimer de maniĂšre rigoureuse et unique. De ce fait,
au lieu dâavoir des valeurs uniques pour ces paramĂštres, nous avons utilisĂ© plusieurs valeurs de
ceux-ci et évalué comment les résultats sont affectés.
Tableau 2: Résumé de la calibration
ParamĂštres Signification Valeurs Source (s)
đœ
Taux dâactualisation
0.996
Ce paramÚtre a été calibré en vue de
répliquer au mieux la décroissance du
ratio dette/Pib observée au Québec entre
les années budgétaires 2012-2013 et
2019-2020.
G
DĂ©penses publiques (en 103 milliards)
dans les trois Ă©tats sanitaires
G1= 0.1114
G2= 0.1238
G3= đș1+đș2
2
Dépense budgétaire 2019-2020 révisées
en juin 2020
Dépense budgétaire 2020-2021 révisées
en juin 2020
10 En lâabsence dâune deuxiĂšme vague 11 DĂ©confinement, ouvertures de frontiĂšres etc.
17
La dĂ©pense publique dans le cas dâune
deuxiÚme vague G3 est fixée à la
moyenne des deux autres Ă©tats12
Source : MinistĂšre des finances du
Québec
đ”0 Niveau de dette initiale 0.1707 MinistĂšre des finances du QuĂ©bec
đ ProbabilitĂ© dâoccurrence dâune crise
sanitaire (covid)
1
126 â 12
A partir de la frĂ©quence dâapparition de
crises sanitaires
đ1 ProbabilitĂ© de persistance de lâĂ©tat
covid
1
8,2 ModĂšle SEIR
đ2 ProbabilitĂ© dâapparition dâune
deuxiĂšme vague â [0.0001; 0.8] Utilisation de plusieurs valeurs
đ3 ProbabilitĂ© de persistance dâune
deuxiĂšme vague â [0.0001; 0.6] Utilisation de plusieurs valeurs
đ Lâinverse de lâĂ©lasticitĂ© de Frisch 0.5
Ayagari et al. (2002) ; Buera et Nicolini
(2004) đ
Elasticité de substitution intertemporel
de consommation 2
đ 1
5. Niveau optimal de la dette et de la taxation en réponse à la covid
Cette section dĂ©crit les rĂ©sultats dâoptimisation des deux modĂšles de finances publiques
présentés à la section 4.
5.1.En Ă©quilibre partiel
5.1.1. En absence de seconde vague de contaminations
Les résultats de la figure 3 présentent deux stratégies trÚs différentes de la gestion de la dette
avant et pendant la crise du coronavirus selon le type de marché.
La stratĂ©gie optimale du gouvernement lorsquâil ne peut pas sâassurer contre les Ă©tats futurs qui
peuvent se réaliser (marché incomplet) est de réduire continuellement son niveau de dette
durant la pĂ©riode sans crise sanitaire et de lâaugmenter lorsquâelle se rĂ©alise. Il en est de mĂȘme
pour la taxe. En effet, on note un léger accroissement ponctuel des deux instruments du
gouvernement (hausse moyenne de 11.5% de dettes et de 0.023% de la taxe) lorsque le choc
12 G1<G3<G2 : Dans lâĂ©tat 3, le gouvernement continue de prendre des mesures de soutien financier (donc
hausse des dépenses publiques) moins importantes que celles avec la premiÚre vague qui, par contre, sont plus
importantes que celles dans lâĂ©tat sans covid.
18
sanitaire survient. En procĂ©dant ainsi, le gouvernement constitue de lâĂ©pargne de prĂ©caution en
lâabsence de pandĂ©mie quâil lui permet dâaccroĂźtre faiblement la taxe et un peu plus le niveau
de dettes en période de crise. Rajoutons que le niveau de dettes dont le gouvernement a besoin
(voir hausse spontanée de la dette sur la figure 3) pour couvrir la hausse des dépenses publiques
devient beaucoup plus important lorsque la réalisation de cet évÚnement sanitaire devient plus
répétitive dans le temps. Ce résultat est assignable au fait que le gouvernement a besoin de plus
de fonds pour, dâune part, rembourser la dette contractĂ©e les pĂ©riodes prĂ©cĂ©dentes et pour,
dâautre part, compenser la nouvelle hausse induite par la crise courante puisque lâĂ©cart entre les
pĂ©riodes dâapparition de la pandĂ©mie devient petit Ă mesure que la covid devient rĂ©currente.
Le modĂšle suggĂšre que, toutes choses Ă©gales par ailleurs, une gestion optimale de la dette due
Ă la crise sanitaire nĂ©cessite lâĂ©talement du remboursement de celle-ci sur 103 ans en moyenne.
Autrement dit, le temps nécessaire pour résorber la dette émise par le gouvernement en réplique
à la hausse de ses dépenses publiques est en moyenne de 103 ans. Ce temps légÚrement plus
bas que la frĂ©quence dâapparition dâun risque sanitaire permettrait au gouvernement de
sâacquitter de toute sa dette et de se prĂ©parer pour une nouvelle crise sanitaire.
Par contre, lorsque la structure du marchĂ© permet au gouvernement dâĂ©mettre de la dette
conditionnelle, le gouvernement est en mesure dâaugmenter ses dĂ©penses avec un niveau
modĂ©rĂ© de dettes et de taxes constants. Ceci est une forme dâassurance contre le risque, une
caractéristique principale des marchés complets. En effet, les résultats suggÚrent que la quantité
de dette contingente Ă la survenue dâune pandĂ©mie Ă Ă©mettre par le gouvernement doit ĂȘtre
infĂ©rieure (8.24%) Ă celle relative Ă lâĂ©tat sans covid.
Figure 3: Dette et de taxation optimale selon la structure de marché
Note : La figure présente la dynamique de la dette optimale selon le type de marché (graphique de
gauche) et de la taxation optimale (graphique de droite) sur une période simulée de 10000 mois. Les
valeurs sont en milliers de milliards de dollars canadiens. Les sauts correspondent Ă la hausse des
dĂ©penses publiques matĂ©rialisant lâapparition de crise sanitaire.
19
Ainsi, le gouvernement doit Ă©mettre plus de dettes conditionnĂ©es Ă la rĂ©alisation de lâĂ©tat sans
covid que de dettes conditionnĂ©es Ă lâĂ©tat covid. Ceci lui permet de rembourser moins de dettes
lorsquâune crise sanitaire se rĂ©alise et de disposer, de surcroĂźt, plus de fonds pour faire face Ă la
hausse des dépenses publiques dans cet état. Par ailleurs, toutes choses égales par ailleurs, le
niveau de taxation optimale Ă adopter par le gouvernement en vue de minimiser la distorsion
induite est une constante (111,96 milliards) et indĂ©pendante de lâĂ©tat sanitaire rĂ©alisĂ© et du
temps. Ce rĂ©sultat est imputable Ă la spĂ©cificitĂ© de la condition dâoptimalitĂ©13 rĂ©sultant de la
forme fonctionnelle de la fonction objective du gouvernement (mesure quadratique de la
distorsion) que nous avons utilisée.
La taxation étant fixe, le seul instrument à la disposition du gouvernement pour alléger la
pression de la hausse des dĂ©penses publiques (suite aux mesures dâassouplissements et de
soutiens financiers) est la dette. Ainsi, comparativement Ă lâĂ©tat prĂ©-covid, le gouvernent Ă©met
moins de dettes conditionnelles Ă la rĂ©alisation de lâĂ©tat covid. En Ă©mettant ainsi de dettes
conditionnelles, le gouvernement dispose indĂ©pendamment de lâĂ©tat de la nature qui se rĂ©alise,
de fonds pour contrebalancer la hausse des dĂ©penses pour un mĂȘme niveau de revenu de la
taxation. La dette contingente permet donc au gouvernement de lisser les distorsions de la
taxation entre les différents états.
En comparant les deux marchés, il ressort que le niveau optimal de dettes dans le marché
complet est plus important que celui du marchĂ© incomplet reflĂ©tant ainsi lâimportance de
lâĂ©pargne de prĂ©caution. Lâinnovation sur les marchĂ©s financiers en Ă©mettant de la dette
conditionnelle permet au gouvernement de sâassurer contre les risques de crise sanitaire et
limite ainsi le besoin de lâĂ©pargne de prĂ©caution. Cependant, le risque sanitaire nâest pas propice
Ă lâinnovation financiĂšre avec la crĂ©ation de titres dont le rendement dĂ©pendrait de la situation
sanitaire. En effet, un titre dont le revenu est conditionnel à la réalisation des situations
dépendantes des choix de société ou de politique gouvernementale pourrait créer des incitations
pernicieuses. On peut, toutefois, envisager des actifs dérivés dont la valeur sous-jacente dépend
des facteurs indĂ©pendants de lâinfluence gouvernementale. Cela dit, les rĂšgles, tant explicites
quâimplicites, des marchĂ©s financiers et des agences de notation poussent Ă la prĂ©caution quant
aux innovations financiĂšres.
13 La condition dâoptimalitĂ© induit que la taxation est une martingale câest-Ă -dire que
lâespĂ©rance de la taxe Ă la pĂ©riode t+1 est Ă©gale Ă la taxe de la pĂ©riode t.
20
5.1.2. PossibilitĂ© dâune deuxiĂšme vague
Les niveaux de taxation et de dette conditionnelle lorsquâon considĂšre une possibilitĂ© de
deuxiĂšme vague sont en accord avec ceux obtenus dans le premier scĂ©nario dâabsence de
deuxiÚme vague. Les résultats de la figure 4 généralisent ceux obtenus précédemment dans le
sens oĂč ils tiennent Ă©galement compte de la possibilitĂ© dâune deuxiĂšme vague et de sa
persistance. Dans un environnement de marché complet, la taxation optimale est indépendante
de lâhorizon temporel mais croĂźt avec les chances dâapparition dâune deuxiĂšme vague et de sa
persistance. Plus une deuxiĂšme vague est imminente (đ2 plus grand), plus le gouvernement doit
taxer en vue de se prĂ©munir contre lâascension future des dĂ©penses publiques liĂ©e Ă la seconde
vague. Autrement dit, lorsquâil anticipe une deuxiĂšme vague plus longue et intense, il augmente
Ă©galement le niveau de la taxation par rapport Ă son niveau sans deuxiĂšme vague.
Sâagissant de la dette contingente, les rĂ©sultats rĂ©vĂšlent que, le gouvernement doit Ă©mettre
moins de dette contingentĂ©e sur la premiĂšre vague dâune pandĂ©mie que de dette contingentĂ©e
sur la seconde, et beaucoup plus de dette conditionnelle Ă la fin dâune pandĂ©mie. En effet, la
figure 4 présente les ratios de dettes conditionnées à la premiÚre et à la deuxiÚme vague par
rapport Ă celle conditionnĂ©e Ă la fin dâune Ă©pidĂ©mie ; lesquels ratios qui sont infĂ©rieurs Ă un. De
plus, le second ratio est plus grand en niveau que le premier pour toutes les périodes.
LâidĂ©e derriĂšre ce rĂ©sultat est quâune deuxiĂšme vague de contamination est beaucoup plus
plausible avec lâapparition dâune crise sanitaire (premiĂšre vague) plutĂŽt que la rĂ©alisation de la
pandĂ©mie elle-mĂȘme14 (un risque sanitaire est moins frĂ©quent et survient en moyenne tous les
126 ans). Dans ce sens, le gouvernement doit Ă©mettre plus de dette contingente Ă la deuxiĂšme
vague que de dettes contingentes Ă la premiĂšre vague Ă proportion que la deuxiĂšme vague est
plus plausible de se produire et plus persistante. La rĂ©alisation dâune seconde vague suppose au
prĂ©alable celle de la premiĂšre vague et les dĂ©penses publiques sâintensifient lorsque la
probabilitĂ© dâune seconde vague est Ă©levĂ©e. En Ă©mettant ainsi plus de dette conditionnĂ©e Ă lâĂ©tat
de la deuxiĂšme vague quâĂ lâĂ©tat de la premiĂšre, le gouvernement se garantit dâavoir les
ressources nécessaires pour couvrir les dépenses liées à la deuxiÚme vague mais également
celles de la premiĂšre vague dont la persistance (durĂ©e) ne saurait ĂȘtre anticipĂ©e.
Toutefois, il convient de signaler quâune telle stratĂ©gie du gouvernement ne saurait ĂȘtre durable
dans un environnement de parfaite information en lâabsence dâune crise sanitaire. Les agents Ă
capacitĂ© de financement qui achĂštent les bons du gouvernement sâaperçoivent trĂšs vite que les
14 Lâhistoire des pandĂ©mies que le monde a connue nous apprend quâune deuxiĂšme vague de contamination est
presque inévitable dÚs que la crise sanitaire apparaßt.
21
chances quâils rĂ©cupĂšrent leur argent en achetant des titres conditionnĂ©s Ă la deuxiĂšme vague
partant dâun Ă©tat sans covid sont faibles puisquâelles nĂ©cessitent dâabord la rĂ©alisation dâune
premiĂšre vague qui elle-mĂȘme est encore moins frĂ©quente. Cette stratĂ©gie optimale est
cependant plus comprĂ©hensible lorsque les choix du gouvernement se font Ă partir de lâĂ©tat
dâune premiĂšre vague, ce qui rend le public moins rĂ©ticent Ă se procurer des titres du
gouvernement qui rĂ©compensent dans lâĂ©tat de la deuxiĂšme vague.
Figure 4: Taxation et dette optimale dans le cas d'une seconde vague dans un marché complet
Les réponses du gouvernement dans un environnement de marché incomplet corroborent
Ă©galement les rĂ©sultats du scĂ©nario prĂ©cĂ©dent sans seconde vague. La figure 8 de lâannexe A3
prĂ©sente lâĂ©volution de la dette et de la taxation dans ce marchĂ©. Lorsque le gouvernement ne
peut Ă©mettre que de la dette sans risque câest-Ă -dire Ă rendement fixe, le niveau optimal de la
dette inconditionnelle et de la taxation décroient avec le temps et décroient plus vite avec les
probabilitĂ©s de rĂ©alisation et de persistance dâune seconde vague. Ceci reflĂšte le principe de
22
prĂ©caution face Ă lâincapacitĂ© du gouvernement de sâassurer pleinement contre lâapparition de
crises sanitaires. De plus, lâaccroissement ponctuel de celles-ci en rĂ©ponse Ă la montĂ©e des
dépenses publiques lors de la réalisation de chocs sanitaires est plus important lorsque la
deuxiĂšme vague perdure ( đ3 croĂźt).
5.1.3. Conclusion partielle
A la lumiÚre des résultats du modÚle de Barro, la politique fiscale du gouvernement au regard
de la hausse des dépenses publiques dépend de la structure de marché ainsi que des probabilités
dâoccurrence et de persistance dâune deuxiĂšme vague. Dans un marchĂ© incomplet sans
deuxiÚme vague, il faut retenir que le comportement du gouvernement est de se désendetter en
pĂ©riode sans covid pour augmenter sa dette lorsque le risque dâune hausse des dĂ©penses
publiques non-assurables se matérialise. Par contre dans un marché complet, il émet moins de
dettes contingentes Ă une pandĂ©mie que de dettes contingentes Ă la fin dâune pandĂ©mie par
anticipation aux dĂ©penses publiques qui devraient sâĂ©tablir Ă la hausse lorsque la crise sanitaire
se rĂ©alise. Par contre, lorsquâune deuxiĂšme vague est plausible, le portefeuille de dettes
contingentes du gouvernement doit ĂȘtre constituĂ© dâune proportion plus importante de dettes
conditionnĂ©es Ă lâĂ©tat sans covid que celle relative Ă la deuxiĂšme vague, et qui lui aussi, doit
ĂȘtre plus importante que celle conditionnĂ©e Ă lâĂ©tat premiĂšre vague, et ce, Ă mesure quâune
deuxiĂšme vague est imminente. Une telle stratĂ©gie nâest viable que lorsque lâĂ©tat courant est
celui de la premiĂšre vague.
Enfin, il ressort de lâanalyse des deux situations de marchĂ© que la stratĂ©gie optimale du
gouvernement pour sâassurer contre la covid est de constituer de lâĂ©pargne de prĂ©caution (en
collectionnant les mĂȘmes niveaux de dettes contingentes dans le marchĂ© complet et en
sâendettant uniquement lorsquâune pandĂ©mie apparaĂźt dans le marchĂ© incomplet15) tant que
lâĂ©tat sans covid continue. En prĂ©voyant ainsi des fonds de rĂ©serves, le gouvernement peut, dans
une certaine mesure, se préparer à faire face à des hausses imprévues de dépenses publiques
occasionnées par de futures crises sanitaires.
15 Tout en remboursant progressivement le service de la dette en lâabsence de pandĂ©mie
23
5.2. En équilibre général
Cette section nous permet de vérifier la robustesse des résultats obtenus en équilibre partiel en
considĂ©rant les prix et le taux dâintĂ©rĂȘt dĂ©terminĂ©s de maniĂšre endogĂšne. Elle dĂ©crit les rĂ©sultats
du modĂšle de Lucas et Stokey (1983) lorsque les marchĂ©s sont complets. La figure 5 de lâannexe
A4 montre la dynamique des variables Ă©conomiques en lien avec lâarrivĂ©e dâune pandĂ©mie.
Les variables dette du gouvernement et le taux de taxation Ă©voluent dans le mĂȘme sens que les
résultats précédents dans un marché complet à la suite de la flambée des dépenses publiques.
En effet, le taux de taxation reste constant et le gouvernement Ă©met moins de dette contingente
Ă la rĂ©alisation dâune crise sanitaire que de dette contingente Ă lâabsence de pandĂ©mie puisque
cette derniÚre est plus fréquente.
Les rĂ©sultats de lâĂ©quilibre gĂ©nĂ©ral sâaccordent avec ceux de lâĂ©quilibre partiel, confirmant la
robustesse des rĂ©sultats. Il sâen suit donc que lâhypothĂšse dâĂ©quilibre partiel nâest pas
importante dans lâinterprĂ©tation des rĂ©sultats.
5.3. Robustesse des résultats
Nous avons vérifié la sensibilité des résultats par rapport à la maniÚre dont nous avons calculé
la matrice de transition. De mĂȘme, les erreurs de mesures ou de comptages des nouveaux cas
de contamination à la covid en raison de la non-disponibilité de tests de dépistage, dans certains
hÎpitaux par exemple, pourraient sous-estimer les chiffres16 que nous avons utilisé pour
modéliser la pandémie. La matrice de transition est donc sujette à des erreurs.
Nous avons utilisé une procédure sophistiquée de calcul de matrice de transition et qui compte
le nombre de fois quâon observe les diffĂ©rentes successions de changement dâĂ©tats dans une
liste dâĂ©vĂšnements au cours dâune large pĂ©riode. Cette procĂ©dure de calcul de la matrice de
transition est disponible par exemple sous le logiciel Matlab17. A partir de la liste ou de lâhistoire
dâapparition des crises sanitaires du tableau 3 de lâannexe A1, nous avons appliquĂ© cette
procédure pour recalculer la matrice de transition et pour ensuite reprendre les différents
modÚles utilisés. Les niveaux de la dette et de la taxation varient trÚs peu en comparaison aux
résultats précédents. Toutefois les enseignements économiques en termes de choix de politique
fiscale restent identiques. Nous avons décidé de ne pas inclure ces résultats dans ce rapport pour
des raisons de commoditĂ© et dâallĂšgement du document.
16 Certains patients atteints de la covid nâont pas Ă©tĂ© dans les hĂŽpitaux et ont rĂ©cupĂ©rĂ© depuis la maison sans
figurés dans les statistiques 17 Voir la fonction transprob de matlab
24
6. Choix Optimal de maturité de la dette
Dans cette section, nous nous intéressons au choix optimal du gouvernement face à la possibilité
dâĂ©mettre de la dette Ă diffĂ©rents horizons (court terme, moyen et long terme). A chaque pĂ©riode,
le gouvernement décide du niveau de la dette à une période, à deux périodes et à trois périodes
de maturité en vue de lisser la distorsion intertemporelle induite par la taxation.
Le modÚle utilisé pour déterminer le choix de la structure de maturité optimale de la dette
sâinspire de Barro (2003). Dans ce modĂšle, le gouvernement a la possibilitĂ© de restructurer la
maturité de la dette à chaque période et dans ce cas, faire face à un coût additionnel sous forme
quadratique. En effet, pour des raisons de liquidité ou de disponibilité de fonds, le
gouvernement peut rééchelonner la dette de maturité j émise à la période précédente pour la
période suivante (j+1). En procédant ainsi, il supporte un coût supplémentaire sous forme de
pĂ©nalitĂ© quâil cherche Ă©galement Ă minimiser. Le problĂšme du gouvernement est le suivant :
min{đđĄ,đ”đĄ+đ
đĄ }đ=1,2,3 ;đĄ=0,..â
đŹđ â đœđĄ
â
đĄ=0
(đđĄ2 + â đŒ(đ”đĄ+đœ
đĄâ1 â đ”đĄ+đœ+1 đĄ )
23
đ=0
)
đșđĄ + đ”đĄđĄâ1 + â đđĄ,đĄ+đ đ”đĄ+đœ
đĄâ1
đ»â1
đ=1
†đđĄ + â đđĄ,đĄ+đ đ”đĄ+đœđĄ
đ»
đ=1
OĂč đ”đĄ+đœđĄ est le niveau de dette Ă©mise Ă la pĂ©riode t pour une maturitĂ© de đ = 1,2,3 pĂ©riodes et
đŒ est un paramĂštre compris entre 0 et 1. Lorsquâil est Ă©gal Ă 0, le coĂ»t que le gouvernement
supporte lorsquâil prolonge la dette de maturitĂ© j dâune pĂ©riode est nul ; plus đŒ tend vers 1, plus
ce coût devient important.
Il ressort des résultats du modÚle présenté à la figure 6 que la stratégie optimale du
gouvernement pour compenser la hausse des dĂ©penses publiques suite Ă la covid est dâĂ©mettre
de la dette Ă court terme (dette positive) et de dĂ©tenir des actifs ou constituer de lâĂ©pargne Ă long
terme (dette négative). De plus, les résultats suggÚrent que le gouvernement prend de larges
positions sur la dette en lâabsence de pĂ©nalitĂ©. Le coĂ»t de restructuration est ainsi un facteur clĂ©
dans le choix de maturité de la dette du gouvernement, il le dissuade à prendre de larges
25
positions de la dette : le niveau de la dette devient de moins en moins important Ă mesure que
le coĂ»t de rĂ©Ă©chelonnement de la dette devient important (đŒ grand).
Comme le montre la derniĂšre fenĂȘtre de la figure 6, la courbe des taux dâintĂ©rĂȘts dĂ©pend de la
progression de la situation sanitaire et de la reprise Ă©conomique. Câest prĂ©cisĂ©ment ce
diffĂ©rentiel de la courbe des taux dâintĂ©rĂȘts que le gouvernement peut utiliser pour sâassurer
contre le risque de persistance de la crise quâil anticipe et pour rĂ©pliquer les avantages
économiques de la dette contingente à partir des titres à revenu fixe. En effet, cette différence
implique une évolution distincte de la valeur de la dette de long terme avant son échéance, ce
qui rend cette valeur conditionnelle. Une gestion active de portefeuille constituĂ© de dette Ă
courte maturitĂ© et lâaccumulation de titres dâune maturitĂ© plus longue (Ă©pargne) avec des
possibilitĂ©s de restructuration lui permet dâexploiter cette valeur conditionnelle de la dette.
LâĂ©volution du prix de lâactif Ă rendement certain de longue maturitĂ© est contingente Ă celle de
la courbe des taux dâintĂ©rĂȘt. En investissant dans celui-ci, le portefeuille Ă un meilleur
rendement dans un contexte de crise persistante ; câest une forme dâassurance.
Par contre, lorsque le taux dâintĂ©rĂȘt est invariablement bas, la valeur de la dette ne fluctue que
légÚrement en fonction de la conjoncture. Le portefeuille susmentionné requiert donc de trÚs
larges positions opposĂ©es dans des obligations de diffĂ©rentes maturitĂ©s. Bien que lâendettement
net résultant de cette stratégie reste modéré, une telle innovation en gestion de la dette pourrait
surprendre les investisseurs et donc la précaution reste de mise.
Par ailleurs, les résultats de la figure 6 montrent que la dynamique de la dette dans le temps en
lien avec lâarrivĂ©e dâune pandĂ©mie est identique Ă celle obtenue dans les rĂ©sultats prĂ©cĂ©dents :
dĂ©sendettement progressif en lâabsence dâun choc sanitaire et une hausse de la dette lorsquâelle
apparaĂźt. Lorsque lâapparition dâune pandĂ©mie est frĂ©quente, la hausse de la dette devient plus
importante.
26
Figure 5 : Choix de maturité optimale de la dette
Note : La figure présente la dynamique de la dette optimale à différente maturité sur une période
simulée de 10000 mois. Les valeurs sont en milliers de milliards de dollars canadiens. Les sauts
correspondent Ă une hausse des dĂ©penses publiques matĂ©rialisant lâapparition dâune pandĂ©mie.
Les différents résultats supposent que le gouvernement peut recourir à tout temps à la dette
comme moyen de sâassurer contre la hausse des dĂ©penses publiques. Toutefois, la crise sanitaire
a secouĂ© les marchĂ©s financiers et suscite la crainte dâune crise de liquiditĂ©. La prochaine section
étudie la réponse optimale du gouvernement face à un risque de difficulté de refinancement de
la dette.
7. Le risque de refinancement de la dette
MalgrĂ© lâexcellente rĂ©putation du gouvernement du QuĂ©bec en termes de remboursement de sa
dette, le risque de refinancement constitue une éventualité au regard de la prédictibilité sur les
marchés financiers. Cette section analyse quel serait le choix de politique fiscale du
gouvernement lorsquâil rencontre des difficultĂ©s dâaccĂšs au crĂ©dit sur le marchĂ© financier. Dans
27
ce travail, nous faisons lâhypothĂšse quâune aggravation de la situation sanitaire donne lieu Ă un
effet de contagion sur les marchés financiers, impliquant une crise de liquidité.
Le graphique 7 ci-aprĂšs nous montre comment le gouvernement peut utiliser des dettes de
différentes maturité pour se couvrir contre le risque de refinancement. Nous avons supposé que
le gouvernement ne puisse Ă©mettre de la dette de court-terme lors dâune pandĂ©mie mais dispose
en revanche de la dette de moyen et long terme.
Figure 7 : Gestion du risque de refinancement avec la dette de plusieurs maturités
Les rĂ©sultats indiquent que la stratĂ©gie optimale du gouvernement serait dâeffectuer de
lâĂ©pargne de prĂ©caution en lâabsence de pandĂ©mie et dâĂ©mettre de larges positions de dettes de
moyen et long terme (voir pics sur graphique). Il convient de signaler que mĂȘme si cette solution
contre le risque de refinancement est accompagnĂ©e dâun coĂ»t supplĂ©mentaire que devrait
supporter le gouvernement (nous avons fixé α=0.5), il permet toutefois au gouvernement de
disposer de fonds en dépit de la fermeture des activités économiques engendrée par la crise
sanitaire. La gestion de portefeuilles de dettes dues à de longue période apparaßt ainsi comme
28
un moyen dâassurance du gouvernement contre le risque imprĂ©visible de la hausse des dĂ©penses
publiques couplĂ© au risque dâaccĂšs Ă la liquiditĂ© avec la rĂ©alisation inattendue dâune Ă©pidĂ©mie.
8. Discussion des différents résultats
Les principaux résultats de ce travail relatif à la gestion optimale de la dette face à une crise
sanitaire se résument en trois points. Le premier point est relatif à un endettement rationné et
limité du gouvernement en période sans pandémie pour ensuite émettre de la dette en période
de pandĂ©mie accompagnĂ© dâun lĂ©ger rehaussement de la taxe.
Le second rĂ©sultat de ce travail concerne la possibilitĂ© dâĂ©mettre de nouveaux actifs financiers
qui seraient liĂ©s Ă la rĂ©alisation des diffĂ©rents Ă©vĂšnements sanitaires. Lâavantage dâĂ©mettre de
tels actifs est la possibilité de lisser la taxation dans le temps et entre les différents états
sanitaires en vue de limiter le coût social engendré par la taxe. Il constitue une source
dâassurance pour le gouvernement en lui permettant de disposer de liquiditĂ©s pour financer ses
besoins de fonctionnement ou encore ses programmes dâinvestissements sans augmenter la
taxe. Ce que lâĂ©mission de titres Ă revenu fixe ne lui permet pas de faire.
Cependant, en dĂ©pit des bienfaits de la dette conditionnelle dâun point de vue de bien-ĂȘtre social,
il est en gĂ©nĂ©ral difficile de crĂ©er de nouveaux produits financiers. Lâinnovation sur les marchĂ©s
financiers avec la crĂ©ation de nouveaux produits financiers pourrait ĂȘtre mal perçue par les
agences de cotation et les investisseurs qui sont rĂ©ticents Ă sâen approprier. Tout produit
financier contingent à la réalisation des évÚnements difficilement observables ou non
vĂ©rifiables tels que lâĂ©volution de la situation sanitaire ne saurait ĂȘtre acceptĂ© sur le marchĂ©. De
plus, le risque sanitaire nâest pas propice Ă lâĂ©mission de dette contingente car la matĂ©rialisation
de ce risque sanitaire dépend, en partie, de la politique du gouvernement. En revanche,
lâimplication dâun organisme indĂ©pendant comme lâOMS pour dĂ©cider du dĂ©but et de la fin des
diffĂ©rents Ă©vĂšnements pourrait faciliter lâacceptation de ces actifs sur les marchĂ©s financiers.
Le dernier rĂ©sultat de ce travail est lâutilisation des actifs de diffĂ©rentes maturitĂ©s pour rĂ©pliquer
partiellement les bienfaits des actifs contingents et pour Ă©viter le risque de refinancement. En
lâabsence des coĂ»ts de rĂ©Ă©chelonnement de la dette, le gouvernement doit prendre de larges
positions de dettes de courts termes et sâacquĂ©rir des actifs financiers de long terme qui lâexempt
dâun endettement modĂ©rĂ© en pĂ©riode sans covid tel que suggĂ©rĂ© par les modĂšles de Barro. Cela
dit, pour que cette approche donne des résultats concluants, il faudrait prendre de larges
positions opposées dans des actifs de différentes maturités en exploitant la variation de la
29
fluctuation de la valeur de ceux-ci. Sâagissant du risque de refinancement, une possibilitĂ© de
sâassurer contre ce risque serait de constituer de lâĂ©pargne de prĂ©caution comme le suggĂšrent
les rĂ©sultats. En effet, en dĂ©pit de la difficultĂ© du gouvernement de totalement sâassurer contre
le risque sanitaire avec lâinnovation de produits sophistiquĂ©s tels que la dette conditionnelle,
lâĂ©tablissement de fonds de rĂ©serves reste un moyen sĂ»r pour lui de se couvrir, dans une certaine
mesure, contre les vicissitudes sanitaires. Les emprunts dâavance ou de prĂ©caution avec de la
dette de longue maturité serait, par ailleurs, un autre moyen de minimiser le risque de roulement
de la dette.
Conclusion Générale :
Nous avons utilisé un modÚle SEIR-Etendu pour prédire la durée de la covid au Québec en
lâabsence dâune deuxiĂšme vague. Nous avons ensuite montrĂ© que le niveau optimal de la dette
et de la taxation à adopter par le gouvernement dépend de la structure du marché. En présence
de marchĂ© complet, le gouvernement Ă©met plus de dettes contingentes Ă lâabsence de pandĂ©mie
que de dettes contingentes à la réalisation de pandémie tout en maintenant fixe le niveau de
taxation. Quand une deuxiĂšme vague est plus plausible et que le gouvernement anticipe quâelle
serait persistante au regard de la conjoncture locale et mondiale de la maladie, il Ă©met plus de
dette conditionnelle Ă celle-ci que de dette conditionnelle au dĂ©but dâune pandĂ©mie tout en
conservant une proportion beaucoup plus importante de dettes liĂ©e Ă lâabsence de pandĂ©mie.
Ceci lui permet de collecter des fonds suffisants pour sâassurer contre les diffĂ©rentes
éventualités sanitaires qui pourraient advenir. Par contre, lorsque la structure de marché ne lui
permet pas dâĂ©mettre de dettes contingentes, le plan optimal du gouvernement est tout autre. Il
se dĂ©sendette progressivement (relativement au PIB) tant que le risque dâune hausse des
dĂ©penses publiques ne se matĂ©rialise pas, lui permettant ainsi de sâĂ©tablir une Ă©pargne de
précaution en cas de risque sanitaire. Cherchant également à minimiser le coût social du
financement des dĂ©penses publiques, lâĂ©mission de titres Ă revenu fixe lâamĂšne Ă avoir un
niveau de taxation qui Ă©volue comme la dette dans ce marchĂ©. Face Ă la persistante dâune
deuxiĂšme vague, le dĂ©sendettement du gouvernement par rapport au PIB doit ĂȘtre plus rapide
que si cette Ă©ventualitĂ© de deuxiĂšme vague nâĂ©tait pas envisageable.
Les rĂ©sultats, qui demeurent consistants en Ă©quilibre gĂ©nĂ©ral, rĂ©vĂšlent lâimportance de
lâutilisation de la dette contingente comme une source dâassurance du gouvernement contre une
recrudescence des dĂ©penses publiques suite Ă lâĂ©ventualitĂ© de risque sanitaire avec une
30
possibilitĂ© de deuxiĂšme vague. Toutefois, la difficultĂ© dâĂ©mettre de tels titres empĂȘcherait le
gouvernement de bénéficier des avantages économiques de cette innovation financiÚre.
LâĂ©mission des titres de diffĂ©rentes maturitĂ©s permet de rĂ©pliquer partiellement les bienfaits de
tels actifs en exploitant lâĂ©volution diffĂ©rentielle de la courbe des taux dâintĂ©rĂȘts en fonction de
la reprise Ă©conomique. Cette stratĂ©gie permet Ă©galement au gouvernement de sâassurer contre
tout risque de manque de liquidité sur les marchés financiers.
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Annexes :
A1 : Tableau 3: Liste des épidémies majeures dans le monde
Année Nom de la pandémie Nombre de décÚs Virus responsable
165-180 Peste antonine 5 millions Virus de la variole
541-542 Peste de Justinien 30 Ă 50 millions Bacille de la peste
735-737 ĂpidĂ©mie japonaise de variole 1 million Virus de la variole
1347-1351 Peste noire 25 millions Bacille de la peste
1520 ĂpidĂ©mie europĂ©enne de variole 56 millions Virus de la variole
Années
1600
Pestes du xvii siĂšcle 3 millions Bacille de la peste
Années
1700
Pestes du xviii siĂšcle 600 000 Bacille de la peste
1817-1923 Pandémies de choléra 1 million Vibrion cholérique
1855-1920 3e pandémie de peste 12 millions Bacille de la peste
1889-1890 Grippe russe 1 million H3N8 - Grippe A
1918-1919 Grippe espagnole 40 Ă 50 millions H1N1 - Grippe A
1957-1958 Grippe asiatique 1,1 million H2N2 - Grippe A
1968-1970 Grippe de 1968 (ou de Hong Kong) 1 million H3N2 - Grippe A
1981-... Sida 25 Ă 35 millions VIH
2019-... Covid-19 761 926* SARS-CoV-2
* : en date du 14 août 2020 sur Google Actualité
32
A2 : ModĂšle SEIR Etendu
Le modĂšle SEIR est dĂ©crit par le systĂšme dâĂ©quations suivant :
đđ
đđĄ= âđœ(đĄ) đŒ
đ
đ
đđž
đđĄ= đœ(đĄ) đŒ
đ
đâ đżđž
đđŒ
đđĄ= đżđž â
1
12 â(đŒ â đ¶)đŒ â đŸ(1 â â(đŒ â đ¶))đŒ
đđ¶
đđĄ=
1
12 â(đŒ â đ¶)đŒ â
1
7,5â(đ¶ â đ·). min(đ”đđđ (đĄ), đ¶) â max(0, đ¶ â đ”đđđ (đĄ))
â 1
6,5(1 â â(đ¶ â đ·)). min(đ”đđđ (đĄ), đ¶)
đđ
đđĄ= đŸ(1 â â(đŒ â đ¶))đŒ +
1
6,5(1 â â(đ¶ â đ·)). min(đ”đđđ (đĄ), đ¶)
đđ·
đđĄ=
1
7,5â(đ¶ â đ·). min(đ”đđđ (đĄ), đ¶) + max(0, đ¶ â đ”đđđ (đĄ))
đœ(đĄ) = đŸđ 0(đĄ) = đŸ ( đ 0,đđđđąđĄ â đ 0,đđđ
1 + đâđ(đ„0âđ„)+ đ 0,đđđ)
đ”đđđ (đĄ) = đ”đđđ 0 (1 + đ . đĄ)
Les meilleures valeurs des paramĂštres đż đđĄ đŸ obtenues dans la littĂ©rature sont respectivement
1
3 đđĄ
1
9 . Ils représentent respectivement le taux d'infection (le taux auquel les personnes
exposées deviennent infectées) et le taux de récupération (taux auquel les personnes infectées
33
guĂ©rissent). Les autres paramĂštres inconnus đ = (â(đ¶ â đ·), â(đŒ â đ¶), đ, đ , đ 0,đđđđąđĄ ,
đ 0,đđđ , đ„0) sont ceux qui ajustent au mieux les donnĂ©es observĂ©es sur le nombre de nouveaux
cas infectés journaliers sur le Québec.
A3 :
Figure 8 : Taxation et dette optimale dans le cas d'une seconde vague dans un marché incomplet
34
A4 : En équilibre Général
Figure 5 : Comportement des variables dans un marché complet en équilibre général
En outre, lâĂ©volution de lâoffre de travail et de la consommation des biens et services durant la
pandĂ©mie relĂšvent de lâaction conjuguĂ©e des effets revenu et substitution lorsque les dĂ©penses
publiques augmentent. Lâabsence de modĂ©lisation formelle des restrictions du gouvernement
avec lâarrĂȘt des activitĂ©s Ă©conomiques entraĂźnant la perte de travail des quĂ©bĂ©cois, empĂȘche le
modĂšle de rĂ©pliquer la baisse observĂ©e de lâoffre de la main dâĆuvre durant le confinement.
Toutefois, les variables dâintĂ©rĂȘts taxe et dette donnent des conclusions semblables aux rĂ©sultats
obtenus en Ă©quilibre partiel.
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