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Page 1: Quand l'humour explore de nouvelles voies

- Pourquoi ce besoin de faire devraies «confessions» sur scène ?- Le titre est une allusion àcelles de Jean-Jacques Rous-seau, évidemment, mais jem’arrête sur des drames vécus.Comme le décès de mon pèreet la naissance de mon fils Axeldeux mois et demi avantterme. Ce sont des sujets rare-ment traités par les humo-ristes, mais j’étais convaincudès le départ que ces thèmes te-naient la route... même si mesproducteurs y étaient opposés !J’avoue que c’étaient des choixde sujets un peu bizarres maisil se trouve que ça marche su-per bien, alors je continue ! Parler de la mort de mon père,c’est à la fois une façon del’exorciser et d’emmener monpère en tournée avec moi. Puisde raconter l’absurdité de cequi peut se passer dans des si-tuations graves... Des fous riresdans des moments où ce n’estpas censé se produire, desblagues lors des pires drames.Tout peut être prétexte à rigo-lade. Mon spectacle se veut à lafois intimiste et la suite logiquede ce que j’ai fait dans le passé.Parce que les gens ne meconnaissent pas vraiment... Ilsme connaissent comme «per-formeur», savent que j’aime ri-goler, mais il y a plus que ça.C’est juste une envie profondede mieux me faire connaîtred’un public que je connais demieux en mieux.

- Vous racontez aussi votre pas-sage parmi les naturistes...- Un long passage, douze ans dema vie ! Au début j’avais troisans... et à cet âge-là tu ne teposes pas trop de questions.C’est après que tu te rendscompte que tu n’es pas dans lanorme, que personne ne se ba-lade à poil comme ça ! Et tun’as pas trop envie d’en parlerà l’école. Ma sœur et moi on lecachait donc à nos amis et à no-

INTERVIEW

- Après Anne Roumanoff issuede Sciences-Po, voilà un humo-riste diplômé de Solvay...- J’ai commencé Solvay à 18 anspar peur d’aller directement àParis, et parce que je n’étais pasprêt. Et comme je suis un peufainéant, j’ai choisi de mettrela barre assez haut... Dans lafoulée, je suis passé aux étudesde journalisme, en m’amusantsans doute plus que d’autresétudiants... parce que je savaisce que c’était de faire desétudes chiantes ! Et enfin troisannées au Cours Florent... Maisje suis sûr que le fait d’avoirstructuré son esprit à plein dechoses aide aussi dans l’hu-mour. Il y a de grands improvi-sateurs, comme Jamel, mais sion fait n’importe quoi surscène on perd son public !

- On n’a jamais vu un fainéantprendre autant de voies com-pliquées... Vous avez même jouévotre spectacle en néerlandais !- C’est vrai, je suis fier d’avoirparticipé au premier Festivald'humour wallon en Flandre.Je m’en suis un peu plaint àl’époque, parce que ça man-quait de journalistes flamands.Pour une fois qu’un pas étaitfait dans le bon sens, ça méri-tait d’être davantage soutenu !Mais il n’y avait pas un médiaflamand pour parler de cetteinitiative, alors que les franco-phones étaient nombreux etqu’on a même vu sur place desjournalistes suisses !

- Dans l’humour, il faut choisirson créneau? Vous semblezavoir choisi des thèmes plus in-tellos, un vrai territoire vierge...- Peut-être que l’ancien de Sol-vay a agi intérieurement sansme le dire... Il se fait aussi quej’ai été très impressionné parun spectacle de Fabrice Luchiniil y a quelques années. Je mesuis marré comme un contoute la soirée tout en me préci-pitant dès le lendemain dansune librairie pour acheter

Barthes et Valéry, deux auteursque je n’avais jamais lus ! Al’évidence, il avait réussi soncoup, sur moi comme sur unpublic très varié...J’ai compris à ce moment-làqu’il y avait un public pour cetype d’humour. Et je m’efforcede l’élargir, pour que ce nesoient pas que des allusions àAntonin Dvorak. J’alterne lesmoments gras et d’autres oùon part de quelque chose deplus intelligent. Il y a par exem-ple beaucoup à dire au départde la Merda d’Artista de PieroManzoni, véritable boîte àmerde à 30.000 euros pièce...

- Dans un tout autre registre, lefoot vous inspire également...- J’ai été journaliste sportif surBel-RTL, une activité à l’arrêt vuque je suis passé sur VivaCitédans ce que j’estime être monvrai métier, celui d’humoriste.Le top c’est d’avoir pu faire leclown à Studio 1 à l’occasiondu best of 2010, il y a quelquessemaines... C’était une bellemanière d’allier les deux. Quand je suis arrivé sur le pla-teau, j’ai bien senti qu’unebonne part des spectateurscroyait que j’étais vraiment unneveu d’Abbas Bayat, le prési-dent du Sporting de Charleroi.Ils se penchaient, se deman-daient quoi... Je n’ai pas eud’échos de la famille Bayat, j’es-père qu’ils se sont marrés ! Il a suffi d’un e-mail envoyé àMichel Lecomte, et dès le lende-main, il me demandait ce queje pouvais proposer pour la spé-ciale de Noël ! C’était très coura-geux de me faire confiance,d’autant qu’on était en direct...Et désormais, je peux me tar-guer d’être la partie de l’émis-

sion la plus regardée du siteRTBF vidéos, avec deux fois plusde spectateurs que la séquencede Stéphane Pauwels, réputéimbattable ! Je suis d’autantplus flatté que j’adore Pauwels,et que je vais moi-même regar-der sa séquence sur la Toile...

- A l’inverse, le «Belge commeEddy Show» n’a pas trouvé sonpublic... la faute à la diffusionde Koh-Lanta sur TF1 ?- La bikini zébré de Jennifer n’apas aidé... mais quand on m’ex-plique que c’était un problèmede cible ou de moment de miseà l’antenne, je dis non. C’estjuste que le produit n’était pasassez bon! Si on part à la guerreavec un arc à flèches on ne doitpas être surpris d’être battu parun tank. Le décor était super,mais le reste... il manquait pleinde choses, y compris de mapart. On s’est retrouvé dans unegrosse machinerie et je n’ai paspu faire tout à fait ce que jevoulais ni ce que je sais faire,donc j’ai démissionné.On était coaché par François Pi-rette, mais il n’était pas assez làpour plein de choses, et trop làpour d’autres. Gérer une émis-sion aussi ambitieuse depuis sarésidence en France, ce n’estpas évident... Et quand il étaitlà, c’était une tornade d’éner-gie avec des ordres dans tousles sens. S’il avait pu, il auraitjoué à notre place ! Mille res-pects pour ce génie créatif,mais travailler avec lui n’estpas évident. Il a beaucoupd’idées, mais souvent ce sontles siennes les meilleures... Etencore je suis un de ceux à quiil a fait le plus confiance ! Cecidit, si c’était à refaire, je re-plonge les deux pieds dedans...

Bruno VEYCKEMANS

Le premier a 20 ans decarrière, le second en-tame la sienne. Et tandisque le Québécois parvientà faire rire en racontant ladouloureuse perte de sonpère, le jeune Bruxelloisdéclenche l’hilarité avecdes références culturellespointues. Deux beaux ex-ploits à ne pas manquer

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SPECTACLES /// DEUX HUMORISTES QUI SORTENT DES SENTIERS BATTUS AVEC SUCCÈS

Quand l’humour explorede nouvelles voies

Rousseauphilosophe

tre voisinage comme à notrebelle-famille. Le pire c’est àl’adolescence, quand tout toncorps se transforme... tu n’aspas envie de vivre ça devant tesparents et tes frères et sœurs.C’était un moment épouvanta-ble. Certains le font par amourdu naturisme, d’autres parcequ’ils sont plutôt voyeurs. Moije n’ai pas eu le choix...

- Vous avez demandé à votre fa-mille ce qu’ils en pensaient ?- Ni mon père ni ma sœur nima mère ne voulaient que jeparle de cette expérience... Mais,malheureusement pour moi, ilssont tous les trois décédés. C’estpour ça que j’ai choisi de traiterdésormais ces sujets difficiles...vu que je ne peux plus les bles-ser en aucune façon. Et il est im-portant de parler de ce genre dethèmes. Les spectateurs se sen-tent concernés par ce que je ra-conte, parce qu’ils ont vécu deschoses semblables. Mais je nem’éternise pas là-dessus et je nem’embarque pas dans un mélo-drame! Ceci dit, je n’ai pas en-core joué ce spectacle au Qué-bec... ce sera sûrement plusdifficile que de le faire en Bel-gique.

- Quelle influence a eu sur vouscette dizaine d’années passéedans des camps de nudistes ?- C’est là que j’ai appris à jouerau volley... à poil ! C’est vrai-ment absurde... j’ai pensé enfaire un film, et j’en avaismême parlé à mon ami BouliLanners, qui avait adoré l’idée.Dans le spectacle, je ne peuxpas tout dire, mais j’aurais dequoi remplir un film de deux

heures avec ce que j’ai vécupendant douze ans ! Et ce nesont pas toujours les mieuxfoutus qui montrent leur zizi !Ca aide beaucoup à se décom-plexer, d’en voir de toutes lescouleurs, de toutes les tailles etde toutes les sortes !

- Vous avez de bons souvenirsliés à la Belgique ?- Ce pays a un public très ou-vert aux propositions. Il mepermet d’être davantage moi-même que ce que je peux mepermettre en France. Et puisj’ai pris des cours de danse àAnvers pour un film il y aquelques années, et mes bonsamis sont belges. Mes voisinsau Québec aussi d’ailleurs, etmême ma femme de ménageest belge ! Il y a beaucoup devos compatriotes dans les Lau-rentides où j’habite.

- Vous devez donc avoir deséchos de la politique belge...- Je ne suis pas super au cou-rant, mais ça ressemble un peuà ce qu’on a pu vivre au Qué-bec, et qu’on vit toujours. On aconnu plusieurs référendums,on a longtemps voulu se sépa-rer mais là ça a tendance à secalmer. La crise économiquenous a sans doute fait passer àautre chose, mais ça va revenir!Alors avec les Belges, on a dequoi se comprendre...

- Côté belge, vous avez aussi cô-toyé Benoît Poelvoorde... - Avec Bouli Lanners, il est monplus beau souvenir du tour-nage d’Astérix aux jeux Olym-piques. C’est là que je me suisvraiment rendu compte du lienentre l’humour belge et québé-cois. On ne se prend pas au sé-rieux, les rapports sont sim-ples, on aime la bonne bière...Bref, on ne se prend pas la tête!C’est ce que je recherche. La viepasse trop vite, et ce métieroblige à vivre loin de nos fa-milles, alors il faut à tout prixs’amuser !

Ancien élève du cours Flo-rent, ce jeune Bruxelloistouche à tout... et ose tout,ou presque. Presque, parceque ce cinéphile averti saitce qu’Audiard en pensait etque, diplômé de journalismeà l’ULB après avoir réussi Sol-vay, Alex passerait difficile-ment pour un con.Lauréat de plusieurs festivalsrenommés, son premierspectacle fait forte impres-sion, parvenant à distillerl’érudition du jeune humo-riste, qui explore l’art soustoutes ses formes, sans cesserde faire rire ni manquer uneoccasion de placer un hu-mour plus grivois. Les foo-teux l’ont vu en faux neveuBayat dans Studio 1, la radionous l’offre le dimanche ma-tin sur VivaCité dans Les en-fants de Chœur et les Pari-siens y ont droit, trois foispar semaine jusqu’en avril,au célèbre Théâtre de DixHeures... La preuve que l’artest un excellent placement,et Alex Vizorek un produitplein d’avenir.Du 3 au 5 février à l'Espace

Delvaux à Watermael02/672.14.39

Que l’humoriste québécoissache passer du rire auxlarmes, sa présence dansl’excellente comédie drama-tique Les Invasions barbaresnous l’avait déjà démontré.Qu’il donne de la voix avecélégance, même CélineDion, qui lui a confié sa pre-mière partie il y a dix ans,était au courant. Mais de là àimaginer que, non contentde mêler ses talents dansune scénographie digne deLas Vegas, l’homme accepte-rait aussi de se mettre à nu... Sans abandonner son rôled’humoriste, Rousseau al-terne en douceur paren-thèses heureuses et doulou-reuses dans un spectacleentièrement autobiogra-phique. «Ce qui n’est pas nonplus un gage de qualité. Sima vie est merdique vous al-lez vous ennuyer», prévient-il.On parie le contraire...Le 2 février au Cirque Royalde Bruxelles - 070/660.601

À suivreVéronic DiCaireRepérée par René Angélil,le producteur et mari deCéline Dion lui-même, cetteautre Canadienne a autantde talent comme chanteusequ’en tant qu’imitatrice, dePiaf à Kaas en passant parBritney Spears. Un exercicetrop rarement féminin, cequi la rend d’autant plusprécieuse...

Le 25/03 à ColfontaineLe 26/03 au Cirque RoyalLe 27/03 au Forumde Liège

Jamel DebbouzePremier spectacle de Jamel depuissept ans, celui-ci est un peu belge,puisque créé et testé à Bruxelles l’au-tomne dernier, entre deux tournéesde promotion pour le cinéma et satoute nouvelle vie de papa. Son filsLéon figure d’ailleurs parmi lesthèmes traités par l’humoriste.Jamel continue de parler de savie avec talent, et ça devraitcontinuer à plaire...

«Jamel 100% Debbouze»Le 4 mars au Forum de LiègeLe 5 mars au PBA de CharleroiLe 20 mai à Forest National

Michel LeebAvide de porter sa folie doucesur des terrains inattendus,Michel Leeb embarque entournée rien de moins quel’orchestre d’Avignon, avecpour ambition de rire«non pas aux dé-pens de Wolfgangou Ludwig», maisd’approcher lagrande musiqueen bousculant lesrègles...

«Concert Hilarmonic»Le 25 mars au Cirque Royal

Alex Vizorekest une œuvre d’art

Les confessionsde Rousseau

«Mille respectspour ce génie créatif,mais travailler avec

Pirette n’est pasévident!»

«J’ai appris à jouerau volley... à poil!

C’est vraimentabsurde, mais

ça décomplexe»