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«Même si le sujet de ce livre porte sur les relations père-fils et

sur la paternité défaillante, il ne s’adresse pas uniquement aux

hommes. Le problème touche aussi les femmes. Leur souffrance à

ce sujet est peut-être même plus grande.» Donald Miller

«Ce livre est important car il remet les choses en ordre. Tout y

passe: la famille, les relations, le travail ou encore l’intégrité... Tout

est là. Donald Miller nous livre LE mode d’emploi qui permet à

chacun de faire le point sur sa vie.» David Ribotti

Ce livre s’adresse à tous: les hommes qui s’interrogent, les femmes

qui souhaiteraient les interroger.

Donald Miller est l’auteur de plusieurs ouvrages dont Jazz à l’âme.

Une spiritualité libre et authentique.

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ISBN 978-2-940335-47-3

CHF 24.90 / € 19.90

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Table des matières

Introduction Pères absents: une histoire à réécrire ...............7

1 Les pères de remplacement ..................... 13 Il y a des hommes au sol !

2 Notre problème ......................................... 31 Avoir mon propre dragon

3 Un mentor ................................................. 39 Terri m’a dit que je pouvais me faire un sandwich

4 Le sentiment d’appartenance ..................... 49 Ce que les Eisenhower savaient

5 La vie spirituelle ......................................... 71 Comme un père, Dieu veille sur nous

6 L’autorité ..................................................... 91 A propos des turbulences

7 La masculinité .......................................... 101 Le bon équipement

8 Prendre des décisions ..............................117 Comment sortir de prison

9 L’amitié ..................................................... 139 Qui s’assemble se ressemble

10 Les relations hommes-femmes ................ 145 Comment choisir et garder la personne que l’on aime

11 La sexualité .............................................. 157 La valeur du dollar en Argentine

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12 L’intégrité ...................................................171 Comment obtenir un téléphone portable gratuitement

13 L’éthique du travail ....................................175 Comment les Japonais font-ils la guerre ?

14 L’apitoiement sur soi ................................. 191 Ennuyer les autres et aimer toucher le fond

15 L’éducation ............................................... 197 Le chien de Jordan et de Mindy

16 Le pardon ................................................ 213 Pardonner à mon père

17 L’empathie ................................................ 223 Des blessés qui deviennent soignants

Remerciements ............................................. 233

A propos de l’auteur ...................................... 235

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Introduction Les pères absents: une histoire à réécrire

J’ai toujours détesté aborder la question des rela-tions paternelles. J’admets en toute honnêteté que cela m’a toujours mis dans une position de vulnérabi-lité, car je me sens un peu comme un enfant pitoyable et plaintif. Or, j’ai toujours refusé toute forme d’apitoie-ment sur moi-même. C’est la raison pour laquelle j’ai eu énormément de peine à écrire ce livre. A tel point qu’il a fallu que je me retire dans le chalet d’un ami, sur l’île d’Orcas, seul et loin de tout, pour faire face à mes problèmes relationnels ! J’ai passé beaucoup de temps à pleurer, écrire, effacer, réécrire... La rédaction de ce livre a été une véritable remise en question, un moment pénible tout au long duquel je me suis senti comme un homme incomplet, une «moitié d’homme».

Il m’a fallu presque une année pour parvenir à écrire cet ouvrage, sans compter les deux mois de finalisation et d’édition. C’est sans conteste le livre le plus difficile que j’ai eu à écrire. C’était pour moi un véritable défi. Les difficultés que j’ai rencontrées n’étaient pas d’ordre littéraire ou rédactionnel, mais émotionnel. J’ai dû m’aventurer sur des terrains que j’avais toujours volontairement ignorés et aborder des choses que j’avais jusque-là préféré occulter. Chaque jour, je me réveillais avec un fort sentiment

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d’impuissance et une plainte continuelle, en consta-tant à quel point mon père m’avait manqué durant mon enfance. J’étais partagé entre deux sentiments contradictoires: me rendre à l’évidence et admettre les blessures liées à ce manque, ou rester fort, insen-sible, désinvolte. Je pouvais me dire: « Oui, mon père a été absent, et alors? Je n’ai pas eu besoin de lui, je m’en suis très bien sorti sans lui ! »

Aujourd’hui, alors que je suis dans la quarantaine, j’ai toujours autant besoin d’un père. Au moment où j’écris ces lignes, je m’apprête à participer à la tour-née de promotion du livre qui me conduira dans plus de soixante villes où beaucoup de gens viendront découvrir ce que révèle ce nouveau titre.

Pour diverses raisons, je me sens encore comme un enfant. Je ne parviens jamais à être tout à fait sûr de moi et à ne pas me laisser envahir par un sentiment de vulnérabilité qui m’empêche d’entrer dans une rela-tion d’intimité avec une autre personne, ou encore de partager mes émotions avec une femme. Sur le plan professionnel, je manque encore d’assurance quant à la qualité de mon travail. Je me dis: « Les gens qui m’applaudissent m’aimeraient-ils vraiment s’ils me connaissaient personnellemen ? » Beaucoup de ces sentiemnts d’insécurité, ainsi que mon manque de confiance en moi, sont dus à des relations pater-nelles problématiques. Certes, chacun de nous a des craintes d’origines diverses. Je ne dis pas que tous ceux qui ont grandi sans père ont nécessairement un manque de confiance en eux ou des problèmes sur le

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Introduction

plan émotionnel; toutefois, le rapport entre les deux et le lien de cause à effet sont indéniables.

Il y a quelques années, une première version de ce livre, publiée par un petit éditeur, a eu du mal à entrer dans le circuit des librairies, mais s’est finale-ment très bien vendue. Partout où je me rendais, de nombreux lecteurs venaient me dire à quel point ce texte les avait touchés. Dans ces lignes, je livrais une partie de mes secrets et de mon intimité, aussi avais-je envie de leur parler de façon plus personnelle, de faire quelques pas avec eux, de leur dire qu’eux seuls devaient savoir à quel point je luttais... Mais au fond, ce n’était pas vraiment ce que souhaitais; je ne vou-lais plus me battre et me débattre, j’étais indécis et je ne me sentais guère l’âme d’un guerrier. J’avais honte du bourbier duquel j’essayais d’émerger pour me per-suader que j’étais un homme.

Heureusement, aujourd’hui les choses sont diffé-rentes: les hommes commencent à parler de leurs problèmes. Des sujets non abordés jusque-là émer-gent et attirent l’attention et l’intérêt. La question des relations avec le père est abordée ouvertement. Des voix se font entendre, comme celle de Tim Russert qui écrit dans un livre magnifique1 des choses très positives au sujet de son père et de sa relation avec lui. Le président Barack Obama lui-même, orphelin de père aussi, a évoqué les difficultés éprouvées dans sa jeunesse; il a insisté sur le fait que certains mentors et

1 Wisdom of Our Fathers, Lessons and Letters from Daughters and Sons (titre signifiant La sagesse de nos pères, leçons et lettres de filles et de fils), Random House, 2006.

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figures masculines l’ont aidé à combler l’absence de son père.

Même si ce livre porte sur les relations père-fils et sur la paternité défaillante, il ne s’adresse pas uni-quement aux hommes. Le problème touche aussi les femmes. Leur souffrance à ce sujet est peut-être même plus grande. Je crois, en effet, à l’impact béné-fique des paroles d’un père qui dit à sa fille qu’elle est belle, qu’elle est une femme digne d’être aimée et respectée par un homme qui lui voudra du bien. Si ce message n’est pas délivré par son père, elle cher-chera un autre homme qui le lui dira, mais dont les motivations seront peut-être moins pures. Lorsqu’elles grandissent sans un père de qualité, les filles peuvent avoir tendance à devenir des victimes, et les hommes à devenir leurs oppresseurs. Des chiffres révéleraient que les hommes représentent 94% de la population carcérale et que 85% de ces hommes auraient grandi dans des foyers dont le père était absent.

Beaucoup de sociétés connaissent actuellement une crise dans plusieurs domaines. La crise de la paternité en fait partie, mais plus largement encore, c’est une crise de l’homme et de la masculinité dont il est question de nos jours. Cette crise affecte nos familles et nos écoles; elle remplit nos prisons et frappe les femmes en plein cœur.

J’ai été l’initiateur d’un programme de mentorat qui offre des ressources à des centaines de milliers d’Eg-lises américaines, pour que les 27 millions d’enfants ayant grandi sans père puissent trouver des mentors. Je suis convaincu que si nous trouvons des modèles

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Introduction

masculins capables de véhiculer des valeurs posi-tives pour empêcher certains enfants d’aller tout droit dans le mur, nous pourrons fermer des prisons d’ici une vingtaine d’années. Nous pouvons endiguer le suicide des adolescents, les grossesses non désirées et l’avortement. Nous pouvons faire reculer le nombre dévastateur de divorces en nous investissant et en fournissant des mentors aux enfants sans père.

Ce livre ne traite pas de la naissance d’un mou-vement; rien de tel n’a véritablement vu le jour. Au contraire, les statistiques montrent que le problème continue de s’aggraver. Il parle de la difficulté, de la honte et du malaise auxquels chacun d’entre nous est confronté. Dans ces pages, je confesse avoir toujours eu besoin d’un père; tant que je n’avais pas reconnu cela honnêtement, je n’étais en vérité que la «moitié d’un homme». Puisse ce livre être un guide, un repère informel qui permette la reconstruction du socle de notre vie, le rende plus solide et plus durable.

L’histoire des laissés-pour-compte de la paternité est en effet à réécrire. Il est temps de lancer un mou-vement grâce auquel nous pourrons, dans l’ouverture et l’honnêteté, à la fois confier nos faiblesses et trou-ver la force nécessaire. J’espère sincèrement que bientôt, les pères ne seront plus une illusion, mais une réalité. Le mouvement commence avec chacun de nous.

Amicalement.

Donald Miller

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1. Les pères de remplacement

Il y a des hommes au sol !

En l’absence d’un véritable père, il m’a fallu com-poser avec une série de personnages tour à tour hila-rants, pitoyables, parfaits, gentils et sages…

Les voici !Mon premier « père » était un personnage d’un

feuilleton télévisé, un homme afro-américain qui por-tait des pulls et des tee-shirts bariolés. Il habitait New-York ou Chicago, je ne me souviens plus très bien. C’était un homme brillant marié à une jolie femme. Je parle de Bill Cosby et de la comédie The Cosby Show, une série mettant en scène la vie quotidienne d’une famille afro-américaine aisée, les Huxtable. Lorsque j’étais enfant, j’aurais voulu être son fils, Théo Huxtable. J’aimais la façon de s’habiller de ce gar-çon, sa manière de parler avec les filles et son tem-pérament. Il était sûr de lui et toujours à l’aise, même

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lorsqu’il avait eu de mauvaises notes. Ses trois jolies sœurs, l’aînée et deux cadettes, l’encourageaient en permanence et lui donnaient des conseils qui l’aidaient à régler ses problèmes de cœur. Ce que j’aimais chez Bill Cosby, c’était qu’il avait beaucoup d’argent et une certaine philosophie sur la manière de le gérer, de planifier les dépenses et de faire des économies. Tout cela donnait à toute la famille un sentiment de sécu-rité, en particulier à sa femme qui ne manquait pas de lui manifester son amour. Bill ne paniquait jamais face aux incidents du quotidien; qu’il s’agisse d’une vitre cassée ou d’un verre renversé, il gardait toujours son calme. Si jamais il faisait mine de s’énerver, ce n’était que pure comédie qui n’avait rien à voir avec une réelle scène de ménage. Il ne se prenait jamais au sérieux et cela le rendait particulièrement attachant. Je me souviens de tous les moments passés dans ma chambre, devant la télévision, à vivre par procuration l’existence imaginaire des Huxtable, une famille qui accueillait régulièrement des invités célèbres pour une improvisation musicale ou un numéro de claquettes.

Ma mère était super, mais les seules invitées que nous recevions chez nous étaient des femmes seules de l’Eglise, et aucune d’elles ne venait pour chanter du gospel, faire un numéro de claquettes ou réciter un poème retraçant l’épopée du peuple noir opprimé vers la liberté. Nos invitées n’étaient pas du genre à partager un repas à la bonne franquette; elles préfé-raient bavarder et parler de leurs ex-maris avec beau-coup d’amertume.

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Les pères de remplacement

Une autre chose que j’appréciais dans le Cosby Show, c’était que les disputes n’étaient jamais très graves. Par exemple, le jour où Théo avait obtenu son diplôme universitaire, son père Bill avait voulu inviter tout le quartier à la cérémonie, mais il n’avait pas suffi-samment de tickets d’entrée, car toute la famille s’était mobilisée pour y assister. Par amour pour sa famille, Bill était toujours capable de remuer ciel et terre, ce qui plaisait beaucoup à son entourage. Les femmes, en particulier, étaient admiratives, et, selon les situa-tions, une sorte de complicité s’installait entre elles et lui sur le mode comique. Théo levait alors les mains au ciel en s’exclamant: «Toi alors, papa!» Moi, j’étais là, allongé par terre devant ma télé, à reproduire cette gestuelle. Il n’y avait rien à dire, les Afro-Américains étaient vraiment extraordinaires!

Je me disais que les familles blanches avaient aussi des pères intéressants, mais pas au point qu’on produise un feuilleton télévisé. Ce n’est que plus tard, en grandissant, que j’ai commencé à ouvrir les yeux. Le père de mon ami Tom a été le premier à me dire que dans la vraie vie, un père de famille ne reçoit pas dans son salon des chanteurs de jazz, de soul ou de R&B avant le repas du soir. Quant aux cérémonies de remises de diplôme, il est très peu probable que les membres d’une famille y montent sur scène pour prendre la parole. La réalité est tout autre. Aux Etats-Unis, les vrais pères, du moins celui de Tom, nettoient les armes de la maison en regardant la télévision, tondent la pelouse une bière à la main et donnent une petite caresse sur les hanches de leur femme

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pendant qu’elle prépare le repas. Ainsi, en conjuguant ces deux modèles de pères, le père de Tom et Bill Cosby, j’en étais venu à croire que le rôle d’un homme était de veiller sur sa maison, de s’assurer que toutes les armes soient bien chargées, de manifester ses désirs auprès de son épouse, de tenir de longs dis-cours à ses enfants pour leur expliquer pourquoi ils devaient ranger leur chambre, et, surtout, de rester toujours «face caméra» lors du repas, même si les autres membres de la famille se retrouvaient tous assis du même côté de la table, comme dans les feuil-letons télévisés!

******Ma mère était la seule femme à animer notre club

de scouts. Elle n’a jamais vraiment su comment s’y prendre, mais elle a toujours fait de son mieux. Je me souviens du jour où j’ai participé à la fameuse course de voitures en bois. C’était une course par équipe où chaque tandem père-fils devait sculpter une voiture dans un morceau de sapin, pour la lancer ensuite sur une piste et défier les voitures des autres. J’ai fini bon dernier. Le soir où nous avons fabriqué les voitures, maman m’avait emmené au Centre du club. Elle pen-sait que les hommes qui s’affairaient sur les voitures de leurs fils m’aideraient à terminer la mienne. Mais ils ne l’ont pas fait, et j’ai préféré penser que cela n’avait pas d’importance. En fait, j’avais juste envie de prendre l’une de leurs perceuses sans fil pour aller faire des trous dans la piste en ciment, ce que je ne me suis pas privé de faire. Au moment où la compé-tition a commencé, ma voiture n’avait pas encore de

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roues, aussi a-t-il fallu que j’improvise. J’avais ajouté de l’huile à l’arrière du bloc de bois et un numéro sur les portières, comme sur la voiture d’une série télé bien connue.

Devant une centaine de jeunes scouts entourés de leurs père et mère, mon engin a démarré quatre fois plus lentement que les autres, pour s’arrêter finale-ment d’un coup en pleine ligne droite. Silencieux, les spectateurs m’ont regardé. Je suis resté impassible, les mains sur les hanches, en hochant la tête. «Cet engin, il tombe toujours en panne!» C’est tout ce que j’ai trouvé à dire. Ma mère a été terriblement boule-versée par cet incident, mais à l’époque, je ne m’en suis pas rendu compte. Nous avons repris ma voiture et avons quitté très tôt la soirée. Avant de partir, ma mère a invectivé très durement les hommes de notre groupe, qui lui ont répondu avec tout autant de dureté en faisant allusion à une piste remplie de trous de perceuse...

Maman ne s’est cependant pas résignée. A une autre occasion, elle a demandé au fils de notre pro-priétaire, un fumeur de joints, de m’accompagner à un camp rassemblant des pères et leurs fils, orga-nisé par le même club de scouts. L’homme s’appelait Matt, conduisait une Coccinelle jaune, écoutait de la musique rock et terminait chacune de ses phrases avec des «Tu vois ce que je veux dire, mec». Il était très cool, mais je crois qu’il ne se sentait pas à sa place parmi ces pères de famille qui avaient tous vingt ans de plus que lui, étaient mariés, conduisaient des voitures familiales, n’avaient que très rarement fumé

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de l’herbe, voire jamais, et n’écoutaient donc proba-blement pas les Lynryd Skynryd et autres groupes de rock en vogue.

Lui et moi avons été mal à l’aise pendant ce week-end père-fils. Après tout, nous ne nous étions vus qu’une seule fois auparavant, lorsque Matt était venu à la maison pour changer les ampoules de l’entrée ex-térieure. Je le revois encore arriver et m’interpeller du haut de son échelle: «Hé petit gars! Comment je fais pour mettre une ampoule dans ce truc, alors qu’il y en a déjà une dedans? Tu vois ce que je veux dire, mec.»

Le dernier soir du camp, nous étions tous assis autour d’un feu et chaque père devait évoquer un souvenir marquant parmi ceux vécus avec son fils. Lorsque cela a été au tour de Matt de parler de moi, il est resté silencieux pendant un instant. N’importe quel souvenir aurait pu faire l’affaire; j’essayais de trouver quelque chose à dire et je pensais au jour où il était venu changer l’ampoule. Il avait dû déplacer plusieurs fois l’échelle et je l’avais aidé en allumant et en étei-gnant la lumière. Je savais que cette histoire était plu-tôt ennuyeuse, mais je pensais pouvoir l’embellir un peu en racontant que nous nous étions électrocutés et que nous avions dû subir une séance de massages cardiaques. Après un silence de réflexion, Matt a fina-lement décidé de parler du voyage que nous avions fait pour nous rendre jusqu’au camping: la halte dans un restaurant Fast Food, la manière dont nous avions redémarré de la voiture en courant et en sautant et notre improvisation déchaînée sur un morceau du groupe de rock Lynryd Skynryd.

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«Les moments avec nos enfants ou avec ceux de nos voisins sont importants, vous voyez ce que je veux dire, les mecs!» C’est ainsi que Matt s’est adressé aux autres pères, et la plupart d’entre eux sont restés interloqués. J’ai acquiescé d’un signe de tête et me suis senti dans l’obligation de rompre le silence devenu embarrassant:

– Je vois ce que tu veux dire.– Aucun doute là-dessus, Doug...– Don, je m’appelle Don.– Bien sûr, petit gars!Il m’a répondu en riant et en me donnant une petite

caresse sur le visage. Il avait l’air un peu gêné. Puis, voyant son intervention tomber à l’eau, il a enchaîné en racontant une de ses aventures de jeunesse avec une fille qu’il avait réussi à entraîner dans le local d’entretien de l’université. Un des pères l’a arrêté juste avant qu’il n’entre dans les détails; cette interruption a d’ailleurs causé une certaine déception du groupe apparemment intéressé par ses ébats d’adolescent. Matt a tout de même pu terminer son histoire le len-demain, au moment où nous attendions tous en ligne pour participer à la descente en canoë. Apparemment, l’odeur des produits d’entretien du local en question continuait à lui faire de l’effet…

******Matt était super, mais en matière de paternité, il

n’était certainement pas une référence. Peu de temps après ce camp, il a dû partir pour l’armée; je n’ai donc jamais eu l’occasion d’apprendre comment emmener

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une fille dans un local d’entretien ou conduire une voi-ture pendant deux ans sans permis!

Par la suite, j’ai rencontré un autre homme qui semblait un peu plus adapté au rôle de père. Il était très « réglo » et c’était fort appréciable. Le seul pro-blème, c’est qu’il avait parfois un comportement un peu bizarre. Il s’appelait Monsieur Kilpin et fréquen-tait notre Eglise. Il était passionné d’aéromodélisme et passait beaucoup de temps à télé-piloter dans les champs. Au début, je trouvais ça très passionnant, du moins pendant les vingt premières minutes, car ce qui m’ennuyait, c’était qu’il ne me laissait jamais prendre les télécommandes de son avion. Il restait planté au milieu du champ avec, sur la tête, son fameux cha-peau militaire qu’il avait probablement dû rapporter du Vietnam. Les yeux exorbités, il fixait son avion en lui faisant faire des loopings et des piqués et en accom-pagnant la scène de bruits de bombe qu’il produisait avec sa bouche.

– Tu as vu ça, Donald? me demandait-il.– Tu les as bien eus, ces fichus communistes!

répondais-je.Je lui répondais tout en essayant de tuer le temps

avec un frisbee ou tout autre objet qui pouvait me dis-traire. Je lui demandais régulièrement de me laisser les télécommandes, mais sa réponse demeurait la même: «Oui, la prochaine fois peut-être, mais juste pour quelques secondes.»

Il a fallu que j’endure trois week-ends de batailles et d’attaques sur le Delta du Mékong pour que mon insistance ait raison de lui et qu’il me laisse enfin les

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commandes. Quelques secondes plus tard, l’avion se crashait dans un arbre… Monsieur Kilpin s’est aussi-tôt précipité à travers champs en direction de l’arbre en s’écriant: «On en a eu ! Il y a des blessés ! Il y a des hommes au sol !» Sur le chemin du retour, il m’a expliqué dans les détails toutes les tortures que de-vaient endurer les pilotes en captivité... Nous ne nous sommes jamais revus après ce jour mémorable.

L’homme que j’ai rencontré par la suite était vrai-ment mieux et s’est avéré être un parfait père de for-tune, un vrai père de remplacement. Il faisait partie de notre Eglise où il s’occupait des activités pour les jeunes. Il est arrivé au moment où j’entrais au col-lège. Il s’appelait David Gentiles. Comme je pensais qu’un nom de famille, à l’origine, était souvent lié à l’activité et à la condition des ancêtres, j’ai supposé que sa famille était issue d’un petit groupe qui avait voulu se distancier de la communauté juive, les non-Juifs étant appelés les Gentils aux temps bibliques. Je lui en ai fait part, mais il n’a jamais authentifié mes suppositions.

Je n’habitais qu’à quelques centaines de mètres de l’église où il avait un bureau et j’allais souvent lui rendre visite. Je m’asseyais en face de lui et nous abordions divers sujets: l’actualité, le football, le temps, les femmes... Il m’arrivait de lui lancer des élastiques ou d’envoyer des crayons au plafond pour l’empêcher d’étudier la Bible. Parfois je lui expliquais comment je m’y serais pris pour mettre de l’ordre dans son bureau. Malgré mon comportement, David ne m’a ja-mais demandé de partir, et, lorsque j’y repense, je me

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demande bien pourquoi. Soit il appréciait réellement ma compagnie, soit il était fin diplomate, voire comé-dien. Quoi qu’il en soit, je crois qu’il aimait mes idées; il a même acquiescé d’un signe de tête le jour où je lui avais suggéré qu’il n’avait pas besoin d’une table ou d’un bureau pour travailler, qu’il pouvait tout aussi bien faire comme Ronald Reagan: travailler debout. En plus, cela aurait eu l’avantage de dégager la pièce, ce qui aurait permis d’y installer un baby-foot ou une table de ping-pong.

Régulièrement, je regardais les livres sur ses éta-gères et lui posais des questions sur leur contenu:

– Il parle de quoi, ce livre sur la Guerre civile?– De la Guerre civile.– Et celui-là, sur Abraham Lincoln?– Celui-là, ce n’est qu’un livre de cuisine.Après que j’ai passé plus d’une vingtaine de ses

livres en revue en lui posant des questions sur cha-cun, il m’a demandé si les livres en général m’intéres-saient. Je lui ai répondu que je n’en savais trop rien, mais que beaucoup étaient trop longs. Il m’a ensuite parlé de poésie, ce que je trouvais bien, car la poésie, c’est plus court. David disait que les femmes aiment particulièrement ce genre de littérature. Je suis rentré chez moi et j’ai décidé de me mettre à lire de la poé-sie. J’en ai lu beaucoup et j’ai même appris par cœur un ou deux poèmes, ce qui a vraiment impressionné David. Peu de temps après, il m’a demandé si j’avais déjà eu l’idée d’écrire. Il m’a dit que j’avais le don de comprendre la poésie et il se demandait si je serais

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intéressé à écrire un petit article pour le bulletin d’in-formation du groupe de jeunes.

– Je vois que tu as fait beaucoup de progrès, Don, m’a-t-il dit alors que nous marchions dans les cou-loirs de l’église. Tu te débrouilles vraiment bien dans l’écriture et ta vie spirituelle s’est développée d’une manière significative. C’est formidable. Je pense maintenant que tu pourrais aborder la question de la foi avec finesse. Serais-tu intéressé à écrire un article sur ce sujet?

– Elémentaire, mon cher Watson ! lui ai-je répondu.J’ai passé les semaines suivantes plongé dans

le dictionnaire, à la recherche des mots les plus étranges et les plus extravagants qui soient comme «loquace» ou «éberlué». David allait être estomaqué par mon intelligence, me disais-je! La première phrase de mon article était: «La loquacité de la rhétorique pieuse s’est développée chez le paria des couloirs de l’église.» L’article expliquait à quel point les membres de l’Eglise étaient bornés, à l’exception de Dave et moi. Il se terminait avec la liste des dix personnes les plus ennuyeuses de l’Eglise.

Je suis allé remettre l’article à David. Au fil de la lec-ture, assis derrière son bureau, il se raclait la gorge, toussotait, écarquillait les yeux, aplatissait le papier, puis tout à coup, arrivé à la fin d’un paragraphe, il a commencé à secouer la tête, la main sur le front, et il m’a regardé avec un air perplexe. Je m’imaginais qu’il se demandait comment il était possible pour un si jeune homme d’écrire aussi bien.

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– Les points d’exclamation sont bien utilisés. Ta ponctuation est remarquable.

Lorsque j’y repense, je crois qu’il disait vrai: j’ai toujours été très doué pour la ponctuation! David m’a ensuite gentiment expliqué que l’article avait tendance à être un peu trop acerbe et que je pourrais plutôt essayer d’écrire quelque chose sur un sujet qui me plaisait, par exemple sur les gens que j’aimais ou sur un film, un disque, un concert ou un événement du collège où j’étudiais. Je lui ai répondu que je trouvais ces idées très bonnes, mais qu’elles s’adressaient davantage à un journaliste. Je devais me décider au sujet de ce que je souhaitais écrire et, avec tout le respect que je devais à David, je n’avais pas l’intention de me laisser faire. Il m’a précisé qu’il ne me deman-dait pas pour autant de faire des compromis. Je l’ai remercié, et, bien adossé sur ma chaise et les jambes croisées, je lui ai répondu:

– Travailler sur commande, très peu pour moi ! Je ne suis pas très fan des corporations et de l’esprit d’entreprise.

– Moi non plus ! a-t-il rétorqué l’air confus.La même semaine, notre collège organisait un

concours de jeunes talents. J’avais décidé d’inter-viewer certains des participants et de préparer un compte rendu. Assis au fond de la salle, j’espérais bien que les gens m’identifieraient en voyant mon équipement: bloc-notes, crayon et casquette portant une étiquette avec l’inscription presse en gros carac-tères. Durant le spectacle, je me suis avancé dans la salle pour recueillir les réactions du public. Puis je

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suis allé dans les coulisses; c’était au moment où un groupe local se produisait en interprétant la chanson Pour Some Sugar On Me2, en une version de douze minutes à peine reconnaissable. Au final, le chan-teur, qui portait de longs cheveux bruns, s’est ren-versé un sac entier de sucre en poudre sur la tête. Le Principal du collège a dû interrompre le concert pour laisser le temps au chanteur de balayer la scène. Un groupe de trois jeunes filles a ensuite pris place sur scène. Elles ont entamé une danse lascive sur la musique du film Flashdance, en se trémoussant et en montant sur des chaises tandis que des garçons de l’équipe de football leur lançaient de l’eau depuis les coulisses. Malheureusement, il a fallu là aussi interrompre le numéro. J’ai quand même réussi à interviewer tout le monde: le groupe de rock et les filles. J’ai demandé aux membres du groupe: «Le sucre, c’est une métaphore de quoi?» Je venais de découvrir quelques jours plus tôt le mot métaphore et la signification de ce concept me fascinait. J’en ai aussi profité pour demander aux danseuses de Flashdance si leurs jambières étaient, elles aussi, une métaphore.

Puis est venu le tour d’une fille, Monica, qui faisait partie de mon groupe de jeunes et que j’avais plu-tôt ignorée tout au long de l’année. Elle est montée sur scène, s’est timidement approchée du micro et a salué le public en annonçant qu’elle allait chanter un cantique pour Jésus. J’en ai laissé tomber mon

2 Chanson du groupe de hard rock britannique Def Lepard dont le titre signifie «Cassez-moi du sucre sur le dos».

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crayon en pensant que c’était un suicide, qu’il était impossible de chanter un cantique à un concours de jeunes talents. Le public ne s’est d’ailleurs pas privé de lui adresser quelques commentaires hostiles en la traitant de « petite fille de la prairie » ou quelque chose du genre... Le pianiste qui l’accompagnait a commencé à jouer, puis elle s’est mise à chanter à tue-tête l’une des pires versions jamais entendues du gospel His Eye Is on the Sparrow3.

Les spectateurs s’en sont donné à cœur joie pour manifester leur mécontentement, chahutant jusque dans les allées de la salle de concert. J’étais dans les coulisses, un peu désolé pour elle. J’ai soudain ressenti une douleur étrange au niveau de la poitrine. Quelqu’un était en train de se faire humilier publique-ment, et, de mon côté, je devais faire un choix, mouil-ler ma chemise, prendre parti pour elle et l’applaudir, ou faire comme si de rien n’était et ne pas montrer que nous fréquentions la même Eglise. J’ai alors décidé d’être sincère et je l’ai applaudie. J’ai été le seul à me lever pour l’ovationner. Je suis heureux de l’avoir fait. Lorsqu’elle a quitté la scène, je suis allé l’interviewer pour lui demander si le moineau de la chanson était une métaphore de quelque chose! J’en ai profité pour lui dire qu’elle avait fait un beau travail et que j’étais fier d’elle. Entre nervosité et soulagement, elle m’a regardé avec un grand sourire. Le soir même, à la maison, j’ai rédigé un article dans lequel j’expliquais

3 Gospel écrit en 1905 par Civilla D. Martin et Charles H. Gabriel, et dont le titre signifie « Il porte ses yeux même sur un moineau ». Ce gospel a été repris par de nombreux artistes comme The Soul Stirrers, Shirley Caesar, Marvin Gaye, Lauryn Hill ou encore Jessica Simpson.

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que ce concours de jeunes talents avait dû faire la joie de Dieu, et que personne ne devrait avoir peur du ridicule : « Chanter comme un chat qu’on égorge ne doit pas être un obstacle à notre envie de servir Dieu.

» Mon article se terminait par une conclusion digne des plus grands mélodrames, avec un slogan qui révélait le véritable sens du message: «Même si, ce soir-là, toute la salle a sifflé, et même s’il est fort peu probable que Monica chante notre hymne national aux prochains championnats d’échecs, les anges ont applaudi, et les pensées des anges sont de loin supé-rieures à celles des hommes, car les anges peuvent voler.»

Monica a été la première personne à lire l’article. Lorsqu’elle est arrivée à la moitié, elle a commencé à avoir les larmes aux yeux et, à la fin, elle m’a regardé avec des yeux pleins de tendresse. J’ai alors ressenti une certaine vulnérabilité dans son regard. Elle a laissé tomber la feuille par terre et s’est enfuie en cou-rant à travers le hall qui longeait les salles de cours. C’est alors que j’ai su que j’avais un don pour l’écriture.

David Gentiles avait raison. Je pouvais créer de l’émotion avec des mots, je pouvais encourager les gens pour qu’ils puissent changer de vie à jamais. Même si je devais retravailler certains passages, comme celui « du chat qu’on égorge », que David avait jugé un peu trop sévère, mon article avait gardé toute sa puissance. J’ai eu beaucoup de retours très posi-tifs. A l’Eglise, les gens venaient me dire que j’avais fait du bon travail: «Très intéressant, ce passage sur les anges!»

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Tout ça pour dire que, même si David était très occupé, il avait décidé de passer du temps avec moi et de m’encourager à écrire. Il a joué un rôle très important: il m’a aidé à croire en moi, à être convaincu que ma vie avait un sens. Je ne pense pas qu’il y ait quelque chose de plus important pour un enfant.

A vrai dire, j’ai appris qu’on ne fait rien tout seul. Ceux qui agissent de façon indépendante n’arrivent à rien. La sagesse se transmet d’une génération à l’autre, autant en ce qui concerne l’amour que la foi, et même pour les règles de ponctuation… Sans cette sagesse, on ne peut devenir pleinement soi-même.

Dans la vie, nous nous efforçons de façon natu-relle de faire ce qui nous apporte une gratification, ce qui nous donne de l’importance et nous aide à trouver notre place. Nous préférons toujours nous éloigner de ce qui ne nous réussit pas. Je me rap-pelle très bien la période où j’ai commencé à écrire et le choix que j’ai dû faire. En ce temps-là, j’avais un ami avec lequel je venais juste de découvrir un moyen facile et efficace d’entrer chez les gens et de leur dérober quelque menue monnaie; on pouvait par exemple la trouver dans leurs vases de salon. J’arrivais à concilier ces deux occupations apparem-ment contradictoires: d’une part, dérober de petites sommes et, d’autre part, écrire mes premiers articles. Je ne pensais absolument pas devoir choisir entre ces deux activités. C’était comme si je nageais dans une rivière, tiraillé entre deux courants opposés, mais cela ne me dérangeait pas. J’aurais facilement pu finir en prison, les premiers délits commençant par de petits

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cambriolages pour en arriver aux mauvaises fréquen-tations, à la drogue et ainsi de suite... Un engrenage s’installe, comme le révèlent les statistiques. Durant cette période, c’est David Gentiles qui m’a tendu la main. Il a été pour moi comme un père. La plupart des gens que nous côtoyons savent-ils où ils vont dans la vie? Le plus souvent, c’est le cas. Toutefois, certains courants plus forts que d’autres peuvent nous entraî-ner. C’est justement dans ces moments-là que nous avons besoin de quelqu’un qui nous rejoigne et nous guide sur la bonne voie.

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2. Notre problème

Avoir mon propre dragon

Je ne me suis pas intéressé à la lecture très tôt; ce n’est qu’à l’université que j’y ai vraiment pris goût. Mais j’ai toujours été fasciné par ce qui touche à l’ima-ginaire, à ce qui n’existe pas. J’avais déjà entendu des histoires de fées, de dragons et de trolls lorsque j’étais à l’école primaire. Je me souviens encore de cet atelier de lecture où la bibliothécaire de l’école nous attendait; elle s’asseyait silencieusement, les jambes croisées, jusqu’à ce que soyons tous installés. Dans un silence complet, elle commençait la lecture. Alors ses lèvres se fondaient dans la simplicité des mots qui nous étaient contés. La paume de sa main s’immobi-lisait dans le pli du livre qu’elle retournait pour nous montrer les illustrations, de très belles aquarelles. Je me rappelle en particulier celle d’un petit troll emmi-touflé dans un grand manteau. Il habitait sous un pont et surveillait, d’un œil vigilant, les voyageurs qui pas-saient sur la route. Je me souviens aussi d’un livre


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