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Souvenirs de mes années

« collège » et « lycée »

Clic pour avancer

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O temps, suspens ton vol…  O temps suspens ton vol ! et vous, heures propices,Suspendez votre cours !Laissez-nous savourer les rapides délicesDes plus beaux de nos jours ! 

Assez de malheureux ici-bas vous implorent ;Coulez, coulez pour eux ;Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;Oubliez les heureux. 

Mais je demande en vain quelques moments encore,Le temps m’échappe et fuit ;Je dis : « Sois plus lente » ; et l’auroreVa dissiper la nuit. 

Aimons donc, aimons donc ! De l’heure fugitiveHâtons-nous, jouissons !L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ;Il coule, et nous passons !   

Alphonse de Lamartine

Demain, dès l'aube...

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombeUn bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

Victor Hugo

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Oh ! combien de marins, combien de capitainesQui sont partis joyeux pour des courses lointaines,Dans ce morne horizon se sont évanouis !Combien ont disparu, dure et triste fortune !Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,Sous l'aveugle océan à jamais enfouis ! Combien de patrons morts avec leurs équipages !L'ouragan de leur vie a pris toutes les pagesEt d'un souffle il a tout dispersé sur les flots !Nul ne saura leur fin dans l'abîme plongée.Chaque vague en passant d'un butin s'est chargée L'une a saisi l'esquif, l'autre les matelots ! Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues !Vous roulez à travers les sombres étendues,Heurtant de vos fronts morts des écueils inconnus. Oh ! que de vieux parents, qui n'avaient plus qu'un rêve,Sont morts en attendant tous les jours sur la grève Ceux qui ne sont pas revenus !

On s'entretient de vous parfois dans les veillées.Maint joyeux cercle, assis sur des ancres rouillées,Mêle encor quelque temps vos noms d'ombre couvertsAux rires, aux refrains, aux récits d'aventures,Aux baisers qu'on dérobe à vos belles futures,Tandis que vous dormez dans les goémons verts !

On demande : - Où sont-ils ? sont-ils rois dans quelque île ? Nous ont-ils délaissés pour un bord plus fertile ?Puis votre souvenir même est enseveli.Le corps se perd dans l'eau, le nom dans la mémoire.Le temps, qui sur toute ombre en verse une plus noire, Sur le sombre océan jette le sombre oubli. Bientôt des yeux de tous votre ombre est disparue.L'un n'a-t-il pas sa barque et l'autre sa charrue ?Seules, durant ces nuits où l'orage est vainqueur,Vos veuves aux fronts blancs, lasses de vous attendre,Parlent encor de vous en remuant la cendreDe leur foyer et de leur cœur !

Victor Hugo

Oceano nox

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Le pont Mirabeau

L’amour s’en va comme cette eau couranteL’amour s’en vaComme la vie est lenteEt comme l’Espérance est violente

Vienne la nuit sonne l’heureLes jours s’en vont je demeure

Passent les jours et passent les semainesNi temps passéNi les amours reviennentSous le pont Mirabeau coule la Seine

Vienne la nuit sonne l’heureLes jours s’en vont je demeure

Sous le pont Mirabeau coule la SeineEt nos amoursFaut-il qu’il m’en souvienneLa joie venait toujours après la peine

Vienne la nuit sonne l’heureLes jours s’en vont je demeure

Les mains dans les mains restons face à faceTandis que sousLe pont de nos bras passeDes éternels regards l’onde si lasse

Vienne la nuit sonne l’heureLes jours s’en vont je demeure

Guillaume Apollinaire

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À Bacharach il y avait une sorcière blondeQui laissait mourir d'amour tous les hommes à la rondeDevant son tribunal l'évêque la fit citerD'avance il l'absolvait à cause de sa beautéÔ belle Loreley aux yeux pleins de pierreries De quel magicien tiens-tu ta sorcellerieJe suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits Ceux qui m'ont regardée évêque en ont périMes yeux ce sont des flammes et non des pierreriesJetez jetez aux flammes cette sorcellerieJe flambe dans ces flammes ô belle Loreley Qu'un autre te condamne tu m'as ensorceléEvêque vous riez Priez plutôt pour moi la Vierge Faites-moi donc mourir et que Dieu vous protègeMon amant est parti pour un pays lointain Faites-moi donc mourir puisque je n'aime rienMon cœur me fait si mal il faut bien que je meure Si je me regardais il faudrait que j'en meureMon cœur me fait si mal depuis qu'il n'est plus làMon cœur me fit si mal du jour où il s'en allaL'évêque fit venir trois chevaliers avec leurs lancesMenez jusqu'au couvent cette femme en démenceVat-en Lore en folie va Lore aux yeux tremblantTu seras une nonne vêtue de noir et blancPuis ils s'en allèrent sur la route tous les quatrela Loreley les implorait et ses yeux brillaient comme des astresChevaliers laissez-moi monter sur ce rocher si hautPour voir une fois encore mon beau châteauPour me mirer une fois encore dans le fleuvePuis j’airai au couvent des vierges et des veuves

Là haut le vent tordait ses cheveux déroulésLes chevaliers criaient Loreley LoreleyTout là bas sur le Rhin s'en vient une nacelleEt mon amant s'y tient il m'a vue il m'appelleMon cœur devient si doux c'est mon amant qui vientElle se penche alors et tombe dans le RhinPour avoir vu dans l'eau la belle LoreleySes yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

Guillaume Apollinaire

La Loreley

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L‘homme et la mer

Homme libre, toujours tu chériras la mer ! La mer est ton miroir, tu contemples ton âme Dans le déroulement infini de sa lame, Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.

Tu te plais à plonger au sein de ton image ; Tu l'embrasses des yeux et des bras, et ton cœur Se distrait quelquefois de sa propre rumeur, Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.

Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets : Homme, nul n'a sondé le fond de tes abîmes ; O mer, nul ne connaît tes richesses intimes, Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets !

Et cependant voilà des siècles innombrables Que vous vous combattez sans pitié, ni remords, Tellement vous aimez le carnage et la mort, O lutteurs éternels, ô frères implacables !

Charles Baudelaire

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La Seine

Les pontons s'en vont vers la colline

Qui borne l'horizon d'un profit bleuissant.

Le fleuve tourne au pied du coteau frémissant

De l'Avril qui renait au sein de l'aubépine

Dans le rouge reflet du soleil qui descend,

Monte, noire, fumeuse et vivante, l'usine.

La fumée et le ciel se teintent de sanguine ;

Une maison se dresse et sourit au passant

Comme de ce vallon monte la vie, et comme

L‘oeuvre de la nature et le travail de l'homme

S'unissent, dans un ton de rouille vespéral !

On devine, parmi la paix et le silence,

La chanson des oiseaux qui sortira du val

Pour apporter l'amour à l'humaine souffrance.

Louis Aragon

Manet

Monet

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Le lac

Ainsi toujours poussés vers de nouveaux rivages,Dans la nuit éternelle emportée sans retour,Ne pourrons-nous jamais, sur l’océan des âges,Jeter l’ancre un seul jour ? Ô lac ! l’année peine a fini sa carrière,Et près des flots chéris qu’elle devait revoir,Regarde ! Regarde ! Je viens seul m’asseoirSur cette pierre où tu la vis s’asseoir. Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,Ainsi que te brisais sur leurs flancs déchirés,Ainsi le vent jetait l’écume de tes ondesSur ses pieds adorés. Un soir, t’en souvient-il ? Nous voguions en silence.On n’entendait, au loin sur l’onde et sous les cieuxQue le bruit des rameurs qui frappaient en cadenceTes flots harmonieux. Ô lac ! rochers muets, grottes, forêt obscure,Vous que le temps épargne, ou qu’il peut rajeunir,Gardez cette nuit, gardez belle natureAu moins le souvenir. Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,Que les parfums légers de ton air embaumé,Que tout ce qu’on entend, l’on voit ou l’on respireTout dise : ils ont aimé !

Alphonse de Lamartine

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Ave Maris Stella

Sous les coiffes de lin, toutes croisant leurs bras Vêtus de laine rude ou de mince percale, Les femmes à genoux sur le roc de la cale, Regardent l' Océan blanchir l'île de Batz.

Les hommes, pères, fils, maris, amants, là-bas Avec ceux de Paimpol, d'Audierne et de Cancale, Vers le Nord sont partis pour la lointaine escale, Que de hardis pêcheurs qui ne reviendront pas !

Par dessus la rumeur de la mer et des côtes, Le chant plaintif s'élève, invoquant à voix hautes L'Etoile sainte : espoir des marins en péril ;

Et l'Angélus, courbant tous ces fronts noirs de hâle, Des clochers de Roscoff à ceux de Sybiril, S'envole, tinte et meurt dans le ciel rose et pâle.

José Maria de Hérédia

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Les conquérants

Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,Fatigués de porter leurs misères hautaines,De Palos de Moguer, routiers et capitainesPartaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.

Ils allaient conquérir le fabuleux métalQue Cipango mûrit dans ses mines lointaines,Et les vents alizés inclinaient leurs antennesAux bords mystérieux du monde occidental.

Chaque soir, espérant des lendemains épiques,L’azur phosphorescent de la mer des TropiquesEnchantait leur sommeil d’un mirage doré ;

Ou, penchés à l’avant des blanches caravelles,Ils regardaient monter en un ciel ignoréDu fond de l’océan des étoiles nouvelles.

José-Maria de Heredia

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Heureux qui, comme Ulysse

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,Ou comme celui-là qui conquit la toison,Et puis est retourné, plein d'usage et raison,Vivre entre ses parents le reste de son âge ! 

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit villageFumer la cheminée, et en quelle saisonReverrai-je le clos de ma pauvre maison,Qui m'est une province, et beaucoup davantage ? 

Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,Que des palais Romains le front audacieux,Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine : 

Plus mon Loire gaulois, que le Tibre latin,Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,Et plus que l'air marin la douceur angevine. 

Joachim du Bellay

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Il pleut doucement sur la ville.

Il pleure dans mon cœurComme il pleut sur la ville ;Quelle est cette langueurQui pénètre mon cœur ?

Ô bruit doux de la pluiePar terre et sur les toits ! Pour un cœur qui s'ennuie,Ô le chant de la pluie !

Il pleure sans raisonDans ce cœur qui s'écoeure.Quoi ! nulle trahison ?...Ce deuil est sans raison.

C'est bien la pire peineDe ne savoir pourquoiSans amour et sans haineMon cœur a tant de peine !

Paul Verlaine

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Mignonne, allons voir…

Mignonne, allons voir si la roseQui ce matin avait décloseSa robe de pourpre au soleil,A point perdu cette vêpréeLes plis de sa robe pourprée,Et son teint au vôtre pareil..

Las ! Voyez comme en peu d’espace,Mignonne, elle a dessus la place,Las ! Las ! Ses beautés laissé choir !O vraiment marâtre Nature,Puisqu’une telle fleur ne dureQue du matin jusques au soir !

Donc, si vous croyez, mignonne,Tandis que votre âge fleuronneEn sa plus verte nouveauté,Cueillez, cueillez votre jeunesse :Comme à cette fleur la vieillesseFera ternir votre beauté.

Pierre de Ronsard

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Ce siècle avait deux ans….

Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte, Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte, Et du premier consul, déjà, par maint endroit, Le front de l'empereur brisait le masque étroit. Alors dans Besançon, vieille ville espagnole, Jeté comme la graine au gré de l'air qui vole, Naquit d'un sang breton et lorrain à la fois Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix ; Si débile qu'il fut, ainsi qu'une chimère, Abandonné de tous, excepté de sa mère, Et que son cou ployé comme un frêle roseau Fit faire en même temps sa bière et son berceau. Cet enfant que la vie effaçait de son livre, Et qui n'avait pas même un lendemain à vivre, C'est moi. -

Je vous dirai peut-être quelque jour Quel lait pur, que de soins, que de vœux, que d'amour, Prodigués pour ma vie en naissant condamnée, M'ont fait deux fois l'enfant de ma mère obstinée, Ange qui sur trois fils attachés à ses pas Épandait son amour et ne mesurait pas ! Ô l'amour d'une mère ! amour que nul n'oublie ! Pain merveilleux qu'un dieu partage et multiplie !Table toujours servie au paternel foyer ! Chacun en a sa part et tous l'ont tout entier !

[…….]

Victor Hugo

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" L'épi naissant mûrit de la faux respecté ;Sans crainte du pressoir, le pampre tout l'étéBoit les doux présents de l'aurore ;Et moi, comme lui belle, et jeune comme lui,Quoi que l'heure présente ait de trouble et d'ennui,Je ne veux point mourir encore.

Qu'un stoïque aux yeux secs vole embrasser la mort,Moi je pleure et j'espère ; au noir souffle du NordJe plie et relève ma tête.S'il est des jours amers, il en est de si doux !Hélas ! quel miel jamais n'a laissé de dégoûts ?Quelle mer n'a point de tempête ?

L'illusion féconde habite dans mon sein.D'une prison sur moi les murs pèsent en vain.J'ai les ailes de l'espérance :Échappée aux réseaux de l'oiseleur cruel,Plus vive, plus heureuse, aux campagnes du cielPhilomène chante et s'élance.

Est-ce à moi de mourir ? Tranquille je m'endors,Et tranquille je veille ; et ma veille aux remordsNi mon sommeil ne sont en proie.Ma bienvenue au jour me rit dans tous les yeux ; Sur des fronts abattus, mon aspect dans ces lieux Ranime presque de la joie.

Mon beau voyage encore est si loin de sa fin !Je pars, et des ormeaux qui bordent le cheminJ'ai passé les premiers à peine,Au banquet de la vie à peine commencé,Un instant seulement mes lèvres ont presséLa coupe en mes mains encor pleine.

Je ne suis qu'au printemps, je veux voir la moisson ;Et comme le soleil, de saison en saison,Je veux achever mon année.Brillante sur ma tige et l'honneur du jardin,Je n'ai vu luire encor que les feux du matin ;Je veux achever ma journée.

Ô mort ! tu peux attendre ; éloigne, éloigne-toi ; Va consoler les cœurs que la honte, l'effroi,Le pâle désespoir dévore.Pour moi Palés encore a des asiles verts,Les Amours des baisers, les Muses des concerts.Je ne veux point mourir encore. "

Ainsi, triste et captif, ma lyre toutefois S'éveillait, écoutant ces plaintes, cette voix,Ces vœux d'une jeune captive ;Et secouant le faix de mes jours languissants, Aux douces lois des vers je pliais les accents De sa bouche aimable et naïve.

Ces chants, de ma prison témoins harmonieux,Feront à quelque amant des loisirs studieux Chercher quelle fut cette belle :La grâce décorait son front et ses discours,Et, comme elle, craindront de voir finir leurs joursCeux qui les passeront près d'elle.

André Chénier

La jeune captive

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à bientôt pour d’autres poèmes