2013
SCIENCES PO TOULOUSE
MÉMOIRE PROFESSIONNEL PRESENTÉ
PAR M. OSCAR CHALÁ RUIZ
DIRECTEUR DE MÉMOIRE:
M. JEAN-‐MARC DÉCAUDIN
L'IMPACT DU NUMÉRIQUE SUR LES STRATÉGIES
DIGITALES DES GRANDES MARQUES DU
LUXE ET DE LA HAUTE COUTURE
L'IMPACT DU NUMÉRIQUE SUR LES STRATÉGIES DIGITALES DES GRANDES MARQUES DU LUXE ET DE LA HAUTE COUTURE
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L'IMPACT DU NUMÉRIQUE SUR LES STRATÉGIES DIGITALES DES GRANDES MARQUES DU LUXE ET DE LA HAUTE COUTURE
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I. INTRODUCTION 5
II. LE LUXE, LE POUVOIR DU SUBJECTIF 7
III. QU'EST CE QU'UNE MARQUE DE LUXE ? 8
IV. QUI SONT LES PRINCIPAUX ACTEURS DE LA HAUTE COUTURE ET LE LUXE EN FRANCE ET DANS LE MONDE? 10
1. LVMH 10 2. KERING 11
V. QUI SONT LES CONSOMMATEURS DU LUXE? 13
VI. LES STRATEGIES DE MARKETING DE LA HAUTE COUTURE ET DU LUXE 15
1. LES STRATÉGIES « CLASSIQUES » DE MARKETING DE LUXE 15 2. INTERNET, LA NOUVELLE FRONTIÈRE À CONQUÉRIR POUR LES MARQUES DE LA HAUTE
COUTURE ET DU LUXE 17
VII. LA HAUTE COUTURE ET LE LUXE, DANS L'ERE DU DIGITAL 18
1. LES « NATIFS DU NUMÉRIQUE », ACTEURS À PART ENTIÈRE DE L’UNIVERS DIGITAL 18 2. LE MODÈLE DE VENTE EN LIGNE, UN RELAIS POUR LES TECHNIQUES TRADITIONNELLES DE
VENTE 19
VIII. QUELS SONT LES OUTILS DIGITAUX UTILISÉS PAR LE LUXE ? 21
1. LES SITES WEB OFFICIELS 21 2. LA TENDANCE DES MINI-‐SITES TEMPORAIRES 22 3. LES MAGAZINES EN LIGNE 23 4. LA « CULTURE DU BUZZ », UNE PUISSANTE TENDANCE VIRALE. 24 5. LES WEB-‐SÉRIES 27 6. LE STORYTELLING 29
IX. LE LUXE ET LES MÉDIAS SOCIAUX 33
1. LA DIGITALISATION DES RÉSEAUX SOCIAUX 33 2. LE BLOG OFFICIEL DE LA MARQUE 35 3. LE PHÉNOMÈNE DE LA SOCIAL CULTURE 39 4. LE CHOIX DES BONS RÉSEAUX SOCIAUX 40 5. LA VAGUE DIGITALE DE FACEBOOK 43 6. LE FLUX TENDU SUR TWITTER 47 7. LA RÉVOLUTION INSTAGRAM 49 8. YOUTUBE ET VIMEO, LES FOYERS DU BUZZ MONDIAL 51 9. LES FASHION 2.0 AWARDS 53
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X. L'ENJEU DES TECHNOLOGIES MOBILES POUR LES MARQUES DE LUXE 54
1. MARQUE DE LUXE ET APPLICATION MOBILE 54 2. LE SOLOMO, ET LA CONSTRUCTION DE RÉSEAUX SOCIAUX DE PROXIMITÉ 56 3. LE « DARWINISME DIGITAL », NOUVELLE BATAILLE DE LA SURVIE D’UNE MARQUE 56
XI. LUXE ET E-‐COMMERCE 57
1. LA REMISE EN CAUSE DES MODES DE DISTRIBUTION TRADITIONNELS 58 2. OPTIMISATION DE L’EXPÉRIENCE UTILISATEUR 59
XII. CONCLUSION 60
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I. INTRODUCTION
Croissance du digital.
Avec des conditions d’accès plus faciles, à toutes les fonctionnalités du Web et des technologies digitales, la sphère digitale, a connu depuis la fin des années 1990 une très forte évolution. Depuis 2003, la sphère digitale avec sa pointe de fer, internet, se trouve dans une nouvelle « phase » de sa croissance et évolution, connue comme le Web 2.0. Le web 2.0 désigne généralement le "web nouvelle génération" ; c’est-‐à-‐dire l’ensemble des fonctionnalités communautaires et collaboratives (blogs, avis des consommateurs, flux RSS, plateformes d’échanges vidéo, etc.) qui se sont fortement développées sur Internet à partir de l’année 2005.1
La digitalisation des activités, des habitudes de consommation, de l’information et des renseignements ; ainsi que les pratiques de participation et intégration au sein de véritables communautés digitales, est bien une réalité moderne. Et les marques et entreprises de nombreux secteurs, se mettent progressivement au pas de cette évolution accélérée des moyens de communication.
Comme l’affirme Sylvie Gillibert -‐ intervenante référente du programme Communication et création numérique de l’ISCOM (Grande École de Communication et Publicité) : « Internet et le web 2.0 ont permis au consommateur de s’insérer davantage dans la vie des marques et des entreprises, forçant ainsi le marketing et les marketeurs à porter sur lui un nouveau regard et à reconsidérer le lien que les marques doivent ou peuvent entretenir avec leurs cibles. La qualité de la relation Marque-‐Consommateur est plus que jamais au cœur du nouveau marketing. »
Le développement d’une activité traditionnelle comme née sur le Web, semble être indispensable, voire incontournable, afin d’exister dans l’esprit des consommateurs et capter d’importantes parts de marché. Le Digital est perçu par certains comme un canal de communication en plus, prêt à être absorbé.
Jadis considérés comme incompatibles, nombreux sont les articles et études qui analysent l’entrée progressive des marques du luxe et de la haute couture dans le monde digital ; et comment ces deux mondes, se retrouvent et collaborent à présent.
Avec l’essor et croissance exponentiels de l’e-‐commerce, nombreuses entreprises et marques se retrouvent dans une course effrénée vers la conquête de ce nouveau terrain médiatique : le numérique. Comme le montrent bien les chiffres de l’e-‐commerce publié par la FEVAD (Fédération E-‐commerce et Vente A Distance), la France comptait 31 millions d’acheteurs en ligne en 2012, sur 40,2 millions d’internautes ; ce qui veut dire qu’en 2012 en France 77% des internautes ont effectué, au moins, un achat en ligne. Pour ce qui est du poids des secteurs qui nous intéressent pour la suite de notre étude, l’habillement, les chaussures et les accessoires représentent 9% des parts du commerce en ligne. Et bien que la France présente des chiffres élevés dans l’e-‐commerce, c’est loin d’être le premier pays où ce commerce se développe, ce qui montre que le cas de la France n’est pas unique, ni isolé, mais plutôt le reflet d’une tendance commerciale globale. 1Source : Définitions Webmarketing Encyclopédie.
Quelques généralités sur la digitalisation et son impact général sur les pratiques de marketing dans le secteur de la haute couture et du luxe.
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Les expériences numériques – Actuellement avec la multitude de moyens qu’offre le web afin d’immerger les internautes dans des expériences numériques inédites, les opportunités et développements sont pratiquement illimités ; ou du moins, perçues comme telles. Internet et les technologies mobiles apparaissent progressivement comme des moyens de communication très puissants, offrant des opportunités infinies de communication à travers des méthodes aussi innovatrices que l’élimination de barrières physiques, temporelles ou même l’intégration d’une réalité parallèle – à travers la réalité augmentée ; et repoussent chaque jour davantage les limites de notre quotidien.
D’après les chiffres publiés par l’Agence NiceToMeetYou dans leur rapport « Les enjeux du numérique à horizon 2017 » -‐ 84% des décideurs interrogés considèrent que les décisions portant sur l’engagement de leur entreprise dans des solutions numériques sont stratégiques et que les principaux bénéfices en seront : « une progression de nouvelles manières de travailler : mobilité, télétravail… ; des échanges plus riches et plus fréquents avec les parties prenantes : clients, prestataires, partenaires… ».
Par ailleurs, le poids du digital et internet sur l’activité des entreprises devient tellement important, que des nouveaux «profils du digital » se dessinent au sein de la structure et la hiérarchie décisionnelle des entreprises et marques présentes sur le numérique. D’après une étude OPINION WAY pour Microsoft, effectuée du 10/12/2012 au 18/01/2013 auprès de 351 «Responsables d’affaires » (DG, DRH, Dircom, DAF, Direction marketing, commerciale, etc.) dans des entreprises de 250 salariés et plus, on distingue 4 catégories de profils de décideurs : « Le réticent (« peu technophile, futur quinquagénaire, il travaille le plus souvent dans une grande entreprise qui a déjà intégré le numérique. Frileux quant aux enjeux numériques pour les 5 prochaines années, il craint la transformation du business model et des nouvelles pratiques professionnelles”), le spectateur (Il travaille dans une entreprise « traditionnelle », encore peu impliquée dans le digital. Peu technophile, il est au début ou à la fin de sa carrière et il attend de voir les changements qui apparaitront dans le processus de prise de décisions et le business model), l’enthousiaste (plutôt technophile dans une entreprise qui ne l’est pas tout à fait, il fait partie des décideurs « digitaux ». La quarantaine, il a encore une vision généreuse du numérique : celle de faciliter les échanges, de collaboration et de partage) et l’influenceur (Il incarne la posture de manager digital dans une entreprise digitale. Plus présent dans les services de communication et marketing ; il maîtrise la technique, utilise les réseaux, et cherche l’efficacité. ROIste jusqu’au bout, il fait du numérique un enjeu économique pour son entreprise) ».
Ces constats et évolutions de la sphère digitale, et son influence croissante sur l’environnement commercial et structurel des marques du monde entier, nous emmène à nous interroger : comment l’organisation marketing des marques de luxe et de la haute couture évolue-‐t-‐elle, du fait de la croissance du digital ?
Les pratiques de marketing des entreprises du luxe et de la haute couture se sont transformées et adaptées au commerce électronique, du fait des nouveaux modes de communication, l’essor de l’e-‐commerce, et de l’influence croissante donnée à l’e-‐réputation.
Les nouvelles évolutions de la sphère digitale, et les NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication), ont apporté des nouveaux canaux de distribution et de promotion des produits de luxe ; ainsi que l’accès à une population plus vaste de consommateurs (grâce aux nouveaux marchés résultant des innovations des instruments de diffusion). Ces évolutions ont emmené les marques du luxe et de la haute couture à modifier ou adapter leurs approches marketing et relationnelles, pour qu’elles soient cohérentes avec ce nouvel espace commercial.
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II. LE LUXE, LE POUVOIR DU SUBJECTIF Qu’est-‐ce que le luxe? A l’origine, le luxe était perçu comme le résultat d’une construction sociale hiérarchisée, stratifiée. Actuellement, dans la perception généralisée, le luxe apparait pour certains comme un concept associé avec la sophistication, le raffinement, et souvent, un signe de distinction. Selon cette perception, le luxe représenterait notamment la capacité à se procurer un certain bien, un service, une destination ou tout élément qui pourrait être mis dans une catégorie de « traitements spéciaux ». Pour les uns c’est un élément de convoitise, un point à atteindre ; pour les autres, c’est leur façon de s’exprimer, se différencier. « Le terme de luxe évoque spontanément l’inaccessibilité, les modes de vie des riches, des biens et des possessions chers, et des services personnalisés coûteux », J.N. Kapferer et V. Bastien, Luxe Oblige. Une définition que J.N Kapferer et V. Bastien présentent comme le « luxe absolu ». Cependant, et comme le montrent bien aussi ces deux auteurs ; on ne peut pas parler d’un luxe. Le luxe est une notion subjective, attachée aux valeurs, à la perspective et aux goûts de chaque individu, qui modèle le luxe selon sa vision.
Suite à l’élaboration de certaines gammes de produits et créations faites par des « grands designers », certains produits des marques de luxe sont devenus plus facilement accessibles à un vaste nombre d’individus ; et par là, l’accès à des biens de luxe, et surtout, aux symboles du luxe. Avec cet accès accru aux produits de luxe, le terme de luxe a connu un fort développement de son champ sémantique ; phénomène qui a donné naissance a des termes tels que « masstige » (prestige de masse), Cette « dispersion du luxe » (J.N. Kapferer et V. Bastien, Luxe Oblige) est couramment connue comme une « démocratisation du luxe » ; une phénomène qui semblerait être un produit social, propre aux dynamiques sociales. Ceci dit, il faut bien tenir en compte de la nature même du luxe, en tant que code et symbole d’une stratification sociale ; et par là, le fait que la démocratisation du luxe n’entraîne pas une vulgarisation de ce dernier, mais un élargissement de la population qui a accès au luxe.
Cependant, comme le précisent Jean-‐Noël Kaprferer et Vincent Bastien dans leur ouvrage « Luxe oblige » : « le luxe exprime une façon différente et globale de comprendre un client et de gérer un business » ; et n’exprime donc pas seulement l’accès à des gammes « supérieures » de produits, ce qui serait plutôt rapproché de la notion de « chic ». Le luxe exprimerait aussi, et surtout, l’accès à une culture dans la culture. Le luxe traduit un ensemble de codes, règles et symboles propres d’un élément social. Lorsqu’un individu achète un bien de luxe, il n’achète pas seulement le bien matériel, mais aussi le langage symbolique, les codes culturels propres à la culture de laquelle la Maison de création, elle-‐même, est issue. « Le bien de luxe est enraciné dans une culture […] sociologique, philosophique et géographiquement» (J.N. Kapferer et V. Bastien, Luxe Oblige). Un exemple de cet enracinement du luxe dans sa culture d’origine peut être la marque Dior, issue de la culture française, et dont le savoir-‐faire et héritage obtiennent leur distinction et légitimité de cette culture où est née la marque.
Ainsi, le luxe se détache des rapprochements à une certaine catégorie de biens ou le besoin de se distinguer, pour nous dévoiler sa vraie nature en tant qu’une véritable culture ; une culture qui s’est nourri d’histoire, tradition et savoir-‐faire. La culture du luxe trouve ses origines dans la nature même des Hommes qui, traditionnellement organisés en hiérarchies sociales, ont développé des groupes « dominants » qui se distinguaient souvent du reste de la population par des symboles. Ceci bien sûr, ayant comme implication que des différentes définitions sociales du luxe peuvent exister, en tenant en compte des spécificités et particularités d’une société ; ses mœurs, ses valeurs, son structure sociale et ses symboles sociaux. Le luxe s’inscrit ainsi, depuis plusieurs
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siècles sur ces dynamiques sociales de distinction, de codes et règles bien précises, et enrichi par des symboles forts. « Le luxe consiste dans l’élévation » (J.N. Kapferer et V. Bastien, Luxe Oblige).
Le luxe se définira ainsi par son esthétisme, mais aussi par la relation avec l’individu. En effet, le luxe est une perception relative à chaque individu, et par conséquent, une notion subjective qui dépend des codes et symboles d’élévation propres à chaque individu. Le luxe et le pouvoir du luxe résident dans le désir individuel, dans la subjectivité de nos désirs ; et par conséquent, les produits de luxe se définiront à travers leur valeur d’usage, d’expérience, plus que par leur valeur monétaire. La valeur du luxe réside dans ses symboles et la transmission d’un code social.
La notion de luxe s’inscrit aussi dans le temps et les modes de vie de la société environnante. Ainsi, les marques de luxe, ayant des repères historiques anciens et une tradition qui peut parfois dater de plusieurs siècles, joueront sur cette notion du temps dans le luxe pour adapter leurs stratégies à leur époque, tout en légitimant la nature « de luxe » de ses créations et des codes que la marque véhicule. C’est grâce à cette caractéristique « intemporelle » que les produits de luxe se distinguent des produits « à la mode ». Les produits de luxe sont des biens durables qui vont au-‐delà des tendances d’une époque, grâce aux symboles historiques et pérennes, qui sont inscrits dans ces créations.
Ce dernier point, en spécial, nous permet d’aller plus loin dans notre analyse de l’univers du luxe et de la haute couture ; et attire notre attention vers l’un des éléments les plus importants au moment de définir les frontières, parfois très fines, de l’univers du luxe. Cet élément sont les marques du luxe.
III. QU'EST CE QU'UNE MARQUE DE LUXE ? L’industrie du luxe telle que on la connaît aujourd’hui est vraiment née après la Seconde Guerre Mondiale, lors d’une période de reconstruction économique et sociale à laquelle s’ensuivirent des périodes de forte croissance économique. Si bien les Grandes Maisons du luxe, dans des secteurs variés, sont nées à la fin du 19e siècle, le développement de l’industrie du luxe vint avec l’après-‐guerre.
La marque de luxe se construit comme un produit culturel, fortement encastré dans des symboles sociaux qui vont définir les codes propres à la marque. Elle ne se définit par seulement par le esthétisme de ses créations mais par la tradition et les valeurs qui sont transmises dans chaque création. Sociologiquement, les individus rechercheront à élever la marque de luxe au-‐dessus des autres marques afin de recréer cette stratification dont une grande partie de la population a besoin, afin d’établir des critères et codes de différenciation. La marque de luxe est l’un des vecteurs qui permettent aux individus de reproduire certains codes qui leur permettront « l’élévation ».
Par conséquent, il semble important de marquer une différence entre les marques de luxe et les marques de mode. La différence essentielle est que le luxe, comme on l’a déjà expliqué plus tôt dans l’étude, relève d’une construction sociale par laquelle les individus (ou groupes d’individus) cherchent à établir une stratification sociale à travers des codes et valeurs précis; le luxe est subjectif ; propre aux désirs de chacun. D’autre part, la mode relève plus d’une tendance, plus ou moins éphémère, qui exprime le besoin d’exposer « publiquement » l’appartenance à une certaine catégorie sociale, à un mouvement ou à un groupe social.
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Ainsi, les marques de luxe se positionneront selon un système de codes et valeurs bien précis, encastrés dans leur histoire et les constructions sociales historiques propres à la Maison de luxe. De la même manière, les marques de luxe se distinguent des marques « Premium ». Ces dernières se caractérisent par des produits de haute qualité avec une forte utilité fonctionnelle ; des produits qui permettront à l’individu de montrer son « rang » dans la société. Le luxe d’autre part, se caractérise par une véritable utilité d’usage, une utilité symbolique « qui s’inscrit plutôt dans l’ordre de l’héritage, d’une distinction sociale ».2
De cette façon, on distingue bien une différence entre les marques de luxe et les marques Premium. Malgré le fait que dans certains cas les frontières pour distinguer ces marques soient floues. Par exemple en termes de diversification des produits ; une marque de luxe, riche en histoire et stratégie pourra opter pour la création et distribution de produits « de qualité supérieure » (Premium) portant le logo ou signes distinctifs de la marque. Ces produits porteront les valeurs de la maison, mais la « perte » de leur nature incomparable ou rare impliquera aussi une perte de leur nature en tant que bien de luxe. Cette approche commerciale relève plus des objectifs de rentabilité financière de l’entreprise, plus qu’une transmission de codes culturels. Ainsi, ces produits seront considérés comme des produits Premium.
Ainsi, en plus de leur construction différente, on constate qu’une différence dans les logiques commerciales et de positionnement, créent aussi une distinction entre les marques de luxe, les marques de mode et les marques Premium.
Triangle de positionnement des marques du luxe, de la mode et des marques Premium
Source : J.N Kapferer et Vincent Bastien, Luxe oblige (The Luxury Strategy).
2 Source : J.N. Kapferer et V. Bastien, Luxe Oblige.
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Afin de mieux comprendre la différence entre les marques de luxe et les marques Premium et les marques de mode ; et mieux comprendre le positionnement des plus grandes marques de luxe, on peut reprendre les six critères de distinction du luxe, énoncés par Kapferer (1998) et Barnier, Falcy et Valette-‐Florence (2012). Les six critères qui définissent une marque de luxe et ses produits sont :
• « Une expérience hédoniste de haute qualité ou produit pérenne ; • Un prix qui excède sa pure valeur fonctionnelle ; • Lien fort avec l’héritage, savoir-‐faire et culture propres à la marque ; • Disponibilité délibérément réduite et contrôlée ; • Personnalisation des services dérivés ; • Représentation et symbole social ; offrant à l’utilisateur une expérience de distinction ».
IV. QUI SONT LES PRINCIPAUX ACTEURS DE LA HAUTE COUTURE ET LE LUXE EN FRANCE ET DANS LE MONDE?
Parmi les principaux acteurs de la haute couture et le luxe en France et dans le monde, deux grands groupes se distinguent. Le premier, le groupe LVMH (Moët Hennessy Louis Vuitton) ; et le deuxième : le groupe Kering (ancien PPR – Pinault-‐Printemps-‐Redoute).
1. LVMH
LVMH est reconnu comme le leader mondial des produits de haute qualité, LVMH Moët Hennessy -‐ Louis Vuitton dispose d'un portefeuille unique de plus de 60 marques prestigieuses. Le Groupe est présent dans cinq secteurs d'activités : Vins & Spiritueux, Mode & Maroquinerie, Parfum & Cosmétiques, Montres & Joaillerie, et la Distribution Sélective.
Grâce à sa politique de développement des marques et à l'expansion de son réseau de distribution international (plus de 3 000 magasins à travers le monde), LVMH s'inscrit, depuis sa création en 1987, dans une dynamique de croissance forte. Actuellement, le groupe compte près de 100 000 collaborateurs, dont 79 % basés hors de France. Le lien fort les unissant étant le partage des valeurs du Groupe.
« Outre son action en matière de développement du capital humain, dont la LVMH House et la Chaire LVMH-‐ESSEC sont des exemples, le groupe LVMH conduit de multiples initiatives dans le cadre de son engagement pour la protection de l'environnement. Fidèle à sa vocation de mécène, le Groupe s'implique également dans les domaines de la culture et du patrimoine, de l'action humanitaire et de l'éducation et apporte son soutien aux jeunes créateurs » (Source : Site officiel du groupe LVMH – Présentation institutionnelle).
La mission du groupe LVMH est d'être l'ambassadeur de l'art de vivre occidental en ce qu'il a de plus raffiné. LVMH veut symboliser l'élégance et la créativité. Ils veulent apporter du rêve dans la vie par leurs produits et par la culture qu'ils représentent, alliant tradition et modernité.
Dans ce cadre, cinq impératifs constituent des valeurs fondamentales partagées par tous les acteurs du groupe LVMH : la créativité et l’innovation, la recherche de l'excellence dans ses produits, la conservation passionnée de l'image des marques du groupe, le développement de l’esprit d’entreprise, et la volonté d’atteindre l’excellence.
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Les sociétés du Groupe exercent des métiers riches en création. Elles visent en conséquence à attirer les meilleurs créateurs, à leur donner les moyens de s'épanouir, à les imprégner de la culture des marques, et à leur permettre de créer dans la plus grande liberté.
L'innovation technologique joue un rôle tout aussi essentiel au sein du Groupe : c'est en effet sur le travail de ses équipes de chercheurs que repose la réussite de nouveaux produits. Dans cette optique là, en 2010, le Groupe LVMH a également défini et adopté des principes pour le marketing on-‐line de l'ensemble de ses Maisons, en cohérence avec les recommandations de la Fédération Internationale des Annonceurs.
Plus précisément, dans le secteur de la mode, la Maison Louis Vuitton se distingue à travers de ses 13 marques, de renommée internationale: Louis Vuitton Malletier (créée en 1854 ; malletier, maroquinerie, prêt-‐à-‐porter, souliers, horlogerie, joaillerie, accessoires, lunettes de soleil, éditions), Céline (créée en 1945 ; Prêt-‐à-‐porter, maroquinerie, souliers et accessoires), Loewe (créée en 1846 ; Maroquinerie, prêt-‐à-‐porter, accessoires, fragrances), Berluti, Kenzo, Givenchy, Marc Jacobs, Fendi, Emilio Pucci, Thomas Pink, Donna Karan, Edun et NOWNESS.
Louis Vuitton, malletier à Paris depuis 1854, a bâti sa légende autour du voyage en créant des bagages, sacs et accessoires aussi novateurs qu'élégants et pratiques. Un siècle et demi après, la légende demeure, doublée d'une renommée internationale, à l'image de la toile Monogram qui depuis 1896 connaît un grand succès et figure parmi les éléments fondateurs du luxe moderne. Selon les paroles des dirigeants du groupe : « L'innovation rythme l'histoire de Louis Vuitton ».
Toujours à l'avant-‐garde de la création, sans jamais renier son savoir-‐faire artisanal, Louis Vuitton a investi ces nouveaux domaines d'expression que sont le prêt-‐à-‐porter, les souliers, les montres et la joaillerie. Sous la direction artistique de Marc Jacobs, le succès ne s'est pas fait attendre, et la reconnaissance a été immédiate.
D’autre part, l’innovation dont sont imprégnées les créations du groupe n’exclut pas, évidement, la tradition de la marque. La Maison est associée à de grands événements qui traduisent son goût de l'excellence. Un exemple de cette portée de la culture du groupe Louis Vuitton, parmi les « initiés » au luxe, est le concours Louis Vuitton Classic : le rendez-‐vous incontournable des collectionneurs d'automobiles du monde entier.
En perpétuelle expansion, Louis Vuitton compte aujourd'hui dix sept ateliers de production, un centre international de logistique et un réseau de magasins exclusifs partout dans le monde.3
2. KERING
Fondé en 1963 par François Pinault autour des métiers du bois et des matériaux de construction, l’ancien groupe PPR s'est positionné à partir du milieu des années quatre-‐vingt-‐dix sur le secteur de la Distribution, devenant rapidement l'un des premiers acteurs dans ce domaine.
La prise d'une participation de contrôle dans Gucci en 1999 et la formation d'un groupe de Luxe multimarque ont marqué une nouvelle étape dans le développement du Groupe ; avec les acquisitions par Gucci Group d'Yves Saint Laurent, d'YSL Beauté et de Sergio Rossi. En 2001, le Groupe a saisit une nouvelle opportunité de croissance dans le secteur du luxe lorsqu’il a fait l’acquisition des marques Bottega Veneta et Balenciaga, et a signé des accords de partenariat avec les grands créateurs Stella McCartney et Alexander McQueen.
3 Source : site officiel du groupe LVMH -‐ www.lvmh.fr
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En Août 2012 les activités du Groupe prennent un tournant important lorsqu’ils créent une joint-‐venture avec Yoox S.p.A, dédiée à la vente en ligne pour plusieurs marques du Pôle Luxe; et s’insèrent solidement dans la sphère digitale.
La plus récente action de développement du Groupe dans l’univers du luxe a été l’acquisition de 51% de la marque de designer de luxe “Christopher Kane”; ainsi que l’annonce en Mars 2013 : du changement du nom du groupe PPR qui est désormais connu comme KERING. Ce changement de nom s’inscrit dans un projet et une volonté plus vaste de changer l’identité du groupe ; et par là, les valeurs et culture qu’ils veulent transmettre à travers de ses produits et leur univers.
Kering se prononce « caring » et s’interprète comme tel. Ce nouveau nom symbolise la manière unique dont le groupe prend soin de ses marques, de ses collaborateurs, de ses clients, de ses parties-‐prenantes et de l’environnement.
Actuellement, Kering est un leader mondial de l’habillement et des accessoires qui développe un ensemble de marques puissantes comme : Gucci, Bottega Veneta, Saint Laurent, Alexander McQueen, Balenciaga, Brioni, Christopher Kane, Stella McCartney, Sergio Rossi, Boucheron, Girard-‐Perregaux, Jeanrichard, Qeelin.
Les marques du groupe Kering sont complémentaires et toutes dotées d’un fort potentiel de croissance organique. Reconnues au niveau international, elles sont profondément attachées à leurs racines et fidèles à leurs valeurs distinctives. Par exemple, la marque Balenciaga, une marque de haute couture fondée en 1914 par le designer Basque, Cristóbal Balenciaga, a depuis sa création, été imprégnée de valeurs d’innovation, de créativité et modernisme, qui s’alliaient avec un forte tradition dans la couture.
Selon les sources officielles du groupe, la mission de ce dernier serait « de permettre à ses clients d’exprimer leur personnalité à travers ses produits, de réaliser leurs rêves et de s’épanouir ».
La stratégie de Kering se fonde principalement sur la croissance organique de ses marques de luxe et de sport & lifestyle: expansion vers de nouveaux marchés, renforcement de leur présence sur les marchés matures, et développement des réseaux et canaux de distribution, y compris le e-‐commerce.
Parallèlement, des acquisitions, répondant à des critères stricts, portant sur des entités de taille petite ou moyenne et présentant des perspectives d’évolution prometteuses, renforceront et complèteront le portefeuille actuel de marques détenu par le groupe.
Chacune des marques du groupe bénéficie d’un fort degré d’autonomie et de responsabilité afin de préserver sa liberté de création, sa stratégie en matière de produits et de sourcing ainsi que son image et son positionnement. Parallèlement, au niveau du Groupe, se définissent les lignes directrices qui encadrent le développement des marques et assurent la cohérence au sein de leurs activités.4
Kering place le digital au cœur de sa stratégie et veut faire la course en tête. Une direction du e-‐business a été créée au niveau du Groupe dont l’objet est de partager les meilleures pratiques digitales et les synergies, afin d’intensifier la présence digitale de ses marques. Pour développer la présence en ligne d’un certain nombre de ses marques, Kering s’est associé avec Yoox, l’un des leaders du luxe en ligne, en créant une co-‐entreprise, E-‐lite. Les marques du groupe ont ainsi
4 Source: site officiel du groupe KERING.
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accès à une plate-‐forme technologique et à des ressources partagées ce qui leur permet d’accélérer leur développement en ligne.
Mais le digital implique aussi un véritable changement culturel. C’est ainsi qu’en 2011, Kering a mis en place une Digital Academy, un programme qui vise à installer une culture digitale à tous les niveaux du groupe, à favoriser l’échange des meilleures pratiques, et à renforcer les expertises.
V. QUI SONT LES CONSOMMATEURS DU LUXE? Comme on l’a expliqué plus tôt dans notre étude, la notion de luxe est fortement attachée à une culture, des normes et des codes très précis qui dirigent les dynamiques entre les différents groupes sociaux. Ce que l’on peut retenir des différentes approches et définitions possibles de la notion de luxe est qu’elle est fortement subjective; et par conséquent, fortement rattachée à des valeurs et des normes sociales inscrites dans des périodes et espaces différents. Ainsi, par exemple, la perception du luxe par les Européens, ne sera pas las même que celle perçue par les Asiatiques ; et de la même manière, à l’intérieur d’un même pays, la perception du luxe va différer d’un individu à un autre.
Par conséquent, les marques de luxe et de la haute couture se doivent de bien cerner les attentes et codes recherchés et suivis par leur cibles potentielles, afin d’atteindre effectivement ses objectifs, en termes de profits, voire en termes de pérennité même, de la marque et de l’entreprise.
Selon une récente étude de marché réalisée par KPMG, traitant sur les tendances de consommation du luxe dans le marché chinois, intitulée « Global Reach of China Luxury » ; la population chinoise apparaît comme la principale « cliente » du luxe en 2013, dans le monde. Sur un échantillon de 1200 personnes interrogées, 72% déclarent acheter des produits de luxe lorsqu’elles se trouvent à l’étranger. Tendance qui se renforce aussi au niveau du marché domestique chinois. De même, comme l’indiquent J.N Kapferer et V. Bastien dans leur ouvrage Luxe oblige, « selon l’étude de marché publiée par Bain [entreprise de consulting], le marché du luxe s’estimait à 12 milliards de dollars des Etats-‐Unis en 2012 ; avec les États Unis, le Japon et les pays européens à la tête des marchés de consommation pour les biens et services de luxe ».
En allant plus loin dans le détail de ces catégories de clients, Capgemini et Merrill Lynch ont développé un terme spécifique pour se référer aux consommateurs du luxe au niveau mondial (selon leurs critères de définition du luxe): « les HNWI » ou « IF » en francais; les détenteurs des grandes fortunes mondiales, qui occupent une place privilégiée parmi les cibles des marques du luxe et de la haute couture. Selon le Rapport sur la richesse dans le monde en 2013, menée par Capgemini ; « La population mondiale des individus fortunés (IF) et leur richesse investissable cumulée ont fortement augmenté en 2012 pour atteindre des niveaux record. La population de IF a augmenté de 9,2% pour atteindre 12 millions après avoir stagné en 2011. Pendant ce temps, la richesse investissable cumulée a augmenté de10% pour atteindre 42,6 mille milliards de dollars US ». Parmi ces IF, les principales nationalités représentées sont : les Etats-‐Unis, le Japon, l’Allemagne, la Chine, le Royaume-‐Uni, la France, le Canada, la Suisse, l’Australie, le Brésil, et la Corée du Sud. Montrant ainsi, une forte tendance à la croissance de la base de consommateurs potentiels du luxe, qui émerge à très grande vitesse dans les pays émergents ; couramment connus sous le nom de BRIC.
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Si bien les marques du luxe et de la haute couture ont rendu certaines de leurs gammes de produits accessibles à des sections de la population mondiale bénéficiant de revenus élevés, l’enjeu pour ces marques est de taille afin d’éviter une dilution de ces dernières dans la catégorie du « Premium » ou « Super-‐Premium » ; et par conséquent leur perte de statut en tant que marque de luxe. Ainsi, même si le cœur de cible des marques de luxe et de la haute couture se estimerait donc à 12 millions d’individus en 2013, la population totale des consommateurs du luxe dans le monde serait fortement plus importante que ce dernier chiffre. Selon les chiffres publiées par Merrill Lynch concernant les consommateurs du luxe dans le monde, le cœur de cible du marché mondial du luxe compterait 79 millions de personnes, avec 31 millions de personnes en Europe, 26 millions de personnes aux Etats-‐Unis et 22 millions de personnes dans les principaux pays émergents, connus sous le nom de BRIC. En effet, pour des raisons sociologiques, des sections assez importantes de la population mondiale auront une forte propension à acheter les biens de luxe, non pas pour la quête d’une expérience et valeur d’usage importante, transmise par l’héritage et culture du bien de luxe ; mais ils vont acheter les produits de luxe pour afficher une certaine « image sociale ». Pour ces catégories de la population, la dimension esthétique aura plus d’importance, sur leur propension à consommer des biens de luxe. Et par conséquent, la population des consommateurs des produits de luxe dans le monde, sera plus importante que celle limitée aux consommateurs qui cherchent une valeur d‘usage supérieure.
Selon J.N Kapferer et V. Bastien dans leur ouvrage Luxe oblige, il existerait plusieurs facteurs qui influencent la propension à consommer (acheter) des produits de luxe ; des facteurs tels que le revenu, les raisons de reconnaissance sociale, les facteurs sociologiques (hédonisme, la célébration d’un moment spécial, etc..) ; la dimension culturelle du luxe, attachée à cette valeur d’usage incomparable et qui va au-‐delà de l’esthétisme; et finalement, l’âge.
En continuant notre définition des consommateurs du luxe, on peut se référer à J.N. Kapferer (1998), qui a construit une typologie des consommateurs du luxe en se basant sur un échantillon de Managers et Directeurs généraux (représentatifs du cœur de cible des marques de luxe). Suite à cette étude qui cherchait à connaître la définition que ces individus donnaient du luxe, J.N. Kapferer a distingué 4 types de consommateurs du luxe :
1. Le premier type correspondrait à une catégorie qui est fortement attirée par l’esthétisme des produits de luxe, et sa rareté.
2. Le deuxième type de consommateurs du luxe se rapproche plus du côté artistique ; de la créativité présente dans la fabrication des produits de luxe.
3. Le troisième type des consommateurs du luxe, attribue une très grande importance à l’intemporalité des produits de luxe, et à leur réputation internationale.
4. Le quatrième et dernier type de consommateur du luxe, attribue une grande valeur à la rareté attachée à la possession et la consommation des produits d’une marque de luxe. Ce dernier type est fortement associé avec une valeur monétaire, quantitative du luxe. Valeur monétaire grâce à laquelle les individus appartenant à ce groupe cherchent à exposer leur position sociale.
D’autres facteurs très importants à tenir en compte afin de mieux comprendre les consommateurs du luxe, sont leurs particularités culturelles. Fortement liées à leur localisation géographique, qui se traduit par des valeurs et approches différentes du luxe ; elles sont plus ou moins partagées par l’ensemble des différents corps sociaux qui composent une société en particulier. Par exemple, la société française, fortement influencée par des valeurs catholiques et de partage, va avoir une approche plus sobre du luxe. Une approche qui fera plus appel à l’expertise et l’éducation vis-‐à-‐vis
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du luxe, plus qu’une simple consommation de celui-‐ci. Par opposition, la société des Etats-‐Unis, bâtie sur des valeurs de la réussite personnelle, le « self-‐made man », va avoir une approche plus ouverte par rapport au luxe ; et ce dans le sens où les consommateurs du luxe vont exposer plus ouvertement leur consommation du luxe (affichage des logos, exposition claire des signes de luxe, etc.).
D’autre part, dans les sociétés et marchés des pays émergents, d’autres approches du luxe s’affichent. Des approches plus esthétiques et d’utilité sociale. La consommation du luxe permet aux individus ayant les moyens, de montrer à ses pairs, ou à la société, sa réussite économique et sociale. Cette logique de consommation du luxe se rapprochant ainsi du rapport au luxe qu’ont les consommateurs des Etats-‐Unis. « Les consommateurs du luxe dans ces sociétés [des pays émergents] existent à travers le luxe » (J.N Kapferer et V. Bastien, Luxe oblige-‐ en faisant référence aux sociétés de potlach : la culture du don ; étudiées par Marcel Mauss).
Avec une multiplication des échanges et des flux d’information, nombreux experts parlent d’une homogénéisation des modes de vie, et des cultures, sous l’effet de la mondialisation. Cependant, les particularités culturelles restent bel et bien une réalité très présente dans les différentes cultures mondiales ; et les marques de la haute couture et du luxe doivent prendre bien en compte cet enjeu. Spécialement à une époque où l’essor des technologies digitales, ajoute des nouvelles variables culturelles, et dynamiques sociales, à prendre en compte au moment de bâtir une stratégie de marketing du luxe. D’ailleurs, en revenant aux résultats publiés dans le Rapport sur la richesse dans le monde de Capgemini, on constate une forte tendance à la hausse pour les interactions à travers les canaux numériques, par les « Individus Fortunés » (cœur de cible des marques du luxe et de la haute couture).
VI. LES STRATEGIES DE MARKETING DE LA HAUTE COUTURE ET DU LUXE
1. Les stratégies « classiques » de marketing de luxe
L’industrie du luxe exige et impose ses propres conditions afin d’élaborer une stratégie de marketing et de communication. Le Business model du luxe est spécifique à celui-‐ci ; et si bien, ce business model peut s’utiliser de manière plus ou moins réussie dans d’autres secteurs d’activité, il n’en est pas de même dans le sens inverse. Ainsi, les entreprises et marques du secteur du luxe, et plus précisément dans le cadre de notre étude, de la haute couture, doivent respecter certaines lignes directrices afin de garantir leur position au sein de ce secteur.
Traditionnellement, dans le luxe, « c ‘est le créateur qui définit les critères de distinction, d’expérience ; la relation entre la marque et le client s’inverse » (J.N. Kapferer et V. Bastien, Luxe Oblige). Cette affirmation impliquerait que les objectifs du luxe et des marques du luxe se définissent selon des propres codes, des « inspirations »; et pas selon les lois « classiques » du marché sous lesquelles la demande incite l’offre (et donc, la production). Comme on l’a déjà étudié, le luxe possède des origines et bases culturelles, sociologiques, et historiques ; c’est avant tout un produit et une dynamique sociale. Par conséquent, les stratégies de marketing des marques du luxe ne suivent pas les mêmes logiques que les stratégies de marketing qui pourraient être appliquées aux produits de mode, ou Premium (et bien évidement, au reste des produits de consommation). « La réalité est que le marketing traditionnel ne concerne que le bas de la pyramide du luxe, où les marques ne sont plus en train de vendre des produits de luxe, mais produits dérivés des marques de luxe » (J.N. Kapferer et V. Bastien, 2012, p. 65).
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Dans l’analyse de J.N. Kapferer et V. Bastien, on constate deux tendances dans la construction d’une stratégie de marque de luxe, qui pourraient nourrir notre réflexion. La première se base sur la construction d’un mythe autour du produit et son héritage. Cette tendance sera généralement associée à des marques du luxe qui possèdent une longue histoire de tradition et savoir-‐faire. La deuxième, correspond aux marques de luxe légitimement appelées comme ca, mais qui ont une histoire récente. Ces dernières vont inventer leur mythe créateur à travers des expériences sensorielles ; à travers les aménités et expériences qu’elles vont offrir à ses clients dans leurs diverses boutiques, dans l’objectif de transmettre leurs valeurs directement dans leurs espaces de vente. Dans les deux cas, on remarquera le haut contenu culturel et de héritage, propre des marques de luxe.
En tenant en compte de cette dimension fortement culturelle, sociale et historique du luxe, on peut discuter sur les différentes logiques de marketing adoptées par les marques de luxe. Tout d’abord, il semble important de remarquer qu’en termes de positionnement, les marques de luxe ne vont pas chercher à occuper une position en spécial. Ce seront leurs traits et caractères propres (valeurs, savoir-‐faire, héritage), et leur spécificité culturelle qui vont leur permettre d’exister sur le marché ; pas la comparaison avec le reste de marques. « L’identité n’est pas divisible, elle n’est pas négociable-‐ elle existe, tout simplement » (J.N. Kapferer et V. Bastien, 2012, p. 66). Ainsi, le business model sur lequel se construisent les marques de luxe et de la haute couture relève de leur caractère intrinsèque ; un caractère social, culturel et créatif. Les marques de luxe se rattachent plus à leur héritage, leurs mythes créateurs, qu’aux attentes du marché, et par là, elles provoquent dans l’esprit de ses cibles, et consommateurs potentiels, un respect et une attraction vers la marque de luxe. A travers cette attraction vers la marque de luxe, ces marques vont fidéliser leurs clients, et développer au sein de leur communauté de clients un véritable « culte de la marque ». Dans le marketing classique, « le consommateur est le roi » ; dans l’approche marketing des marques de luxe et de la haute couture, ce sera, encore une fois, le respect de sa culture et son héritage symbolique qui guideront le chemin de la Maison de création. Les marques de luxe bâtissent leur réussite dans la continuité et consistance au fil du temps ; éléments qui donnent de la légitimité à leur savoir-‐faire, et dès lors, leur statut « élevé » au rang de marque de luxe.
Ainsi, les stratégies de marketing utilisées par les marques de luxe et de la haute couture, garderont ce caractère de rareté (à travers une production limitée, exclusive) ; en s’appuyant sur un « noyau dur » et fidèle envers la marque, plutôt que d’adopter une optique d’expansion, sous le risque, très probable, de vulgarisation de la marque : un risque de perdre la mythification de la marque, et par là, l’un de ses caractères fondateurs.
Dans ce contexte, deux modèles de business model sont souvent utilisés par les marques de luxe. Le premier appelé « la pyramide » (Vincent Bastien, 2009), se développe autour d’une approche dans laquelle l’image de la marque de luxe est créée « par le haut ». Cette image sera par la suite transmise à toutes les gammes de produits de la marque, tout en respectant le modèle du luxe : le contrôle de la production et la rareté des produits de la marque. Cependant, comme l’expliquent J.N. Kapferer et V. Bastien dans Luxe oblige, ce model comporte un fort risque de glissement de la marque vers la catégorie « Premium », lorsque la marque perd « le haut de la pyramide » suite à une accessibilité trop grande, de la part du Grand Public, aux produits de la marque. Le deuxième modèle est connu sous le nom de « la galaxie » (Bastien, 2009). Dans ce modèle, un personnage emblématique ou un produit de la marque, se trouvera au centre de la marque ; ou au centre d’un ensemble de produits « satellites ». Dans cette optique de marketing, ce sera ce
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centre qui créera le mythe et attractivité de la marque de luxe. Cette approche marketing a l’avantage de garder la continuité et cohérence dans le temps, dont les marques de luxe ont besoin pour pérenniser leur tradition, et donner une légitimité et image supérieure à leur savoir-‐faire.
2. Internet, la nouvelle frontière à conquérir pour les marques de la haute couture et du luxe
Avec l’arrivée de la révolution digitale, menée par internet, le besoin d’un site internet pour les marques semble vital pour leur survie dans ce nouvel environnement.
Il existe un constat très intéressant concernant internet et le lien qui existe à présent avec les marques : « Non seulement il faut un site internet, mais il faut que celui-‐ci soit riche en contenus, structuré et bien référencé. Sur le nom de l’entreprise et ses principaux produits, évidemment, mais également sur une sélection des mots-‐clés représentatifs» -‐ François Jeanne-‐Beylot, directeur du pole Web de Groupe Ligaris. Il faut non seulement un site internet riche en contenus et bien référencé, mais aussi savoir transmettre ces contenus sur les sites les mieux positionnés en ligne; afin que la présence en ligne, la « présence digitale », soit la plus forte possible, et surtout, cohérente avec les objectifs et cibles des marques.
Cependant, comme un signe distinctif de la nature du luxe, et en suivant les logiques qui bâtissent le marché du luxe, les marques du luxe ont suivi tardivement le passage vers la sphère digitale. Mais pendant les dernières années Internet a emmené les marques de luxe à réfléchir et mettre en place une réelle stratégie globale d’influence digitale. Ce passage sur la sphère digitale ne s’est pas fait de manière forcée. En tenant en compte les nouvelles tendances sociales et les pratiques des nouvelles générations de consommateurs au niveau mondial, il semble rationnel que les marques de luxe aient investi internet et la sphère digitale. Que ce soit pour éviter une rupture avec sa clientèle ; pour attirer des nouveaux clientèle ; ou pour profiter des nouvelles technologies, afin d’étendre la gamme d’expériences que la marque peut offrir à ses clients.
Le potentiel actuel que détient internet, en termes de visibilité et de couverture (en termes d’image et publicité) est très important. Par exemple, seulement en Chine, le premier marché du luxe dans le monde, il existe une claire tendance à la digitalisation des interactions entre les individus. Internet et les réseaux sociaux offrent des opportunités très importantes pour les marques, afin qu’elles puissent atteindre les nouvelles générations de jeunes chinois fortunés, qui représenteraient 45% de la population de consommateurs du luxe en Chine. En plus, le digital permettrait aux marques d’être connectées et d’interagir directement avec les consommateurs, sans être dépendantes des intermédiaires médiatiques qui détenaient traditionnellement le monopole de la communication entre la marque et le consommateur. Évolution qui offre une opportunité très importante pour les marques de luxe afin d’entretenir un dialogue privilégié et proche avec ses clients ; et renforcer par ce biais la relation avec ses clients, et leur immersion dans l’univers (et imaginaire) propre à chaque marque de luxe.
Sur la sphère digitale, et notamment internet, l’enjeu principal auquel doivent faire face les marques du luxe est d’éviter la massification du luxe. En tenant en compte du business model sur lequel sont construites les marques du luxe, et en considérant les logiques qui leur permettent de se distinguer des autres marques (Premium, de mode, etc.), les marques de luxe doivent être prudentes au moment d’établir leurs stratégies digitales. Et ceci, afin d’éviter une dilution de la marque de luxe dans cette masse uniforme de marques et de marchés que la sphère digitale a tendance à générer. « Un exemple [du risque de massification] est lorsque les marques du luxe
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développent une obsession pour le nombre des « Fans » de leur page officielle sur Facebook. En faisant cela, elles sont en train de glisser vers le business model de la mode, qui se base sur le contagion social » (J.N. Kapferer et V. Bastien, Luxe oblige, 2012). Un exemple qui exprime le risque de dérives auxquelles sont exposées les marques de luxe sur la sphère digitale, si ce nouvel environnement commercial et social n’est pas correctement compris et analysé.
Ainsi, on observe que l’ère digitale a emmené certaines variables commerciales qui ont progressivement investi les différents marchés mondiaux ; et le marché du luxe n’a pas été l’exception. Dans ce contexte, les marques de luxe ne doivent pas ignorer ces évolutions, mais plutôt les adapter à leur construction et business model particulier, afin de bien appréhender les opportunités, risques et menaces que la sphère digitale représente.
VII. LA HAUTE COUTURE ET LE LUXE, DANS L'ERE DU DIGITAL
1. Les « natifs du numérique », acteurs à part entière de l’univers digital
Un natif numérique ou natif du numérique (digitale native en anglais) est une personne ayant grandi dans un environnement numérique comme celui des ordinateurs, Internet, les téléphones mobiles et les baladeurs MP3. Ces natifs numériques, partagent leur « existence digitale » avec un autre type de population, les « (im) migrants numériques » (ou digital immigrant) : des individus ayant grandi hors d'un environnement numérique et l'ayant adopté plus tard. Concept utilisé pour la première fois par Mark Prensky, enseignant et chercheur américain ; il permet à présent de mettre en évidence cet écart générationnel qui s’est opéré avec les générations nées dans les années 1980, et les générations précédentes, vis-‐à-‐vis des usages, et même, des capacités cognitives liées aux nouvelles technologies digitales.
Cependant, il y a une nuance très importante à faire au moment d’établir des catégories parmi ces individus ; et notamment, du point de vue des entreprises, au moment de définir ces « natifs du numérique » comme leurs cibles. Si bien ces jeunes (qui se trouvent actuellement dans la catégorie des 15-‐35 ans) ont grandi dans un environnement numérique, il faut bien prendre en compte certains facteurs qui les lient au digital. Tout d’abord, concernant l’accès au digital, que ce soit par des raisons financières ou sociales, ces individus n’ont pas eu le même niveau d’accès aux technologies digitales. En plus, comme dans les environnements « hors-‐ligne », ils cherchent à se distinguer, et se regroupent souvent dans des communautés bien définies, et parfois très distinctes, en termes de culture, valeurs, opinions, goûts, besoins et attentes.
Ces générations, sont « connectées » en permanence. Avec l’essor de la distribution et commercialisation de tablettes, téléphones portables, baladeurs MP3/MP4, Kindle, ou encore, les plus anciens ordinateurs et ordinateurs portables ; ces natifs du numériques sont constamment exposés à « l’hyper communication » : un flux tendu d’information qui circule à travers d’internet et les principaux réseaux de flux digitaux. Cette exposition « prolongée » à l’hyper communication, crée un défi très important pour les marques, qui doivent doubler ses efforts pour atteindre ces utilisateurs ; attirer leur attention, et les fidéliser ; et aussi et surtout, adapter leurs offres et stratégies à ce nouvel espace de commercialisation qui génère un vrai défi de négociation entre les marques et les internautes.
En effet, du fait de leur approche beaucoup plus intuitive et naturelle vis-‐à-‐vis des nouvelles technologies, les natifs du numérique sont une cible très informée; grâce aux outils digitaux dont ils disposent actuellement. Ces individus connaissent en détail les informations par rapport aux
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conditions du marché, les prix (entre autres, grâce aux forums, pages de discussion ou comparateurs de prix), la qualité des produits ou services d’une marque, les expériences-‐utilisateur et les avis des utilisateurs d’un produit. A l’heure du Web 2.0, les entreprises qui visent ces « natifs numériques » se trouvent face à l’obligation de connaître, et de bien manier, les multiplateformes et tous les autres outils de communication qui pourraient intéresser les «natifs numériques ». A différence d’une cible « passive » comme c’était le cas avec les medias traditionnels, les natifs du numérique, ainsi que la plupart des cibles présentes sur les diverses plateformes digitales, sont un public très actif, et réactif ; ils ne vont pas simplement subir l’information et la publicité, mais il vont s’en approprier pour trier les messages qui leur intéressent ; faire ses propres choix basés sur une information beaucoup plus transparente et disponible ; même jusqu’au point de vouloir avoir une influence sur le produit lui-‐même. Loin des cibles classiques, ces natifs du numérique sont critiques, ils n’hésitent pas à s’exprimer publiquement sur les réseaux en ligne, à échanger et se renseigner.
A présent, les réseaux sociaux, ainsi que les forums de discussion, représentent des très importants espaces d’échange et discussion entre les internautes. Sur ces nouveaux lieux publics d’échange, les marques et leurs produits sont examinés de près ; les internautes vont partager leurs avis, leurs expériences d’utilisation, leur rapport et point de vue par rapport à la marque, ses valeurs, ses produits et même ses méthodes de production, entre autres. L’émergence d’une nouvelle génération de consommateurs, très informés, critiques et constamment connectés, a emmené les marques du luxe et de la haute couture à s’interroger sur l’efficacité des leurs stratégies classiques de marketing et communication sur ce nouvel environnement ; et surtout, à mettre en avant des efforts d’innovation, créativité et réactivité pour faire face à ces nouveaux modes de consommation ; afin d’adapter de la meilleure façon la marque à l’ère digitale. Que ce soit en fonction des plateformes, du style et méthodes de communication utilisés, ou du canal de diffusion, les stratégies des marques se trouvent face à un défi de taille afin d’optimiser leur portée et efficacité.
On constate ainsi que malgré un bouleversement des fondations des stratégies de marketing classique, certaines logiques et reflexes restent tout à fait cohérents lorsqu’une entreprise s’apprête à établir une stratégie digitale. Par exemple, le fait de considérer la diversité de cultures, de centres d’intérêt et des goûts, ou les différences de langage, au moment de cibler une catégorie spécifique parmi ces « natifs du numérique ».
2. Le modèle de vente en ligne, un relais pour les techniques traditionnelles de vente
Face à une cible de plus en plus avide d’interactions à travers la sphère digitale, les marques de luxe ont finalement investi cet environnement qui, à ses débuts, paraissait incompatible avec le secteur du luxe. Les marques du luxe et de la haute couture ont donc du allouer leurs ressources et moyens de marketing, à l’adaptation de leurs méthodes traditionnelles de commercialisation à cet espace digital.
Naturellement, comme résultats des nouvelles dynamiques et interactions entre les marques, les plateformes digitales et les internautes ; les marques ont du réinventer une partie de leur structure, en ligne. L’un des résultats de cette adaptation, et point qu’on étudiera dans cette partie de notre analyse, est l’émergence du modèle de la vente en ligne.
Avec l’essor de l’ère digital, et la montée en puissance de l’e-‐commerce comme un important environnement commercial, la vente en ligne est devenu progressivement une tendance à laquelle
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les marques de luxe et de la haute couture ont du s’adapter. Avec la mise en place des nouvelles technologies et canaux de diffusion de l’information (et donc de la publicité et l’image de marque), le besoin d’un « nouveau marketing », ou l’adaptation des techniques classiques de marketing, s’est fait évidente.
Le modèle de vente en ligne ou « Digital retail » s’est donc construit en prenant en compte des aspects propres à la sphère digitale. Aspects comme le recours de plus en plus important, de la part des internautes, à des avis en ligne ; des forums d’opinion, et des recommandations des réseaux sociaux que l’internaute entretien en ligne. Ce modèle de vente en ligne doit bien sûr s’appuyer sur une plateforme officielle et de confiance ; à travers laquelle la marque pourrait promouvoir et vendre ses produits, tout en contrôlant le trafic d’information ; les paiements en ligne ; et les retours en termes d’image, de réputation et d’expériences-‐utilisateur. Ce besoin d’un outil proche de la marque sera en général comblé avec la construction d’un site web officiel de marque. Site dans lequel la marque pourra entre autres, reproduire les aménités et services qu’elle propose dans la sphère réelle, tout en les adaptant aux contraintes et outils dont elle dispose en ligne.
Selon une infographie publiée par l’entreprise de consulting digital Exact target : « 18% des consommateurs affirment être influencés par une publicité en ligne ; 90% des consommateurs disent faire confiance aux avis et recommandations en ligne afin de prendre une décision d’achat ; et le processus de vente ne s’arrête plus au simple achat du produit, mais les technologies digitales permettent une extension de cet « échange » entre la marque et les consommateurs [ et internautes], à travers les sites d’avis et recommandations en ligne ». Le modèle de vente en ligne émerge donc, progressivement, comme l’un des relais privilégiés pour la vente en magasin « traditionnelle », qui s’avère moins efficace au moment d’atteindre des cibles de plus en plus « connectées ».
Il ne faut pas cependant oublier, la construction culturelle, sociale et de valeurs qui fonde les marques de luxe et de la haute couture ; et donc par là, bien comprendre que malgré l’adaptation de ce modèle de vente digitale, la commercialisation et publicité des produits des marques de luxe ne se feront pas d’une manière « banalisée » ou massive. Le caractère incomparable de ces produits (l’une des logiques du business model de luxe), implique que les marques de luxe devront tout de même prendre les mesures nécessaires pour ne pas diluer leur image de marque, et ses valeurs, dans un modèle commercial qui serait voué à une homogénéisation des méthodes de marketing et de vente. Phénomène d’homogénéisation propre à la sphère digitale, et résultant des flux massifs d’information et d’interactions entre les différents acteurs de cet environnement. Ainsi, dans le cas des marques de la haute couture et le luxe, un modèle de vente digitale, adapté à la sphère digitale se met en place. Cependant, ce modèle possède ses propres spécificités, issues de l’action des marques de luxe, afin de ne pas diluer leur image et nature de marque de luxe, dans une marée de marques présentes sur internet (et constamment exposées au regard des internautes).
L’évolution et adaptation du model de vente « physique » (terme utilisé ici afin de faire une distinction avec la vente en ligne) sur la sphère digitale, nous emmène à nous interroger plus amplement sur les différents outils mis en place par les marques de luxe et de la haute couture dans la sphère digitale, afin de bâtir leurs stratégies de marketing digital.
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VIII. QUELS SONT LES OUTILS DIGITAUX UTILISÉS PAR LE LUXE ? Avec la multiplication des flux de communication, de l’information et de la concurrence, à un niveau international ; internet pousse les maisons du luxe et de la haute couture à s’investir dans la recherche de nouvelles méthodes de communication et marketing digitaux, qui leur permettront de se démarquer dans la toile.
1. Les sites web officiels Le site internet ou site web d’une marque représente désormais son cœur, sa base sur la sphère digitale. Si bien, les marques et entreprises de la haute couture et le luxe se doivent d’être présentes sur les différentes plateformes digitales, leur site internet est le premier domaine à investir. Tout comme dans le positionnement et démarcage qu’elles ont développé dans la sphère réelle ; et à travers leurs stratégies de marketing et branding (développement de l’image de marque), elles doivent intensifier leur « positionnement luxe » sur la toile grâce à leur site internet.
Avec une population toujours croissante d’internautes, le site web officiel d’une marque est actuellement considéré comme une vitrine ouverte à l’univers de la marque. Inhibés des valeurs, de la philosophie et de l’élégance des marques de la haute couture et du luxe, ces sites web doivent être des véritables ambassadeurs du savoir-‐faire, de l’élégance et de la distinction qui ont historiquement marqué les maisons du luxe.
En passant par des aspects techniques comme une navigation claire et ergonomique ; et une architecture soignée et interactive ; le site web des marques de et luxe se doit d’être davantage plus innovant et efficace. A l’heure d’être « en contact » avec l’internaute, il faut que le site web de la marque lui permettre de saisir l’essence de la marque et de son univers. Dans le cas des marques de la haute couture et le luxe, on pourrait même parler du besoin d’avoir des conservateurs du contenu ; des administrateurs de ces sites web qui agiraient presque comme un conservateur du patrimoine culturel d’un musée. Ceci relève du besoin de transmettre, même au niveau digital, la personnalité de la marque; et conserver lors de ce passage du physique au digital, l’héritage culturel ou artistique sur lequel reposent les marques du luxe et de la haute couture.
Par ailleurs, et en suivant la nature interactive, de plus en plus présente, qu’internet impose aux sites officiels ; les sites internet des marques de la haute couture doivent proposer une expérience immersive dans l’univers de la marque. Que ce soit par une présentation détaillée de la marque, son histoire, ses créateurs et ses sources d’inspiration ; comme avec l’aide des divers supports digitaux qui se présentent au service de la marque, et qui peuvent être intégrés dans les sites internet. Des exemples de ces supports sont : les vidéos de présentation ou vidéos publicitaires, les hyperliens vers les différentes plateformes digitales de la marque, le contenu partageable ou interactif.
Les sites internet offrent des multiples opportunités aux marques dans la sphère digitale. En premier temps, le site web rend accessible une grande quantité d’information, issue directement des porte-‐paroles et dirigeants de la marque ; ainsi que les personnes qui ont eu, a leur manière, une influence sur une partie des activités de la marque. Par exemple des témoignages, des déclarations officielles, etc. De même, des données très importantes pour les internautes et client potentiels, comme par exemple : les prix, la localisation géographique des boutiques, les nouvelles ou anciennes collections, les informations de contact, des photos, des vidéos, entre autres.
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Même s’il a besoin d’un contrôle, notamment vis-‐à-‐vis de son contenue ; le site internet est un support qui, peut fonctionner à lui tout seul, sans arrêt. Cette disponibilité permanente (« 24h/7jours ») représente des gains très importants pour les marques en termes de diffusion. Le site web est accessible depuis tout poste ordinateur, ou appareil muni d’un navigateur internet ; et permet aux marques d’avoir une certaine visibilité sur internet.
De même, à l’heure du digital, avoir un site internet apparait comme une condition indispensable pour tout grand groupe qui souhaite intégrer la sphère digitale. En effet, le site internet permet aux marques de donner un signal clair de son adaptabilité et de son image même, en montrant qu’elle dispose des moyens d’innover et être présente sur les supports digitaux. Sur ce point, comme on l’a déjà analysé précédemment, les marques de la haute couture et le luxe doivent faire très attention afin d’avoir un site web soigné et élégant ; à l’image des valeurs et du positionnement propre de ces marques. Par le fait même d’avoir un site internet, la marque s’offre les moyens de toucher une cible de plus en plus large, qui correspond aux internautes au niveau mondial. Avec 2,3 milliards d’internautes dans le monde actuellement, une présence en ligne solide présente aux marques du luxe et de la haute couture un potentiel inestimable en termes de promotion et diffusion de l’image de marque. C’est d’ailleurs grâce aux sites internet officiels, relayés depuis les dernières années par les influents réseaux sociaux, que les marques du luxe ont trouvé des moyens très puissants pour construire un dialogue pratiquement direct avec ses clients, et maintenant, ses « fans ».
2. La tendance des mini-‐sites temporaires
En complémentarité aux sites web officiels des marques, une nouvelle tendance a fait son apparition sur la scène digitale : les mini-‐sites. Un mini-‐site correspond à « un ensemble de pages internet spécifiquement développé pour servir de landing page lors d’une campagne de publicité ou de marketing direct sur Internet ; ou créé à l’occasion d’un lancement produit ou d’un évènement.” (Source: Definitions-‐Webmarketing.com). Les mini-‐sites émergent donc comme des outils très intéressants à utiliser lors d’opérations évènementielles spéciales, ou lors du lancement d’une nouvelle collection ou produit ; afin de mettre la lumière sur ces derniers.
Avec ce nouvel outil, les marques de luxe comptent avec un atout de grande valeur. Le principal avantage qu’offrent les mini-‐sites est de mettre en valeur un produit ou évènement spécifique, en lui allouant un espace exclusif. Cet espace exclusif est souvent indépendant du site officiel de la marque, mais il est cependant bien connecté à ce dernier afin de créer des synergies entre les deux plateformes ; et générer ainsi des « ponts de communication » entre le site officiel et les mini-‐sites dédiés. Le mini-‐site permet à la marque de développer un espace riche en contenu par rapport au produit ou à l’événement. Par exemple du contenu multimédia (images, vidéos, musique, etc.), des descriptions techniques ou matérielles, ou parfois, des véritables légendes ou mythes autour desquels le produit (et la marque) pourront réaffirmer, ou confirmer, leur « personnalité » et leur univers.
a. Analyse du mini-‐site dédié à une marque.
Pour poursuivre notre analyse des mini-‐sites dédiés, un exemple qui semble intéressant à étudier est le mini-‐site dédié aux « Digital Discoveries » de Louis Vuitton. A travers ce mini-‐site dédié aux histoires personnelles de voyages ; aux témoignages de rencontres ou visites ; la marque invite les internautes à partager leurs propres histoires ou à découvrir les routes suivies par ses pairs : les autres membres de cette communauté de voyageurs « connectés ».
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Avec une architecture digitale épurée, très ergonomique et accueillante, l’internaute est rapidement immergé sous les constellations qui composent ce décor. Sous une architecture mystique, apaisante et élégante, le groupe réussi son objectif de fournir à l’internaute une expérience sensorielle privilégiée. Construit autour des trois disciplines fondatrices de l’univers de la marque Louis Vuitton, l’internaute peut choisir de découvrir les routes parcourus par les autres internautes sur les « sentiers » de l’art, de la société ou du voyage. Sans oublier la clé de voûte de l’univers de la marque Louis Vuitton, toutes ces expériences sont liées par la passion du voyage et de la découverte (des lieux inconnus, des nouvelles cultures, de soi-‐même). Dans ce véritable univers, où chaque étoile représente une personne, une personnalité ou une institution (ou entreprise), la marque réussit à renforcer sa relation avec les membres de sa communauté en les invitant à faire partie de cette constellation d’individus ; et de partager avec eux leurs propres secrets de voyages et d’expériences ; leur « chemin ». Sous la forme d’un journal intime de voyage l’internaute peut partir à la découverte digitale de ces personnalités, et leur faire part de ses propres découvertes. Le mini-‐site nous invite à découvrir par exemple le chemin suivi par Todd Selby, célèbre photographe et bloggeur de mode, sur le sentier de l’art.
Louis Vuitton offre ainsi à travers le mini-‐site dédié aux Digital Discoveries une véritable expérience digitale et sensorielle qui emmène l’internaute précisément au sein de l’univers de la marque : le voyage, l’art et l’histoire.
Une différence particulière de ce mini-‐site, et très importante pour Louis Vuitton, est que ce mini-‐site n’est pas temporel ou éphémère ; à différence de la plupart de mini-‐sites dédiés. Et de ce fait, il permet à la marque d’étendre sur le temps ce lien intime avec ce cercle de voyageurs, proches des valeurs de la marque.
Aperçu du mini-‐site dédié aux Digital Discoveries de LVMH
Source : www.louisvuitton-‐digitaldiscoveries.com
3. Les magazines en ligne
A l’instar des magazines de luxe sur une « support papier », les magazines du luxe en ligne combinent l’univers des marques de luxe avec du contenu informatif, et fortement lié à l’univers des marques de luxe.
Un bon exemple de magazine en ligne pour le luxe est « Nowness », le magazine en ligne lancé par LVMH en 2010. Comme le disent ses créateurs et responsables : « Nowness est une plateforme culturelle globale pour le storytelling digital, et des publication exclusives hebdomadaires. Nous
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sommes une destination « soignée » pour les individus avides de culture, un point de référence pour les leaders dans les medias et le style, et une communauté créative engagée à découvrir, créer et exposer des créations exceptionnelles, en collaboration avec des artistes exceptionnels ». A travers la présentation et le choix du contenu de son magazine, le groupe LVMH cherche à élever l’univers du groupe, et de ses différentes marques de luxe. En faisant allusion à des experts et d’artistes exceptionnels, le groupe réussit à fédérer un sélect groupe d’artisans du milieu du luxe, sous son univers et son image de marque ; de groupe. En plus, ils n’oublient pas leurs internautes, à qui est dirigée une mention spéciale ; afin de renforcer le sentiment d’appartenance à la communauté LVMH.
Dans le site officiel du magazine Nowness, on observe une fois de plus l’utilisation d’un vocabulaire et imaginaire mythique ; voire des références à des personnages épiques ou héroïques, pour élever l’univers de la marque et le contenu du magazine au rang de la légende et du superlatif.
L’objectif de ce magazine, comme d’autres magazines de luxe en ligne est donc de reproduire le mythe créateur de la marque de luxe et de le transmettre de façon périodique à la communauté « d’initiés » de la marque, et les nouveaux arrivants. En mélangeant le contenu des différences branches de spécialisation du groupe, ainsi que les marques, le magazine du luxe en ligne permet de créer un fort lien entre l’imaginaire commun que ces différentes marques possèdent ; et renforcer encore une fois les synergies créées entre les différentes plateformes digitales des marques de luxe. C’est ainsi qu’on remarquera l’affirmation faite par le magazine Blended au sujet du lancement de Nowness: “Avec des projets tels que Nowness, les entreprises de luxe marquent leur retour dans l’ère du temps”. Pour marquer clairement le passage que les marques de luxe font, vers l’ère digitale
4. La « culture du buzz », une puissante tendance virale.
Un autre outil dont disposent les marques de luxe dans la sphère digitale, est le buzz. Le buzz ou buzzing (de l’anglicisme “bourdonnement”) désigne une technique de communication qui consiste à faire parler d’un site ou d’un produit avant même son lancement, en entretenant un « bouche-‐à-‐oreille digital » savamment orchestré, et des actions ciblées auprès des leaders d’opinions. En suivant cette métaphore du bourdonnement, on peut voir le buzz comme l’avant-‐première d’un évènement (lancement d’un produit, publication d’une campagne globale). « Le bourdonnement précède l’arrivée et la vue de l’abeille».
De façon un peu abusive « le buzz est souvent désormais vu comme un synonyme d’un phénomène viral ou comme un synonyme du marketing viral, alors qu’il n’en est théoriquement qu’une forme parmi d’autres ». 5 Actuellement le buzz est très présent dans la sphère digitale, grâce à la vitesse des échanges d’informations et multiples plateformes dans lesquelles ce retentissement médiatique peut évoluer, et être « partagé ».
La sphère digitale, menée par internet (comme on l’a déjà précisé), est spécialement friande des phénomènes de mode, qui deviennent dans certains cas des références incontournables dans certains secteurs et milieux. Le buzz marketing apparaît comme un outil presque naturellement nécessaire pour la présence en ligne des marques en ligne ; et surtout, comme un élément indispensable lorsque ces marques décident de construire leurs stratégies de marketing digital.
5 Source: Définitions de Web Marketing -‐ www.definitions-‐webmarketing.com
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Un des caractéristiques très attractives de cette technique du buzz, forme « évoluée » du bouche-‐à-‐oreille classique, est que le buzz, lorsqu’il est correctement orienté ou correctement ciblé vers les leaders d’opinion en ligne, permet d’amplifier la notoriété et la présence d’une campagne ou d’une produit en ligne. Une étude menée par ABC Netmarketing montre clairement comment ce phénomène viral est une « phénomène de propagation qui, notamment sur Internet, se caractérise par un système de diffusion pyramidal et une vitesse de transmission qui rappellent évidemment le mode de transmission d’une épidémie ». Si bien cette notoriété doit être nourrie et entretenue par des efforts de marketing et publicité additionnels ; une fois qu’un mouvement de buzz a touché une partie importante de la « population d’internautes », et notamment, les leaders d’opinion du milieu de la haute couture ; l’effet de propagation et d’inscription du produit, de la marque, ou de l’événement, dans l’esprit des internautes, se fait très rapidement.
Le potentiel que présentent ces campagnes de buzz est la capacité à se propager une fois que le relai de la marque vers les leaders d’opinions ait été fait. Par la suite, ces derniers transmettront les informations au public en général. Grâce à l’engouement que ces campagnes provoquent, à une certaine étape de la champagne de buzz, ce n’est plus la marque qui communique mais les internautes, le public, qui diffusent et relayent le message; impliquant évidemment des très importantes économies en termes de budget et ressources pour les marques, ainsi qu’une notoriété importante, qui renforce la présence de ses produits en ligne.
Cette technique de marketing viral (comme les méthodes de marketing viral digital en général), se distingue donc, théoriquement, d’un simple phénomène classique de bouche-‐à-‐oreille, par son ampleur et par sa vitesse de propagation ; ainsi que par le fort caractère participatif, voire interactif, dont il bénéficie sur la sphère digitale. Participation qui peut se faire par le biais des « partages », des commentaires ; des reprises ou remix (modification de certains éléments de la campagne ou message, qui dans certains cas peuvent être crées par les internautes pour mettre en valeur des points-‐clé du message ou des éléments symboliques et marquants) ; ou par l’interaction directe que ce message peut provoquer entre l’internaute, la marque et son message. Un exemple de cette interaction très directe entre l’internaute et la marque est l’utilisation des QR codes (outil digital dont on discutera le fonctionnement plus tard dans notre analyse).
Pour illustrer plus clairement la culture du buzz, et l’usage qu’en font les marques de luxe et de la haute couture, sur la sphère digitale ; on étudiera deux phénomènes de cette culture, qui ont fait la une des plateformes digitales pendant des semaines. Dernier détail très important lorsqu’on tient en compte le caractère éphémère que certaines campagnes peuvent avoir dans la sphère digitale.
b. L’Odyssée de Cartier
Considéré par certains professionnels du marketing comme un véritable chef d’œuvre de la communication et le marketing, l’un des plus récents et retentissants exemples de campagne de buzz dans le milieu de la haute couture et les accessoires de luxe est l’Odyssée de Cartier. Un court-‐métrage fidèle à la réputation du luxe, qui nous emmène dans un voyage qui retrace 160 ans d’histoire de la maison de joaillerie, en utilisant certains des éléments les plus marquants, symboliques et sublimes de l’héritage de cette marque ; comme par exemple, le protagoniste de cette histoire : la panthère, symbole par excellence de cette Maison.
La particularité de cette vidéo « historique » de la maison Cartier est qu’elle a été destinée presque exclusivement au monde digital ; n’ayant été diffusée à la télévision que une seule fois, elle a généré jusqu’à présent 16 971 919 de vues sur le site de partage vidéo YouTube.
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Dans cette campagne, qui a « créé le buzz », on peut distinguer deux temps forts. Dans un premier temps, le voyage de la panthère a été rendu public sur la sphère digitale, et internet notamment, bien avant d’être retransmise une fois sur le media traditionnel « Télévision ». Les autres medias conventionnels ont par la suite relayé la rumeur et commentaires sur cette nouvelle campagne. Cependant, la puissance et notoriété de l’Odyssée reviennent aux supports digitaux. Tout d’abord, en termes de budget du projet, les medias digitaux offraient à la marque une opportunité idéale pour développer une vidéo de plus de 2 minutes (3 minutes dans le cas de l’Odyssée), et offrir ainsi aux internautes une expérience digitale complète avec la campagne.
Complétant ce lancement sur les réseaux sociaux et hébergeurs de vidéo sur le net, Cartier a choisi de développer un site internet totalement dédié à l’Odyssée ; et de présenter le film de la même
manière qu’un DVD (division en épisodes et bonus); créant par là, une expérience digitale totale. Grâce à ces deux supports solides, la campagne de buzz de l’Odyssée de Cartier a pu être démarrée. Bien que présent initialement sur les hébergeurs vidéo tels que YouTube, au fur et à mesure des heures, puis des semaines, un très grand nombre de vidéos vues a été généré directement depuis le site internet dédié à l’Odyssée ; puis relayées et partagées sur les différents réseaux sociaux, blogs, forums et magazines en ligne. Au bout de trois semaines de présence sur la toile, l’Odyssée de Cartier a généré plus de 6 millions de vidéos vues sur YouTube et presque 2000 commentaires et plus de 4000 partages sur Facebook et les principaux réseaux sociaux. Bien qu’adressée spécialement à un cœur de cible très particulier, la campagne buzz de l’Odyssée de Cartier a su attirer l’attention d’une très vaste proportion de la population d’internautes au niveau mondial ; et grâce à cela, elle a atteint des potentiels relayeurs très habitués à l’utilisation des réseaux sociaux et plateformes digitales, et donc au partage d’informations.
La deuxième étape de la campagne de buzz autour de l’Odyssée de Cartier consistait à contrôler ce mouvement de buzz, une fois qu‘il eut atteint le pourcentage d’internautes recherchées par la maison de luxe. En effet, la campagne de buzz offre l’avantage de toucher une cible très large en très peu de temps, de façon virale ; et permet aux entreprises de suivre en direct les réactions et les retours sur la campagne, grâce aux différentes données disponibles sur les bases des données digitales. De ce fait même : sa nature de phénomène massif, la campagne virale ne permet pas en soi d’exploiter le contact avec une cible en particulier ; ce qui mène les entreprises à établir des stratégies complémentaires afin de récupérer les retours et « produits » de ces campagnes. La campagne de communication multimédia qui s’opère depuis le lancement de la campagne buzz de l’Odyssée de Cartier, est à nouveau menée par les plateformes digitales. Cependant, dans ce cas, cette stratégie plus contrôlée se développe sur des medias et canaux que la maison maitrise et qui lui permettront de toucher ses vraies cibles. C’est dans cette étape que la marque va vraiment travailler son image de marque et inscrire fortement ses valeurs dans l’esprit de ses cibles.
Ainsi on observe que dans le cas de Cartier, comme dans un certain nombre d’exemple réussis de campagne buzz, la marque a su tourner cet phénomène médiatique afin de profiter de sa visibilité pour relancer les visites sur son site commercial ; ses sites dédiés ; ses pages et groupes dédiés sur les réseaux sociaux ; ainsi que sur ses nombreuses boutiques « réelles ». En rebondissant sur un merchandising visuel qui reprend les éléments et personnages de leur campagne buzz, Cartier a su profiter de la notoriété accrue que son Odyssée lui a offert, pour la convertir en un véritable avantage et des retours positifs pour la marque ; tant dans le monde digital comme dans le monde réel. De même, en agissant de cette manière, sur le plan digital, Cartier a sans doute gagné aussi l’attention d’une cible plus jeune parmi les internautes adeptes des réseaux sociaux, ce qui lui
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offre d’importantes retombées potentielles en termes de bénéfices commerciaux ; et un intéressant marché niche à exploiter, que ce soit en termes de commercialisation de ses produits, comme pour y trouver un puissante force de marketing et publicité.
c. « L’imagination en quelques images » de Kering
Un deuxième exemple marquant de campagne buzz est « L’imagination en quelques images » de Kering. Ce film fait partie de la campagne de groupe pour annoncer le changement de nom, d’image et de logo du groupe PPR vers son nouveau nom Kering; et marquer ainsi le renouvellement de son positionnement dans le commerce mondial, vers un recentrage sur le luxe et l’habillement sportif. Renouvellement qui s’inscrit dans une optique d’innovation et changement accompagné par le numérique.
Dans cette série de vidéos qui listent de façon cinématographique les domaines d’activité dans lesquels le groupe veut se recentrer, on suit le trajet d’une plume, « synecdoque visuelle » nous rappelant une chouette. Souvent considérée comme une « aristocrate » des airs, la chouette symbolise désormais le groupe de luxe, « haut dans les airs » ; avec une légèreté propre à l’esprit créatif de la marque et son orientation vers l’innovation dans le monde du luxe.
Aperçu du nouveau logo du groupe Kering
A travers de cette campagne de buzz, Kering a cherché à marquer les esprits des internautes avec leur nouvelle image, et se faisant, leur montrer comment le groupe est prêt à aller vers l’avant. Tout en combinant des valeurs « classiques » de respect de leur tradition et héritage artisanal ; l’élégance et sophistication qui viennent avec la sagesse de l’expérience ; et la force d’innovation et créativité des jeunes créateurs qui influencent les produits de la marque.
Ces exemples de buzz, qui dans leur cas ont eu des retombées positives pour les marques qui y sont représentées, démontrent l’importance de la réactivité que les marques de la haute couture et le luxe doivent avoir sur le monde digital, afin de contrôler et guider ces phénomènes médiatiques vers des résultats positifs pour la marque.
5. Les web-‐séries
Un autre outil digital très important, avec un fort potentiel de couverture, et qui est devenu depuis quelques années une tendance en vogue, est la web-‐série.
« Une web-‐série est une série composée d’un certain nombre d’épisodes vidéos de quelques minutes qui sont généralement exclusivement diffusés sur Internet et qui servent à la promotion d’une marque. Les web-‐séries sont généralement hébergées sur le site de l’annonceur et souvent placées en complément sur les réseaux sociaux et plateformes d’échanges vidéo. L’audience des web-‐séries provient généralement d’un achat d’espace publicitaire et d’un phénomène de viralité ».6 Par la suite, on analysera l’exemple de la web-‐série « Le voyage de Louis Vuitton et The Selby », afin de mieux comprendre l’usage que font les marques de luxe de cet outil digital.
6 Source: Définitions Webmarketing, encyclopédie.
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d. Le voyage de Louis Vuitton et The Selby.
« Explorez le monde de Louis Vuitton », c’est avec cette phrase qu’on est accueilli sur le site dédié au Louis Vuitton Express. A l’instar des voyages mythiques de l’Orient Express ou des locomotives de la Route de la Soie, ce projet développé par Louis Vuitton Malletier en collaboration avec Todd Selby – « The Selby » -‐ photographe, bloggeur et personnalité du monde de la mode ; nous emmène suivre les expériences, visites et rencontres de The Selby. En partant de Paris pour atteindre Shanghai. Ce voyage nous transporte, entre autres, au faste et élégance de Moscou ; ville riche en histoire, tradition et culture -‐ toujours très présents dans l’élégance de l’architecture de ses stations de métro, pour n’en citer qu’un exemple.
Comme le dit The Selby lui-‐même lors d’un des épisodes de cette mini-‐série : ce voyage est une expérience unique pour « dessiner, voyager dans le luxe ». Ayant comme décor les sublimes paysages des steppes russes, de l'Europe de l’Est ou de l’Asie ; on est « exposés » en permanence à la présence de cet élément unique et raffiné, qui transforme le voyage en une expérience totalement inimitable: les mallettes Louis Vuitton. « Il s’agit surtout du voyage, et pas nécessairement de la destination ». Avec cette phrase The Selby exprime exactement ce que la marque veut traduire à travers de ses créations : le plaisir de voyager, de sentir, et de découvrir des nouvelles expériences.
Cette mini-‐série ne s’appuie pas seulement sur les supports vidéo, mais nous offre une expérience totale en nous permettant de suivre à travers des photos, des témoignages et une carte interactive, le progrès de la locomotive pendant qu’elle traverse une partie de la planète ; le tout, immergés dans l’univers fantastique et luxueux du « mode de voyage Louis Vuitton ».
A travers ce nouvel outil, les marques utilisent sur le web un instrument qui leur permet de transmettre « l’expérience de marque ». Plus qu’une vidéo publicitaire, la web-‐série immerge les spectateurs au sein de toute une histoire qui met en scène comme protagoniste, ou élément récurrent du décor, les produits des marques. Les marques ont trouvé dans les web-‐séries un fort potentiel de visibilité pour leurs produits ; et actuellement, en plus du voyage de Louis Vuitton et The Selby, des nombreux exemples de web-‐série sont présents sur la toile. Par exemple : « Look book, the series » dans laquelle des marques de chaussures de luxe comme Dolce Vita, Doc Martens, et de lingerie comme Victoria Secrets, sont mises en scène dans des situations qui gravitent autour du monde de la mode, du luxe et d’un style de vie très particulier; « The woman’s tale », une série de court-‐métrages réalisés par la marque Miu Miu qui, en utilisant des sujets tels que le pouvoir subjectif des femmes, montre le fort lien sensoriel qui peut exister entre les produits de la marque et ses clients.
Les marques nourrissent leur image et leurs valeurs à travers la symbolique présente dans les web-‐séries. Leurs produits sont véhiculés comme protagonistes de nos modes de vie, véritables vecteurs du passage d’un état d’esprit vers un autre (lié à nos envies, nos besoins de distinction ou d’acceptation, notre style personnel, notre statut, etc.).
Les web-‐séries apparaissent ainsi, au sein du nouveau marketing digital utilisé par les marques du luxe et de la haute couture, comme un outil de « marketing d’expérience », du vécu ; où la technologie reproduit nos expériences, nos perceptions du produit, et émotions, pour renforcer le lien entre la marque et ses clients.
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6. Le storytelling
La notion de storytelling consiste, littéralement, au fait de « raconter une histoire à des fins de communication ». Dans un contexte marketing, le storytelling est le fait d’utiliser le récit dans la communication publicitaire.
Le storytelling consiste donc à utiliser une histoire plutôt qu’à mettre classiquement en avant des arguments de marque ou produit. Inscrite dans l’évolution des techniques de marketing classiques vers des pratiques plus modernes, la technique du storytelling doit normalement permettre de capter l’attention et de susciter l’émotion. Elle peut également être utilisée pour élever la marque à un rang de mythe. « L’Histoire d’une marque est nécessaire mais pas suffisante pour élever cette marque ; il est en plus indispensable de créer un mythe, un discours légendaire qui donnera naissance au rêve [associé à la marque] » J.N. Kapferer et V. Bastien, Luxe Oblige.
Le storytelling peut utiliser des histoires réelles (mythe du fondateur ou de la création d’entreprise) ou créer des histoires imaginaires liées à la marque ou au produit.7 Dans le cas des marques de la haute couture et du luxe, l’objectif principal du storytelling est d’idéaliser la marque au-‐delà de son caractère fonctionnel ; et lui attribuer toute sa dimension culturelle, historique et tout son héritage social (codes, symboles, personnages marquants, etc.).
A l’heure du digital, les marques de luxe sont dans l’obligation d’aller au-‐delà du simple objectif commercial (comme le font la plupart des marques), afin de reproduire les mythes créateurs de ces marques, sur cet environnement digital. Leur storytelling apparaît ainsi comme l’un des outils privilégiés afin d’entretenir cet imaginaire, et immerger les internautes au sein de l’univers de la marque.
Des exemples de storytelling sur le monde digital, comme sur les medias traditionnels (tout en rappelant que notre analyse se centrera sur les campagnes et initiatives digitales), qui semblent intéressants à analyser sont: « Les Journées particulières de LVMH », « Résonances » de LVMH et « l’Odyssée » de Cartier.
e. Les journées particulières de LVMH
Le premier, qui est déjà à sa deuxième édition, introduit le public dans un rêve ; un rêve qui ne s’éloigne pas trop, pourtant, de la réalité : le rêve de rentrer dans les coulisses des Maisons de création des différentes marques du groupe LVMH.
En suivant les lignes de l’histoire racontée par la présentation de ces journées particulières, et avec l’utilisation d’un vocabulaire propre au champ sémantique du rêve, LVMH nous transporte derrière les coulisses d’un conte historique ; riche en tradition et savoir-‐faire artisanal. Lors de la première édition de cet évènement, en 2011, les ateliers des 25 Maisons de création LVMH ont été visités par 100000 visiteurs. Le 15 et 16 Juin 2013, 40 Maisons de création du groupe ont ouvert leurs portes aux visiteurs. Le but de cet évènement était de faire découvrir le savoir-‐faire et les métiers des 100 000 hommes et femmes du Groupe; et permettre ainsi aux visiteurs, et potentiels clients, de découvrir toute l’expertise, tradition et travail derrière la création des produits du groupe ; tout en les immergeant dans un univers onirique grâce au storytelling présent dans le site web dédié pour l’occasion.
7 Source : Définitions Webmarketing -‐ www.definitions-‐marketing.com/Definition-‐Storytelling
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C’est d’ailleurs dans ce site web dédié, que la première immersion de l’internaute au sein de l’univers des ateliers LVMH a eu lieu. En effet, sur le site dédié aux journées particulières LVMH, les internautes ont pu avoir un aperçu de l’intérieur des ateliers grâce aux « visites 360o : des retouches digitales faites sur les photographies des bâtiments qui accueillent réellement les ateliers de production des marques du groupe LVMH, afin de donner un avant-‐gout visuel de cette découverte des lieux de création LVMH.
Aperçu de l’intérieur de l’atelier de couture de la marque Dior
Source : Site officiel des Journées particulières LVMH.
A travers de ce récit qui nous invite à découvrir ces lieux de rêve, on ne se retrouve pas devant des artisans, des experts et des créateurs, mais face à des personnages mythiques qui nous ouvrent les portes de leurs sanctuaires.
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Et bien évidemment, cet évènement constitue un instrument supplémentaire pour combiner les différentes plateformes et canaux de promotion de la marque, et interagir une fois de plus avec les clients à travers les technologies digitales.
Ainsi, non seulement le groupe LVMH attire l’imaginaire de ses clients via internet et le site dédié à cet événement, mais il prolonge la relation avec ses clients en leur permettant un accès privilégié grâce à la technologie mobile ; en privilégiant par ce biais, une relation de proximité et de confiance entre la marque et ses clients plus fidèles. L’application mobile « LVMH : JP2 », adaptée aux systèmes d’opération IOS et Androïd, permet aux utilisateurs mobiles de préparer et compléter leurs visites en proposant plusieurs fonctionnalités. Parmi les fonctionnalités disponibles ont retrouve: le programme détaillé des 40 lieux d’exception ouverts au public, des animations exclusives autour des Maisons et de leurs savoir-‐faire, un suivi en direct des communautés Twitter et Instagram, et la géolocalisation des lieux ouverts près de la localisation géographique de l’utilisateur.
f. Résonance de LVMH
Un deuxième exemple de storytelling est le projet « Résonances » développé par LVMH. « Depuis 150 ans, Louis Vuitton célèbre les arts et l’art du voyage, et poursuit sa découverte du monde »8. A l’occasion de l’implantation du groupe à Ulan Bator (Mongolie), ils ont eu recours à l’artiste mongole Abdesslam Oulahib pour créer une œuvre inouïe et singulière, qui baigne dans le mysticisme, la tradition et l’histoire mongole ; et son passé de guerriers conquérants.
Dans ce « voyage à travers les mots, les images et les sons », LVMH nous emmène dans les steppes mongoles, au temps des grands Khans et nous introduit dans une légende propre au peuple mongol : celle de Tsagaan, un intrépide cavalier qui défia le Grand Khan.
En faisant des fréquentes références au champ sémantique du cuir, les créateurs de ce projet maintiennent vif, dans l’esprit de l’internaute, le lien existant entre cette légende ; l’artisanat et savoir-‐faire du cuir ; et l’esprit de voyage que Louis Vuitton Malletier imprègne dans chacune de ses créations ; tout en le transportant dans des épisodes et des contrées lointaines.
Ainsi, grâce au storytelling et la construction d’un lien entre les produits LVMH et un passé mystique -‐ d’une grande richesse culturelle et historique -‐ LVMH réaffirme dans l’esprit de ses internautes, et clients potentiels, la tradition et histoire qui accompagne chacune des créations de la marque Louis Vuitton.
g. L’Odyssée de Cartier
L’Odyssée de Cartier est l’un des exemples les plus importants en ce qui concerne l’utilisation du storytelling au sein des nouvelles stratégies de communication et marketing. Ce court-‐métrage réalisé en 2012 retrace 165 ans d’histoire de la marque Cartier – l’un des principaux symboles du 8 Source : Projet Résonances de Louis Vuitton -‐ www.louisvuitton-‐resonance.com
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luxe et du savoir-‐faire dans le monde. Cette vidéo destinée presque exclusivement au monde digital (elle aura été diffusée à la télévision que très peu de fois), a généré jusqu’à présent 16 971 919 de vues sur YouTube.
L’histoire met en scène une panthère, célèbre emblème de la maison depuis 1914, dont le corps est entièrement constitué par des diamants et des pierres précieuses. Avec une exposition en continu à la présence de bijoux, pierres précieuses et luxe, on est embarqués dans un voyage à travers les continents et époques qui ont enrichi le style de Cartier. En passant par la ville de Prague dans la fin 19e siècle ; on est ensuite transportés dans les contrées lointaines qui ont toujours marqué l’imaginaire et ambitions de découverte du monde occidental : l’Orient et le Moyen-‐Orient; et dans ce cas, la Chine avec une référence au très uniques montagnes de Wulingyuan (dans le sud de la Chine) et aux dragons: êtres mythologiques qui parcourent le folklore asiatique et qui représentent la sagesse, la puissance et toute un époque de grandes dynasties. Le voyage nous transporte ensuite au sein du Moyen-‐Orient ; au souvenir des grandes richesses culturelles, architecturales et naturelles dont dispose cette région depuis plusieurs siècles. De la même manière, on est immergés dans les grands palais de l’époque, les expéditions et rencontres entre deux mondes très distincts. Ce récit nous montre que la marque n’a pas seulement été présente au sein des grandes cours royales du monde, mais qu’elle a aussi été présente lorsque les grandes découvertes de notre siècle ont été faites. Par exemple, lors l’invention des premiers prototypes d’avions par les frères Wright. Ce voyage se termine par un retour dans les rues de Paris et son élégance reconnue autour du monde. Le retour à une maison française faisant un rappel de l’origine française de cette grande maison de création.
En tant qu’un outil complémentaire et très proche des web-‐séries, l’Odyssée de Cartier a été présentée en 8 chapitres. De manière plus globale, ce court-‐métrage s’inscrit dans un projet de visibilité et présence en ligne autour de la marque Cartier. La Maison non seulement nous invite à parcourir avec elle (et ses symboles) ses siècles d’histoire, mais elle nous offre aussi une expérience inédite. Dans le site dédié à l’Odyssée de Cartier, on peut trouver le court métrage, en entier ou divisé par chapitres, et plus important, on nous invite à découvrir « l’expérience Cartier ». En alliant le storytelling avec l’affiliation sur internet – à travers les différents réseaux sociaux ou le site web officiel de la marque-‐, Cartier nous offre une expérience digitale complète au sein de sa maison, ses produits d’excellence et ses services dérivés.
Visuel de présentation de la campagne pour l’Odyssée de Cartier
Source : site officiel dédié à l’Odyssée de Cartier. -‐-‐ www.odyssee.cartier.fr
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IX. Le luxe et les médias sociaux Lors des dernières années, notamment à partir de 2004-‐2005, les réseaux sociaux ont prit une place centrale sur la scène digitale. Dans ce contexte de digitalisation des relations sociales et multiplication des communautés en ligne, il semble important de s’interroger sur le rôle que jouent actuellement les partenariats avec les géants mondiaux du digital ; notamment des réseaux en ligne comme Facebook, Twitter, Instagram ; et les plateformes d’opinion et communautaires comme les blogs et forums ; sur le rayonnement et influence digitale de la marque.
Les marques de la haute couture et le luxe s’intéressent de plus en plus dans les réseaux sociaux et les contenus qu’elles peuvent partager sur ces derniers. En partant des campagnes publicitaires et de promotion de l’image de marque, elles peuvent aussi partager des aperçus des nouvelles créations et collections, ou des albums entiers avec le contenu de ces collections. Elles peuvent faire part des scènes derrière les coulisses des Fashion shows (élément très attractif pour l’attention des adeptes à la mode et les curieux), ou tout simplement poser des questions ouvertes à leur public, « leurs fans ». De même, les grandes maisons du luxe textile trouvent dans ces medias sociaux un canal très dynamique pour toucher les fashionistas, leaders d’opinion du luxe et des nouvelles audiences.
1. La digitalisation des réseaux sociaux A la tête de ce mouvement, qui est apparu massivement à la fin des années 1990 et surtout dans les années 2000, les réseaux sociaux sont devenus au fur des dernières années un espace de dialogue, d’échange et de rencontre pour des milliards d’internautes. Regroupés par communautés, groupes d’intérêt, localisation géographique (pays, ville, ville d’origine, ville de résidence, etc), entre autres ; les internautes offrent indirectement ou volontairement (affiliation volontaire a un groupe d’intérêt, ou page d’une marque sur les réseaux sociaux) des informations fondamentales pour les marques et pour les entreprises afin de bâtir des stratégies de marketing ciblées et plus efficaces.
Avec le développement de cette Culture Sociale Digitale, les réseaux sociaux se hissent comme des instruments et des interfaces presque incontournables pour atteindre les consommateurs et internautes. En effet, avec une présence en ligne de 4h par jour minimum sur ces réseaux sociaux, les internautes offrent une opportunité idéale pour les entreprises du luxe de les attirer vers l’univers d’une, ou plusieurs, de leurs marques. Des nombreuses stratégies marketing sont désormais mises en ligne et utilisées par les entreprises sur ces réseaux sociaux. Des stratégies comme par exemple : le tracking.
v La stratégie de tracking consiste à répertorier, identifier, et cibler les internautes. Cette méthode englobe l'ensemble des moyens mis en œuvre par les marques pour poursuivre les internautes et noter leurs moindres faits et gestes afin d'établir leurs profils. Et comme on l’a expliqué précédemment, les réseaux sociaux offrent aux entreprises des bases de données très riches en contenus et informations, qui pourraient permettre aux entreprises de construire une identification très pointue de ses cibles.
v Une fois la ou les cibles identifiées et répertoriées, l’étape suivante de cette stratégie digitale sur les réseaux sociaux consisterait, comme dans un échange réel, à convertir cet échange en un gain (un achat), pour la marque notamment. Cette conversion se réalise dès lors que la marque réussit à provoquer ou attirer l’engagement des internautes. A différence d’un échange sur un lieu public réel, comme un magasin, l’engagement des internautes s’opère en deux temps, qui sont consécutifs ou « parallèles ».
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D’une part, on constate que l’engagement de l’internaute passe par son engagement digital envers la marque (adhésion aux groupes et pages dédiées, participation plus ou moins active dans les fils de discussion sur les réseaux sociaux), puis une possible conversion en ventes ; et d’autre part, une conversion directe en vente à l’issu de cette échange entre la marque et l’internaute; échange qui se fait grâce aux publicités ciblées que la marque a présenté sur le profil de l’internaute.
v Cet aspect met en avant un enjeu que les marques connaissent déjà dans cette négociation avec les clients, et maintenant internautes : la fidélisation et pérennisation de la relation avec le client.
Dans l’univers des réseaux sociaux, les marques du luxe et de la haute couture (ainsi que le reste de marques et organisations présentes sur ces réseaux), doivent suivre des étapes bien définies, afin d’avoir une intégration réussie dans ces réseaux.
Tout d’abord, comme dans toute relation commerciale, les entreprises ont besoin d’être à l’écoute des internautes, ses followers (suiveurs : clients et ambassadeurs potentiels de la marque sur la sphère digitale), et même de ses détracteurs ; afin de garantir une présence en ligne optimale, et un retour sur l’investissement fait en termes financiers, de ressources et de temps, sur la sphère digitale. Par la suite, en extension à cette écoute attentive des internautes, les entreprises doivent avoir une participation active sur ces réseaux, afin d’identifier les paramètres et acteurs importants qui auront une influence sur la présence en ligne de la maque ou entreprise ; et par conséquent, sur ses ventes. Parmi ces paramètres on peut lister par exemple, les commentaires, les avis ou les suggestions faits à l’égard des marques, qui permettront aux preneurs de décisions et stratèges de ces entreprises d’adopter la solution la plus adéquate pour répondre aux attentes du public.
Par ailleurs, même si ces réseaux permettent un ciblage très précis des internautes, les marques du luxe et de la haute couture doivent se concentrer, plus que les autres marques, sur le contenu de leurs pages. Ceci étant fait afin d’être cohérent et transmettre les valeurs de distinction, élégance et exclusivité qui les caractérisent. Dans cet environnement exposé constamment à des flux d’information, qui ont tendance à créer une homogénéisation des messages transmis ou des formes d’affichage ; les marques du luxe se trouvent face au défi de doubler leurs efforts afin de se distinguer de cette masse uniforme de marques en information, même si elles profitent déjà d’une notoriété et réputation bien plus importante grâce à la sphère réelle.
En plus, une pratique très enrichissante pour entretenir la relation avec les internautes et multiplier la portée de la visibilité de la marque sur les réseaux sociaux, est le développement et publication de contenu « Partageable ». Par ce biais, et étant donné le fonctionnement de ces réseaux sociaux, les internautes partageront le contenu de la marque si celui-‐ci attire leur attention, et « mérite » d’être partagé sur son espace personnel – en l’occurrence, son profil personnel sur les réseaux sociaux.
A présent, la « Social Culture » a généré des interactions et une navigation participative qui établit un rapport nouveau entre les marques et les internautes; que ce soit en termes de force ou d’influence. Les réseaux sociaux, par extension de la sphère digitale en général, ont fait évoluer l’approche de négociation et promotion que doivent adopter les entreprises pour atteindre le public ; et donner aux internautes un réel pouvoir sur la façon comment ils veulent ou souhaitent construire leur relation avec la marque. De même, les réseaux sociaux offrent aux marques des très importantes données statistiques pour mesurer et évaluer très précisément la portée de leurs
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campagnes. Une source d’information de haute valeur pour les entreprises afin de déterminer quel est le niveau d’engagement réel des internautes vis-‐à-‐vis de la marque et ses produits.
Dans la construction de ces stratégies de marketing et présence en ligne, des nombreuses plateformes se présentent au service des marques. Par la suite, on étudiera les caractéristiques et avantages que ces différentes plateformes offrent aux marques, et l’importance de déterminer l’utilité de ses plateformes pour atteindre les objectifs des marques de luxe, sur la sphère digitale.
2. Le blog officiel de la marque
“Le terme « Blog » est une abréviation de weblog, qui peut se traduire par « journal sur Internet ». Défini souvent comme un site personnel, il s’agit d’un espace individuel d’expression, créé pour donner la parole à tous les internautes (particuliers, entreprises, artistes, hommes politiques, associations, etc.). Un blog vous permet d’échanger avec d’autres internautes, mais aussi de délivrer des informations sur ce que vous souhaitez. Ainsi de nombreux blogueurs parlent de leurs passions, de l’actualité, de ce qui les touche ou les intéresse. Un blog est un réel espace de communication.” (Source: www.over-‐blog.com)
Depuis plusieurs années, les blogs, véritables plateformes de communication et d’échanges personnelles, se sont développés et prit une place très importante dans la sphère digitale. A la base étant construits comme un service ou système de journaux personnels en ligne, ils sont devenus dans les derniers années des instruments très importants pour les marques et entreprises afin de développer leur notoriété ; d’atteindre des cercles d’internautes plus spécialisés ou regroupés par des intérêts précis ; et pour fédérer les internautes influents qui pourraient impulser l’image de la marque à travers ces blogs. Avec une multitude d’acteurs qui circulent dans cette blogosphère on remarque que les entreprises ont du développer des stratégies d’approche spéciales, adaptées à ce milieu. Parmi ces approches, on peut distinguer, entre autres, le développement de blogs officiels des entreprises et marques, qui, comme tout autre blog, sont nourris par le contenu publié par les entreprises, mais permettent tout de même une participation plus ou moins active des internautes ; notamment avec des systèmes de commentaires, des retranscriptions des messages envoyés par les internautes et consommateurs.
En plus, les blogs officiels offrent aux marques une visibilité accrue grâce à l’importance qu’octroient les moteurs de recherche aux blogs. En effet, les blogs sont symbolisés par la particularité de présenter un contenu fréquemment mis à jour, et qui permet donc aux moteurs de recherche d’avoir des références actuelles et cohérentes avec les attentes (immédiates) des internautes. Bien que cela implique un travail d’actualisation régulier de la part de l’entreprise, faute de quoi l’intégration d’un blog ne procurerait aucun bénéfice particulier au site Internet officiel de la marque, ni à l’image digitale de la marque elle-‐même ; le gain potentiel que le blog représente est indiscutable pour les marques du luxe et de la haute couture.
D’autre part, on constate l’émergence d’acteurs très influents dans cette blogosphère, qui ont gagné en puissance grâce à la reconnaissance des ses pairs, ses followers, et internautes qui partagent la même passion ou même intérêt. Comme conséquence de cette reconnaissance, ces bloggeurs « influents « on développé une légitimité dans des domaines dont les entreprises gardaient précieusement « le monopole » auparavant. Ainsi, dans le milieu du luxe et la haute couture, ces leaders d’opinion apparaissent comme des véritables célébrités, auxquelles les marques du luxe font plus attention, afin de les intégrer à leur cause, et profiter davantage du fort potentiel que ces blogueurs possèdent
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h. Analyse de deux blogs officiels
Comme on l’a énoncé précédemment, l’une des utilisations très répandues actuellement, parmi les grandes marques du luxe et de la haute couture, est la conception de blogs officiels pour les marques.
Un bon exemple de blog officiel de la marque est le blog de la marque Rose & Born ; une marque d’origine danoise qui s’est développée autour de l’industrie textile de luxe pour hommes. Depuis 1989, année de sa création, cette marque propose une philosophie d’élégance ; découverte de soi-‐même et de son style personnel ; et d’une relation très intime et proche avec les matériaux, les tissus, le savoir-‐faire derrière chaque coupe ; et bien évidement, la marque, cette « entité » qui englobe ce mini-‐univers dans lequel le consommateur est immergé.
Ainsi, grâce à son blog officiel, Rose & Born a su, au cours des dernières années, se mettre à l’avant de la scène des blogs pour les textiles de luxe ; en alliant son blog avec les valeurs et philosophie de la marque. Le blog de Rose & Born, directement rattaché au site internet de la marque, permet aux internautes d’accéder directement à tout le contenu du magasin de la marque à partir du blog. De la même manière, il permet aux visiteurs du site internet d’aller au-‐delà du simple achat ou visite du site web, en l‘introduisant dans toute une expérience « Rose & Born ». De cette manière, le blog officiel de cette marque permet dans un premier temps de créer des synergies très fortes entre les différentes plateformes dans lesquelles la marque se développe sur la sphère digitale : site internet, blog, page dédiée sur Facebook, etc. En combinant l’expérience d’achat avec une expérience-‐utilisateur plus ample, la marque réussit à attirer l’intérêt de l’internaute au-‐delà d’une visite ponctuelle ; et de pérenniser le lien entre la marque et le consommateur; parfois même, sans pour autant avoir des conversion directes (en achats), mais en créant des liens d’identification avec la marque, et par là, des opportunités de développement d’un réseau plus vaste d’internautes qui parlent, commentent et partagent leurs opinions sur la marque, dans la toile.
En effet, dans un deuxième temps, le blog officiel permet à la marque d’exposer l’internaute à ses valeurs de marque ; le style de vie et sensations qu’elle cherche introduire dans l’esprit du consommateur et internaute, et qu’elle veut qui soit identifié avec cette marque. Ainsi, sur le blog de Rose & Born on peut observer des photos de différents éléments qui pourraient être associés avec le style de vie et expériences qui sont en lien direct avec les produits de la marque : un luxe et une élégance qui nous rapporte parfois dans un voyage dans le temps, à la découverte de lieux, objets et personnages qui ont marqué le XXe siècle par leur élégance et ce qu’ils symbolisaient. Par exemple Sean Connery sous ses rôles de l’agent James Bond, symbole par excellence de l’élégance et subtilité vestimentaire ; ou l’ex-‐président des Etats-‐Unis, John F. Kennedy, personnage très influent et important de son époque, et qui nous ramène vers des valeurs et styles de vie propres de l’Ivy League, haut symbole de l’élégance classique des grandes et plus prestigieuses universités américaines.
Sur son blog, la marque se veut complice de l’internaute; elle se transforme en un utilisateur de plus, qui construirait son blog (originellement associé aux journaux personnels), et qui cherche à partager ses expériences ; véhiculer un style de vie et valeurs propres; et construire une relation pérenne avec les internautes. Dans le blog de Rose & Born, le titre des images et séries d’image invitent l’internaute au dialogue ; la marque cherche une conversation, un partage avec ses internautes. Cette approche permet à la marque de ne pas avoir une présence monotone et plate sur la toile, mais de provoquer des réactions fréquentes chez l’internaute ; provoquer son envie de
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partager avec la marque ; et de renforcer le sentiment d’identification en invitant l’internaute à faire partie de cet univers et ce style de vie.
Un autre exemple marquant de blog officiel de marque, est le blog de la marque Sciamat. Sciamat est une marque d’origine italienne, née en 2002, qui s’est développé autour d’un concept de textiles de luxe pour la mode masculine ; et qui a trouvé sa philosophie dans le lien qui existe entre chaque produit Sciamat et le style imprégné de celui qui le porte. Cette marque se veut innovatrice et complice de tous ceux qui auraient le désir de rentrer dans cet univers de « connaisseurs »; raison pour laquelle elle met clairement en avant son désir de développer une relation client privilégiée.
Dans le blog officiel de la marque Sciamat, on constate que l’approche de cette marque est différente de celle qu’on a pu énoncer avec le blog de Rose & Born. Si bien dans le blog de Rose & Born il existe la présence des produits, garde-‐robes et accessoires propres à la marque Rose & Born, la plupart du contenu du blog de cette marque immerge l’internaute dans un univers plus vaste, dans lequel s’inscrit la marque. Univers caractérisé très clairement par le style de vie et situations qu’on peut observer sur le blog. Dans le cas du blog de Sciamat on observe une approche directement plus commerciale, plus proche des campagnes commerciales exclusives que la marque veut faire pour ses produits. En effet, le contenu qui est publié sur le blog de la marque Sciamat correspond à des visuels, images et démonstrations des produits de cette marque ; et pas des éléments externes à la marque, qui appartiennent à l’univers du luxe et styles de vie dans lequel la marque s’inscrirait.
Cependant, même si l’approche de la marque Sciamat dans leur blog est plus commerciale, elle reste toujours dans un cadre intime ; le blog et le registre utilisé par ses administrateurs maintiennent cet échange privilégié entre l’internaute et la marque. Sur certains aspects, l’échange qui se met en place sur ce blog relève de l’ordre d’une transmission d’un héritage culturel, un savoir-‐faire et savoir-‐vivre, plus que des simples discussions. Le blog de Sciamat rassemble des internautes et hommes qui s’identifient avec des valeurs et des comportements guidés par l’innovation, la distinction, le raffinement, la détermination, l’ambition, l’élégance, le désir et le fait de se surpasser constamment, aller-‐au-‐delà de nos propres limites. A travers son blog, Sciamat construit un lien fort entre la marque et tous ceux qui se reconnaitront parmi les membres exclusifs de cette communauté de « connaisseurs » ; ces hommes qui imprègnent chaque création de Sciamat de leur propre personnalité, et qui s’imprègnent aussi de l’esprit que la marque veut transmettre. Transmission d’un esprit de marque qui est fortement aidée par le rapport intime véhiculé par le blog officiel de la marque.
Le blog officiel offre aux marques un instrument très important, qui se rapproche plus de l’ordre de l’intimité, et avec lequel elles peuvent inviter, directe ou indirectement, l’internaute à faire partie de sa communauté. Une communauté qui peut être très vaste, mais qui donne pour autant la sensation d’être assez selecte, intime ; en rassemblant que quelques individus partageant des goûts, intérêts et opinions similaires. A différence des réseaux sociaux, le blog de la marque permet à cette dernière d’interagir dans un cadre plus intime, qui ne noie pas l’internaute dans une marée d’information ; et qui permet ainsi un dialogue et partage plus directs et moins « pollués », entre la marque et l’internaute.
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i. Les blogueurs, nouveaux juges des tendances
Avec le développement rapide de la blogosphère, des nombreux acteurs influents se sont développés, et surgit comme des véritables leaders d’opinion dans le champ ou secteur d’activité dans lequel ils évoluent; et cela n’est pas une exception dans le monde de la haute couture et le luxe.
La blogosphère a entrainé l’apparition d’échanges et rapports de proximité forts entre les marques et les internautes ; et notamment ses followers ou fans. Grâce à cette proximité des échanges entre la marque et ses « Abonnés », les Community Managers et autres décideurs au sein de ces entreprises peuvent clairement identifier les leaders d’opinion, et y voir des véritables Ambassadeurs de leur marque. Ces Ambassadeurs de marque jouent un rôle de plus en plus important dans les habitudes de consommation modernes. Un très grand pourcentage des achats sur internet, ainsi que la décision d’acheter, se font suite au passage de l’internaute par des forums ou blogs spécialisés, où l’internaute pourra trouver des informations utiles comme des témoignages et avis de la part d’autres utilisateurs du produit ou type de produit qu’il envisage d’acheter. Dans cet optique, les ambassadeurs de marque émergent comme les interlocuteurs privilégiés pour les marques, afin d’avoir une conversion effective du marketing en vente.
Clairement différents des « simples » enthousiastes de la photographie et de la mode, certains professionnels de la « blogosphère de la haute couture » apparaissent à présent comme des partenaires et atouts pratiquement incontournables afin d’atteindre effectivement les cibles des marques du luxe et de la haute couture. Ces leaders d’opinions ne disposent pas seulement de leurs propres, et très particulières, compétences dans leur champ professionnel (couturiers, photographes de mode, journalistes de mode, designers, etc.) mais ils disposent d’une reconnaissance très importante auprès de leur réseau social et des tous les internautes qui les suivent. L’un des attributs principaux des réseaux que ces blogueurs entretiennent est exactement la façon dont ils ont été construits : de façon réfléchie ; ce qui implique par là que très souvent, parmi les followers, fans et connexions de ces blogueurs, les marques vont trouver leur cœur de cible.
Ainsi, la blogosphère, et par extension le domaine digital, imposent désormais aux marques un rapport de force équilibré entre elles et les acteurs du net. Un nouveau rapport par lequel les marques du luxe vont devoir faire d’autant plus de concessions, et négocier sur des nouveaux termes la promotion des leurs produits, que ces leaders d’opinion pourront faire à travers leurs cercles d’influence. Sur la sphère digitale la popularité instantanée d’une marque n’existe plus ; avec des vagues continuelles d’information, de publicité et d’annonces de nature différente, il est devenu plus difficile pour les marques de maintenir l’image de leurs produits à flot au-‐dessus de toute cette information. C’est pour cette raison que les blogueurs influents émergent comme l’un des nombreux partenaires et moyens d’accès aux internautes.
La croissance accélérée de la blogosphère de la haute couture et le luxe est d’autant plus importante que, la naissance des véritables personnalités de cette blogosphère s’est accompagnée de véritables mouvements, devenus presque des courants de style à eux-‐mêmes. L’un des mouvements les plus importants qui bouge et marque l’univers de la haute couture et le luxe au niveau mondial, est le mouvement du “street style”. C’est d’ailleurs au sein de ce mouvement qu’on retrouve les personnalités de la blogosphère de la mode et la haute couture, qui vont avoir un vrai impact sur les stratégies de marketing digital des marques de la haute couture et du luxe. En effet, ce mouvement correspond à un style de vie, des styles vestimentaires et comportementaux propres au cœur de cible que les marques de la haute couture et du luxe
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chercheront à atteindre sur la sphère digitale. Ce mouvement, est largement suivi par les natifs du numérique ; cette génération née à partir des années 1980.
Parmi les blogueurs les plus importants de ce mouvement on peut distinguer Scott Schuman, créateur, auteur et photographe de mode qui gère le blog « The Sartorialist » ; blog devenu une référence incontournable du style et du raffinement du vestimentaire ; et qui établi un dialogue réciproque sur le monde de la mode et les textiles. Grâce à sa notoriété, Schuman est devenu une véritable célébrité du milieu de la mode et de la haute couture. Souvent contacté et référencé par des grands noms de la haute couture comme Vogue, Schuman multiplie depuis plusieurs années les collaborations et projets avec les plus grandes enseignes de la haute couture mondiale. Par exemple, la marque Burberry, symbole de l’élégance et le savoir-‐faire textile de luxe au Royaume-‐Uni, a demandé à Schuman de réaliser leur projet digital et sur les réseaux sociaux : « Art of the French ». C’est d’ailleurs en 2012, lorsque le Conseil de Créateurs de Mode d’Amérique (CFDA) a attribué à Schuman le « Prix Media en honneur à Eugenia Sheppard », que l’image et nom de ce blogueur se sont consolidés comme l’une des références incontournables pour les marques, au moment de choisir et faire appels à ces Ambassadeurs digitaux.
Une autre référence du mouvement de street style, et symbole du gain d’influence des blogueurs de mode sur la stratégie des marques de la haute couture et le luxe, est Tommy Ton ; photographe canadien qui est le créateur de « Jak & Jil », l’un des blogs les plus influents dans le monde de la haute couture, et du mouvement street style. A l’instar de Scott Schuman et son blog « The Sartorialist », Tommy Ton s’est hissé en tant que célébrité de premier rang dans le monde de la haute couture mondiale. Son blog qui est quotidiennement suivi par des millions d’internautes, a une influence très importante sur les styles et modes de vie d’une grande partie de ces internautes ; et par là, une influence considérable sur les tendances que les marques de la haute couture voudront lancer dans le marché. Actuellement, Tommy Ton est l’un des principaux photographes appelés par les grandes marques de luxe, afin de réaliser les principales campagnes publicitaires et fashion shows.
La couverture médiatique que ces blogueurs offrent aux marques de la haute couture et du luxe, en ligne comme dans la sphère réelle, est très importante ; et offre surtout aux marques qui réussissent à compter avec la collaboration de ces blogueurs, une opportunité très intéressante pour se démarquer de la masse d’information et campagnes publicitaires qui circulent en ligne quotidiennement. En effet, avec la combinaison de la nature virale que peuvent avoir certains blogs, et la notoriété et influence accrues de ces blogueurs, les marques y-‐trouvent des très puissants partenaires pour faire le buzz sur ses campagnes, ses produits et ses valeurs.
3. Le phénomène de la Social Culture
Selon une étude publiée par 2 Factory -‐ agence media digital-‐, « en 2013 on compte 2,3 milliards d’internautes dans le monde », soit approximativement un tiers de la population planétaire qui s’élève au-‐delà des 7 milliards, et « 41,2 millions d’internautes en France », soit 62,61% de la population totale en France et les DOM-‐TOM. Ces chiffres sont, sans doute des indicateurs très attractifs et intéressants pour les marques de la haute couture afin de développer des campagnes de marketing digital, et toucher par là un très grand pourcentage de la population mondiale. Et d’autant dire que les réseaux sociaux apparaissent parmi les principales plateformes où l’attention des marques, et des stratèges, devrait se tourner. En 2013, en France par exemple, 78% des internautes français utilisent les réseaux sociaux ; soit l’équivalent de 31 136 000 personnes, dont « 66% se connectent au moins une fois par jour » (Source : 2 Factory, « Les réseaux sociaux en
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2013 »). Ces données montrent par exemple, que seulement sur « la toile française », et en imaginant une couverture des medias digitales de 100%, les marques de la haute couture pourraient avoir une couverture potentielle de 41,2 millions d’internautes. Parmi cette population, plus de 31,13 millions seraient exposés, plus d’une fois par jour, aux informations relatives aux marques, relayées sur les réseaux sociaux.
De ce fait, et depuis plusieurs années, les campagnes et actions digitales sur les réseaux sociaux se sont fortement développées, montrant clairement les intentions des grandes marques de la haute couture et du luxe de conquérir ce nouveau milieu commercial que représentent les réseaux sociaux. Cependant, comme une caractéristique assez commune des nouvelles plateformes digitales, ces réseaux sociaux ne sont pas toujours au service exclusif des firmes, et les marques de la haute couture ne sont pas exemptées d’agir sous certaines dynamiques établies par les réseaux sociaux. Ainsi, les différents réseaux sociaux ont imposé des formes de « comportement » et développement commercial propre à chacun d’entre eux ; emmenant les grandes marques de la haute couture et du luxe à s’adapter à ces conditions, et adapter donc, leurs stratégies et approches.
4. Le choix des bons réseaux sociaux
Les enjeux et défis que présentent les réseaux sociaux pour les marques de la haute couture et le luxe ; ainsi que les nouvelles interactions que ces environnements ont établi entre les marques et les internautes ; ont obligé les marques à bien évaluer ces réseaux sociaux, afin de choisir et renforcer leur présence digitale sur les réseaux les mieux adaptés aux valeurs et objectifs de la marque. Ceci impliquant donc, que le développement de l’image d’une marque, ou de sa présence sur certains réseaux sociaux, ne sont pas synonymes de gain de notoriété digitale, ni de conversions effectives en bénéfices réels (achats et fidélisation des cibles, entre autres bénéfices). Les marques de la haute couture et le luxe doivent choisir les réseaux sociaux les plus adaptés à leur propre nature [de marque].
Avant tout, les marques doivent évaluer les dynamiques sur lesquelles se développe chacun de ces réseaux sociaux. Ces dynamiques s’appliquant spécifiquement à un réseau social, l‘évaluation de chaque réseau social doit très souvent se faire « au cas par cas ». Cependant certaines évolutions récentes dans le milieu des réseaux sociaux laisseraient penser que les marques vont pouvoir profiter d’outils transversaux, applicables à des différents réseaux sociaux. Par exemple, la technique du « hashtag » (notion dont on détaillera le fonctionnement par la suite), historiquement associée à Twitter ; a été adopté dans le réseau Instagram, et prochainement Facebook ; ce qui montre qu’une certaine homogénéisation de certains outils s’opère ente ces différents réseaux sociaux. Homogénéisation souvent issue de l’intérêt que ces outils réveillent auprès des dirigeant et managers des réseaux sociaux, qui y voient un fort potentiel pour attirer les internautes. Par conséquent, même si les dernières évolutions du milieu permettent d’espérer un certain avantage pratique pour les marques, ces dernières sont toujours obligées de penser chaque réseau social en fonction des usages faits par ses utilisateurs. Cédric Deniaud, expert du Community management et la gestion des medias sociaux, a souvent énoncé qu’il « faut être agile à défaut d’être fragile ». L’agilité sous-‐entendant l’adaptabilité dans le temps et l’espace à cet environnement en constante mutation, auquel les marques doivent faire attention.
Un autre comportement et approche que les marques ne doivent pas oublier au moment de se positionner et penser le réseau social, c’est l’écoute active et participative. Il est très important
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que les marques cherchent et observent ce qui est dit par rapport à leurs produits, leur image et l’image de la marque elle-‐même. Les marques doivent prendre en compte les attentes, les comportements et les tendances de internautes afin de pouvoir réagir et adapter leur offre digitale (en termes de communication et marketing) à la cible qu’ils cherchent. La navigation participative est devenue pratiquement l’un des piliers du tissage des relations entre les internautes eux-‐mêmes, et entre les internautes et les marques.
Bien que la navigation participative ait entrainé une proximité forte entre la marque et ses « followers » ; permettant ainsi un échange privilégié entre ces deux acteurs ; il devient primordial pour les marques de recueillir tous ces échanges, afin de bien évaluer si l’orientation de ces dialogues se dirige dans le même sens que les objectifs posés par la marque.
Depuis plusieurs années, un nouveau rôle-‐clé dans la gestion des communautés digitales est apparu aux côtés de marques, pour leur porter soutien dans la gestion du contenu. Ce rôle est celui de Community Manager ; des véritables managers de ces réseaux sociaux, dont la principale fonction est d’entretenir et pérenniser la relation avec les clients.
j. L'importance du Community Manager
Le rôle de « Community Manager », véritables managers de ces communautés digitales, a émergé pendant les dernières années comme l’une des fonctions incontournables afin de construire une réputation et image digitale sur les réseaux sociaux, et en ligne.
Actuellement, la fonction de Community Manager a beaucoup évolué. Initialement le Community Manager était « en charge du développement et de la gestion d’une communauté Internet”9. Actuellement, avec la multiplication des communautés issues des réseaux sociaux, les responsabilités et champ d’action des Community Managers se sont étendus. Les responsabilités du Community manager ne consistent plus à simplement définir la stratégie de développement de la communauté et représenter les membres de la communauté ; il doit maintenant se charger de modérer les échanges et dialogues sur les pages et groupes dédiés sur les réseaux sociaux (en l’occurrence aux marques de la haute couture) ; analyser l’activité communautaire ; et animer la communauté et gérer l’admission des membres de la communauté (cas applicable lorsque les communautés étaient restreint par des « invitations digitales » ou l’autorisation du modérateur). Devenant ainsi un ambassadeur de première ligne entre les marques et les internautes, et en même temps, un excellent collaborateur, riche en information et données comportementales qui pourraient guider les marques vers les stratégies à prendre afin de bien cerner leur cible.
Avec la démocratisation de l’accès à internet, et une multiplication de l’usage participatif de celui-‐ci, qui se construit notamment grâce aux dynamiques propres des réseaux sociaux, les grandes maisons de luxe n’ont plus le contrôle total de ce que peut être dit sur les marques qu’elles représentent. Une véritable problématique qui se pose face aux marques est de déterminer la, ou les stratégies, de présence en ligne à mettre en place pour essayer de guider le public vers l’image que la marque veut développer par rapport à elle-‐même.
Au sein de ces problématiques, la notion de e-‐réputation apparaît comme notion-‐clé. Considérée par certaines marques comme un élément primordial à tenir en compte afin d’assurer leur « survie » dans la sphère digitale ; la notion de e-‐réputation désigne “l’image véhiculée et/ou subie par une entreprise, une marque ou un produit sur Internet et autres supports numériques. […] L’e-‐
9 Source: Définitions Webmarketing Encyclopédie.
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réputation est le résultat en terme d’image des contenus produits et diffusés par l’entreprise, mais aussi et surtout celui des contenus produits par les internautes sur les blogs, réseaux sociaux, plateformes d’échanges vidéo, forums et autres espaces communautaires ». (Source: Définition Webmarketing Encyclopédie).
En effet, avec l’essor de la navigation participative, et la transformation des rapports de force engendrée par les réseaux sociaux, les entreprises (dont les marques de la haute couture et le luxe) ne maîtrisent plus totalement les discussions autour des marques qu’elles représentent; et en conséquent, elles doivent utiliser leurs meilleurs moyens et stratégies pour adapter leurs besoins et objectifs à ce nouvel environnement commercial.
k. Brand content
Un développement très important, et devenu concept principal dans des nombreuses stratégies de marketing digital et branding digital, est la notion de Brand content. Le brand content (ou contenu de marque) désigne « les contenus produits directement par une marque avec des fins de communication publicitaire et d’image. L’utilisation du brand content se distingue généralement du parrainage ou sponsoring dans la mesure où le brand content est un contenu produit directement par la marque ou par une agence de contenu sur commande de la marque. Dans le cadre du sponsoring la marque vient se greffer sur un contenu qu’elle ne contrôle pas ou dont elle n’est pas à l’initiative ».10
La production de Brand content permet généralement d’affirmer l’image ou le positionnement de la marque, de démontrer des savoir-‐faire et expertises particuliers, et notamment, de créer du trafic ou une audience, et donc une exposition publicitaire, plus ou moins directe pour la marque.
Avec les évolutions constantes de la sphère digitale, et les attentes croissantes de la part des internautes, les efforts de création et d’innovation des marques afin d’offrir du contenu varié et innovant se sont multipliées. Des nombreux acteurs et notions directement liés à la notion de Brand Content sont apparus ; par exemple le « Brand Development » (étape de la construction d’une marque qui consiste à établir les lignes directrices pour la stratégie créative et de développement de la marque) ; le « Brand Equity »: concept qui englobe “ l’ensemble des attitudes et comportements de consommateurs associés à une marque, et qui peuvent se traduire par une valorisation financière basée sur des études et sur les investissements de communication passés ˮ. Tout particulièrement, cette notion de Brand Equity peut devenir l’un des indicateurs primordiaux pour la marque afin d’évaluer la portée et effets de sa stratégie de brand content en ligne. En effet, selon Aaker, le capital de marque est la résultante de 5 facteurs qui sont : la fidélité, la notoriété, la qualité perçue, les associations de marques et les autres atouts liés à la marque; indicateurs qui expriment clairement la perception que les internautes ont sur les marques. Finalement, deux concepts forts, issus de la stratégie de Brand content, sont les notions de « Brand Builders » et de « Brand Building ». Ces deux concepts renvoient vers « des méthodes de campagnes publicitaires qui répondent principalement à des objectifs de notoriété ou d’image d’une marque, sans rechercher forcément de retombées immédiates. Par exemple une campagne de Brand building réalisée sur Internet ne recherche pas forcément le clic de l’internaute mais plus un objectif de mémorisation»11. Le rôle des Brand builders est devenu central dans la construction
10 Source: Définitions Webmarketing Encyclopédie. 11 Source: Définitions Webmarketing Encyclopédie.
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du brand content et la stratégie globale de visibilité digitale des marques. En effet, les brands builders jouent un rôle fondamental dans la sphère digitale en étant dans une « position très proche » des consommateurs, leur permettant aonsi d’interagir avec eux. Les brand builders font partie des nouveaux acteurs qui assurent que la présence des marques sur leur marché soit cohérente.
Le Brand content relève de deux enjeux très importants auxquels sont confrontées les marques de la haute couture et du luxe sur les plateformes digitales, du fait de la vitesse des échanges, et des grandes quantités d’information auxquelles sont exposés les internautes quotidiennement.
Tout d’abord le brand développement met en évidence le besoin latent qu’ont les marques de produire du contenu de marque de qualité ; et ceci, en considérant des contraintes techniques comme les budgets et ressources alloués à ces projets. Tout en gardant l’orientation voulu par ses dirigeants, et par l’héritage qu’elles possèdent, les marques de la haute couture et du luxe doivent faire des grands efforts pour être à l’avant de la sphère digitale, et créer des véritables ruptures entre ce que la marque a à offrir, et la masse uniforme d’information présente sur internet.
Lors d’un entretien de Keith Weed, important référent du marketing mondial, réalisé dans le cadre du Partenariat entre le magazine Stratégies et le CMO World Tour de Frédéric Colas, Weed a affirmé que: « vous avez beau avoir les plus belles publicités, si votre produit n’est pas optimal et que les gens en parlent sur internet, cela ne sert pas à grande chose. La supériorité-‐produit est donc plus que jamais importante dans le mix-‐marketing». Le digital a ainsi un impact direct sur les stratégies de marketing, forçant les entreprises à concevoir des produits de qualité de manière globale, dans le sens que cette qualité ne se limite pas seulement au produit lui-‐même, mais elle doit être présente sur toute la gamme de supports qui vont aider à la promotion de ces produits.
Par ailleurs, un deuxième enjeu mis en avant face aux marques, et que Keith Weed a bien illustré lors de cet entretien, est l’enjeu de connectivite. Weed met l’accent sur la notion de « Always on » : « la possibilité pour les marques de communiquer et interagir en continu avec les consommateurs 24 heures sur 24 et 365 jours par an ». Malgré le fort potentiel que peut représenter le fait de pouvoir communiquer et échanger en continu avec ses clients, les marques font face à un grand défi. « Avoir l’opportunité de créer des publicités et vidéos de 30 secondes qui vont passer presque en continu sur différents sites et plateformes, implique des enjeux et obstacles en termes de compatibilité à dépasser » (Keith Weed); compatibilité en termes techniques (du fait des différents systèmes d’exploitation des supports digitaux), et surtout une compatibilité entre le contenu que la marque publie, et les attentes de contenu qu’ont les internautes vis-‐à-‐vis de l’image connue, ou véhiculée par les marques.
Finalement, l’un des piliers de la présence en ligne que les marques se doivent de respecter, et de suivre toujours, est la communication en temps-‐réel. Cette communication en temps-‐réel relève la notion de « always on », qui implique la possibilité pour les marques d’être en contact permanent avec les internautes, en temps réel et à longueur de journée. Bien évidement, cette présence en ligne permanente implique d’importants enjeux auxquels les marques doivent faire face afin de suivre le rythme accéléré des échanges sur internet.
5. La vague digitale de Facebook
Selon les dernières chiffres publiés par Facebook, le plus célèbre des réseaux sociaux, comptait en Mai 2013 « 1,11 milliards d’utilisateurs dans le monde ; dont 665 millions d’utilisateurs sont actifs quotidiennement. En ce qui concerne l’application mobile du réseau social, elle compte avec 751 millions d’utilisateurs, dont 189 millions accèdent à Facebook que à travers de cette plateforme.
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Facebook représente 23% du temps consacré à l’utilisation d’applications sur mobile » (Source : newsroom.fb.com -‐ Sources statistiques de Facebook).
Ainsi, on constate qu’actuellement ce réseau social, désormais présent dans une très grande partie de la planète, offre aux marques de luxe une couverture potentielle de un septième de la population mondiale. Ce réseau dédié au partage de photographies, de vidéos, d’états d’esprits (« status »), d’articles, de citations et un bien large nombre de contenus multimédias ; offre aux marques de luxe un nouvel environnement social-‐digital dans lequel elles doivent désormais s’investir afin d’atteindre les natifs du numérique – très présents sur le réseau.
Cependant, ce réseau social a des particularités très marquées et présente un enjeu de taille pour les marques de luxe, afin que ces dernières réussissent à bien gérer leur présence sur ce site. Comme on l’a déjà expliqué plus tôt dans notre étude, l’approche des marques de luxe et son business model se construisent sur des logiques bien différentes que la plupart des marques ; et l’un des éléments clés de la réussite de ces marques, ainsi que de sa stratégie, consiste à bien transmettre le contenu culturel et symbolique que possèdent ces marques, tout en gardant leur caractère exclusif. Ainsi, Facebook présente aux marques un défi en termes de stratégie de communication. Un enjeu qui devient important lorsqu’on prend en compte les dynamiques propres à Facebook, qui forcent les marques de luxe à s’adresser aux internautes, et notamment à « la communauté de la marque » sous des approches bien différentes que celles adoptées dans la communication classique, ou celle adoptée dans la communication sur leur site officiel.
l. Un phénomène socio-‐digital à investir avec prudence
Ainsi, on peut s’interroger sur quelle est l’approche (ou quelles sont les approches) que les marques de luxe doivent adopter sur Facebook afin que leur présence sur ce réseau social ne nuise pas à leur image ? Question qui nous permet de poursuivre avec notre analyse précédente sur « Le choix des bons réseaux sociaux »
Sur Facebook les marques de luxe (comme les autres marques et institutions présentes sur le réseau) sont « officiellement » présentes à travers leur page de marque, principalement. La page de marque ou « Fan page » est une page inscrite dans la structure de Facebook qui permet aux responsables, et équipes de communication et marketing des marques de communiquer et dialoguer avec la communauté de la marque. Ces pages de marque représentent la vitrine des marques auprès des internautes présents sur Facebook. Le contenu présent et publié sur cette page est, en règle générale, élaboré par les représentants de la marque ; mais l’un des grands intérêts et particularités de Facebook est son interactivité. Interactivité qui explique qu’une partie importante du contenu de ces pages de marque soit généré par les « membres de Facebook » (internautes inscrits au réseau social), ayant adhéré à la page de marque, via le système de « Like »/ « J’aime ». La force de ce réseau social réside donc dans le rapprochement et échanges privilégiés que le réseau offre entre la marque et sa communauté de « Fans », et clients actuels ou potentiels. De plus, le contenu de ces pages de marque est partageable, et n’est pas limité, sauf quelques exceptions : réglages techniques de confidentialité que les responsables de la marque auraient volontairement restreint. Par conséquent, les Fans de la page peuvent diffuser le message initialement émis par la marque et lui permettre une plus grande couverture.
D’ailleurs, si le message est considéré comme « attractif » par les internautes, la marque pourrait réussir à avoir une diffusion « virale » de son contenu; en augmentant ainsi sa notoriété sur le réseau, et en ligne. Sur ce dernier point, et pour revenir sur notre analyse par rapport au phénomène de « buzz », les marques sont face à un grand défi de gestion communautaire et de
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communication, afin d’éviter tout incident qui pourrait nuire à la réputation et l’image de la marque.
m. Une architecture matériellement avantageuse pour les marques
Par ailleurs, d’un point de vue matériel, Facebook offre aux marques des outils statistiques très intéressants afin qu’elles puissent évaluer leur présence et notoriété sur le réseau. Par exemple, le nombre de « Likes » que reçoit la page de marque, le taux de croissance de ce dernier (avec des données bien précises en termes de dates, et donc de fréquence), le nombre de personnes qui parlent (« partagent ») le contenu de la marque, le nombre d’utilisateurs « engagés sur ce contenu », la portée de la page (par jour, par semaine, ou par mois). De même, dans ce même stock de données statistiques que Facebook offre aux administrateurs des marques, on peut retrouver des données bien plus précises, comme des données démographiques (genre, âge, etc.), des données géographiques (qui permettent une géolocalisation de l’audience), la nature du partage de contenu (« organique », « à travers un service payant ou « viral »), entre autres. Tous ces instruments permettraient donc, aux marques de luxe, par exemple, d’évaluer la portée de leur communauté sur le réseau, et le potentiel de viralité de leur contenu. Données avec lesquelles les marques pourraient, entre autres, développer des stratégies de marketing ciblé ou et des stratégies créatives en fonction des goûts et attentes des membres de Facebook.
En plus, avec l’introduction du système de « photos de couverture » en tant qu’élément prédominant dans les profils des pages Facebook (personnelles ou institutionnelles), le réseau a offert un outil supplémentaire aux marques pour utiliser tous leurs moyens de créativité, de communication et de marketing afin qu’elles puissent élaborer des visuels de grande taille, avec un fort potentiel de visibilité. Tout en restant sur cette notion de visibilité accrue, la nouvelle présentation des pages Facebook permet aux administrateurs (ou utilisateurs, dans le cas d’une page personnelle) de mettre en avant du contenu grâce à une nouvelle fonctionnalité qui permet d’élargir l’espace occupé par un certain contenu, afin que celui-‐ci occupe toute la largeur de la page. Par exemple, à l’occasion du dépassement de « la barre » des 10 millions de Fans sur Facebook, la page de marque de Louis Vuitton a élaboré une photo « highlight » (mise en avant) pour remercier ses fans. Publication qu’on remarquera, n’est pas passée inaperçue, en générant 34690 Likes, 364 Commentaires et 529 partages (qui impliquent une portée presque exponentielle pour ce contenu).
Photo mise en avant sur la page Facebook de Louis Vuitton à l’occasion du dépassement du seuil de 10 millions de Fans
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En étudiant la page de marque de Louis Vuitton, on peut observer que la page compte à présent avec 14 millions de « Fans ». Par ailleurs, on peut remarquer que les administrateurs de la page on choisit des codes visuel spécifiques à la marque (le distinctif design en damier), et à la collection de Printemps 2014 de la marque (représentée ici par des tonalités du blanc et un graphisme qui rappelle les paillettes). De même, les principaux évènements les plus marquants de la marque, sont mis en avant grâce à l’utilisation d’onglets spéciaux. Ainsi, la marque peut proposer un contenu spécial, voire inédit, pour ses Fans, qui pourront une fois de plus s’introduire dans l’univers de la marque via cette plateforme. Par exemple, dans le cas de la page de marque de Louis Vuitton on remarquera, actuellement, un onglet dédié à « Hong Kong Uncovered » ; un jeu développé par cette marque, qui permet aux Fans de la marque de s’embarquer dans un voyage autour du monde et découvrir des faces cachées de la ville de Hong Kong, le tout « en compagnie » de la marque Louis Vuitton. Par ce biais, on constate une fois de plus le fort potentiel que présente Facebook afin de permettre un renforcement de la relation entre les marques et ses « followers », et même, la construction d’une intimité véhiculée dans ce cas par le partage d’un « voyage digital » dans une contrée lointaine. Voyage qui maintien d’ailleurs, dans l’esprit des internautes, la culture des voyages mythiques sur laquelle se fonde la marque Louis Vuitton.
Page de marque de Louis Vuitton sur Facebook
Source : Page de marque officielle de Louis Vuitton sur Facebook.
n. Le brainstorming réinventé par les marques
Finalement, une importante révolution emmenée avec l’avènement de l’ère digitale et internet, et bien relayé par les réseaux sociaux, est l’interactivité et la participation accrues dont bénéficient les internautes. Dans cet environnement, Facebook n’est pas une exception, et les marques de luxe ont bien su profiter de ces dynamiques pour améliorer leur présence en ligne.
Depuis leur entrée dans le réseau social, les marques de luxe ont fait preuve d’une grande créativité et des nombreux outils et instruments digitaux ont été mis en œuvre pour construire et renforcer la « communauté Facebook » des marques de luxe. Par exemple, on peut citer des jeux
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concours (incitant les internautes et membres de la communauté de la marque à interagir avec elle dans un environnement ludique, qui inclut l’univers de la marque comme fond), des onglets spéciaux dédiés à des évènements ponctuels des marques, des publications sous forme de question ou enquête sur la page de la marque (qui incitent, voire provoquent, la réaction de la communauté ; sous forme de réponses, des commentaires, des débats et discussions, etc.). Parmi ces nombreux outils, on remarquera que de plus en plus, les marques font appel à leur communauté, et notamment à ses leaders d’opinion et membres influents afin d’apporter un véritable contenu, qui serait réutilisé par la suite, par les administrateurs de la marque, afin de bâtir certaines stratégies digitales et communautaires. Si bien les marques de luxe se doivent de maintenir leur autonomie et indépendance par rapport aux dictats des consommateurs – pour garder leur nature incomparable et distinctive – elles font de plus en plus usage du brainstorming qui émerge presque naturellement sur Facebook afin de soustraire les caractéristiques et désirs plus marqués de leur communauté.
Malgré les risques et défis que présente ce réseau en termes de visibilité et de réputation en ligne, les marques de luxe ont un réel intérêt à être présentes sur Facebook, afin de ne pas être en rupture avec une très importante partie de la population mondiale. Ce qui nous rappelle encore une fois le fort potentiel de Facebook pour les marques de luxe ; mais aussi l’importance du développement de stratégies et approches adaptés à la bonne plateforme ou réseau social. Le choix de Facebook ou les réseaux sociaux qu’on étudiera par la suite doit être un choix stratégique qui suit les lignes directrices qui fondent la nature même de chaque marque de luxe.
6. Le flux tendu sur Twitter
A l’instar de Facebook, Twitter, le réseau social symbolisé par l’oiseau bleu a atteint une taille mondiale. Les dernières statistiques publiées par le réseau informent que le réseau compte avec 554,750,000 utilisateurs actifs. De même, le site compte 190 millions de visites par mois, et une moyenne de 58 millions de tweets : messages limités à 140 caractères qui peuvent contenir des caractères alphanumériques ainsi que le célèbre « hashtag » : un outil créé pour classifier un contenu en fonction de sa nature, de son thème ou par rapport à des évènements ponctuels. Cet instrument est devenu tellement attractif pour les utilisateurs de Twitter et internautes, qu’après maintes reprises, le réseau Facebook a réussi, il y a quelques semaines, à intégrer ce système dans sa propre architecture.
Le hashtag offre des opportunités très importants pour les marques du luxe et de la haute couture afin de guider ou orienter le public vers un évènement, une campagne ou un produit en spécial. Et les intégrer, si le message est considéré comme attractif, dans toute une campagne de communication qui passera par ce réseau. Le hashtag permettrait de fédérer des communautés, ou groupes, autour d’un archivage simplifié de toute l’information autour d’une thématique précise.
Exemple de « Tweet » : Annonce sur le profil officiel du groupe LVMH, qui propose aux membres de la communauté de connaître les chiffres du groupe en 2013
Source : profil officiel de LVMH sur Twitter
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Au-‐delà de cet outil très utile afin de développer des campagnes et tendances digitales bien ciblées, Twitter offre des très grands avantages pour les marques de luxe sur la sphère digitale. Tout d’abord, on observe que le fonctionnement de base du réseau offre une bonne opportunité aux marques pour interagir en temps réel avec leur communauté « d ‘Abonnés » (l’affiliation sur Twitter se fait à travers un système d’abonnement qui permet à l’internaute de voir sur sa page d’accueil le fil de discussion correspondant au profil Twitter auquel il s’est abonné). Twitter ne se limite pas au dialogue direct avec les internautes, mais ce réseau possède une logique d’instantanéité qui permet aux marques d’être en contact en temps réel avec ses abonnés. Raison pour laquelle dans le titre de cette sous-‐partie on peut faire un parallèle entre cette instantanéité, et le système de flux tendu issu du toyotisme, à travers lequel on pour voir cette idée d’un échange permanent entre les différents acteurs du réseau social (qui remplacerait la chaine de production, dans ce contexte socio-‐digital). Ce caractère instantané, combiné avec les hashtags pourrait être utilisé, comme ca l’a déjà été fait, lors des défilés des nouvelles collections des marques par exemple. Dans ce contexte, les administrateurs du profil Twitter de la marque pourraient commenter en direct le défilé, partager ou publier des photos ou vidéos, ou répondre aux questions et commentaires des internautes qui suivraient l’évènement en direct à travers Twitter. C’est par exemple dans ce cas précis que toute l’utilité du hashtag se fait évidente, en permettant de fédérer tous les utilisateurs de Twitter autour d’un même évènement.
Pour illustrer notre exemple des défilés, on peut citer la Fashion Week de New York, l’un des évènements les plus marquants des différentes saisons et lancements des nouvelles collections des maisons de la haute couture et le luxe. A cette occasion, plus de 670000 tweets ont été envoyés par les utilisateurs de Twitter, utilisant le hashtag #mbfw (hashtag qui représente les initiales Mercedes Benz Fashion Week; nom donné à la fashion week de la ville de New York), afin de communiquer et partager par rapport à cet événement. De même, le profil de l’évènement compte désormais avec 203 265 abonnés, qui ont choisi de suivre en direct les actualités de cette semaine de la mode et de la haute couture à travers de Twitter.
Aperçu du profil officiel Twitter de la Mercedes Benz Fashion Week
Source : Profil officiel de la Mercedes Benz Fashion Week
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Ainsi, avec son caractère très interactif et dynamique, Twitter permet aux marques de luxe de converser directement avec leur communauté Twitter ; et de les rencontrer dans un espace que par nature, a souvent été utilisé avec une approche plus intime par les utilisateurs. Sur Twitter, il semble plus légitime du point de vue de l’utilisateur et de son réseau, de publier des états d’esprit, informer d’activités ou pensées plus personnelles, ou de lancer un dialogue ou un débat, etc. De la même façon, le système de Twitter permet un partage plus fluide du contenu ou publications faits par les autres utilisateurs du réseau. Ainsi, les marques de luxe peuvent se servir de ce réseau pour guider les membres de leur communauté vers les profils Twitter des membres influents de la communauté, des membres devenus des véritables ambassadeurs de la marque, ou encore, des personnages emblématiques qui feraient partie de la communauté.
Par ailleurs, ce réseau social permet aux utilisateurs de connaître les abonnements qu’un certain profil a. Dans cette optique, cette subtilité peut être utilisé de manière très réussie pour transmettre un caractère d’exclusivité aux visiteurs. Par exemple, si on observe le profil Twitter de la marque Cartier, on constatera que le profil affiche « 0 abonnements », ce qui veut dire que le profil ne s’est pas abonné à d’autres profils. Ainsi, les administrateurs de ce profil de marque jouent sur ce trait pour insister sur le caractère exclusif de la marque. Si bien cela peut être perçu comme une prétention par certains, cette manœuvre est en cohérence avec le positionnement de la marque de luxe.
Aperçu du profil officiel sur le réseau Twitter de la marque Cartier
7. La révolution Instagram
Un nouvel arrivant sur la scène des réseaux sociaux est le réseau de partage de photos et vidéos, Instagram ; lequel a été développé principalement pour être disponible sur les technologies mobiles. Lancé en 2010, ce réseau social permet aux internautes de partager leurs photographies et leurs vidéos avec leur réseau d’amis, tout en proposant des filtres de lumière qui peuvent être appliqués aux photos. La philosophie et expérience proposées pas Instagram est : « partagez les moments importants dans la vie de vos amis à travers des photographies ; au moment où ces expériences ont lieu » (Source : Site institutionnel de Instagram). En introduisant des filtres qui rappellent les premiers appareils photo instantanés, Instagram permet aux internautes d’imprimer
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sur ce « papier photo digital » des moments de leurs vies, et de les avoir instantanément, comme à l’époque des appareils photo instantanés. Combinant les expériences personnelles et une touche « d’introduction à la photographie artistique », ce réseau permet aux amateurs et aux professionnels, de partager des photographies sous un angle plus artistique ; opportunité qui ne devrait pas passer inaperçue par les marques de luxe, qui pourraient y voir un fort potentiel pour créer des forts liens avec leur communauté, grâce aux partage de ses valeurs artistiques et esthétiques – transmis à travers la photographie.
La photographie et le partage de contenu entre les internautes est désormais la règle à suivre sur ce réseau social, et donc, un passage obligé pour les marques qui veulent se mettre au pas de leur communauté, et du public qu’elles cherchent à atteindre. Selon des données statistiques publiées par la société de consulting « Nitrogram 50 », qui relève des données statistiques sur les marques présentes sur Instagram, les marques de luxe seraient de plus en plus présentes et bien représentées sur ce réseau. Ainsi, selon les dernières données de ce classement, les marques de luxe les plus populaires sur Instagram sont : Michael Kors (1,051,218 de suiveurs et 1,288,670 mentions hashtag de la marque), Gucci (786,082 de suiveurs et 1,088,064 mentions hashtag), Louis Vuitton (697,319 de suiveurs et 1,234,172 de mentions hashtag), Burberry (908,387 de suiveurs et 714,330), Louboutin (1,567,635 de suiveurs et 437,737 de mentions par hashtag).
Encore une fois on retrouve sur ce réseau social, qui appartient désormais à la société Facebook, l’utilisation du hashtag comme instrument de référence et de construction de lien entre les différents utilisateurs du réseau. Avec une utilisation légèrement différente de celle faite sur Twitter, sur Instagram les marques de luxe feront plutôt usage de ces hashtags dans le but de mettre en valeur une image ou une vidéo, au lieu de promouvoir des citations, des articles ou de liens vers leurs sites officiels. La subtilité de communication à laquelle doivent désormais s’investir les marques de luxe sur Instagram, est à la créativité graphique et photographique, pour attirer l’attention du public ; et notamment des internautes que les marques de luxe veulent attirer dans leur communauté.
En plus, depuis plusieurs mois, on remarque qu’Instagram est devenu l’application et réseau social en vogue; se plaçant en haut des classements d’applications mobiles, et accueillant des centaines de milliers de nouveaux utilisateurs tous les jours. Ce succès s’explique par la possibilité de créer une interconnexion entre les différents réseaux sociaux, et notamment avec le géant Facebook, qui permet à tout contenu provenant d’Instagram de devenir viral grâce aux fonctionnalités de partage et « Like » propres à Facebook. Ainsi, en proposant cette interconnectivité, Instagram est devenu l’un des outils privilégiés pour faire l’interface entre les expériences personnelles du quotidien, capturées sur les smartphones, et le partage de ces données sur internet et les réseaux sociaux.
Par ailleurs, Instagram possède un fort potentiel pour les marques de luxe afin qu’elles s’approchent de l’intimité de l’utilisateur mobile. Selon une étude publiée par Visions Magazine, « Instagram en révèlerait même beaucoup sur nous-‐mêmes : en fonction des filtres utilisés, les utilisateurs dévoileraient une part de leur humeur et de leur personnalité. Tel filtre serait plus utilisé par les optimistes, tel autre par les nostalgiques des années 1970… Ce type d’information personnelle est bien sûr réutilisable par ceux qui possèdent l’application” (Vision Mag, Instagram et le Luxe : la photo en stratégie marketing, 2 Avril 2013). Ainsi, grâce à ce réseau social très proche au quotidien des utilisateurs mobiles, les marques de luxe pourraient trouver des outils stratégiques de taille afin de travailler sur la relation client-‐marque, à une distance très proche de leur cible. Le dialogue (partage) entre l’utilisateur et la marque à travers Instagram révèlerait d’un
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choix volontaire de l’utilisateur pour s’affilier au contenu de la marque, et dès lors, ca représenterait un signe clair d’attirance de l’utilisateur vers la marque et son univers.
8. YouTube et Vimeo, les foyers du buzz mondial
Finalement, il semble important d’inclure les chaines de partage vidéo Youtube et Vimeo dans « l’arsenal » des principales plateformes digitales à disposition des marques de luxe, afin que ces dernières puissent construire leur stratégie de présence digitale. La première, Youtube est la plus célèbre plateforme de partage vidéo avec « plus d’un milliard de visiteurs par mois, plus de 6 milliards d’heures de vidéo visionnées chaque mois, la présence de la plateforme sur 56 pays du monde, et des millions de souscriptions [aux chaînes Youtube] tous les jours » (Source : Données statistiques officielles du site institutionnel de Youtube).12 Cette plateforme est dirigée au Public en général ; alors que la deuxième, Vimeo, est plus destinée aux réalisateur pro ou semi-‐pro du fait des fonctionnalités techniques et contraintes légales (notamment en termes de propriété intellectuelle du contenu des vidéos) plus strictes qu’elle demande.
L’un des principaux avantages que proposent ces deux plateformes (en tenant en compte la qualité supérieure de Vimeo et la couverture très élargie de Youtube) est qu’elles permettent aux marques de luxe d’élaborer des campagnes publicitaires, ayant des supports vidéo d’une durée supérieure à 30 secondes ; projets qui seraient beaucoup trop lourds pour le budget publicitaire des marques dans les medias traditionnelles.
En plus, avec la possibilité de construire des véritables « chaines » institutionnelles, et dans ce cas de marque, sur YouTube, cette plateforme de partage offre aux marques de luxe la possibilité de créer des véritables vitrines publicitaires, avec un potentiel de couverture de milliards de visionnages. Par exemple, lors du lancement de la collection Printemps/Été 2013 de Louis Vuitton, la marque a publié sur sa chaine Youtube la vidéo « Check-‐In, Check-‐Out », d’une durée de 1 minute 36 secondes, et mettant en scène l’intérieur d’un sac de la nouvelle collection Louis Vuitton, comme si ca faisait partie de l’intérieur d’un immeuble ; immeuble dans lequel les personnages se croisent, communiquent, et se mélangent dans un labyrinthe créé par des portes communicantes entre les différentes pièces du « bâtiment ».13 En gardant un décor et des pièces de forme cubique, le réalisateur maintien dans notre esprit cette construction en damier, qui symboliserait l’un des patrons de création mythiques de la marque : le patron en damier. Selon les mots d’une veille digitale réalisée par l’agence Balistikart : « le damier structure un ensemble de pièces – au sens propre comme au figuré – une sorte de parcours client qui se joue case par case […] ». La vidéo de finit par une mise en abîme qui nous ramène au premier plan du « bâtiment » qui est en réalité l’un des derniers sacs issus de la collection Printemps/Été 2013 de la marque.
Dans cet exemple, la marque Louis Vuitton a fait appel à la créativité de l’artiste Daniel Buren et le réalisateur John Wright ; ce qui montre aussi une des grandes forces et opportunités que représentent ces plateformes de partage vidéo : la possibilité de proposer un contenu de haute qualité, avec un message mieux élaboré et s’inscrivant dans l’ordre de l’artistique ; qui permet aux marques de luxe d’intégrer vraiment l’esprit artistique, culturel et spécifique de chacune d’elles.
12 Source détaillée : Site institutionnel de Youtube : www.youtube.com/yt/press/statistics.html 13 Source : Vidéo officielle “Check In et Check out” de Louis Vuitton:
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Aperçu d’une scène de la vidéo « Check in, Check out » de Louis Vuitton
Source : chaine officielle de Louis Vuitton sur YouTube.
De plus, tout en restant dans l’analyse du potentiel des chaines Youtube, on peut observer que ces dernières sont de progressivement investies par les marques de luxe, afin d’en tirer le vrai avantage qu’elles peuvent offrir. Un autre grand avantage que ces chaines proposent (en plus de la couverture d’audience planétaire et les économies en termes de budget publicitaires ; déjà cités auparavant), est la possibilité d’une vraie personnalisation des chaines. Cet élément permettrait aux marques de luxe de se distinguer des milliers des chaines institutionnelles et particulières présentes sur Youtube, et y-‐inscrire vraiment le caractère particulier et exclusif que possèdent les marques de luxe, grâce à leurs valeurs et constructions culturelles, historiques et sociales. Pour citer un exemple de chaine YouTube réussie, élaborée par une marque de luxe, on peut citer la chaine YouTube de la marque Christian Dior. Cette marque a vraiment investi sa chaine Youtube et marqué cette dernière avec le contenu créatif de la marque. L’un des premiers éléments remarquables de cette chaine est le bandeau personnalisé où la marque peut faire défiler du contenu ou publier des photos représentatives de la marque.
Par exemple, pour Août 2013, le bandeau de la chaine YouTube met en avant un décor féerique et met en scène des femmes avec des robes longues, nous rappelant l’univers des contes de fées et une mythologie à laquelle la marque pourrait être liée. Ce retour aux mythes et légendes est un fort symbole de la construction particulière des marques de luxe, qui nous emmène au-‐delà de la simple relation de consommation avec la marque. En liaison avec l‘une des dernières campagnes publiées sur la chaine YouTube de la marque, ce bandeau est une extension de cet univers construit avec ses vidéos. Dans ces dernières, intitulées « Secret Garden 2 – Versailles », la marque nous approche des valeurs et périodes historiques qui auraient marqué la construction culturelle de la marque ; et nous rappelle en plus les origines géographiques et culturelles à partir desquelles la marque a trouvé ses sources : son rattachement à la France, ses grands palais et ses forêts mythiques.
Aperçu du bandeau de la chaine YouTube de la marque Christian Dior
Source : Chaine officielle de la marque Christian Dior sur YouTube.
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Par ailleurs, à traves une disposition particulière des vidéos, la marque a l’opportunité de mettre en avant un contenu spécifique, en fonction de ses objectifs ou stratégies. Par exemple, dans le cas de la chaine Dior, on peut observer que les vidéos correspondantes aux derniers collections ou derniers défilés sont mises en avant. Ainsi, la chaine institutionnelle permet à la marque de guider, de mener l’utilisateur vers le contenu qu’elle souhaite lui montrer en priorité ; et le guide surtout, vers l’univers de la marque. De même, comme dans la plupart des réseaux et plateformes digitales, YouTube est bien relié à cette toile de plateformes, ce qui permet aux marques et administrateurs des plateformes digitales des marques, de créer des liaisons entre ces dernières ; grâce à l’utilisation d’icones-‐hyperlien qui envoient l’internaute vers ces différents espaces.
Finalement, tout en gardant en tête notre analyse par rapport à la culture du buzz et les tendances « virales », qui caractérisent certains partages sur internet et les réseaux sociaux à présent, on peut voir le grand intérêt que les marques de luxe peuvent voir dans les chaines de partage YouTube et Vimeo ; véritables foyers du buzz mondial. Si bien les photographies, GIF et autres formats d’image sont très partagés sur la toile, ce sont les vidéos qui se maintiennent à l’avant de cette culture du buzz. Raison de plus pour les marques de luxe de tourner leur attention et ressources vers la construction de chaines institutionnelles sur YouTube, qui reflèteraient de manière fidèle l’univers de la marque. En plus, et comme preuve du très fort potentiel que possèdent les chaines Youtube pour les marques de luxe, il ne faut pas oublier que cette plateforme a été intégrée dans la stratégie d’expansion du géant d’internet Google, et que son contenu (celui de Youtube) bénéficie désormais d’un positionnement privilégié sur les pages de résultats du premier moteur de recherche de la planète.
9. Les Fashion 2.0 Awards
Par ailleurs, et en parlant du potentiel qui existe dans l’alliance des marques de luxe et de la haute couture, et les réseaux et plateformes digitales, il semble important qu’on fasse une mention aux Fashion 2.0 Awards. Cet événement de la sphère digitale, hautement symbolique, possédant des enjeux et importance croissants dans la stratégie de marketing et communication des entreprises du secteur de la haute couture, récompense les marques du secteur pour la qualité de leur stratégie de communication digitale et leur gestion de leur présence sur les réseaux sociaux. Les prix donnés par cette institution sont : Prix de la meilleure stratégie Facebook, Prix de la meilleure stratégie Twitter, Prix de la meilleure stratégie Pinterest, Prix meilleur blog de marque, Prix meilleur site officiel de marque, Prix de la meilleure application mobile, Prix de la meilleure vidéo en ligne, Prix de la meilleure startup de la mode, et Prix de l’innovation. Le 1 Mars 2013 a eu lieu a NY la 4eme édition des Fashion 2.0 Awards.
L’une des grandes particularités, et signe indéniable, des nouveaux rapports établis par la sphère digitale, dans les relations entre les marques et les internautes, est le principe d’attribution de ces prix. Les gagnants de chaque année sont élus par le public lui-‐même ; procédé qui montre clairement le caractère participatif et interactif, toujours croissant, qui existe dans le monde digital. Caractère qui emmène les marques à s’adapter et transformer leur perception de ce nouvel environnement dans lequel elles doivent s’introduire afin d’atteindre les nouvelles générations, plus friandes des technologies digitales.
Ainsi, par exemple, les gagnants de cette année sont : Marc Jacobs (Prix de l’innovation et de la meilleure stratégie FB), Saks Fifth Avenue (Prix meilleur blog de marque et Prix au meilleur site), DKNY (Prix meilleure stratégie Twitter), Saks POV (Prix au meilleur blog officiel de marque) ; ce qui
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montre que les stratégies digitales de ces marques, en spécial, sont des réussites dans les plateformes et réseaux correspondants à leur prix.
X. L'enjeu des technologies mobiles pour les marques de luxe
1. Marque de luxe et application mobile
Actuellement, avec le développement du monde digital, il semble intéressant de s’interroger sur, la place qu’occupent les technologies mobiles dans la stratégie marketing des marques de la haute couture et du luxe. Et aussi, quelles applications et technologies mobiles sont privilégiées par les marques de la haute couture et du luxe, afin de renforcer leur présence et image digitales.
L’intérêt du mobile est que le téléphone est un objet éminemment individuel, et toujours à portée de main (ex: réveil, application de curation d’information, magazines, journaux, sites officiels, ventes promotionnelles de proximité etc.).
La capacité d'offrir aux clients un engagement basé sur l'expérience a été révolutionnée par la technologie. Comme on l’a présenté plus tôt dans notre étude, nombreux sont les exemples des moyens mis en œuvre par les grandes maisons de la haute couture et du luxe, afin d’immerger leurs clients et les internautes dans une « expérience de marque » digitale totale. Les stratégies et développements stratégiques sur les technologies mobiles, se placent comme un autre exemple de complément, ou adaptation, des stratégies classiques de marketing à la sphère digitale. Grâce à la simulation de la réalité obtenue avec les technologies digitales, les marques ont trouvé des puissants instruments pour renforcer la relation avec leurs clients et nourrir le lien de fidélité qui peut exister entre le client et la marque de luxe.
Dans cette optique de renforcement de la relation entre les marques et ses clients, la technologie mobile émerge comme l’une des révolutions du marketing moderne. En atteignant les utilisateurs dans des appareils si personnels et intimes comme le sont actuellement les téléphones portables, les marques son capables d’atteindre une audience utile beaucoup plus ample qu’avec les méthodes de marketing traditionnelles (qui restent, tout de même, complémentaires) ; et par là, la personnalisation des services, et ciblage des clients, devient plus facile. De même, l’acquisition ou l’affiliation des utilisateurs mobiles aux applications officielles proposées par les marques relèvent d’un choix personnel, et volontaire, de la part des utilisateurs, pour s’approcher de la marque. Et sont des bons indicateurs de la réussite des marques de luxe pour créer des expériences digitales engageantes.
Une technologie dérivée et propre à la technologie mobile, est le code QR ; un code à barres en deux dimensions, lisible par les téléphones mobiles, les Smartphones et les baladeurs. Grâce à ces codes, des nombreuses marques ont pu développer des jeu-‐concours ; et des liens directs affichés dans les rues des grandes capitales mondiales ou sur internet ; leur permettant d’interagir de façon directe avec l’internaute.
Par exemple, la marque de chaussures de luxe « Salvatore Ferragamo » a installé ces codes sur les vitrines de ses boutiques à New York ; en lisant le codes grâce à leurs Smartphone, par exemple, les utilisateurs seront redirigés vers un mini-‐site qui leur permettra de faire un tour à travers le Museo Salvatore Ferragamo à Florence ; et par là, découvrir les coulisses de la production et la tradition de cette emblématique marque de chaussures.
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Utilisation des codes QR sur la vitrine de la boutique Ferragamo à New York
De la même manière, un exemple très parlant de l’usage de plus en plus extensif que font les marques de luxe, de la technologie mobile, est l’application Amble développée par Louis Vuitton. Fidèle aux valeurs et l’histoire de voyage qui imprègnent cette marque, l’application Amble propose aux utilisateurs « d’emmener l‘expérience du voyage à un niveau supérieur ». Amble invite ses utilisateurs à enregistrer le récit de ses voyages, et leur permet de « partager » ses expériences avec leurs amis. L’application accueille des photos, vidéos, notes et sons enregistrés lors d’un voyage ; et permet aux utilisateurs de poser des marqueurs sur une carte digitale du monde.
Pour rendre l’expérience-‐utilisateur plus agréable, et montrer le compromis et la volonté de la marque à transmettre et partager ses valeurs, Louis Vuitton met à disposition des utilisateurs des guides de voyage numériques. L’objectif de cette application étant d’offrir aux utilisateurs les conditions et outils parfaits pour faire de leur voyage une expérience inoubliable et unique ; le tout, en inscrivant dans l’esprit des clients la présence et compagnie de la marque [Louis Vuitton] lors de ces voyages.
L’un des grands avantages et potentiels que présentent les technologies digitales pour les marques, est la capacité pour les marques de créer des interactions directes entre les différentes plateformes (mobile, internet, tablettes, affichage digital, etc.) de façon instantanée ; et de permettre ainsi une reconnaissance de la marque sur les différents domaines digitaux dans lesquels elle est présente. Par exemple les sites internet, les sites partenaires, les pages officielles de marque sur les réseaux sociaux, etc.
Sur les applications mobiles, cette liaison se fait par exemple à travers des liens hypertexte, onglets spéciaux ou bannières, qui renvoient directement vers les sites web officiels des marques de la haute couture et du luxe. De la même façon, les technologies mobiles permettent aux marques de développer des promotions et offres ciblées, en fonction des paramètres personnels que l’utilisateur mobile aura inscrit lors de son inscription à l’application de la marque de luxe de son choix.
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2. Le SoLoMo, et la construction de réseaux sociaux de proximité
Actuellement, la recherche ciblée et locale est une pratique de plus en plus utilisée du coté des internautes, comme des moteurs de recherche. Et bien évidement, un bon positionnement sur les pages de résultats de ces moteurs de recherche est un objectif à atteindre pour les marques du luxe. En effet, le bon positionnement du site officiel de la marque, et autres plateformes de la marque, sont un clair signe de l’efficacité des stratégies de visibilité et référencement mises en place délibérément par la marque elle-‐même ; et indirectement par internet et les internautes.
L’émergence du SoLoMo (Social Local Mobile), une approche marketing qui permet aux marques de profiter de la culture "Smartphone" pour proposer du contenu marketing personnalisé et géolocalisé, tout en favorisant la viralité et le partage social, apparait comme une des grandes tendances de l’ère digitale. Si bien cette pratique n’est pas une nouveauté, elle s’inscrit clairement dans l’ensemble des nouveaux outils du marketing digital qui se présentent actuellement aux marques.
Selon les chiffres publiés par l’Agence de Marketing Digital NiceToMeetYou, il y a une multiplication des social SERPS (Search Engine Results Pages) dans un 20% ; ce qui implique que 20% des recherches sont locales, représentant un 10% du trafic mondial sur mobile. Ainsi, on constate que le nombre d’utilisateurs mobiles qui préfèrent recevoir des offres géolocalisées est en croissance. Cependant, malgré ces données tout à fait importantes, l’Open Web, tel qu’on le connaît, ne traverse pas une remise en question face à une recherche locale croissante ; mais offre un espace intéressant au commerce de proximité, et aux stratégies localisées, afin d’exploiter des nouveaux canaux de diffusion de la marque et ses produits.
3. Le « Darwinisme digital », nouvelle bataille de la survie d’une marque
A l’heure du digital, nombreux concepts sont développés pour expliquer les enjeux de ces nouvelles technologies sur l’activité économique des marques. Le « Darwinisme digital », notion utilisée pour la première fois par Brian Solis, en reprenant certaines idées de l’adaptation des espèces développée par Darwin; permet d’analyser les interactions économiques et sociales sur internet, en suivant des logiques similaires à celles que Darwin aurait utilisé pour développer sa théorie de l’évolution. Solis définit le darwinisme digital comme le moment « lorsque les technologies et la société évoluent plus rapidement que votre capacité à vous adapter » ; et qui expose clairement une réalité des entreprises de la haute couture et du luxe (comme dans les autres secteurs économiques), qui est celle d’une « sélection naturelle » qui s’opère dans le domaine digital entre les sociétés qui s’adaptent, survivent et triomphent ; et celles qui ne sont pas capables de s’adapter, et sont « avalées » par les plus aptes.
Le concept clé de cette théorie suit les directives de Darwin et le principe de la « survie du plus apte ». Avec l’émergence d’une multiplicité de plateformes, outils, et acteurs ; les marques de la haute couture et du luxe doivent faire preuve d’une grande adaptabilité, et de leur capacité à proposer des moyens innovateurs, afin d’adapter leur offre et leurs stratégies digitales à toutes ces nouveautés ; ainsi qu’aux nouvelles attentes et besoins que ce développement technologique a engendré chez les consommateurs.
Avec la publicité mobile, et les technologies qui sont développées dans cette branche du secteur numérique, des nouveaux enjeux apparaissent. Ainsi, comme on l’a démontré plus tôt dans notre analyse : il semble désormais important pour les grandes marques de la haute couture et du luxe,
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d’intégrer la mobilité dans chaque analyse et réflexion sur leur stratégie digitale, afin de bien définir et déterminer les leviers d’activités sur mobile, et sur les plateformes digitales.
Du aux contraintes techniques et budgétaires que représente le développement des applications mobiles, les grandes marques du luxe ne pourront pas dupliquer exactement les animations, aménités et stratégies qu’elles utilisent en magasin (réel) ; afin de promouvoir et vendre leurs produits. Le mobile oblige les marques du luxe à déterminer la solution technologique la plus adaptée à leurs enjeux et contraintes ; et montre par là, les défis d’adaptation et compatibilité auxquels les marques du luxe et de la haute couture font face.
Parmi les enjeux d’adaptation et de développement que les marques doivent traiter, on peut en lister quelques uns :
Le principal enjeu, voire obstacle, auquel les marques vont se heurter est celui de la compatibilité. En effet, avec le développement accéléré des technologies digitales et mobiles, la course à l’innovation ne s’est pas fait attendre parmi les constructeurs et concepteurs de technologies digitales. Comme conséquence de cela, des nombreuses technologies substitutes ou complémentaires, ainsi que des nombreux systèmes d’exploitations, cohabitent actuellement sur les marchés. De ce fait, les marques de la haute couture et du luxe (comme le reste d’entreprises qui veulent intégrer la sphère digitale) doivent travailler et adapter leurs outils, et surtout en développer des nouveaux, afin de répondre correctement aux multiples usages que les utilisateurs de ces technologies, donnent à ces nouvelles technologies. Par exemple, lors de la conception d’une application mobile, les marques devront réfléchir si elles développent directement une application spécifique pour iPhone, puis ensuite celle pour Androïd ; ou décider si elles investissent dès les premières étapes du développement de l’application, dans une application qui pourra être présente simultanément (dès sa date de publication) sur les technologies d’Apple ou Androïd (les deux principaux acteurs du marché des technologies mobiles). Cette question relève du grand enjeu existant sur la compatibilité des logiciels et applications, aux différents systèmes d’exploitation.
Un deuxième enjeu qui se présente face aux marques au moment de s’investir dans les technologies digitales, et notamment les technologies mobiles, est celui du format et de la lisibilité. De façon similaire à l’enjeu de compatibilité, les technologies mobiles obligent les marques à innover et investir dans des technologies mieux adaptées aux formats mobiles. Ainsi, dans des nombreuses applications, l’utilisateur aura le choix entre la « version mobile » ou « version web » de l’application. La première faisant référence à une interface adaptée à la lecture sur le téléphone portable, tablette ou autres dispositifs mobile ; et la deuxième, faisant référence à une interface « classique », comme celle développée lors de la lecture d’une page web sur un ordinateur, et qui ne sera pas adaptée de façon optimale à la lecture sur un dispositif mobile (même si bien, certains paramètres auront été adaptée pour rendre la lecture sr ce format lisible).
XI. Luxe et e-‐commerce Avec l’ère digitale, un grand nombre de disciplines, et surtout, de nouveaux environnements commerciaux sont apparus. L’un des concepts qui aura une forte influence sur l’activité des marques de luxe et de la haute couture, est la montée en puissance de l’e-‐commerce – le commerce en ligne. Par exemple, selon une étude publiée par le cabinet de consulting KPMG sur le marché du luxe chinois, principal marché pour le luxe mondial en 2013, « 70% des
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consommateurs potentiels cherchent des marques de luxe sur internet, au moins une fois par mois. En plus, ceci démontre une forte variation dans la propension à acheter en ligne, avec 40% des individus qui affirment être intéressés par l’achat en ligne de produits de luxe » (Global reach China luxury, KPMG, 2012). Cette révolution du commerce en ligne ne génère pas seulement des très grandes opportunités commerciales pour le secteur du luxe, mais montre aussi un changement des tendances commerciales dans le secteur du luxe, dont les acteurs doivent adapter leurs stratégies commerciales et de marketing à la sphère digitale ; ou du moins, repenser les logiques commerciales qui ont guidé leur activité sur la sphère réelle (physique).
1. La remise en cause des modes de distribution traditionnels
Comme on l’a observé tout au long de notre étude, la montée en puissance des canaux de marketing interactifs ont entrainé une remise en cause des modes de distribution traditionnels; ou une adaptation digitale de ces derniers. Dans ce contexte, et grâce aux différents outils et plateformes digitales avec lesquels comptent désormais les marques de luxe, elles ont une opportunité pour conclure des partenariats intéressants avec les nouveaux acteurs de l’ère digitale ; en jouant un rôle dans ce nouveau modèle de distribution. En proposant du contenu directement contrôlé par elles-‐mêmes (rôle du brand content et brand builders) ; en éliminant ainsi des intermédiaires ; et accédant directement au plus proche, digitalement parlant, de leur cibles ; elles disposent d'un nouveau terrain d’évolution dans lequel toutes les règles, approches et méthodes innovantes n’ont pas été exploitées.
A différence des marques nées et fondées sur le Web et par le Web, les marques de luxe et de la haute couture que nous connaissions combinent une « vie physique » avec une « vie digitale ». Et ces deux vies sont étroitement liées. Si bien la sphère digitale a remis en cause un grand nombre de méthodes et approches marketing traditionnelles, elle a aussi permit de compléter l’expérience physique ; et a donc contribué à renforcer la transmission des valeurs et de la culture de la marque de luxe.
On peut utiliser une citation de Jean Valentin, président-‐directeur de l’Agence de marketing Extrême, pour illustrer nos propos. On constatera donc que « toute la contribution du digital à la valeur de la marque réside donc dans sa capacité à créer une relation complémentaire à l’expérience physique mais aussi dans sa capacité à apporter un vrai service étroitement lié à l’expérience physique. » (Jean Valentin).
o. Étude de cas : le window shopping : tendance de boutique digitalisée
Pour élargir nos propos par rapport à l’existence d’une vie physique et une vie digitale des marques ; et notamment pour démontrer que ces deux doivent être étroitement liées et gérées, on étudiera la tendance du window shopping : une méthode de digitalisation des points de vente qui est de plus en plus présente dans la sphère réelle.
Les vitrines digitales sont devenues un élément courant et très répandu dans les devantures des boutiques des grandes enseignes de luxe et de la haute couture, dans la plupart des grandes capitales de la mode au niveau mondial. Ces vitrines digitales dynamisent les vitrines des boutiques avec l’intégration de technologies digitales et mobiles, en créant des interactions avec les clients ou visiteurs des boutiques. Comme on l’a déjà remarqué précédemment, une intégration plus importante des technologies digitales, et l’utilisation des technologies mobiles, permettent d’amplifier la proximité entre les marques du luxe et ses clients
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Les modes et habitudes de consommation se transforment aussi avec la digitalisation du commerce et les consommateur recherchent davantage un rapport d’exclusivité avec la marque et ses points de vente. Ainsi, on remarque que la vie digitale des marques de luxe est de plus en plus intégrée aussi dans sa vie physique. En générant un échange multicanal, ces vitrines digitales permettent aux marques de combiner les aménités proposées en magasin, avec les offres et animations qu’elles proposent en ligne, et qui sont spécialement plus attractives pour ces nouvelles générations de natifs du numérique, consommateurs très « connectés ».
Malgré le fait que cette approximation entre les deux « vies » de la marque de luxe doive se faire avec prudence, notamment par un souci de vulgarisation de ces marques; ce genre de nouvelles méthodes issues de la sphère digitale pourraient offrir aux marques de luxe l’opportunité d’offrir à ses clients un complément d’expériences, entre celles qu’elles peuvent offrir « online » et celles qu’elles peuvent offrir dans la sphère réelle (physique).
2. Optimisation de l’expérience utilisateur
Comme on l’a expliqué plus tôt dans notre étude, la sphère digitale et internet ont provoqué l’émergence d’un grand nombre de tendances (d’utilisation, sociales, digitales) auxquelles les internautes adhèrent. Un des principaux éléments que les marques de luxe et de la haute couture doivent prendre en compte, sont les changements intrinsèques de ces consommateurs, de ces internautes. Cette compréhension de ces nouvelles catégories de consommateurs est primordiale pour la stratégie de ces marques et leur approche des internautes. Issues d’un important changement générationnel (on rappellera la différence déjà énoncée entre les natifs du numérique et les « immigrants » du numérique, par exemple), ces catégories de consommateurs possèdent des nouvelles attentes, des nouveaux goûts, et disposent de sources d’information bien plus transparentes qu’auparavant. Par conséquent, l’environnement commercial dans lequel les marques de luxe doivent évoluer est tout à fait différent des environnements de vente traditionnels.
L’ère digitale impose ainsi un nouvel environnement commercial et social dans lequel les utilisateurs sont de plus en plus impliqués. Ainsi, il semble important pour les marques de luxe de bien développer des stratégies de renforcement de leur « relation digitale » avec les internautes. Un des piliers de cette construction est le concept « d’expérience de l’utilisateur ». On entend par « expérience de l’utilisateur » la perception et le ressenti d’une personne qui utilise un produit, un service ou un système dans le contexte d’une interaction humain-‐machine. Une expérience qui relève du sensoriel.
Dans la pratique, trois concepts émergent comme indispensables pour permettre aux marques de luxe d’offrir à l’internaute, et client potentiel, une expérience utilisateur optimale : le design (animé, visuel et sonore), le texte (sens, message), et l’interactivité (avec les nouvelles technologies, les opportunités sont nombreuses afin d’offrir des expériences digitales complètes aux internautes).
v Un beau design crée une réponse émotionnelle dans le cerveau, ce qui améliore les capacités cognitives de l’utilisateur. L’effet esthétique s’inscrit ainsi dans une optique d’améliorer l’utilisabilité de la plateforme (page internet, application mobile, application numérique, etc.)
v Concernant la meilleure plateforme pour promouvoir une entreprise, une activité ou un produit, le débat est encore vif concernant l’utilisation d’un site mobile (SEO, richesse des contenus, disponibilité, universalité, mises à jour), ou d’une app mobile (fluide, focalisée, fragmentation en fonctionnalités, isolement, validation).
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Comme réponse à cette interrogation sur les bienfaits d’une plateforme ou d’une autre, des nouvelles techniques ont été mises au point, afin d’homogénéiser l’architecture et compatibilité de ces plateformes : le Responsive Design (déploiement multi-‐résolutions sur une même base web). Cette technique apparaît comme l’une des solutions pour palier aux risques d’incompatibilités et d’indisponibilités sur certains appareils.
Les méthodes traditionnelles de segmentation et ciblage ne trouvent pas leur place et efficacité dans un monde digital, régi par l’influence en ligne qui est directement liée à l’avis des consommateurs, groupes de consommateurs et communautés en ligne. Ainsi, dans le cas de la segmentation de marché, les marques du luxe doivent adapter leurs stratégies pour créer de méthodes plus humaines et plus proches des besoins du marché. Il s’agit par exemple de connaître les habitudes et la maturité digitale du consommateur, pour adapter l’approche relationnelle et commerciale aux attentes de ces internautes (ou utilisateurs). L’expérience utilisateur entraine donc une modification des approches et méthodes traditionnelles de relation client ; et souligne une évolution des dynamiques de la relation marque-‐client. Les natifs du numérique, toujours avides de plus d’interactions digitales, demandent davantage de suivi et d’interactions, de la part et avec les marques de luxe.
Dans cette « nouvelle génération » de la relation marque-‐client, les sites officiels des marques et les pages de marque sur les réseaux sociaux, ont pris une place centrale au sein de cette relation. Et dans ce terrain, les marques de luxe sont face à un défi de taille afin d’offrir des expériences-‐utilisateur inédites et d’une grande qualité. Pour faire un rapprochement avec notre analyse précédente entre la « vie digitale» et la « vie physique » des marques de luxe ; ces nouvelles dynamiques entre marque et internautes montrent clairement que l’approche à suivre par les marques n’est pas de distinguer, voire polariser ces deux environnements (digital et réel), mais de les rendre complémentaires afin d‘offrir une expérience globale.
XII. Conclusion Avec l’essor des technologies digitales, internet et les technologies mobiles, les marques de luxe et de la haute couture disposent désormais d’un arsenal de nouveaux outils digitaux très puissants, innovants et performants ; leur permettant d’atteindre des cibles de plus en plus tournées vers l’espace digital. Cependant, les marques doivent encore, et toujours, évaluer le vrai potentiel et bénéfice que ces outils pourraient avoir sur leur activité, leur image et leur présence en ligne; afin d’utiliser les instruments les plus adaptés à la philosophie et l’ADN de la marque de luxe ; et éviter des retours négatifs sur leur e-‐réputation, et leur réputation réelle par extension.
L’adaptabilité digitale est donc primordiale pour les marques de la haute couture et du luxe, afin d’intégrer sans risque ce nouvel espace commercial. Si bien l’adaptation, la transformation, ou la mise en question des stratégies classiques de marketing est nécessaire, voire indispensable, sur la sphère digitale ; les marques de luxe doivent suivre ce processus d’une manière réfléchie et cohérente avec leur nature (construction sociale et culturelle, issue de symboles et interactions sociales et historiques ; et souvent bâtie sur des valeurs précises, et des mythes fondateurs). Le numérique a apporté un nouvel environnement commercial et social, disposant de ses propres caractéristiques, ses propres « tissus sociaux » et des interactions bien particulières ; qu’elles soient entre les individus, ou entre les individus et la marque. Pour citer la pionnier de la théorie de l’évolution, auquel on aura dédié une partie de notre analyse, Darwin a dit : « ce n’est ni l’espèce la plus forte qui survit, ni la plus intelligente, mais la plus encline à s’adapter au
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changement ». Dans cet espace, les marques de luxe et de la haute couture, sont fréquemment confrontées à des choix stratégiques et de renouvellement, qui leur permettraient de survivre, dans un espace où elles doivent défendre, et remarquer davantage, leur construction particulière – tant dans leur nature intrinsèque comme pour réussir à se mettre au-‐dessus de cette multitude de flux, marques et acteurs du net, qui sont présents sur la sphère digitale.
La communication et les stratégies de marketing traditionnel des entreprises doivent ainsi s’adapter à cette nouvelle réalité. Les marques du luxe sont dans l’obligation de bien appréhender ce nouvel environnement dans lequel leurs logiques de marketing et de relation client vont évoluer ; ce qui leur permettrait d’être efficacement en contact avec des cibles de moins en moins homogènes, plus informées, et plus exigeantes en termes de contenu et qualité des produits, comme des projets qui englobent ces produits (campagnes publicitaires, évènements, image de marque en ligne, services et animations dérivés, etc).
Afin de maintenir leur personnalité et pérenniser leur culture et valeurs, les marques de luxe doivent se diriger vers un mariage respectueux entre ses méthodes classiques de marketing, et les nouvelles méthodes et outils issus du digital. En alliant ces instruments, avec des logiques de flexibilité, créativité et écoute attentive, les marques de luxe pourraient trouver les méthodes efficaces pour se démarquer parmi la masse d’information et d’acteurs présents sur la toile ; et d’atteindre de manière réussie ses objectifs en termes de visibilité, fidélisation de la clientèle, conversion des ventes, et aussi, de survie à dans la sphère digitale. A l’heure du digital, les marques du luxe et de la haute couture doivent concilier donc un équilibre et une alliance, entre leur tradition, leur savoir-‐faire et leur héritage ; et le modernisme et innovation que l’ère digitale exige ; tout en gardant, comme elles l’ont traditionnellement bien fait, leur business model et approche originale -‐ adaptée à l’univers du luxe ; afin de conserver leur propre nature.
Finalement, les marques de luxe et de la haute couture doivent percevoir la sphère digitale comme une interface supplémentaire pour privilégier un dialogue plus direct avec leurs clients. Cette sphère doit être intégrée à l’ensemble d’instruments et forces dont disposent les marques de luxe afin de renforcer leur image et pérenniser leur héritage, histoire et valeurs. Les stratégies digitales ne sont, et ne devraient donc pas, être considérées comme des stratégies parallèles ou non complémentaires ; mais elles devraient être Intégrées à la structure des Maisons de luxe et de la haute couture comme une partie composante des stratégies marketing de ces institutions.
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