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SHANNON STAPLETON . REUTERS GARY HERSHORN. REUTERS «THE ARTIST», COCORICOSCARS PAGES 28-30 La déroute du «Vieux» Wade SÉNÉGAL «Na dem»: Dégage ! L’expression popularisée dans le monde arabe se déclinera-t-elle en wolof? Hier, Dakar semblait y croire. La capitale sénégalaise s’est réveillée avec la gueule de bois, après une interminable soi- rée électorale, marquée par un rebondissement inattendu : alors que tout le monde redoutait que le président sortant, Abdoulaye Wade, force, d’une manière ou d’une autre, le choix des urnes pour passer dès le premier tour, le candidat octogénaire, qui se représentait en dépit de la loi, se retrouve mis en ballottage. Le rejet massif du régime a été exprimé non plus dans la rue, comme ce fut le cas pendant la campagne, mais par le vote. Il y aura donc bien un deuxième tour, prévu le 18 mars. PAGES 8-9 Hollande à l’Elysée, et eux, et eux, et eux Postes ministériels, perchoir, direction du parti… Panorama des ambitions, officieuses, des ténors socialistes en cas de victoire de leur candidat en mai. PAGES 14-15 Dans un livre, Jean Quatremer, journaliste à «Libération» qui avait évoqué le premier la vie sexuelle de DSK, relance le débat sur la vie privée des politiques. SÉBASTIEN CALVET ANALYSES ET EXTRAITS, PAGES 2-6 Après l’affaire DSK La transparence jusqu’où? 1,50 EURO. PREMIÈRE ÉDITION N O 9579 MARDI 28 FÉVRIER 2012 WWW.LIBERATION.FR IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,20 €, Andorre 1,50 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,60 €, Canada 4,50 $, Danemark 26 Kr, DOM 2,30 €, Espagne 2,20 €, Etats-Unis 5$, Finlande 2,60 €, Grande-Bretagne 1,70 £, Grèce 2,60 €, Irlande 2,35 €, Israël 19 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,60 €, Maroc 16 Dh, Norvège 26 Kr, Pays-Bas 2,20 €, Portugal (cont.) 2,30 €, Slovénie 2,60 €, Suède 23 Kr, Suisse 3 FS, TOM 410 CFP, Tunisie 2,20 DT, Zone CFA 1 900 CFA.

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جريدة ليبراسيون ليوم 28-2-2012

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La déroute du «Vieux» WadeSÉNÉGAL «Na dem»: Dégage!L’expression popularisée dans lemonde arabe se déclinera-t-elleen wolof? Hier, Dakar semblait ycroire. La capitale sénégalaises’est réveillée avec la gueule debois, après une interminable soi-rée électorale, marquée par un

rebondissement inattendu: alorsque tout le monde redoutait quele président sortant, AbdoulayeWade, force, d’une manière oud’une autre, le choix des urnespour passer dès le premier tour,le candidat octogénaire, qui sereprésentait en dépit de la loi,

se retrouve mis en ballottage.Le rejet massif du régime a étéexprimé non plus dans la rue,comme ce fut le cas pendantla campagne, mais par le vote. Ily aura donc bien un deuxièmetour, prévu le 18 mars.

PAGES 8­9

Hollande à l’Elysée,et eux, et eux, et euxPostes ministériels, perchoir,direction du parti… Panorama desambitions, officieuses, des ténorssocialistes en cas de victoire de leurcandidat en mai.

PAGES 14­15

Dans un livre,Jean Quatremer,

journalisteà «Libération»

qui avait évoquéle premier la viesexuelle de DSK,relance le débatsur la vie privéedes politiques.

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ANALYSES ET EXTRAITS, PAGES 2­6

Après l’affaireDSKLa transparence

jusqu’où?

• 1,50 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9579 MARDI 28 FÉVRIER 2012 WWW.LIBERATION.FR

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,20 €, Andorre 1,50 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,60 €, Canada 4,50 $, Danemark 26 Kr, DOM 2,30 €, Espagne 2,20 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,60 €, Grande­Bretagne 1,70 £, Grèce 2,60 €,Irlande 2,35 €, Israël 19 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,60 €, Maroc 16 Dh, Norvège 26 Kr, Pays­Bas 2,20 €, Portugal (cont.) 2,30 €, Slovénie 2,60 €, Suède 23 Kr, Suisse 3 FS, TOM 410 CFP, Tunisie 2,20 DT, Zone CFA 1 900 CFA.

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DSK quitte le tribunal de New York après l’abandon de la procédure, en juin 2011. E. FEFERBERG. AFP

Le livre d’un journaliste de «Libération» remet en causele sacro-saint silence sur la vie privée des politiques.

Sexe et politique:la presse sur le divan

N ous sommes tous mauvais.Journalistes à Libération ?Journalistes français ? Jour-nalistes en général ? Jean

Quatremer, correspondant de Libérationà Bruxelles, profite de l’affaire DSKpour critiquer la profession dans un li-vre au titre volontairement excitant :Sexe, mensonges et médias. Quatremer,dans l’histoire, s’en sort un peu mieuxpour avoir, lui, enfreint, dans son blog,le tabou de la vie privée – le sexe – quitétanise la presse française. Quand ils’agit des hommes politiques, bien sûr.

«LIGNE JAUNE». Quatremer a osé diretout haut que DSK avait un problèmeavec les femmes, que sa nominationdans le microcosme de Washington étaitdu haut risque et trouve que le cas DSKest l’illustration parfaite des mauvaiseshabitudes de notre presse: «Les men-songes, le refus d’enquêter… Son goût pourla connivence avec les puissants.»Qu’avait-il donc écrit, le 9 juillet 2007,

à propos de la candidature Strauss-Kahnà la tête du FMI? Que «le seul vrai pro-blème de Strauss-Kahn est son rapportaux femmes. Trop pressant, il frôle souventle harcèlement. Un travers connu des mé-dias, mais dont personne ne parle (on esten France). Or, le FMI est une institutioninternationale où les mœurs sont anglo-saxonnes. Un geste déplacé, une allusiontrop précise et c’est la curée médiatique».Jusque-là, à part dans le livre Sexus po-

liticus (1), c’était le silence sur la vie pri-vée de DSK. Et des autres. Même quandla vie privée est très publique, commele couple socialiste Royal-Hollande encampagne présidentielle en 2007, quin’est alors plus un couple. Leur secrettiendra jusqu’au soir de l’échec de lacandidate.Les quelques lignes de Quatremer inté-ressent alors la presse anglo-saxonne,et les internautes. Dans les médias fran-çais traditionnels, rien, sauf une inter-view sur BFM TV. Et une attaque du sitede Marianne qui l’accuse d’avoir «fran-chi la ligne jaune». Débat animé et diviséà la rédaction de Libération, qui pratiquechaque matin critiques et autocritiques.L’info sortie sur Libération.fr n’atterritpas dans Libération papier. Laurent Jof-frin, directeur à l’époque, dira plus tardqu’il estimait que cela violait la loi surla vie privée.Cette petite entaille prémonitoire dansle silence médiatique n’aura pas degrandes conséquences… jusqu’à ce quela prédiction se réalise. DSK dérape eneffet au FMI, très vite, avec une écono-

Par ANNETTE LÉVY­WILLARD

L'ESSENTIEL

LE CONTEXTEUn livre du correspondant de«Libération» à Bruxelles relancele débat sur le droit d’écriresur la vie privée des politiques.

L'ENJEUQuelles sont les limiteset le cadre déontologiquesde l’exercice ?

Extrait de la vidéo enregistrée par les caméras du Sofitel, le 14 mai 2011. PHOTO SÉBASTIEN CALVET

miste hongroise de son équipe, PiroskaNagy. En 2008, cette affaire reste entreles murs du FMI, mais Quatremer de-mande à Joffrin de l’envoyer enquêterà Washington. Pour le directeur de Li-bération, tant qu’il s’agit de relationsentre adultes consentants, cela n’inté-resse pas le journal (lire page 5). Certes.Mais en septembre 2008, le FMI com-mande une enquête interne pour harcè-lement sexuel. Quatremer propose denouveau d’aller à Washington. Mêmedésintérêt de la direction pour les rela-tions féminines de DSK. Ce sera le WallStreet Journal qui sortira l’histoire enune: «Le FMI enquête sur les relationsde son chef avec une employée».Cette fois, toute la presse française peutse planquer derrière le confrère améri-cain et reprendre l’article. Sans grandeobjectivité si l’on relit la prose des édi-torialistes qui dénoncent «la tyrannie dela transparence», ou, plus fleur bleue– admiratifs ? – parlent «d’un écono-miste doué pour le bonheur» (Claude As-kolovitch dans le Journal du dimanche).Et, déjà, voient la main perfide del’étranger qui monte un complot «pouraffaiblir un socialiste européen». Libéra-tion trouve une belle formule vérité :«DSK dans de beaux draps».

«ERREUR DE JUGEMENT». Et le calmerevient, malgré la lettre de Piroska Nagyqui accuse son employeur d’«avoirabusé de sa fonction», et craint «que cethomme n’ait un problème pouvant le ren-dre peu adapté à la direction d’une insti-tution où des femmes travaillent sous sesordres». La lettre, publiée dans l’Ex-press, va déchaîner l’humoriste Sté-phane Guillon, qui conseille aux fem-mes dans le studio de France Inter deporter la burqa le jour où DSK est l’in-vité de la matinale.Le FMI passe l’éponge, DSK s’excusepour cette «sérieuse erreur de jugement».A l’exception du livre d’une mystérieuse

«SEXE, MENSONGES ET MÉDIAS»«Le seul vrai problème de Strauss­Kahn c’est son rapportaux femmes.» Pour Jean Quatremer, correspondant deLibération à Bruxelles, cette phrase prémonitoire en2007 sera le début de l’affaire. Qu’il retrace dans celivre, publié jeudi chez Plon, critiquant la frilosité de lapresse française quand il s’agit de la vie privée deshommes politiques.

LES AFFRES DE DSKw Septembre 2007 Nomination à la tête du Fonds monétaire international.w Octobre 2008 Strauss­Kahn entretient une liaison avec l’économiste PiroskaNagy. Celle­ci évoque un «harcèlement».w 14 mai 2011 Affaire Diallo: il est arrêté au Sofitel de New York.w 23 août 2011 Le tribunal de Manhattan abandonne les poursuites.w Février­mars 2012 Convocation au tribunal de Lille pour complicité deproxénétisme et d’abus de biens sociaux dans le cadre de l’affaire du Carlton.

REPÈRES

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 20122 • EVENEMENT

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Nafissatou Diallo sur les images enregistrées par les caméras de sécurité, le 14 mai 2011. S. CALVET Dominique Strauss­Kahn de retour en France, le 4 septembre, à Paris. PHOTO CLAUDE PARIS. AFP

Par NICOLAS DEMORAND

Responsabilité

Après l’affaire DSK, quel journaliste n’apas fait, ne serait-ce qu’in petto, sonexamen de conscience ? Lequel ne s’est pasdemandé s’il avait correctement fait sontravail ou, au contraire, pour de bonnes etde mauvaises raisons, totalement raté un«sujet» qui méritait de toute évidencel’enquête ? Qui n’a pas réfléchi auxfrontières indécises entre la vie privée, quidoit le rester, et le moment où celle-cidevient potentiellement un problèmepolitique, sur lequel il faut alors informerses lecteurs ? C’est tout le mérite du livrede Jean Quatremer : mettre cesinterrogations sur la place publique etappuyer férocement où beaucoup dejournalistes ont mal. Y comprisà Libération, dont la rédaction demeuredivisée sur une question qui, au fond,s’adresse autant au citoyen qu’auprofessionnel de l’information, les deux necoexistant pas nécessairement de manièrepacifique chez un même individu. Unechose est certaine : il y aura, de fait, unavant et un après-DSK. Et entre la pressetabloïd trash et l’omerta absolue, cettealternative paralysante qui ferme un débatpourtant nécessaire, il existe un cheminque la presse française apprendraà explorer. Non par voyeurisme ni parmoralisme, mais simplement pourinformer quand il y a lieu de le faire.Enquêter et prendre, au cas par cas, laresponsabilité de publier. Bref : faire untravail de journaliste. Cette position, ilnous semble important de la partager avecle lectorat de Libération. Et de lasoumettre, aussi, à nos confrères etconsœurs pour connaître la leur.

ÉDITORIALCassandre (2), le couvercle retombe. Ilse soulève à nouveau, pas sur le sexe,mais sur l’argent. Petit scandale avec laphoto dans le Parisien montrant le pres-que couple présidentiel DSK-Anne Sin-clair choisissant une Porsche Panameracomme sympathique moyen de trans-port. Leur fortune allait devenir un sujetd’investigation –mais pour ce candidatla course s’est arrêtée le 14 mai 2011, auSofitel de New York.Il y a un avant et un après-Sofitel. Par-delà les péripéties au-dessous de laceinture du cas d’école DSK, on regarded’un œil neuf le fonctionnement troptimoré de nos médias. Il est vrai que lesjournalistes sont copains avec les hom-mes politiques. «Restez éloigné du pou-voir!» est le premier principe, disait unjournaliste américain. En France, ondîne ensemble, on part en vacances, ona une histoire d’amour, on sort des mê-mes écoles, etc. On n’a pas de traditiond’investigation dans le monde privé dela politique. Comme le dit Jean-MichelHelvig, qui fut directeur adjoint de Li-bération et sait de quoi il parle, «c’étaitla loi de l’emmerdement minimum».

«VOILE PUDIQUE». François Mitterrandest le pur exemple du damage control. Acommencer par les communiqués offi-ciels mensongers sur sa santé dès 1981:la presse – dont Libération – ne prendpas la peine d’enquêter sur la rumeur deson cancer, ses visites clandestines àl’hôpital, son médecin qui le suit pas àpas, médicaments dans une sacoche…Quand il a été proposé de vérifier l’hy-pothèse d’une maladie, la direction del’époque a répondu: «Pas la peine, il n’ya rien, l’Elysée nous l’a dit.» La maladied’un président qui risque pourtant denuire au fonctionnement de l’Etat–celle de Pompidou comme l’accidentvasculaire de Chirac– a bénéficié de lafameuse omerta journalistique. Onn’écrira rien, jusqu’à ce qu’il en décide

lui-même: sur le passé cagoulard, puisvichyste de François Mitterrand, safrancisque, son ami Bousquet. Son hôtelparticulier payé par un chèque signéAndré Bettencourt (mari de Liliane).Encore moins sur sa fille clandestine lo-gée dans une annexe de l’Elysée.Les conséquences publiques de la vieprivée du Président restent dans l’om-bre. Par goût du commentaire plutôtque de l’info brute. Par manque d’indé-pendance de la télévision publique.Rappelons que le président de la Répu-blique nomme les patrons des chaîneset qu’il choisit de sa main royale lesjournalistes qui auront le privilège d’in-terviewer le monarque.Les journalistes post-DSK ont com-mencé leur autocritique. Libération,dans un édito, annonce que «le voile pu-dique qui recouvrait la sexualité et la vieintime des personnes publiques se dé-chire». Et sous le «voile pudique» quiprotégeait le «libertinage» des hommesde pouvoir –ou «drague appuyée», ou

droit de cuissage, ou…– pointe, enfin,une interrogation : cette charmante«séduction à la française» est-elle sisympathique? Pour Laurent Joffrin, re-venu de sa prudence «le drame de Man-hattan provoque un examen de consciencetrès masculin à l’égard de comportementsde séduction jusqu’ici tenus pour béninset qui, souvent, ne le sont pas».Le tribunal de New York abandonne lespoursuites, le Point titre «La résurrec-tion», sur TF1, DSK se fait interviewerpar Claire Chazal, une amie de safemme, pour sa rentrée médiatique :l’exception française a la vie dure. Mais

la presse a tiré les leçons du feuilleton.Au Monde, Raphaëlle Bacqué et ArianeChemin s’étonnent de ce «personnagequi, malgré son rayonnement, avait jus-que-là étrangement réussi à préserver sessecrets». Elles citent l’entourage socia-liste de DSK, qui connaissait «les zonesd’ombre» ou «le tempérament» de sonpoulain, mais le poussait malgré tout àla tête de l’Etat. Le PS referme le dos-sier, sans réfléchir, à partir de cette se-cousse, à des thèmes tels que les rela-tions hommes-femmes, la prostitution,l’agression, l’abus de pouvoir… PourQuatremer, «l’image restera [celle d’un]PS uni derrière un mâle blanc, riche, puis-sant, contre une immigrée noire, pauvre,aux fréquentations douteuses».

CASSE­TÊTE. Et maintenant? Les mé-dias «classiques» ne pourront plusoublier de publier une info importantesur la vie privée: ils seront vite doubléspar un site internet. Aujourd’hui, lessecrets de Mitterrand ne tiendraient pas

longtemps. A Libération, laligne est définie : «Le devoird’enquêter est désormais unacquis, la responsabilité depublier devant être pesée aucas par cas.» Ce qui reste uncasse-tête déontologique.Selon la Cour européenne

des droits de l’homme, le rôle de lapresse est de publier «des informationset des idées sur toutes les questions d’inté-rêt général en raison du droit du public àêtre informé.» Mais où commence l’in-térêt général dans les coucheries etautres aventures personnelles? «C’està chaque média de définir ses règles, desavoir où il place le curseur» dit PierreHaski, qui dirige Rue89.Tout est dans le curseur. •

(1) De Christophe Deloire et ChristopheDubois, Albin Michel, 2006, 400pp. 21€.(2) Les secrets d’un présidentiable, Plon,2010, 200pp., 19€.

«Les mensonges, le refusd’enquêter… Son goût pour laconnivence avec les puissants.»Jean Quatremer dans son livre, décrivantles mauvaises habitudes de la presse française

«La séduction est un des moteurs de la vie ici : histoire,politique, culture, mode, gastronomie et diplomatie, litté­rature et mœurs, rien n’y échappe», écrit la correspon­dante du New York Times, Elaine Sciolino. Son livre, laSéduction: comment les Français jouent au jeu de lavie, vient d’être traduit (Presses de la cité, 19 euros). Lajournaliste évoque aussi l’affaire DSK, les relations entreles hommes et les femmes ou de la tolérance envers lescomportements privés.

«Dans la vie publique, le secret estbien plus qu’un jeu: il participe d’unestratégie nationale de survie. Le choixde révéler ou non une informationest lié à l’image qu’on veut donnerdu pays.»Elaine Sciolino journaliste au New York Times

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 2012 • 3

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«Ce n’est plus aux politiques de définir le privé»D ans un livre qui paraît jeudi, Jean

Quatremer, correspondant deLibération à Bruxelles, revient sur

le «scandale» suscité en France quandil avait pour la première fois évoqué surson blog le comportement de DSK àl’égard des femmes. Extraits.

L’article de 2007«Ma chance est de m’être trouvé

loin de Paris» p.16

«C’est dans le cadre de mes activitéseuropéennes que j’ai rencontré DSK,puisqu’en tant que ministre des Finan-ces (1997-1999) il a activement préparéle passage à la monnaie unique. C’estalors que j’ai pu constater que son rap-port aux femmes était pour le moinsparticulier, constat que m’ont confirmétous mes confrères. Il m’a donc parunormal d’en parler dans un portrait quej’ai écrit lorsqu’il a été pressenti pouroccuper le poste de directeur général duFMI en juillet 2007. Cet article n’est pasparu dans Libération, mais sur monblog, les “Coulisses de Bruxelles”, hé-bergé par le site du journal dont je suissalarié depuis 1986: il me paraissait ac-quis que jamais le papier n’accepteraitque j’aborde cet aspect de sa personna-lité, “respect de la vie privée” oblige.

Instinctivement, j’ai senti que je ris-quais, pour la première fois de ma car-rière de journaliste, d’être censuré. Lapresse européenne et internationales’est immédiatement intéressée à cetarticle et l’a abondamment cité, alorsque les médias français me boudaient,au mieux, me critiquaient vertement,au pire.«Ce n’est qu’après le 14 mai 2011 queces derniers ont “découvert” mon arti-cle de 2007 : au fond, n’était-il pas lapreuve que le comportement de DSKn’était pas un mystère et que tous lesjournalistes français n’étaient pas desadeptes de la loi du silence comme l’af-firmaient les journaux étrangers ? […]Nous vivons dans un système et machance est simplement de m’être trouvéloin de Paris et de ses cercles d’intimité(et de pressions) où le pouvoir côtoiequotidiennement les médias.»

La réaction de «Libération»«Jamais Laurent Joffrin ne m’aappelé pour m’en parler» p.32

«Au sein de mon propre journal, monarticle a semé la consternation. J’ap-prendrai qu’il a suscité un vif débat :correspondant auprès de l’Union euro-péenne, je suis rarement présent au sein

de la rédaction. Un chef de service medira même très honnêtement au télé-phone que si j’avais proposé cet articleau journal papier, jamais mes phrasessur l’agressivité sexuelle de DSK ne se-raient passées. Cela étant, mon patronde l’époque, Laurent Joffrin, depuis re-tourné au Nouvel Observateur (il a faitdeux allers-retours entre Libération etl’hebdomadaire), ne m’a jamais appelépour m’en parler ou me demander surquels faits je m’appuyais, pas plus qu’iln’a exigé, ce qu’il aurait pu faire, que jele retire de mon blog. Mieux: le site deLibé le mettra en une…»

La loi du silence«Rien n’interdit d’enquêter,

de rendre compte» p.93

«Cette saga hors du commun aura faitau moins deux victimes collatérales: lapremière est l’omerta journalistique surla vie privée des politiques qui est deve-nue intenable, l’affaire de New York nese comprenant qu’à la lumière du com-portement de DSK à l’égard des fem-mes. Sa “vie privée” frôle tellement leslimites – voire les franchit – qu’ellel’expose à des scandales publics, voireà des chantages de toute sorte. Un telhomme peut-il prétendre exercer un

mandat public ? La question mérite àtout le moins d’être posée et les faitsconnus des citoyens, surtout lorsqu’onprétend aux plus hautes fonctions. Plusque jamais, la règle du journalisme doitêtre de dire, l’exception de ne pas dire.Certains voudraient que l’on en re-vienne à la loi du silence en invoquantdes dérapages médiatiques qui restentà démontrer pour ce qui est de la pressefrançaise. A lire certains commentaires,il aurait même fallu que la presse neparle pas de l’arrestation de Strauss-Kahn afin de respecter la “présomptiond’innocence”. Une pudeur qui ne semanifeste guère sur la vie privée vole enéclats lorsqu’il ne s’agit pas de puis-sants… Surtout, cela montre une in-compréhension de ce qu’est la pré-somption d’innocence : non pas unimpératif philosophique, mais une règlede procédure judiciaire qui fait peser lacharge de la preuve sur l’accusation.Rien n’interdit d’enquêter, de rendrecompte, de donner son opinion. Bref,la presse a fait son travail en rendantcompte de cette saga et elle aurait dûdavantage le faire dans le passé en netaisant pas la personnalité de DSK. La“vie privée” des politiques est écornée?Certes, mais personne n’est obligé defaire de la politique. […]«La seconde victime est le Parti socia-liste qui s’est largement déshonoré en

Unes de la presse après l’arrestation de Dominique Strauss­Kahn, les 16 mai (à gauche) et 17 mai (à droite). PHOTOS GEORGES GOBET. AFP ET MICHEL EULER.AP Au centre, devant le tribunal de New York,

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 20124 • EVENEMENT

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L’ancien directeur de «Libération» répond auxcritiques formulées par Jean Quatremer.

Pour Joffrin, l’intrusiondans la vie privée doitrester exceptionnelleLaurent Joffrin, directeur de Libération denovembre 2006 à février 2011 etaujourd’hui directeur du Nouvel Observa-teur, répond à l’interpellation de Jean Qua-tremer, qui explique dans son livre avoir étéempêché d’enquêter sur l’affaire PiroskaNagy. Cette économiste hongroise euten 2008 une liaison avec DSK –alors patrondu Fonds monétaire international –, la-quelle donna lieu au FMI à une enquête in-terne pour harcèlement.

«S ommes-nous coupables ? Suis-jecoupable pour avoir refusé qu’onenquête sur la vie privée de Domi-

nique Strauss-Kahn? Oui, sansdoute un peu. Il eût fallu, si l’onavait eu des éléments sérieuxlaissant supposer un comporte-ment illégal, les porter à la con-naissance du public. Mais avantde s’en expliquer, il faut direavec force que nous ne sommescertainement pas coupablespour les raisons que l’on entend le plus sou-vent. La règle du respect de la vie privée,dit-on parfois, est hypocrite, nuisible, dé-passée: il faut s’en affranchir. Funeste sim-plisme… Ceux qui demandent l’abolition dece principe seraient les premiers à en récla-mer le rétablissement si d’aventure on s’in-gérait dans leur vie privée. Pour une raisonévidente: le droit à l’intimité familiale, à ladiscrétion sur sa vie sexuelle ou affective,au secret sur tel ou tel aspect de son com-portement privé, fait partie des droits élé-mentaires de la personne. Les intrusions dela presse dans ce territoire protégé ne peu-vent ressortir que du régime de l’exception.Pour entrer dans ce domaine qui tient auplus précieux de l’identité de chacun, il fautde bonnes raisons: le soupçon d’une illéga-lité sérieuse ou bien la mise au jour d’unélément essentiel pour comprendre tel outel événement important.«En dehors de ces cas, soigneusement ré-pertoriés et délimités par la jurisprudence,chacun a le droit de mener la vie qu’il mènesans être sans cesse exposé au jugementpublic. Si l’on va au-delà, la pente est dra-matique. Ainsi, la vie sexuelle d’un prof, lesaffinités d’un contremaître, les maîtressesd’un universitaire, les difficultés familialesd’un député devraient être systématique-ment portées à la connaissance du public,selon le bon vouloir, ou le bon plaisir, de telou tel rédacteur en chef ? Parle-t-on sé-rieusement? Veut-on vraiment voir se dé-velopper en France l’équivalent de la presseMurdoch, qui fait argent du viol systémati-que de la vie privée et couvre ses pratiqueshonteuses des oripeaux mités de la libertéde la presse de caniveau ?«Il faut d’urgence, dit-on encore, mettrefin à la connivence qui prévaut dans lesrapports entre journalistes et hommes poli-tiques. Quelle connivence? Avec DSK? Di-recteur de la rédaction de Libération, j’aipublié des dizaines d’articles mettant en

cause DSK dans l’affaire de la Mnef quandil était ministre des Finances de Lionel Jos-pin, et qui ont contribué grandement à sadémission. Où est la connivence? Libérationa publié et publiera, j’en suis sûr, tout élé-ment de ce genre qui mettrait en cause telou tel homme politique, quel qu’il soit, dèslors que ces éléments sont vérifiés et recou-pés. Nous ne débattons pas ici de la conni-vence ou d’une supposée omerta, quin’existent pas à Libération, mais du respectde la vie privée, ce qui est différent.«Il faut encore, dit-on parfois, importer enFrance les règles en vigueur dans la presseanglo-saxonne, dont les exigences sont

moralement et professionnelle-ment si supérieures à celles de lapresse française. Remarque mali-cieuse: comme directeur du FMI,DSK habitait non en France, maisà Washington. Comment cesjournalistes américains si vigi-lants ont-ils pu ignorer son com-portement quotidien, puisqu’il

paraît que ses frasques scandaleuses et per-manentes étaient de notoriété publique? Amoins que ces journalistes, comme les re-porters français, au fond, aient manquéd’éléments tangibles pour nourrir un articlesérieux, en dehors d’une seule affaire, cellede Piroska Nagy, qui a donné lieu à une en-quête officielle au sein du FMI… Quant à lapresse américaine, du moins une partied’entre elle, après l’éclatement de l’affaireDiallo, son comportement fut littéralementhonteux à l’égard de DSK, traîné dans laboue avant toute enquête sérieuse, commeenvers la plaignante, d’abord portée auxnues, puis soudain accusée de tous lesmaux.«Est-ce un si bon exemple? Il fut un tempsoù le respect de la vie privée était total. Lapresse américaine a caché au public l’étatréel de Franklin Roosevelt, qui se déplaçaitdans un fauteuil roulant, ou encore l’alcoo-lisme notoire de Winston Churchill. A-t-elle eu tort ? Fallait-il interrompre la car-rière des deux vainqueurs de la SecondeGuerre mondiale au nom de la sacro-saintetransparence? Avec le temps et l’évolutiondes exigences publiques, les règles ontchangé. La presse est aujourd’hui fondée àenquêter sur la vie privée des hommes pu-blics, d’autant que la jurisprudence évoluedans ce sens. Mais elle doit toujours y met-tre de strictes conditions.«Dans le cas de DSK, c’est le soupçon deharcèlement sexuel, pratique illégale, quiaurait justifié une investigation avant l’af-faire Diallo. Encore fallait-il s’entendre surla définition du harcèlement sexuel, notionsouvent difficile à cerner, et dont on a long-temps sous-estimé l’importance dans uneFrance trop tolérante avec certains com-portements masculins. Voilà quelle fut no-tre culpabilité. Pour le reste, je conçois malle progrès civique qu’il y aurait à favoriserla naissance d’une déontologie journalisti-que en forme de trou de serrure…» •

«Ce n’est plus aux politiques de définir le privé»SÉ

BAST

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LVET

apportant un soutien immédiat et sansnuances à DSK au lendemain du 14 mai(“Il n’y a pas mort d’homme”, comme l’adit Jack Lang) et en réclamant son re-tour sur la scène politique dèsle 1er juillet, à peine la “mort civique”de sa victime présumée connue. Certes,tous ne sont pas sur cette longueurd’onde, mais on n’entend guère les voixdiscordantes. L’image restera: un PS uniderrière un mâle blanc, riche, puissant,contre une immigrée noire, pauvre, auxfréquentations douteuses. […]«L’onde de choc de cette affaire risquede se faire sentir longtemps : car DSKaura montré, par son comportement àl’égard des femmes, qu’il ne peut toutsimplement pas prétendre représentercertaines valeurs de gauche, en parti-culier l’égalité homme-femme. Or, celan’a pas empêché certains responsablessocialistes de le soutenir et de continuerà le soutenir.»

La transparenceen politique

«La question se pose uniquementpour le sexe et la santé» p.182

«Ce n’est plus aux politiques, et géné-ralement aux puissants, de déterminerce qui relève du privé, ce qui leur a

donné un pouvoir exorbitant et sanscontrôle, mais bien aux médias, souscontrôle des juges européens, qui en lamatière ont une vision très protectricede la liberté de la presse.«A partir du moment où l’on solliciteun mandat public, il doit être clairqu’on accepte un degré de transparencequi est, évidemment, plus ou moinsélevé selon les fonctions auxquelles onprétend. La santé d’un conseiller muni-cipal d’un village n’a pas la même im-portance que celle du président de laRépublique. Toutes les fonctions,comme toutes les informations, ne sevalent pas. Hormis les cas évidents decrime ou de délit révélés à la suite d’uneplainte devant la justice où l’articles’impose de lui-même, les journalistesdoivent enquêter lorsqu’il y a interac-tion entre sphère privée et vie publique.La sphère privée, pour un politique, nepeut, en tout cas, inclure les questionsfinancières : comme ordonnateur de ladépense publique, sa probité person-nelle doit impérativement être scrutée.La question de la transparence se pose,en réalité, uniquement pour le sexe etla santé. […]«Si un politique tenait des propos racis-tes, personne n’hésiterait un instant àles rapporter. Pourquoi une telle pudeurdès qu’il s’agit d’un comportementsexiste ?»

le 6 juin 2011, lors de l’arrivée de l’ex­patron du FMI. PHOTO ERIC FEFERBERG. AFP

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 2012 EVENEMENT • 5

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Elaine Sciolino, correspondante du «New York Times» à Paris, sortun livre sur les relations entre politiques et médias dans l’Hexagone:

«En France, vous n’osezpas poser les questions»G rand reporter, journaliste en

charge des Nations unies et,aujourd’hui, correspondante

permanente à Paris pour le New YorkTimes, l’Américaine Elaine Sciolinovient de publier un livre, laSéduction : comment les Françaisjouent au jeu de la vie (Presses de lacité), sur l’importance de la séduc-tion dans la culture française. Ettout particulièrement dans la viepolitique. Une question d’actualité…Les politiques ont leur vie sexuelle ouamoureuse aux Etats-Unis (on con-naît les aventures de Kennedy, Clin-ton) comme en France, de Mitterrandà Sarkozy en passant par Chirac. Ladifférence, c’est que les journalistesaméricains en parlent. Où se situe lafrontière vie privée-vie publique?Il ne s’agit pas d’entrer dans toutesles chambres à coucher de tous lespolitiques. La vraie question est dedécider que certains faits méritentqu’on enquête. Ce jugement diffèreentre la France et les Etats-Unis. J’aid’ailleurs écrit – avant l’affaire duSofitel– toute l’importance des ru-meurs, du secret dans votre culture:c’est «caché en pleine lumière»,comme on dit. Les secrets des puis-sants sont respectés par les médias,d’abord parce que les Français sonttrès tolérants envers les comporte-ments sexuels. Ensuite, ils redoutentles révélations qui leur attireraientdes représailles des puissants. Or,on a le devoir d’enquêter pour quele public sache si un homme politi-que a la capacité de jugement pourêtre président.Nous ne le faisons pas assez…Dommage. Est-ce que Newt Gin-grich, candidat aux primaires répu-

blicaines, a la stature d’unprésident quand il a laissétomber sa femme souf-frant d’un cancer ? EnFrance, vous n’osez pasposer les questions.Quand j’ai entendu parlerde la rumeur d’un enfantde Chirac au Japon, j’ai téléphoné àCatherine Colonna, porte-parole del’Elysée: «No comment», m’a-t-ellerépondu. Et elle a ajouté: «Commentoses-tu poser une telle question?» Jelui ai dit : «Je suis une journalisteaméricaine, je pose toutes les ques-tions.» Il s’est passé la même choseà la conférence de presse d’AnneSinclair pour lancer le HuffingtonPost. Aucun journaliste français n’ademandé s’il n’y avait pas de conflitd’intérêts à diriger le site d’infor-mation en raison de l’affaire DSK.C’est moi qui ai posé la question.Pourtant, les journalistes en Francesont formidables, je les connais de-puis trente ans, on s’est vu en Iran,en Irak, au Liban.Tout mérite une enquête?Une enquête ou une question. Si jesuivais aujourd’hui la campagneprésidentielle, je demanderais àFrançois Hollande: «Vous êtes can-didat. Vous dites que vous êtes unhomme normal. Mais vous n’étiez déjàplus en relation avec Ségolène Royalen 2007, avez-vous menti au public?»Pour François Mitterrand, à uneconférence de presse, j’aurais dit :«Excusez-moi de poser ces questionsmais vous savez je suis américaine. Ily a des rumeurs très fortes qui disentque vous avez une relation extra-conjugale et qu’un enfant en est né,auriez-vous la gentillesse d’informer

les citoyens françaissur les frais engagés– appartement, trans-ports etc.– payés par desfonds publics?» Il ne fautjamais avoir peur de po-ser une question, c’estnotre job, nous devons

témoigner pour le public.Aux Etats-Unis, il y a plus de dis-tance entre les «puissants» et lesjournalistes?Au New York Times, les règles sonttrès strictes. On ne peut pas accep-ter un cadeau de plus de 25 dollars.Il y a deux semaines, Dior m’a en-voyé un grand sac de cadeaux, je l’aitout de suite renvoyé. On ne peutpas accepter les voyages, les billetsd’avion même pour les voyages depresse. Nous avons le luxe de l’indé-pendance, personne ne peut fairepression sur nous, sauf si cela tou-che la sécurité nationale.Dans votre livre, vous décrivez lesFrançais comme «partisans du droitau plaisir» et pour le secret. Les cho-ses changent?Oui. Avec l’affaire DSK, les femmesont commencé à parler de tout cela.C’est un début, si les Françaises con-sidèrent qu’elles ont le droit d’inter-roger le comportement masculin, dedire si c’est bien ou pas, on pourratransformer l’atmosphère. Autre-ment, cela va continuer: «C’est uneblague, ce n’est pas grave…» Dansmon livre, je raconte que Giscard,quand je l’ai interviewé, a caressé ensortant les fesses de mon assistante.De quel droit? Et bien on a le droitde dire non.

Recueilli parANNETTE LÉVY-WILLARD

Le droit à la vie privée évoluesous l’influence anglo-saxonne.

Le jardin secretde moins en moinsbien gardéD u délicat équilibre

entre protection de lavie privée et liberté de

la presse. Ou comment ledroit met le nez dans le jardinsecret de nos élus, «beaucoupplus petit que le nôtre», notel’avocat belge Alain Beren-boom. La France a une tradi-tion juridique très ferme surla protection de l’intimité.Elle est fondée par l’article 9du code civil («Chacun a droitau respect de sa vie privée»),relayée par les lois sur lapresse et la diffamation (da-tant de 1881) et renforcée parla loi Guigou du 15 juin 2000sur la présomption d’inno-cence. Une pratique bienéloignée de celle d’Etatsmarqués par la veine anglo-saxonne, soucieuse de la li-berté d’expression (Royau-me-Uni ouAllemagne).Mais sur lesujet, même laFrance évolue,directementinfluencée parla jurisprudence de la Coureuropéenne des droits del’homme. «Alors que laFrance donne l’impression deveiller au respect de grandsprincipes, la cour est davan-tage attentive à traiter chaqueaffaire au cas par cas, à trou-ver de manière pragmatiqueune balance entre liberté d’ex-pression (article 10 de la Con-vention des droits de l’homme)et vie privée (article 8)», ex-plique Alain Berenboom.«Jurisprudence». Une af-faire a fait date: celle de l’in-terdiction du livre du docteurGubler à la mort de Mit-terrand. Quoi de plus intimeque la maladie? Pourtant, laCour a condamné la Franceen 2004 pour violation de laliberté d’expression. La no-tion essentielle, pour la cour,est celle de «débat d’intérêtgénéral»: le citoyen doit êtreinformé d’éléments de la vieprivée des politiques s’ilséclairent le débat public. «Lajurisprudence repose sur lefaisceau de trois éléments, ré-sume Nicolas Hervieu, spé-cialiste du Centre de recher-ches et d’études sur les droitsfondamentaux. L’informationa-t-elle un intérêt général ?L’enquête journalistique est-elle sérieuse? L’individu est-ilun personnage public ?»Le président Pompidoul’avait emporté quand il avait

attaqué une photo le mon-trant en vacances, voguantsur un petit bateau. «Sauf àdire qu’il aimait la mer, ellen’apportait rien au débat pu-blic», s’amuse Berenboom.En revanche, les juges fran-çais ont accepté en 2005qu’une liaison entre un poli-tique et une journaliste soitrévélée, car elle pouvait ali-menter un «débat d’intérêtgénéral». Mais les frasques dela femme du président autri-chien avec un autre politiqueont été qualifiées par la Coureuropéenne de «gossip»(«ragot») ne cherchant qu’à«satisfaire la curiosité d’uncertain type de lectorat».«Tradition». Et les affairesDSK? «Difficile de faire de lapolitique-fiction, mais il y avaitmatière à tenter de publier les

informations sur l’affaireNagy: celle-ci se disait victimed’un abus de pouvoir. Les ju-ges auraient pu estimer que lecomportement du chef du FMIéclairait sa pratique d’un man-dat.» Surtout que ces derniè-res années ont montré «unélargissement constant de laprotection de l’information audétriment de la vie privée»,note le chercheur. Strasbourga affirmé l’année dernièreque l’ex-patron de la F1 MaxMosley ne pouvait s’opposerà la diffusion d’une vidéo deses jeux sadomaso évoquantles nazis, même si celle-ciétait «volée» et diffusée parla presse people. Il y a troissemaines, elle a donné raisonà un tabloïd qui avait publiédes photos du prince Rainier,malade, lors de vacances auski, arguant qu’il s’agissaitd’illustrer «un événement del’histoire contemporaine».«Rien n’empêche les journa-listes de se réfugier derrièreune “tradition” pour s’abste-nir de publier diverses infor-mations, conclut NicolasHervieu. Mais c’est un argu-ment peu courageux que dedire qu’il existe un risque réelde condamnations. En casd’enquête sérieuse aux finsd’éclairer le débat public, lesjournalistes bénéficient d’uneforte protection.»

SONYA FAURE

AFP

La notion essentielle, pour laCour européenne des droits del’homme, est celle de «débatd’intérêt général».

DSK, à travers ses volets fermés, chez lui à Paris, le 4 septembre. PHOTO PASCAL ROSSIGNOL. REUTERS

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 20126 • EVENEMENT

Page 7: journal-liberation-28-2-2012

U LE COMMERCE QUI PROFITE A TOUS.

Bouger, jouer est indispensable au développement de votre enfant. mangerbouger.fr

Le retrait du bisphénol A s’inscrit dans une

démarche globale des Magasins U pour rendre

encore meilleur l’ensemble de leurs produits.

Forts d’un projet de loi soumis au vote du

Parlement, les Magasins U sont plus que jamais

certains de faire aujourd’hui ce que tout

le monde fera demain.

epuis plusieurs années, le bisphénol A

s’invite régulièrement dans l’actualité.

Souvenez-vous, en 2010, son usage était

officiellement interdit dans la fabrication des

biberons. Cette substance est utilisée pour

la fabrication des plastiques de type polycarbonates

et de résine époxy et comme antioxydant dans

les plastifi ants. Très présent dans les contenants

alimentaires, le bisphénol A peut migrer dans

les aliments quand il est exposé à la chaleur.

Et s’il a été en priorité interdit dans les biberons,

c’est que les jeunes enfants seraient les plus

sensibles à ce composant.

Des risques pris très au sérieux par les autorités

puisque l’Assemblée Nationale a adopté en première

lecture une proposition de loi visant à supprimer

cette substance dans les produits destinés aux

bébés et aux jeunes enfants de moins de 3 ans à

partir de janvier 2013, et de tous les contenants

alimentaires à horizon 2014. Chez U, ce sujet

était déjà une priorité en 2010, date de lancement

de la gamme alimentaire U tout petits. Il a donc été

décidé d’exclure ce composant des emballages

en contact direct avec les aliments.

Les emballages

U tout petits en contact

avec les aliments sont

garantis sans bisphénol A.

Prix bas et sécurité alimentaire.

Bisphénol A :n’attendons pasque la loi nous imposede le supprimer.Utilisé dans certains emballages alimentaires, le bisphénol A est au cœur d’un

enjeu de santé publique, notamment pour les jeunes enfants. Chez U, il a été

décidé de l’exclure des emballages en contact avec les aliments de la gamme

U tout petits, sans attendre qu’une loi sur son interdiction ne soit votée.

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Communiqué U

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012.

Page 8: journal-liberation-28-2-2012

AuSénégal,lasurpriseanti-WadeContre toute attente, le président sortantsera obligé de disputer un second tour.La population, mobilisée, veut y croire.

Par MARIA MALAGARDISEnvoyée spéciale à Dakar

«N a dem»: «Dégage!» L’ex-pression popularisée dansle monde arabe se décli-nera-t-elle bientôt en

wolof ? Hier, Dakar semblait y croire.La capitale sénégalaise s’est réveilléeavec la gueule de bois, après une inter-minable soirée électorale, marquée par

un rebondisse-ment inattendu :alors que tout le

monde redoutait que le président sor-tant, Abdoulaye Wade, force, d’unemanière ou d’une autre, le choix des ur-nes pour passer dès le premier tour, lecandidat octogénaire se retrouve enballottage. Les estimations, hier soir, ledonnaient au coude à coude avec MackySall (lire ci-contre).Il y aura donc bien un deuxième tour,prévu le 18 mars, et l’espoir d’un chan-gement de pouvoir n’est soudain plusune utopie. Bien plus, le spectre deviolences postélectorales, maintes foisévoqué en cas de victoire du campprésidentiel dès le premier tour, s’estsoudain éloigné : le rejet massif durégime a été exprimé non plus dans larue – comme ce fut le cas pendantla campagne–, mais par le vote. La «di-vine surprise» du ballottage a d’abordcirculé comme une rumeur, confirméeau fur et à mesure du dépouillement :le vieux président, qui avait fait leforcing pour se représenter après deuxmandats, n’est plus majoritaire dansle pays.

«VIEILLES RECETTES». Au départ, ilsemblait pourtant pouvoir profiter del’émiettement de l’opposition. Ses treizeconcurrents, bien que rassemblés dansune même coalition, n’avaient pasréussi à s’entendre pour désigner unseul candidat. Résultat, ils s’étaient tousprésentés devant les électeurs. «Parado-xalement, la multitude de candidats faceà Wade a aussi joué contre lui. Ces leadersont tous un fief local, où ils ont conquis lamajorité des voix, ce qui a finalement af-faibli le score national du Président», ana-lysait Etienne Smith, un jeune cher-

cheur de l’université de Columbia,croisé au milieu de la foule bigarrée quis’est précipitée dimanche soir au QG ducandidat de l’opposition, Macky Sall. Cedernier, arrivé en tête face au présidentsortant, devrait en principe bénéficierdu report des voix des autres opposants,qui avaient tous signé un pacte en cesens au début de la campagne.Dimanche soir, l’ambiance de fête quirégnait chez les opposants contrastaitavec l’atmosphère lugubre du siège duparti présidentiel : dans une semi-pé-

nombre, des bandes de jeunes hommessouvent cagoulés accueillaient d’un re-gard hostile les rares visiteurs. Aucunofficiel n’était présent. «Ils sont sonnés,ils ne s’attendaient pas à une telle débâ-cle», confie un «ex-ami» d’AbdoulayeWade. Et les fraudes massives que l’onredoutait? Les armes censées circuler?«Le rejet a été trop massif», explique cetancien proche qui dénonce l’influencenocive de l’entourage présidentiel: «Safamille et tout un groupe de faucons l’ont

persuadé qu’il pouvait encore rester aupouvoir en appliquant les vieilles recettes:l’achat des consciences, les tournéestriomphales dans le pays… Mais ce n’étaitque des villages Potemkine : ceux quil’acclamaient avaient été payés pour lefaire. Une fois dans l’isoloir, eux aussiont fait leur choix.»Pour Abdoulaye Wade, la révélation deson impopularité a peut-être eu lieu aumoment de glisser son bulletin dansl’urne: accueilli par des sifflements dansson bureau de vote, le président, sor-

tant, visiblement troublé, amême oublié sa carte d’élec-teur sur place. Et même dansce bureau situé dans unquartier aisé de la capitale,Wade arrive derrière l’oppo-sition. «Si cela ne tenait qu’àlui, il partirait. Il est vieux et

fatigué. Mais dans son entourage, trop degens ont trop à perdre», constate encorel’ancien ami de Wade, déplorant unetelle fin de règne pour «un homme qui aété un leader politique brillant».Avec quel état d’esprit Wade abordera-t-il le second tour ? Alors même qu’ils’affichait vainqueur d’avance, laissantson fils Karim annoncer depuis Paris lescore attendu de 53%? Tard dans la nuitde dimanche à lundi, l’un de ses con-seillers a bien essayé de s’accrocher à ce

REPORTAGE

LE PACTE DE L’OPPOSITION«Tout sauf Wade». Tel est le motd’ordre lancé par les principauxopposants au président sortant quiont promis de s’unir derrière le candi­dat le mieux placé en cas de 2nd tour.Durant sa campagne, Wade a marteléque la victoire dès le 1er tour lui étaitpresque acquise et que le contraireconstituerait un sérieux revers.

REPÈRES

«Entendre parler de victoireau 1er tour est inadmissible.Cela aurait de gravesconséquences. […] Il nefaudrait pas encore bafouerla volonté du peuple.»Macky Sall principal opposant à Wade,hier

CASAMANCE

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tlant

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75 km

GUINÉE

MALI

MAURITANIE

GUINÉEBGUINÉEBGUINÉEB

Dakar

Sources : FMI et Pnud 2011

SÉNÉGALPopulationSuperficiePIB par habitant155e sur 187 sur l’indicateurde développement humain (IDH)

13,44 millions d’habitants196 700 km2

1 096 euros

60%C’est le taux de participationà l’élection présidentielle de diman­che, selon un chiffre encore provi­soire de la Commission électoralenationale autonome sénégalaise.

«La multitude de candidats a jouécontre Wade. Ils ont tous un fief oùils ont conquis la majorité des voix,ce qui a affaibli son score national.»Etienne Smith de l’université de Columbia

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 20128 • MONDE

Page 9: journal-liberation-28-2-2012

chiffre. Mais la tentative n’a pas eu desuite et lundi, tous les barons du régimeétaient aux abonnés absents. L’orgueildu Président l’a placé dans une positionhumiliante et inconfortable. Maisn’est-ce pas déjà cet immense ego quiavait contribué à lui aliéner son peuple?

«RENAISSANCE». Ouakam est une ban-lieue misérable de la capitale sénéga-laise où des immeubles inachevés enbéton nu semblent engloutis sous le sa-ble et la broussaille. L’opposition y a étéplébiscitée dimanche. Les habitantsn’ont pourtant qu’à lever les yeux versle ciel pour admirer les rêves grandiosesde leur Président: érigée par les Nord-Coréens, une immense statue –«la plusgrande du monde», affirme un guide lo-cal–, représente un couple avec un en-

fant, censés incarner «la renaissanceafricaine». «Elle a coûté 50 milliards defrancs CFA [75 millions d’euros. Elle estestimée en réalité entre 15 et 20 mil-lions, ndlr] . Elle est gérée par une fonda-tion dirigée par la fille du Président qui entire tous les bénéfices. Et nous, qu’est-ceque ça nous rapporte ? Rien !» souligneThierno, un comptable qui vit à Oua-kam mais n’a jamais eu l’occasion degrimper jusqu’au monument, en em-pruntant cet escalier interminablesymbolisant d’après lui «la souffrancedu peuple noir».Ses propres souffrances l’accablent as-sez et lui aussi a voté pour l’opposition:«Je n’ai plus peur des risques de violen-ces !» ajoute-t-il, bien décidé à «fairedégager Wade», dans l’espoir d’une«renaissance sénégalaise». •

L’ex-Premier ministre d’Abdoulaye Wade,devenu leader de l’opposition, est donnéfavori pour succéder à son ancien mentor.

La victoire du filspolitique, Macky SallV isage rond et petites lunettes,

vêtu d’une gandoura crème,Macky Sall semblait plutôt im-

passible en cette soirée qui consacraitpourtant sa première victoire. Alors queles Sénégalais venaient de le désignercomme le principal challenger d’Ab-doulaye Wade, dimanche, à l’issuedu 1er tour de l’élection présidentielle,le héros du jour, installé au premierétage de son QG de campagne dans unfaubourg de Dakar, ne montrait rien deson émotion.Et pourtant, c’est lui, plus qu’aucun desnombreux autres opposants en lice, quia réussi à mettre en ballottage le vieuxprésident qui, pendant toute la campa-gne, affichait un mépris profond pourses opposants, promettant de «leur fairemordre la poussière». Mais au soir dupremier tour, c’est bien le «Vieux» quisemble terrassé, se retrouvant au coudeà coude avec ce quinquagénaire affable,«terne et insaisissable» selon certains.«Macky Sall est en réalité un homme dis-cret qui a beaucoup appris en côtoyantAbdoulaye Wade», analyse MamadouMbodj, un psychologue qui a analyséles discours politiques des candidatssénégalais.Dauphin. Car avant d’être un oppo-sant, Macky Sall était un apparatchik.L’un des nombreux «fils» du vieux pré-sident, réputé pour choyer puis rejeterses plus proches collaborateurs. Sall ena fait l’expérience. Agé de 50 ans, il aainsi été deux fois ministre et même lePremier ministre, entre 2004 et 2007.Lors de la présidentielle de cette an-née-là, il fut même le directeur de cam-pagne de Wade, œuvrant alors pour lapremière réélection du «Vieux». «Enréalité, Macky Sall n’a pas eu vraiment letemps de s’imposer comme un dauphin,souligne Mamadou Mbodj. Mais en ob-servant le fonctionnement du Palais, il acompris l’intérêt de jouer les introvertis aurisque de paraître effacé.»S’il ne fut jamais tout à fait le dauphindésigné, le nouveau champion de l’op-position a bien été un fils politique. Ilprovoquera lui-même sa chute en osants’attaquer au fils biologique. En 2008,président de l’Assemblée, il convoqueen effet Karim Wade pour une enquêtesur des malversations financières. Maisle fils du chef de l’Etat est intouchable.Macky Sall s’attire aussitôt les foudres

présidentielles. Wade signe peu aprèsune réforme constitutionnelle qui ra-mène le mandat du président de l’As-semblée de cinq à un an. Exit Macky,sacrifié au nom du seul dauphin légi-time, le fils du chef. Mais l’homme dis-cret va utiliser son éviction pour prépa-rer son retour sur scène.Il n’est plus que le maire de Fatick, unepetite ville du sud du pays, mais il vamultiplier les tournées en province etdans le monde, où il s’attire les faveursde l’immense diaspora sénégalaise.«Parmi les immigrés sénégalais, il y abeaucoup d’hommes d’affaires qui ontréussi à New York comme à Londres ouJohannesburg. Leur soutien sera aussi fi-nancier», note Jean-Pierre Pierre-Bloch. L’ancien député UDF,aujourd’hui âgé de 73 ans, est le nou-veau mentor du challenger de Wade,même s’il récuse le titre de «sorcierblanc». Dans le QG de campagne, lesoir du premier tour, sa proximité avecle candidat est manifeste : l’ancienmaire adjoint du XVIIIe arrondissementest régulièrement accosté par des sym-pathisants qui tiennent à le remercierpour «ses conseils».Revanche. Il est vrai que ce fut la clé dusuccès de Macky Sall : alors que lesautres opposants se concentraient surle retrait de la candidature de Wade, ju-gée illégitime, en manifestant à Dakar,Macky Sall a sillonné le pays. CommeWade, il a commencé sa campagne dansla ville sainte de Touba, où il a été reçupar le khalife de la congrégation desMourides. Ne négligeant aucun soutien,Macky l’affable, vient donc de surgirsur la première marche du podium. Unerevanche aussi sur l’héritier officiel,Karim, qui n’a jamais réussi à se faireélire et qui, à force de favoritisme, acontribué au déclin de son père.

M.M. (à Dakar)

Le second tourde l’électionprésidentielle estprévu le 18 mars.PHOTO REBECCABLACKWELL.AP

AFP

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Philosophe, professeur à l’université de Rennes II

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 2012 MONDE • 9

Page 10: journal-liberation-28-2-2012

AGaza,dessalafistescorpsetarmes

regard de son interlocutrice, Abou Mo-hamed al-Maqdissi est moins disciplinéet ne peut s’empêcher de scruter avecattention la visiteuse. Abou Abdel al-Mohajer est le moins loquace. Il a reçurécemment un coup de fil qu’il estime

provenir du Shin Beth, lesservices israéliens de sécu-rité intérieure, le menaçant

d’être «le prochain sur la liste». Fin dé-cembre, un membre de Jound Ansar Al-lah, le groupe salafiste auquel les troisjeunes hommes sont affiliés a été tué à

Gaza en pleine rue, par une frappe del’aviation israélienne. Tsahal a accusél’homme d’avoir fomenté et réalisé «denombreuses attaques terroristes contre descitoyens et des militaires israéliens» etd’être impliqué dans les préparatifsd’une tentative d’attentat à la frontièreégyptienne.«Nous sommes traqués à la fois par le Ha-mas et par l’ennemi sioniste», commenteAbou Hass, qui a déjà expérimenté lesprisons du mouvement islamiste pales-tinien. Il a quitté les rangs du Hamas,comme de nombreux salafistes de Gaza,après la participation du parti aux élec-tions de 2006, lui reprochant de faire «lejeu de l’Occident» et parce que, depuisson arrivée au pouvoir l’année suivante,«il n’a pas appliqué la charia».

ÉNIGME. Pour faire vivre ses convic-tions, Abou Hass a choisi de rejoindreun des groupes salafistes jihadistes. Mi-noritaires dans le courant salafiste, leursfaits d’armes ont créé leur réputation.On compte cinq formations qui veulentimposer à Gaza leur agenda islamiquepar les armes: Jound Ansar Allah, l’Ar-mée de l’islam (Jaïch al-Islam), TawhidWal Jihad, Ansar al-sunna et Jaljalat.Entre plusieurs centaines et plusieursmilliers, le nombre de leurs membresreste une énigme. Aujourd’hui, ce sonteux qui sont responsables de la plupartdes tirs de roquettes contre Israël, fai-sant fi des trêves instaurées par le Ha-mas. L’Etat hébreu craint en outre leurdéveloppement dans la péninsuleégyptienne du Sinaï. Dans le petit terri-toire palestinien, ils entretiennent des

Traqués par Israël et le Hamas, ces groupesjihadistes sont soupçonnés d’être forméset financés par Al-Qaeda dans le Sinaï voisin.

Par AUDE MARCOVITCHEnvoyée spéciale à Gaza

I ls sont venus à trois. Habillés «àl’afghane», la tunique longue por-tée sur un pantalon ample, la barbeen collier et la tête cou-

verte, ils s’assoient dans unmême mouvement. Agés de21 à 23 ans, leur visage trahit une gênemêlée d’intense curiosité. Si Abou Hassal-Maqdissi répond aux questions enévitant soigneusement de croiser le

REPORTAGE

LE HAMASEn 1996, le Hamas avait refusé departiciper aux législatives desti­nées à élire le Conseil législatifpalestinien pour protester contreles négociations avec Israël –dontil ne reconnaît pas l’existence–, etnotamment les accords d’Oslosignés en 1993. Lors des électionslégislatives suivantes, en jan­vier 2006, le Hamas remporte unevictoire écrasante au Parlementpalestinien, obtenant 74 siègessur 132, loin devant le Fatah deMahmoud Abbas. Cette victoired’une organisation «terroriste» estconsidérée par les Occidentaux,particulièrement les Etats­Unis,comme un coup d’arrêt portéaux négociations avec Israël.En avril 2011, Fatah et Hamas ontsigné un accord de réconciliation,qui piétine depuis, en vue del’organisation d’élections généralesdans l’année.

REPÈRES

«On veut que nousreconnaissionsl’occupation israélienneet que nous abandonnionsla résistance, mais […]nous ne reconnaîtronsjamais Israël.»Ismaïl Haniyehle 11 février à Téhéran

Ismaïl Haniyeh, Premier ministredu mouvement islamiste palesti­nien Hamas à Gaza, a salué ven­dredi au Caire la quête du peuplesyrien pour «la liberté et la démo­cratie», officialisant ainsi sa rup­ture avec le régime de Bacharal­Assad, allié de longue date danssa lutte contre Israël.

«C’est soit la paix avecle Hamas, soit la paix avecIsraël, vous ne pouvez pasavoir les deux.»Benyamin Nétanyahou Premierministre israélien, à l’attentionde Mahmoud Abbas, président del’Autorité palestinienne, le 6 février

AshdodTel-Aviv

MerMéditerranée

ISRAËLÉGYPTE

LIBANLIBANLIBAN

JORDANIE

SYRIE

100 km

Cisj.

GazaRafah

SINAÏ

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 201210 • MONDE

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avons des contacts à l’international avecAl-Qaeda, insiste Abou Mohamed. Ilsnous entraînent, surtout pour nous ap-prendre à nous organiser, et, bien sûr, ilsnous financent.» Selon les membres deJound Ansar Allah, le désert du Sinaï

leur sert de base arrière où ils sont for-més dans des camps paramilitaires.«Pour nous et pour Al-Qaeda, le Sinaï estun objectif, ajoute Abou Mohamed. Nousy avons des cellules pour la logistique, letransfert d’argent et de matérielmilitaire.»Al-Qaeda à Gaza? En dépit des affirma-tions de ces jeunes salafistes jihadistes,l’éventualité que l’organisation islamiste

ait pris racine dans le territoire palesti-nien partage les observateurs. Aux yeuxdes officiels du Hamas, il est impossiblequ’Al-Qaeda soit présente d’une quel-conque manière sur le territoire que leparti contrôle d’une main de fer. Parmi

les Européens, l’hypothèsen’est pas exclue, mais, selonun diplomate, les groupes sa-lafistes qui s’activent à Gazapourraient aussi bien être fi-nancés par l’Iran. Depuis quele Hamas cherche une voie desortie pour sa branche politi-

que, jusqu’ici basée en Syrie, et déve-loppe son indépendance, Téhéran, fu-rieux, aurait diminué sa mannefinancière. L’argent désormais disponi-ble pourrait être mis à profit pour soute-nir d’autres types de mouvements, telsles salafistes jihadistes de Gaza. De leurcôté, les Israéliens attestent la présenced’Al-Qaeda à Gaza. Selon une sourceproche des services de sécurité israé-

liens, on retrouve la marque de fabriquede la nébuleuse islamiste dans le sys-tème d’organisation des groupes sala-fistes palestiniens. Mais, surtout, ilsconfirment l’existence de camps d’en-traînement dans le désert du Sinaï.

ZONE CONVOITÉE. Les Israéliensauraient observé des camps d’entraîne-ment dispersés dans le Sinaï. Ce vasteterritoire aride de près de 60000 km2,lieu de trafics en tout genre, que les for-ces de police égyptiennes contrôlaientavec difficulté du temps de HosniMoubarak, serait devenu le terrain pri-vilégié des groupes armés dans la ré-gion. A la confluence de l’Egypte, d’Is-raël, de la Jordanie et de l’ArabieSaoudite de l’autre côté du golfed’Aqaba, sa position centrale en fait unezone convoitée. Il pourrait devenir l’aired’affrontement des mouvements quicherchent à accroître leur influence ré-gionale. •

relations conflictuelles avec le Hamas,qui voit son hégémonie mise en ques-tion par leur présence et craint leur ca-pacité de nuisance dans les périodes desuspension des hostilités avec Israël. Leparti n’a d’ailleurs pas hésité à réprimerdans le sang la proclamation, enaoût 2009 d’un «émirat» islamique dansla ville de Rafah par des membres deJound Ansar Allah. Les affrontementsentre combattants salafistes et policiersdu Hamas avaient fait au moins24 morts.Désormais, à Gaza, les salafistes jiha-distes se terrent dans une semi-clandes-tinité. Ce qui n’a pas empêché, en avril,l’enlèvement puis l’assassinat d’un acti-viste propalestinien italien, Vittorio Ar-rigoni. Un acte perçu comme une ré-ponse à l’arrestation du dirigeant dugroupe Tawhid Wal Jihad par le Hamas.A côté des combattants, d’autres sala-fistes «quiétistes», selon l’expressionutilisée par le chercheur Samir Amghar,vivent à Gaza, y formant la majorité deces fondamentalistes de l’islam. Mais lesuns comme les autres jugent avec scep-ticisme la récente percée électorale deleurs coreligionnaires égyptiens ras-semblés dans le mouvement Al-Nour,et qui ont remporté 24% des voix pourleur entrée au Parlement.

OUMMA. Dans le camp de réfugiés deJabalyia, le chef des salafistes quiétis-tes, Ashraf Wadi, barbe fournie en col-lier, large calotte en partie dissimuléesous un foulard bédouin, nous reçoitface à une vaste bibliothèque. Ici sontrassemblées les œuvres des théoriciensdu salafisme et des Corans enluminés.«Il n’y a pas de différence de croyance en-tre nous et les salafistes en Egypte, expli-que cheikh Wadi. Mais, aujourd’hui, il ya une différence de vision. Ils participentà la vie politique et, pour nous, c’est unedéviation de la voie salafiste. Ce jeu politi-que vise à diviser le monde arabe et isla-mique.» Selon ce responsable salafiste,seul un Etat religieux permettra à la so-ciété de vivre au plus près des préceptesde l’islam. Du reste, le nationalisme pa-lestinien ne fait pas partie des conceptsadoptés par les salafistes, le but étant lareconstruction de l’Oumma islamique.Du coup, hors de question pour AshrafWadi de former un parti salafiste pourparticiper aux prochaines élections pa-lestiniennes qui devraient avoir lieu auprintemps.Malgré les divergences politiques, lescontacts avec les salafistes égyptiens sesont renforcés ces deux dernières an-nées. L’ouverture progressive du pointde passage de Rafah entre la bande deGaza et l’Egypte, puis l’allégement desmenaces policières sur les islamistesaprès la chute de Hosni Moubarak ontrapproché salafistes égyptiens et ga-zaouis. «Ils viennent nous rendre visite,ils financent des projets pour les pauvres.Dernièrement, ils ont envoyé des ambu-lances ici», décrit le religieux.Si le cheikh trouve ses références et soninspiration parmi les penseurs de l’is-lam, les salafistes jihadistes ont euxd’autres héros. Pour Abou Hass et sescamarades, le modèle à suivre, c’est Al-Qaeda. «C’est la voie de la justice, labonne voie de l’islam et du retour autemps des salafs [les compagnons duprophète Mahomet, ndlr]», expliqueAbou Hass. D’ailleurs, les jeunes gensaffirment être en lien avec les respon-sables de la nébuleuse terroriste. «Nous

Des combattantsdu groupesalafiste JoundAnsar Allah,à Rafah, prèsde la frontièreégyptienneen 2009. PHOTOSAID KHATIB. AFP

Aujourd’hui, ce sont les groupessalafistes jihadistes qui sontresponsables de la plupart des tirsde roquettes contre Israël, faisant fides trêves instaurées par le Hamas.

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LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 2012 MONDE • 11

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ÉTATS­UNIS Une fusillade quia éclaté hier dans la cantined’un lycée de l’Ohio a causéla mort d’un élève alors quequatre autres ont été bles-sées. Le tireur, un élève del’établissement qui a agiseul, a été appréhendé par lapolice.

ALLEMAGNE Le partiDie Linke honore BeateKlarsfeld. L’épouse del’avocat français Serge Klar-sfeld, dite la «chasseuse denazis», 73 ans, a été choisiehier par la formation d’ext-rême gauche comme can-didate à la présidence del’Allemagne.

CROISIÈRE Plus de1000 personnes étaient blo-quées lundi soir sur les pontsdu paquebot Costa Allegra, àla dérive après un incendie enplein océan Indien, au largedes Seychelles, moins dedeux mois après le naufragedu Concordia, navire appar-tenant à la même compagnie.

PAKISTAN Au moins septpersonnes ont été tuées et22 autres blessés hier dansun attentat visant une réu-nion de responsables provin-ciaux dans le nord-ouest duPakistan. C’est la troisièmeattaque de ce type en cinqjours dans cette région.

«[Les Occidentaux]devraient cesser defaire la danse duventre devant untuyau de gaz! Ilsdoivent parler hautet fort […] pourréclamer de vraiesréformesdémocratiques.»Mikhaïl Khodorkovskiex­magnat russe du pétroleemprisonné, qui a appelévendredi à voter pourun candidat «alternatif»à Vladimir Poutine.

33ansC’est la durée du règnedu président Ali AbdallahSaleh à la tête du Yémenavant de céder officielle­ment le pouvoir, hier, à AbdRabbo Mansour Hadi, seulcandidat, élu le 21 févrieravec 99% des voix.

Q uand le favori en est àtrembler dans sonpropre Etat, on finitpar se demander s’il

est bien encore… «favori».La très étrange primaire ré-publicaine de cette année enest arrivée là: Mitt Romney,jusqu’à ce jour considérécomme le mieux placé pourgagner l’investiture du partirépublicain aux présidentiel-les, est menacé ce mardi auMichigan, l’Etat où il est néet dont son père fut gouver-neur de 1963 à 1969. Les der-niers sondages le montrentau coude à coude avec RickSantorum, le champion desvaleurs chrétiennes qui seveut aussi le plus à l’écoutedes «cols bleus» dans ceberceau de l’industrie auto-mobile américaine.Aux millions de dollars deRomney, Santorum opposeses origines modestes de filsd’immigrés italiens, «grandiau milieu des aciéries» en

Pennsylvanie, un autre Etatindustriel. «Je ne suis pas issude l’élite», a fait savoir San-torum, qui porte, en campa-gne, des pulls débardeurs,censés faire populo.Santorum profite surtout desfaiblesses et bourdes deRomney: après avoir expli-qué qu’il «ne s’inquiète paspour les très pauvres», ce der-nier a lancé que sa femmepossède «deux Cadillacs»…Au Michigan, Romney se voitaussi rappeler une tribune si-gnée en 2008 et titrée «Lais-sez Detroit faire faillite» : ils’y opposait au renflouementpublic de General Motors,Chrysler et Ford, qui s’avèreavoir fait merveille.Heureusement pour MittRomney, le Michigan n’estpas seul à voter ce mardi. Lesprimaires auront lieu aussien Arizona où, là, Romneyest donné confortablementvainqueur (41% des inten-tions de vote).

Il n’empêche: pour affirmerson «leadership», Romney abesoin de victoires retentis-santes. La prolongation de labataille déporte le parti ré-publicain très à droite : cesderniers jours, Santorum afait porter le débat sur lacontraception ou la sépara-tion de l’Eglise et l’Etat, despoints qui semblaient acquispour la plupart des électeurset qui n’aideront pas le partià ratisser large aux électionsde novembre.Dans l’immédiat, le principalbénéficiaire de ces primairesrépublicaines est plutôt… Ba-rack Obama. Un récent son-dage pour l’université Geor-ge-Washington indiqueque 53% des Américains ontde nouveau une impression«favorable» de leur prési-dent, tandis que 37% seule-ment apprécient Romney.

De notre correspondanteà Washington

LORRAINE MILLOT

Etats-Unis:RomneymenaceRomneyPRIMAIRES Le républicain enchaîne les gaffes et faitle bonheur de l’outsider ultraconservateur Santorum.

Le juge espagnol BaltasarGarzón, accusé d’avoirenquêté sur les disparus dufranquisme, a été acquitté,hier, par le Tribunalsuprême de Madrid. Il étaitpoursuivi par deux organi­sations d’extrême droitequi lui reprochaient d’avoirenfreint une loi d’amnistiede 1977. Le 9 février, Garzónavait été condamné par lemême tribunal à onze ansd’interdiction d’exercerdans un autre procès con­cernant une affaire d’écou­tes illégales. PHOTO AFP

LE JUGE GARZÓNACQUITTÉ DANSUN SECONDPROCÈS

LES GENS

Mitt Romney et son épouse aux «deux Cadillacs», hier dans le Michigan. PHOTO J. SULLIVAN. AFP

En dépit des tractations diplomati-ques de ces derniers jours, la journa-liste française Edith Bouvier et lephotographe britannique indépen-dant Paul Conroy, blessés mercredidans le bombardement du centre depresse de Homs, en Syrie, n’ont puêtre évacués hier soir. NicolasSarkozy, invité de la radio RTL, sevoulait pourtant optimiste, annon-

çant hier qu’une «amorce de solution»était en train de s’esquisser pour fairesortir les deux journalistes. «Je neveux pas donner d’espoirs prématurésmais je pense qu’on va y arriver», a dé-claré, pour sa part, le ministre des Af-faires étrangères, Alain Juppé. Tra-vaillant pour le Figaro, Edith Bouviersouffre d’une sévère fracture du fé-mur, qui appelle «une urgence vitale»,

selon le chirurgien Jacques Bérès, co-fondateur de Médecins sans frontières(MSF) rentré de Homs vendredi. Rap-pelant que «même en France», la posed’un plâtre au fémur est une opéra-tion délicate, le chirurgien a indiquécraindre «un risque d’embolie grais-seuse parce que la moelle osseuse quigonfle peut entraîner une mort fou-droyante».

A RETOUR SUR LA JOURNALISTE FRANÇAISE, BLESSÉE, N’A PU ÊTRE ÉVACUÉE

Edith Bouvier toujours bloquée en SyriePar MARC SEMO

La Turquie maladede son Premier ministreconvalescent

F inalement, Recep Tay-yip Erdogan a repris sesactivités de Premier

ministre dans son bureaud’Ankara, vingt jours aprèsune seconde opération à l’in-testin en moins de trois mois.L’intervention effectuée le10 février était, selon le bul-letin de santé officiel, «pré-vue depuis le début» et mar-que «la fin du traitement». Lalongue parenthèse à la tête del’exécutif turc entamée le26 novembre avec l’ablationd’une partie de l’intestin duleader de l’AKP serait doncachevée. «La santé du Premierministre est très bonne», as-sure son service de presse,mais les images d’un Erdogancertes souriant mais vieilli etamaigri ont frappé l’opinion.

Depuis novembre, les Turcscomme les diplomates necessent de s’interroger sur lanature réelle du mal dontsouffre Erdogan, même si lesmédias, craignant les fou-dres de la justice, sont, surce point, aussi laconiquesque la communication gou-vernementale. «Cette mala-die a démontré encore une foisà quel point le leader de l’AKPconcentre désormais tous lespouvoirs: il incarne le gouver-nement, le parti et la représen-tation internationale du pays»,souligne Ahmet Insel, uni-versitaire et directeur de larevue Birikin. Depuis la pre-mière opération du leader del’AKP, la machine gouverne-mentale comme le parti aupouvoir depuis 2002 tour-nent au ralenti. Le silenceofficiel a nourri toutes lesrumeurs. Mi-janvier, le Pre-mier ministre s’est rendu à

l’émission télévisée du célè-bre journaliste Mehmet AliBirand, lui-même victimed’un cancer qu’il avait re-connu publiquement. Cedernier a posé crûment laquestion, Erdogan a répondusouffrir simplement «de pro-blèmes dans l’appareil diges-tif» et qu’on lui a enlevé despolypes.

Mais cela n’a pas suffi pourcalmer les esprits, d’autantqu’un affaiblissement physi-que durable de celui qui a étésurnommé «le nouveau sul-tan» bouleverserait toute ladonne politique. A commen-cer par les projets de réformeconstitutionnelle pour ins-taurer une république semi-présidentielle à la française.«Ce plan était taillé sur mesurepour Erdogan, qui ne veut pasfaire plus de trois mandats dePremier ministre et qui comp-tait passer la main en 2014pour devenir chef de l’Etat»,explique Menderes Cinar,professeur de sciences politi-ques et spécialiste de l’AKP.

La transition a, en fait, déjàcommencé, mais elle ne serapas simple, car aucun suc-cesseur ne s’impose dans ceparti tenu d’une main de ferpar son fondateur et qui n’aconnu, en dix ans d’exis-tence, que deux congrès. Pe-sant quelque 50% des suffra-ges, l’AKP est à la fois trèscentralisé et très composite,regroupant des islamistesmilitants, des libéraux ou deshommes d’affaires proeuro-péens. Erdogan en reste leciment et le patron absolu, etil semble plus que jamais ir-remplaçable. •

VU D’ANKARA

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 201212 • MONDEXPRESSO

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SAMEDI 3 MARS, AVEC LIBÉRATION

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Le 11 janvier, lors del’inauguration des locaux decampagne de FrançoisHollande. PHOTO SÉBASTIENCALVET

Hollanderemballelesprétendants

Le candidat a dû calmer les ardeurs decertains de ses proches, qui convoitent uneplace en cas de succès électoral.

Par LAURE BRETTONet MATTHIEU ÉCOIFFIER

O fficiellement, c’est motus et bou-che cousue. Le futur gouvernementde gauche du président Hollande?«Même dans les recoins du QG, on

n’en parle jamais», jure Aurélie Filippetti, chefdu pôle culture dans l’équipe Hollande 2012.Manuel Valls, le directeur de la com-munication, considère en revancheque «certains se voient déjà aux res-ponsabilités, oubliant que l’élection sera diffi-cile». Le candidat socialiste, lui-même, a dûcalmer les ardeurs de certains qui avaientlaissé filtrer leurs ambitions dans la presse.«Je leur ai dit individuellement: “On n’a pas ga-gné. Le gouvernement se fait selon le résultat”»de la présidentielle, confiait-il récemment enCorrèze, ajoutant que les Français détestentqu’on anticipe le résultat d’une élection.

CAILLOUX. Au passage, Hollande a fait savoirque les chefs de pôle n’hériteraient pas auto-matiquement du ministère correspondant àleur thème de campagne. Cela dit, le candi-dat sème quand même des petits cailloux de-puis une semaine. S’il est élu en mai, songouvernement comptera «une dizaine degrands pôles», dont un ministère qui regrou-pera «l’éducation, la jeunesse, les sports, la di-versité». Le nombre de collaborateurs minis-tériels sera limité à 10 maximum et lesministres n’auront pas le droit d’être mem-bres d’un exécutif local, a-t-il exposé dansle magazine Acteurs publics. Avant de s’enga-ger dans l’hebdo féminin Grazia à former uneéquipe gouvernementale contenant 50% defemmes. Une gageure pour celui dont le pre-mier cercle est majoritairement masculin etquinquagénaire.

SCORES. Dans son opus Changer de destin,Hollande aiguise les appétits individuels enassurant que, lui président, il ne se substi-tuera «pas aux ministères, qui exerceront toutesleurs compétences». Pour les ministrables, ils’agit donc de se faire valoir en travaillantdur dans la campagne. En le faisant habile-ment savoir, mais sans trop en faire et sur-tout sans se faire d’illusions. «Tout le mondea compris que Hollande n’était pas du genre à

se laisser enfermer dans une logique de nomi-nation. Ils se tiennent tous à carreau», observeune dirigeante du PS. Pour un fidèle de Hol-lande, «les places au gouvernement vont êtretellement chères et il y a tellement de candidatsque la question, c’est : “Qu’est-ce que tu ap-portes ?” Connaissant François, je sais que leschoix seront politiquement intelligents. Il ne faitpas primer ses amitiés». D’autant qu’il lui

faudra tenir compte des scores depremier tour des autres partis degauche, écologistes, communistes

et radicaux.Avec ces données en tête, «Vincent Peillon etLaurent Fabius s’activent sur des schémas»,assure un eurodéputé. Pour Ségolène Royal,qui goûte peu la langue de bois et ne fait pasmystère de ses ambitions (lire ci-contre), lessocialistes ne sont «pas là pour se répartir lespostes». «Il faut bien organiser la répartitiondes responsabilités pour être prêt, ce n’est paschoquant», expliquait il y a peu à Libérationl’ex-candidate présidentielle. •

ENQUÊTE

Pas question de se mettre au niveaudes «outrances» de Nicolas Sarkozy.«Il suffit de le ramener à ce qu’il n’apas fait ou mal fait», a déclaréFrançois Hollande, hier, lors del’émission «Paroles de candidat» surTF1. «La politique appelle desattaques. Je les reçois avecrésistance et sérénité», a expliqué lesocialiste, défendant sa compagne(lire p. 16). Il a égrené sespropositions fédératrices (contratde génération, blocage pendanttrois mois du prix de l’essence). Etfait une annonce surprise: «Au­dessus d’un million d’euros derevenu par an, le taux d’impositionsera de 75%.» «Il faut agir dans lacohérence, pas dans l’effetd’annonce ou la fuite en avant. […]Je m’adresse aux Français sur labase de mes 60 propositions.» M.É.

HOLLANDE, SE VEUTRÉCONCILIATEUR SUR TF1

Du solide à Matignon, maisen évitant la cohabitation

L e poste est alléchant mais, vu lasituation du pays, casse-gueule.«Je rétablirai dans toute sa dimen-

sion la fonction de Premier ministre», ré-pète François Hollande. Une chose estsûre: Hollande qui n’a jamais siégé dansun gouvernement a besoin d’un poidslourd à Matignon. Des noms circulent.Favorite dans les sondages, MartineAubry, «d’une présence et d’une loyautéirréprochables» dans la campagne, dixitHollande, présente l’avantage de «cou-vrir à gauche un champ que Hollande n’apas», reconnaît un proche du candidat.Et celui d’être une femme. Mais son ca-ractère fait craindre à certains une «co-habitation intérieure» qui pourrait tendreles relations avec l’Elysée. Un hollan-dais: «Ils ne peuvent pas se souffrir, n’ontaucun atome crochu.» Pas plus qu’avecLaurent Fabius. Hollande a pourtant en-censé sa contribution à la campagne à

Rouen mi-février, soulignant qu’il en«aurait besoin davantage après l’élec-tion». Une hypothèse qui hérisse lesplus jeunes. «Avec Fabius, tu envoies lesignal que depuis trente ans le PS n’estsusceptible de fournir qu’un seul Premierministre», se désole un chef de pôle.Il y a Pierre Moscovici qui, selon un pro-che, «se rêve un destin à la Fillon : le di-recteur de campagne qui passe à Mati-gnon». Mais «François a toujours dit: “lePremier ministre émerge pendant la cam-pagne” et Mosco n’a pas émergé», tacleun hollandais. Et il y a les fidèles des fi-dèles: Michel Sapin –«c’est le plus pro-che. L’homme du projet, celui qui fait lajointure entre Mitterrand et Rocard», rap-pelle un dirigeant– et Jean-Marc Ay-rault – «c’est le Pierre Mauroy de Hol-lande. C’est la gauche populaire, prochedes gens», selon une députée. Choix ras-surants mais à la limite du clonage. •

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 201214 • FRANCE

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Les clés de Solférinoou les joies de la vie de bureau

D ans l’agenda des socialistes, les moisde mai et juin sont soulignés de rougepour la présidentielle et les législati-

ves, mais les esprits sont presque autanttournés vers l’automne et le prochain con-grès du PS. Que Hollande gagne ou perde, leparti changera de dirigeant puisque MartineAubry, qui dirige le PS depuis 2008, ne cacheà personne qu’elle ne rempilera pas pour undeuxième mandat. «La seule chose qui estclaire, c’est que je ne serai plus première secré-taire à l’automne prochain. Ça, je peux vous direune chose: c’est non», a-t-elle assuré à Libé-ration mi-février. Mais, prédit-on dans l’en-tourage de Hollande, «elle voudra à coup sûrconserver un pouvoir au sein du PS». Alors quiaprès Aubry ? Deux hommes disent avoirmieux à faire – Vincent Peillon, qui espèreentrer au gouvernement, et Benoît Hamon,concentré sur son élection à l’Assemblée–,et deux autres sont très officiellement inté-ressés par le job – Harlem Désir et Jean-

Christophe Cambadélis. «Je n’ai jamais cachéque ce rôle important m’intéressait. Ce n’est pasun lot de consolation parce qu’on n’est pasnommé ministre», explique le premier, qui adéjà été premier secrétaire par intérim pen-dant la primaire. «Je me suis fixé sur le parti,j’y reste», réplique le second, qui connaîttoutes les arcanes du PS depuis trente ans. Detoute façon, grince une secrétaire nationale,le premier secrétaire, «ce sera un ectoplasmeet, en termes d’ectoplasme, il y en a un qui estplus fort que l’autre».En entrant à l’Elysée, François Mitterrandavait fait élire à la tête du PS Lionel Jospin, quiavait adoubé François Hollande en partantpour Matignon. D’autres noms affleurent:Bruno Le Roux, Jean-Pierre Bel ou Jean-MarcAyrault, si Hollande décidait d’appuyer l’unde ses proches. Voire Pierre Moscovici: «Si leprésident lui dit: “Tu seras le patron de la gau-che”, je le vois mal refuser», glisse un membrede l’équipe de campagne. •

Deux éléphants au balconlorgnent le Perchoir

L a présidence de l’Assembléenationale, c’est bien la seulebataille socialo-socialiste qui

se déroule au grand jour. Au moinsdeux personnalités ont fait con-naître leurs envies de Perchoir :Ségolène Royal et, la semaine der-nière, Jack Lang. A défaut d’être lapremière femme présidente de laRépublique, l’ex-candidate àl’Elysée se verrait bien à la tête dela première Assemblée de gauchedepuis 1997. «La fabrication de laloi, la gestion des groupes politiquespar rapport aux décisions de l’exé-cutif, oui bien sûr, c’est ça qui m’in-téresse», a-t-elle confié à Libéra-tion. Problème: Hollande, qui dità longueur de discours qu’il veutrevaloriser le Parlement, peut-ilcommencer son quinquennat enimposant une nomination à l’As-

semblée alors que Royal ne dis-pose pas de soutiens suffisants ausein du groupe parlementaire so-cialiste pour être élue. «C’estignorer le fait présidentiel : si Hol-lande est élu, tous les députés seronthollandais et approuveront seschoix», fait valoir un de ses pro-ches. Si la gauche passe, la prési-dence du groupe socialiste seraégalement un enjeu, un poste queviserait le député de Seine-Saint-Denis Bruno Le Roux, un très pro-che du candidat. «Les hollandaisveulent penser qu’ils se suffiront àeux-mêmes, mais on sait tous quec’est une fiction», lâche un députéd’une autre chapelle. Enfin, beau-coup verraient d’un bon œil l’ex-strauss-kahnien Jean-Jacques Ur-voas accéder à la tête de la puis-sante commission des lois. •

Jeunes pousses etvieux briscardsdevant les ministères

C rise oblige, le gouver-nement élaboré parFrançois Hollande avec

son futur Premier ministredevra faire du neuf tout enétant solide. A Bercy, au mi-nistère des Finances, «ce serales recalés de Matignon. SoitPierre Moscovici, Michel Sapinou peut-être Jérôme Cahu-zac», actuel président de lacommission des finances àl’Assemblée, indique un res-ponsable socialiste. AlainRousset, président PS de larégion Aquitaine, convoitel’Industrie. A l’Intérieur,Manuel Valls est en compéti-tion avec François Rebsa-men. «Les deux ont la con-fiance de Hollande et en ontenvie. Celui qui a le plus dechances, c’est Valls car il a lagueule de l’emploi», expliqueun député PS. «Rebsamen,c’est l’ami rugueux de tou-jours. Le problème, c’est qu’ilconnaît plus les flics que la po-lice», note cependant unautre parlementaire. Le nomde Claude Bartolone émergeaussi : «Il a déjà été ministre,il a du sang-froid et l’expé-rience des banlieues.»Aux Affaires étrangères,«Fabius fait le forcing. Moscoet Delanoë sont un secondchoix», analyse un dirigeant.A la Justice, le sénateur An-dré Vallini et l’avocat Jean-Pierre Mignard se tirent labourre, mais Arnaud Monte-bourg, avocat de formation,n’a pas dit son dernier mot.Au rayon Education, Vincent

Peillon semble, de l’avis deplusieurs, «une évidence».Parmi les hollandais histori-ques, Jean-Yves Le Drian etStéphane Le Foll sont respec-tivement annoncés aux mi-nistères de la Défense et del’Agriculture. Marisol Tou-raine pourrait prendre la têtede celui des Affaires sociales.«Elle a réussi à se rendre in-contournable», jalouse uncollègue. Sous sa houlette,Jean-Marie Le Guen pourraitse voir confier la Santé.Parmi les «femmes qui s’im-posent naturellement», dixitun ténor, il y a aussi DelphineBatho et, chez les grandesélues, Valérie Fourneyron, lamaire de Rouen qui fait auto-rité sur le monde du Sport.Chez les jeunes pousses, ontrouve Najat Belkacem,Aurélie Filippetti, Bruno Jul-liard, Fleur Pellerin et Ma-nuel Flam. La nomination deCécile Duflot à la tête d’unministère du Développementdurable comprenant le loge-ment et les transports –voirel’industrie– permettrait defaire d’une pierre troiscoups: intégrer les écologis-tes, rajeunir et féminiser legouvernement.Parmi les écologistes, sontaussi cités Jean-VincentPlacé, Yannick Jadot et Fran-çois de Rugy. Chez les radi-caux: Jean-Michel Baylet etChristiane Taubira. Et, dansla sphère communiste, Ro-bert Hue ou André Chassai-gne sont évoqués. •

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 2012 FRANCE • 15

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François Hollande a globalement bienchiffré les dépenses nouvelles prévuesdans son projet: c’est un think tanktrès libéral, l’Institut Montaigne, quile dit. Seul bémol: le coût des emploisd’avenir aurait été sous-estimé. Selonles experts, la dépense serait en effetde 3,5 milliards d’euros et non de2 milliards. Mais d’autres proposi-tions, notamment les 60000 postes

dans l’éducation, sont un peu suresti-mées (1,9 milliard au lieu de 1,7). Pourle reste, les erreurs d’évaluation sont«marginales». A l’arrivée, estime cecercle de réflexion fondé par le prési-dent d’honneur du groupe Axa,Claude Bébéar, le coût global du pro-gramme du candidat socialiste seraitde 16,3 milliards au lieu des 15 mil-liards annoncés.

Il ne peut donc «pas être accusé d’avoirminimisé le coût de son projet», expli-quait hier le quotidien les Echos, par-tenaire de cette évaluation. L’InstitutMontaigne, dans le cadre de cetteopération de chiffrage des program-mes des principaux candidats, évalueà 5 milliards le coût des mesures pourles retraites de Hollande, contre33 milliards pour celles de Mélenchon.

B VRAI­FAUX L’INSTITUT LIBÉRAL A VÉRIFIÉ LE COÛT DE SON PROGRAMME

Les chiffres de Hollande adoubés par Montaigne

SÉNAT La socialiste Marie-Noëlle Lienemann voteraaujourd’hui contre le Mécanisme européen de stabilité:

«Faisonsattentionànepasdiviserlagauche»

A près les dé-putés, lessénateurs

se prononcentaujourd’hui sur leMécanisme euro-péen de stabilité(MES). Doté de500 milliards d’euros, ce dis-positif doit remplacer en 2013le Fonds européen de stabilitéfinancière (FESF) et venir enaide aux pays de la zone euro.La semaine dernière, les dé-putés PS avaient choisi des’abstenir. Ils refusaient quele MES soit lié au futur traitéde discipline budgétaire queFrançois Hollande veut rené-gocier. Seuls 16 d’entre eux(dont Henri Emmanuelli etJulien Dray) ont voté contre.Au Sénat, où la gauche estmajoritaire, la plupart dessocialistes devraient aussis’abstenir, ce qui permettral’adoption du texte. SénatricePS de Paris, Marie-NoëlleLienemann votera contre.Pourquoi ce choix?Le MES est une illusion. Il liele déblocage de l’aide auxpays en difficultés à la ratifi-cation du traité «Merkozy»

qui nous imposel’austérité. Il fautrejeter tout le pa-quet.Mais vos camara-des ont opté pourl’abstention…Il y a toujours eu

deux stratégies au sein duPS: d’un côté, ceux qui veu-lent dire non pour acter uncoup d’arrêt. De l’autre,ceux qui ne veulent pas blo-quer les institutions euro-péennes. Nous avons déjà euce débat en 2005 [lors duréférendum sur le traité consti-tutionnel européen qui avaitdéchiré les socialistes, ndlr].Mais, cette fois-ci, personnen’est pour! Tout le monde estdans une perspective derenégociation du traité.J’aurais préféré que la majo-rité vote non et que la mino-rité s’abstienne. C’est l’in-verse. Mais ça n’a rien dedramatique.Le chef du PCF, Pierre Lau-rent, a demandé hier à lagauche de s’engager à propo-ser un référendum sur l’UE sielle gagne. Vous le suivez?Par principe, je suis pour que

les questions sur l’UE quitouchent à la souverainetésoient tranchées par le peu-ple. Mais ne nous tromponspas d’échéance… Il ne fautpas mettre le couteau sous lagorge de François Hollande.Le Front de gauche veut sou-mettre le MES au Conseilconstitutionnel avant le Sé-nat. Allez-vous les aider?Je n’apporterai aucune si-gnature à une initiative autreque celle de mon groupe. Enrevanche, soumettre le texteau Conseil constitutionnel aposteriori, c’est autre chose.Pour la première fois, untraité européen sera ratifiésans son avis préalable. Or, ily a un doute sur sa constitu-tionnalité: le plafond du MESpourra être augmenté sansconsultation des parlementsnationaux. C’est une atteinteà la souveraineté budgétaire.Mais, dans cette période, fai-sons attention à ne pas divi-ser la gauche. La premièreurgence est de changer demajorité pour pouvoir rené-gocier le traité.

Recueilli parLILIAN ALEMAGNA

Au Palais Bourbon mardi, les députés PS s’étaient presque tous abstenus. JEAN­MICHEL SICOT

«L’oscar du meilleur second rôle dans unesérie B dans laquelle le ticket de métro est à4 euros est décerné à NKM pour “Lescadeaux aux riches ces dernières annéesont été faits par la gauche”.»Benoît Hamon porte­parole du PS, citant NathalieKosciusko­Morizet, porte­parole de Nicolas Sarkozy

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La compagne de FrançoisHollande n’a pas du toutapprécié que NicolasSarkozy, invité hier de RTL,fasse allusion au fait qu’elleanime une émission surDirect 8, chaîne du groupeBolloré. Interrogé sur sesamitiés au sein du CAC40,Nicolas Sarkozy a répliquéen citant les grandspatrons Pierre Bergé ouMatthieu Pigasse, amis etfinanciers de la gauche.«Est­ce moi qui travailledans le groupe de M. Bol­loré? Personne n’a d’émis­sion dans le groupeBolloré?» a­t­il ajouté.Manifestement, NicolasSarkozy «ne sait pas cequ’est le journalisme indé­pendant», a aussitôt réagi,sur son compte Twitter,Valérie Trierweiler. Dansl’après­midi, Jean­PierreRaffarin s’est désolidarisédu président de la Républi­que, estimant qu’il ne fallait«jamais attaquer les per­sonnes». Et le soir, sur TF1,François Hollande a repro­ché à Nicolas Sarkozy de«s’en prendre à une journa­liste indépendante parcequ’elle est ma compagne»,ajoutant que cela manquaitselon lui «d’élégance».PHOTO AFP

VALÉRIETRIERWEILERTACLE SARKOZY

LES GENS

257317messages citant MarineLe Pen ou Jean­LucMélenchon ont été échan­gés sur Twitter pendantl’émission Des paroles etdes actes diffusée endirect jeudi soir surFrance 2. Un record pourcette émission.

AFP

Par CÉDRIC MATHIOT

Le mauvais calculdu professeur Sarkozy

E ntre Hollande etSarkozy, le match desamabilités se poursuit

de plus belle. Invité hier ma-tin sur RTL, Nicolas Sarkozys’en est violemment pris àFrançois Hollande et ses pro-positions sur l’éducation. «Jesuis effaré, a-t-il dit, qu’onpuisse dire avant même decommencer la discussion surl’école, qu’il faut créer60 000 postes de plus. C’estvraiment la démagogie dans cequ’elle a de plus extravagant.Ecoutez, les chiffres sont inté-ressants : il y a un peu plus de400000 élèves de moins dansl’éducation nationale depuisdix ans, et il y a 45 000 profsde plus. S’il suffisait d’embau-cher des profs pour que l’écolefonctionne et que les profssoient heureux, on auraitl’école qui fonctionne le mieuxau monde et les profs les plusheureux au monde.»

Combien d’élèveset de professeurs ?Une charge à laquelle le PSs’est fait un plaisir de répon-dre. Dans un communiquévengeur, Vincent Peillon,chargé du pôle «éducation»

dans l’équipe Hollande, a dé-noncé les chiffres «totalementfantaisistes» du Président.Même Lionel Jospin a réagi,déplorant que le Président«ait tendance à grossir deschiffres ou à les diminuer, àfaire des citations inexactes ouinventées». Et si l’on se fieaux statistiques du ministère,le nombre d’élèves n’a pasbaissé de 400000 depuis dixans mais de 146700. Concer-nant les professeurs, leurnombre a baissé de 20795…et pas augmenté de 45000.

Quelle basede comparaison ?Dans l’après-midi, l’état-major de Sarkozy a rectifié,évoquant une langue qui«fourche»: «Il voulait dire de-puis vingt ans et non depuisdix ans». Il semble que lePrésident se soit emberlifi-coté dans un élément de lan-gage de l’UMP. Luc Chatel,ministre de l’Education, acoutume de répéter qu’il y a«35 000 professeurs de plusqu’au début des années 1990,alors que l’on compte500 000 élèves de moins».Depuis vingt ans. Pas dix.•

DÉCRYPTAGE

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 201216 • FRANCEXPRESSO

Page 17: journal-liberation-28-2-2012

Jean-PaulDelevoye,rétropédalagederaisonL’ex-ministre UMP, qui reconnaît avoir découvert la réalité sociale en étantMédiateur de la République, juge sévèrement la campagne présidentielle.

L’ ami public numéro 1 s’estmué en sniper. Médiateurde la République pendantsept ans (2004-2011), pré-

sident du Conseil économique, so-cial et environnemental (Cese) de-puis l’automne, Jean-Paul Delevoyeobserve la campagne présidentiellepersuadé «qu’elle n’est pas à la hau-teur des enjeux. Concernant Sarko, laquestion, c’est “j’aime-j’aimepas”. Pour Hollande, l’hésita-tion porte sur la crédibilité deson projet, mais personne ne se de-mande: “Un projet pour quoi faire?”Et Marine Le Pen ne fait que porter larésonance de la souffrance, c’est leracisme d’assiette».Tout autant que sa liberté de parole,sans contrainte de «on» et de«off», la carrière de Delevoye estassez insolite. Bien qu’élu munici-pal, président de l’Association desmaires de France (1992-2002), sé-

nateur puis ministre de la Fonctionpublique (2002-2004) sous Raffa-rin, l’homme n’avait pas vraimentfait parler de lui. Il a fallu unephrase à la une du Monde, en fé-vrier 2010, pour le propulser dansla lumière : «Cette société est engrande tension nerveuse, comme sielle était fatiguée psychiquement.»

BOUCLE. A posteriori, cela ne sem-ble pas extraordinaire. Mais, sur lemoment, le constat est repris en

boucle. Et cela continue.Universités d’été, colloques,invitations par des associa-

tions, des intellectuels, des entre-prises, Delevoye répète sa crainted’une explosion civique et sociale.«Je crois que le constat est rentrédans les têtes, tout le monde a lemême ressenti.» A la mi-janvier, ila publié un livre au titre évocateur:Reprenons-nous !Delevoye, c’est l’histoire d’une ré-vélation sur le tard. A 65 ans, ilavoue qu’avant il croyait «qu’on

pouvait changer la politique de l’inté-rieur». «Maintenant, je crois quec’est lorsqu’on est à l’extérieur.» Ilpense avoir trouvé sa place: «Je suisdavantage un homme de missionqu’un homme de pouvoir.» Exercicede rétropédalage pour ce gaulliste

plongé dans la politique de-puis 1982, et son premier mandat demaire de Bapaume (Pas-de-Calais).«Le poste de Médiateur de la Républi-que m’a fait découvrir une société queje ne connaissais pas»: c’est dit sansregret, mais combien d’élus admet-

traient cette méconnaissance?Delevoye votait des lois sans savoirsi elles seraient appliquées, voyaitquand même des gens dans sa per-manence, «mais c’était trop localisé,on n’a pas de vision globale». Sontravail de terrain à la médiature luia permis de prendre plein de choses«en pleine poire», une expressionqu’il utilise souvent. Il a pris «enpleine poire la violence des rapportshumains», «l’insouciance des élites»,«l’angoisse du déclassement». Il adévoré études et rapports, en citeune sur l’évolution du taux de sui-cide depuis 1850. Le politique a dé-couvert que, derrière les chiffres, ily a des individus. Il est rentré dansla vraie vie, et s’y sent à sa place.Comme tous les lieux de pouvoir, leCese offre un confort qui ne res-semble pas à la vraie vie. Un vastebureau, un ascenseur intérieur des-servant un immense salon-salle àmanger, baigné ce jour-là de soleil.Le président semble assez insensi-ble à cet apparat, et cela ne date pasd’aujourd’hui. En 2004, Libérationracontait le jour où Delevoye, ve-nant d’apprendre qu’il quittait legouvernement, avait aussitôt prisle métro, où un clochard l’a apos-trophé: «Dis donc, toi, tu serais pasancien ministre, pas vrai ? C’est ça,la vie, un jour t’es ministre, un jourt’es dans le métro !»

CHAUFFEUR. Il y a peu, il a réglé surses deniers des petits-déjeunerspris sur ses terres du Pas-de-Calais.«Les secrétaires n’en sont toujourspas revenues», raconte son directeurde cabinet, s’amusant aussi du jouroù le chauffeur de Delevoye s’estalarmé du choix d’une Espace desept places –qui permettait de nepas prendre deux véhicules– pourse rendre à l’Elysée. «Notre crédit,c’est l’exemplarité», assène Dele-voye. Il a adoré le directeur de cabi-net dans l’Exercice de l’Etat, «car ilse tire à partir du moment où il n’estpas d’accord avec son ministre».Jean-Paul Delevoye se répète unpeu dans son livre. Certains cons-tats semblent évidents, mais ilscollent souvent à l’air du temps. Lethème des classes moyennes, desinvisibles, est dans la campagne :«Je pense aux hommes et aux fem-mes tellement usés par leur proprequotidien qu’ils ne revendiquent plusrien. Ils rasent les murs. [C’est] laFrance des invisibles», écrit-il. Iloppose «démocratie d’opinions à dé-mocratie d’émotions», s’attardelonguement sur l’avenir des jeunes,s’inquiète «d’une République con-sommable» ou «d’une archipélisa-tion de la société», appelle «à réin-venter le débat politique, transformerles citoyens en coproducteurs du fu-tur». On croirait entendre les can-didats en campagne.«Je n’invente rien, j’observe», relati-vise celui qui, tout en tweetant,rêve d’une politique qui reprendraitla mesure du temps. Il assure qu’ilsera toujours au Cese en 2015, auterme de son mandat. «Chirac medisait souvent : “Tu m’emmerdes, tune demandes jamais rien.” Et c’estvrai que je n’ai jamais rien demandé.»Ce qui ne l’a pas empêché d’accep-ter certaines propositions. •

Par FABRICE TASSELPhoto FRÉDÉRIC STUCIN. MYOP

RÉCIT

Jean­Paul Delevoye dans son bureaudu Conseil économique, social etenvironnemental, le 14 février.

REPÈRES

Jean­Paul Delevoye a été le Médiateurde la République de 2004 à 2007. Mairede Bapaume (Pas­de­Calais), il a étésénateur, député et ministre. Il préside leConseil économique, social et environ­nemental. Il a publié en janvier Repre­nons­nous! (éd. Tallandier).

«Ce que déplorentles Français, c’estun cynisme politiquedécourageant, clivantet hypocrite.»Extrait de Reprenons­nous!

45%des Français, entre 35 et44 ans, disent avoir déjà vécuune situation de pauvreté(cité dans Reprenons­nous!).

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 2012 FRANCE • 17

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C’ est presque le retourau calme dans lesservices d’urgences

des hôpitaux de France. Lasemaine dernière, avec lamontée en puissance de lagrippe, l’ambiance a été agi-tée: brancards dans les cou-loirs, longues attentes pourdes personnes souventâgées, personnels épuisés, etnombreuses annulations deshospitalisations program-mées. «L’hôpital est au bordde la crise de nerfs», s’estmême emporté, ce week-end l’Association des méde-cins urgentistes de France(Amuf).Poussée de fièvre. Au-jourd’hui à Paris, ce n’estplus la grippe, mais la nomi-nation du professeur Phi-lippe Juvin aux services desurgences de l’hôpital euro-péen Georges-Pompidou quiprovoque une poussée de fiè-vre. Hier, une lettre ouvertea été adressée à la directricegénérale des hôpitaux de Pa-ris, signée entre autres parPierre Faraggi, président dela Confédération des prati-ciens des hôpitaux ; AnneGervais, membre de la com-mission médicale d’établis-sement des hôpitaux de Pa-ris ; Bernard Granger,secrétaire du Mouvement dedéfense de l’hôpital publicou encore le professeur An-dré Grimaldi, président duMouvement de défense del’hôpital public.Les propos sont violents: «Ilne vous a pas échappé que lanomination de Philippe Juvin àla tête du service d’accueil des

urgences de l’hôpital européenGeorges-Pompidou créait cequ’il faut bien appeler unscandale dans l’institution quevous dirigez. Nous vous de-mandons que cesse cette si-tuation… Monsieur PhilippeJuvin exerce des mandats élec-tifs, sans aucun rapport avecses activités professionnellesde professeur des universités-praticien des hôpitaux.» Et lessignataires de demander uneenquête de l’Inspection gé-

nérale des affaires sociales.Les urgences de Georges-Pompidou sont certes im-portantes (51 000 patientspar an, près de 140 par jour),mais depuis sa création, ceservice marche mal, avec desdysfonctionnements récur-rents, alors que l’hôpital estsupposé être le plus modernede France. «Depuis des an-nées, on dénonce les conditionsinadmissibles de prise encharge des patients», ont ra-conté à Libération, à plu-sieurs reprises, les deux re-présentants des usagers auconseil d’administration dePompidou. L’ancien chef deservice étant critiqué pourson manque de capacité or-ganisationnelle. Questionannexe: pourquoi les signa-taires de l’appel ne l’ont-ilspas lancé plus tôt, pour dé-noncer par exemple le très

mauvais état du service ?«J’ai été nommé après un longprocessus de deux ans», ré-torque, de son côté, le nou-veau promu, le professeurPhilippe Juvin. «A l’hôpitalBeaujon dont je viens, tout lemonde reconnaît que le servicemarchait bien. Là, je me suisengagé à réduire les tempsd’attente pour les patients auxurgences, et à améliorer laqualité. J’ai une feuille de routetrès claire. Et je ferai un bilan

dans un an, dit-il,avant de concé-der : Mais c’estexact, je mène àcôté mes activitésd’élu et de respon-sable politique.Mais je ne suis pas

le seul dans ce cas. Chez lesprofesseurs, c’est répandu.Reste que moi, je n’ai pas degros secteur privé comme cer-tains de ceux qui me dénoncentdans cet appel.»Député. Sur le papier, il y a,il est vrai, quelque chosed’étonnant dans le cumul detâches de Philippe Juvin. S’ilest reconnu comme un bonprofessionnel, l’urgentisteest également député euro-péen, maire de La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine),et responsable des questionsde santé à l’UMP. Bref, unemploi du temps bienchargé. «Il faut savoir s’orga-niser», répète-t-il. «On vavoir», réagit le chef de ser-vice de gériatrie de l’hôpitalPompidou. «De toute façon,cela ne peut pas être pirequ’avant.»

ÉRIC FAVEREAU

Uncheftroppolitiquepourl’hôpitalPompidouSANTÉ La nomination à la tête des urgences de l’éluUMP Philippe Juvin provoque une levée de boucliers.

L’hôpital européen Georges­Pompidou, à Paris. PHOTO PATRICK TOURNEBŒUF. TENDANCE FLOUE

MAYOTTE Un collégien de17 ans a été poignardé à morthier dans l’enceinte d’un ly-cée de Mayotte après avoirété poursuivi par six jeunesgens placés en garde à vue.

VIOLENCES Un décret duministère de la Justice per-met, à titre expérimental, lamise en œuvre, à compter delundi, des bracelets électro-niques destinés à maintenirà distance les conjoints vio-lents.

DROGUE Cinq membres pré-sumes d’un réseau alimen-tant une cité du XXe arron-dissement de Paris ont étéinterpellés samedi, et 2,5kgde cocaïne ont été saisis, se-lon la préfecture de police deParis.

FOULARD Une enfant de septans a été retrouvée penduedans sa chambre, hier matin,dans le Gard, étranglée parun foulard. La piste acciden-telle est privilégiée.

«Les documents[sur les écoutesdes journalistesdu Monde] ont étédéclassifiés ettransmis à la juge.Comme d’habitude,nous avons suiviles avis de laCommission dusecret de la défensenationale.»Les services de Matignon

Il y a eu, ce week­end, la croix gammée, les symbolesnazis et un autocollant islamophobe sur la façade de lamosquée d’Escaudain, dans le Nord. Deux semaines plustôt, ce sont des inscriptions insultantes à l’égard du cou­ple présidentiel qui avaient été relevées sur un mur del’église de la commune, comme des tags: «Vive le Maroc»et «Mort aux blancs». «Le climat délétère qui règne enFrance n’est certainement pas étranger dans cettefuneste recrudescence, a sévèrement écrit le Collectifdes musulmans de France (CMF), dans un communiqué.La campagne électorale et les dérapages réguliers sur lefait musulman qu’elle provoque ne font que jeter de l’huilesur le feu.» Selon le CMF, «les commanditaires des deuxagressions sont les mêmes et leur objectif minable est demonter les communautés les unes contre les autres pourprécipiter une forme de guerre civile». Le collectif a renduhommage aux fidèles chrétiens et musulmans «ainsi qu’àtous les humanistes de la ville d’Escaudain» qui se sont«joints dans un élan de solidarité exemplaire».

TAGS NAZIS ET MANIPULATIONISLAMOPHOBE DANS LE NORD

L’HISTOIRE

«Un taux de satisfactionridiculement bas: 30%!Dans nos précédentesenquêtes sur la SNCF, lapolice, La Poste ou encoreles médecins, jamais nousn’avions constaté un scoreaussi médiocre», écriventles journalistes deQue Choisir qui consa­crent leur numéro de marsà une enquête sur la jus­tice. Quelque 4000 deleurs abonnés y ontrépondu. «Les justiciablesont généralement le senti­ment d’être passés dansune machine dont ils n’ontpas compris tous les roua­ges», écrit le mensuel,même s’ils sont conscientsdu manque de moyens.Surprise, à 71%, les lec­teurs se disent satisfaits dela carte judiciaire deRachida Dati qui avait faitpolémique. Mais le jugen’explique pas assez lesdécisions et les règles dedroit, les honoraires desavocats sont trop élevés etl’attente aux audiences estjugée (à juste titre) insup­portable. S.F. PHOTO DR

LA JUSTICECONDAMNÉE PAR«QUE CHOISIR»

KIOSQUE

4C’est le nouveau nombrede catégories d’armes:interdites (A), soumises àautorisation (B), soumises àdéclaration (C), soumises àenregistrement et en ventelibre (D). Il en existait huitavant le vote, hier, par leSénat d’une loi instaurantun nouveau contrôle desarmes.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISEPRÉFECTURE DE LA RÉGION D’ILE-DE-FRANCE,

Préfecture de ParisDirection régionale et interdépartementale de l'équipement

et de l'aménagement - Unité territoriale de ParisPRÉFECTURE DE LA SEINE-SAINT-DENIS

Direction du développement local et des actions de l'Etat

AVIS D’ENQUÊTE PUBLIQUEDemande d'un permis d'exploitation d'un gîte géothermique

à basse température au Dogger – site Parc du Millénaire – Paris 19ème arrondissement

En exécution d'un arrêté inter-préfectoral de Messieurs les préfets de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris et de la Seine Saint Denis va être ouverte aux mairies du 19ème arrondissement de Paris et d'Aubervilliers du 16 mars au 16 avril 2012 inclus, une enquête préalable à l'octroi d'un permis d'exploitation d'un gîte géothermique à basse température au Dogger - site Parc du Millénaire - Paris 19ème arrondissement.

Le dossier d'enquête ainsi que le registre seront mis à la disposition du public qui pourra en prendre connaissance et produire, s'il y a lieu, ses observations aux mairies suivantes:- mairie du 19ème arrondissement de Paris, 5-7 place Armand Carrel, les lundis, mardis, mercredis, vendredis de 8 h 30 à 17 h 00 et les jeudis de 8 h 30 à 19 h 30- mairie d'Aubervilliers, 2 rue de la Commune de Paris, tous les jours de 8 h 30 à 17 h 00, le samedi de 8 h 30 à 12 h 00

Les observations seront consignées ou annexées aux registres d'enquêtes ouverts à cet effet. Elles pourront également être adressées par écrit à Monsieur Roger LEHMANN, désigné en qualité de commissaire enquêteur au siège de l'enquête, à la préfecture de la région d'Ile-de-France, préfecture de Paris (unité territoriale de l'équipement et de l'aménagement de Paris - service utilité publique et équilibres territoriaux - pôle urbanisme d'utilité publique), 5 rue Leblanc 75911 Paris cedex 15.

Le commissaire enquêteur se tiendra à la disposition du public pour recevoir ces observations

- à la mairie du 19ème arrondissement de Paris les jours suivants :le lundi 19 mars 2012 de 14 h 00 à 17 h 00le jeudi 5 avril 2012 de 16 h 30 à 19 h 30

- à la mairie d'Aubervilliers les jours suivants :le samedi 31 mars 2012 de 9 h 00 à 12 h 00le mercredi 11 avril 2012 de 14 h 00 à 17 h 00

Le commissaire enquêteur devra donner son avis, au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, dans un délai d'un mois après la clôture de l'enquête.

Une copie du rapport et des conclusions motivées du commissaire enquêteur sera déposée à la préfecture de la région d'Ile-de-France, préfecture de Paris pour y être tenue à la disposition du public pendant un an. Toute personne intéressée pourra en obtenir communication en s'adressant par écrit à la préfecture de la région d'Ile-de-France, préfecture de Paris (direction régionale et interdépartementale de l'équipement et de l'aménagement - unité territoriale de Paris - service utilité publique et équilibres territoriaux - pôle urbanisme d'utilité publique), 5 rue Leblanc 75911 Paris cedex 15.EP 12-036

APPEL D’OFFRES - AVIS D’ENQUÊTE01.49.04.01.85 - [email protected]

«A l’hôpital Beaujondont je viens, tout le mondereconnaît que le servicemarchait bien.»Philippe Juvin

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 201218 • FRANCEXPRESSO

Page 19: journal-liberation-28-2-2012

Desétoilesau-dessusdesFloconsL’édition 2012 du guide Michelin, dévoilée hier, honore le chef Emmanuel Renaut, à Megève.

F aire parler de soi. Plus quecentenaire, le guide Michelina besoin d’exister. Concur-rencé par les blogs et autres

guides interactifs, lesté de son attache-ment au support papier, s’étant plantéen beauté en essayant de sortir un ma-gazine qui n’a jamais marché, proje-tant de lancer une mégacentrale de ré-servations, le guide rouge avait raté sasortie l’année dernière. Personne n’ena parlé. Cette fois, il est revenu aux va-leurs classiques, comme pour dire :quand on est déboussolé, la tradition,il n’y a rien de mieux.Le premier à en profiter s’appelle Em-manuel Renaut, chef des Flocons desel, un petit hôtel casé au bas du massifde Rochebrune, près de Megève (Hau-te-Savoie). A 44 ans, il est seul à accé-der en haut du classement des troismacarons (26 adresses en France). Cechef sympathique, c’est aussi uneimage anti-bling-bling. Peut-être, unjour, les sociologues interpréteront-ilsson couronnement comme un des si-gnes de l’effondrement du sarko-zysme. Ce Picard est avant tout unbosseur, attaché à ses fourneaux, quipropose une cuisine inventive de pro-duits régionaux dans un décor en bois,sans céder aux modes. Il a été«meilleur ouvrier de France», un desconcours les plus durs qui soient, fleu-rant bon le compagnonnage. Même auMichelin, il a suivi son parcours initia-tique, puisqu’il a reçu sa deuxièmeétoile il y a six ans, bien après avoir étéremarqué par la critique. Garçon cha-leureux, il aurait pleuré à l’annonce dela nouvelle, comme dans le bon vieuxtemps, bien que cela fasse déjà un mo-ment qu’elle s’était éventée.

TOPINAMBOURS. Ayant fait ses classeschez le grand Christian Constant, il n’apas oublié comment se faisait une que-nelle de maître. Devenu second del’inoubliable Marc Veyrat, il lui succèdeau firmament (ce dernier s’étant retiréaprès un accident de ski et avoir venduses affaires). Les relations entre cesdeux forts caractères ont pu être rêchesà l’occasion, mais Emmanuel Renautn’a pas oublié ce goût des herbes et deslégumes du terroir qui faisait la forcede son mentor. Il aime travailler les lé-gumes terriens, les topinambours, lessalsifis, la betterave. Mais il apprécieaussi de chercher des goûts de maïs oude coriandre, combiner des textures enadjoignant la noisette ou l’amande àune Saint-Jacques ou une écrevisse,concocter du thé vert avec les poissonsdes lacs alpins. Il a usé avec mesure desinfusions, pour inventer par exempleune glace aux saveurs de bois de chêne.Il est resté dans les combinaisons rela-tivement classiques, refusant de céderà la mode écœurante du sucré avec lepoisson. S’il ajoute une baie à un omblechevalier, ce sera plutôt du cassis,acide à souhait. Il est aussi capable de

proposer un menu du déjeunerà 42 euros.A contrario, le guide a ôté sa deuxièmeétoile à la Madeleine de Sens, où Pa-trick Gauthier avait fait figure de pré-curseur, avec sa cuisine miniature etses menus à petits prix. Implicitementau moins, il lui est reproché d’avoircherché à rentabiliser sa deuxièmeétoile en s’investissant trop à l’exté-rieur. Le même raisonnement s’appli-que aux frères Pourcel, dont le Jardindes sens à Montpellier, continue sadescente, tombé de trois macarons auniveau d’une seule étoile. Ce qui ne lesempêche pas de se livrer au world busi-ness, comme quoi le bonheur n’est pastoujours dans le pré.

ÉVENTAIL. Le guide a retrouvé la va-leur sûre des palaces. Retrouvent ainsiles deux macarons Philippe Labbé, quia ouvert son éventail culinaire au nou-

veau Shangri La à Paris (dont le res-taurant asiatique récolte aussi uneétoile), et Thierry Marx, au Manda-rin oriental. Le Negresco, à Nice, re-monte. C’est justice, tout comme lapromotion de Serge Vieira à Chaudes-Aigues, dans le Cantal. On regrette queJean-Louis Nomicos, qui l’aurait mé-rité pour ses Tablettes à Paris, n’ait pasconnu le même sort. On est contentpour les jeunes qui émergent, PhilippeMille, digne élève d’Yannick Alleno,qui a redonné du lustre aux Crayèresde Reims, les frères Wahid, sous le par-rainage de l’excellent Jean-AndréCharial, qui récoltent aussi deux étoi-les au Strato de Courchevel. Le Sen-sing, bistrot un peu chic de Guy Martinà Paris, perd son étoile. Mais Cyril Li-gnac, des années après son succès mé-diatique, décroche son premier maca-ron. A-t-il appris à faire la cuisine? Ily a toujours de l’espoir pour tous. •

Par VINCENT NOCE

Emmanuel Renaut.PHOTO CHRISTIANKETTIGER. EPA. MAXPPP

LE GUIDEMICHELINL’institution a vu le jouren 1900. En 2010,300000 exemplaires ontété vendus. Régulièrementcritiqué pour des choixjugés «arbitraires», «opa­ques» voire «illisibles»,il reste une référence,notamment pour les visi­teurs étrangers. Le Miche­lin récuse ces reproches etdéfend le grand «profes­sionnalisme» et l’«impartia­lité» de ses inspecteurs. Envente jeudi, il présente unesélection de 4289 restau­rants dont 594 étoilés.

REPÈRES

«J’ai pleuréun moment, je suisparti me baladertout seulun quart d’heure.»Emmanuel Renaut

26établissements fontdésormais partie du clubtrès restreint des «troisétoiles» français. Le Miche­lin compte également83 «deux étoiles» et485 simples étoilés.

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 2012 FRANCE • 19

Page 20: journal-liberation-28-2-2012

AirFrancedérouteleserviceminimumUn accord entre la direction et les pilotes neutralise en partiela loi sur les grèves dans l’aérien, qui doit être votée demain.

C’ est une belle gaffe d’AirFrance. Selon nos infor-mations, la compagnienationale, contrôlée

à 15% par l’Etat, a signé la semainedernière avec le Syndicat nationaldes pilotes de ligne (SNPL) un ac-cord qui torpille en partie la loi surle service garanti dans le transportaérien, qui doit être votée définiti-vement par l’Assemblée demain. Ladécision d’Air France est d’autantplus surprenante que la grève dequatre jours, menée début févrierpar l’ensemble des personnels dusecteur pour obtenir le retrait dutexte, avait échoué. D’où la colèredu gouvernement contre Air Franceet ses pilotes.La proposition de loi du députéUMP Eric Diard prévoit d’obligerles grévistes à se déclarer quaran-te-huit heures à l’avance. Avecdeux objectifs. Tout d’abord, per-mettre aux compagnies de prévoirle trafic et d’en informer les passa-gers vingt-quatre heures àl’avance. Ensuite, minimiser lesperturbations, en mobilisant lespersonnels non grévistes pour

assurer les vols les plus chargés, enparticulier aux heures de pointe.Une technique pratiquée avec suc-cès à la SNCF, où la même loi estdéjà en vigueur depuis 2008.C’est ce second objectif que cet ac-cord va mettre à mal. Ce document,que Libération s’est procuré, prévoitque «le planning du personnel navi-gant technique [les pilotes, NDLR]est stable […] en toutes circonstanceset en toutes périodes, et ce sans ex-ception». En clair, Air France s’in-

terdit de réaffecter comme ellel’entend les pilotes non grévistes ouen congés pour améliorer le trafic.Pour y parvenir, la compagnie de-vra obtenir, au cas par cas, l’«ac-cord» de chaque pilote «concerné».

«FURIEUX». «Cela veut dire qu’encas de grève il y aura moins de pilotesrappelés et plus de vols annulés. Il estsurprenant qu’Air France ait ac-cepté», déplore une source gouver-nementale. L’impact risque d’être

important pour les passagers, puis-qu’Air France assure 78% du traficintérieur français et 30% des volsvers l’Europe.Joint par Libération, le ministre desTransports, Thierry Mariani, souli-gne que le premier objectif de la loi(prévoir le trafic à l’avance) n’estpas remis en cause. Mais il ne cachepas son irritation: «Le fait que cer-tains syndicats se soient acharnés àdemander cela montre qu’ils n’ontpas compris la situation préoccupantede leur compagnie.»Le ministre ne souhaite pas com-menter l’attitude de la direction,mais «le gouvernement est furieuxcontre Air France», assure un con-naisseur du dossier. Et pour cause:le service garanti a été décidé parNicolas Sarkozy en personne, suiteau conflit des agents de sûreté aéro-portuaire à Noël, pour éviter que lespassagers soient pris «en otage».Le SNPL n’a pas souhaité faire decommentaires. Mais de sourcesconcordantes, c’est bien le syndicatqui a pris l’initiative. Avec l’arrivéede la déclaration deux jours à

l’avance, «il y a un rapport de forcequ’il convenait de rétablir», indiqueun pilote. Lequel tient toutefois àrelativiser: «La direction aurait pré-féré imposer les plannings. Maiscomme les pilotes sont payés en partieà l’activité, les non-grévistes ont doncintérêt à accepter de changer de vol.»

«REDDITION». Reste à savoir pour-quoi Air France a signé. Jusqu’ici, lacompagnie estimait que la stabilitédes plannings, inscrite dans le pré-cédent accord de 2006, ne s’appli-quait pas en cas de grève. Le SNPLavait contesté cette interprétationen justice… et avait perdu en pre-mière instance. Le jugement défini-tif, en appel, est attendu au mois demai. Malgré ce rapport de forces fa-vorable, la compagnie a pourtantaccepté de virer de bord et de sanc-tuariser les plannings en cas degrève. «Un accord était préférable aurisque posé par le procès en appel»,justifie un porte-parole d’AirFrance. Il assure qu’il s’agit d’unaccord «gagnant-gagnant» qui «nechange rien» à la loi Diard, et qui re-présente «une avancée pour les pilo-tes comme pour les passagers».Sauf que d’autres compagnies tri-colores s’accordent le droit de mo-difier les plannings des pilotes sansleur consentement jusqu’à deuxjours à l’avance. «Ce qu’a fait AirFrance, c’est une reddition honteuse!On ne pourrait pas travailler avec unaccord comme ça», s’indigne-t-onchez un concurrent. «On n’obligepas un pilote à voler contre son gré,cela créerait un risque en matière desécurité», réplique un porte-paroled’Air France. Lequel indique quedans cette entreprise à la forte cul-ture sociale, l’accord était aussi unefaçon de «désamorcer un contentieuxavec la population des pilotes». •

Par YANN PHILIPPIN

Aéroport Charles­de­Gaulle de Roissy. PHOTOBERTRAND GUAY. AFP

Fac­similé de l’accord entre la direction d’Air France et le Syndicat national des pilotes de ligne.

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 201220 • ECONOMIE

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SIDÉRURGIE Les candidats rivalisent de propositions pour sauver l’usine.

FlorangeenflammelacampagneprésidentielleL a sidérurgie lorraine,

champ de bataille pré-sidentielle et royaume

des promesses inconsidé-rées? Quatre ans après la trèsmédiatique visite de NicolasSarkozy à Gandrange (Mo-selle), où il avait assuré quel’Etat investirait pour sauverl’aciérie –fermée depuis–, leprésident de la République arefait peu ou prou la mêmeannonce, hier, mais cettefois-ci pour Florange. Ven-dredi, c’était François Hol-lande qui promettait, surplace, une proposition de loirendant obligatoire la cessiond’un site rentable qu’un in-dustriel n’exploiterait plus.Un texte plébiscité par lessyndicalistes et déposé hierpar les socialistes, mais dontla faisabilité juridique reste àdémontrer.Inquiétude. Si Florange dé-fraie la chronique, c’est parceque la ville abrite les deuxderniers hauts fourneauxlorrains – à l’arrêt depuisplusieurs mois– et est depuisquelques jours l’objet d’uneforte mobilisation des sala-riés, qui réclament le redé-marrage de l’usine. En cas defermeture définitive, plusd’un millier d’entre eux se-raient directement concer-nés. Pour répondre à leur in-quiétude, le chef de l’Etat adonc avancé, hier matin surRTL, plusieurs pistes, pro-mettant de les affiner de fa-çon «très précise» dans lesprochains jours. Premièrechose: «Nous voulons qu’Ar-celorMittal fasse des investis-sements pour que les hautsfourneaux puissent repartir.»Et ce, «estime» le Président,dès le «deuxième semestre».Avant d’ajouter : «S’il fautque l’Etat investisse par le biaisdu Fonds stratégique d’inves-

tissement, nous serons prêts àle faire.» Des annonces quiressemblent furieusement àcelles faites en 2008 pourGandrange où Sarkozy avaitdéclaré: «Soit nous arrivons àconvaincre Mittal et nous in-vestirons avec lui, soit noustrouvons un repreneur et nousinvestirons avec lui.»Deuxième point : «Il y a unprojet fantastique, […] Ulcos,dont je parlerai en fin desemaine avec le président dela Commission européenne.

L’Etat est prêt à mettre150 millions d’euros sur la ta-ble.» Explication: Ulcos, uneexpérience de captation deCO2, est un projet pour le-quel la Commission euro-péenne est prête à apporter250 millions d’euros, mais

dans le cadre d’un appeld’offres dont le résultatne sera pas connu avant lesecond semestre…Stratégie. Sauf engage-ments plus précis, rien n’estdonc gagné. «Il est en train deberner tout le monde, commeil l’a déjà fait pour Gandrange,a réagi hier Edouard Martin,élu CFDT d’ArcelorMittal.Les 150 millions, il les avaitdéjà annoncés l’an dernier.»Alain Gatti, responsable de laCFDT Lorraine, est plus dur:

«Ce type d’an-nonce a quel-que chose d’in-décent. Onjoue avec lesnerfs de sala-riés, on décré-

dibilise la parole politique. Ilfaut se souvenir que pour Gan-drange, il y a des gens qui yont cru.» Une analyse parta-gée par le porte-parole duPS, Benoît Hamon, qui dé-nonce un «gouvernement etun Président attachés au sort

des ouvriers le temps d’unecampagne». Comme pourLejaby, aidé par Bernard Ar-nault, ou Photowatt, sauvépar EDF, Hamon attaque unestratégie «au cas par cas,sans cadre légal, en sortant lecarnet d’adresses du Prési-dent». Et défend sa proposi-tion de loi «dissuasive contreles comportements voyous».François Fillon, lui, a dézin-gué le texte socialiste, qu’iljuge «absurde» : «C’est unelogique d’économie adminis-trée qui conduit toujours àl’appauvrissement.» Répliquede la députée de MoselleAurélie Filippetti :«Ce n’estpas un outil punitif, mais unoutil de politique industrielle.»Et pour Alain Rousset,chargé des questions indus-trielles auprès de Hollande,«il ne s’agit pas de changer ledroit de propriété», mais deprotéger les salariés et letissu économique.

LAURE BRETTONet LUC PEILLON

«Sarkozy est en train de bernertout le monde, comme il l’adéjà fait à Gandrange.»Edouard Martin élu CFDT d’ArcelorMittal

Elus et salariés de l’usine de tissageAlbany-Cofpa, située à Saint-Junien(Haute-Vienne) et propriété dugroupe américain Albany Internatio-nal, se sont rassemblés hier pour pro-tester contre la fermeture du site et lasuppression de 133 emplois. Une réu-nion était programmée dans l’après-midi à la sous-préfecture de Roche-chouart (Haute-Vienne) entre salariés

et représentants de la direction. L’an-nonce brutale de la fermeture, jeudi,avait provoqué la colère des salariéset élus locaux, qui considèrent l’usineen très bon état et surtout très renta-ble. La communauté de communesest d’autant plus remontée parcequ’elle a, affirme-t-elle, racheté lesanciens locaux de l’entreprise, cédéun terrain et pris en charge les amé-

nagements de voirie de dessertedu site, soit un investissementde 1,5 million d’euros. Selon la direc-tion d’Albany International France,basée à Sélestat (Bas-Rhin), le projetde fermeture fait suite à une «détério-ration de la conjoncture qui contraint lasociété à envisager de concentrer sescapacités de production sur son site deSélestat».

E COUP DE SANG CONTRE LA FERMETURE DE L’USINE DE SAINT­JUNIEN

Les salariés d’Albany-Cofpa en résistance

Les syndicats belges sont sous le choc après la descentemusclée d’une «milice privée» allemande dans une usinede l’équipementier automobile Meister Benelux à Spri­mont, près de Liège. Dimanche, la maison mère alle­mande a en effet envoyé une vingtaine de gros brasrécupérer du matériel. Le personnel de l’entreprise, quicraint la fermeture du site, est en plein conflit avec ladirection depuis l’annonce de la délocalisation d’impor­tantes commandes. Des hommes vêtus de noir, portantdes cagoules et des gilets pare­balles, armés de matra­ques et de bombes lacrymogènes, ont molesté troisouvriers pour entrer de force. Une centaine de salariésappelés en renfort ont alors encerclé l’usine pour empê­cher le commando de sortir. Hier, les syndicats de Meis­ter Benelux ont déposé plainte et la ministre de l’Emploi,Monica De Coninck, a condamné «un comportementinqualifiable digne d’un autre temps». Le procureur deLiège a ouvert une information judiciaire contre lasociété allemande de gardiennage, qui n’avait pas l’auto­risation pour opérer sur le territoire belge.

DESCENTE D’UN COMMANDOALLEMAND DANS UNE USINE BELGE

L’HISTOIRE

+13%C’est la hausse du salaire minimum à Shanghai, quipasse à 1450 yuans (172 euros) à partir du mois d’avril.Avec cette augmentation, la ville côtière emboîte le pasà d’autres villes où les employeurs ont du mal à recruter(hausse de 9% à Pékin, de 23% dans le Sichuan).

«La voie qui s’ouvre devant la Grèce estlongue et certainement pas dénuée derisques. Cela vaut aussi pour le nouveauprogramme, personne ne peut donner degarantie de succès à 100%.»Angela Merkel hier, devant les députés du Bundestag, quiont approuvé le dernier plan d’aide à la Grèce

-0,74 % / 3 441,45 PTS2 281 164 818€ -9,92%

SAFRANL OREALPERNOD RICARD

CREDIT AGRICOLEPEUGEOTSOCIETE GENERALE

+0,14 %13 001,22+0,16 %2 968,55-0,33 %5 915,55-0,14 %9 633,93

PHOTOWATT Le tribunal decommerce de Vienne (Isère)a confirmé hier la reprise dePhotowatt par EDF. L’élec-tricien prendra possession dufabricant de panneaux solai-res, en redressement judi-ciaire, le 1er mars. Il s’engageà reprendre 355 salariés et àreclasser les 70 autres en in-terne.

EMPLOI Les représentantsde 2000 entreprises chinoi-ses s’implanteront d’ici 2014dans un Pôle d’affaires à Il-lange (Moselle) où 3000 em-

plois devraient être créés, enpartenariat avec des sociétéseuropéennes.

NOTE Standard & Poor’s aabaissé hier à «négative» laperspective de la note duFonds de secours de la zoneeuro. Sa note avait déjà étédégradée mi-janvier de AAAà AA+, suite à la dégradationde la France et de l’Autriche.

ESPAGNE Madrid a enregis-tré un déficit public de 8,51%du PIB en 2011, bien plus quel’objectif officiel fixé à 6%.

Manifestation chez ArcelorMittal à Florange, le 20 février. PHOTO PASCAL BASTIEN. FEDEPHOTO

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 2012 ECONOMIEXPRESSO • 21

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TRANSPORTS Un opposantau TGV Lyon-Turin a étégrièvement blessé, hier, entombant d’un pylône électri-que dans la vallée de Suse(Piémont). Ce TGV, qui doitdiviser par deux le temps dutrajet Lyon-Turin, jugé par lapopulation «inutile et coû-teux», est accusé de menacerl’environnement dans cettevallée.

ÉPIDÉMIE Un cas du virus deSchmallenberg, qui affecteles ruminants mais n’est pastransmissible à l’homme, aété détecté en Indre-et-Loire. 277 élevages de 28 dé-partements sont déjà tou-chés, principalement dans lenord de la France. Ce virus,contre lequel il n’existe pasde vaccin, semble se trans-mettre par les insectes.

«La Politiqueagricole commune(PAC) doit donneraux agriculteursla capacité d’êtremaître de leurmétier. Elle peutaussi renforcerles liens entre laprofession agricoleet le grand public.»

Dacian Ciolos commissaireeuropéen à l’Agriculture,hier à Paris, à l’occasionde la célébration du50e anniversaire de la PAC

13000Le nombre d’installationsdans le secteur agricoleen France en 2010, dontmoins de 9000 par desexploitants de moins de40 ans, un chiffre histori­quement bas, selon l’étudepubliée hier par la Mutua­lité sociale agricole et leschambres d’agriculture.

I l aura fallu qu’au-delà desAlpes, à Turin le 13 fé-vrier, la justice condamne

à seize ans de prison deuxanciens actionnaires de lamultinationale Eternit pourque l’on s’émeuve en Francedu blocage politique qui em-pêche tout procès pénal surl’amiante depuis seize ans.Dernière – et ahurissante –illustration en date: le par-quet a dessaisi en décembrela juge Marie-Odile Bertella-Geffroy qui avait en charge,depuis sept ans, l’enquêtesur la mort d’anciens salariésde la multinationale.«Le dossier Eternit à lui seul,c’est 13 m3 de documents,commentait début janvierdans Libération Michel Pari-got, le vice-président del’Association nationale desvictimes de l’amiante (An-deva). Le confier à deux nou-veaux magistrats, dont l’unqui part en retraite et l’autrequi est en charge du dossierMediator, cela revient à l’en-terrer pour plusieurs années!»Pour le président de l’An-deva, Pierre Pluta, «tel quec’est parti, les victimes[3 000 morts chaque annéeen France, ndlr] seront à deuxpieds sous terre que ce dossiern’aura pas encore été instruitni les responsables de milliersde morts jugés !»«Indépendant». De passagesamedi à Paris, à l’invitationdu Syndicat de la magistra-ture, le procureur de Turin,Raffaele Guariniello, a expli-qué comment il avait réussià obtenir la comparution et

la condamnation des ex-grands patrons d’Eternit. Sicela a été possible, a-t-il ex-pliqué, c’est «d’abord parcequ’en Italie, le parquet est in-dépendant du pouvoir politi-que. Ensuite, dans le systèmeitalien, le procureur peuts’autosaisir d’une infraction,il n’a pas besoin d’attendre undépôt de plainte». Guarinielloa, en outre, disposé d’uneéquipe pluridisciplinaire, as-sociant de nombreux magis-trats, enquêteurs, scientifi-ques et informaticiens, quiont pu travailler ensembledurant les cinq années

nécessaires à l’instruction.En recourant au chef d’accu-sation de «désastre sanitaireet environnemental perma-nent» pour avoir «omis deprendre les mesures de sécuritéau travail», le procureur deTurin a pu requérir une peinede prison réservée en Franceaux criminels.A l’inverse, en France, si-gnale Jean-Paul Teisson-nière, avocat de nombreusesvictimes de l’amiante, «lesparquets n’ont jamais prisl’initiative des poursuites. Ellesont été mises en œuvre par lesvictimes, qui ont contraint lesparquets à suivre. Ces der-niers, quant à eux, ont freinédes quatre fers !» Au plan

civil, des dizaines de milliersde personnes ont pu être in-demnisées. Mais au pénal,une quarantaine de dossierssont en attente. Les premiè-res plaintes, datant de 1996,n’ont abouti à aucun procès.En cause, selon l’avocat, «lelobby de l’amiante qui, avec lacomplaisance des pouvoirs pu-blics, a réussi à cacher aumaximum les risques et à re-tarder la prévention et l’inter-diction de l’amiante».Collusion. Samedi, Me Teis-sonnière a raconté une anec-dote révélatrice : en 1996,durant une procédure en in-

demnisation de-vant le tribunaldes affaires deSécurité socialepour faire recon-naître la «fauteinexcusable» del’employeur, le

procureur a débarqué enpleine audience. «Un procu-reur dans une audience civile,c’est du jamais-vu, notel’avocat. Il venait dire aux vic-times qu’elles s’étaient trom-pées de procès et qu’Eternitn’avait pas commis de faute!»Comme une marque de col-lusion entre industriels etpouvoirs publics.Ironie du sort, la seulepersonne mise en examen enFrance dans le dossier Eter-nit, est… Me Teissonnière,qui fait l’objet d’une plainteen diffamation pour avoirtraité le groupe «d’empoi-sonneur» dans le magazineTélérama.

É. Pa

Amiante: laFrancen’apaslafibrepénaleJUSTICE Alors qu’en Italie deux responsables d’Eternitont été condamnés, le dossier français stagne.

Tandis que les membresdu gouvernement pavoi­sent au Salon de l’agricul­ture, la Commissioneuropéenne annoncequ’elle poursuit la Francedevant la Cour de justicede l’Union européenne.Bruxelles reproche à Parisde ne pas avoir pris demesures suffisantes pourlutter contre la pollutiondes eaux par les nitratesagricoles. La France con­trevient ainsi à la directiveeuropéenne de 1991, qui apour but de protéger lesréserves d’eau en limitantl’usage des nitrates, pré­sents dans les engrais agri­coles, et en imposant despériodes d’interdictiond’épandage des engrais etlisiers. Selon la Commis­sion, les plans d’actionfrançais sont insuffisants.Paris a déjà dans le passéété menacé sur ce sujet depoursuites en justice etd’amendes par la Commis­sion européenne. Le pro­blème concerne surtout laBretagne, région qui con­centre 50% des élevagesde porcs en France,50% des élevages devolailles et 30% desbovins. Le coût de la pollu­tion aux nitrates en Francea été évalué à un milliardd’euros par l’OCDE.

BRUXELLESENFONCE PARISDANS SON LISIER

L’HISTOIRE

Par ÉLIANE PATRIARCA

Les paysans fauchés parles pesticides en colère

H ier matin, un bel at-troupement s’estformé autour du

stand de l’Union des indus-triels pour la protection desplantes (UIPP) au Salon del’agriculture, joli nom pourdésigner les producteurs depesticides. Une quinzained’agriculteurs atteints demaladies dues, selon eux, àl’exposition aux pesticides,ainsi que les veuves de quatreautres, mais aussi des doc-kers et des employés d’en-treprises agroalimentairesqui manipulent des pestici-des, manifestaient pour ré-clamer le classement de cesaffections en maladies pro-fessionnelles.

«Nous sommes venus à visagedécouvert montrer au mondede l’agriculture que les pestici-des ont fait et font encoreaujourd’hui des ravages dansla population agricole fran-çaise», a expliqué Paul Fran-çois, agriculteur à Bernac(Charente), lui-même in-toxiqué en épandant dudésherbant sur ses maïsen 2004, mais aussi président

de l’association Phyto-Victi-mes. Le 13 février, la justicea reconnu que la firme Mon-santo était responsable del’intoxication qui l’a obligé àinterrompre son activitépendant près d’un an.L’agrochimiste devrait faireappel.

Pour l’instant, la Mutuellesociale agricole (MSA) n’areconnu «qu’une petite cin-quantaine de cas» de mala-dies professionnelles en lienavec les pesticides, selonPhytoVictimes. «Il y a uneomerta chez les médecins et lesagriculteurs», estimait hierJacky Ferrand, un viticulteurqui a perdu son fils de 41 ans,également viticulteur, vic-time d’un cancer de la ves-sie. «On a joué aux apprentissorciers pendant des années.On nous a dit que les produitsn’étaient pas dangereux», a-t-il déploré. Les manifes-tants ont pu croiser, hier, leministre de l’Agriculture,Bruno Le Maire, qui s’est en-gagé à demander une révi-sion des tableaux de mala-dies professionnelles. •

UN SALON EN CAMPAGNE

Manifestation à Paris le 10 octobre 2009 en faveur d’un procès pénal. PHOTO JULIEN DANIEL.M.Y.O.P

«Les poursuites ont été misesen œuvre par les victimes.[…] Les parquets ont, quantà eux, freiné des quatre fers!»Me Teissonnière avocat de victimes

Le directeur général de BP, Bob Dudley, espère «trouverdes accords» avec la justice américaine dans le dossier dela marée noire survenue en 2010 dans le golfe du Mexi­que. Pour donner plus de temps à des pourparlers, la jus­tice a en effet ajourné d’une semaine le procès qui devaits’ouvrir hier pour déterminer les responsabilités dugroupe dans l’explosion de la plateforme Deepwater Hori­zon, située à 80km au large de La Nouvelle­Orléans (Loui­siane). Des dizaines de milliards de dollars sont en jeudans cette procédure censée déterminer les responsabili­tés du groupe pétrolier (Libération d’hier). PHOTO REUTERS

MARÉE NOIRE : BOB DUDLEY ESPÈREEMBOBINER LA JUSTICE AMÉRICAINE

LES GENS

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 201222 • TERRE

Page 23: journal-liberation-28-2-2012

FOOT Distancés en championnat, les deux clubs voient la qualificationen Ligue des champions s’éloigner. En jeu: 15 à 20 millions d’euros.

Ligue1:LyonetMarseilleauborddugouffre

L a 25e journée de Ligue 1disputée ce week-endl’aura bien caché, mais

on l’a vu quand même: deuxvéritables accidents indus-triels sont en vue dans le footfrançais. On a fait le compte:le Montpellier Hérault (1er,53 points) sur sa planète et leParis-SG (2e, 52 points) étantdans les temps, il ne resteplus qu’un strapontin – la3e place– pour accéder à laLigue des champions la sai-s on pro cha i ne . E taujourd’hui, c’est le Lilleolympique sporting club(46 points) qui l’occupe.Lyon (5e, 40 points) et Mar-seille (8e avec 39 points et unmatch en moins), les deuxplus gros clubs de l’Hexa-gone avant que les Qataris nedébarquent à Paris, pour-raient donc passer à côté dela compétition reine. Ce quiimplique un manque à ga-gner de 15 à 20 millionsd’euros et un exode à venirdans le vestiaire, car unjoueur coté place toujours laLigue des champions en têtede ses priorités.

L’arbitre, bouc émissaireDevant ces sombres pers-pectives, la nervosité aug-mente. Juste après le nul desamedi (4-4) contre le Paris

Saint-Germain, le présidentde Lyon, Jean-Michel Aulas,a chargé l’arbitre (Libérationd’hier). Même réflexe ducoach phocéen, Didier Des-champs, après la défaite deson équipe dimanche (0-1) àBrest, assorti d’un refus derépondre aux journalistes :«Je n’en ai pas le cœur ni latête, et je risque de dire deschoses que je pourrais regret-ter», c’est-à-dire suscepti-bles de l’emmener devant lacommission de discipline dela Ligue. Début février, leprésident de l’OM, Vincent

Labrune, avait mené uncombat bizarre visant à dif-férer une suspension de Ma-thieu Valbuena, avec un ar-gumentaire –sanctionné enCoupe, le joueur doit purgerdans cette compétition –réécrivant ni plus ni moinsles règles en vigueur. Aucunechance donc que la Liguedonne une suite favorable.Alors quoi ? Aucun joueurmarseillais ne s’est expriméaprès la défaite contre Brest.

Pas même le gardien et capi-taine Steve Mandanda, habi-tuel marchand de sable. Il ya un trouble.

Le prix de l’EuropeLa phrase est venue du coachlillois Rudi Garcia, après lematch nul (1-1) des Nordistesà Rennes dimanche: «Je vousferai remarquer qu’aucune deséquipes françaises qui ont jouédans la semaine [dont lasienne, en match en retard àSochaux] n’a gagné ce week-end.» Engagées en Ligue deschampions avec de bonnes

chances d’acces-sion en quart definale (deux vic-toires 1-0 à l’allercontre Nicosie etl’Inter), Lyon etMarseille payentun énorme tribut

physique et mental dans lacompétition domestique.Lyon s’est incliné avant (1-2devant Caen) et après Nicosie(0-1 à Bordeaux). L’OM a prisun point (1-1 devant Valen-ciennes) avant l’Inter et zéro(Brest) ensuite. La L1 estdure, fermée, avec une écra-sante majorité de joueurs for-més pour gagner des duels,non les éviter. Plus égalitaire,sans doute, que ses pendantsespagnols ou anglais.

Esprit, es­tu là ?Quand Aulas a placé RémiGarde – qui s’occupait desjeunes de l’OL – à la tête del’équipe l’été dernier, l’ob-jectif n’était pas sportif, oupas seulement: Garde devaitpacifier un vestiaire glacé parles années Puel (c’est fait),faire monter en puissance lesjeunes formés au club (c’esten train) et donner uneimage plus fraîche à l’heureoù Aulas ferraille pour songrand stade. Soit. Lyon a déjàperdu 9 matchs de L1. Et legardien remplaçant, RémyVercoutre, expliquait hierdans l’Equipe avoir rameutéles joueurs avant le matchcontre le PSG «par rapport àl’engagement, l’agressivité etla générosité» : «Le discours,en gros, c’était “plus jamaisça”. A Bordeaux, on ne s’estpas respecté.» Eternel garantde l’esprit maison, il décritune équipe qui a perdu devue ce qui fait gagner.Côté OM, on dirait que c’estl’inverse: l’esprit est là, maispas le talent (quand c’estBrandao qui sauve le coup…),ce qui renvoie au manque demoyens. Interrogé là-dessus,Deschamps a lâché: «Ce n’estpas le moment d’en parler.»Sous-entendu: ça viendra.

G.S.

Engagés en Ligue deschampions, l’OL et l’OMpayent un énorme tributphysique et mental lors dela compétition domestique.

Par GRÉGORY SCHNEIDER

Rendez-nousla Mannschaft !

«L’ Allemagne a lameilleure équiped’Europe, très

jeune et très créative.»On a retourné dans tousles sens cette phraseprononcée dans lequotidien allemandDie Welt par le présidentde l’Union européenne defoot, Michel Platini. Et ona brusquement compris.Joueur, Platini a perdudeux demi-finales deCoupe du monde (1982 et1986) face à la Mannschaft,qui recevra demain soir lesBleus à Brême en amical.Et il se venge, en se faisantle promoteur d’une équipequi, depuis 2004, se veutlégère, technique, sexy ; enphase avec les préceptes«californicool» que lui ontinculqués Joachim Löw etJürgen Klinsmann. Platinise venge parce que cette

équipe vive et agréable,véritable publicité pour lefoot, ne gagne plus rien.Ni le Mondial à la maisonen 2006. Ni celui de 2010qu’elle aurait dû ramassersi elle ne s’était pasoccupée de complaire aumarketing sportif : au lieude se donner les meilleureschances de passer enmettant des tartines auxEspagnols en demi-finale(en finale, les Pays-Bas nese sont pas emmerdés,eux), les Allemands se sontfait sortir gentiment, avecle sourire. On se souvientd’une autre Mannschaft :dure avec elle-même,réaliste, qui tenait le footpour un sport et non unspectacle. Elle ne setrompait jamais de match,gardienne du temple de cejeu. Cette Mannschaft-lànous manque un peu. •

BILLET

RUGBY Clément Poitrenaudremplace Maxime Médardcontre l’Irlande dimanche.Blessé au genou droit, Mé-dard a dû déclarer forfait.C’est le seul changement parrapport au groupe vainqueur(23-17) en Ecosse dimanche.

DOPAGE «Il n’y a pas desportif de haut niveau dopécar le régime de contrôle an-tidopage est inhumain», aassuré le tennisman espagnolRafael Nadal à la télévisionespagnole RTVE. On gardecelle-là dans un coin…

Le gardien breton Steeve Elana devant le Marseillais Brandao (en bleu), dimanche à Brest (0­1). PHOTO FRED TANNEAU. AFP

1094737Aux termes d’un ASSP en date du 22/02/2012 à Paris, il a été constitué une société présentant les caractéristiques sui-vantes :Forme : société par actions simplifiée Dénomination :

YABÉSiège social : 38 rue Dunois 75013 ParisObjet : Edition et commerce de produits culturels en vente à distance. Numérisation et impression à la demande.Durée : 99 ans à compter de son immatri-culation au RCS de ParisCapital : 20 000 EurosTransmission des actions : La cession des actions est soumise à l’agrément de la col-lectivité des associés. Admission aux assemblées et droit de vote : Chaque associé a le droit de partici-per aux décisions collectives par lui-même ou par son mandataire. Chaque action donne droit à une voix. Président: Monsieur GROPALLO FILIP-PO demeurant Le bourg 81170 DonnazacDG : Monsieur MAINGREAUD Denis 7 voie du Rond-Point 91400 OrsayPour avis,

1094214

SYNOPLESARL au capital de 7500 euros.

Siège social: 69 rue Chabrol, Paris X.RCS Paris B 448 047 548

Aux termes du PV de l’AGE du 23/01/2012, le siège social a été transféré du 69, rue de Chabrol, Paris X au 36 rue Laffitte, Paris IX à compter du 21/02/2012. L’article 1.3 des statuts a été modifié. Mention sera faite au RCS Paris.

1094745

DU CŒUR A L’OUVRAGESARL au capital de 1500 €Siège social : 94 bd Barbès

75018 Paris508979713 RCS Paris

Aux termes de l’Assemblée Générale Extraordinaire du 01/02/2012, il a été décidé de transférer le siège social au 18 rue du mail, 75002 Paris, à compter du 01/03/2012L’article 4 des statuts a été modifié en conséquence.

Mention sera faite au RCS de Paris.

1094717

BRIGITTE PRODUCTION SARLSociété à responsabilité limitée

au capital de 30 000 eurosSiège social : 170 rue du Temple

75003 PARIS532 613 668 RCS PARIS

Aux termes d’une AGE en date du 26/01/2012, les associés ont pris acte de la démission de Mr MACE-SCARON José, ont nommé en qualité de nouveau gérant Mr BECHROURI Mohamed, demeurant 234 rue du Faubourg Saint Martin-75010 PARIS pour une durée illimitée, ont décidé de transférer le siège social du 170 rue du Temple -75003 PARIS au 234 rue du Fau-bourg Saint Martin - 75010 PARIS à comp-ter du 26/01/2012, et de modifier l’article 4 des statuts.Mention en sera faite au RCS de PARIS.

Pour avisLa Gérance

1094768Suivant acte SSP du 07/12/11, la société TOTAL RAFFINAGE MARKETING, SA au capital de 206.688.030 € dont le siège social est à PUTEAUX (92800), 24 cours Michelet, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 542 034 921, a confié sous contrat de location gérance pour une durée de 3 ans à compter du 01/01/2012 à la société SARL ALLAUX B, SARL au capital de 15.244,90 € dont le siège est à PARIS (75017), 100, rue de Courcelles, immatriculée au RCS de PA-RIS sous le numéro 408 200 210, un fonds de commerce de station-service et activités annexes (carburants, lubrifiants et produits connexes ; boutiques : produits et articles pour l’automobile et les automobilistes, produits alimentaires, pneumatique, la-vage, dépoussiérage, entretien, réparation, baie, vente de cartes lavage, alcool (ventes à emporter), lavage manuel Carrosserie Sous-traitance), dénommé le RELAIS PARIS COURCELLES, exploité à PARIS (75017), 100, rue de Courcelles.Le précédent contrat de location-gé-rance liant les parties sus-nommées, à effet du 01/07/2009 a été résilié à effet du 31/12/2011 par avenant de résiliation en date du 07/12/2011.

Libération est habilité aux annonces légales et judiciaires pour le département 75 en vertu de l’arrêté préfectoral n° 2011361-0007

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 2012 SPORTS • 23

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24 • REBONDS

Lorsque, en septembre dernier, à la veilledes primaires citoyennes, j’avais clai-rement et publiquement fait le choix desoutenir d’entrée de jeu la candidature àl’élection présidentielle de François Hol-lande, sans passer par la case Mélenchon– auquel s’étaient pourtant ralliés les di-

rigeants du Parti communiste–, j’avais provoqué lasurprise et parfois encouru les reproches de certainsde mes camarades.Six mois ont passé, et je persiste et signe. Les raisonsque j’avais exposées alors me semblent plus valablesque jamais. Sur le fond d’abord: l’important, l’urgent,

est de mettre fin à cinqans de sarkozysme,cinq ans qui ont telle-ment abîmé le pays. Cequi était vrai il y a sixmois l’est encore da-

vantage aujourd’hui. Le chômage ne cesse de croître,la marée de la pauvreté s’étend, le pouvoir d’achat réeldes Français, notamment des plus modestes, stagnequand il ne baisse pas, les inégalités deviennent litté-ralement insupportables, pendant que les dirigeantsdes sociétés du CAC 40 s’en mettent plein les pocheset que le règne de l’argent roi se fait plus pesant quejamais. Inutile de poursuivre la description d’une si-tuation que nos concitoyens connaissent bien et dont

il est mensonger de prétendre que seule la conjonctureextérieure est responsable. Certes, la crise existe. Maisune autre politique que celle qui a consisté à constam-ment favoriser les riches en eût atténué les effets. Bat-tre Nicolas Sarkozy est pour tous les progressistes dece pays un impératif catégorique. C’est celui-ci quidoit dicter notre conduite, orienter notre stratégie.Diminué par ses échecs, l’adversaire reste pourtantredoutable. Il se bat et se battra avec toutes les armesdont il dispose, ou qu’il s’arroge. Le sous-estimer,faire preuve d’une trop grande certitude dans une vic-toire qui ne sera acquise, si elle doit l’être, que le 6 maiau soir, serait commettre une erreur grave. Une erreurcoupable. Je le dis solennellement, nous n’avons pasle droit, à l’égard du peuple de France, de prendre lemoindre risque. Les hésitations, les états d’âme, lesamitiés même n’ont plus leur place dans le compor-tement de tous ceux qui veulent le changement. L’effi-cacité doit être aujourd’hui la règle, notre règle. Etpour moi, cette efficacité passe par l’union, par le seulchoix utile au peuple, et ce dès le premier tour.L’union n’est pas seulement affaire d’addition. Elle aen elle-même un pouvoir de multiplication, d’entraî-nement, incontestable.Certes le candidat du Front de gauche démontre desqualités de tribun qui peuvent séduire les auditoires.Mais je crains qu’il n’en résulte un certain affaiblis-sement de cet atout fondamental qu’est l’union. Oui,

l’union! Cette valeur cardinale pour tous les progres-sistes et singulièrement pour les communistes fran-çais. Elle continue dans ce moment crucial de fonderl’engagement de millions de femmes et d’hommes degauche et au-delà.Qu’il me soit permis de dire à mes amis communistes:nos idées, nos valeurs, et leur trace historique restentà mes yeux une force et un héritage qu’il convient dene déléguer à personne, de ne laisser contester parpersonne. C’est tout le sens et la force que je veux don-ner à mon engagement et à celui du Mouvement uni-taire progressiste (MUP) dès le premier tour de cetteprésidentielle. La gauche a en François Hollande unexcellent candidat d’union. A ceux qui en doutaient,il a prouvé qu’il avait la dimension de la fonction prési-dentielle. Jour après jour, depuis son entrée en campa-gne, il a pris de l’envergure, montré sa capacité à diri-ger notre pays, à le mettre sur la voie du progrès. LesFrançais, dans leur bon sens, semblent choisir ce che-min. Mais la construction de ce rassemblement resteencore fragile, et, les sondages le montrent, jusqu’audernier jour, les jeux ne sont pas faits.La gauche a la chance d’avoir un vrai et bon candidat,capable de battre Sarkozy. Il nous appartient, chacundans l’expression de sa diversité, de lui conférer, entoute responsabilité, cette force, cette efficacité sup-plémentaire que l’union apporte. Car cette chance,il nous est interdit de la gâcher.

Par ROBERTHUE Sénateurdu Val­d’Oiseet présidentdu Mouvementunitaireprogressiste(MUP)

Pourquoi je soutiens Hollandeau premier tour

J’ai un enfant autiste, j’envisage de m’exiler

Je vous écris car je suis extrê-mement choquée du parti pris surl’autisme qui se retrouve dans dif-férents articles récemment

publiés dans Libération (1). La France aau moins quarante ans de retard sur lespays développés en matière de dépistageet de prise en charge. La situation desautistes est catastrophique. Les autistesadultes d’aujourd’hui, qui n’ont reçu etne reçoivent qu’une prise en chargepsychanalytique sont: soit internés enhôpital ou en institution psychiatrique,bourrés de neuroleptiques, et non res-pectés dans leurs fonctionnements par-ticuliers; soit gardés chez leurs parents,si ceux-ci en ont encore la force et qu’ilsrefusent la première solution. Souvent,ils ont bataillé auprès des praticienspour retirer leur enfant de l’institut oude l’hôpital psychiatrique.Je veux que vous preniez conscience desfaits suivants. Les parents n’ont riencontre la psychanalyse. Simplement,leur enfant est victime d’une erreurmédicale: on a donné, et on donne en-core, un traitement qui, au lieu de faireprogresser l’enfant, augmente ses trou-bles. Lorsqu’un enfant autiste ne reçoitpas un traitement spécifique adapté, sestroubles du comportement augmentent.Pour un enfant de 3 ans, c’est gérable,mais pour un adolescent ou un adulte,c’est gérable seulement avec des neuro-leptiques. Vous comprenez? La priorité,

c’est d’apprendre à l’enfant à gérer sesémotions et à communiquer.Comment seriez-vous si vous vous re-trouviez brusquement en Chine, sansargent, ne parlant pas chinois, ne com-prenant pas les coutumes du pays, etsurtout sans personne pour vous ap-prendre tout ça ? Vous faites une crised’angoisse et vous vous retrouvez àl’hôpital avec des psychotropes. Et, pe-

tit à petit, la descente aux enfers com-mence pour vous.Les parents n’ont rien contre le fait quedes personnes consultent des psycha-nalystes, ils s’en moquent: chacun faitbien ce qu’il veut. Mais ils ne veulentpas que leur enfant ait un traitementinadapté. Et c’est bien le problème enFrance: pourquoi croyez-vous qu’on aittant de retard ? Faire une prise encharge psychanalytique sur un enfantautiste a autant d’effet que sur une per-sonne ayant la maladie d’Alzheimer.Aucun effet donc, et des troubles ducomportement s’installent. Actuelle-ment, la prise en charge psychanaly-tique est pratiquement la seule recon-

nue et financée par l’Etat: les Maisonsde l’autonomie ne reconnaissent pres-que jamais les prises en charges éduca-tives ou comportementales. Pareil pourles agences régionales de santé qui sé-lectionnent les projets de structure. Lesstructures avec psychanalyse sont prio-ritaires par rapport aux autres.Quant au fait que les psychanalystesauraient des facilités à entrer dans le

monde interne des autis-tes… c’est faux. Je suismoi-même atteinte de cequ’on appelle «troublesdu spectre autistique», etje peux dire que tout ceque les psychanalystesdisent est faux. Je ne m’y

reconnais pas du tout, et je ne suis pasla seule. Donna Williams, Temple Gran-din et Gunilla Gerland (des écrivainesautistes) ne s’y reconnaissent pas nonplus. La plupart des autistes que je con-nais (oui, les autistes parlent et écrivent)pensent comme moi. Les psychanalys-tes leur font peur.Quant au comportementalisme, direque c’est du dressage parce qu’il con-siste en la répétition du même geste, jevous demande : mais comment avez-vous appris à écrire ? Vous-même,n’avez-vous pas fait des lignes de lettresavant de savoir écrire? Et pour appren-dre à conduire ? Ça vous est venuimmédiatement? Beaucoup de choses

Par MAGALIPIGNARDMère d’un enfantautiste,agrégée dephysique,membre actifdu collectifSoutenons le mur

que nous apprenons ne nous sont passpontanées : il faut répéter, répéter.Pour les autistes, c’est pareil, sauf qu’ily a beaucoup plus de choses non spon-tanées.Merci de m’avoir lue. Pour moi, l’exilest le seul espoir. J’ai prospecté pourm’exiler à moyen terme en Suède. Je mesuis déjà rendue deux fois dans ce pays.J’y ai rencontré des psychologues, quiétaient effarés que l’autisme soit pris encharge par des psychiatres. Là-bas,l’autisme est pris en charge par des psy-chologues et des neurologues. Et les pa-rents sont tenus au courant de ce qui estfait avec les psychologues. Les enfantsvont à l’école, mangent à la cantine,tout est fait pour que la vie des parentsne soit pas affectée. Il est impensablequ’un des parents s’arrête de travaillerpour s’occuper de son enfant. Des for-mations sont prévues pour la fratrie,l’enfant est pris en charge un week-endpar mois en camp de loisirs pour que lesparents se reposent. Tout est pris encharge par l’Etat.(1) Des 13 et 14 février.

Comment seriez-vous si vous vousretrouviez en Chine, ne parlant paschinois, ne comprenant pas lescoutumes du pays, et surtout sanspersonne pour vous apprendre tout ça?

Retrouvez nos chroniques sur:http://www.liberation.fr/chroni­ques

• SUR LIBÉRATION.FR

L’efficacité doit être aujourd’huila règle. Et, pour moi, elle passepar l’union, dès le premier tour.

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 2012

Page 25: journal-liberation-28-2-2012

REBONDS • 25

Havel et le «pouvoirdes sans-pouvoirs»

Le slogan «Havel au Château»(Havel na Hrad) et son élection à laprésidence de la République cons-tituèrent les points culminants de

notre révolution pacifique de novem-bre 1989. Son caractère «de velours» futle mérite, entre autres, de Václav Havel.Durant cette révolution, il demeurait en-core, dans l’esprit des Tchèques, avanttout un dramaturge, l’auteur de la Fête enplein air et de Mémorandum. Seul ungroupe restreint parmi ceux que l’on ap-pelait «dissidents», le connaissaitcomme essayiste, coauteur de la Charte77, homme politique doué, et en raison deses principes moraux. Václav Havel avaiténoncé lui-même le principal d’entreeux: vivre dans la vérité. Une revendica-tion capitale dans une société où le men-songe devient une norme à l’aune de la-quelle l’individu est jugé par le pouvoir.Dès les années 70, lorsqu’il écrivit ses es-sais les plus profonds, Havel était cons-cient du fait que ce monde de l’apparence,cette vie dans le mensonge n’étaient passeulement imputables à la société post-totalitaire, mais aussi à la société de con-sommation. Ainsi, même après la «révo-lution de velours», lorsqu’il quitte sa si-tuation de dissident pour la présidence,ne cesse-t-il de prôner la vie dans la vé-rité. Pour Havel, cette quête comportaitdes risques, car cette vision de la société«post-totalitaire» suscitait la rage dupouvoir en place. Cette rage avait changéde dimension après la mort de Staline etcessa de vouer ses victimes à une mortcertaine. Dix ans plus tôt, la Fête en pleinair n’aurait jamais pu être mise en scèneet son auteur aurait très vraisemblable-ment été condamné à extraire de l’ura-nium dans les mines de Jáchymov.L’aliénation du langage devint le sujet dela pièce Mémorandum –qui fait apparaîtreun langage incompréhensible, artificiel-lement construit, le «ptydepe», qui sertà donner des ordres et à rédiger des mé-morandums que personne ne comprend.La parole perd sa fonction originelle –lacommunication– pour devenir un moyend’aliénation. Cette situation menace l’in-dividu, altère sa capacité à se faire enten-dre. Mais elle convient au pouvoir post-totalitaire pour réprimer tout dialogue.Dès le début des années 70, Havel envi-sage la dissidence comme une révolte ri-goureusement non-violente, il n’établitpas d’objectif noble pour ce mouvement,mais l’oriente vers l’individu, le citoyen:défendre ses libertés, contredire les men-songes idéologiques promettant les len-demains radieux auxquels conduit uneviolence transitoire. Puisque le pouvoirest violent, une révolte non-violente doitdevenir le fondement du mouvement dis-sident.Un jour, organisant avec lui une réunioncollective, je lui demandai comment luifaire parvenir l’information sur le lieu de

la rencontre. Il m’a répondu: «Appelle-moi par téléphone, on ne fait rien d’illégal.»Téléphoner à un numéro sur écoute si-gnifiait que la police secrète serait aucourant. Mais la question de la légalitéétait essentielle pour Havel. Se récla-mant, en effet, de toute une série d’ac-cords et conventions pour la défense desdroits de l’homme, le régime post-totali-taire démontrait publiquement, chaquefois qu’il avait décidé de faire un procèsaux dissidents les plus actifs, qu’en pra-tique, il foulait aux pieds ces droits fon-damentaux. A plusieurs reprises, Havellui-même fit l’objet d’une procédurejudiciaire et écopa, au total, de quatre ansde prison ferme.A l’aide de quelques amis, au moment oùtoutes ses œuvres étaient interdites depublication, il réussit ainsi à présenter,sous la baguette de son ami le metteur enscène Andrej Krobot, sa nouvelle pièceinspirée de l’Opéra de quat’sous. La repré-sentation eut lieu dans une banlieue dePrague. La plupart de ses amis, avec stu-peur, assistèrent ainsi, en 1975, à la pre-mière d’une comédie signée par unauteur interdit. Pour plus d’une centainede spectateurs, la représentation fut nonseulement un événement artistique, maisaussi un acte de résistance encourageant.Cette mise en scène correspondait à laconception de la révolte de Havel. Il refu-sait toute proclamation grandiose de vi-sions politiques et demandait que l’inté-rêt de la dissidence se porte sur lesdestinées des individus, ce qui signifiaitprendre la défense des personnes que lerégime menaçait.Václav Havel fut parmi les premiers à for-muler la nécessité d’une autre culture,d’une culture parallèle. Mettre publique-ment en scène sa pièce constitua unepreuve de l’existence de cette culturenon-officielle. Les créations dans le do-maine littéraire virent aussi le jour sousforme de samizdat, dès l’occupation so-viétique. D’autres pièces –celles de PavelKohout ou de Karol Sidon – furent pré-sentées lors de soirées de lectures privées.Václav Havel songeait ainsi à une révolu-tion existentielle. Il a été sans doute leseul homme politique tchèque qui ait cruen la société civile, quand la politique re-posait sur l’activité de petites commu-nautés, constituées souvent juste pourmettre en œuvre un seul objectif concret,et censées disparaître après l’avoir at-teint. Aujourd’hui, je me rends compteque le point fort de Havel après novem-bre 1989 ne réside ni dans ses capacitésd’analyse ni dans ses années d’expé-rience politique, mais plutôt dans son in-tégrité morale.Traduit du tchèque par Zuzana Tomanováet Maxime Forest.En partenariat avec «Libération», lesDélégations permanentes de la Républiquetchèque et de la France auprès de l’Unescorendent aujourd’hui un hommage à VáclavHavel. De 18 heures à 20 heuresau 125, avenue de Suffren (salle IV ­Fontenoy). 75007.

Par IVAN KLÍMA Ecrivain et dramaturgetchèque

Vendredi soir, en regardant la céré-monie des césars, je me suis ditque ça serait une bonne idée derécompenser nos hommes politi-

ques. Une fois tous les cinq ans, juste avantla présidentielle, on pourrait ainsi honorerles plus méritants, une sorte de «césars dela politique» qui serait un mixte des Gérardde la télévision, des Y’a bon Awards et duprix de l’humour politique. Une distinctionsuprême qui rappellerait «les plus beauxfaits d’armes» de nos dirigeants. A l’instardes césars, il y aurait différentes catégories:les espoirs, les seconds couteaux, les stars,le césar d’honneur… On démarrerait la soi-rée par les césars les moins prestigieux pouraller crescendo vers les plus convoités.A titre d’exemple, gageons que «le césar dudérapage raciste le plus crade du quinquen-nat» serait l’un des plus disputés. Pourcette catégorie sont nominés: Brice Horte-feux pour sa phrase sur les Arabes: «Lors-qu’il y en a un ça va, c’est lorsqu’il y en abeaucoup qu’il y a des problèmes.» ChantalBrunel pour sa proposition de remettre les

immigrés à la mer et Claude Guéant pouravoir déclaré: «Toutes les civilisations ne sevalent pas.» Le gagnant est… (Suspens,ouverture de l’enveloppe) un quinquennatextrêmement serré, beaucoup de proposnauséeux… le césar est attribué à ClaudeGuéant! (Musique.) Claude se lève, voix offdu commentateur: «Claude Guéant, ancienpréfet, aujourd’hui ministre de l’Intérieur, uncésar qui vient couronner un parcours sansfautes: “Les Comoriens sont violents”, “LesRoms sont des délinquants” et enfin sa petitephrase sur les civilisations qui a certainementfait la différence auprès du jury… Un prix am-plement mérité!» Là-dessus, Guéant en lar-mes remercie l’assistance, tous ceux sansqui il n’aurait jamais réussi: ses proches, sesamis et bien sûr son mentor, le président dela République: «Merci à toi Nicolas, c’est toiqui as guidé mes pas sur les terres du FN, ceprix, je te le dédie!» Avouez que ça aurait dela gueule cette cérémonie, à deux mois duscrutin, et aussi le mérite de rafraîchir quel-ques mémoires !Parmi les césars les plus convoités, celui de«la plus grosse crapulerie». Les nominésmis en examen sont : Eric Woerth pour«trafic d’influence passif, recel et financementillicites de parti», Nicolas Bazire pour «com-plicité de biens sociaux», Thierry Gaubertpour «subornation de témoin» et le jugeCourroye pour «collecte illicite de données etviolation du secret des correspondances». Legagnant est… le juge Courroye! (Musique etvoix du commentateur) «C’est plus que mé-rité. Un prix qui a valeur de symbole, qui vientrécompenser cinq ans de magouilles au plus

haut niveau de l’Etat : affaires judiciairesétouffées, juges dessaisis, journalistes mis surécoute… et c’est Rachida Dati, sanglée dansun magnifique fourreau Dior qui remet sonprix au procureur… Rachida, très sollicitée cesoir, puisqu’elle a également remis le césar dumeilleur acteur de complément à FrançoisFillon… Un Fillon toujours un peu boudé parla profession.»Dans ce dispositif il faudrait bien sûr insti-tuer le prix du meilleur scénario, catégoriereine en politique. Et même, pourquoi pas,plusieurs sous-catégories, afin qu’on puisseavoir plusieurs vainqueurs…César du scénario qui prend le spectateurpour un con : Eric Besson pour sa phrase«Fukushima n’est pas une catastrophenucléaire» ; césar du scénario à dormirdebout: Frédéric Mitterrand pour avoir ra-conté à Laurence Ferrari que les hommesavec lesquels il couchait en Thaïlandeavaient tous plus de 40 ans; césar du scéna-rio le plus cher : Christine Lagarde pouravoir filé 400 millions d’euros à l’acteurBernard Tapie… Une première: jamais dans

l’histoire du Septième Art, uncomédien aussi mauvaisn’avait été payé aussi cher.César du scénario le pluscruel, du «happy end» le pluspathétique : Nicolas Sarkozypour avoir promis auxouvriers de Gandrange de «re-

venir lui-même annoncer la solution qu’ilaurait trouvée».On en arrive tout naturellement au césard’honneur. Un césar exceptionnel destinéà récompenser l’ensemble d’une œuvre. Ade rares exceptions, un césar d’honneurn’est jamais bon signe. Le «gagnant» estgénéralement proche de la sortie, de la re-traite, voire… du Père-Lachaise. Et le ga-gnant est… Nicolas Sarkozy! Oui, la profes-sion dans sa majorité souhaitait qu’il arrêtede tourner: «Assez de cinéma!» Le public,las de sa démagogie trop voyante, de sesmultiples mensonges, pitreries, revire-ments en tout genre, réclame un acteurplus droit, plus juste, plus posé… Le Prési-dent ira donc chercher son césar accompa-gné d’une Carlita plus énamourée que ja-mais. «Chouchou est formidaaable, sans lui,ici, ce serait la Grèce, la Syrie, Homs… !» Enrevanche, à l’issue de la cérémonie, il nesera pas question d’aller dîner au Fou-quet’s. L’autre jour, le Président l’a dit enbégayant à Pujadas : «Ça lui a coûté assezcher!» Nicolas et son épouse se rendront auFlunch d’Aubervilliers, le restaurant pré-féré de Carlita, elle l’a avoué au magazineTélé 7 jours: «Après un épisode de Plus Bellela vie, je prends la formule “Saveur de mon-tagne” avec sa tartiflette à la tomme deSavoie à 5 euros, plus peuple c’est impos-sible!» Il se murmure d’ailleurs que l’Aca-démie pourrait remettre au Président uncésar des césars, distinction très rarementaccordée pour un rôle de composition ex-ceptionnellement interprété: «Faire peuplecoûte que coûte».

Les nominéssont…Par STÉPHANE GUILLONIRONIQUES

Un césar d’honneur n’est jamais bonsigne. Le «gagnant» est généralementproche de la sortie, de la retraite, voire…du Père-Lachaise. Et le gagnant est…Nicolas Sarkozy!

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 2012

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26 • REBONDS

La mortannoncée dumodèle socialeuropéen

Les députés se sont prononcés sur leMécanisme européen de stabilité (MES)mardi dernier et, cette semaine, c’estau tour des sénateurs.Pour simplifier, le MES crée une sortede fonds monétaire international àl’échelle européenne qui pourra inter-venir en cas de crise de solvabilité d’unEtat européen. Un considérant du traitéinstituant le MES indique que ce dernieret le «traité sur la stabilité, la coordi-nation et la gouvernance» (TSCG) sontcomplémentaires. «L’octroi d’une assis-tance financière dans le cadre […] du MESsera conditionné […] à la ratification duTSCG par l’Etat membre concerné» et aurespect des exigences de l’article 3 dece traité. Cet article sti-pule que la positionbudgétaire des admi-nistrations publiques devra être équili-brée ou en excédent, avec une limitebasse d’un déficit structurel de 0,5% duproduit intérieur brut (PIB). Seules des«circonstances exceptionnelles» permet-tent de s’écarter de l’objectif de moyenterme.Par ailleurs, les règles concernant lesolde budgétaire devront être incor-porées dans le droit national «par desdispositions à caractère obligatoire et per-manent, de préférence constitution-nelles». Les Etats soumis à une pro-cédure de déficit excessif devrontproposer une «description détaillée desréformes structurelles» mises en place etréalisées pour corriger le déficit, souscontrôle de la Commission et du Conseilde l’Union européenne. Les réformesmajeures devront être discutées ex-anteet éventuellement coordonnées entreles Etats.Bref, le traité instituant le MES et leTSCG signifie deux choses : premiè-rement, l’instauration et, de préférence,la constitutionnalisation d’un régimestrict d’orthodoxie budgétaire qui,compte tenu de la crise actuelle, impli-que une période d’austérité sévère etdurable ; deuxièmement, un abandonsignificatif de la souveraineté nationalenon seulement en matière budgétairemais aussi dans tous les domaines sus-ceptibles d’être la cible des «réformesstructurelles» qu’exigeront d’un paysen difficulté les partenaires européenset la Commission.Les deux éléments se complètent :l’austérité déprime l’activité, exacerbeles problèmes de chômage et de finan-cement de la protection sociale ce quifacilite la mise en place des «réformesstructurelles».A cet égard, une récente interview duprésident de la Banque centrale euro-

péenne (BCE), Mario Draghi, donne uneidée de ce qui attend les sociétés euro-péennes.Dans le pur style thatchérien, il assènequ’il n’y a pas d’alternative à l’austérité.Certes, cette dernière va déprimerl’activité (en effet la Grèce a perdu àpeu près 15% de PIB depuis 2008), maisun jour la fée confiance va apparaître etd’un coup de baguette magiquerelancer l’activité, mais seulement sion fait les «réformes structurelles»,bien sûr. Et pour les naïfs qui pen-seraient qu’il y a deux façons derééquilibrer le solde budgétaire, couperdans les dépenses ou augmenter les re-cettes, Mario Draghi met les choses au

point. La «bonne»consolidation, c’estquand on baisse les

impôts et les dépenses publiques. La«mauvaise», c’est quand on augmenteles impôts.Quant aux réformes elles-mêmes, c’estsans surprise : déréglementation desmarchés de biens et de services, flexibi-lisation du marché du travail, protec-tion sociale… Et pour conclure, MarioDraghi met les points sur les «i» : lemodèle social européen, celui que l’in-tégration européenne était supposéepréserver (cf. les débats sur l’«écono-mie sociale de marché» au moment duréférendum sur le traité constitutionneleuropéen), c’est fini, parce qu’on nepeut plus se permettre de «payer lesgens à ne pas travailler».Ce que les textes du MES et du TSCGannoncent, ce sont des transformationsstructurelles fondamentales pour leséconomies et les modèles sociaux enEurope, car les «réformes structu-relles» ne s’arrêteront pas à la Grèce ;on a bien vu que les crises de financepublique peuvent arriver très vite.Compte tenu de l’importance del’affaire, il est choquant (mais pas éton-nant, hélas) qu’il n’y ait pas en Europe,et en France en particulier, de débatpolitique à la hauteur de l’enjeu, ni deconsultation démocratique.Ceux qui se félicitent de la mise en placedu MES, car cela va «sauver la Grèce»se demandent-ils si les Grecs (et ceuxqui suivront) veulent être «sauvés» decette façon ?Le modèle néolibéral est en train degagner la guerre qui l’oppose au modèlesocial européen, sans que ceux qui de-vraient être les défenseurs de ce dernierjugent utile de combattre.

Bruno Amable est professeur de scienceséconomiques, université Paris­IPanthéon–Sorbonne, et membre del’Institut universitaire de France.

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LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 2012

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Au défilé Missonià Milan, dimanche.PHOTO MAX ROSSI.REUTERS

PRÊT­À­PORTER AUTOMNE­HIVER 2012­2013 Derniers jours des défilés italiens avec Marni,Missoni ou Bottega Veneta, valeur sûre et intemporelle.

Milan, fin du «fashion slow»L e jeu des chaises musicales

des créateurs, rumeurs,démentis et coups de théâ-tre ont monopolisé les

conversations aux derniers joursdes défilés milanais, éclipsant lesstratégies des marques occupées àdéjouer, à leur manière, la sinis-trose économique.Propriété du groupe PPR et consi-dérée comme le Hermès local, Bot­tega Veneta joue la carte de ladiscrétion et d’une esthétique in-temporelle. Pas de tendance préciseni même de thème pour son direc-teur artistique, l’Allemand TomasMaier, mais une mise en avant ducuir, les sacs tressés étant la signa-ture de la marque. Les peaux semêlent aux tissus, des bijouxbrillants sont accrochés aux tenuesnoires et les longues robes se dé-coupent dans du velours chamarréou s’illuminent avec des flopées desequins. Le tout dans des couleurssombres, aux noms sibyllins: bleuTourmaline ou gris Gainsborough.

A la manière de la très en vogue«slow food», la marque donne unexemple de «slow fashion», le luxeétant vu comme une alternativedurable, et patiente, à la crise.Autre manière de s’assurer une jo-lie rentrée de dividendes: dessinerune collection capsule pour H&M.C’est ce qu’a fait Marni enapposant ses célèbres impriméscolorés sur une ligne disponible enmars, et en faisant appel à la réali-satrice Sofia Coppola qui en signela publicité. Mais dimanche matin,la marque montrait que, si ellemange volontiers du pain suédois,elle propose quand même le fin dufin à ses acheteurs fortunés : desétoles en fourrure et des manteauxoù se mêlent plusieurs types depeaux. Peu d’imprimés, sauf quel-ques motifs de roses zoomées, maisdes tenues monochromes, vestes-capes rouges, robes bleu et vertpâle.Chez Missoni, et sur la musique duMépris, on fait un tour en forêt. Lestricots, signature de la maison, sedéclinent dans des tons sobres :rouille, gris, ivoire. Les laines se

mélangent et s’obscurcissent,«comme si la femme prenait corpsavec la nature», comme le confie lacréatrice Angela Missoni avant ledéfilé. Les jupes en peaux s’asso-cient à des corsets en plastiquemoulant. Sur les têtes, on retrouvedes toques en fourrure et les châlestricotés serrent le buste, à l’anda-louse. Cette élégance méditerra-

néenne impeccable, MassimilianoGiornetti y tend chez SalvatoreFerragamo. Sous trois grands lus-tres baroques, les filles avancentdans des tenues très strictes: man-teau militaire, cape noire à cold’astrakan, trench plastronné decuir. Les sombres robes en dentellesont suivies par des jupes de gita-nes, bordeaux et brodées de doru-

res dans un esprit très bohèmechic. Chez Giorgio Armani, mas-todonte de la mode et de la vente deparfums, on joue la fantaisie. Lesfilles portent des bermudas rose etrouge écrevisse, les cols des chemi-ses se découpent dans du tulle va-poreux et des motifs zébrés cou-vrent les mocassins. Les invitésapplaudissent des minirobes àpaillettes et particulièrement lefinal, un total look vamp en se-quins noirs.Plus relax, Dsquared2 recréel’ambiance de fête de fin d’annéed’un lycée américain. En pull mo-hair, jupe croco et clope au bec, lesfilles défilent comme des promqueens, fraîches et enthousiastes.Quelques jours plus tôt, la marquedes jumeaux Dean et Dan Catenavait fêté le lancement d’une lignede sacs. A côté d’un spectacle demagie (on vit une rédactrice cou-pée en deux), des cartomanciennesprédisaient l’avenir aux invités.Mais, aux questions qui taraudentla fashion (qui va reprendre Dior?Quid de Raf Simons ?) point deréponse. •

Par CLÉMENT GHYSEnvoyé spécial à Milan

A Milan, les alentours des shows sont rarement le théâtre demanifs. D’où les regards dubitatifs –difficilement perceptibles, leslunettes de soleil étant de rigueur, même le soir– des rédactrices àl’entrée du show Versace face à trois jeunes femmes du collectifféministe ukrainien Femen, connu pour ses actions chocs pendantl’affaire DSK. Elles se baladaient dans la rue, le torse nu marqué deslogans au feutre. Apostrophant les mannequins («N’allez pas dansles bordels!»), elles condamnent le casting de filles très maigres parla marque. Brandissant des panneaux inscrits d’un fort radical«Mode = fascisme», le happening fut de courte durée, les policierset le service d’ordre de Versace ayant vite fait de les déloger. Moinsbruyants, les militants pour le droit des animaux étaient au défiléEmporio Armani. Arborant les tee­shirts d’une associationvégétalienne, ils tenaient dans les mains des cadavres de lapins etdes affichettes: «Une fourrure est un animal mort». Une véritédifficilement contestable. C.G

DÉFILÉS DE MANIFESTATIONS

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 2012

MODE • 27

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CINÉMA Avec cinqoscars, dont celuidu meilleur acteurpour Jean Dujardin,le film de MichelHazanavicius obtientun triomphe àHollywood.

C’ est un peu la chronique d’un triompheannoncé. Depuis des semaines, lapresse américaine ne cherchait mêmepas à entretenir le suspense: la 84e cé-

rémonie des oscars aurait des airs de consé-cration pour The Artist et son équipe. Ven-dredi, sur la radio publique NPR, le critiquede cinéma du New York Post, Kyle Smith, donnaitmême le palmarès avant l’heure, faisant déjà deJean Dujardin, Michel Hazanavicius et ThomasLangmann, les héros de la soirée. Avant d’ajouter,l’air de rien, que le film était «par ailleurs» sou-

«The Artist»,Par FABRICE ROUSSELOTCorrespondant à New York

Par GÉRARD LEFORT

Le silenceest d’or

C’est donc la deuxième foisqu’un film français muetemporte un oscar àHollywood. D’une part,(au cas où ce week-endvous auriez pris l’option«retraite en Amazonieprofonde»), the Artist,d’autre part, en 1957, leMonde du silence, ducommandant Cousteau,coréalisé par Louis Malle.Entre les deux, c’estl’ablation de la parole,donc de la langue, qui faitle lien, cette carenceexemptant les votants auxoscars de l’effortterriblement intello quiconsiste à lire des sous-titres. Mais pas seulement.Dans l’un comme dansl’autre cas, le silence dort,cotonneux dans l’un,comateux dans l’autre,abyssal en somme, voirefunèbre. Comme les mersjadis poissonneusesdocumentées parCousteau, le monde dusilence filmé parHazavicius est uncontinent perdu oùles acteurs s’exprimentcomme des fossilesd’aquarium, derniersspécimens d’une espèceen voie de disparition,maintenueartificiellement en vie.Le lien est aussi animal.Car si Uggie le chien est lavraie star de the Artist(Palme Dog à Cannes), Jojole mérou fut la vedette duMonde du silence. Et à tousdeux, il ne manqueévidemment que la parole.Cela dit, on ne souhaite pasà Uggie le chien le destintragique de Jojo le mérouqui, après le tournage dufilm de Cousteau, finit surle barbecue, un plongeurayant lâchement profité desa familiarité avec leshumains pour leharponner dans le dos.

BILLET

tenu par Harvey Weinstein… Car le succès de TheArtist à Los Angeles, c’est aussi celui du produc-teur peut-être le plus puissant d’Hollywood. Dèsle printemps, avant même la projection du longmétrage à Cannes, l’homme aux 270 nominationsaux oscars avait ainsi voulu visionner The Artistalors qu’il était toujours au montage. Apparem-

ment enthousiaste, il a ensuite décidé dele distribuer aux Etats-Unis et d’en faireson champion pour la cérémonie.

Chose exceptionnelle, Weinstein, avec son physi-que d’ours mal léché et sa réputation de terreurdes studios, a accepté de signer le film en s’enga-geant à ne pas toucher ou couper une seule scène,ce qui n’est pas vraiment dans ses habitudes. Tho-

RÉCIT

star Academy

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 201228 •

CULTURE

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Travail nickel, accès direct grâceau muet, nostalgie... le filmd’Hazanavicius cumule les atouts.

Les raisonsdu successA près un week-end de

célébration triom-phale, un parfum de

griserie générale flotte sur lecinéma français. Cetteséquence de gloire s’estouverte vendredi soir avec lescésars, dont le cru 2011 a sur-tout fêté une nouvelle géné-ration de gagneurs (Intoucha-bles, Polisse, The Artist) et elles’est conclue par une «nuitbleue» sur Hollywood, avecune moisson d’oscars histo-rique à plus d’un titre (JeanDujardin, meilleur acteur,est le premier Français ainsirécompensé et The Artist lepremier film français gratifiéde cinq récompenses).Orfèvre. Il est toujours plusfacile de trouver, a poste-riori, des motivations à unsuccès. Dans le cas de TheArtist, ces raisons ne man-

quent pas. Outre Jean Dujar-din lui-même, dont la capa-cité à séduire (et dans lesrègles de l’art !) les médiasaméricains force l’admira-tion, la puissance de séduc-tion du film tient d’abord àsa grande précisiontechnique. Il enémane un senti-ment de travail bien fait,d’exécution nickel, dont lecinéaste Michel Hazanavi-cius a toujours été un orfèvrepointilleux (ses OSS 117 enattestent) et à quoi la cultureaméricaine a été particuliè-rement sensible.Néanmoins, il serait idiot denier que le mutisme du filma également beaucoup jouéen sa faveur. Les profession-nels du cinéma américain quicomposent le collège des vo-tants pour les oscars sontcomme tout le monde : ilssont sensibles aux films quitrouvent la voie la plus di-recte vers leurs émotions etleurs sentiments. Si, histori-quement, le cinéma britan-nique a toujours été surre-présenté aux oscars, c’estjustement en raison de saproximité linguistique etculturelle avec l’Amérique.De même, en étant totale-ment muet (mais musical)tout en étant imbibé parl’histoire hollywoodienne, le«français» The Artist, efface

tous ces filtres de la langue etces tamis de la culture quiréduisent d’ordinaire la pos-sibilité d’un accès direct àl’œuvre. Du coup, le filmd’Hazanavicius relève d’unesperanto universel qui, sansdire un mot, parle quandmême à tous les publics.D’une façon générale, il fautaussi souligner combien TheArtist profite, sans peut-êtrel’avoir même cherché, de ceprofond courant nostalgiquequi étreint la culture occi-dentale, au point de donnerlieu à cette coïncidence mé-lancolique extraordinaire :dimanche soir, le plus sé-rieux concurrent de The Ar-tist (qui rend hommage aucinéma pionnier hollywoo-dien) n’était autre que leHugo Cabret de Scorsese (quihonore Méliès, pionnier du

muet français).Enfin, s’agis-sant de l’in-dustrie du ci-néma français,l ’ e n s e i g n e -

ment le plus décisif que l’onpeut provisoirement tirer dela saga The Artist sera sansdoute médité par l’ensemblede la profession: son nouvelhomme fort s’appelleThierry Frémaux. Du palma-

rès de Cannes auxoscars, en passantpar les césars, c’est

aussi la stratégie du Déléguégénéral du plus grand festivaldu monde qui a été validéeavec éclat.Aura. On peut aujourd’huimesurer à quel point la sélec-tion française à Cannes 2011fait carton plein: The Artist,Polisse, l’Exercice de l’Etat,l’Appolonide, Pater. Depuistoujours le théâtre des intri-gues politico-mondaines, lasélection des films françaispour le Festival de Cannes,promet d’être en 2012 unefoire d’empoigne encore plusdisputée que d’habitude.Nimbé de l’aura de ces succèsinédits, clef du pouvoir deCannes, Thierry Frémaux estdevenu un personnage cen-tral du ciné-système françaiset son très zélé promoteur.«Le cinéma français est dansune forme éblouissante. Que lefestival en soit le théâtre ren-force et l’un et l’autre», décla-re-t-il ainsi dans le derniernuméro du Film français dontil est l’invité.

OLIVIER SÉGURET

13 millions d’euros (dont 6 millions de Canal+ et 1 millionde France3), c’est le budget probable de The Artist.20 millions de dollars, c’est la contribution de lapuissante compagnie américaine Weinstein , pourassurer la promotion et la distribution du film.2103673 entrées en France à la date du 23 février , lefilm de Michel Hazanavicius, sorti le 12 octobre, devraitbénéficier d’un regain de fréquentation après son casseaux césars (six, dont celui du meilleur film) et sa rafle auxoscars (cinq, donc celui, de nouveau, du meilleur film).Outre les oscars et les césars, The Artist, depuis saprésentation au festival de Cannes le 15 mai encompétition officielle (prix d’interprétation à JeanDujardin), ramasse tout ce qui bouge en matière derécompenses: Golden Globes en janvier (prix remis parla presse étrangère aux Etats­Unis); Bafta (prix del’industrie cinématographique britannique) du meilleurfilm en février 2012. La veille des oscars, the Artists’offrait le luxe de remporter l’Indie Spirit Award, prixaméricain du cinéma indépendant, anticipant ainsi undoublé que seul Platoon d’Oliver Stone avait réalisé en1986.32 millions de dollars, c’est la recette du film sur leterritoire américain (en dessous, dans un registrecinéphilique comparable, de Minuit à Paris de WoodyAllen –56 millions–, et de Hugo Cabret de Scorsese–70 millions de dollars).

RÉCOMPENSES À LA PELLE

Jean Dujardinlors de la 84e cérémonie

des oscars, dimancheà Hollywood.

PHOTO JOEL RYAN. AP

mas Langmann a même précisé au New York Timesqu’il n’arrivait pas franchement à y croire, et qu’ilavait pris le soin de mentionner tout cela dans lecontrat écrit. Le reste est l’histoire d’une incroya-ble campagne de plusieurs mois pour promouvoirThe Artist et l’imposer comme favori indiscutableaux oscars.

TALK­SHOWS. Dès l’été dernier, Weinstein, qui afondé Miramax il y a plus de trente ans avec sonfrère Bob, avant de récolter le pactole en revendantla compagnie à Disney en 1993, a ainsi demandéà Michel Hazanavicius et Jean Dujardin d’être to-talement disponibles pour se présenter à tous lesfestivals de la planète. En quelques semaines, l’ac-teur français va apparaître sur tous les talk-showsdu soir à la télévision américaine, prenant à l’évi-dence un réel plaisir à cultiver son nouveau statutde star aux Etats-Unis. Il multiplie les interviewsdans la presse aussi, jusqu’à faire la couverture dusupplément spectacle de USA Today.Harvey Weinstein, surtout, réussit un tour deforce. Il parvient, peu à peu, à faire de The Artistun film international, gommant au maximum soncaractère français pour être sûr qu’il n’apparaissepas dans la catégorie «films étrangers». Il fait va-loir à tout le monde que The Artist a été tourné en-tièrement à Los Angeles, et souligne que c’est unfilm muet, donc sans barrière de

En étant muet et imbibé parl’histoire hollywoodienne,le film parle à tous les publics.

Suite page 30

ANALYSE

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 2012 CULTURE • 29

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Du feuilleton télé au cinéma, retour sur uneascension hors norme multirécompensée.

comédien, depuis le début de sa car-rière, l’a souvent joué plus collectif quesolo. En attestent ses débuts au sein dela fine équipe des Nous C Nous (BrunoSalomone, Eric Collado, EmmanuelJoncla et Eric Massot).C’est ensuite la révélation d’Un gars,une fille, 486 épisodes multirediffusés,au long desquels de solides amitiéss’entrelacent, de même qu’un couplenaît avec la partenaire Alexandra Lamy.Vient ensuite le temps du cinéma où,longtemps, la bonne formule tarde àvenir. «D’après ce que les gens me disent,je ressemble toujours à quelqu’un qu’ilsconnaissent bien. A leur frère, à leurmeilleur copain, à leur gendre… Manifes-tement, j’ai la tête de tout le monde»,nous disait Jean Dujardin à l’époqued’OSS 117. C’est sans doute cette carac-téristique qui l’a conduit dans un pre-mier temps vers les seconds rôles (leConvoyeur, de Laurent Boukhrief) ou lesfilms choraux comme Toutes les fillessont folles, de Pascal Pouzadoux, Bienve-nue chez les Rozes de Pascal Palluau, Ma-riages de Valérie Guignabodet ou lesDalton de Philippe Haïm (dont le scriptest cosigné Michel Hazanavicius).Soliste. Rien d’impérissable donc,mais c’est lorsque le beau gosse fait sonnuméro de soliste qu’il casse la baraque,sans prévenir et sans avoir l’air de lefaire exprès. Brice de Nice de JamesHuth, en 2005, en est le premier pointculminant, provoquant la stupeur va-guement inquiète de milliers de parentsdécouvrant leurs enfants hurlant de rireen fendant l’air du tranchant de leurmain. Suivent, évidemment, la dé-monstration des deux OSS 117 et quel-ques rôles dramatiques où il épate (Unbalcon sur la mer, de Nicole Garcia) et,finalement, le sur-mesure The Artist.C’est justement le moment que choisitDujardin pour co-réaliser Infidèles, unfilm choral avec ses amis intimes. Cer-taines habitudes ne se perdent pas.

BRUNO ICHER

La razziaDujardinA ce niveau d’encensement, il y

aurait de quoi en rester étourdipour la vie. Oscar, palme d’or,

Golden Globe, Screen Guild Award, sansoublier le Bafta, distinction qui vaut sonpesant d’or au pays des acteurs les plusdemandés au monde, Jean Dujardinaura donc tout eu avec The Artist.«Copain». Tout sauf le césar, mais ilfaut croire que le cinéma français de-vait, d’une manière ou d’une autre,sanctifier les sommets du box-office at-teints par les Intouchables et prendreacte de la naissance du phénomèneOmar Sy. Toutefois, il y a une certaineironie à assister à la razzia Dujardin surtoutes les statuettes du monde, tant le

«The Artist» estun film savant et(un peu) cabot.

En muetfais ce qu’ilte plaîtU n film muet qui commence par

un hurlement. Ce qui fait sonpetit effet, car ce n’est pas seule-

ment un gag physique. Le mouvementde la caméra est comme un mouvementde tête: passer derrière et devant l’écrandu film, puis, le plan s’élargissant, dé-couvrir le panorama d’une salle de ci-néma dans les années 20. Dans le mêmeabîme, on réalise que la musique, qu’onentend depuis le début (film muet maissonorisé), est celle d’un ensemble sym-phonique qui, dans la fosse d’orchestre,comme c’était le cas à l’époque, accom-pagne les images. Tout le dilemme deThe Artist, voire son impasse, est danscette tension inaugurale entre le récit etson commentaire. Plus précisément sadifficulté de faire de ce commentaire,un récit. D’une part un hommage,d’autre part une intrigue qui se résumeà sa lyophilisation : à Hollywood en1927, George Valentin (Jean Dujardin)est une vedette du muet. L’arrivée duparlant va ruiner sa carrière. PeppyMiller (Bérénice Bejo), figurante, va êtrepropulsée star. Commence alors un brasde fer entre une distraction qui invite àdétecter une foule d’emprunts plus oumoins copiés-collés, et le souci, malgrétout, de raconter une histoire –en l’es-pèce, une romance entre la star déchueet l’étoile montante. Comme les prélè-

vements cinéphilessont opérés dans unpanthéon qui, pour

beaucoup, est le nôtre, on s’intéresse,on s’amuse : lorsque George Valentinmet le feu aux films où il tenait la ve-dette, n’est-ce pas Gloria Swanson des-cendant l’escalier de Sunset Boulevard?Mais, passé le petit plaisir d’avoir bonneou mauvaise pioche, nous file entre lesdoigts un film de sable, plus hantéqu’habité. Il faut en effet être de bonnehumeur pour s’intéresser au mélo àdeux balles qui croise le cœur de Georgeet celui de Peppy. Parce que ce croise-ment n’est pas un duo, surtout dans lascène finale, pas de deux qui ose la re-constitution de légende dissoute: Gin-ger Rogers et Fred Astaire.Le problème de The Artist n’est pas ce-lui du faux-semblant mais des fauxairs. Jean Dujardin, avec les indulgen-ces du jury, a un faux air de DouglasFairbank; Bérénice Bejo, un faux air deJoan Crawford jeune, etc. Les rares mo-ments de cinéma sont ceux où le filmretrouve la geste du muet. Belle scènepoético-Charlot où la starlette glisse unbras dans la veste abandonnée de sastar adorée, et s’y auto-enlace. Trèsbelle mélancolie filmée, quand il estsuggéré que l’invention du parlant estune invasion de bruits, comme autantde parasites.

GÉRARD LEFORTExtrait de la critique parue dans Libéra-tion le 12 octobre.

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20invitations à gagner pour la représentation du jeudi 8 mars,à 20 heures.

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INVITATIONLibération vous invite au théâtre l'Athénée pour assister à Caligula de Giovanni Maria Pagliardi. Découvrez cet opéra italien et la cour de l'empereur de Rome entrepassion et folies.

opéra de Giovanni Maria Pagliardi livret Domenico Gisberti direction artistique et musicale Vincent Dumestre mise en scène Alexandra Rübner et Mimmo Cuticchio Le Poème Harmonique 8 › 11 mars 2o12

Projet6:Mise en page 1 21/02/12 15:15 Page1

langage pour le publicaméricain. Une fête pré-oscars, prévue au consu-lat de France de Los Angeles quelques jours avantla cérémonie, est annulée. Et début février, toutel’équipe de The Artist va jusqu’à recevoir en gran-des pompes une nouvelle récompense, baptiséele «Made in Hollywood Award», de la part d’unconseiller municipal de la Cité des anges…La promotion du film ne fera en fait que s’intensi-fier jusqu’à ses dix nominations aux oscars, finjanvier. Usant de son influence, celui que certainssurnomment le «boss» ou même «Dieu» autourdes collines d’Hollywood, multiplie les projectionsprivées et les déjeuners avec les 5 765 membrestout puissants de l’Académie des oscars, qui votentpour en établir le palmarès. Même les Obama ontdroit à leur petite séance de cinéma, ce qui feradire à la Première Dame des Etats-Unis que TheArtist est son film préféré.

«CONSENSUEL». «Il est clair qu’il y a eu un énormetravail autour de ce long métrage, assure un anciencadre de Miramax. C’est évidemment le cas à chaquefois, mais je ne me souviens pas d’avoir vu une cou-verture de presse aussi impressionnante autour d’unfilm, français de surcroît, avant les oscars. Tout lemonde sait par ailleurs que les membres de l’Acadé-mie sont bon public, surtout pour un produit commeThe Artist, qui est très consensuel.» Et c’est, làaussi, l’un des atouts indéniables du film de MichelHazanavicius, celui de faire résonner une cordesensible avec un long métrage en l’honneur del’âge d’or d’Hollywood.Dimanche, même l’animateur de la soirée, le co-médien Billy Crystal, n’a pu s’empêcher de multi-plier les blagues sur l’âge de certains des nominésou des membres de l’Académie. Dans un articletrès controversé la semaine dernière, le Los Ange-les Times révélait que ceux qui votent pour les os-cars étaient majoritairement des hommes, blancs,de 62 ans. Posant la question de savoir si la céré-monie qui se déroule tous les ans à Los Angelesdepuis 1929 «représentait encore vraiment le cinémaaméricain».Dans son dernier article avant les oscars, KennethTuran, le critique du quotidien, soulignait pour sapart que certains estimaient la sélection 2011 par-ticulièrement «faible», mais que The Artist méri-tait l’oscar du meilleur film. «Parce que c’est unfilm muet, The Artist, sans avoir à se forcer, nousremet en mémoire l’histoire souvent négligée d’Hol-lywood. Et c’est déjà plus que n’importe quel filmcette année», concluait-il. •

Jean Dujardin dans The Artist. PHOTO PETER IOVINO

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CRITIQUE

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 201230 • CULTURE

Page 31: journal-liberation-28-2-2012

© SI

LEX

FILM

S / T

ARAN

TULA

DEMAIN AU CINÉMAD’APRÈS UN SCÉNARIO DE JOHN SHANK EN COLLABORATION AVEC VINCENT POYMIRO ET FRANCOIS PIROT DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE HICHAME ALAOUIE ANTOINE PAROUTY ASSISTANT RÉALISATEUR NICOLAS GUILLEMINOT MONTAGE YANNICK LEROY SON CHRISTOPHE GIOVANNONI

ETIENNE CURCHOD DIRECTION ARTISTIQUE ANNA FALGUERES COSTUMES MARIE MOREL MIXAGE EMMANUEL DE BOISSIEU FRANCO PISCOPO EN COPRODUCTION AVEC MOLLYWOOD EN ASSOCIATION AVEC SOLAIRE PRODUCTION PRODUCTEURS JOSEPH ROUSCHOP, VALERIE BOURNONVILLE PRODUCTEURS DÉLÉGUÉS PRISCILLA BERTIN ELISA LARRIERE JUDITH NORA KARIM CHAM MAARTEN LOIX COPRODUCTEURS PIERRE-ANDRE THIEBAUD OLIVIER LEGRAIN CATHERINE LEGRAIN AVEC L’AIDE DU CENTRE DU CINÉMA ET DE L’AUDIOVISUEL

DE LA COMMUNAUTÉ FRANCAISE DE BELGIQUE ET DES TÉLÉDISTRIBUTEURS WALLONS AVEC LA PARTICIPATION DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE AVEC L’AIDE DE L’OFFICE FÉDÉRAL DE LA CULTURE SUISSE AVEC LE SOUTIEN DE EURIMAGES AVEC LA PARTICIPATION DU PROGRAMME MEDIA DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE AVEC LE SOUTIEN DE LA RÉGION MIDI-PYRÉNÉES AVEC L’AIDE DU FONDS AUDIOVISUEL FLAMAND COPRODUIT AVEC LA RTS RADIO TÉLÉVISION SUISSE SRG SSR ET PASSAGE ANTENNE

AVEC LA PARTICIPATION DE CINÉCINÉMA AVEC LE SOUTIEN DE CINÉFINANCE TAX SHELTER DE BELGACOM DE LA COMMUNAUTÉ FRANCAISE WALLONIE-BRUXELLES ET DE LA LOTERIE NATIONALE

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FOLK ROCK Les groupes américain et anglais reviennent tous deux avec des albums au vague à l’âme emballant.

Lambchop et Tindersticks: spleen idéalMR. M de LAMBCHOP(City Slang/Pias)et THE SOMETHINGRAIN de TINDERSTICKS(City Slang/Pias)

E lliott Smith (coups decouteau dans la poi-trine, 2003), Vic Ches-

nutt (overdose de myore-laxant, 2009) et Mark Likous(balle dans le cœur, 2010) deSparklehorse ayant décidéde quitter ce bas monde pré-maturément, les clients defolk rock mélancolique ontperdu en quelques annéestrois de leurs plus finesépées.Heureusement, de chaquecôté de l’Atlantique, deuxtribus spleeniennes résistentà l’appel de l’infini avec uneabnégation aussi puissanteque leur musique est som-bre. Hasard du calendrier,ces résistants livrent con-jointement leur dernièresaillie, d’une égale (réjouis-sante) qualité, tout en pour-suivant des trajectoires sé-

parées aux similitudespourtant troublantes.Tindersticks est né en 1992 àNottingham, en Angleterre,quand Lambchop a priscorps en 1994 à Nashville,dans le Tennessee. Depuisses débuts, la troupe an-glaise, dont la géométrie n’acessé d’évoluer au fil dutemps (de trois à six mem-bres), est emmenée par sonmentor et chanteur StuartStaples, quand le collectifaméricain vit sous la tutellesouple de son chanteur-songwriter-guitariste KurtWagner. Quand Tindersticksa signé neuf albums studioen dix-neuf ans et cinq ban-des originales (essentielle-ment pour illustrer les longsmétrages de la réalisatriceClaire Denis), Lambchop atricoté onze disques en dix-huit hivers (sans compter leside project Kort de Wagneravec Cortney Tidwellen 2010). Rien doncd’étrange à voir les deuxprotagonistes partager l’ac-

tualité discographique avecle même bonheur, tant leurnouvelle production est em-ballante.Charpentier. Avec Mr. M,Lambchop rend hommage àl’ami Vic Chesnutt, avec le-quel le groupe avait enregis-tré The Salesman and Berna-dette en 1998, album del’hémiplégique qui restera àjamais dans les mémoiresavec son chef-d’œuvre Is theActor Happy ? (1995).Depuis la sortie de Oh (Ohio)en 2008, Kurt Wagner, quiavait gardé le silence, préfé-rant se consacrer à la pein-ture, signe ce qu’on peutqualifier de retour gagnant.Selon son habitude, Lamb-chop promène un vague àl’âme classieux, langoureuxet élégant, dans des balladesen territoires folk, country,voire blues, et parfois jazz.Guitare, piano, violon: c’estune musique infiniment per-sonnelle que bâtit l’anciencharpentier à la dégaine deredneck. On pourra toujours

arguer que les albums deLambchop se ressemblent–pour le profane. Il n’en estrien pour l’amateur, que ra-vira le raffinement caractéri-sant l’ensemble et les détailsde l’épisode, dignes de basplafonds vénitiens, qu’il ren-ferme. Du reste, il s’agit sansdoute du meilleur Lambchopdepuis l’éminent Is a Woman(2002), avec lequel il partageune égale beauté à chialer(écouter le morceau 2B2…).Il faut attendre le huitièmetitre de l’album, le très réussi

The Good Life (Is Wasted),pour croiser la premièrechanson tant soit peu guille-rette de ce Mr. M ; c’est diresi la tonalité de l’ensembleest bluesy.Hypnotique. Quant à TheSomething Rain de Tinder-sticks, il poursuit dans lamême veine que FallingDown a Mountain, disqueavec lequel le désormais triode Nottingham était revenuau premier plan en 2010. Dutitre Chocolate, avec son talk-over teinté ciné, au morceau

Show Me Everything, où l’ondécouvre Stuart Stapleschantant à la manière deHorace Andy, sans oublierFrozen, magnifié par un saxohypnotique et le chanttotalement habité et intro-spectif d’un Staples ausommet de son art, enpassant par des complaintesmi-tempo vaporeuses (ComeInside), The Something Rainse place d’ores et déjàcomme un album majeur del’année.

PHILIPPE BROCHEN

ROSE de MARTINSHERMAN ms ThierryHarcourt. La Pépinière théâtre,7, rue Louis­le­Grand, 75002.Jusqu’au 25 mars.Rens.: 01 42 61 44 16.

D e l’Américain MartinSherman, on connaîtsurtout Bent, pièce qui

donna lieu au scénario dufilm britannique du mêmenom primé à Cannes en 1997.Sherman y contait l’histoired’amour de deux homo-sexuels dans les milieux ber-linois interlopes du début desannées 30, bientôt rattrapéspar l’horreur nazie.Dans Rose, mis en scène parThierry Harcourt à la Pépi-nière théâtre, l’identité juiveest de nouveau questionnée,cette fois à travers la figurefantasque et rieuse d’unevieille ashkénaze, superbe-ment interprétée par JudithMagre, seule en scène.Assise sur un banc, Roseobserve shiv’ah, période dedeuil traditionnelle dans lejudaïsme, où, entre rires et

larmes, sont convoqués engrande pompe les souvenirsdes disparus («On rit, onpleure, on se dispute en sesouvenant du mort»). Decrainte que plus personne nesoit là pour la pleurer à sontour, la vieille juive prend lesdevants. Depuis son shtetld’Europe de l’Est jusqu’auxplages de Floride, en passantpar le ghetto de Varsovie etl’Exodus, l’existence de Rosese trouve intimement liée audestin du peuple juif.Mêlant habilement la petiteet la grande histoire, le textede Martin Sherman, nommédans la catégorie meilleurenouvelle pièce aux LaurenceOlivier Awards (les molièresbritanniques) en 2000,parvient à restituer avecfinesse le passage d’unmonde à l’autre, dont ladeuxième moitié du XXe siè-cle est le théâtre.Reconvertie en géranted’hôtel à Miami Beach où elleémigre après la guerre, Rosene peut qu’assister, avecnostalgie, à la marche d’un

monde devenu étranger. Lapoudrière du Moyen-Orienta définitivement ravalé lesespoirs de terre promise quelaissait présager l’aventurede l’Exodus, et la grand-mère, impuissante, doit faireface au nationalisme gran-dissant d’une descendancedans laquelle elle peine à sereconnaître.Il fallait, pour porter un telmonologue, une comédiennede la trempe de Judith Ma-gre, tour à tour sombre oulégère, vieille ashkénaze dé-bordante de vie et éternelleamoureuse au regard acérésur le passé («Je suppose quequand on a ses premièresrègles et son premier pogromle même mois, on peut à coupsûr présumer qu’on est sortide l’enfance»). La lucidité etl’humour du texte (dans latraduction française dePerrine Moran et LaurentSillan), qui le préservent detout pathos indu, font naîtreune juste et touchanteémotion.

JULIETTE RABAT

THÉÂTRE A Paris, Judith Magre porte la pièce de Sherman,traversée du XXe siècle par une vieille dame juive.

A la Pépinière,l’éclosion de «Rose»

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 2012 CULTURE • 31

Page 32: journal-liberation-28-2-2012

N ouvelle ère pour lesHumanos: le numéri-que associé. La mai-

son d’édition de bande des-sinée rock fondée en 1974 aannoncé hier qu’elle mettaità disposition du public, via lesite Izneo.com, tout son ca-talogue sur le Web.Lancée en mars 2010 par legroupe Media Participations,Izneo est développé avec lesoutien du Centre national dulivre (CNL) et d’autreséditeurs tels que Bamboo,Casterman, Dargaud etDupuis. A partir de 1,99 europour un usage de dix jours ou4,99 euros en consultationpermanente, «la plus grandebibliothèque en ligne de BD aumonde», comme le soulignele communiqué, propose àses lecteurs connectés lesgrands succès et classiquesdes Humanoïdes associés,tels que l’Incal de Moebius etJodorowsky, la Caste desMéta-Barons de Gimenez etJodorowsky ou encore Cité 14de Pierre Gabus et RomualdReutimann, récompenséau dernier Festival d’An-goulême.«Œcuménique». «Avec uneapproche œcuménique sur laquestion de la distribution du

catalogue au format numéri-que», les Humanos déclarentqu’ils «ne privilégient aucuneplateforme en particulier et,compte tenu de la bonne ergo-nomie et du professionnalismequ’offre Izneo, il n’y avaitaucune raison pour que lesHumanos se tiennent àl’écart».Sur la tentation du numéri-que et son avenir, la maisonreste pragmatique : «Nouspensons que la part du numé-rique dans l’édition va allergrandissant et que cette évolu-tion est inéluctable, que celanous plaise ou non. Avec la dé-

mocratisation des tablettes, laproportion de ventes de BDsous format digital augmen-tera rapidement.»Si les terrains de développe-ment pour la maison d’édi-tion se multiplient, d’autresperspectives, comme l’édi-tion en grand format (30 par40 cm), représentation quel’écran ne permettra pas, ontconvaincu les Humanos de

publier plus de livres sous ceformat, avec le succès desYeux du chat de Moebius etJodorowsky paru fin 2011 etépuisé en quelques jours.Mausolée. La maison fon-dée par Jean Giraud (Moe-bius et Gir), Jean-PierreDionnet, Philippe Druillet etBernard Farkas avait,comme cheval initial debataille, le mensuel descience-fiction Metal hurlant.Sa première mouture, dont lepremier numéro est paru enjanvier 1975, comptait desauteurs comme Enki Bilal,Gotlib ou encore Pétillon. Le

magazine pro-posait des cri-tiques de livres,puis de rock avecl’arrivée, en 1976,de Phi l ippeManœuvre. En

juillet 1987, Metal hurlantcesse de paraître après133 numéros, avant de renaî-tre en 2002 sous le formatd’un bimensuel disponibleseulement en librairie. Aprèsneuf numéros, l’aventures’achèvera définitivementavec un spécial mausolée de100 pages annonçant la finde Metal hurlant.

RIYAD CAIRAT

BANDE DESSINÉE La maison d’édition a annoncé hiermettre tout son catalogue en ligne sur le site Izneo.

Les Humanos associéspassent au numéroïde

«Cette évolution estinéluctable, que cela plaiseou non.»Les Humanos

Sean Young, 52 ans, pre­mier rôle de Blade Runnerou de Wall Street, a étéarrêtée à l’issue de la soi­rée des oscars à Hol­lywood. C’est au momentoù un des vigiles du baldu gouverneur, l’une dessoirées données après lacérémonie, a tenté d’expul­ser la comédienne, quecelle­ci lui aurait donnéune gifle. Ne possédantpas de carton d’invitation,Sean Young avait passéplusieurs minutes à pren­dre des photos des célé­brités dans le hall duHollywood& HighlandCenter, où se tient la soi­rée. Après l’altercation,elle a été conduite auposte de police de Hol­lywood, avant d’être libé­rée moyennant unecaution de 20000 dollars,en attendant sa comparu­tion devant le tribunalle 19 mars. Cet épisoden’est, hélas, pas le premierdans la carrière de SeanYoung. En 2008, elle avaiteffectué une spectaculairesortie au cours de laremise des prix de laDirectors Guild of Ame­rica. En 2006, elle avaitégalement tenté d’entrer àune soirée Vanity Fair àlaquelle elle n’était pas invi­tée en se glissant subrepti­cement derrière JenniferAniston. En vain. A noterqu’en dépit d’une certaineagitation, Sean Young nemanque pas d’élégancepuisque dimanche soir,elle portait, selon sestermes, un ensemble «trèsMyrna Loy».

PIQUE­ASSIETTEMALVENUEAUX OSCARS

L’HISTOIRE

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MÉMENTO

4,3C’est, en année, la durée de vie moyenne de mariaged’une actrice ayant reçu un oscar. Selon une étudecanadienne, le mariage des actrices n’ayant pas reçu deprix tenant 9,5 ans. Ironiquement, Meryl Streep oscariséepour la troisième fois cette année, est mariée depuis plusde trente ans. L’étude recensait les 751 artistes nommésaux oscars de meilleurs acteurs et actrices de 1936 à 2010.

Décès du bluesman Louisiana Red…Iverson Miller –de son vrai nom–, chanteur et guitariste deblues, s’est éteint samedi à 79 ans dans un hôpital de Hano-vre, Allemagne, de problèmes de thyroïde. Né en 1932 en Ala-bama, adepte de l’acoustique et du bottleneck, au milieudes années 70 il vire électrique sous l’influence du blues ur-bain de Chicago sans oublier ses racines du Delta. Fin 82, ils’installe à Hanovre, qu’il avait découvert lors de la tournéede l’American Folk Blues Festival.

…et du père du flipper Steve KordekHomme d’affaire et designer chez Genco, il lança en 1948 leconcept du double flipper en bas du plateau, commandé pardeux boutons pour renvoyer la bille (double flip): plus simplepour l’utilisateur et pour l’action sur le jeu. L’homme a re-pensé et travaillé sur plus de autres 100 machines pourWilliams ou encore Bally, leaders sur le secteur. Dimanche,Steve Kordek a tilté à l’âge de 100 ans.

Découverte du patrimoine cachéLa 29e édition des Journées européennes du patrimoine setiendra les 15 et 16 septembre. Le thème de l’année, «les pa-trimoines cachés», souhaite mettre en valeur des lieux rare-ment explorés comme des bunkers, épaves, catacombes, clo-chers, coulisses de théâtres ou de studios d’enregistrement.

«Le Bagdad Eye constitue la toute premièretentative, par le biais de l’art du cinéma,de faire prendre conscience et d’aider lesgens à comprendre le concept de droitsde l’homme tel qu’il a été publié dansla Déclaration universelle.»Kassim Abd directeur du Bagdad Eye, premier festivalde cinéma en Irak, lancé cette semaine

L’ancien présentateur star du journal de 20 heuresde TF1, Patrick Poivre d’Arvor, serait candidat à l’Acadé­mie française au fauteuil de Pierre­Jean Rémy, mort enavril 2010, selon le site Lepoint.fr. Interrogée par l’AFP,l’Académie française «ne commente pas cette informa­tion», précisant que les candidatures sont enregistréesle jeudi après la lecture en séance des lettres de candida­ture. L’élection du successeur de l’écrivain diplomate àsuccès Pierre­Jean Rémy se déroulera le 26 avril. Un pre­mier scrutin avait eu lieu le 8 décembre 2011, mais aucuncandidat n’a été élu, faute de majorité, à l’issue d’un votepoussif en trois tours. Onze candidats étaient alors enlice pour remplacer, au fauteuil 40, Pierre­Jean Rémy.Pour la nouvelle élection d’avril, l’Académie française faitface à une pénurie de vocations, ayant reçu jusqu’ici lesseules candidatures de Michael Edwards, professeurhonoraire au Collège de France, et de la romancière Isa­line Rémy… Personnalité de la scène littéraire, vedette deturc des Guignols de l’info, auteur d’une cinquantaine delivres, PPDA a néanmoins une réputation publiqueécornée de nature à effrayer les immortels. PHOTO REUTERS

PATRICK POIVRED’ARVOR CANDIDAT ÀL’ACADÉMIE FRANÇAISE

LES GENS

Joachim Mogarra en arroseur arroséQu’ils sont mignons tous ces toutous photo-graphiés. Plus vrais que nature. Or tout estfaux. Fidèle à son principe, Joachim Mogarraa pris en gros plan des petits chiens en porce-laine, en réveillant leur regard de rehauts degouache blanche. La seconde série d’œuvresrévise le cliché de l’arroseur arrosé via devieux appareils photos que Mogarra a photo-graphiés et détournés (photo). Toujours avecdes retouches de peinture, il fait d’un boîtierune locomotive qui fume, en transforme un

autre en couteau suisse ou tire un store sur unLeica en guise de pare-soleil. Une troisièmesuite de photos, les Abstraits caloriques, prendpour thème des aliments (fromage, chocolat,caramel) qui, photographiés sur fond noir,louchent sur la peinture abstraite. En trois sé-ries, Mogarra réaffirme sa capacité à multi-plier les jeux d’échelle et d’images pour for-cer l’insolite. HFD. PHOTOS GALERIE GPN VALLOIS.

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LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 201232 • CULTURE

Page 33: journal-liberation-28-2-2012

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Lieutenant, je t'aime. comds l'église. Bisousma doe.Belle journée. C'est un post-it

Vous qui citez le fleuve, si vousêtes celle cherchée le 22, àmon côté pour JEdgar samedi18, ne buvez pas son eau ! Voustrouver m'est essentiel...Comment ?

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MadameButterfly,merci pour ces onze annéesd'amour et de bonheur.Que cela dure toujours.....

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LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 2012 ANNONCES • 33

Page 34: journal-liberation-28-2-2012

L a couv, c’est la vitrine éditorialed’un journal. Surtout pour un hebdoqui devra l’assumer plusieurs joursdurant. Certains sujets réapparais-

sent pourtant à la une : spécial immobilier,palmarès des hôpitaux, francs-maçons… Ças’appelle des marronniers, ou «unes marke-ting»: elles plaisent aux annonceurs et sontun levier pour la vente au numéro. Pour lesmagazines, dont la diffusion est surtout assu-

rée par l’abonnement, les ventes en kiosquene représentent qu’une petite partie de la dif-fusion totale payée: 16,7% pour l’Express (sur436617 exemplaires en 2011), 15,1% au NouvelObservateur (sur 503554 exemplaires). Avec22,9% de ventes en kiosque (sur408481 exemplaires), le Point a la plus forteproportion de ventes au numéro.

Les coulisses de la méthodeNous avons épluché les 160 dernières couver-tures, de 2009 à début 2012, de l’Express, du

verture au moins deux fois sur les trois an-nées est considéré comme marketing. Et onnous la fait pas : même si la manchette dif-fère, nous les avons débusqués, «Ces ali-ments qui protègent votre santé» ou «Le vrairégime anti-cancer» (l’Obs), «Les plantesguérissent tout» ou «Le guide des plantes quisoignent» (le Point).

Définition: le grand tabouLes écarts entre les trois magazines sont trèsserrés. Sur la période, c’est le Point qui a faitle plus de couv marketing (69 sur 160), suivipar l’Obs (65), puis par l’Express (60). Les pa-trons de newsmags ont une définition plusrestrictive du marronnier : «Un truc qui re-vient tous les ans, un truc de service», selonLaurent Joffrin (le Nouvel Obs). Il estimequ’«une couverture sur quatre» de son hebdoest une couv marketing. C’est vrai pendantl’année, mais le ratio est différent pendantles vacances. L’été 2010, par exemple, l’Obsa enchaîné «Le secret des couples qui du-rent», «Les géants de la pensée», «Bien dor-mir», «Les secrets du plaisir féminin» et un«Spécial immobilier». Au total, on est plusproche des deux unes marketing sur cinq.«C’est pas parce que c’est un marronnier quec’est inintéressant en soi : les gens sont pas sibêtes, s’ils achètent, c’est que ça les intéresse»,insiste Joffrin, qui considère que «les articlessur les marronniers sont des marronniers eux-mêmes». «Les couvertures marketing, ça faitricaner la presse quotidienne, lui fait échoFranz-Olivier Giesbert (FOG), le directeur duPoint. Mais ça reste du journalisme: on a d’ex-cellents spécialistes. D’ailleurs, elles sont atten-dues par les lecteurs, d’où leur récurrence.» Se-lon lui, si le Point alternait, «dans lesannées 80, deux couv marketing, deux couvactu», aujourd’hui «il n’y a plus de règle : onfait de moins en moins de couv marketing, ellesvendent de moins en moins.» Christophe Bar-bier, patron de l’Express, les assume: «C’estune des fonctions historiques des newsmags»,

PRESSE «Libé» a épluché les marronniers qui fleurissent à la unedes hebdomadaires «le Point», «le Nouvel Obs» et «l’Express»pour dresser le palmarès des couvertures qui font vendre.

Dans le secretde la face cachéedes magazinesPar ISABELLE HANNE

L’EXPRESS

LEPOINT

LENOUVELOBS

Magazine MarketingActu TABOUS-POLÉMIQUES

SANTÉ-BIEN-ÊTRE RICHES HISTOIRE-

RELIGIONSSPÉCIAL

VILLE-PAYSPALMARÈS

DESHÔPITAUXSPÉCIAL

IMMOBILIERFRANCS-MAÇONS

ÂGE-RETRAITE

LESTHÉMATIQUESLESPLUSFRÉQUENTES

DESCOUVERTURESMARKETING(sur un total de 160 couvertures pour chaque magazine)

dont Palmarès Diplômes

Point et du Nouvel Observateur, trois news-mags qui ont une «stratégie marronniers»comparable. Nous avons réparti les couvertu-res en trois catégories: les couvertures d’ac-tualité, les couvertures magazine et, enfin,les couvertures marketing. S’il est faciled’isoler les marronniers purs (spécial immo-bilier, francs-maçons, etc.), il est plus com-pliqué de différencier les sujets magazine decertains sujets marketing. Pour lever l’ambi-guïté, nous avons choisi la récurrence commecritère: tout sujet hors actu présent en cou-

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 201234 • ECRANS&MEDIAS

Page 35: journal-liberation-28-2-2012

même s’il préfère parler pudiquement de«unes de service, qui rendent un service prati-que au lecteur». Il évoque un ratio «d’une surcinq» –avec nos critères, deux sur cinq. Lestrois patrons «préfèrent» quand même lescouv sur l’actu, «plus gratifiantes» (Barbier).

Hôpitaux: le guide des vinsParmi les marronniers stars, les newsmags af-fichent au moins une fois par an leur «palma-rès des hôpitaux» (décliné à l’Express en«Classement des hôpitaux qui soignent lemieux la douleur», mais c’est «une des cou-vertures de service qui s’est le plus fatiguée»,précise Barbier). Au Point, la magie opère tou-jours, si on peut dire, puisque «Hôpitaux etcliniques, le palmarès 2011» est sa troisième

meilleure vente de l’année, à 125000 exem-plaires. Le Nouvel Obs s’est fait une spécialitédes «diplômes qui donnent du travail», lePoint, du «Spécial vins». L’Express, lui, est trèsen pointe sur les francs-maçons (lire ci-contre).Autre marronnier, le numéro ville. «Le “Spé-cial New York” marche toujours très bien, re-marque Christophe Barbier. Pour les autresvilles, c’est très aléatoire.» Le «Spécial immo-bilier», une à deux fois par an, marche à tousles coups. A l’Express, c’est même lameilleure vente de 2011, avec 150000 exem-plaires en kiosque. A l’Obs, il se vend«15000 exemplaires de plus» que la moyenne.«Se loger, c’est la préoccupation principale desFrançais, souligne Laurent Joffrin. C’est im-portant, le prix du mètre carré.»

Le complot des psys musulmansAutres couv marketing très prisées, celles quiconcernent l’histoire, la philosophie ou la re-

ligion. «Notre guerre d’Algérie», «Les men-songes de l’histoire de France», «De Gaulleintime»… (l’Obs, 15 unes en trois ans); «Lagrande histoire des peuples arabes», «Casa-nova, l’épopée d’un séducteur», «La grandehistoire de la chrétienté»… (l’Express,10 unes). Le Point en a fait 19 en trois ans, dont«Le complot nazi», «Ces rois qui ont fait laFrance» ou, à Noël dernier, «Questions et ré-ponses sur l’existence de Dieu», 125500 ven-tes, soit la deuxième meilleure de l’annéeaprès «DSK, la chute» (les couv DSK ont faitles trois meilleures ventes de l’Obs).La santé («Les secrets de la mémoire»), l’âge(«Rester jeune à 50 ans») ou le «Spécial re-traite» font souvent la couv, une à trois foispar an. Tout comme le «Spécial riches» du

Point, décliné en «Où sont les riches»et «La nouvelle vie des riches», ou, àl’Obs, «Ils ont tout: l’argent, le pou-voir, les privilèges». «La question deshauts revenus, du mode de vie, est aucœur des débats politiques, défend Jof-frin. Les gens sont fascinés par la ri-

chesse.» Viennent ensuite les «tabous et po-lémiques»: «La France et ses musulmans»(l’Obs), «Les psys, sauveurs ou imposteurs?»(l’Express) ou «Immigration, Roms, alloca-tions… Ce qu’on n’ose pas dire» (le Point).Le secret d’un patron de newsmag? «Restercréatif» (Barbier), «avoir sans arrêt des idéesnouvelles» (FOG). «L’idéal, c’est de créer unmarronnier», sourit Joffrin, qui réclame lapaternité des couvertures sur les philoso-phes. «Et avoir le courage d’en arrêter cer-tains», complète Barbier. Récemment dispa-rus, les pharaons, le mal de dos, les couvconsacrées à 14-18 ou à Napoléon. Pour le di-recteur de l’Express, «on essaye d’identifier lesenvies des annonceurs et les besoins de servicede nos lecteurs». Un lecteur présumé quin-qua, qui veut investir dans la pierre, se pré-occupe de sa santé et du diplôme de ses en-fants, s’inquiète de la montée de l’islam et ena ras-le-bol des profiteurs. •

Servis à toutes les sauces, les «frères» sont undes plus gros fonds de commerce des hebdos.

Les francs-maçonsaux premières logesL a franc-maçonnerie

est, pour le moins, unmarronnier pittores-

que. «Folklorique», diramême Laurent Joffrin, lepatron du Nouvel Observa-teur. Son magazine, toutcomme le Point ou l’Express,consacre pourtant réguliè-rement sa couverture aux«frères». Douze pour l’Ex-press, huit pour le Point, sixpour l’Obs ces dix dernièresannées. L’Express, en tête,fait environ une couv paran, à n’importe quel mo-ment de l’année. Le Point,lui, dégaine sa couverturefrancs-macs au mois dejanvier depuis 2007.En dix ans, les newsmagsont examiné les francs-ma-çons sous toutes les coutu-res. L’Express a étudié leurs«combines», «ce qu’[ils] ca-chent», leur «guerreouverte», leur rapport avec«l’Elysée, la droite», etmême «comment on devientfranc-maçon». Au Point, onles a vus avec «les présiden-tiables», on a listé leurs«bastions», étalé en une«les nouveaux francs-ma-çons», ceux «de Sarkozy»,puis «la main invisible». En-fin, l’Obs s’est interrogé surleur «nouveau défi», surleur «vrai pouvoir», puis arévélé leur «grand débal-lage» et les a montrés «encampagne» pour la «prési-dentielle».«Surcroît». «Quand ma di-rection me demande de rédi-ger un dossier de couverturesur la franc-maçonnerie,j’imagine qu’un petit surcroîtde ventes est espéré», recon-naît François Koch, le spé-cialiste de la question àl’Express. Bien que ce «sur-croît» ne touche que lesventes en kiosque, une pe-tite proportion des ventestotales d’hebdos, qui repo-sent essentiellement surl’abonnement. Le plus grossuccès de François Koch re-monte à 2002, quand «Legrand retour des francs-maçons» s’était vendu à112 000 exemplaires. Suivipar sa couv de 2008, «Lesfrancs-maçons et le pou-voir», qui «outait» XavierBertrand et s’était vendue à106000 exemplaires. «Nostrois dernières couverturesfranc-maçonnes ont à peinedépassé 73 000 exemplaires[soit la vente moyenne del’hebdo en kiosque, ndlr],

précise le journaliste. Cen’est pas un marronnier lu-cratif, contrairement à cequ’affirment les mauvaiseslangues.»Quels lecteurs ces couvsfrancs-maçons attirent-el-les? Les frères eux-mêmes,aujourd’hui 160 000 enFrance? «Pas forcément, ré-pond François Koch. Cer-tains frangins m’avouentqu’ils se précipitent en kios-que à chaque fois, d’autresme disent qu’ils en ont marre.Ceux qui ne résistent pas veu-lent savoir ce qu’un magazinecomme l’Express écrit à leursujet. Je révèle toujours desinformations tenues secrètespar les hauts dignitaires deleurs obédiences.» Et les lec-teurs profanes? «Les mystè-res, les rituels ésotériques ouloufoques excitent toujours lacuriosité de bien des lecteurs,affirme Koch. Mais il y aaussi tous les fantasmes

autour des pouvoirs supposésdes réseaux francs-maçons.»«Lasser». Les patronsd’hebdo n’assument qu’àmoitié cette quasi-obses-sion pour le tablier. SiChristophe Barbier (l’Ex-press) y croit encore («Il yaura toujours des choses à ra-conter sur la franc-maçonne-rie : comme les énarques,c’est une des structurationsde l’Etat français»), LaurentJoffrin (le Nouvel Obs) es-time que le sujet fait moinsvendre: «Ça finit par s’user,tout le monde en fait mainte-nant. En plus, ils n’ont pastant de pouvoir que ça.»Même son de cloche chezFranz-Olivier Giesbert, duPoint : «On a l’impressiond’en avoir fait le tour. Le lec-teur finit par se lasser. Il fautrester créatif : si on se reposesur des vieilles recettes, ça nemarche plus.»

I.H.

L’EXPRESS

LEPOINT

LENOUVELOBS

Magazine MarketingActu TABOUS-POLÉMIQUES

SANTÉ-BIEN-ÊTRE RICHES HISTOIRE-

RELIGIONSSPÉCIAL

VILLE-PAYSPALMARÈS

DESHÔPITAUXSPÉCIAL

IMMOBILIERFRANCS-MAÇONS

ÂGE-RETRAITE

LESTHÉMATIQUESLESPLUSFRÉQUENTES

DESCOUVERTURESMARKETING(sur un total de 160 couvertures pour chaque magazine)

dont Palmarès Diplômes

L’Obs du 18 août 2011.

L’Express du 4 janvier 2012.

Le Point du 26 janvier 2012.

«Les couvertures marketing,ça fait ricaner la presse quotidienne.Mais ça reste du journalisme.»Franz­Olivier Giesbert directeur du Point

L’Obs du 27 janvier 2011.

L’Express du 27 avril 2011.

Le Point du 20 janvier 2011.

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 2012 ECRANS&MEDIAS • 35

Page 36: journal-liberation-28-2-2012

36 • ECRANS&MEDIAS

A LA TELE CE SOIR20h50. Dr House.Série américaine :House-sitter,La petite dernière,L’argent ne fait pas lebonheur,Le cœur du problème.Avec Hugh Laurie.0h05. Forgotten.Le réseau-identité,L’inconnue au diamant.Série.1h50. les rivièrespourpres 2 - les angesde l’apocalypse.

20h35. Histoires en série.Disparitionsmystérieuses : quand les famillesmènent l’enquête.Magazine présenté parBéatrice Schönberg.22h45. Tirage del’euromillions.22h50. Infrarouge.Les fils de la terre.Magazine.0h20. Journal de lanuit, météo.

20h35. Petitsarrangements avec ma mère.Téléfilm de DenisMalleval.Avec Line Renaud,Samuel Labarthe.22h15. Soir 322h45. Ce soir (ou jamais !)Magazine présenté par Frédéric Taddeï.0h45. Votre Télé et vous.Magazine.

20h55. Tout va bien !the kids are all right.Comédie dramatiqueaméricaine de LisaCholodenko, 104mn,2010.Avec Julianne Moore,Annette Bening.22h35. Mes parentssont homosexuels.Documentaire.23h40. Ce n’est pas un film de cow-boys.23h55. Angèle et Tony.Film.

20h40. I lovedemocracy.Russie.Documentaire.22h10. Dans la peau deVladimir Poutine.Documentaire.23h30. Le dessous descartes.Magazine.23h45. AnnaPolitkovskaïa.Une vie pour la liberté.Documentaire.1h10. Yourope.

20h50. OSS 117 : Rio ne répond plus.Comédie française deMichel Hazanavicius,100mn, 2008.Avec Jean Dujardin,Louise Monot.22h40. Le phénomèneJean Dujardin.Documentaire.0h05. Et après...Film.1h45. Damages.Corruption.Série.

20h35. Hors de prix.Comédie française dePierre Salvadori,103mn, 2006.Avec Audrey Tautou,Gad Elmaleh.22h20. Heroes.Série américaine : Pour l’amour deCharlie.Avec James Kyson Lee.23h00. Une semained’enfer.Magazine.0h20. Bons plans.

20h35. Russie : lanostalgie de l’empire.Le monde en face.Documentaire.22h10. C dans l’air.Magazine présenté parYves Calvi.23h15. Dr CAC.23h20. Empreintes :Francine Leca, le cœursur la main.Documentaire.0h10. Miracle.Dans le désert.Documentaire.

20h40. Les compères.Comédie française deFrancis Veber, 92mn,1983.Avec GérardDepardieu, PierreRichard.22h20. Amélie au paysdes Bodin’s.Comédie françaisd’Éric Le Roch, 80mn,2009.Avec Vincent Dubois.23h45. Mariage chezles Bodin’s.

20h35. Course à la mort.Film d'action américainde Paul W.S. Anderson,105mn, 2007.Avec Jason Statham,Tyrese Gibson.22h40. Une famille autop.Famille GéraudieDocumentaire.0h25. Bienvenue chezCauet.Magazine.

20h45. 90’ Enquêtes.Délit à grande vitesse,les motards de la loi enaction.Magazine.22h30. 90’ Enquêtes.Motards de la loi,enquête sur lesnouveaux justiciers.Magazine.0h05. 90’ Enquêtes.Magazine.1h40. New York policejudiciaire.Série.

20h50. À la recherchedu nouveau ClaudeFrançois et sesClodettes.Auditions libres :épisode 1.Divertissementprésenté par Jérôme Anthony.22h25. Cloclomaniaforever.Documentaire.23h40. Vanished.La preuve par l’image.Série.

20h35. Les Razmoketrencontrent lesDelajungle.Film d’animationaméricain de NortonVirgien et John Eng,80mn, 2002.22h00. Bogus.Comédie dramatiqueaméricaine de NormanJewison, 110mn, 1996.Avec WhoopiGoldberg, Haley JoelOsment.0h00. Dessins animés.

20h40. Footballespoirs : France / Italie.Match amical.Sport.22h20. Garderapprochée.Comédie américainede Stephen Herek,100mn, 2003.Avec Tommy LeeJones, Cedric TheEntertainer.0h45. Morandini !Magazine.

20h45. Retour vers lefutur 3.Film de science-fictionaméricain de RobertZemeckis, 119mn, 1990.Avec Michael J Fox,Christopher Lloyd.22h45. Le grand bazar.Comédie française deClaude Zidi, 85mn, 1973.Avec Gérard Rinaldi,Jean Sarrus.0h20. Mini-Miss, quisera la plus belle ?

20h40. Terreurnucléaire.Téléfilm de JeremiahChechik.Avec BruceGreenwood, Leslie Hope.22h15. Sous le feu duvolcan.Téléfilm de Mark Roper.Avec Hristiania Turieva,Aleksandar Dikov.23h50. Enquête trèsspéciale.

TF1

ARTE M6 FRANCE 4 FRANCE 5

GULLIW9TMCPARIS 1ERE

NRJ12 DIRECT 8 NT1 DIRECT STAR

FRANCE 2 FRANCE 3 CANAL +

Dans l’urne russeArte, 20h40La série documentaireI Love Democracy se pen­che, à cinq jours de l’élec­tion présidentielle, sur laRussie: ça va pas fort fort.

Dans le kitschM6, 20h50OSS 117: Rio ne répond plus.Film après film, MichelHazanavicius fait du kitschune carrière. Au fait, y a uncertain Dujardin dedans.

Dans le placardCanal+, 22h35Des fois, ils sont chiants ;des fois, ils sont lourds. Etdes fois, raconte ce beaudocumentaire, Mes parentssont homosexuels.

LES CHOIX

Nicolas de Tavernost, pré­sident du directoire de M6,affirme, dans un entretienaux Echos, que la chaîneva diffuser moins de sériesaméricaines, un genre demoins en moins regardé enEurope, sauf en France:«Nous devons nous affran­chir davantage des sériesaméricaines», estime­t­il.Selon Tavernost, la désin­toxication doit se faire aubénéfice de productionsfrançaises: «On a trois soi­rées de séries américaines,on devra en retirer unedans les prochaines annéeset mettre une fiction fran­çaise ou du divertissementà la place.» PHOTO AFP

TAVERNOST VEUT«AFFRANCHIR»M6 DES SÉRIESAMÉRICAINES

LES GENS

30%de femmes dans lesrédactions en chef, c’estce que réclament quelque350 journalistes alleman­des. «Il est temps de chan­ger les choses», écrivent lessignataires d’une pétitiondévoilée par l’AFP. Selonle texte, seuls 2% desrédacteurs en chefdes 360 quotidiens et heb­domadaires allemands sontdes femmes. Alors que,globalement, 50% desjournalistes sont des fem­mes. La situation en Franceest à peine plus reluisanteavec 15% de femmes à despostes de direction.

«Il semble y avoireu une culture au“Sun” de paiementsillégaux.Des systèmesont été mis en placepour faciliterces paiements touten gardant secrètel’identité desfonctionnairesqui les recevaient.»Sue Akers commissaireadjointe de Scotland Yard,devant la commissionLeveson chargée de sepencher sur les pratiquesdes médias britanniques

Par PIERRE MARCELLE

Jevotequien2012.fr:autre sondage, surle mode naunautique

P our faire pièce à la fic-tion des sondages, ilfallait que s’instaurât,

dans l’univers de nos fictionsnumériques, l’illusion d’uneautre boussole, comme unefiction de fiction en quelquesorte; un appareil qui sonde-rait sans intermédiaire, sans«redressement» ni corrigédes variations saisonnières,nos reins politiques et nosconvictions électorales. Unjeu dans le jeu, mais qui sedonnerait vraiment pour unjeu, afin de démontrercomme, à ce jeu-là, la ques-tion détermine la réponse.C’est fait, désormais. Ças’appelle «Je vote pour quien 2012 ?», soit, en belle etbonne syntaxe naunautique,www.jevotequien2012.fr.

Le site se présente comme untest, ou un quiz, sous formede questionnaire à treize en-trées suggérant chacune unehuitaine de propositions deréponses. Il a le bon goût den’exiger aucune inscriptionpréalable ni aucune informa-tion personnelle, de sortequ’il se pratiquera sur unmode assez paradoxalementludique et détaché, comptetenu de la technicité des sug-gestions de réponse dans àpeu près tous les domainesde la chose politique. Sonmérite premier est decontraindre le joueur, ousondé, à un minimum de ré-flexion programmatique: onn’est pas là à Qui veut gagnerdes millions? ni dans les testsestivaux de culture générale

de Jeune et Jolie ou de Scien-ces-Po. Son principal défautconsiste à exiger une réponseet une seule dans un éventailde propositions souventcomplémentaires.

Sollicité par son vigilant hié-rarque, le Dr Garriberts, vo-tre serviteur, qui l’avait déjàpratiqué le mois dernier,s’est astreint dimanche à re-commencer l’exercice, deve-nant ainsi le 393807e citoyen-citoyenne sondé-e. Pour in-formation, la Le Pen tenaitalors la corde avec 14,74%d’électeurs potentiels, suiviede François Hollande(13,91%) et Philippe Poutou(11,92%). Est-ce à dire queles instituts autorisés seplantent grave, ou que lespromoteurs du site sont ré-solument anti-européens ?Ici, Dupont-Aignan était di-manche devant Bayrou, etSarkozy déjà sorti.

A sa surprise relative, alorsque sa résolution mélencho-niste (7,93% des sondésquestionnés), préalablemententérinée par le robot, de-meurait fermement ancrée,l’auteur de ces lignes se dé-couvrit dimanche putatifélecteur de Nathalie Arthaud(4,11%). Un bandeau le ras-sura, l’incitant à «recom-mencer le test» en précisant:«Il y a plus de 900 proposi-tions» (de réponses). Ah !C’était donc ça… La pratiquede la démocratie électivereste décidément un exercicealéatoire. •

EXTENSIONS

Publication d’une partie du dispositif du jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de COLMAR en date du 9 février 2012, à l’initiative d’UNIVERS PHARMACIE et de l’UDGPO, aux frais de SC GALEC GROUPEMENTS

D’ACHAT DES CENTRES LECLERC DÉCLARE recevable les demandes de SAS UNIVERS PHARMACIE et de l’association UDGPO ;ORDONNE le retrait de toutes références aux demanderesses, affé-rentes à la campagne de publicité illicite de prix de SC GALEC GROU-PEMENTS D’ACHAT DES CENTRES LECLERC, visant la période du 19 mai au 13 octobre 2011, tant sur les sites « sesoignermoinscher.com », « quiestlemoinscher.com » que sur les autres supports (presse, TV, radio) dans un délai de 8 jours à peine d’une astreinte de 10.000 € (dix mille euros) par jour et par infraction constatée ;CONDAMNE la SC GALEC GROUPEMENTS D’ACHAT DES CENTRES LECLERC à payer :- à SAS UNIVERS PHARMACIE une somme de 200.000 € (deux cent mille euros) avec les intérêts au taux légal à compter du jugement ;- à l’association UDGPO une somme de 60.000 € (soixante mille euros) avec les intérêts au taux légal à compter du jugement ;CONDAMNE la SC GALEC à payer tant à SAS UNIVERS PHAR-MACIE qu’à l’association UDGPO une somme de 10.000 € (dix mille euros) au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;CONDAMNE SC GALEC aux dépens de la demande principale,ORDONNE l’exécution provisoire du jugement.

PUBLICATIONS JUDICIAIRES01.49.04.01.85 - [email protected]

LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 2012

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libe2012.fr

PHOTO LAURENT TROUDE

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AgitéeAverses Pluie

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LLEE MMAATTIINN Grisaille au nord avec mêmequelques bruines par endroit. Risque debrouillard du sud-ouest à Lyon. Ensoleilléailleurs.

LL’’AAPPRRÈÈSS--MMIIDDII Au nord, les nuagesrésistent malgré quelques trouées. Au sud, le soleil s'impose avec destempératures douces.

-10°/0° 1°/5° 6°/10° 11°/15° 16°/20° 21°/25° 26°/30° 31°/35° 36°/40°

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MARDI

Tendance à l'amélioration dans leNord-Ouest. Grisaille plus tenaceentre le Bassin parisien et le Val deSaône. Températures douces.

MERCREDIPeu d'évolution avec la persistancedes hautes pressions sur le pays.Douceur et soleil assez présenttoujours au programme.

JEUDIER

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LIBÉRATIONwww.liberation.fr11, rue Béranger 75154 Paris cedex 03 Tél. : 01 42 76 17 89 Edité par la SARL Libération SARL au capital de 8726182 €.11, rue Béranger, 75003 ParisRCS Paris : 382.028.199Durée : 50 ans à compter du 3 juin 1991. CogérantsNicolas DemorandPhilippe Nicolas Associéeunique SA Investissements Presse au capital de 18 098 355 €.Président du directoire Nicolas DemorandPhilippe Nicolas Directeur de la publication et de la rédaction Nicolas Demorand Directeur délégué de la rédaction Vincent GiretDirecteurs adjoints de la rédaction Stéphanie AubertSylvain BourmeauPaul QuinioFrançois SergentDirectrice adjointede la rédaction,chargée du magazineBéatrice VallaeysRédacteurs en chefLudovic Blecher(éd. électronique)Christophe Boulard(technique) Gérard LefortFabrice RousselotFrançoise-Marie Santucci(Next)Directeurs artistiques Alain BlaiseMartin Le ChevallierRédacteurs en chef adjoints Michel Becquembois (édition)Eric Decouty et Pascal Virot(Politique)Jacky Durand (société)Olivier Costemalle et Richard Poirot (éd. électronique)J.Christophe Féraud (éco-terre)Mina Rouabah (photo)Marc Semo (monde)Sibylle Vincendon et FabriceDrouzy (spéciaux)Directeur des EditionsElectroniquesLudovic BlecherDirecteur administratif et financierChloé NicolasDirecteur commercial Philippe [email protected] du développementPierre HivernatABONNEMENTSMarie-Pierre Lamotte& 01 76 49 27 [email protected] abonnement 1 an Francemétropolitaine : 324€.PuBLICITÉ Directrice générale de LIBERATION MEDIAS Marie Giraud Libération Medias. 11, rueBéranger, 75003 Paris. Tél. : 01 44 78 30 67Amaury médias25, avenue Michelet93405 Saint-Ouen CedexTél.01 40 10 53 [email protected] annonces.Carnet. IMPRESSIONPOP (La Courneuve), Midi-print (Gallargues)Nancy Print (Nancy)Ouest-Print (Bournezeau),

Imprimé en France Tirage du 27/02/12:158 753 exemplaires. Membre de OJD-

Diffusion Contrôle. CPPP: C80064. ISSN 0335-1793.1Nous informons nos lecteursque la responsabilité du jour -nal ne saurait être engagée encas de non-restitution dedocuments

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H. I. Jouait jadis fort agréablement, ou du moinson l’espère. - II. C’est vraiment le pompon. - III.Ontl’air d’excellente humeur. - IV. Sans danger. Belleinsulaire sur le Pertuis d’Antioche. - V.On imaginequ’après retournement (de veste...), le candidatSarkozy soumePra sa suppression à référendum,au nomde la juste luPe contre l’assistanat. Devint,en 1887, capitale de l’Indochine française. - VI. Unméchant reptile pour de jolis sacs. Prune. - VII. Futsecrétaire d’Etat du fils Bush durant son secondmandat. Suivit de près. - VIII. Fleur. Fait un peuplus. - IX. Ts. Renvoi pagailleux. - X.Chardon sansépines. - XI. Souffrent d’un certain abandon.V. 1. Joue affreusement mal. - 2. Beaux momentsd’union. - 3. PermePent de casser la croûte. - 4.Cen’est jamais qu’une créature. Fiche.Note. - 5. Pipeorientale à long tuyau avec flacond’eau parfumée.Unepressequi ne fait qu’assujePir. - 6. Vient à sonheure dans les après-midi londoniennes. Pas fin.Victorieuse rivale d’Europe. - 7. Natif d’Irlande, cesaint ermite du VIe siècle vécut près de Locronanoù il est aujourd’hui enterré. Sa figure est mise enavant. - 8. Joua aussi très mal. Article. - 9. Peuventretrouver une certaine fraîcheur.

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LES MOTS D’OISEAU O KMLJ

H:I. Versatile. II. Aventures. III. RisoPo. IV. In... Brunir. V.Actai. Ira. VI. Bar. Stêrp. VII. Isoète. ia. VIII. Cradots. IX.Isar. ...dues. X. Tirage.Ne. XI. Entièreté.V:1. Variabilité. 2. Evinças. Sin. 3. Res. Trocart. 4. Snoba.Errai. 5. APrista.Gê. 6. Tutu. Tedder. 7. Ironie.Ou. 8. Le.Irritent. 9. Estrapassée.

XI

w LES MOTS D’OISEAU JJeeuuxx......

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Interclubs allemands 2012Les Noirs jouent et gagnentB. Andresen N. CioaraBartel, encore luiAvant de s’afficher au départ du championnat dePologne, qui comporte ceSe année tout ce quele pays compte de grands maîtres en (hyper)acti-vité, souvenons-nous que le journaliste grand maî-tre de 27 ans avait remporté le prestigieux tour-noi de l’Aeroflot, devant des dizaines de GMI del’élite mondiale. A Varsovie, Mateusz Bartel estplus connu comme étant le triple détenteur dutitre national en 2006, 2010 et 2011. C’est le cham-pion en titre. A l’issue d’une édition 2012 où il futtrès contesté, il franchit 1er ex-aequo avec Bar-tlomiej Macieja, lui-même champion de Pologneen 2009. Bartel le bat à la régulière, à l’issue d’unmini-match de départage en partie rapide. Clas-sement final: 1-2e Bartel (2658) et Macieja (2617) 7points sur 9 possibles; 3e Milton (2623) 6,5 pts; 4eWojtaszek (2706) 5,5pts, etc. 24 participants.BBaarrtteell ((22665588)) -- MMaarrkkoowwsskkii ((22661122)) 11..ee44 cc55 22..CCff33 ee6633..CCcc33 aa66 44..gg33 bb55 55..FFgg22 FFbb77 66..dd33 dd66 77..00––00 CCff66 88..CCgg55CCcc66 99..ff44 FFee77 1100..CCee22 00––00 1111..cc33 dd55 1122..ee55 CCdd77 1133..dd44bb44 1144..hh44 hh66 1155..CChh33 aa55 1166..ff55!! Devant la politiqueaSentiste des Noirs, Bartel se lance à l’aSaque.eexxff55 1177..TTxxff55 bbxxcc33 1188..bbxxcc33 ccxxdd44 1199..ccxxdd44 FFaa66 2200..CChhff44CCbb66 2211..TTbb11 gg66 2222..CCxxgg66!!!! Un sacrifice spéculatif 2222......ffxxgg66 2233..TTxxff88++ FFxxff88 2244..CCff44!! TTbb88 2255..DDgg44 DDee88 2266..CCxxgg66FFgg77 2277..TTxxbb66!!!! TTxxbb66 2288..FFxxdd55++ RRhh77 2299..DDff55!! 11––00.. 229...Dxg6 30.Fg8+! Rxg8 31.Dxg6 + -. JJ.. -- PP.. MMeerrcciieerr

Les noirs, menacés d’une intrusion d’un cavalieren e6, peuvent-ils prendre en e4 ? Non, ils n’ontpas assez de pièces à l’aSaque (4 contre 4). Si! Celaleur permet de lancer une offensive directe sur leroi: 11...... TTxxee44!!!! 22..TTxxee44 FFxxee44 33..FFxxee44 CCxxee44 44..DDxxee44 DDgg33++55..RRhh11 DDxxhh33++ 66..RRgg11 DDgg33++ 77..RRhh11 CCdd33!! 00--11.. La menace8... Cf2+ coûte la dame blanche et la partie.

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LIBÉRATION MARDI 28 FÉVRIER 2012 JEUX­METEO • 37

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Son entreprise l’a pré-venu : il sera licenciédans quelques jours.Tarik El-Hajjar, jeuneMarocain de 25 ans,collait pourtant par-faitement au poste.Bardé de diplômes

(double master obtenu en France), sou-rire hollywoodien, tee-shirt turquoise,regard franc. Il a décroché sans mal unposte de consultant junior chez Capge-mini, une boîte de conseil. Promessed’embauche signée avant la fin de sesétudes, c’est dire.Mais depuis cinq mois, son avenir enFrance est en suspens. Il attend une ré-ponse de la préfecture d’Amiens(Somme) à sa demande de changementde statut pour passer du visa d’étudiantà celui de salarié. Dans quelques jours,son titre de séjour arrive à expiration,

il ne pourra plus travailler. «J’étais bienparti. J’ai réussi mes études, j’ai de l’am-bition. Si j’en suis là, c’est grâce à laFrance. J’avais juste envie de rendre unpeu de ce qu’on m’a donné en travaillantquelque temps ici, en payant des impôts.Ça n’allait pas plus loin. Nous dire nonmaintenant, c’est difficile à comprendre.»Tarik fait partie du Collectif du 31 maiqui représente ces jeunes étrangersnon-ressortissants de l’Union euro-péenne, fraîchement diplômés enFrance, mais empêchés d’y travailler.Ils sont chinois, américains, canadiens,africains… Souvent issus de bonne fa-mille, ils parlent plusieurs langues etleur profil séduit les entreprises. Maisdans le pays de Nicolas Sarkozy, ces ta-lents que les économies du monde en-tier se disputent sont désormais per-sona non grata, au même titre que lessans-papiers.

Tout est parti de cette fameuse circu-laire du 31 mai 2011. Les ministres del’Intérieur et du Travail, Claude Guéantet Xavier Bertrand, exigent des préfec-tures qu’elles examinent avec «plus derigueur» les demandes d’autorisationde travail des immigrés, étudiants com-pris, quel que soit leur niveau d’études,et même s’ils ont été formés en France.

Une paperasse monstreObtenir le changement de statut pourpasser du visa étudiant à celui de salarién’a jamais été simple. Les conditions àremplir sont très strictes, et seule unepoignée de diplômés des plus grandesécoles et universités peuvent y préten-dre. Environ 7000 chaque année. Il fautprésenter une promesse d’embauchepour un CDD d’au moins six mois, payéune fois et demie le Smic au minimum,convaincre l’employeur de payer une

taxe et l’aider à remplir une paperassemonstre pour justifier du choix d’unétranger plutôt que d’un Français.Mais depuis la parution de la circulaire,et malgré les correctifs apportés par leministère de l’Intérieur le 12 janvier, lerespect de ces conditions ne suffit plus.Les préfectures traînent dans l’examendes dossiers, les réponses varient dutout au tout selon les agents. L’arbitraireest devenu la règle. Les premiers refussont tombés l’été dernier, prenant decourt les jeunes et leurs employeurs.Ekaterina Tyunina, une Russe de 27 ans,venait de terminer un master de lettresmodernes à la Sorbonne. Elle avaittrouvé un poste de conseillère clientèledans une banque, via le très sélectifconcours Phénix qui permet d’insérerdes étudiants en sciences humainesdans de grandes entreprises. «On était500 candidats au départ, et 26 à la fin.

Par MARIEPIQUEMALPhotosVINCENTNGUYEN.RIVA PRESS

Malgré de solides études et des promesses d’embauche,les étudiants étrangers se heurtent à la circulaire du printemps dernier qui durcitl’attribution du statut de salarié. Autour du Collectif du 31 mai, la riposte s’organise.

DiplômésKarima Banana, ingénieure. Son dossier a été débloqué. Tarik El­Hajjar, double master en commerce. En attente.Ekaterina Tyunina, master de lettres modernes. Refus

non grata

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J’avais passé toutes les étapes de sélectionet en août, j’ai reçu un courrier de la pré-fecture : changement de statut refusé aumotif d’une inadéquation entre mon profilet le poste, raconte-t-elle la voix trem-blante. C’est pourtant la raison d’être dece concours ! Depuis, c’est le désespoir.J’ai tenté un recours, mais la banque quim’a recrutée m’a lâchée. Jamais jen’aurais pensé me retrouver dans une tellesituation.»Epuisée nerveusement, elle assiste pourla première fois à une réunion du Col-lectif du 31 mai. Ils sont une dizaineautour de la table, en majorité des filles.Au départ, ce devait être un brunchchips et croissants dans un appart. Fi-nalement, c’est un apéro dans un barparisien. On prend des nouvelles desuns et des autres. Très vite, la discussions’engage sur la mobilisation. «La circu-laire nouvelle version est-elle appliquée ?Change-t-elle les choses sur le terrain ?

Combien ont jeté l’éponge et ont quitté laFrance? Il faudra que vous nous fassiez unpoint sur le recensement», questionne,façon mitraillette, Fatma Chouaieb.Tunisienne, 24 ans et tout juste sortied’HEC, elle est l’une des fondatrices ducollectif.

Motifs farfelusC’était début septembre. «Commebeaucoup, j’attendais la réponse de la pré-fecture. Jusque-là, c’était compliqué deréunir toutes les pièces demandées, maisune fois que le dossier était complet, onavait une réponse positive dans les troissemaines. Il n’y avait pas de mauvaisessurprises.» Avec un pote de promo, Na-bil Sebti, ils sont informés de plusieursrefus pour des motifs farfelus et des dé-

lais de réponse qui n’en finissent pas– les premiers effets de la circulairedu 31 mai, encore confidentielle. Lesdeux camarades ouvrent alors ungroupe «étudiants étrangers» sur Face-book pour prendre la température. Lethermomètre grimpe vite, ils sont plu-sieurs centaines à se manifester. «On aorganisé une réunion sur l’esplanade desInvalides à Paris. Au début, l’objectif,c’était de partager nos expériences pours’entraider. Ça n’allait pas plus loin.»Parmi les pionniers, on trouve doncFatma et Nabil, mais aussi Hajer Georgi,tunisienne, diplômée d’une école d’in-génieurs, une étudiante de Sciences-PoParis qui met un point d’honneur à pré-server son anonymat et Vincent Chau-vet, un Français pure souche,promo HEC, candidat malheureux àl’ENA et militant au Modem. «C’étaitassez évident pour moi de les soutenir,même si, au départ, ils n’étaient pas dans

une logique de revendiquerquoi que ce soit, explique-t-il. En tant qu’étrangers,ils ne se sentaient pas légi-times à critiquer la politiquedu gouvernement.» «Beau-coup d’entre nous viennentdu Maghreb, raconte Ta-

rik. Dans nos pays, on n’a pas l’habitudede dire non, de descendre dans la ruecomme vous. Jamais je n’aurais pensé faireça un jour : manifester avec les gros brasde la CGT qui soutiennent le combat dessans-papiers.» «C’est courageux, beau-coup ont peur d’être fichés, témoigne Ka-rim Farih, ingénieur marocain. C’est im-portant de se mobiliser, même si le mal estfait. Aujourd’hui, les services des ressour-ces humaines ne veulent même plus enten-dre parler des diplômés étrangers pours’éviter les complications.»«C’est un non-sens, analyse pour sa partFatma. Et c’est parce que notre cause estjuste que le mouvement a pris.» En quel-ques mois, le collectif parvient à s’im-poser sur la scène médiatique et politi-que. «On avait les bons ingrédients : les

ressources intellectuelles, le réseau, dutemps, et une cause qui suscite la sympa-thie : la stigmatisation de l’étranger at-teint même le jeune diplômé. Après leplombier polonais, l’ingénieur marocain!»poursuit Fatma.Au début, ils carburent de 9 à 21 heures,se lancent dans un fastidieux travail derecensement des refus et des sans-ré-ponse. En février, le compteur affiche850 cas non réglés ou refusés. Bellegueule, excellent orateur, Nabil Sebti sefarcit les plateaux télé jusqu’à l’écœure-ment. Rentré depuis au Maroc, il confieavoir eu du mal à supporter la pressionmédiatique et cet impératif d’incarnerle mouvement. Efficace, pourtant.«Nous avions une stratégie, détaille-t-il.On s’est rapprochés d’acteurs associatifs,syndicaux et politiques afin de gagner encrédibilité, donc en légitimité, les deuxnourrissant notre visibilité.»

Pétition et parrainagePremiers à apporter leur soutien : lesreprésentants des grandes écoles et desuniversités, inquiets des retombéesdésastreuses de la circulaire sur l’imagede la France. Dès juillet, le patron de laConférence des grandes écoles, PierreTapie, et celui de l’Association des en-treprises privées, Maurice Lévy, écri-vent en toute discrétion à ClaudeGuéant. D’après eux, la France se privede talents qu’elle a formés et qui serontensuite de précieux vecteurs d’in-fluence dans la compétition éco-nomique mondiale. «Demain, ces jeunesachèteront français et permettront à laFrance de signer de gros contrats. La jus-tification économique qui consiste à direqu’il n’y pas assez de travail pour tout lemonde ne tient pas, c’est un raisonnementà courte vue», abonde Louis Vogel, pré-sident de la Conférence des présidentsd’université.Claude Guéant reste inflexible, susci-tant quelques remous dans la majorité.Entrent alors dans la bataille: les syndi-cats étudiants (Unef, Confédération

étudiante), la CGT, les politiques –no-tamment le Parti socialiste et EuropeEcologie-les Verts. En pleine campagneprésidentielle, l’affaire tombe à pointnommé. Des personnalités de tousbords sont appelées en renfort. Le pro-fesseur au Collège de France Pierre Ro-sanvallon, le président d’université AxelKahn, le sociologue Edgar Morin, la co-médienne Carole Bouquet, le climatolo-gue Jean Jouzel… A ce jour, leur appelpour l’abrogation de la circulaire a re-cueilli 35 000 signatures.Chacune des personnalités parraine unjeune, l’appuie dans ses démarches.L’historien Pap Ndiaye a pris sous sonaile Aymane, ingénieur informaticienmarocain, dont la situation vient de sedébloquer. «J’ai un ami qui travaille aucabinet du président du Sénat. C’est déso-lant de devoir user de passe-droit, c’estcontraire à l’esprit républicain, mais il ya urgence, explique-t-il. Il faut encore te-nir trois mois, en espérant un changementde président.» Le PS a promis l’abroga-tion, si François Hollande est élu. Lescorrectifs apportés par Claude Guéantle 12 janvier n’ont rien arrangé. «Pire,on a rajouté de la complexité et de la con-fusion. Beaucoup de cas restent bloqués»,déplore le collectif, qui maintient lamobilisation. «Nous n’avons pourtantpas connaissance de blocages particu-liers, rétorque le cabinet du ministre. Lenouveau texte clarifie les critères.»Fatigués, de plus en plus de jeunes déci-dent de partir, àl’image de Karim: «Jeretourne au Maroc. Rester ici, c’est insul-tant. Quand on parle des Français qui vonttravailler à l’étranger, on dit des expats.Nous, on nous traite d’immigrés, commesi nous étions un fardeau.» •

«La justification économique quiconsiste à dire qu’il n’y pas assez detravail pour tout le monde ne tient pas,c’est un raisonnement à courte vue.»Louis Vogel à la tête des présidents d’université

A voir, une galerie de portraitsde ces jeunes diplômés.

•SUR LIBÉRATION.FR

Karim Farih, en école d’ingénieurs. Rentré au Maroc. Fatma Chouaieb, diplômée d’HEC. Dossier débloqué. Zineb Es­Skali, ingénieure. Refus.

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TF1 a élu Louviers, 20000 habitants, ville type pour laprésidentielle. Rencontre avec son édile, radical de gauche.

Moyen maire

PORTRAIT FRANCK MARTIN

dams, cibles préférées du royaume cathodique? Pour en sa-voir plus, portrait d’un Lovérien de premier ordre, monsieurle maire, aux commandes de la commune depuis 1995.Ironie du sort, représentant de la «ville moyenne», FranckMartin possède le patronyme le plus porté de France. Mon-sieur Martin est brun, légèrement dégarni, des yeux marron,une taille moyenne. De prime abord, tout du type ordinaire.Dans son bureau de la mairie, son préambule joue la carte dela séduction. Il nous explique qu’il animait un comité Libédans sa jeunesse et en profite pour refaire l’historique dujournal. Une jeunesse révolutionnaire inhérente à la géné-ration baby-boom à laquelle il appartient. Tendance maoïste.«La gauche prolétarienne est le point de départ de mon actionpolitique. Nous étions des moines soldats et dédions notre vie àla révolution. J’ai été fasciné par la Théorie de la contradiction,essai d’Alain Badiou. Intellectuellement, je suis du côté de l’unitédes contraires.» Sa révolte candide se manifeste à l’école, quine lui réussit guère. «J’entre à l’université avec l’intention dela détruire ! Je dis parfois que je n’ai comme diplôme que monpermis de conduire. En réalité, j’ai un bac latin-grec.» Issu dela petite bourgeoisie, l’enfant du pays est un passionné delittérature. La légende familiale raconte même qu’il auraitappris à lire tout seul, dans le journal local. Il marie

aujourd’hui cette passion à celle de la mer. Il dirige une mini-maison d’édition, l’Ancre de marine, spécialisée dans la litté-rature maritime. Une petite entreprise à domicile dont lesrevenus restent minimes.L’héritage paternel est conséquent. Médecin des pauvres,Martin père fut lui-même maire de Louviers de 1965 à 1969sous l’étiquette divers gauche. Il restera dans les annales dela ville pour son programme révolutionnaire et autogestion-naire. Martin fils reconnaît cette influence sur son action :«Mon père était jugé trop extrémiste et avait été mis au rancartpar le PS d’une façon humainement insupportable.» Il ajoute:«J’ai été élu conseiller général sans adhérer à aucun parti. J’avaisà l’époque l’intention de le venger.» D’abord journaliste loca-lier, il quitte la Dépêche de l’Eure quand le journal est rachetéen 1994. Il se consacre alors à la vie politique locale danslaquelle il a toujours baigné.C’est au Parti radical de gauche, qu’il voit comme une forcemoderne, et dont il apprécie qu’il défende les libertés indivi-duelles, que Franck Martin s’épanouit. Un autre point com-mun avec Pierre Mendès France qui fut aussi maire de Lou-viers. «La référence à Mendès comporte un côté désagréable.Louviers était son jardin. Il n’était pas vraiment des plus progres-sistes, sauf dans cette intégrité qui confine à l’intransigeance etfinalement mène à la défaitepolitique. Contrairement à lui, jepense que les vérités sont liéesaux situations et qu’il n’y a pasune seule vérité.» A 27 ans,marié et père d’une petitefille, Franck Martin reprendses études. Sa fierté: des notessupérieures à celles de PMF auconcours d’entrée à Scien-ces-Po. Mais, l’expérience rueSaint-Guillaume tournecourt, il y supporte mal lacompétition.Depuis juillet 2011, FranckMartin est l’exemple préférédes journalistes quand il s’agitde dénoncer les petits cumulards locaux. Epinglé pour avoirfait voter au conseil municipal le reversement de son indem-nité à sa compagne, urbaniste retraitée également adjointeà Louviers. Alors que la rémunération des élus est plafonnéeà 8 300 euros, la pratique que l’on nomme «écrêtement»autorise le reversement du surplus à un autre élu. Retoqué parle Sénat, l’amendement Dosière proposait d’enrayer ces petitsarrangements financiers entre notables locaux. Franck Martinse satisfait du statu quo : «J’estime que j’ai droit à cet argent.Ma seule erreur est d’avoir été transparent sans passer par unhomme de paille.» Si, en temps de crise, les efforts doiventvenir d’en haut, le maire de Louviers s’y refuse. Un peu hon-teux, il tempère: «Je considère que c’est par l’impôt que la jus-tice se fait. Je suis totalement favorable au fait d’en payer plus.»Maire, président de la communauté d’agglomération, con-seiller régional, il considère que cumuler les mandats est unatout pour mieux comprendre et influer sur le territoire.Adepte de la télé à la carte, son menu se compose entre autresde séries américaines (The Wire, Dr House), d’émissions pota-ches de Canal+ (le Petit Journal, SAV des émissions) et de chaî-nes d’informations en continu. Mais que pense cet ancienjournaliste de la venue de la chaîne sur son fief ? Il joue laretenue: «Ce n’est pas l’événement du siècle. Ça m’est tombédessus. Il y a des cons qui me disent : “Comment ça TF1 ? Lachaîne sarkozyste?” De toute façon, c’est une bonne chose quel’on parle de Louviers.» Ni lui ni la chaîne ne vendent la mèchesur les autres villes envisagées. Même discrétion du côté dela Sofres, aide précieuse de TF1 dans sa vénérable quête dela ville lambda. La cité drapière voterait comme la France :à gauche pour les municipales, à droite pour la présidentielle.Certes. Mais, en réalité, sa structuration politique n’est passi ordinaire. La commune, qui a vu grandir Olivier Besan-cenot, conserve des teintes arnarcho-syndicalistes liées àl’industrie du textile de jadis.Geek, fan d’Apple, monsieur le maire aime l’innovation. Surson blog, d’un coup de baguette, la retenue fait place à l’en-thousiasme:«Je me pique d’être un maire postmoderne. Ce queTF1 nous propose, c’est du jamais-vu. Et nous avons affaire àdes journalistes top niveau qui n’ont pas l’intention de caricaturerles Lovériens comme des attardés avec de la paille dans les sa-bots.» Franck Martin n’est pas croyant mais il a la foi. •

Par ANASTASIA VÉCRINPhoto ÉDOUARD CAUPEIL

EN 7 DATES

3 juillet 1955 Naissanceà Rouen (Seine­Maritime).1978 Entre à la Dépêchede l’Eure en tant quejournaliste. 1984 Passage àSciences­Po. 1994 Eluconseiller général del’Eure. 1995 Elu maire deLouviers. 2003 Rachète lamaison d’édition l’Ancrede marine. 2012 TF1 choisitLouviers pour sacouverture de laprésidentielle.

D irection Louviers. Petite ville de moins de20000 habitants au nord-ouest de Paris. C’est icique la chaîne de Nonce Paolini a décidé de poserses caméras jusqu’au Grand Soir, le premier tour

de la présidentielle. Un dispositif inédit pour la course à lamagistrature suprême dans lequel on retrouve le credo chou-chou de TF1: la proximité. Plusieurs reportages offrant deszooms sur la ville et sa région alimenteront les JT dès mars,pour finir en fanfare, le soir du premier tour, en direct de lahalle aux poissons avec Jean-Pierre Pernaut en compagniedes gens de la vraie vie qui pourront interpeller les invitéspolitiques. Tout un programme… télé !Pourquoi Louviers ? «L’idée était de trouver une petite villereprésentative de la France non seulement par son comportementélectoral mais aussi par les problèmes qu’elle rencontre. Trouverune ville lambda pour voir comment la France moyenne, sansque ce soit nullement péjoratif, vit ses envies et ce qu’elle attendd’un homme politique pour son pays», explique Catherine Nayl,directrice de l’information de TF1. Louviers, terre sainte demadame Michu, monsieur Tout-le-monde ou autres qui-

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