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DOSSIER PATHOLOGIES NON ATHéROMATEUSES DES TRONCS SUPRA-AORTIQUES Dossier coordonné par Emmanuel Touzé 1 Dysplasie fibromusculaire des artères cervicales et intracrâniennes : encore beaucoup d’inconnues… � � � � � � � � � p� 196 Emmanuel Touzé (Paris), Ghislain Nokam (Paris), Denis Trystram (Paris), Marta Pasquini (Paris), Nathalie Gagnon (Paris, Québec), Pierre-François Plouin (Paris) et Catherine Oppenheim (Paris) 2 Syndrome et maladie de Moya-Moya : savoir les reconnaître, les distinguer et les prendre en charge � � � � � p� 202 Dominique Hervé (Paris) 3 Les “élastopathies” : complications vasculaires et neurologiques � � � � � � � � � � � � � � � � � p� 207 Emmanuel Messas, Xavier Jeunemaître et Joseph Emmerich (Paris) Les artériopathies non inflammatoires et non athéroscléreuses des troncs supra-aortiques E nviron 5 % des accidents vasculaires céré- braux sont attribuables à des causes rares. Les maladies non athéroscléreuses et non inflam- matoires de la paroi artérielle constituent un cadre hétérogène de pathologies rares, parfois respon- sables de complications cérébrovasculaires. Dans ce dossier, nous présentons : • la dysplasie fibromusculaire, • le pseudoxanthome élastique, • le syndrome de Marfan, • et le syndrome de Moya-Moya. Certaines sont connues depuis très longtemps, mais leur physiopathologie reste inconnue ; d’autres ont été identifiées plus récemment et sont la consé- quence d’une maladie monogénique. L’expression clinique de ces artériopathies non in- flammatoires est très variée, allant d’une anomalie artérielle, cérébrale ou oculaire asymptomatique, à des complications cérébrovasculaires graves : infarc- tus cérébral, hémorragie cérébrale, anévrisme intra- crânien, voire rupture artérielle spontanée. Ces maladies doivent être évoquées avant tout chez des sujets jeunes, mais pas uniquement. Il est intéressant de noter que la dysplasie fibromus- culaire peut être à l’origine d’un syndrome de Moya- Moya. Même s’il n’existe pas de traitement curatif, il est important de faire le diagnostic de ces artériopa- thies non inflammatoires, car elles nécessitent une prise en charge spécifique, qui peut, pour un grand nombre de ces pathologies, être assurée dans des centres de référence ou de compétence “maladies rares” dédiés. n Emmanuel Touzé Université Paris Descartes, Pôle neuroscience, services de Neurologie et Unité Neuro- vasculaire , Hôpital Sainte-Anne, Paris

Pathologies non athéro mateuses

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les artériopathies non inflammatoires et non athéroscléreuses des troncs supra-aortiques

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DOSSIER

PathOlOgIES nOn athéROmatEuSES DES tROncS SuPRa-aORtIquES

Dossier coordonné par Emmanuel touzé

1 Dysplasie fibromusculaire des artères cervicales

et intracrâniennes : encore beaucoup d’inconnues… � � � � � � � � � p� 196

Emmanuel Touzé (Paris), Ghislain Nokam (Paris), Denis Trystram (Paris),

Marta Pasquini (Paris), Nathalie Gagnon (Paris, Québec),

Pierre-François Plouin (Paris) et Catherine Oppenheim (Paris)

2 Syndrome et maladie de moya-moya :

savoir les reconnaître, les distinguer et les prendre en charge � � � � � p� 202

Dominique Hervé (Paris)

3 les “élastopathies” :

complications vasculaires et neurologiques � � � � � � � � � � � � � � � � � p� 207

Emmanuel Messas, Xavier Jeunemaître et Joseph Emmerich (Paris)

les artériopathies non inflammatoires et non athéroscléreuses des troncs supra-aortiques

E nviron 5 % des accidents vasculaires céré-braux sont attribuables à des causes rares. Les maladies non athéroscléreuses et non inflam-

matoires de la paroi artérielle constituent un cadre hété rogène de pathologies rares, parfois respon-sables de complications cérébrovasculaires.

Dans ce dossier, nous présentons :• la dysplasie fibromusculaire, • le pseudoxanthome élastique, • le syndrome de Marfan, • et le syndrome de Moya-Moya.

Certaines sont connues depuis très longtemps, mais leur physiopathologie reste inconnue ; d’autres ont été identifiées plus récemment et sont la consé-quence d’une maladie monogénique.

L’expression clinique de ces artériopathies non in-flammatoires est très variée, allant d’une anomalie artérielle, cérébrale ou oculaire asymptomatique, à

des complications cérébrovasculaires graves : infarc-tus cérébral, hémorragie cérébrale, anévrisme intra-crânien, voire rupture artérielle spontanée. Ces maladies doivent être évoquées avant tout chez des sujets jeunes, mais pas uniquement.

Il est intéressant de noter que la dysplasie fibromus-culaire peut être à l’origine d’un syndrome de Moya-Moya.

Même s’il n’existe pas de traitement curatif, il est important de faire le diagnostic de ces artériopa-thies non inflammatoires, car elles nécessitent une prise en charge spécifique, qui peut, pour un grand nombre de ces pathologies, être assurée dans des centres de référence ou de compétence “maladies rares” dédiés. n

Emmanuel touzé Université Paris Descartes, Pôle neuroscience, services de Neurologie et Unité Neuro-vasculaire , Hôpital Sainte-Anne, Paris

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Introduction

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� Dysplasie fibromusculaire des artères cervicales

et intracrâniennes Encore beaucoup d’inconnues…

■ Généralement considérée comme bénigne, la dysplasie fibromusculaire (DFM), qui peut toucher

toutes les artères, est parfois associée à des accidents ischémiques ou hémorragiques sévères

Emmanuel Touzé*, Ghislain Nokam*, Denis Trystram*, Marta Pasquini*,Nathalie Gagnon***, Pierre-François Plouin** et Catherine Oppenheim*

La DFM est une maladie artérielle

segmentaire, idiopathique, non inflam-

matoire, non athéroscléreuse, touchant

préférentiellement les artères rénales

et carotides internes, mais la maladie a

été observée sur presque toutes les ar-

tères (1, 2). Elle survient surtout chez

la femme jeune. Habituellement consi-

dérée comme bénigne, elle peut être

associée à des accidents ischémiques

ou hémorragiques sévères.

Sur le plan histologique, les lésions

de DFM sont hétérogènes, associant

hyperplasie collagène, rupture de la

limitante élastique interne et désorga-

nisation de la média.

Le diagnostic est actuellement essen-

tiellement porté devant des aspects an-

giographiques caractéristiques, car

la preuve histologique ne peut que ra-

rement être obtenue.

Le 1er cas de DFM carotideprouvée histologiquementa été rapporté en 1965 (3).

L’abondance des publications surla DFM dans les années 70-80contraste avec les faibles avancéessur la connaissance de la patho-logie au cours des dernières an-nées. La moindre utilisation de l’ar-tériographie conventionnelle et lafaible résolution des premières gé-nérations d’imagerie artérielle noninvasive pourraient rendre compted’une plus faible détection de lamaladie. Le fait que la maladie soithabituellement considérée commebénigne pourrait aussi expliquerun certain manque d’intérêt pourcette pathologie. La DFM peut êtrepourtant associée à des accidentsischémiques ou hémorragiques sé-vères.

L’ÉPIDÉMIOLOGIE Les séries anciennes de patientsconsécutifs ayant eu une angio-graphie cérébrale rapportent unefréquence de la DFM allant de 0,3à 3,2 % (4), mais ces résultats nepeuvent pas être extrapolés à lapopulation générale. Sur plus de

20 000 autopsies consécutives réa-lisées à la Mayo Clinic sur une pé-riode de 25 ans, 4 (0,02 %) cas deDFM cervicale ont été trouvés (5).La DFM semble donc beaucoupplus rare que la DFM rénale dontla prévalence a été trouvée à 4 %chez des donneurs de reins (1).

L’atteinte de multiples sites ar-tériels semble fréquente. Selonles populations et la méthode uti-lisée pour détecter les lésions, lafréquence de l’atteinte des artèrescervicales varie de 9 à 28 % chezles patients porteurs d’une DFMrénale, mais les études sont trèspeu nombreuses et avec des li-mites méthodologiques (4). Uneétude en échographie haute ré-solution a montré une fréquenceélevée d’anomalies ultrastructu-rales de l’artère carotide, non vi-sibles en échographie conven-tionnelle, chez des patientsporteurs de DFM rénale, suggé-rant que l’atteinte multisites estprobablement sous-estimée (1).

L’anévrisme intracrânien estconsidéré comme une manifes-tation classique de la DFM,

*Université Paris Descartes,Pôle neuroscience,services deNeurologie et de Neuroradiologie,Hôpital Sainte-Anne,Paris**Université Paris Descartes,Unité d’hypertension,CentreNational de Référence des Maladies vasculaires rares,HôpitalEuropéen Georges Pompidou,Paris(www.maladiesvasculairesrares.com)***Université Paris Descartes,Unité d’hypertension,CentreNational de Référence des Maladies vasculaires rares,HôpitalEuropéen Georges Pompidou,Paris ; et CHUQ-Hôpital Saint-François D'Assise,Québec,Canada

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même si la DFM reste une causerare d’anévrisme intracrânien(moins de 3 % des anévrismes). Certaines études ont rapporté uneprévalence d’anévrisme intracrâ-nien allant de 20 à 50 % chez despatients porteurs d’une DFM caro-tidienne ou vertébrale. Cependant,ces études ne prenaient pas encompte le fait que les patients ayanteu une hémorragie méningéeétaient plus souvent explorés parangiographie et que, de ce fait, lediagnostic de DFM était plus fré-quemment fait chez des patientsayant une hémorragie méningéeque chez ceux ayant une autresymptomatologie. Dans une revuesystématique qui a pris en comptece biais de sélection, la prévalencedes anévrismes intracrâniensasymptomatiques chez des patientsporteurs d’une DFM cervicale a étéestimée à 7,3 % (6). Un consensusaméricain recommande de dépis-ter les anévrismes intracrânienschez les patients ayant une DFMcervicale (7).

LES HYPOTHÈSESÉTIOLOGIQUESLa cause et la physiopathologie

de la DFM sont largement incon-nues.

• La majorité des patients n’a pasd’histoire familiale de DFM symp-tomatique, mais il semble existerune composante héréditaire. Eneffet, il existe des formes fami-liales, notamment quelques ob-servations chez des jumeaux mo-nozygotes, et une étude enéchotracking a montré une fré-quence élevée d’anomalies ultra-structurales de l’artère carotideinterne évocatrices de DFM chezdes apparentés au premier degréde patients atteints de DFM, avecune transmission possiblementautosomique dominante (1).Cependant, à ce jour, les étudesgénétiques n’ont pas permisd’identifier de polymorphisme as-socié à la maladie.

• La prépondérance féminine dela maladie laisse penser que desfacteurs hormonaux pourraientêtre impliqués, mais aucune as-sociation n’a été trouvée avec lesgrossesses ou la contraception (1).

• Une association entre DFM ettabac a été observée dans une

étude cas-témoins, mais les mé-canismes physiopathologiquessous-jacents potentiels sont in-connus.

En fait les lésions histologiquesde DFM pourraient être assez peuspécifiques et résulter de méca-nismes divers d’agression de laparoi artérielle, tels que des mi-cro-traumatismes répétés, une is-chémie de la paroi liée à une pa-thologie des vasa-vasorum, ouune infection dans l’enfance (8,9). Une origine congénitale estaussi plausible puisque les lésionsde DFM siègent préférentielle-ment sur la portion proximale del’artère carotide interne dont l’ori-gine est le 3e arc aortique.

LA CLASSIFICATIONANATOMO-PATHOLOGIQUELes patients ayant une DFM ré-nale ou cervicale ne sont désor-mais que très rarement opérés, cequi explique le peu de littératurerécente sur l’histologie de la DFM.

La classification anatomo-patho-logique traditionnelle distingue

Type histologique Fréquence Histologie Aspects angiographiquesIntimal < 10 % • Dépôts circonférentiels ou excentrés • Sténose concentrique

• de collagène dans l’intima.Limitante • élastique interne fragmentée ou dupliquée.

Médial• Fibroplasie 75-80 % • Alternance de zones d’amincissement et • Aspect en “collier de perles”• médiale • d’épaississement de la paroi artérielle avec

• du collagène qui remplace les cellules • musculaires lisses.La limitante élastique • interne peut être fragmentée ou dupliquée.

• Fibroplasie 10-15 % • Dépôts extensifs de collagène dans • périmédiale • la partie externe de la média.• Hyperplasie 1-2 % • Hyperplasie des cellules musculaires • Sténose concentrique• médiale • lisses dans fibrose.Adventiciel < 1 % • Dépôts de collagène très dense qui (périartériel) • remplacent le tissu fibreux de l’adventice.

Tableau 1 - Classification anatomo-pathologique des DFM (adaptée de réf.9).

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les DFM :• intimale, • médiale,• et périmédiale.Ces 2 dernières étant souvent as-sociées et voisines (Tab. 1).

Les différents types histologiquescoexistent très fréquemment. Cette classification a été dévelop-pée chez des patients ayant uneDFM rénale, mais des lésionsidentiques ont été observées chezdes patients ayant une DFM cer-vicale ou intracrânienne (8).

Sur le plan macroscopique, laDFM est caractérisée par une al-ternance de zones d’épaississe-ment et d’amincissement de laparoi artérielle, responsables desténoses et de zones anévris-males. Plus rarement, il s’agitd’une lésion focale, sous la formed’une sténose très courte circon-férentielle ou semi-circonféren-tielle ou d’une sténose tubulairerégulière.

LA DFM INTIMALE La DFM intimale (aussi appeléefibroplasie intimale, moins de10 % des cas de DFM) correspondà un dépôt circonférentiel ou ex-centré de collagène dans l’intima.Ce type histologique semble êtreparticulièrement fréquent chezl’enfant, et toucher aussi bien leshommes que les femmes.

LA DFM MÉDIALE C’est le type histologique le plusfréquent (80 % des cas de DFM).Elle est caractérisée par l’alter-nance de sténoses et de dilata-tions, donnant l’aspect angiogra-phique caractéristique en “collierde perles”. Il y a une alternance dezones d’amincissement et d’épais-sissement de la paroi artérielle,avec du collagène qui remplaceles cellules musculaires lisses.

LA DFM PÉRIMÉDIALELa DFM périmédiale (10 % desDFM) résulte de dépôts de col-lagène dans la partie externe dela média, à la jonction avec l’ad-ventice. L’aspect angiographiqueest le plus souvent très proche decelui de la DFM médiale, mais leszones de dilatation sont moinsnombreuses et ne dépassent pasle diamètre de l’artère normale.

Les autres formes, plus rares, sontdonnées dans le tableau 1.

LA PRÉSENTATIONCLINIQUELa DFM rénale est classiquementune maladie de la femme jeune(autour de 40 ans). La DFM cervicale et intracrâ-nienne touche aussi préférentiel-lement la femme, mais l’âgemoyen des patients dans les sé-ries est d’environ 50 ans, commesi la maladie se révélait un peuplus tard au niveau des troncs su-pra-aortiques (10).

Les circonstances classiques dudiagnostic sont :• un accident ischémique céré-bral par un mécanisme thrombo-embolique ou hémodynamique ;• une dissection artérielle ;• un anévrisme intracrânien nonrompu ;• une hémorragie méningée (avecou sans anévrisme intracrânien) ; • ou un souffle cervical.

La dissection est une complica-tion classique de la DFM et jus-qu’à 15 % des patients ayant unedissection cervicale ont une DFMassociée (11). Cependant, le dia-gnostic de DFM est difficile chezles patients ayant une dissectioncervicale car les aspects angiogra-phiques sont parfois très proches.Il est possible que le diagnostic de

DFM ait été porté par excès danscertaines séries anciennes de pa-tients ayant une dissection cervi-cale. L’acouphène pulsatile et le soufflecervical pulsatile sont d’autres cir-constances classiques du dia-gnostic de DFM cervicale.

Dans les séries publiées dans lesannées 1970-80, la majorité despatients était en fait asymptoma-tique (10). La DFM était décou-verte sur une angiographie réa-lisée chez des patients ayant dessymptômes non spécifiques telsque des céphalées, vertiges, oudes syncopes, une épilepsie ouune même tumeur cérébrale ; pa-thologies qui ne pouvaient pasêtre explorées autrement à cetteépoque. Ces circonstances sontmaintenant probablement moinsfréquentes.

LES ASPECTSANGIOGRAPHIQUES• La DFM touche les portionsmoyennes et distales des artèrescarotides internes et vertébrales,au niveau des vertèbres C1 et C2,c’est-à-dire des portions géné-ralement épargnées par l’athéro-sclérose. • L’artère carotide interne estconcernée dans 95 % des cas, sou-vent de façon bilatérale (60-85 %des cas). • L’atteinte vertébrale est plus rare,et coexiste souvent avec l’atteintecarotidienne.

Les aspects angiographiques dela DFM cervicale et intracrâ-nienne sont très semblables àceux observés au niveau desartères rénales (10, 12, 13). Les as-pects angiographiques ont étédécrits essentiellement en angio-graphie conventionnelle. Cet exa-men a la meilleure résolution

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spatiale, mais est maintenant ex-ceptionnellement réalisé.

Les aspects en angio-RM et an-gioscanner sont encore moinsbien connus. L’angioscanner hé-licoïdal multi-barrettes a unemeilleure résolution que l’angio-RM, mais d’analyse plus difficilepour les artères vertébrales.

• L’aspect en “collier de perles”ou“pile d’assiettes” est le plus fré-quent (environ 80 % dans la plu-part des séries) et, comme pourl’artère rénale, est associé à unehistologie de type médiale (Fig. 1)

(12). Le segment artériel touché a leplus souvent un diamètre pluslarge que celui des segments dis-taux et proximaux de l’artère nor-male, et les espaces entre les zonesde sténoses sont souvent de lon-gueur très variable, donnant unaspect beaucoup moins régulierqu’au niveau des artères rénales.Les tortuosités et les boucles sonttrès fréquentes chez ces patients.L’artère présente parfois un aspecthérissé, correspondant à des mi-cro-anévrismes muraux (Fig. 2). Les

formes mineures sont probable-ment sous-estimées. Le principal diagnostic différen-tiel de la forme en “collier deperles” sont les ondes station-naires qui correspondent à descontractions circulaires des ar-

tères carotides et vertébrales ex-tra-crâniennes survenant au pas-sage du cathéter d’angiographie.Mais, ces contractions ne s’ac-compagnent jamais de dilatation.

• Les lésions unifocales de DFM

Figure 1 – Aspect classique de DFM carotidienne (A1 à A4) et vertébrale (B1 et B2).

Tous les examens sont des angio-RM, sauf A4 (artériographie conventionnelle). A3 et

A4 représentent le même patient. D’après réf. 4.

Figure 3 – DFM cervicale carotidienne : forme unifocale tubulaire longue en angioscanner

(A1) et en angio-RM (A2), et forme unifocale en diaphragme (B). D’après réf. 4.

Figure 2 – DFM vertébrale avec aspect

spiculé de l’artère correspondant à des

microanévrismes pariétaux. D’après réf. 4.

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sont rares (Fig. 3). Elles sont asso-ciées à tous les types histologiquesde DFM (12, 14). Le diagnostic deDFM est très difficile devant unelésion sténosante unifocale iso-lée car l’athérosclérose, une arté-rite ou compression externe, ouune hypoplasie peuvent mimerune DFM. Le diagnostic reposealors souvent sur un faisceau d’ar-guments comportant l’âge jeunede survenue, l’absence de facteurde risque vasculaire, la localisa-tion de la lésion, et d’éventuellesautres localisations de DFM.

• Il existe un troisième aspect an-giographique beaucoup plusrare : il s’agit d’un diaphragme si-tué au niveau de l’origine de l’ar-tère carotide interne, provoquantune sténose très localisée (Fig. 4)

(12, 15). La majorité des cas a étérapportée chez des sujets de racenoire. Sur le plan histologique,tous les cas vérifiés correspon-daient à une DFM de type inti-male.

Un anévrisme isolé d’une artèrecervicale n’est pas suffisant pourporter le diagnostic de DFM. Lesbranches de l’artère carotide ex-terne sont parfois concernéespar le processus pathologiquecomme en attestent plusieursobservations histologiques.Cependant, les descriptions an-giographiques de cette localisa-tion carotidienne externe restenttrès limitées.

LA DFMINTRACRÂNIENNEEn dehors des anévrismes intra-crâniens, la DFM intracrâniennesemble rare. La majorité des cas rapportés cor-respond à une extension intra-crânienne d’une DFM extra-crânienne (Fig. 5) (12, 16-18).Cependant, il existe d’authen-tiques cas de DFM intracrânienneisolée, prouvée histologiquement,touchant l’artère basilaire, l’artèrecarotide interne distale, ou l’ar-tère cérébrale moyenne avec un

aspect typique en “collier deperles”.

En dehors d’un infarctus cérébral,une DFM intracrânienne a étérapportée au cours :• d’hémorragies méningées parrupture artérielle (19, 20) ;• de dissections intracrâniennes(21) ;• d’anévrismes multiples locali-sés sur un segment artériel (22) ; • ou de syndromes de Moya-Moya(23).

Sur le plan histologique, lesformes intracrâniennes semblentcorrespondre aussi bien à uneDFM intimale qu’à une formemédiale et toucher plus particu-lièrement les enfants (24, 25).

QUEL PRONOSTIC ?L’histoire naturelle de la maladieest mal connue. Le risqued’infarctus cérébral ou d’AIT va-riait de 0 à 5 % par an dans lesquelques études ayant évalué lepronostic de patients ayant uneDFM extracrânienne (4). Mais, cesétudes concernaient des patientssymptomatiques ou asymptoma-tiques au moment de l’inclusion,et aucune n’a évalué le pronos-tic des lésions artérielles.

Figure 4 – DFM avec aspect de

diaphragme à l’origine de l’artère

carotide interne (flèche) et aspect plus

classique de DFM au-dessus chez une

femme africaine ayant présenté un

infarctus cérébral. D’après réf. 4.

Figure 5 – DFM intracrânienne : extension intracrânienne d’une DFM cervicale (A).

Forme intracrânienne pure unifocale (B) et multifocale sur l’artère carotide

intracrânienne controlatérale (C). D’après réf. 4.

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La progression des lésions arté-rielles a toutefois été documentéedans quelques observations iso-lées (12, 26). Bien que jusqu’à 15 %des patients ayant une dissectionont une DFM, le risque absolu dedissection chez des patients ayantune DFM est inconnu. Il a été sug-géré que les patients ayant uneDFM ont un risque accru de ré-cidive de dissection (27).

PRISE EN CHARGE :ENCORE MAL CODIFIÉEEn l’absence de données précisessur l’histoire naturelle de la ma-ladie et en l’absence d’étude ran-domisée, les indications des dif-férents traitements dans la DFMdes troncs supra-aortiques nesont pas du tout codifiées.

En cas de dissection cervicale, untraitement anticoagulant est leplus souvent proposé pendantquelques semaines à quelques

mois. Cette attitude, non spéci-fique à la DFM, ne repose pas surdes résultats d’études randomi-sées.

En dehors d’une dissection cer-vicale aiguë, chez les patientsayant eu un événement isché-mique, un traitement antithrom-botique (antiplaquettaire le plussouvent) est généralement pro-posé bien que son efficacité n’aitjamais été évaluée dans cette in-dication.

Les indications d’une revascula-risation (chirurgicale ou le plussouvent endovasculaire actuelle-ment) doivent être discutées aucas par cas, en tenant compte durisque d’événement spontané etdu risque opératoire (4).

CONCLUSION Les connaissances sur la physio-pathologie, l’histoire naturelle et

la prise en charge de la DFM cer-vicale et intracrânienne restentencore très limitées, bien quecette maladie soit connue depuisplus de 40 ans. Un programme de recherche surla DFM rénale et des troncs su-pra-aortiques (études PROFILEet ARCADIA) est actuellement encours pour essayer de répondre àces différentes questions (coordi-nation P.F. Plouin et E. Touzé). ■

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Mots-clés :Dysplasie fibromusculaire,

Artères cervicales,

Artères intracrâniennes,

Artères rénales,

Accident ischémique cérébral,

Dissection artérielle,

Anévrisme intracrânien non rompu,

Hémorragie méningée,

Souffle cervical, Femmes, Angiographie

Page 8: Pathologies non athéro mateuses

Introduction

Le terme “Moya-Moya” est utilisé pour

définir la présence en imagerie d’un

réseau vasculaire anormal, se déve-

loppant en raison d’une sténose pro-

gressive de la portion distale des ar-

tères carotides internes (ACI) et du

segment proximal de leurs branches

terminales (1).

Ce réseau anastomotique artériolaire

prend souvent un aspect “nuageux” ou

en “volutes de fumée”, qui se traduit

en japonais par “Moya-Moya”.

Il peut se développer lorsque le rétré-

cissement des artères de la base du

crâne survient dans le cadre d’une ma-

ladie générale ou locale déjà connue.

On utilise alors le terme de “syndrome

de Moya-Moya”. Lorsque aucune af-

fection n’est associée aux anomalies

artérielles, on utilise le terme de “ma-

ladie de Moya-Moya”. L’emploi isolé du

terme “Moya-Moya” désigne l’aspect

radiologique caractéristique, sans faire

référence à la cause sous-jacente (2).

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PATHOLOGIES NON ATHÉROMATEUSES DES TRONCS SUPRA-AORTIQUES

� Syndrome et maladie de Moya-Moya Savoir les reconnaître,

les distinguer et les prendre en charge■ Le terme Moya-Moya est utilisé pour décrire la néovascularisation apparaissant au cours de

certaines sténoses progressives de la terminaison des artères carotides internes et/ou de leurs

branches. Dominique Hervé*

LA STRATÉGIEDIAGNOSTIQUEEn cas de sténose distale d’une oudes artères carotides internes sansréseau artériolaire anastomotiquevisible, d’autres causes d’angio-pathies intracrâniennes (athé-rome intracrânien, dissection, an-géites, vasospasme, etc.) doiventêtre recherchées avant d’évoquerun Moya-Moya.

La visualisation en imagerie d’unenéovascularisation associée auxsténoses des artères intracrâ-niennes, témoignant du caractèrelent et progressif du processus, estnécessaire pour parler de Moya-Moya.

L’examen le plus sensible pour dé-tecter ces anomalies vasculairesreste l’angiographie convention-nelle, mais l’angioscanner et l’an-giographie par résonance magné-tique (ARM), réalisés en premièreintention, sont des alternativespossibles lorsque le réseau vas-culaire anormal est suffisammentdéveloppé.

Ces anomalies peuvent être ob-servées chez des sujets asymp-tomatiques, mais le plus sou-

vent, ces examens sont effectuésà l’occasion d’un déficit neuro-logique en rapport avec un acci-dent vasculaire cérébral, ou decéphalées.

RECHERCHER LES CAUSES POSSIBLES D’UN SYNDROME DE MOYA-MOYALa première étape consiste à re-chercher une pathologie locale ougénérale pouvant favoriser l’ap-parition d’un syndrome de Moya-Moya (3). La drépanocytose, la trisomie 21,la neurofibromatose (notammenten cas d’irradiation d’une tumeurdu nerf optique), et les irradia-tions céphaliques représentent lamajorité des formes syndro-miques (Tab. 1). D’autres associations plus raresont été rapportées (thrombophi-lie, traumatisme crânien, anoma-lies cardiaques congénitales, hy-perthyroïdies, etc.), mais certainesd’entre elles pourraient être for-tuites.

En cas de suspicion de syndromede Moya-Moya, le bilan étiolo-gique doit donc comprendre :• la recherche d’antécédents d’ir-radiation céphalique (il faut en

*Centre de référence des maladies vasculaires rares du cerveau etde l’œil (CERVCO),Service de Neurologie du Pr Chabriat,HôpitalLariboisière,Paris

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particulier s’attacher à préciser siles artères de la base du crâne sontsituées dans le champ d’irradia-tion et les doses utilisées) ;• une imagerie de la base ducrâne ;• une étude du LCR ;• une imagerie des artères cervi-cales ;• une électrophorèse de l’hémo-globine ;• un examen dermatologique (àla recherche en particulier de neu-rofibromes) ;• une recherche de mutations desfacteurs 2 et 5 ;• un dosage des protéines C, S,et antithrombine 3 ;• et un bilan auto-immun.

CRITÈRES DIAGNOSTIQUES DE MALADIE DE MOYA-MOYALe diagnostic de certitude de ma-ladie de Moya-Moya, selon les re-commandations du ministère dela Santé du Japon, est basé sur laprésence des critères suivants àl’artériographie, en IRM avecARM, ou à l’autopsie (4) :1. présence d’une sténose ou oc-clusion de la portion terminale del’artère carotide interne, de la por-tion initiale (A1) de l’artère céré-brale antérieure ou de la portion

initiale (M1) de l’artère cérébralemoyenne ;2. présence d’un réseau artérielde suppléance anormal ;3. bilatéralité des anomalies arté-rielles ;4. absence d’une cause connuede syndrome de Moya-Moya (voirci-dessus).

Le diagnostic de maladie deMoya-Moya “probable” est retenulorsque le caractère bilatéral desanomalies vasculaires est absent.

Les formes unilatérales de ma-ladie de Moya-Moya (maladie“probable”) sont plus fréquenteschez l’adulte. Dans une étude ja-ponaise, 30 % des formes unila-térales au moment du diagnosticsont devenues bilatérales au coursd’un suivi de 5 ans (5).

LA MALADIE DE MOYA-MOYA

UNE MALADIE RAREÀ PRÉDOMINANCE FÉMININE…La fréquence de la maladie deMoya-Moya varie en fonction despopulations. Au Japon, où la maladie est la plusfréquente, le diagnostic de Moya-Moya est évoqué au cours d’unexamen radiologique en l’absencede tout symptôme dans 1 cas sur2 000. La prévalence de la mala-die de Moya-Moya est estimée àenviron 3 cas sur 100 000 (6). Elleest deux fois plus fréquente chezles femmes. En Europe ou aux Etats-Unis, lamaladie de Moya-Moya serait 10fois moins fréquente. Ainsi, en pro-jetant cette estimation à la popu-lation française, le nombre de casserait d’environ 180 au total. Seulun registre national permettraitd’évaluer avec précision la pré-valence de la maladie en France.

… ET ESSENTIELLEMENT SPORADIQUE La fréquence des formes fami-liales est d’environ 12 % au Japon(7).

DES MANIFESTATIONS CLINIQUESEN RAPPORT AVEC LES COMPLICATIONS ISCHÉ-MIQUES ET HÉMORRAGIQUES Les manifestations cliniques de lamaladie débutent dans la moitiédes cas avant l’âge de 10 ans (formepédiatrique). Un deuxième pic defréquence est observé entre l’âgede 40 et 50 ans (forme adulte) (8).

• La maladie de Moya-Moya estresponsable d’accidents isché-miques transitoires (AIT) ou d’in-farctus cérébraux dans environ lamoitié des cas (2). Ces évène-ments ischémiques peuvent s’ag-graver lors d’une baisse de la pres-sion artérielle, et sont parfoisdéclenchés par l’hyperventilation(exercice physique, efforts liés ausouffle dans un instrument demusique ou un ballon, pleursd’un enfant) (9). En effet, l’hyper-ventilation s’accompagne d’unediminution de la PACO2 et pro-voque une vasoconstriction ré-flexe du réseau de suppléance.L’efficacité de ce réseau de sup-pléance pour compenser la ré-duction des flux sanguins en avaldes sténoses intracrâniennes peutalors s’en trouver compromise.La survenue d’hémorragies cé-rébrales concerne essentielle-ment les adultes (30 à 50 %) (2). Ilpeut s’agir d’hémorragies céré-brales liées à la rupture de néo-vaisseaux constitutionnellementfragiles. Les modifications de lacirculation au sein du polygonede Willis et la mise en jeu d’unecirculation collatérale à haut dé-bit via les artères communicantespeuvent aboutir à la formationd’anévrysmes intracrâniens dont

Pathologies acquises• Athérosclérose des artères de la

base du crâne• Artérite post-radique• Artérites d’origines infectieuse,

inflammatoire ou toxiquetouchant les artères de la base ducrâne

• Tumeurs de la base du crâneAffections génétiques• Drépanocytose• Trisomie 21• Neurofibromatose de type I • Dysplasie fibromusculaire

Tableau 1 - Pathologies localeset générales associées ausyndrome de Moya-Moya.

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la rupture explique la survenued’hémorragies méningées (10).

• Les céphalées qui peuvent êtrebrutales et accompagner la sur-venue d’un infarctus ou d’une hé-morragie cérébrale sont obser-vées dans 20 à 60 % des cas àl’occasion du diagnostic.

• Des crises d’épilepsie peuventsurvenir dans environ 1 cas sur 5,le plus souvent après une hémor-ragie ou un infarctus cérébral.

• Des troubles cognitifs peuventapparaître brutalement à l’occa-sion d’un infarctus ou d’une hé-morragie cérébrale, ou s’installerprogressivement.

• La survenue de mouvementsanormaux a été rapportée essen-tiellement chez des enfantsJaponais.

L’APPORT DE L’IMAGERIE EST MULTIPLE (Fig. 1)

• L’imagerie vasculaire permet deconfirmer le diagnostic et de pré-ciser le stade évolutif. Elle permetla mise en évidence des images “envolutes de fumée” typiques deMoya-Moya, au niveau des artèresperforantes lenticulo-striées. Maisle réseau de suppléance qui se dé-veloppe en réponse à la progres-sion des sténoses artérielles ne selimite pas au territoire des artèresperforantes profondes. Des ana-stomoses transdurales (issues debranches des artères carotides ex-ternes) peuvent participer à la re-prise en charge des territoires is-chémiés. Le développementprogressif de ces anastomoses peuts’accompagner d’une diminution,voire d’une disparition du réseauMoya-Moya. En plus de cette néo-vascularisation superficielle et pro-fonde, des anastomoses leptomé-ningées issues de la circulation

postérieure (le plus souvent pré-servée au cours de la maladie deMoya-Moya) participent aux mé-canismes de compensation. Dansles formes évolutives, les imagesangiographiques répétées décri-vent souvent une progression quipeut être schématisée par le gra-dingen 6 stades de Suzuki (Tab. 2) (1).

• L’IRM permet d’évaluer lesconséquences de l’angiopathiesur le parenchyme cérébral. Les

lésions ischémiques récenteset/ou séquellaires sont détectéespar l’imagerie de diffusion et laséquence FLAIR. Les séquencesécho de gradient pondérées T2*permettent la détection de dépôtsd’hémosidérine en rapport avecles complications hémorragiquesde la maladie. Enfin, sur les sé-quences FLAIR, des hypersignauxvasculaires peuvent être visiblesau niveau de branches distales des artères cérébrales moyennes

• Stade 1 : sténose distale de l’ACI • Stade 2 :apparition du réseau vasculaire Moya-Moya • Stade 3 :progression du réseau vasculaire Moya-Moya• Stade 4 :apparition d’anastomoses transdurales• Stade 5 :progression des anastomoses transdurales et réduction du réseau

vasculaire Moya-Moya • Stade 6 :occlusion des ACI et disparition du réseau vasculaire Moya-Moya

Tableau 2 - Stades angiographiques de Suzuki.

Figure 1 - Imagerie cérébrovasculaire d’une patiente eurasienne de 25 ans ayant une

maladie de Moya-Moya.

A : occlusion bilatérale de la terminaison des artères carotides internes et de l’origine

des artères cérébrales moyennes et antérieures en ARM.

B : visualisation du réseau anastomotique artériolaire lenticulo-strié en angiographie

conventionnelle.

C : lésions ischémiques séquellaires bilatérales sur les séquences FLAIR. Noter les

hypersignaux intravasculaires témoignant d’un ralentissement de flux (flèches jaunes).

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et/ou des artères cérébrales an-térieures témoignant d’une dimi-nution majeure du flux sanguinen aval des sténoses intracrâ-niennes (11).

• L’imagerie du débit sanguin cé-rébral (DSC) régional permetd’apprécier l’état de la perfusioncérébrale et de la réserve hémo-dynamique disponible. La tomo-graphie par émission monopho-tonique (SPECT) repose surl’injection d’un isotope radioac-tif (99mTc-HMPAO, par exemple)et permet, après une acquisitionde base, de mesurer le DSC régio-nal au niveau du parenchyme cé-rébral. Une deuxième acquisitionest réalisée après injection deDiamox® (12). La vasodilatationqui en résulte augmente le DSCdans les régions qui disposent en-core d’une “réserve vasculaire dis-ponible”, c’est-à-dire dans les ré-gions où la vasodilatationréactionnelle à l’ischémie chro-nique n’est pas déjà maximale.L’existence d’une diminution dela réserve vasculaire est associéeà un risque augmenté d’accidentischémique cérébral.

UNE HISTOIRE NATURELLE ENCORE MAL CONNUE Dans une étude de suivi sur 6 ans,une progression des anomaliesvasculaires était observée chez25 % des patients. L’existenced’une évolutivité vasculaire étaitassociée à la survenue de compli-cations ischémiques et hémorra-giques (13).

L’évolution clinique de la mala-die peut être :• lente avec peu ou pas d’évène-ments cliniques ;• ou plus sévère et émaillée d’in-farctus cérébraux et/ou d’hémor-ragies cérébrales répétés, condi-tionnant le pronostic.

Lorsque la maladie de Moya-Moya est certaine (atteinte bila-térale), qu’elle a déjà été respon-sable d’un infarctus cérébral, lerisque de survenue d’un nouvelaccident vasculaire cérébral at-teindrait 10 à 15 % par année en-viron en l’absence de traitementchirurgical. Dans une étude ré-cente portant sur 12 adultes fran-çais atteints d’une maladie deMoya-Moya, la probabilité d’unnouvel AVC était de 50 % à 5 ans(14).

LES FORMES FAMILIALES DE MALADIE DE MOYA-MOYAEnviron 12 % des cas de maladiede Moya-Moya apparaissentd’origine familiale (au moins deuxapparentés de la même famille).Dans un petit nombre de familles,le mode de transmission est com-patible avec un mode de type au-tosomique dominant, mais la pé-nétrance de la maladie semblefaible. Le nombre de cas au seind’une famille est donc réduit (sou-vent deux à trois cas). Dans la plupart des familles ils’agit plus probablement d’unesusceptibilité polygénique. Aucungène responsable de la maladiede Moya-Moya n’a été encoreidentifié. Plusieurs localisationschromosomiques ont été rappor-tées au niveau des chromosomes3, 6, 8, 12 et 17 sans qu’aucunen’ait pu être confirmée (15, 16).

PHYSIOPATHOLOGIEL’épaississement de la paroi arté-rielle concerne l’intima, où les cel-lules musculaires de la média sem-blent avoir migré et prolifèrent. Les mécanismes exacts à l’ori-gine de l’épaississement de la pa-roi vasculaire demeurent indé-terminés. Il ne s’agit pas delésions athéromateuses ou in-flammatoires, à l’inverse de cer-taines anomalies observées au

cours de syndromes de Moya-Moya. Cette hyperplasie intimaleest associée à des thromboses lu-minales, un amincissement de lamédia et des irrégularités de lalimitante élastique interne (2).Le rétrécissement très lent et pro-gressif des artères de la base ducrâne est à l’origine du dévelop-pement du réseau vasculaire“Moya-Moya”. Ce réseau estconstitué d’artères perforantesprofondes dilatées et de néo-vaisseaux, développés par le biaisde la production de facteurs an-giogéniques (bFGF, TGFβ1,HGF…) au niveau du tissu céré-bral mal irrigué (17).

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUELe traitement de la maladie deMoya-Moya nécessite une com-pétence multidisciplinaire impli-quant neurologues, neurochirur-giens et anesthésistes.

■ Le traitement médicalL’utilisation d’aspirine est baséesur l’hypothèse d’une diminutiondu risque thrombo-embolique auniveau des lésions sténo-occlu-sives intracrâniennes. Son effica-cité n’a cependant jamais été dé-montrée (13). Compte tenu durisque hémorragique associé, sonutilisation n’est pas recomman-dée en cas d’antécédents d’hé-morragie cérébrale. La mise en route d’un traitementantiépileptique est justifiée en casde survenue de crises comitiales.Des mesures de précautions peu-vent être proposées pour limiterle risque ischémique et hémorra-gique : éviction des exercices fa-vorisant l’hypocapnie, évictiondes anticoagulants et des hypo-tenseurs en dehors d’indicationsclairement établies, anesthésiepréparée et encadrée, y comprispour un geste chirurgical mineur(voir ci-dessous).

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PATHOLOGIES NON ATHÉROMATEUSES DES TRONCS SUPRA-AORTIQUES

Les techniques directes et indi-rectes sont parfois associées.

■ Les indications restent à préciserL’efficacité du traitement chirur-gical n’a jamais été démontrée pardes études comparatives et ran-domisées. De nombreux travaux,essentiellement chez l’enfant sug-gèrent cependant que le risqued’AVC après revascularisation chi-rurgicale, directe, indirecte oucombinée, serait nettement dimi-nué (2). En l’absence d’alternativeefficace, il s’agit actuellement dutraitement de référence, en parti-culier chez les enfants asiatiques.Les résultats semblent moins pro-bants concernant le risque hémor-ragique au niveau cérébral.

Le choix de la technique de revas-cularisation la plus appropriée aucours de la maladie de Moya-Moya est encore largement dis-cuté. Une équipe française a ré-cemment rapporté des résultatsencourageants, en termes d’effi-cacité et de morbidités, chez 18enfants traités par multicrânio-stomie (18).

Les critères utilisés pour déciderd’une revascularisation chirurgi-cale sont également débattus. La

mise en évidence d’une évolutivitéclinique (sur un mode ischémique)et radiologique (progression deslésions vasculaires) est une des si-tuations devant faire discuter laréalisation d’une revascularisationchirurgicale. La mise en évidenced’une baisse régionale du débitsanguin cérébral et surtout d’unediminution de la réserve vasculairesont des paramètres importants àprendre en compte pour poser l’in-dication thérapeutique et guiderle geste chirurgical.

La morbidité des gestes opératoiresest en partie liée à la qualité de laprise en charge anesthésique quiest cruciale pour limiter tous lesfacteurs favorisant la survenued’infarctus cérébraux au cours del’intervention et de la période péri-opératoire : hypoxie, hypocapnie,hypotension, anémie, hypervisco-sité et hyperglycémie (19). ■

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Mots-clés :Moya-Moya, Réseau anastomotique

artériolaire, Artères carotides internes,

Epaississement intimal, Accident vasculaire

cérébral, Synangiogenèse, Céphalées,

Epilepsie, Troubles cognitifs, Maladie rare,

Femmes, Enfants, Chirurgie

■ Le traitement chirurgicalLes branches des artères carotidesexternes ne sont pas concernéespar la maladie de Moya-Moya etpeuvent être utilisées pour revas-culariser les régions cérébrales is-chémiées. On distingue des tech-niques de revascularisationdirectes et indirectes. • Dans le premier cas, une ana-stomose directe est créée entreune branche de l’artère carotideexterne et une branche corticalede l’ACM ou de l’ACA. Il s’agit leplus souvent d’une anastomosetemporo-sylvienne. • Dans le second cas, l’anasto-mose est indirecte, et consiste àposer un tissu vascularisé par lesbranches de l’artère carotide ex-terne (dure-mère, galéa, muscletemporal, branches de l’ACE elles-mêmes) au contact du cerveaupour favoriser le développementd’une néovascularisation dans leszones ischémiées (synangioge-nèse). L’une de ces techniques in-directes (multicrâniostomie)consiste à réaliser plusieurs“trous” dans le crâne, de façon àpermettre à des vaisseaux du cuirchevelu de se développer jusqu’àla surface et vers l’intérieur du pa-renchyme cérébral dans les ré-gions mal irriguées.

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PATHOLOGIES NON ATHÉROMATEUSES DES TRONCS SUPRA-AORTIQUES

Introduction

� Les “élastopathies”Complications vasculaires et neurologiques

■ Le syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire, le pseudoxanthome élastique, la maladie de Marfan

ou le syndrome de Loeys-Dietz sont des maladies génétiques rares touchant le tissu conjonctif.

Elles se compliquent d’atteintes vasculaires, neurovasculaires ou neurologiques.

Emmanuel Messas*, Xavier Jeunemaître* et Joseph Emmerich*

Les élastopathies sont des maladies

vasculaires rares non athéroscléreuses

touchant le tissu conjonctif. Certaines

peuvent présenter des complications

neurologiques.

Nous avons retenu quatre principales

maladies monogéniques responsables

d’une atteinte du tissu conjonctif : le

syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire

(SEDv), le pseudoxanthome élastique

(PXE), la maladie de Marfan et le syn-

drome de Loeys-Dietz (1).

Les protéines concernées sont des pro-

téines de structure ou de régulation de

l’homéostasie vasculaire : mutation au-

tosomique dominante du collagène de

type III pour le SEDv, mutation le plus

souvent sporadique portant sur un

transporteur transmembranaire pour

le PXE, mutation autosomique domi-

nante pour le gène de la fibrilline de

type I pour la maladie de Marfan et mu-

tation des gènes récepteurs aux TGFβ

(Tumor Growth Factor beta Receptor)

pour le syndrome de Loeys-Dietz (2).

Nous nous focaliseronsdans cet article sur lescomplications vascu-

laires, et notamment neurolo-giques, de ces pathologies. Leurprise en charge doit être effectuéeau mieux dans des centres de ré-férence (dont les coordonnéessont indiquées en page 460).

LE SYNDROME D’EHLERS-DANLOS VASCULAIRELe syndrome d’Ehlers-Danlos re-groupe des affections génétiquesrares qui affectent le collagène. Laclassification de Villefranche, de1997, regroupe 6 formes distinctesde syndrome d’Ehlers-Danlos,dont une seule a un tropisme vas-culaire associé à des complica-tions vasculaires graves. Le SEDv (anciennement type IVou artériel-ecchymotique ou syn-drome de Sack-Barabas) est uneaffection génétique autosomiquedominante très rare (1/150 000)liée à des mutations du gèneCOL3A1, codant pour la chaîne α(1) du procollagène III, compo-sant essentiel du tissu conjonc-tif de soutien de la peau, des cap-sules articulaires, mais surtout dela paroi des vaisseaux, du tube di-gestif et de l’utérus. Le SEDv représente moins de 5 %de l’ensemble des formes de SED

(3). Outre un morphotype incons-tant appelé acrogérique, les pa-tients présentent un risque accrude dissection ou rupture artérielle,de perforation colique respon-sable de péritonite ou de rupturede l’utérus gravide qui font la gra-vité de la maladie.

CRITÈRES DIAGNOSTIQUES ET PRÉSENTATIONS CLINIQUES DU SED VASCULAIREIl n’y a pas de signes pathognomo-niques du SEDv. Le diagnostic re-pose donc sur un faisceau d’argu-ments cliniques, avec des critèresdiagnostiques majeurs et mineurs,les critères de Villefranche édictésen 1997 (Tab. 1) (4). La maladie peut se présenter :• sous une forme ecchymotique,où prédomine une fragilité cu-tanée avec des hématomes spon-tanés ou consécutifs à des trau-matismes minimes ;• ou sous une forme acrogérique,définie par un morphotype facialévocateur et un aspect de vieillis-sement prématuré des extrémités. Typiquement, les patients ont unvisage fin, des pommettes sail-lantes, des yeux un peu globuleuxet enfoncés, en rapport avec uneatrophie du tissu adipeux périor-bitaire. Le nez est volontiers étroitet pincé, les lèvres sont horizon-tales et peu ourlées. Une alopécieest fréquente. L’ensemble donne

*Service de Médecine Vasculaire-HTA,et Centre de Référence desMaladies Vasculaires Rares,Hôpital Européen GeorgesPompidou,Paris

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à ces patients un aspect caracté-ristique de “visage de madone”,qui, s’il est évocateur, n’est pas pa-thognomonique (Fig. 1). L’atteintecutanée se traduit par une peaufine, translucide, avec présenced’hématomes ou de dépôts pig-mentés séquellaires. La cicatrisa-tion peut être lente, avec unaspect de cicatrices atrophiqueset papyracées, notamment en

regard des zones de frottement.Une visibilité anormale du lacisveineux sous-cutané à la partieantérieure du thorax, de l’abdo-men et à la racine des membresest fréquente et évocatrice. Ceciest lié à l’existence d’une peaufine, avec parfois un aspect pré-maturément vieilli des mains(acrogérie). Une hyperélasticitécutanée discrète est présente, aumieux mise en évidence en regardde la face postérieure du coude etdes mains. Les patients atteintsde SEDv peuvent avoir une hy-perlaxité articulaire, principale-ment des petites articulations(métacarpo-phalangiennes), maisdes entorses ou luxations desautres articulations sont pos-sibles. Toute la gravité de la ma-ladie est secondaire à une ex-trême fragilité vasculaire, maisaussi digestive et utérine, condui-sant à des ruptures artérielles etdes péritonites par rupture diges-tive, et utérines, notamment pen-dant la grossesse. A côté des critères diagnostiquesévoqués précédemment les prin-cipaux tableaux cliniques devant

faire évoquer un SED vasculairesont résumés dans le tableau 2.

LES COMPLICATIONS VASCULAIRES Elles incluent les ruptures arté-rielles, les anévrysmes et les dis-sections des artères de moyen ca-libre, dans tous les territoires. • La rupture artérielle survientsur des lésions anévrysmales, maisaussi, non exceptionnellement, surun lit artériel non dilaté. La ruptureartérielle entraîne un syndromehémorragique lorsqu’elle survientau niveau digestif ou cérébral, ouun hématome péri-artériel, sou-vent compressif et limité par lesmuscles et leurs aponévroses auniveau des membres inférieurs. • Les dissections sont souvent res-ponsables d’une thrombose pa-riétale responsable des complica-tions ischémiques et d’anévrysmesdisséquant pouvant se rompredans un second temps (3).

LES COMPLICATIONS NEUROLOGIQUESLes complications neurologiquesobservées dans cette pathologiesont pour la plupart d’origine vas-culaire. Les atteintes les plus fré-quentes comprennent :• les fistules entre l’artère carotideet le sinus caverneux, • les dissections cervicales ou in-tracrâniennes, • les anévrysmes intra-cérébraux, • et les ruptures artérielles.

Les accidents ischémiques nesont pas très fréquents, mais peu-vent compliquer une dissectionartérielle. Dans une série ancienne de 202patients avec SEDv appartenantà 121 familles identifiées, 19 pa-tients ont présenté des complica-tions neurovasculaires à typed’anévrysmes secondairementcompliqués d’hémorragies, de

Critères majeurs Critères mineurs • Peau fine, translucide • Acrogérie • Rupture ou fragilité artérielle • Hyperlaxité des petites articulations • Rupture ou fragilité digestive • Rupture tendineuse ou musculaire • Rupture ou fragilité utérine • Pied-bot en varus équin • Ecchymoses extensives • Varices de développement précoce • Morphotype facial • Fistule artério-veineuse • caractéristique • carotido-caverneuse

• Pneumo- ou hémopneumothorax • Rétraction gingivale • Syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire

dans la famille • Mort subite inexpliquée

chez un parent proche

Tableau 1 - Critères diagnostiques de Villefranche (1997) dusyndrome d’Ehles-Danlos vasculaire.En présence d’au moins 2 critères majeurs,le diagnostic de SED vasculaireest fortement suspecté,et une recherche de la mutation est justifiée.Laprésence d’un ou de plusieurs critères diagnostiques mineurs peutconforter la suspicion diagnostique mais ne peut suffire à l’affirmer.

Figure 1 - Visage évocateur d’un

syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire

(pommettes saillantes, peau fine,

alopécie).

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fistules carotido-caverneuses oude dissection des artères cervi-cales. L’âge moyen de ces compli-cations était de 28 ans (5).

Ainsi, un SEDv doit être envisagédevant un accident vasculairecérébral ischémique ou hémor-ragique du sujet jeune, car cediagnostic aura des implicationsthérapeutiques et pronostiquespour le propositus et ses appa-rentés. Le diagnostic clinique des fistulescarotido-caverneuses est fondésur l’existence d’acouphènes, d’unthrill, de céphalées et de la clas-sique exophtalmie pulsatile. L’âgemoyen de survenue est de 31 ansdans le SEDv contre 58 ans dansla population générale. La réalisa-tion d’une artériographie est par-ticulièrement risquée chez ces pa-tients, car cet examen peutprovoquer une dissection ou unerupture artérielle. Le traitementde ces fistules reste controverséen raison d’une morbi-mortalitéélevée. Les accidents hémorragiques, ob-servés dans 4 % des observations,sont pour moitié des hémorragiesméningées par rupture d’ané-vrisme. Le faible taux d’hémorra-gie méningée et le risque élevé decomplication du traitement chi-rurgical ou endovasculaire chez leSEDv ne plaident par pour un dé-pistage systématique des ané-vrismes cérébraux dans cette po-pulation (3).Le pronostic de la maladie est di-rectement lié au risque de ruptureartérielle. Celles-ci sont rares dansl’enfance, mais 25 % des patientsvont présenter une complicationavant l’âge de 20 ans, et plus de80 % avant 41 ans. La médiane desurvie est de 48 ans. Les rupturesartérielles sont responsables de la plupart des décès, car ellessont imprévisibles et la fragilité

artérielle rend difficile leur répa-ration chirurgicale.

TRAITEMENT DU SED VASCULAIREIl n’existe pas de traitement cura-tif de la maladie. Une étude ré-cente est en faveur du bénéfice ducéliprolol sur la survenue descomplications vasculaires.

■ La prévention et l’information du patientLes mesures de prévention sont es-sentielles. La prévention des com-plications vasculaires, digestives etobstétricales doit être expliquée aupatient et à son entourage. Un do-cument écrit les détaillant doit luiêtre remis (Passeport du SEDv).Le patient doit par ailleurs portersur lui une carte spécifique men-tionnant en particulier les coor-données de l’équipe référente etdu médecin traitant, ainsi que

certaines informations médicales,comme le groupe sanguin.

■ Le suiviLa surveillance de la pression ar-térielle est essentielle. Tout syn-drome abdominal aigu survenantchez un patient atteint d’un SEDvdoit faire rechercher une perfo-ration colique ou une complica-tion artérielle digestive. La prophy-laxie des complications digestivesrepose sur la prévention d’uneéventuelle constipation. La pré-vention de la iatrogénie est parailleurs essentielle dans le SEDv(Tab. 3).

■ La prise en charge des complications Elle doit idéalement être effectuéepar une équipe ayant l’expériencede la pathologie ou en concerta-tion avec elle quand l’urgence im-pose une prise en charge locale.

Un syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire doit être évoqué devant au moinsun des évènements cliniques ci-dessous, surtout lorsque ce dernier :• survient à un âge précoce de survenue (avant 40 ans)• survient spontanément ou pour un traumatisme minime• a un caractère multiple ou récidivant• est associé à une histoire familiale similaire1. Une complication vasculaire inhabituelle

• Des dissections artérielles cervicales multiples.• Une dissection artérielle spontanée• Une dissection lors d’une ponction artérielle (gazométrie,artériographie)• Un faux anévrysme spontané• Une fistule carotido-caverneuse directe spontanée avant 40 ans• Des complications lors de la chirurgie de varices

2.Une rupture utérine chez une primipare3.Une péritonite spontanée particulièrement par perforation sigmoïdienne4.Une rupture splénique spontanée après un traumatisme minime (ex :chute

de sa hauteur)5.La découverte fortuite d’anévrysme(s) ou d’anévrysme(s) disséquant(s) d’une

ou plusieurs artères de moyen calibre,et tout particulièrement le tronccœliaque et les artères hépatiques,splénique,mésentériques

Un syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire peut être évoqué devant :1.Des pneumothorax récidivants2.Des varices d’indication chirurgicale avant 20 ans3. Une tendance ecchymotique prononcée

Tableau 2 - Tableaux cliniques évoquant un syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire.

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La clé de la prise en charge estd’être le plus conservateur possibleafin d’éviter une chirurgie vascu-laire au caractère extrêmement pé-rilleux et délicat (parois artériellesayant la consistance d’un “papierà cigarette”). On effectuera des ca-thétérismes artériels uniquementen dernier recours avec un opéra-teur senior particulièrementaguerri à ces gestes dangereux surce terrain. L’embolisation d’une fistule ca-rotido-caverneuse responsablede complications ophtalmolo-giques est l’indication vasculaireà laquelle on est sans doute le plusfréquemment confronté (3).

LE PSEUDOXANTHOMEÉLASTIQUELe pseudoxanthome élastique(PXE) (élastorrhexie systématiséeou syndrome de Grönblad-Strandberg-Touraine) est une ma-ladie génétique rare dont la pré-valence est estimée à 1/100 000. La majorité des cas est sporadiqueet, plus rarement, la maladie setransmet selon un mode autoso-mique récessif ou exceptionnel-lement dominant. Des mutationsdu gène ABCC6, situé sur le braslong du chromosome 16, sont res-ponsables de la maladie. Le gèneABCC6 code pour un transporteurtransmembranaire de fonctioninconnue, exprimé uniquementdans le foie et le rein ce qui sug-gère que le pseudoxanthome élas-tique est une maladie métabo-lique. Le diagnostic repose sur l’asso-ciation de l’atteinte cutanée etrétinienne, et sur la présenced’une histoire familiale. Le ren-dement de la recherche directedes mutations d’ABCC6 est en-core imparfait, en raison de lagrande taille du gène et de la pré-sence d’un pseudogène, ce qui

limite la possibilité de poser undiagnostic moléculaire de certi-tude en routine. Le diagnostic re-pose principalement sur la cli-nique (6).

L’atteinte cutanée est volontiersinaugurale de la maladie et sur-vient dans la deuxième décennie.Elle est faite de nappes fripées depapules jaunâtres en “peau dechagrin”, bilatérales et symé-triques, débutant sur les faces la-térales du cou (“peau prenant unaspect de peau de poulet plumé”ou de “pseudoxanthome”) et pré-férentiellement situées dans lesplis inguinaux, les fosses antécu-bitales, les creux poplités, la ré-gion péri-ombilicale et les creuxaxillaires qui prennent un aspectdrapé (Fig. 2 et 3). L’examen en mi-croscopie optique d’un fragmentde peau lésée montre des anoma-lies des fibres élastiques desdermes moyen et profond. Celles-ci apparaissent initialementépaissies puis se calcifient de ma-nière centrifuge pour prendre unaspect fragmenté typique.

Au niveau de l’œil, la calcificationdes fibres élastiques de la mem-brane rétinienne de Bruch donneprécocement un aspect en peaud’orange au fond d’œil, puis estresponsable de déchirures, lesstries angioïdes apparaissantcomme des bandes rouges som-bres s’étendant de manièreradiaire autour de la papille ou lacirconscrivant (7). Les striesangioïdes se compliquent d’hé-morragies intra-rétiniennes et de prolifération néovasculaire,fréquemment responsables decécité. Les stries angioïdes ne sontpas spécifiques du PXE puis-qu’elles peuvent se voir dans lamaladie de Paget, certaines hé-moglobinopathies, le syndromed’Ehlers-Danlos, l’acromégalie,l’hémochromatose, l’hyperphos-phatémie familiale et les neuro-fibromatoses (Tab. 4) (8).

LES COMPLICATIONS VASCULAIRES Elles sont liées à une calcificationet à une dégénérescence des fibresélastiques de la média des artères

1. Gazométrie artérielle, artériographie, coronarographieLe risque est celui d’une dissection ou rupture au point de ponction.• Leur morbidité est évaluée de 17 % à 37 % selon les séries.• Leur mortalité est évaluée de 6 % à 20 % selon les séries.2. Coloscopie et lavement barytéLe risque est celui d’une rupture colique liée à l’insufflation.3. Hystérographie, hystéroscopie, dispositifs et gestes endo-utérinsLe risque est celui d’une rupture utérine.4. Médicaments• Médicaments vasopresseurs (risque vasculaire) :

- médicaments utilisés dans le traitement de la crise migraineuse,dérivés del’ergot de seigle,

- médicaments utilisés dans le traitement des rhinites (oxymétazoline typeAturgyl®,pseudoéphédrine type Actifed®) y compris ceux délivrables sansordonnance.

• Médicaments responsables d’un ralentissement du transit (risque digestif ) :- morphiniques,- psychotropes à effets secondaires atropiniques,- vérapamil (Isoptine®).

Tableau 3 - Gestes responsables de iatrogénie qu’il faut éviter dans leSED vasculaire.

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de petit et moyen calibres, quisont responsables d’une athéro-sclérose accélérée, avec souventdes atteintes diffuses. Les artères périphériques préfé-rentiellement touchées sont auxmembres supérieurs : artères ra-diales, humérales, et cubitales etaux membres inférieurs les artèrespédieuses, tibiales antérieures, fé-morales superficielles et tibialespostérieures. Une atteinte des ar-tères sous-muqueuses gastriquesest responsable d’hémorragiesdigestives qui peuvent être graves.Elles sont favorisées par les anti-thrombotiques et la grossesse.Une atteinte micro-angiopa-thique, objectivée par capillaro-scopie, est également présentedans cette maladie (9). Une atteinte cardiaque (cardio-pathie restrictive) et valvulaire(calcification mitro-aortique parextension à partir de l’endocarde)est également associée à la mala-die (3).Dans une série récente de 42 pa-tients porteurs de PXE (avec at-teinte cutanée et ophtalmolo-gique dans leur grande majorité),les complications neurologiques,représentées par des accidents

vasculaires ischémiques, étaientobservées chez 15 % des patients(6). Une atteinte artérielle péri-phérique cliniquement patenteétait encore plus fréquente,puisque 41 % avaient une claudi-cation des membres inférieurs.Une maladie coronaire était pré-sente chez 17 % des patients. Descalcifications étaient fréquem-ment observées dans les reins, lefoie et la rate.

ATTEINTE VASCULAIRE CÉRÉBRALE• Les manifestations cérébrales

multifocales ischémiques sem-blent être les plus fréquentes etsurviennent entre la cinquièmeet la sixième décennies. Les AITsont volontiers récurrents et leurfréquence oscille entre 1 % et 7 %selon les études. Le scanner céré-bral montre de multiples imagespunctiformes hypodenses. L’IRMpermet d’observer en séquenceT2 de nombreux hypersignaux depetite taille disséminés dans lasubstance blanche. Les raresétudes autopsiques ont montréune démyélinisation et un ramol-lissement de la substance blanche

Figure 2 - Aspect de pseudoxanthome au niveau du cou qui est

la localisation la plus fréquente.

Figure 3 - Aspect de la peau en “drapé” au niveau du creux

axillaire, chez une patiente de 42 ans.

Critères majeurs1.Lésions cutanées caractéristiques (papules jaunâtres dans les grands plis de

l’organisme)2.Aspect histologique typique en peau lésée (anomalie du tissu élastique,

calcifications)3. Lésions ophtalmologiques caractéristiques (stries angioïdes,peau d’orange,

maculopathie) chez des adultes âgés d’au moins 20 ansCritères mineurs1. Aspect histologique typique en peau saine (anomalie du tissu élastique,

calcifications)2.Histoire familiale de PXE chez des apparentés au premier degré

Tableau 4 - Critères diagnostiques du pseudoxanthome élastique(d’après la référence 8).Le diagnostic de PXE est posé en présence des 3 critères majeurs.Lediagnostic est fort probable avec le critère majeur 3 associé aux 2 critèresmineurs.Dans les autres cas le diagnostic est incertain.

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avec fragmentation de la limitanteélastique interne et calcificationde la média des artérioles y péné-trant. L’ensemble de ces signeslaisse présager que le PXE est unemaladie occlusive diffuse despetits vaisseaux, comme déjàconstatée dans le rein, l’estomacet le myocarde. Cependant, desatteintes des troncs supra-aor-tiques dans leur portion extracrâ-nienne sont parfois rencontrées,sans présenter dissection spon-tanée qui est rare dans le PXE.

• Les hémorragies cérébroménin-gées sont réputées être l’une descauses les plus fréquentes de dé-cès. Leur pronostic est sombremais leur fréquence semble toutde même surestimée dans la litté-rature, car, dans un bon nombrede cas, les patients présentaientune cause alternative non liée auPXE, comme une malformationvasculaire, un traitement anticoa-gulant ou une HTA non contrôlée. Si on analyse les grandes sériespubliées sur la maladie, réunis-sant plusieurs centaines de ma-lades, aucun ne présentait de mal-formation vasculaire rendantpossible l’hypothèse d’une asso-ciation fortuite (3).

TRAITEMENT DU PXE• Une surveillance spécialiséeophtalmologique afin d’essayerde prévenir l’évolution de la ré-tinopathie est indispensable. • Les lésions cutanées peuvent bé-néficier de chirurgie esthétique. • La prévention des complica-tions vasculaires repose sur lacorrection des facteurs de risqued’athérosclérose la plus parfaitepossible. Pour notre part, mêmeen l’absence d’une hypercholes-térolémie, nous préconisons laprescription systématique d’unestatine (même si cette attitude n’apas été évaluée ici spécifique-

ment). Les antithrombotiquessont contre-indiqués en préven-tion primaire en raison du risquehémorragique. En prévention se-condaire on utilisera une faibledose d’aspirine associée éventuel-lement à un inhibiteur de lapompe à protons.

LE SYNDROME DE MARFANLa maladie de Marfan est une ma-ladie génétique, de transmissionautosomique dominante, en rap-port, dans plus de 80 % des cas,avec une mutation du gène de lafibrilline de type I. La fibrilline, liéeà l’élastine, constitue les fibresélastiques. Ces fibres sont très pré-sentes dans l’aorte (surtout ini-tiale), constituent les fibres de lazonule qui tiennent le cristallin,et elles entrent dans la composi-tion de la peau, des articulations,du système pulmonaire et de ladure-mère. L’implication (1 foissur 10) du TGFβR2 s’explique parson activité sur l’angiogenèse etses liens très forts avec la fibrillinede type I (11, 12). Les manifestations cliniques po-lymorphes témoignent d’une fai-blesse du tissu de soutien et no-tamment de la paroi aortique. Le diagnostic est parfois délicatdu fait de la multiplicité des sys-tèmes atteints (ophtalmolo-gique, rhumatologique, cutané,pulmonaire, neurologique etcardiologique), et nécessite laconfrontation de l’avis de dif-férents spécialistes qui recher-chent les critères diagnostiquesadmis. Le traitement bêtabloquant limitela dilatation aortique, la sur-veillance échocardiographique ré-gulière permet de proposer la chi-rurgie de remplacement de l’aorteascendante avant la dissection(13).

CRITÈRES DIAGNOSTIQUESCette maladie se caractérise parun grand pléïotropisme respon-sable d’une importante variabi-lité phénotypique. Des critèresdiagnostiques ont été proposés àBerlin en 1986 (14) puis révisés en1996 (15) (Tab. 5). • L’atteinte squelettique est ca-ractérisée par une grande tailleavec une envergure dépassant1,05 fois la taille, associée à unedolichosténomélie. Un pectus ex-cavatum et une scoliose impor-tante sont souvent observés. • L’atteinte oculaire est typique-ment caractérisée par une sub-luxation du cristallin pouvant al-ler jusqu’à l’ectopie. • L’atteinte cutanée se résume àdes vergetures et à des hernies ré-cidivantes. • Au niveau pulmonaire, on ob-serve le plus souvent des pneu-mothorax spontanés récidivantsvoire des bulles apicales (13).

LES COMPLICATIONS NEUROLOGIQUES• L’ectasie durale est la principalecomplication neurologique. Lesac dural se distend du fait de lapression du liquide céphalorachi-dien, ce qui peut entraîner une di-latation du canal lombaire avecau maximum véritable hernie etméningocèle. Il s’agit d’un signemajeur pour l’établissement dudiagnostic selon les critères inter-nationaux en vigueur. Chez les pa-tients qui présentent un syn-drome, il faut rechercher cetteectasie durale, souvent asympto-matique. Cependant, elle peutparfois devenir symptomatiquepar compression radiculaire. Elle est facilement mise en évi-dence par le scanner ou l’IRM. • Dans la maladie de Marfan, les complications neurovas-culaires sont rares et habituelle-ment secondaires à une atteinte

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PATHOLOGIES NON ATHÉROMATEUSES DES TRONCS SUPRA-AORTIQUES

cardiovasculaire (extension d’unedissection de l’aorte aux artèrescarotidiennes, pathologie valvulaireresponsable d’emboles cérébraux)ou à son traitement (traitement an-ticoagulant, iatrogénicité de la chi-rurgie de l’aorte). Il ne semble pasexister d’augmentation de la fré-quence des anévrysmes intracrâ-niens chez les patients Marfan (16).

COMPLICATIONS VASCULAIRESEXTRA-NEUROLOGIQUES• La principale complication estl’atteinte aortique. La dilatationde l’aorte ascendante initiale in-téresse classiquement les sinus deValsalva (réalisant la dilatation “enbulbe d’oignon”) et la partie proxi-male de l’aorte ascendante (17)(Fig. 4 et 5). Mais elle peut toucherl’ensemble de l’aorte. La dilata-tion aortique étant le plus souventasymptomatique, il est nécessairede la rechercher par une échogra-phie cardiaque transthoracique.Elle est observée chez 60 à 80 %des patients porteurs du syn-drome de Marfan (20) et repré-sente un des critères majeurs dudiagnostic. La dilatation de la ra-cine aortique peut être à l’origined’une insuffisance aortique (cri-tère diagnostique mineur), en l’ab-sence d’anomalie structurellevalvulaire. Elle résulte de la désa-xation des valvules aortiquessemi-lunaires par la déformationde la racine de l’aorte, zone sur la-quelle s’appuient les attaches desvalvules (13). Avant que la chirur-gie prophylactique de remplace-ment de l’aorte ascendante ne soitdéveloppée, l’insuffisance aor-tique pouvait être massive et secompliquer d’insuffisance car-diaque. Elle est actuellement ra-rement une indication opératoire.Elle doit faire l’objet d’une préven-tion de l’endocardite infectieuse.La dilatation aortique peut aussise compliquer d’une dissection

aortique intéressant là encoreprincipalement l’aorte ascendante(Fig. 6), mais pouvant s’étendre àla crosse aortique, les vaisseauxdu cou, l’aorte descendante etl’aorte abdominale (20). En fait, ladissection de l’aorte descendantecorrespond le plus souvent à uneextension d’une dissection del’aorte ascendante. Il n’est pasobservé au cours du syndrome de

Marfan de dissections autonomesd’artères de moyen calibre. Le syndrome de Marfan ne pré-dispose pas à la dissection desvaisseaux intracérébraux (21). La dissection aortique est favori-sée par la dilatation aortique avecun risque de dissection d’autantplus grand que l’aorte est dilatée.L’augmentation rapide du dia-mètre aortique, un antécédent de

1. Squelettiques (� 4 signes en gras pour un signe majeur squelettique)- Pectus carinatum ou excavatum nécessitant la chirurgie- Rapport segment supérieur sur segment inférieur bas,ou envergure sur taille

> 1,05- Signe du poignet ou du pouce- Scoliose > 20° ou spondylolisthésis- Extension maximale des coudes < 170°- Pied plat- Protrusion acétabulaire- Pectus excavatum modéré- Hyperlaxité ligamentaire- Palais ogival avec chevauchement des dents- Faciès2. Oculaires (� 2 signes mineurs pour une atteinte oculaire)- Ectopie cristalline- Cornée plate- Globe oculaire allongé- Iris hypoplasique ou hypoplaie du muscle ciliaire3. Cardiovasculaires (� 1 signe mineur pour une atteinte cardiaque)- Dilatation de l’aorte ascendante intéressant les sinus de Valsalva- Dissection aortique - Insuffisance aortique- Prolapsus valvulaire mitral avec ou sans fuite- Dilatation de l’artère pulmonaire avant l’âge de 40 ans- Calcifications de l’anneau mitral avant l’âge de 40 ans- Anévrisme ou dissection de l’aorte abdominale avant l’âge de 50 ans4. Pulmonaires (� 1 signe mineur pour une atteinte pulmonaire)- Pneumothorax spontané- Bulle apicale5. Cutanés (� 1 signe mineur pour une atteinte cutanée)- Vergetures (à l’exclusion de :grossesse,perte de poids)- Hernies récidivantes6. Dure-mère- Ectasie de la dure-mère lombo-sacrée7. Génétique- Un parent direct ayant les critères diagnostiques- Mutation de FBN 1 déjà connue pour provoquer un syndrome de Marfan- Présence d’un marqueur génétique,proche du gène de la fibrilline de type I, se

transmettant avec la maladie dans la famille.

Tableau 5 - Signes à rechercher pour le diagnostic de Marfan.(Les signes majeurs sont en rouge ;pour parler d’une atteinte d’unsystème,il faut qu’un nombre minimal de signes soit présent).

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dissection aortique sans dilatationimportante, une hypertension ar-térielle associée, les efforts isomé-triques, l’absence de traitementbêtabloquant et la grossesse sontautant de facteurs favorisant ladissection aortique (22). • La maladie de Marfan peut secompliquer aussi d’une atteintevalvulaire mitrale avec feuillet re-dondant et allongé associée à unedilatation annulaire et une élon-gation des cordages. Il peut enrésulter un véritable prolapsusvalvulaire avec fuite mitrale par-fois importante.

TRAITEMENT DE LA MALADIE DE MARFANLe traitement repose sur l’édu-cation des patients, l’éviction dessports violents, la prévention del’endocardite infectieuse en casd’insuffisance aortique, le traite-ment par bêtabloquants, la sur-veillance échocardiographique ré-gulière et la chirurgie préventivede remplacement de l’aorte as-cendante en cas de dilatation (23).

■ Eviction des sports violentsLes sports isométriques s’accom-

pagnant d’une élévation brutalede la pression artérielle systoliqueet donc de la contrainte appliquéesur la racine de l’aorte doivent êtredéconseillés, de même que lessports comportant des accéléra-tions et des décélérations brutales.

■ Traitement médical• Le traitement médical du syn-drome de Marfan repose sur lesbêtabloquants qui limitent la di-latation aortique et réduisent lerisque de dissection aortique, di-minuent la vitesse d’éjection aor-tique, donc la vitesse de disten-sion aortique et la fréquencecardiaque c’est-à-dire le nombrede distension aortique. Le bêta-bloquant généralement utilisé estl’aténolol, à la dose de 100 mg/j.En cas de contre-indication autraitement par bêtabloquant, onpeut proposer, du fait de leur ef-fet hémodynamique proche decelui des bêtabloquants, un trai-tement par antagoniste calciquebradycardisant type vérapamil oudiltiazem, bien qu’il n’y ait pas eud’étude réalisée à ce jour aveccette classe médicamenteuse. • Des études expérimentales

récentes ont souligné l’impor-tance des modifications subiespar la voie de signalisation desTGFβ dans la physiopathologiede la maladie, qui semblentconstituer une cible thérapeu-tique majeure. Ainsi, dans ces ex-périmentations des anticorpsanti-TGFββ ou la prescription delosartan, inhibiteur des récep-teurs ATII de l’angiotensine per-mettent de prévenir, voire de fairerégresser la dilatation aortique etle prolapsus valvulaire mitral. • Une étude multicentrique ran-domisée comparant le losartan etles bêtabloquants chez les enfantset jeunes adultes avec maladie deMarfan et dilatation aortique esten cours (25).

■ Chirurgie aortiqueLe traitement chirurgical doit êtreréalisé en urgence en cas de dis-section aortique touchant l’aorteascendante afin de prévenir lerisque de rupture et d’hémopéri-carde qui est de 50 % à 48 heures.L’intervention devrait être pro-posée avant qu’une dissection ne survienne. Les dernières re-commandations de l’ESC 2007

Figure 4 - Aspect en “bulbe d’oignon” de la racine aortique vue

en angiographie.

Figure 5 - Localisation des différents diamètres de l’aorte

ascendante en vue parasternale grand axe au niveau : 1. anneau

aortique ; 2. sinus de Valsalva ; 3. jonction sino-tubulaire ; 4. aorte

ascendante.

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préconisent une chirurgie dès45 mm de diamètre, si la crois-sance aortique annuelle est de0,5 cm ou en présence d’antécé-dents familiaux de dissection aor-tique (26). A l’inverse, le traitementde première intention de la dissec-tion de l’aorte descendante est mé-dical. Le traitement chirurgical seraindiqué seulement en cas de com-plication ou quand l’aorte descen-dante est dilatée à plus de 60 mm.Le risque majeur de l’interventionest, en dehors du décès, la surve-nue d’une paraplégie en cas d’at-teinte de l’artère d’Adamkiewicz.

PRONOSTICAvant la chirurgie de remplacementde l’aorte ascendante, 80 % des pa-tients décédaient de complicationsaortiques, avec un décès avant l’âgede 40 ans pour la moitié des pa-tients (4). Actuellement, une priseen charge médicale et chirurgicaleoptimale a permis d’augmenterl’espérance de vie de ces patientsde plus de 30 ans (13).

CONSEIL GÉNÉTIQUETous les patients porteurs d’unsyndrome de Marfan doivent êtrevus en consultation de génétique.Le plus souvent, le syndrome deMarfan est à transmission auto-somique dominante (l’un desdeux parents est donc atteint),mais il peut résulter d’une néo-mutation dans 20 % des cas. Un examen clinique approfondi,avec réalisation de radiographiesdu squelette, d’une échocardio-graphie et d’un examen à lalampe à fente des parents estdonc nécessaire afin de recher-cher des signes évocateurs de lamaladie. Si les deux parents neprésentent a priori aucun signeévocateur un suivi sera nécessairedans une consultation multidis-ciplinaire tous les deux ans pouréliminer une forme frustre de la

maladie. De même, tous les ap-parentés des patients porteursd’un syndrome de Marfan doi-vent être examinés.Le deuxième objectif de la consul-tation de génétique est d’expliquerau patient le mode de transmis-sion de la maladie. En effet, lerisque de transmission à la des-cendance est d’un sur deux, puis-qu’il s’agit d’une maladie domi-nante à pénétrance complète(c’est-à-dire que le porteur del’anomalie génétique développerapresque toujours le syndromeaprès un certain âge). Il faudradonc examiner régulièrement lesenfants à la recherche de signesévocateurs de la maladie, et mettreen route le traitement adapté leplus précocement possible. Les enfants ne présentant aucunsigne devront être examinés tousles trois ans jusqu’à l’âge de 18 anscar la pénétrance de la maladien’est complète qu’à l’âge adulte. Enfin, il est également importantde préciser aux futurs parents quele diagnostic anténatal reste dif-ficile à réaliser et n’est possible quelorsque la mutation familiale estconnue.

LE SYNDROME DE LOEYS-DIETZLe syndrome de Loeys-Dietz estun syndrome récemment décrit,associant des anévrismes aor-tiques, un hypertélorisme (élar-gissement de la distance inter-pu-pillaire), une fente palatine ou uneluette bifide, associés à une tor-tuosité artérielle généralisée etdes dissections. Les autres signesdu syndrome sont une craniosy-nostose, une hypoplasie malaire,une micrognathie, un rétrogna-thisme, des anomalies cérébrales,un retard mental, une peau fine,une hyperlaxité articulaire et desanévrismes disséquant le long del’arbre artériel (27, 28). Cepen-dant, il y a encore très peu de don-nées sur les manifestations cli-niques neurovasculaires de cesyndrome. L’affection est de trans-mission autosomique dominanteavec une expressivité variable etdes mutations des gènes TGFβR1et TGFβR2 (Tumor Growth Factorbeta Receptor) localisées respec-tivement sur le chromosome 9q33et le chromosome 3p22 ont étérécemment identifiées. L’histologie met en évidence une

Figure 6 - Aspect de dissection aortique dans sa portion ascendante avec flap intimal

vue au scanner thoracique avec injection en coupe axiale.

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perte du contenu en élastine de la média aortique, une perte del’association entre cellules mus-culaires lisses et fibres élastiques,associée à un excès de collagène. Le syndrome de Loeys-Dietz doitêtre considéré dans le diagnos-tic différentiel du syndromed’Ehlers-Danlos, du syndromede Marfan et du syndrome deShprintzen-Goldberg.Le syndrome de Loeys-Dietz estassocié à des dissections aorti-

ques de survenue précoce, nonforcément corrélé à une augmen-tation du diamètre (29). Il pré-sente une forme de chevauche-ment clinique avec le syndromede Marfan (anévrysme aortique,arachnodactylie, ectasie durale).Il a été montré récemment, dansune large cohorte de patients por-teurs de mutations des gènesTGFβR1 ou TGFβR2, que certainsd’entre eux ont également unphénotype qui ressemble au SED

vasculaire, mais avec un bienmeilleur pronostic après chirur-gie que les SEDv (30). On distingue ainsi maintenant :• un syndrome de Loeys-Dietz I,qui correspond au syndrome deLoeys-Dietz “classique” ;• et un syndrome de Loeys-DietzII qui ressemble au SEDv. Pour ces raisons, la recherched’une mutation dans les gènesTGFβR1 ou TGFβR2 doit être sys-tématique en cas de tableau cli-nique évocateur de Marfan sansmutation dans FBN1 ou de SEDvsans mutation dans Col3A1. ■

Centres de référence• Centre de Référence des Maladies Vasculaires Rares : SEDv, Takayasu, Buerger, Dysplasie fibromusculaire et bicuspidie aortiqueHôpital Européen Georges Pompidou (HEGP) 7e étage, Pôle B20-40, rue Leblanc - 75908 Paris Cedex 15Tél. : 01 56 09 50 40 - Fax : 01 56 09 20 40E-mail : [email protected] : www.maladiesvasculairesrares.com/• Centre de référence national sur le syndrome de Marfan et les syndromes apparentésHôpital Bichat, Assistance Publique-Hopitaux de Paris Tél. : 01 40 25 68 11 - Fax : 01 40 25 67 32

Mots-clés :Elastopathies, Syndrome d’Ehlers-Danlos

vasculaire, Pseudoxanthome élastique,

Maladie de Marfan, Fistule, Anévrisme,

Syndrome de Loeys-Dietz,

Tissu conjonctif, Peau, Trouble oculaire,

Complications cardiovasculaires,

Accident vasculaire cérébral,

Accident ischémique cérébral, Génétique

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