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Mémoire de Master 2 « Aménagement et Territoire » spécialité « Opérateurs et managers urbains » Parcours « Ville Numérique » _ Institut Français d’Urbanisme – Université de Marne-La-Vallée. Octobre 2011, Alexina Fornasari, sous la direction de Valérie Aillaud. VERS UN URBANISME PARTICIPATIF AUGMENTE ? Apports et limites des dispositifs socio-techniques intégrant des supports numériques de représentation 3D dans le processus de participation citoyenne en urbanisme

Vers un urbanisme participatif augmenté?

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Mémoire de Master 2 "aménagement et ubranisme" spécialité "Ville numérique"

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Mémoire de Master 2 « Aménagement et Territoire » spécialité « Opérateurs et managers urbains » Parcours « Ville Numérique » _ Institut Français d’Urbanisme – Université de Marne-La-Vallée.

Octobre 2011, Alexina Fornasari, sous la direction de Valérie Aillaud.

VERS UN URBANISME PARTICIPATIF AUGMENTE ?

Apports et limites des dispositifs socio-techniques intégrant des supports numériques de représentation 3D dans le processus

de participation citoyenne en urbanisme

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RESUMECe mémoire propose de revisiter la question de l’utilisation des techniques de communication et

de représentation dans le dialogue sur la ville. L’hypothèse que nous posons est que les technologies numériques de communication et d’information (TNIC) couplées à l’imagerie 3D permettent d’augmenter tant en intensité qu’en étendue la participation citoyenne en urbanisme. Avant de vérifier cette hypothèse nous avons cherché à établir quel(s) sens recouvrait la participation citoyenne en urbanisme. Notre objet d’étude n’est pas la démocratie électronique mais bien les interactions entre les différents acteurs de la ville permises par les TNIC. Cette question n’a pas, à notre connaissance, été étudiée, excepté dans le cadre d’expérimentations. Nous avons donc emprunté la voie empirique en comparant une dizaine d’expérimentations en Europe et aux Etats-Unis ayant mis en œuvre un dispositif numérique de communication accompagné par une représentation 3D du projet urbain. Afin d’analyser les influences réciproques entre les techniques conçues et utilisées et les relations sociales et politiques, nous avons employé une méthode et un concept développé par les sociologues de l’innovation à savoir les dispositifs socio-techniques. Après cette approche holistique, nous nous sommes recentrés sur notre sujet et avons tenté de répondre à notre hypothèse en isolant des caractéristiques techniques et des conditions d’utilisation pour une augmentation de la participation citoyenne en urbanisme via les TNIC et la 3D.

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REMERCIEMENTAvant de débuter ce mémoire, je tiens à exprimer toute ma reconnaissance aux personnes qui

m’ont apporté leur aide pour ce travail et qui tout au long de ma formation à l’Institut Français d’Urbanisme m’ont permis de me préparer aux défis que suppose l’évolution des métiers de l’urbanisme.

Je tiens, tout d’abord, à exprimer toute ma gratitude à Madame Valérie Aillaud, comme responsable du Parcours Ville Numérique et directrice de ce mémoire, pour sa confiance et son soutien, et pour les opportunités de professionnalisation qu’elle m’a apportée.

Je remercie tout particulièrement, Monsieur Loïc Haÿ, comme maître de stage, professeur du Parcours « Ville numérique » et instigateur de ce mémoire, pour m’avoir communiqué sa passion, et partagé sans condition ses connaissances, ses outils et ses méthodes de travail.

Je tiens également à citer Madame Nadia Arab, professeur du Master, qui m’a fait connaître Madeleine Akrich et les sociologues de l’innovation et dont la contribution indirecte à ce mémoire s’est avérée essentielle à sa réalisation.

J’adresse enfin mes sincères remerciements à l’ensemble des professionnels qui m’ont prêtéede leur temps pour répondre à mes questions.

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Sommaire

RESUME..................................................................................................................................... 2

REMERCIEMENT ....................................................................................................................... 3

1. INTRODUCTION : LES QUESTIONS D’HIER RESTENT CELLES DE DEMAIN .............. 6

2. LA PARTICIPATION CITOYENNE, GLISSEMENT DE PARADIGME ? ............................ 8

2.1. Naissance de la participation : des luttes urbaines à l’institutionnalisation ................ 8

2.2. Le dialogue urbain, objet technique, politique et social à identifier .......................... 10

2.2.1. Les premières techniques de dialogue urbain indirect 102.2.2. La nécessité du dialogue, de la relation de pouvoir à la relation de partage 10

2.3. Les technologies numériques, accompagnatrices du glissement de paradigme ? .. 13

3. LES DISPOSITIFS SOCIO-TECHNIQUES, QUELS EFFETS SUR LE DIALOGUE URBAIN ? ……………………………………………………………………………………………………...14

3.1. Qu’est-ce qu’un dispositif socio-technique ?............................................................ 14

3.2. Les dispositifs, prescripteurs des formes de participation........................................ 15

3.2.1. Conditions et moyens pour l’émergence du dialogue 153.2.2. Dispositifs de dialogue, mais lequel ? 213.2.4. Le dialogue urbain, créateur du projet urbain 25

3.3. L’influence des concepteurs sur la nature du dialogue ............................................ 29

3.3.1. Le concepteur du projet urbain détermine le dialogue sans y être impliqué 293.3.2. Intégration des objets numériques dans les dispositifs de participation, révélateur du lien entre numérique et politique 313.3.3. La conception du dispositif, déterminant de la posture des participants 343.3.4. Pourquoi les processus de participation « fictifs » sont-ils plus aboutis ? 37

3.4. Les conditions pour un dialogue effectif................................................................... 38

4. L’APPORT DES OBJETS NUMERIQUES AUX PROBLEMATIQUES DE LA PARTICIPATION CITOYENNE EN URBANISME.................................................................................. 40

4.1. La 3D, technique indispensable mais à utiliser avec précaution.............................. 40

4.1.1. Une réponse partielle à la compréhension partagée du projet urbain 404.1.2. Un message identitaire à prendre en compte 42

4.2. Simulation du projet urbain et de ses dynamiques pour un dialogue urbain augmenté ................................................................................................................................ 43

4.3. Les effets du système de communication numérique sur le dialogue urbain........... 45

4.3.1. L’hybridation, de l’individu connecté au collectif connecté 454.3.2. Capacitation et ludification 47

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4.3.3. Identification, participation et culture urbaine 484.3.4. Aide à la décision et participation continue 50

5. CONCLUSION : REVISITER LES PRATIQUES PROFESSIONNELLES EN URBANISME POUR L’AUGMENTATION DE LA PARTICIPATION ............................................................................ 52

SOURCES BIBLIOGRAPHIQUE............................................................................................... 55

LISTE DES ENTRETIENS ........................................................................................................ 56

LISTE DES PROJETS ETUDIES.............................................................................................. 57

ANNEXE : FICHES PROJET .................................................................................................... 58

Berges de Seine.................................................................................................................... 58

Bus Meister ........................................................................................................................... 59

Gulliver-Maurepas................................................................................................................. 60

Hautepierre 3D...................................................................................................................... 61

HUB2, Boston ....................................................................................................................... 62

IP City.................................................................................................................................... 63

La Courrouze ........................................................................................................................ 64

Participatory Chinatown ........................................................................................................ 65

Saint-Blaise 3D ..................................................................................................................... 66

VEPs ..................................................................................................................................... 67

Vision Lozells ........................................................................................................................ 68

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1. INTRODUCTION :LES QUESTIONS D’HIER RESTENT CELLES DE DEMAIN

Françoise Choay posait en 1965 la question de savoir si la ville de demain _ celle d’aujourd’hui _ verrait « peut-être son rôle créateur et formateur [...] assuré par d’autres systèmes de communication (télévision ou radio, par exemple)»1. Il apparait aujourd’hui comme hier, que « le micro-langage de l’urbanisme, son « logotechnique » est toujours réservé à un ensemble de spécialistes (organismes de financement dirigés par des techniciens de la construction, ingénieurs et architectes) »2, qui exclue « leur appartenance à un langage et plus généralement à la structure globale d’une société»3 et « prive de la liberté de réponse » l’habitant, empêchant « toute l’activité dialectique que devrait lui offrir l’établissement urbain » 4.

De nombreuses initiatives à travers le monde cherchent à s’emparer des technologies numériques et du système de communication qu’elles induisent pour augmenter le dialogue urbain, étendre la participation des citoyens et l’intensifier. La question est de savoir si l’usage des technologies numériques n’ouvre pas la voie à de nouvelles formes de dialogue entre les acteurs de la ville. Ce travail a ainsi vocation à proposer un début de réflexion en interrogeant certaines de ces initiatives sur leur apport en termes d’information, de représentation, d’interaction et de collaboration au sein des processus de participation, c’est-à-dire dans quelle mesure ces apports sont propices à la mise en œuvre de la participation, au dialogue urbain et à l’expression conjointe des expertises (politique, technique et citoyenne), mais aussi à l’intégration de la participation dans les projets urbains, à l’organisation et la gouvernance des projets en urbanisme.

Parmi la diversité et la quantité d’expérimentations mobilisant les technologies numériques pour la participation citoyenne, nous avons établi un panel sélectif de onze projets ayant pour caractéristique commune d’intégrer une forme de représentation spatiale en trois dimensions et une possibilité d’interaction avec les utilisateurs. Ce choix est motivé par le fait qu’il n’existe pas à notre connaissance, d’études interrogeant à la fois la représentation du projet urbain en trois dimensions et les modalités de participation via le système de communication numérique5. Notre sujet étant exploratoire, l’absence d’études sur notre objet de recherche nous pousse à emprunter la voie empirique. Toutefois, les contraintes temporelles et géographiques ne nous ayant pas permis de réaliser un véritable travail de terrain, nous n’avons pas recueilli le même niveau ni la même nature d’informations selon les projets6.

1 Choay, 1965-p.822 Idem, p.793 Idem p.804 Idem p.805 Il existe un certain nombre d’études qui interrogent la représentation en 3D et ses effets sur la participation

(Masboungi et McClure, 2007 ; Bailleul, 2008) et d’autres la « démocratie électronique » (Monnoyer-Smith, 2011)6 Nos données sont constituées des informations disponibles en ligne, et pour cinq projets, d’entretiens avec des

acteurs (concepteurs, développeurs, médiateurs, évaluateurs) des processus de participation. L’ensemble des informations recueillies figurent sur les fiches projet en annexe.

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La diversité des contextes culturels et politiques dans laquelle s’inscrivent nos cas d’études (certains prennent place en Angleterre, en Autriche ou encore aux Etats-Unis), nous amènera à préciser les différences originelles de la considération et de la mise en œuvre de la participation citoyenne entre la France et les Etats-Unis. Nous tenterons par là de montrer que la dimension culturelle et politique a des conséquences sur la pratique et la conception de processus participatif. Toutefois nous ne serons pas en capacité de mesurer tout au long de notre analyse les influences culturelles et politiques sur les processus de participation. Ainsi certains de nos propos ne seront valables que dans un contexte national. Néanmoins, nous chercherons à émettre des recommandations d’ordre général pour l’utilisation des technologies numériques dans la mise en œuvre de la participation citoyenne et à l’intégration des résultats de ce processus au projet urbain en nous appuyant sur les « principes essentiels pour la participation » élaborés par l’Association Internationale pour la Participation du Public7.

Notre analyse des différents projets s’appuiera sur un concept et une méthode empruntés à la sociologie de l’innovation. Nous considérerons les processus de participation comme des dispositifs socio-techniques, c'est-à-dire où les agencements techniques de participation sont conditionnés et conditionnent les interactions sociales et l’ordre politique. Cette méthode d’analyse, nous amènera à observer la conception et l’utilisation des techniques de participation pour décrypter leurs effets sur les participants et leurs relations entre eux et avec le projet urbain.

Nous proposons de débuter ce mémoire en partageant notre réflexion sur la nature de la participation citoyenne. Cette première partie, servira à poser les bases d’une compréhension commune de l’objet de notre analyse pour ensuite, dans une deuxième partie, observer comment les techniques mobilisées dans les processus de participation prescrivent certaines formes de participation. Après avoir établi, les conditions pour un dialogue urbain effectif, nous mettrons en valeur, dans une troisième partie, les apports des technologies numériques pour répondre aux problématiques de la mise en œuvre de la participation en urbanisme et de son intégration au projet. Enfin, nous conclurons en pointant les défis soulevés par l’exploitation des potentialités des technologies numériques, pour l’augmentation effective de la participation.

7 L’IAP2 a mis en place sept principes pour la participation à portée universelle.

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2. LA PARTICIPATION CITOYENNE, GLISSEMENT DE PARADIGME ?

En cherchant à définir à quoi servait la participation citoyenne en urbanisme, nous avons interrogé quelle idéologie, quel modèle politique les penseurs et les politiques lui prêtaient. Nous avons regardé si les principes et la finalité de la participation étaient partagés entre les différentes cultures et les différentes époques. En s’intéressant aux modalités de mise en œuvre de la participation, nous avons pu observer qu’à la recherche d’une même finalité, les porteurs de la participation pouvaient emprunter différents chemins. Mais surtout, nous avons remarqué que le sens donné à la participation citoyenne par les chercheurs s’inscrivait depuis un peu plus d’une décennie dans un autre paradigme que celui auquel se référaient les pionniers.

2.1. Naissance de la participation : des luttes urbaines à l’institutionnalisation

Le concept de participation citoyenne a été développé aux Etats-Unis dans les années 1960 à la suite des mouvements de contestation pour une démocratie participative. Théorisée par Sherry R. Arnstein en 1969 dans A ladder of Citizen participation8, la participation citoyenne est pensée comme une lutte de pouvoir où le citoyen doit prendre le contrôle au risque de se faire manipuler par les autorités politiques. Si aux Etats-Unis ce sont les intellectuels qui promeuvent la participation, en France la participation est impulsée par des hommes politiques issus du courant de gauche. Dès 1962, Pierre Mendes France propose de “réaliser la démocratie de participation” avec l’idée que “la démocratie ne consiste pas à mettre épisodiquement un bulletin dans une case, à déléguer les pouvoirs à un ou plusieurs élus, puis à se désintéresser, s’abstenir, se taire pendant cinq ans. Elle est action continuelle du citoyen” et requiert à ce titre sa “présence vigilante”9.

Dans les années 1960-1970, en France, les Groupes d’Action Municipale (GAM), les comités de quartiers, les ateliers populaires d’urbanisme font de la participation un instrument de contestation du système politique. Ces “luttes urbaines” pour la participation effective des citoyens dans les affaires publiques s’éteignent dans les années 1980 après une tentative d’institutionnaliser ce mouvement issu des citoyens par les municipalités d’Union de la gauche en 1977. Le contexte français est bien différent de celui des Etats-Unis où la participation aussitôt pensée est codifiée par les gouvernements locaux.

8 Elle détermine trois niveau de participation : 1) premièrement la non-participation qu’elle définie comme étant soit

de la "manipulation", comme par exemple l’utilisation excessive et exclusive d’image de synthèse par lesquelles certains mettent en scène le projet urbain, soit de la "thérapie" comme soutien à la population8; 2) le second niveau est celui de la "coopération symbolique" qui se décline selon trois degrés: a) l'information à sens unique, b) la consultation sans garantie de prise en compte des suggestions et c) la "réassurance" où l'autorité publique est seule juge de la légitimité des points de vue recueillis8; et 3) troisièmement le "pouvoir effectif des citoyens" soit la participation réelle qui elle aussi se décline selon trois degrés: a) le partenariat via des comités mixtes élus-citoyens; b) la délégation de pouvoir c'est-à-dire quant un comité est composé au moins à 50% de citoyens et c) le contrôle par les citoyens de la conception, de la planification et de la direction des programmes.

9 Blondiaux, 2010 – p.15

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« En Amérique du Nord ont été mis au point depuis longtemps des codes écrits permettant d’organiser toute négociation, quelle qu’en soit la nature. En France, l’arbitraire le plus total règne en matière d’organisation de la délibération participative. Comme si la confrontation physique des interlocuteurs suffisait à garantir la possibilité d’une discussion organisée et productive. » 10

La codification sera effectuée en France à partir des années 1990. Mais contrairement à leurs voisins d’Outre-Atlantique, les législateurs français ne s’intéressent pas à l’organisation de la participation mais plutôt à ses principes : concertation avec les habitants11 ; droit d’information et de participation à l’élaboration des décisions publiques12 ; droit d’initiative citoyenne13. L’opérationnalité de ces principes reste en suspens car, d’une part « tout se passe comme s’il s’agissait de faire droit à cette participation au niveau des principes sans préciser véritablement le contenu de cette obligation »14, et d’autre part, peu de moyens ont été pensés pour accompagner ce processus participatif15.

Malgré les différences d’appropriation et de mise en œuvre de la participation entre la France et les Etats-Unis, la conception de la participation apparait identique : il s’agit d’inclure les citoyens dans les décisions politiques. C’est d’ailleurs, la conception qui est mise en avant par l’Association Internationale pour la Participation du Public (IAP2) qui définie les valeurs essentielles pour la participation comme universelles « au-delà des frontières nationales, culturelles et religieuses ». Ces valeurs au nombre de sept posent en partie les mêmes principes que ceux des législateurs français16

mais l’IAP2 insiste « sur le principe que la contribution du public peut influencer la décision » et met en avant des principes qui se réfèrent à la méthode du processus de participation17 parmi lesquels l’autodéfinition par les participants de la manière dont ils participent. Ce dernier principe qui pose que « le processus de participation du public doit permettre aux personnes de définir comment elles participent » revient à définir que les participants n’ont pas simplement un pouvoir sur la prise de décision mais sur le processus de participation lui-même.

10 Blondiaux, 2010 – p.10211 La loi d’orientation de 1991 relative à la politique de la ville pose le principe de concertation préalable avec les

habitants pour toute action qui modifie substantiellement les conditions de vie dans les quartiers ; La loi Barnier du 2 février 1995 relative aux grands projets d’infrastructure ayant une incidence sur l’environnement ; La loi SRU de décembre 2000 rend la concertation obligatoire à l’élaboration des Plans Locaux d’Urbanisme.

12 La loi de Février 1995 relative à l’administration territoriale inscrit le droit des citoyens à être informés et consultés ; Charte de l’environnement de 2005 à valeur constitutionnelle.

13 Réforme constitutionnelle de 2003 relative au référendum local.14 Blondiaux, 2010 – p.1715 Nous en comptons trois de différentes natures les conseils de développement représentant la société civile et

ayant un rôle consultatif (Loi Voynet de Juin 1999 relative à l’aménagement territoriale et au Développement Durable) ; les conseils de quartiers obligatoire pour les villes de plus de 80 000 habitants (Loi « démocratie de proximité » de 2002) ; et la Commission Nationale du Débat Public (CNDP), autorité administrative indépendante, devant encadrer les débats et crée en 2002.

16 « Le public devrait pouvoir s’exprimer sur les décisions qui touchent sa vie. » ; « Le processus de participation du public doit fournir aux participants l’information nécessaire pour une participation significative.»

17 « Le processus de participation du public doit communiquer les intérêts de tous les participants et prendre en compte leurs besoins. » « Le processus de participation du public doit solliciter et faciliter activement la participation de toutes les personnes susceptibles d’être touchées. » « Le processus de participation du public doit communiquer aux participants l’incidence de leur contribution sur la décision. »

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2.2. Le dialogue urbain, objet technique, politique et social à identifier

Si la participation est définie par des principes et des valeurs, sa mise en œuvre reste quant à elle non identifiée. A travers les premières techniques de mise en œuvre de la participation, nous observerons que les modèles politiques qui s’en dégagent relèvent de différentes logiques.

2.2.1. Les premières techniques de dialogue urbain indirect

A l’analyse des premières méthodes de participation, une différence notable sur les modalités d’interaction entre citoyens et autorités technico-politiques.

Une des premières techniques de participation élaborées aux Etats-Unis, le sociological survey, consiste à faire collaborer techniciens de la ville et habitants par le biais d’un médiateur, originellement un sociologue. Cette technique de participation n’implique pas nécessairement l’interaction entre les différents acteurs ; souvent le médiateur joue le rôle d’intermédiaire ou plutôt de rapporteur des discoursdes habitants sur le projet urbain, leur vision de la ville et leur façon de vivre la ville. Le médiateur-rapporteur n’est pas en position d’assurer que, d’un côté, l’habitant soit impliqué dans le processus de participation au projet urbain et que, de l’autre côté, les techniciens entendent et considèrent les propos de l’habitant.

En France, la technique développée a un autre but ; elle ne s’inscrit pas dans un projet particulier et ne cherche pas à mettre en relation l’habitant avec le technicien ou le politique. L’éducation populaire donne les moyens à l’habitant d’interagir avec les techniciens, mais faut-il encore que les techniciens acceptent la relation et que les habitants aient la volonté ou l’opportunité de participer.

Ces premières techniques ne sont pas encore à même d’apporter le dialogue urbain. Si la mise en relation n’est pas aboutie dans les deux cas, l’organisation du dispositif de participation relève de deux scénarios différents : un premier scénario où la participation est organisée par le haut, à distance via un intermédiaire-expert capable d’extraire le savoir des habitants et de le livrer aux décideurs dans un cadre précis et pour durée prescrite ; un second scénario qui repose sur une mise en capacité des citoyens par d’autres citoyens pour les engager à dialoguer avec les autorités sans cadre prescrit. Ces deux configurations mettent en œuvre deux logiques, une descendante avec pour finalité la prise de décision « éclairée » des autorités technico-politiques, l’autre ascendante avec pour but l’autonomie d’action des citoyens.

2.2.2. La nécessité du dialogue, de la relation de pouvoir à la relation de partage

La démocratie participative tire ses fondements des luttes urbaines et « la théorie de la démocratie participative [conserve pour] finalité principale [...] la formation de communautés citoyennes

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actives, [...] l’engagement et la politisation des participants »18. La participation des citoyens semble s’inscrire obligatoirement dans une relation de pouvoir. Et si la « démocratie participative n’a pas vocation à produire directement de la décision. Elle ne peut cependant être pensée qu’en relation avec une décision à prendre [...]»19. Habermas a théorisé le processus de participation comme un « processus d’argumentation rationnelle impliquant des points de vue contradictoires”20. Bien que fortement critiqué sur le principe de rationalité du dialogue entre citoyens et autorités qui impliquait une égalité de la maîtrise du discours, la délibération reste le modèle majoritaire de tout processus de participation et la finalité, la prise de décision consensuelle. « La participation pour la participation n’a pas de sens » nous dit Loïc Blondiaux21. Toutefois, nous posons l’hypothèse que la participation pour la participation a un sens par le fait qu’elle met les citoyens en relation de partage.

Nous assistons en effet, depuis les années 2000, à un glissement de paradigme. La participation, jusqu’à l’heure appréhendée comme une relation de pouvoir avec pour point d’orgue la prise de décision, est à présent considérée par certains chercheurs comme une relation de partage. Différents vocables sont utilisés pour signifier ce nouveau type de participation.

Le premier d’entre eux est le terme de collaboration, on comprend alors la participation comme une action reposant sur le fait d’être avec. Le premier chercheur à avoir conceptualisé cette nouvelle approche de la participation est Armand Hatchuel qui, empruntant ses références au monde de la conception industrielle, a donné pour finalité à la participation la « conception collective » en posant l’ «expertise [citoyenne] comme processus démocratique »22. La participation relève pour lui de l’action mettant en jeu non pas les intérêts des acteurs et les prises de pouvoir mais les compétences et les savoirs des profanes. Jean-Jacques Terrin, architecte-urbaniste et chercheur ayant participé à la conception du projet IP City, considère lui aussi le travail collaboratif de conception et de production comme “la bonne participation” à laquelle il oppose le discours ou l’information, la concertation ou la discussion, soit la délibération. Pour lui, la posture active des citoyens est la condition de la participation effective ; la finalité de la participation est la conception et non la décision23. D’autres chercheurs considèrent également la participation comme collaboration mais pour eux l’enjeu n’est pas la conception mais simplement l’interaction. Hélène Bailleul, chercheuse en urbanisme, considère que c’est le partage et l’échange des connaissances sur le territoire entre citoyens et autorités qui fondent la participation, la finalité important moins que les moyens24. Pierre Mahey, architecte-urbaniste expérimentant depuis les années 1980 des méthodes pour faire la ville avec ses habitants, définie comme enjeux de la participation l’appropriation de la ville par ses habitants, la cohésion sociale et la rencontre de l’autre25.

18 Loïc Blondiaux, 2010-p. 4419 Idem p.108-10920 Idem p.4421 Idem p. 10922 Hatchuel, 200123 Entretien du 20 mai 2011.24 Entretien du 20 mai 2011.25 Atelier DoItCitY sur le dialogue urbain du 12 mai 2011.

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Deux écoles existent donc parmi les tenants de la participation qui se sont écartées de toute notion de pouvoir pour privilégier une relation de partage :

La première relève du dialogue urbain en considérant que le processus de participation a pour finalité la conception collaborative du projet urbain.

La seconde relève du dialogue social et considère que la participation pour la participation à un sens, les processus de participation quelque finalité qu’ils aient ne sont que prétextes à l’action de participer.

Ce glissement de paradigme semble par contre ne pas avoir été opéré chez les élus et techniciens qui considèrent toujours la participation des citoyens comme un potentiel contre-pouvoir. Les autorités technico-politiques ont en effet souvent peur des processus de participation citoyenne et cherchent à en maitriser les effets. Ils pensent le plus souvent la participation citoyenne comme une contrainte qui risque de nuire au projet. La participation est « rarement pensée comme une aide possible à la décision, comme une manière de gouverner autrement et plus efficacement. Elle est le plus souvent vécue comme une contrainte lorsqu’elle est imposée par la loi, et comme une menace lorsqu’elle risque de réveiller un peuple que l’on croyait endormi. La tentation est grande [...] à verrouiller le processus de discussion »26 Dans le même temps, la crise de légitimité qui affecte le pouvoir politique et technique dans nos démocraties pousse les élus et leurs techniciens à s’ouvrir aux processus de participation27.

Si l’on parle beaucoup de pédagogie envers les citoyens dans le cadre des processus de participation en urbanisme, on en parle rarement envers les autorités. Pourtant, pour que la participation ne soit pas lettre morte ou dialogue de sourd, pour qu’il y ait partage, les deux parties doivent être en posture d’échange. Certains bureaux d’étude chargés de concevoir et de mettre en œuvre des processus de participation citoyenne en ont bien conscience, comme le bureau Respublica chargé entre autre du processus de concertation sur le projet Berges de Seine et Saint-Blaise pour la ville de Paris et la SEMAEST. La directrice de Respublica insiste sur le travail de pédagogie aux élus comme un préalable nécessaire à tout processus de participation. Souvent, précise-t-elle, les élus font appel à ses services pour lui déléguer leur obligation de concertation sans avoir défini l’objet de ce qui serra soumis au débat, ni ce qu’ils en attendent. Son travail consiste donc en premier lieu à discuter avec les élus, et à définir avec eux l’objet de la participation. Pour cela, il s’agit d’établir quelles sont les marges de manœuvre dans un projet, c’est-à-dire ce qui n’est pas décidé et ce pour quoi le débat public peut être une aide à la décision, même si cette dernière reste du ressort de l’élu. Il s’agit également de clarifier avec eux les modalités du processus, c’est-à-dire de définir leur positionnement pour qu’ils puissent justifier leur décision après avoir recueilli la parole des citoyens28. Cette expérience de terrain montre qu’il est difficile pour les élus de se positionner dans une relation de pouvoir, et à fortiori il leur sera plus difficile encore de s’inscrire dans une relation de partage. Toutefois certains arguments de poids pourraient les aider à reconsidérer la participation en dehors d’un rapport de force et à s’ouvrir au dialogue avec les citoyens. En effet, si la finalité de la participation n’est plus la décision mais

26 Loïc Blondiaux, 2010- p.7427 Sur les raisons de la crise de l’autorité, voir LB, 2010 – p.25-2828 Entretien du 26 mai 2011

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l’appropriation du projet par les citoyens, le sentiment d’appartenance à la cité, la cohésion sociale entre les citoyens, si on donne un sens à la participation pour la participation, les autorités ne se sentiraient plus en situation de risque, la question du pouvoir ayant disparu. Le processus de participation citoyenne en urbanisme pourrait ainsi devenir un prétexte à soigner les maux de la société comme l’énonce Pierre Mahey29.

2.3. Les technologies numériques, accompagnatrices du glissement de paradigme ?

Les méthodes de collaboration n’ont pas attendu l’arrivée des Technologie Numériques de l’Information et de la Communication (TNIC) pour se développer, comme le prouve la méthode du Community planning expérimentée dans les années 199030. Toutefois, depuis leur avènement et leur diffusion, les TNIC ont été mobilisées pour mettre en œuvre la participation citoyenne31. Si la participation en ligne a été une des techniques les plus expérimentées, elle a pris de nombreuses formes et servie diverses finalités. La diffusion des TNIC auprès du plus grand nombre ont modifié le rapport à l’information et les relations de communication. Ce nouvel art de communiquer a engendré une révolution culturelle qui est encore à l’examen32. S’il est indéniable que les TNIC ont un aspect collaboratif (il suffit de se référer aux termes créés suite au développement des usages des technologies numériques comme l’ « intelligence collective » ou le « crowdsourcing »), il n’est pas prouvé pour autant qu’elles permettent d’augmenter la participation citoyenne.

Les TNIC sont des outils, ils servent la finalité défendue par ses utilisateurs. Au regard de certaines utilisations des TNIC, la question se pose de savoir si elles sont réellement utilisées pour favoriser la participation ou pour favoriser l’acceptation du projet urbain par les habitants ou même comme Hélène Bailleul en a fait l’hypothèse, si les élus ne cherchent pas seulement à communiquer par ces outils leur modernité33.

L’outil sans la méthode n’est rien. Nous sommes actuellement face à une profusion d’expérimentation de ces outils dans le cadre de processus de participation mais les concepteurs de ces expérimentations pensent-ils les méthodes ? Vu la rareté des évaluations de ces expérimentations, on peut légitimement se demander si les concepteurs ne s’intéressent pas plus à l’outil qu’à ses utilisateurs et au bien qu’ils peuvent en tirer. A travers les projets étudiés, nous tenterons de définir si et selon quelles modalités les TNIC, comme techniques mais également comme production d’un nouvel ordre politique et social, servent à la participation citoyenne

29 Atelier Do It citY sur le dialogue urbain du 12 mai 2011. 30 Voir Hauptmann et Water « Concertation citoyenne en urbanisme : la méthode du community planning »31 Voir Laurence Monnoyer-Smith, 201132 Voir entre autre le réseau scientifique pluridisciplinaire http// :www.culture.numérique.free.fr33 Bailleul, 2008 (1)

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3. LES DISPOSITIFS SOCIO-TECHNIQUES, QUELS EFFETS SUR LE DIALOGUE URBAIN ?

3.1. Qu’est-ce qu’un dispositif socio-technique ?

Le terme de dispositif socio-technique a été élaboré par les chercheurs en sociologie de l’innovation pour décrire la dimension sociale d’un objet technique, considérant que « les objets techniques définissent dans leur configuration une certaine partition du monde physique et social, attribuent des rôles à certains types d’acteurs -humains et non-humains- en excluent d’autres, autorisent certains modes de relation entre ces différents acteurs de telle sorte qu’ils participent pleinement de la construction d’une culture,…, en même temps qu’ils deviennent des médiateurs obligés dans toutes les relations que nous entretenons avec le réel. »34

Ces chercheurs ont mis en évidence qu’un objet technique induit dès sa phase de conception un certain agencement social et définit un ordre politique « au sens où il constitue des éléments actifs des organisations des relations des hommes entre eux et avec leur environnement »35. Afin de rendre compte du contenu politique et social d’un objet technique, nous pouvons rapporter le processus de conception d’un pont reliant deux rives d’une ville que décrypte L. Winner36. Ici, le concepteur du pont est également concepteur d’un ordre politique ou plutôt inscrit l’objet qu’il conçoit dans l’ordre politique et social existant. Le pont est ainsi conçu pour rendre impossible le passage des bus, empêchant l’accès des pauvres à l’autre rive, ces derniers n’ayant pas de voiture individuelle. Françoise Choay avait d’ailleurs remarqué qu’« à la racine de tout projet d’aménagement, derrière les rationalisations ou le savoir qui prétendent la fonder en vérité, se cachent des tendances et un système de valeurs. » 37

Des critères d’analyse ont été mis en place par ces chercheurs pour observer les agencements sociaux et politiques produits par un objet technique. Un premier critère est la position et la posture de l’utilisateur, la position étant relative à l’utilisation du dispositif et la posture au conditionnement et aux conséquences de l’utilisation sur son comportement et sa place sociale. Par exemple, dans le cadre d’un jeu sérieux (serious game) visant à recevoir l’avis des citoyens, la position de l’utilisateur est d’être joueur et sa posture est d’être consulté par l’autorité politique. Un deuxième critère d’analyse est le scénario d’usage du dispositif, c’est-à-dire le contexte dans lequel sont utilisé le dispositif et les règles du jeu. Ce scénario détermine « un « script », qui se veut prédétermination des mises en scène que les utilisateurs sont appelés à imaginer à partir du dispositif technique et des pré-scriptions qui l’accompagnent »38, soit une action ou une posture de la part de l’utilisateur et une certaine relation entre les utilisateurs et un certain rapport au monde.

34 Akrich, 199335 idem36 Winner, 198337 Choay, 1965-p.7438 Akrich, 1993

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Schéma de définition des critères d’analyse d’un dispositif socio-technique

Caractère technique

Caractère social et politique

Utilisateur Position Posture

Relation entre les utilisateurs

Scénario Script

Considérer les processus de participation comme des dispositifs socio-techniques nous invitent à regarder comment les objets techniques39 façonnent les processus de participation et quel modèle politique ils sous-tendent. L’analyse de ces objets techniques et de leur conception permet de comprendre dans chaque projet comment sont considérés les différents acteurs, leurs relations et leurs rôles. Utiliser ce concept et cette grille d’analyse, nous permet d’interroger les techniques de participation et leurs effets sur la participation citoyenne en urbanisme. Cela permet également, en regardant à la fois du côté de la conception des objets et de leur expérimentation, de définir ce qui se cache sous le terme de participation pour chacun des projets étudiés ou quel modèle ou idéologie politique est mise en place par le bais de techniques employées dans les processus de participation.

3.2. Les dispositifs, prescripteurs des formes de participation

Nous analyserons ici comment les dispositifs conditionnent la participation en urbanisme. Nous avons identifié, à partir de l’analyse des onze dispositifs étudiés40, trois formes principales de participation : le dialogue indirect, le dialogue direct et la conception collaborative qui implique de fait un dialogue direct entre participants. Le caractère direct ou indirect ne signifie pas physique ou numérique, il est conditionné par l’existence d’une interface permettant la rencontre entre les différents participants. Nous définirons dans un premier temps les conditions et les moyens pour l’émergence d’un dialogue, puis nous analyserons quel type de dialogue prescrivent les dispositifs et enfin, nous rendrons compte des logiques et des défis qui relèvent de la conception collaborative.

3.2.1. Conditions et moyens pour l’émergence du dialogue

Qu’il soit direct ou indirect, le dialogue dans le processus de participation en urbanisme est conditionné par l’échange uni ou bilatéral d’informations entre les participants. En comparant, les dispositifs de notre panel, nous regarderons quels moyens techniques permettent d’assurer cet échange.

39 Nous ne considérons, pour notre part, non pas un objet technique de façon isolé, mais l’ensemble des

techniques mobilisées pour le processus de participation.40 L’ensemble des dispositifs sont décrits en annexe.

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3.2.1.1. Le partage, condition première du dialogue

La base de tout processus de participation est l’échange d’informations qui, dans la quasi-totalité des processus, sont délivrées par les autorités et destinées aux citoyens. La finalité est de permettre aux citoyens participants d’être en mesure de se faire un avis sur la base de ces informations puis d’exprimer leur avis. Le médium utilisé pour fournir ces informations est principalement, pour les dispositifs que nous avons étudiés, la représentation 3D du projet mais selon les dispositifs l’information peut être ou non partagée.

La représentation 3D du projet est utilisée pour fournir de l’information sur le projet urbain à laquelle sont ajoutée des fiches détaillées qui prennent différentes formes. La représentation 3D suppose une interprétation de la part du lecteur. Or cette interprétation est personnelle et subjective. Pour s’assurer d’une compréhension partagée de l’information, des mesures d’accompagnement de la réception des informations sont nécessaires au risque de créer des malentendus.

Deux des dispositifs étudiés, Saint-Blaise 3D et Berges de Seine, délivrent de l’information sans aucune mesure d’accompagnement. Ils relèveraient plus du non-dialogue que du dialogue indirect. Ces deux dispositifs mettent en scène une représentation du projet plus que favorable : absence de circulation automobile, arbre touffus, etc. Aucune pédagogie n’est à l’œuvre dans ces dispositifs, nous pourrions même interpréter ces dispositifs comme manipulateurs en représentant le projet urbain sous un aspect peu réaliste, et donc opposés au dialogue urbain.

D’autres dispositifs ont, quant à eux, mis en place des mesures d’accompagnement pour favoriser l’appropriation de l’information. A travers les dispositifs étudiés, il ressort deux types d’accompagnement, l’un assuré par une médiation physique opérée par une ou plusieurs personnes (les médiateurs), l’autre assuré par une médiation numérique opérée par des fonctionnalités techniques intégrées au dispositif41.

Le médiateur a différentes fonctions : il accompagne les citoyens dans l’appropriation des informations et il facilite l’utilisation du dispositif. Son rôle peut être primordial s’il est garant du dialogue urbain, c’est-à-dire s’il est chargé de mettre toutes les parties en posture de dialogue et de s’assurer de la fécondité de celui-ci. En conséquence, le médiateur ne doit représenter aucune des parties. Pour être efficace, le médiateur doit avoir des connaissances à la fois sur le dispositif et sur le projet urbain, objet du dialogue.

Malgré son rôle central dans le processus de participation, le médiateur d’un dispositif socio-technique utilisant la représentation 3D n’a aucun référenciel pour exercer ses fonctions ; aucune méthodologie précise ne lui sert de guide. La médiation entre objet numérique (la représentation de l’information) et objet réel (le partage de l’information) n’est pas codifiée, pas pensée. Pourtant la fonction de médiateur dans les processus de participation classique (débat public en salle) est formalisée, et même enseignée en « ingénierie de la concertation ». Elle consiste à planifier le

41 Ces dispositifs relèvent d’ailleurs du dialogue direct, comme nous le verrons plus loin.

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processus de participation, à s’assurer des attentes des décideurs et à faire en sorte que les participants puissent comprendre l’information qui leur est destinée, à analyser leur réaction pour les proposer à l’autorité politique qui devra ensuite justifier de son choix d’intégrer ou non les remarques des citoyens au projet urbain. La grande différence entre ce type de médiation et celle opérée dans undispositif intégrant une dimension numérique est la différentiation temporelle. Dans le cas d’un processus de participation en salle, l’autorité livre ses informations, puis les participants leurs remarques alors qu’avec un scénario hybride, le temps de l’information cohabite avec le temps du dialogue, l’information n’est pas délivrée selon les règles du discours mais selon les règles de la représentation. Une méthodologie de médiation de dispositifs hybrides doit être établie afin de ne pas rendre inaudibles ni les informations, ni la parole.

Un autre type d’accompagnement de la réception de l’information est de mettre les participants en posture de concepteur ou de décideur _ il s’agit de laisser les participants prendre conscience des difficultés de concevoir ou de décider d’un projet urbain. Dans le cadre du dispositif de participation au projet de recherche VEPs (Virtual Environment Planning system), les participants étaient amenés à tester plusieurs variantes du projet urbain sur une plate-forme numérique et à visualiser par la représentation 3D leurs impacts environnementaux. Les participants, habitants d’un quartier de Stuttgart, se trouvaient ainsi en mesure de comprendre les tenants et les aboutissants du débat urbain. Cette approche pédagogique permet de mettre les habitants sans connaissance technique en capacité de dialoguer d’aspects techniques qui dans ce type de projet urbain sont essentiels. Cette technique a également été employée par le dispositif Bus Meister et sera exposée plus loin.

En résumé, le partage de l’information, condition du dialogue, nécessite un accompagnement. Cet accompagnement doit-être inscrit dans le scénario d’usage des dispositifs qu’ils utilisent les technologies numériques ou non.

3.2.1.2. Libérer l’expression citoyenne

Si le partage ouvre la voie au dialogue, il ne l’assure pas; pour cela il faut donner des moyens d’expression. Les moyens doivent-être regardés dans leur forme et leur modalité. Les processus de consultation étudiés ont mis en œuvre des fonctionnalités intégrées à la représentation 3D pour permettre aux citoyens d’exprimer leur avis. C’est le cas des projets Berges de Seine, Saint-Blaise 3D, Gulliver-Maurepas et Vision Lozells. Tous ces dispositifs utilisent la fonction de commentaires sur la maquette 3D. L’intérêt de cette technique est de recevoir un avis contextualisé. Laissons de côté la problématique du partage de l’information.

Deux possibilités existent pour permettre des commentaires contextualisés : l’une, encadrée, est d’ouvrir aux commentaires des points d’intérêt définis par les concepteurs du dispositif (Saint-Blaise 3D et Berges de Seine), l’autre, libre, consiste à permettre aux citoyens de commenter tout objet de la représentation (Vision Lozells et Gulliver- Maurepas). Le choix entre l’une des deux possibilités doit être établi en fonction de l’objet du débat. Concernant le projet Berges de Seine, le commentaire encadré est tout à fait recevable puisque ce qui était mis au débat ne portait que sur les usages de certains sites ; pour le quartier Saint-Blaise, le commentaire encadré n’apparait pas approprié du fait que le débat portait sur la rénovation d’un quartier habité, ainsi des objets qui n’auraient pas d’intérêts significatifs pour les concepteurs pourraient en avoir pour les participants. Dans tous les cas, ce qui pose problème

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dans ce type de scénario est que l’avis doit nécessairement être exprimé par écrit. Or tous les citoyens ne maîtrisent pas l’écriture. Ce manque de maîtrise peut aboutir à exclure certains citoyens du processus de participation. Ici encore le rôle du médiateur peut être le remède de la non-maîtrise de l’écrit, comme sur le dispositif Gulliver-Maurepas où le médiateur jouait aussi le rôle d’écrivain public. D’autres types de dispositifs, comme Hautepierre 3D, dispositif d’expertise citoyenne, ont mis en place d’autres formes que l’écriture pour exprimer son avis, en utilisant différents types de média numériques (vidéo, audios, images, liens) ou comme Gulliver - Maurepas permettant de s’exprimer par la gestuelle (dans le cadre d’interaction entre les participants et donc de dialogue direct) ou par des émoticônes.

3.2.1.3. Faire émerger la parole collective

Une limite qui a été adressée aux supports numériques utilisés dans les processus de participation est qu’ils ne permettent pas de faire émerger la parole collective42. Cette limite est effective pour deux raisons : l’absence d’accompagnement à l’appropriation de l’information et l’absence d’accompagnement de la parole collective. L’accompagnement de la parole collective est une mesure qui peut, pourtant, être intégrée dans le dispositif de participation utilisant des supports numériques.

Un moyen de contourner cette limite est l’hybridité du scénario d’usage, soit l’utilisation de supports numériques au sein d’une rencontre physique. Ainsi le participant n’est pas seul devant son écran, il est de fait dans une situation de groupe. Si certains supports numériques permettent une relation de groupe au sein d’une plate-forme numérique par exemple, le faible taux de connectés limitent l’interaction. Il apparait alors que, dans les scénarios hybrides, les participants dialoguent spontanément à partir de ce qu’ils perçoivent via la représentation 3D et des fonctionnalités des supports numériques. Nous qualifions ce type de dialogue « dialogue d’étonnement », le discours des participants étant directement lié à leur perception immédiate et n’étant donc pas construit. L’ajout du médiateur peut transformer ce dialogue d’étonnement en parole collective, en cherchant à mettre en relation les participants et les accompagner dans la construction d’une perception collective. Les supports numériques, seuls ne sont peut-être pas en mesure de faire émerger la parole collective, mais le dispositif hybridé peut apporter la parole collective. Certes ce type de dispositif ne permet pas de mettre en relation directe un grand nombre de participants.

Cette seconde limite adressée à l’encontre des supports numériques _ le nombre restreint de participants _ peut également être contournée par la conception du dispositif. Avant de décrire les mesures qui peuvent solutionner cette question, intéressons-nous à la production de la parole collective dans un processus de participation sans support numérique. Prenons l’exemple du projet Berges de Seine, pour lequel une plate-forme numérique a été conçue pour diffuser de l’information et recueillir les avis des citoyens mais n’a pas été utilisée dans le processus de participation à savoir la concertation légale. Ce processus de participation organisé par un bureau d’étude spécialisé a consisté en des réunions publiques par arrondissement parisien où participaient une centaine d’habitants et en trois ateliers thématiques de 45mn regroupant une quinzaine de citoyens chacun. D’après la directrice du bureau d’étude, la parole collective peut émerger des réunions publiques, même si, dans les faits, ce

42 Directrice du Bureau Respublica, entretien du 26 mai 2011

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sont des individus qui s’adressent individuellement aux autorités technico-politiques, et cela car la parole de chaque individu est entendue de tous et que chaque participant peut construire son opinion en fonction de la parole de l’autre. De plus, les ateliers thématiques soumettant au groupe de participants des propositions ou des questions émises par les participants aux réunions publiques permettent d’enrichir la parole collective en développant un avis révélateur de l’opinion publique (il est jugé révélateur en fonction du nombre d’occurrences, bien que la parole collective ne soit pas considérée comme la somme des paroles individuelles). Pour résumer, la parole collective émerge si les discours individuels sont diffusés au reste des participants et qu’ils peuvent y réagir, s’il est possible de définir l’opinion collective (quantifier les opinions individuelles) et s’il est possible d’approfondir l’opinion collective. Selon cette thèse, nous pouvons affirmer que les supports numériques peuvent faire émerger une parole collective. Une mesure simple est de rendre visible les commentaires individuels et de permettre à tous les participants d’y réagir. Une deuxième est de mettre en place un système de vote sur les avis exprimés. Une troisième est de réutiliser les avis, qui sont grâce aux technologies numériques, automatiquement enregistrés et contextualisés, dans le cadre d’atelier de travail pour l’approfondissement de la parole collective.

De plus, les supports numériques, à travers leur force d’attraction et de vulgarisation de données souvent complexes, sont susceptibles de susciter la participation de publics souvent absents des processus de participation, principalement les jeunes et les catégories populaires, et ainsi apportent une partie de la parole collective généralement absente des dispositifs classiques.

3.2.1.4. Donner les moyens de l’expertise citoyenne

Ce type de participation consiste à faire remonter l’information des citoyens vers les autorités technico-politiques. Ce n’est pas un processus de consultation. Les participants ne réagissent pas à un discours émanant des autorités, ils livrent leur propre discours. Ces informations citoyennes sont généralement nommées « expertise citoyenne » mais il peut s’agir de paroles et de mémoires d’habitants. Les dispositifs conçus pour ce type de participation ont pour finalité de mettre les participants en capacité de donner des informations qu’eux seuls détiennent afin d’apporter une dimension subjective au projet urbain. Les deux dispositifs de notre panel, qui prescrivent ce type de participation, ne sont pas portés par les autorités en charge du projet urbain : dans un cas c’est un projet de recherche, dans l’autre l’initiative d’une association. Toutefois, dans les deux cas, ils s’inscrivent dans le contexte du projet urbain : dans le premier cas la conception d’un plan d’urbanisme pour le quartier de Chinatown à Boston, dans le second un grand projet de ville du quartier de Hautepierre à Strasbourg. Ces deux dispositifs, bien qu’ils prescrivent la même forme de participation, sont différents à la fois dans leur conception, leur méthodologie et leur finalité.

Une grande différence est la conscience et le choix de l’information délivrée par le participant. Participatory Chinatown est conçu comme un jeu vidéo où les participants prennent le rôle d’un avatar, personnage dont les caractéristiques sont prédéfinies. Ils doivent remplir une mission en lieu et place du personnage qu’ils incarnent (trouver un travail, une maison, un lieu de sociabilisation). Pendant le jeu, ils peuvent commenter l’espace qui les entoure. Hautepierre 3D est conçu comme une bibliothèque de paroles et mémoires citoyennes (vidéos, audios, images, textes) où les participants peuvent nommer et personnaliser leur avatar. Dans un cas, le dispositif laisse les participants très libres et conscients de

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l’information diffusée alors que dans l’autre les participants sont dans une position de joueur qui influence leur posture.

L’autre grande différence est l’utilisation des données. Dans le dispositif mis en place par les chercheurs, les données recueillies ne sont pas publiées et sont analysées par les porteurs du processus de participation alors que, dans le cadre de l’association, les données sont accessibles par tous et telles quelles. Dans un cas, on se rapproche plus de la technique du sociological survey où les participants sont amenés à produire des informations sans en maîtriser l’utilisation alors que dans l’autre les participants ont la visibilité de l’ensemble des informations produites et de leur utilisation.

Il est remarquable que, dans les deux cas, la fonction du jeu soit mobilisée pour favoriser la participation et la production des savoirs citoyens (si cette fonction est moins remarquable dans le cas d’Hautepierre 3D, son concepteur, Grégoire Zabé, nous a informés de son intention de créer un jeu de football dans la plate-forme afin de mobiliser plus de jeunes à son utilisation). Il serait intéressant d’analyser plus loin le lien entre dispositif ludique et mise en capacité des citoyens ainsi que les relations produites entre les participants.

Ce type de dispositif constitue un dialogue indirect avec les autorités, voir peut ne recevoir aucune attention des autorités. Néanmoins il constitue un moyen de favoriser le dialogue entre les habitants d’un quartier. Les habitants, qui ne sont peut-être pas amenés à se côtoyer ou alors ne vont pas faire porter leur discussion sur leur environnement, se rencontrent numériquement ou physiquement, rassemblés autour de la représentation de leur quartier, et peuvent partager la vision qu’ils en ont. Ce type de dispositif crée une dynamique de

participation qui, même si elle n’est pas prise en compte par les autorités, pourraient faciliter un futur dialogue urbain.

L’avatar d’un participant accédant à du contenu produit par les habitants de Hautepierre.

200 habitants de Chinatown regroupés dans une salle d’une association de quartier pour participer au processus de participation.

L’immersion dans Chinatown via un personnage du jeu.

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3.2.2. Dispositifs de dialogue, mais lequel ?

3.2.2.1. Le projet urbain, référent ou prétexte au dialogue ?

Dans la majorité des dispositifs, les concepteurs ne présentent pas le dialogue comme l’objet du dispositif, l’objet qu’ils affichent est le projet urbain. Les concepteurs de Hautepierre 3D fixent pour objectif au dispositif de rendre compte de façon qualitative de la mémoire et des mutations du quartier, ceux de Participatory Chinatown de faciliter la participation des habitants à l’élaboration du plan d’urbanisme. Le dialogue n’est donc pas annoncé dans leurs moyens, il s’agit de faire émerger la parole des habitants pour enrichir le projet urbain à condition que cette parole soit entendue par les autorités en charge du projet. Les dispositifs de conception collaborative définissent quant à eux une relation entre le dialogue et le projet. Le dialogue doit permettre d’un part « la construction d’une vision partagée et négociée » pour la conception du projet dans le cadre du dispositif IP City, et d’autre part la « délibération augmentée » recherchée par les concepteurs d’Hub2 afin d’aboutir à un projet répondant aux attentes et aux pratiques de tous. Le dispositif Gulliver-Maurepas semble quant à lui viser le dialogue avec pour moyen le projet urbain, il s’agit de « partager, expliquer, débattre du projet urbain ». Si seul les concepteurs de Gulliver –Maurepas affiche le dialogue comme une finalité, cela ne signifie pas que l’ensemble des dispositifs ne prescrivent pas tous, au moins potentiellement, un dialogue urbain et œuvrent pour la cohésion sociale en prenant le projet urbain comme prétexte et non pas comme certains l’affichent comme objet référent et déterminant du dialogue.

3.2.2.2.Dispositif comme interface de dialogue

Nous considérons que l’ensemble des dispositifs nommés ci-dessus sont intrinsèquement porteurs de dialogue, et cela, car ils sont tous conçus comme des interfaces entre les utilisateurs-participants. Si seul un dispositif, IP City, a réellement abouti au dialogue urbain en réunissant autorités techniques et citoyens, les autres ont au minimum permis un dialogue entre citoyens. Par définition, une interface est une zone qui permet la rencontre de différents éléments et par laquelle ils peuvent échanger et interagir. Nous opposons à l’interface l’intermédiaire qui fait le lien entre différents élémentssans les mettre en contact. L’ensemble des dispositifs présentés ici sont des interfaces43 mais chacun utilise différentes techniques et outils pour créer la rencontre. Tous utilisent les objets numériques :dans certains dispositifs, les objets numériques sont eux-mêmes l’interface et, dans d’autres, ils servent à faciliter l’interaction lors de la rencontre physique entre les participants. Ainsi les objets numériques servent soit de référent au dialogue, soit de moyens pour dialoguer. Le jeu Participatory Chinatown permet, en effet, à l’ensemble des participants de partager une expérience commune à partir de laquelle les échanges se construisent, l’interface restant la rencontre physique. De même pour La Courrouze, la projection du projet en réalité augmentée est un moyen pour faire partager une expérience identique aux participants et d’engendrer un dialogue. L’interface reste ici aussi la médiation physique. Par ailleurs, dans ce cas vu que l’expérience est complètement liée à la représentation esthétique du projet, la médiation physique est indispensable pour faire naître le dialogue, créer une interaction entre les participants et ne pas restreindre la participation à une réaction individuelle à la

43 Certains dispositifs sont des interfaces entre utilisateurs mais intermédiaires entre citoyens et autorités, ces

dernières restant extérieures au dispositif, seul les citoyens étant défini comme utilisateurs.

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réception de l’image. Dans le cas d’IP City, les objets numériques sont utilisés comme éléments de communication : par le biais des outils numériques, les participants créent ensemble leur propre langage, avec les mots légendés et développent un discours commun avec les objets 3D qu’ils manipulent (cubes en bois auxquels les participants associent une image numérique). L’interaction est permise par l’hybridation du scénario qui regroupe physiquement les participants autour des objets numériques permettant de partager une vision commune. Nous voyons donc que pour l’ensemble de ces dispositifs, les outils numériques servent le dialogue entre les participants, alors même que le dialogue n’avait pas été mentionné comme enjeu du dispositif (excepté pour IP City). La conception et la scénarisation de ces dispositifs prouvent que le dialogue en est l’objet. En effet, si l’objectif n’avait été pour Participatory Chinatown qu’une expression de l’expertise citoyenne, la réunion des participants dans un même lieu n’aurait pas été nécessaire, de même pour La Courrouze, s’il s’agissait seulement de communiquer le projet aux citoyens, la visite en groupe aurait été inutile.

D’autres dispositifs ont quant à eux intégrés des objets numériques qui sont en eux-mêmes une interface, c’est le cas de Gulliver-Maurepas, Hautepierre 3D, et Hub2. Conçus comme des plate-formes d’échange accessibles sur internet, ils permettent aux participants d’interagir à distance. Pourtant, tous ces dispositifs ont été scénarisés en hybridation. Les justifications des concepteurs sont doubles : il s’agit soit de faciliter l’utilisation des objets techniques, soit de promouvoir l’utilisation du dispositif. Concernant le dispositif Hub2, le scénario d’usage suppose de créer des objets 3D au sein du monde virtuel ; or, cela suppose une maîtrise technique et nécessite un intermédiaire. Concernant le dispositif Gulliver-Maurepas, l’hybridation se justifie à la fois pour faciliter l’utilisation des objets numériques à une catégorie de population non familière avec ce type d’objets et leur maniement, et cela malgré le caractère sensiblement intuitif de l’utilisation, et à la fois pour diffuser le dispositif auprès du plus grand nombre. Le dispositif Hautepierre 3D est également hybridé pour le diffuser à la plus grande partie de la population et susciter leur intérêt. Toutefois, même si ces raisons sont suffisantes pour justifier l’hybridation, il semble que la recherche d’une plus grande interaction soit également de mise. Dans le cas d’Hub2, l’expérimentation de recherche est hybridée pour pouvoir analyser au mieux son usage. Dans son rapport d’évaluation, il est noté que l’hybridation a permis une double interaction : celle engagée au sein du monde numérique et celle qui émergeait des interactions en salle, le monde numérique devenant alors support de test et de capitalisation du dialogue en salle. Les premières expériences d’usage de Hautepierre 3D ont également montré que les utilisateurs44 ont tendance à se focaliser sur des éléments déjà connus. Ils ont une utilisation individuelle et autocentrée et ne recherchent pas l’interaction par le biais de l’objet numérique. Le concepteur a ainsi pensé concevoir un jeu accessible sur la plate-forme numérique pour stimuler les interactions en ligne. A travers cet exemple, on voit que ce qui est recherché est plus l’interaction entre les participants que la création d’une bibliothèque de la mémoire des lieux. Le dialogue est ici recherché et la finalité semble relever plus de la cohésion sociale que du dialogue urbain. Concernant le dispositif Gulliver-Maurepas, l’interaction est également privilégiée mais il est difficile de démontrer que le dialogue est motivé de façon indépendante au projet urbain. Nous sommes toutefois dans un dispositif qui vise l’interaction entre l’ensemble des citoyens et est donc potentiellement un moyen de cohésion sociale.

44 Le dispositif même s’il est déjà accessible en ligne n’a pas encore été diffusé auprès des utilisateurs, étant en

finalisation de conception. Les expériences ont été menées avec un public constitué d’enfants.

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3.2.2.3.La spontanéité du dialogue, critère déterminant le dialogue social

Il apparait que, bien que le dialogue soit permis par l’ensemble des dispositifs fonctionnant comme interfaces entre les participants, ce dialogue n’a pas les mêmes caractéristiques. Le dialogue est selon les dispositifs plus ou moins encadré et donc plus ou moins spontané. L’encadrement ou la spontanéité du dialogue dépend du scénario d’usage des dispositifs, ce même scénario étant révélateur des objectifs recherchés par les concepteurs du dispositif et de la nature du dialogue. Hormis les dispositifs IP City et Hub2 dont les scénarios sont très précis et où le dialogue urbain est traité comme un objectif du dispositif, les autres dispositifs n’ont pas cherché à encadrer le dialogue entre les participants qu’ils aient ou n’aient pas explicité le dialogue parmi leurs objectifs.

L’encadrement du dialogue ne signifie pas son orientation. Celle-ci existant dans tous les cas par la réception de la représentation du projet, on ne considère donc pas que l’encadrement du dialogue influe sur la liberté d’expression des participants mais sur la nature même du dialogue. Dans les deux cas où le dialogue est encadré, le scénario met en avant une problématique servant de cadre au dialogue. Dans les cas de Hub2 et d’IP City, la problématique est de concevoir le projet urbain de manière collaborative. Les scénarios précisent les tâches des participants et le dialogue entre les participants est un des outils servant à la conception du projet. Dans les autres dispositifs, soit il n’existe pas de problématique communiquée aux participants, soit le dialogue entre les participants n’est pas un moyen d’accomplir les objectifs affichés. Dans les cas des dispositifs Hautepierre 3D et Participatory Chinatown, la problématique est de produire une expertise citoyenne. Les participants sont amenés à produire de manière individuelle le contenu des savoirs. Pourtant les dispositifs les amènent à se rencontrer sans que cette rencontre serve l’objectif affiché et exposé aux participants. Ainsi le dialogue entre les participants n’est pas intégré dans le scénario traitant la problématique, il n’est pas encadré par le scénario d’usage, il est permis. Le dialogue se produit donc de manière spontanée entre les participants, il ne sert aucune finalité en lien avec le processus de participation au projet urbain. En ce sens, le dialogue qui apparait dans le dispositif et qui est surement référencé à l’expérience partagée par l’utilisation du dispositif, n’est pas un dialogue urbain. C’est un dialogue constructif du lien social entre les citoyens qui permet l’émergence d’un partage et d’un échange et qui aurait surement pu prendre appui sur une autre référence que le projet urbain. Dans les cas de Gulliver-Maurepas et la Courrouze, l’objectif affiché est de donner à voir le projet urbain et de permettre aux participants de partager leur vision. Pour répondre à cet objectif, le scénario réunit les utilisateurs devant la représentation numérique du projet mais excepté la présence du médiateur, aucune mesure ne vient encadrer le dialogue. De plus, il apparait que le médiateur soit plus présent pour faciliter l’utilisation du dispositif et répondre aux questions des utilisateurs que pour encadrer le débat. Le dialogue s’établit donc de façon spontanée, et comme pour Participatory Chinatown et Hautepierre 3D, le dispositif sert de moyen de rencontre entre les citoyens qui sont amenés à échanger, à interagir avec comme prétexte le projet urbain.

3.2.3. Démocratisation de l’expertise et égalité des participants à prendre part au dialogue urbain

Le dialogue urbain consiste à un échange entre les parties prenantes au projet urbain, citoyens, autorités techniques et autorités politiques, afin de construire une vision partagée du projet urbain et

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tenter de trouver un consensus entre les parties qui servira à la décision ou à la conception du projet de manière collective. Le dialogue urbain est composé de moyens, l’échange, et d’une finalité, le consensus. Cette approche se rapproche de celle d’Habermas si on recherche une décision consensuelle et de celle d’Hatchuel si la finalité est la conception collaborative. Dans les deux cas, les participants doivent être en mesure de comprendre et de discuter d’aspects assez techniques, les principes d’égalité et de rationalité énoncés par Habermas sont donc nécessaires à mettre en œuvre dans les processus de dialogue urbain. Le dispositif doit alors permettre la mise au même niveau de connaissances et de capacités d’action des participants, c’est-à-dire faciliter une compréhension partagée et donner des instruments pour penser et argumenter les différentes options du projet urbain, afin d’aboutir à une vision négociée du projet urbain. Le principe d’argumentation rationnelle a fait l’objet de critiques portant sur le caractère non démocratique de ce principe et de son application, toutefois il apparait que les dispositifs socio-techniques intégrant des objets numériques soient en mesure de démocratiser l’expertise de tous et de rendre effectif une discussion argumentée et constructive du projet urbain.

Parmi les dispositifs de dialogue urbain étudiés, un se rapporte à la décision (VEPs), trois à la conception (IP city, Hub2 et Bus Meister). Dans tous les cas, les dispositifs ont mis en place des moyens pour amener les citoyens à réfléchir sur les logiques urbaines et prendre position sur le projet urbain de façon rationnelle. Il apparait dans tous les cas que la simulation du projet et de ses différentes variantes soit le seul moyen employé pour réfléchir les logiques urbaines. Simulation des usages pour Hub2, des conséquences environnementales du projet urbain pour VEPs, des mesures de planification des transports en commun pour Bus Meister et des flux pour IP City45. La simulation permise par les technologies numériques renvoie à une compréhension intuitive des logiques urbaines et permet à tous participants de comprendre les conséquences de différents scénarios du projet urbain et ainsi d’être en mesure de déterminer le scénario le meilleur selon les enjeux identifiés. La simulation du projet est donc un moyen de démocratiser les connaissances techniques. Contrairement à la lecture ou l’écoute d’un discours présentant les enjeux et les conséquences de différents scénarios d’un projet, les objets numériques rendent les participants actifs, ils sont en capacité de tester par eux-mêmes différents scénarios et d’en mesurer les conséquences. La position active des participants dans le dispositif permet de favoriser leur posture active dans le dialogue, les participants n’ayant pas le sentiment de ne pouvoir qu’écouter le discours des autorités, voire d’être manipulés. Toutefois, si la démocratisation de l’expertise a été rendue possible par tous ces dispositifs, certains seulement ont intégré des moyens pour que tous les participants puissent prendre part au débat argumenté. En effet, avoir un avis motivé ne signifie pas pouvoir exprimer cet avis. Le modèle de la prise de parole en public qui est habituellement employé dans tous les processus de participation citoyenne peut nuire à l’expression de ceux qui ont un niveau d’éducation moins élevé, surtout que contrairement aux systèmes éducatifs du monde anglophone où dès les petites classes les élèves se confrontent à l’exercice de l’exposé et du débat d’idées, le système français ne favorise pas ce mode d’expression46. Certains dispositifs ont

45 Le dispositif permet de simuler d’autres enjeux des projets urbains. La problématique des flux a été le scénario

choisi par les participants lors de l’expérimentation du dispositif à Cergy-Pontoise.46 « L’absence d’apprentissage scolaire de la discussion tout comme la faible attention généralement prêtée aux

conditions pratiques de l’échange » Loïc Blondiaux (p. 43-44) à propos de la démocratie délibérative comme source d’inspiration des expérimentations en Amérique du Nord et l’absence d’import du concept en France

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intégré des moyens favorisant l’égalité des participants à la participation active au dialogue urbain. Un des moyens pour permettre l’égalité de tous à s’exprimer et aboutir au consensus est de mutualiser la simulation. Différentes méthodes peuvent en effet favoriser la participation sans recourir à l’expression orale ou écrite. A ce titre, les scénarios d’Hub2 et d’IP City sont intéressants. Le scénario d’usage de Hub2, a été construit en trois temps : le premier où le participant se confronte individuellement au projet et est amené à créer des objets avec l’assistance d’un professionnel de la modélisation 3D, puis le deuxième où les participants testent les objets créés et le troisième où chaque participant délibère en commentant de manière individuelle les éléments du projet via des drapeaux rouges ou verts auxquels un texte peut-être associer. Dans le scénario d’IP City, les participants sont en collaboration permanente. L’interface avec le projet urbain n’est pas l’écran d’ordinateur mais des tables multi-utilisateurs permettant d’agir collectivement sur le projet. Contrairement au script établi par le scénario de Hub2, la délibération est simultanée à la simulation. Même si dans les deux cas le dialogue entre les participants se matérialise par la simulation du projet, la simulation aidant à objectiver les discours et construire le projet de façon négociée.

3.2.4. Le dialogue urbain, créateur du projet urbain

La conception collaborative implique une action de production du projet urbain. Contrairement au processus de participation visant la formation d’une décision consensuelle où le dialogue est greffé au projet existant, dans les dispositifs de conception collaborative le dialogue créé le projet.

Créer un projet urbain n’est pas une œuvre d’architecture, ni de paysagisme. L’aspect visuel et esthétique est certes important mais la conception d’un projet urbain doit reposer sur l’identification et le traitement de problématiques urbaines. Les logiques à l’œuvre dans un projet urbain sont multiples, elles concernent entre autres les pratiques et usages des citadins, les flux et mobilités, les ambiances, etc. Les dispositifs de conception collaborative étudiés ont mis en place différentes techniques pour appréhender les logiques urbaines et concevoir le projet urbain.

Trois des dispositifs de notre panel relève de la co-conception, et chacun s’ancre dans des contextes différents. Dans le cas du dispositif « Hub 2 », conçu par des chercheurs de l’Emerson College de Boston, le processus de participation s’appuie sur un projet urbain réel, un jardin public, et

Sur Hub2, les participants sont devant leur ordinateur.

Sur IP City, les participants manipulent les outils de façon collective.

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s’intéresse aux pratiques et usages des citadins. Pour le dispositif « IP City », relevant d’un projet de recherche européen sur l’apport des techniques de réalité mixte47 pour la conception collaborative, le processus de participation se base sur des sites en projet et les thèmes de travail sont définis à partir d’entretiens avec des élus. Le dispositif « Bus meister » a lui été élaboré par l’autorité des transports de la ville de Vienne et concerne les problématiques posés par les réseaux de transport public.

3.2.4.1. Dynamisme de la représentation et conséquence sur le processus de conception

La grande majorité des projets urbains est représentée de façon statique, parfois la représentation est animée comme la maquette 3D du projet Saint-Blaise 3D mais l’animation faite de quelques voitures en mouvement et du bruit ambiant ne constitue pas une représentation des logiques urbaines. Rares sont les représentations où l’on peut se confronter à la ville en mouvement et être acteurs de cette ville. Tous les dispositifs de conception collaborative le permettent, privilégiant certaines logiques urbaines en fonction du projet à concevoir. Chaque dispositif de co-conception a utilisé différents supports numériques pour rendre compte des dynamiques urbaines. Selon les projets, le dynamisme de la représentation fait partie intégrante du processus de conception (Hub2 et IP City), pour d’autre il est utilisé pour rendre compréhensible les logiques urbaines à l’œuvre dans le projet (Bus Meister). Nous nous intéressons ici aux conséquences d’une représentation dynamique au sein du processus de conception, et ne traiterons donc pas ici du cas de Bus Meister.

Le dispositif Hub2 a pris pour support numérique le monde virtuel Second Life. Le monde virtuel permet de reproduire les dynamiques d’usage de l’espace urbain. Les participants, par le biais de leurs avatars, sont en capacité d’interagir à l’intérieur du projet conçu par les architectes et reconstitué dans le monde viruel, de manipuler les objets, d’en créer de nouveaux et d’en tester l’usage. L’intérêt de ce dispositif est l’immédiateté du test du projet. On assiste alors à

un changement du processus même de conception du projet urbain qui devient itératif. Bien que tous les processus de conception le soient en principe, cela reste plus difficile pour un projet urbain. En effet, dans le monde industriel, il est aisé de concevoir un prototype et de l’expérimenter, alors que pour un projet urbain l’expérimentation se produit toujours à posteriori. Les raisons en sont évidentes, et jusqu’à présent les seules marges de manœuvre étaient les études préalables ou de faisabilité. Par le biais du monde virtuel, la simulation du projet rend son expérimentation possible. Toutefois, pour que l’expérimentation soit valable, le simple fait de faire participer des citoyens dans un monde virtuel ne suffit pas. Une méthodologie rigoureuse doit accompagner la simulation pour recevoir des résultats exploitables.

47 Technique permettant la superposition d’éléments réels et numériques, aussi appelé réalité augmentée

Les participants du dispositif Hub2 dans le monde virtuel du projet, collabore également en présentiel.

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Le dispositif IP City permet lui aussi de simuler le projet urbain. Il utilise quand à lui les technologies de réalité mixte. Les participants sont amenés à concevoir le projet sur site. Pour cela, il dispose d’une banque de données préalablement constitués à partir d’entretiens individuels menés par des ethnologues avec les participants. Les participants, citoyens mais aussi autorités techniques et politiques, imaginent un projet, le construisent et peuvent le déconstruire une fois le projet sous leur yeux. Contrairement au dispositif Hub2, il ne teste pas l’usage du projet mais sert à réfléchir l’ambiance du projet conçu en collaboration, à l’objectiver. Toutefois, le processus de conception reste le même que celui du dispositif IP City, la perception de l’ambiance (ici, les flux) permettent aux participants d’expérimenter le projet conçu et de le modifier en fonction des résultats de la simulation et de sa perception collective.

3.2.4.2. La conception collaborative en urbanisme doit faire ses preuves

Les tenants de la conception collaborative doivent s’armer d’une méthodologie rigoureuse s’ils veulent diffuser cette pratique. Dans le seul cas où le dispositif de conception collaborative s’inscrivait en parallèle d’un projet réel, Hub2, les architectes de ce projet n’ont pas voulu intégrer les résultats issus de l’expérimentation, jugeant qu’en tant que professionnels de la conception ils étaient seuls compétents pour déterminer le projet48. Une expérience avec des collégiens australiens prouve pourtant la validité de la conception collaborative, l’école qu’ils ont conçue dans le monde virtuel Second Lifeavec l’appui d’un architecte a bien été construite.49 Quelle méthodologie permet alors de rendre effective la conception collaborative ?

L’ensemble des dispositifs de conception collaborative de projet urbain ont été réalisés en contexte fictif50. Ces dispositifs visant plus à expérimenter des modalités de participation citoyenne pour la conception du projet urbain qu’à réaliser un projet urbain conçu en collaboration. De ce fait, les évaluations des dispositifs se sont plus focalisées sur les effets du dispositif sur la participation que sur les effets de la participation et l’intégration des résultats au projet urbain. Ainsi, l’évaluation du dispositif Hub2 montre une augmentation de la participation des citoyens habituellement absents du débat public, une meilleure compréhension du projet et la facilitation pour le partage d’une vision commune. Sur le

48 Rapport d’évaluation du projet Hub2, p.1649 Quelques informations sur le projet sont disponibles sur : http://blog.almatropie.org/2009/03/australie-jour-3/50 Hormis Bus Meister mais qui est encore en phase de conception.

Représentation des flux projetés sur un site en projet à Cergy-Pontoise.

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traitement des résultats du processus de co-conception et leur intégration au projet urbain, les évaluateurs rapportent des possibilités accrues pour le suivi de concertation et de restitution des délibérations aux responsables du projet et des difficultés pour intégrer les propositions issues du processus de co-conception dans le projet d’où la nécessité de faire participer les responsables et décideurs du projet à côté des citoyens. L’évaluation d’IP City conclue sur la limitation des conflits et l’objectivation des discours du fait que le dispositif ne cherche pas à représenter le projet urbain mais à mettre les participants en posture de réflexion sur le projet.

En résumé, les évaluations mettent en avant les conséquences sur le dialogue urbain et si les évaluateurs de Hub2 pointent la nécessité d’inclure les autorités pour intégrer les propositions au projet, il semble que cette seule condition ne permette pas d’aboutir à la réalisation du projet conçu en collaboration. Si, pour rendre effectif le dialogue urbain, les autorités technico-politiques doivent être intégrées dans le dispositif, pour réaliser un projet urbain conçu en collaboration, c’est l’ensemble du processus et des procédures de conception du projet qu’il s’agirait de repenser51.

3.2.4.3. Dépasser l’échelle du quartier

Le processus de participation citoyenne en urbanisme est souvent pensé comme un processus exclusivement local. Même les processus de participation qui concernent des projets d’envergure parfois nationale, comme la création d’une ligne de TGV, n’ont pas pensé leur dispositif comme un dialogue urbain entre citoyens et autorité à cette échelle, les réunions avec les citoyens étant organisées localement. Le dispositif Bus Meister permet de prouver que la participation citoyenne en urbanisme peut dépasser l’échelle du quartier.

Le scénario d’usage de Bus Meister est pensé « à distance ». Aucune rencontre n’est organisée entre les participants et pourtant, son utilisation permet de partager une expérience commune et de concevoir de façon collaborative un projet urbain, en l’occurrence un réseau de transport public. Les concepteurs ont, pour ce faire, utilisé la technique du jeu et les technologies du web participatif. Le jeu permet à tous les participants de se confronter aux problématiques de planification des transports publics. Les joueurs sont individuellement amenés à être, le temps du jeu, planificateur et gestionnaire du réseau de transports : ils doivent assurer la satisfaction des passagers, gérer le budget du service, organiser la circulation, etc. Cette expérience individuelle peut ensuite être partagée via des réseaux sociaux, un forum et un groupe Facebook (le jeu est d’ailleurs disponible sur le réseau Facebook). Les modalités de communication choisies par les concepteurs sont différées. Ce mode est rendu possible car l’expérience est de fait partagée par le jeu, l’immédiateté du dialogue n’est donc pas nécessaire et serait même pénalisante étant donné le faible taux de connexion simultanée. Les échanges entre participants ayant pour objectif d’élaborer des propositions communes, il est donc nécessaire de garder les traces des paroles. Le système du wiki est à ce titre un excellent moyen de capitaliser les remarques de chacun et de produire des propositions de façon collaborative puisque

51 Il apparait toutefois que les collectivités s’intéressent à ce type de dispositifs et ait envie de les mettre en œuvre comme la ville de Strasbourg qui doit prochainement expérimenter le dispositif IP City sur un projet urbain. Il sera alors intéressant d’analyser les effets du dispositif sur la manière de faire un projet urbain, sur les relations entre les différentes parties prenantes et sur les besoins d’adaptation des procédures face à ce type de procédé.

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chaque participant peut venir augmenter ou corriger une proposition et que cette modification est gardée en mémoire. Par ce dispositif, la participation et le dialogue n’ont plus de frontières ou presque. En effet, bien que le jeu soit identique peu importe la localité du participant, les propositions pour l’amélioration de l’efficacité du réseau sont relatives à des problématiques locales (en fonction du réseau existant, du nombre d’usagers, du trafic, etc.). C’est pourquoi, les forums de discussions sont associés à une ville. Toutefois, le wiki a un autre objectif : celui de la conception collaborative de solutions par l’intelligence collective. Les échanges entre les participants par le wiki ne sont donc pas rattachés à une ville particulière, les particularités géographiques sont utilisées comme des études de cas permettant de s’en inspirer. Le dialogue est donc en partie localisé mais le processus de conception collaborative est a-localisé voire « universel ».

Ce type de dispositif permet de dépasser l’échelle de référence des processus de participation citoyenne en urbanisme. Toutefois il ne s’adresse pas à l’ensemble de la population : bien que ludique et pédagogique pour ce qui est du partage d’informations, il restreint la participation, d’une part, à la maîtrise de l’écriture et de l’anglais et, d’autre part, à l’accès et à la maîtrise des outils du web2.

3.3. L’influence des concepteurs sur la nature du dialogue

Les concepteurs dans un processus de participation citoyenne en urbanisme intégrant un objet numérique sont multiples : concepteur du projet urbain, concepteur du processus de participation et concepteur de l’objet numérique. Chaque concepteur est expert de son domaine et tous travaillent pour l’autorité politique qui porte le projet urbain et le processus de participation. Mais les concepteurs ne travaillent pas nécessairement ensemble. Cette séparation des fonctions est légitime, chacun devant exercer dans son domaine de compétences, mais cela ne signifie pas qu’il ne doit pas y avoir de liens entre ces trois catégories de techniciens. En effet, l’ensemble de leurs travaux sert à la préparation du dialogue urbain. Si les objets qu’ils conçoivent sont liées, quels liens y a t-il entre eux et comment leurs relations influencent le dialogue urbain ? En plus de cette question, nous regarderons comment ils considèrent le dialogue urbain, et en ce sens, quelle place les différents concepteurs attribuent à l’utilisateur-citoyen dans l’usage du dispositif socio-technique et dans le processus de conception du dispositif _ le projet urbain pouvant, lui aussi, être considéré comme un dispositif socio-technique, si l’on regarde comment l’organisation spatiale et les objets urbains déterminent les pratiques sociales et en retour comment les pratiques des utilisateurs-citadins agissent sur la ville.

3.3.1. Le concepteur du projet urbain détermine le dialogue sans y être impliqué

Le projet urbain est, dans la plupart des cas, conçu en amont du processus de participation52.Or, cette place de premier n’est pas seulement chronologique. Le projet urbain est considéré comme l’objet de la participation par les élus, le législateur français, les concepteurs du projet urbain et même les concepteurs du processus de participation. Ainsi, selon cette considération, les concepteurs du

52 Cinq sur les six dispositifs de participation en contexte réel de notre panel sont conçus à posteriori du projet

urbain. Un seul des dispositifs en contexte fictif s’appuie sur un projet urbain préexistant, Hub2.

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projet urbain déterminent le dialogue urbain, le dialogue étant, toujours selon cette considération, une réaction au projet urbain. Dans cette approche, le processus de participation doit servir à comprendre le projet urbain tel qu’il sera réalisé. Or, pour expliquer le projet urbain aux citoyens et recueillir leurs réactions, un des moyens prédominant est l’image. Nous pouvons nous demander si ce moyen est mis en œuvre car il permet une meilleure information, plus rapide et plus accessible qu’un long discours ou si la raison ne vient pas de l’influence de la culture de l’architecte, concepteur du projet urbain, sur le processus de participation en urbanisme. En France, l’architecte a une autorité supérieure sur la conception de la ville, alors que dans le monde anglophone les town-planners sont les référents en la matière. L’architecte, de par sa formation, privilégie la forme aux logiques urbaines. La sélection des projets urbains par les collectivités est basée certes sur les fonctionnalités du projet, son coût et les externalités positives qu’il engendre mais également sur son esthétisme à travers des esquisses et des vues du projet. Dans tous les cas, la communication sur un projet urbain passe principalement par ces vues statiques agrémentées de quelques chiffres. La participation des citoyens sur ces bases ne permet pas de dépasser une discussion sur l’esthétique du projet.

Parmi les cinq dispositifs de participation en contexte réel conçus à posteriori du projet urbain, seul un, Berges de Seine, a explicitement orienté l’objet de la participation sur les usages du projet. Pourtant, l’explication du projet lors de rencontre physique avec la population s’appuie majoritairement sur des images esthétiques et statiques53.

53 Réunion publique à la Mairie du Ve arrondissement du 9 novembre 2010 et atelier thématique du 17 novembre

2010.

Présentation du projet Berges de Seine sur le site internet, l’ensemble des images est présenté sous forme de film et supporte le discours des porteurs du projet, les techniciens de la ville de Paris, lors des rencontres physiques avec les citoyens.

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L’autre moyen principal d’explication du projet urbain est le discours des autorités politiques et techniques. Or, le concepteur du projet urbain est le plus souvent absent lors des rencontres avec la population. L’explication du projet urbain est généralement apportée par les techniciens de la ville en charge du projet. Dans le meilleur des cas, une interview de l’architecte est diffusée sur le site internet du projet mais sans qu’un dialogue existe avec les citoyens. Pourtant, si l’objet de la participation est le projet urbain, il apparait logique que le concepteur du projet urbain puisse défendre son projet devant ses futurs utilisateurs et même entendre les avis des citadins pour améliorer son projet. Le seul dispositif qui a consisté à tester le projet urbain par les utilisateurs, Hub2, a rapporté les résultats des tests et des propositions des utilisateurs futurs du projet aux architectes. Ces derniers se sont, d’après les porteurs du processus de participation, sentis attaquer par ces remarques, preuve qu’ils n’étaient pas prêts à intégrer les utilisateurs dans le processus de conception du projet urbain. Toutefois, il arrive aussi que l’architecte souhaite dialoguer avec les futurs utilisateurs du projet qu’il conçoit mais qu’il en est empêcher par l’autorité politique ou l’aménageur. Cela a été le cas pour Bruno Fortier, architecte du projet Ivry-Confluences, qui, malgré ses demandes répétées d’obtenir les résultats de la concertation, n’y a pas eu accès (sauf à des bilans sommaires)54. Dans ce cas, la ville avait délégué à l’aménageur, la SADEV94, l’ensemble de ses compétences relatives au projet urbain dont la communication. Cet exemple montre que les élus ont un rôle important : ils doivent garantir les conditions du dialogue urbain et jouer leur rôle politique dans le sens de faire vivre les individus ensemble et le mieux possible dans la cité. A ce titre, ils ont des responsabilités notamment permettre le dialogue entre architectes et citoyens.

3.3.2. Intégration des objets numériques dans les dispositifs de participation, révélateur du lien entre numérique et politique

Les supports numériques de participation55 ne sont pas nécessairement conçus par les concepteurs-organisateurs du processus de participation au projet urbain. Dans la majorité des cas, les compétences nécessaires à la conception de l’objet numérique ne sont pas maîtrisées par les personnes en charge de concevoir le processus de participation. Ces compétences sont le propre des développeurs à qui l’on délègue la conception de l’objet numérique. Mais quelle est la consigne donnée à ces développeurs ? Conçoivent-ils réellement le dispositif socio-technique ou sont-ils simplement chargés de développer le versant numérique du dispositif selon un cahier des charges précis ?

Nous avons peu de données sur la conception du processus de participation (qui a conçu le dispositif de participation ? Comment a été conçu l’objet numérique ? Selon quel cahier des charges ? Quels échanges ont eu lieu entre le développeur et le porteur du processus de participation ?). Pour palier à ce manque d’information, nous interrogerons la relation entre conception du processus de participation et conception de l’objet numérique en regardant comment a été intégré l’objet numérique dans le processus de participation. Si, pour certains projets comme Bus Meister, l’objet numérique est assimilé au dispositif de participation, dans d’autre comme Berges de Seine ou Saint-Blaise, il s’ajoute au dispositif sans y être intégré.

54 Entretien du 2 avril 2010 à l’Agence Bruno Fortier avec l’architecte François Perrault.55 Nous excluons dans cette partie, l’ensemble des dispositifs « en contexte fictif », puisqu’ils ne sont pas liés à

l’autorité politique.

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3.3.2.1. L’exclusion de l’objet numérique, marque de son intérêt

Dans le cas du projet Berges de Seine, nous sommes face à deux dispositifs socio-techniques qui s’ignorent : l’un relevant de l’objet numérique, l’autre de techniques de participation physiques (réunions publiques et ateliers thématiques). Ces deux dispositifs engendrent des relations sociales différentes entre les utilisateurs, bien que dans les deux cas ils soient considérés comme des citoyens et que la posture qui leur est attribuée est de donner leur avis à partir des informations fournies par lesautorités. Dans le scénario du dispositif numérique les utilisateurs, des citoyens consultés, ne peuvent pas interagir (à l’exception d’un forum disponible sur une page internet du site du projet). Ils sont isolés et ont pour unique interlocuteur l’autorité alors que dans les mises en scène physiques un sentiment de collectif peut advenir du fait que tous les participants sont regroupés face aux représentants politiques et techniques. Le seul recoupement des dispositifs s’opèrent pour le traitement des avis émis par les biais de l’un ou l’autre des dispositifs. Cependant une fois encore une différenciation est opérée entre les dispositifs numériques et physiques : les avis ne sont pas considérés de la même nature, à juste titre, car il s’agit de différencier la parole collective de la parole individuelle.

Dans le projet Berges de Seine, l’objet numérique et le dispositif qu’il engendre sont exclus par les concepteurs du processus de participation. Cette exclusion peut être expliquée par le fait que l’autorité politique a délégué la conception du processus de participation à un bureau d’étude et la conception de l’objet numérique à un autre56 sans jamais les mettre en relation, sauf en obligeant le bureau d’étude en charge du processus de participation à analyser les données recueillies par le dispositif numérique. Il semble que cette organisation de la conception ait été également le modèle sur Saint-Blaise : deux bureaux d’études ont été chargés l’un de la conception de l’objet numérique, l’autre du processus de participation. Bien que nous n’ayons pas de données sur le scénario de participation physique, nous pensons que l’objet numérique n’y a pas été intégré puisque la présentation de l’objet numérique par l’adjoint délégué à la politique de la ville et à l’aménagement ne mentionne à aucun moment une utilisation de l’objet numérique dans le processus de participation57.

Toutefois, cette exclusion montre l’intérêt des autorités politiques pour les objets numériques. Le fait d’ajouter des objets numériques prouve leur envie de se saisir de cette tendance sans être capable d’intégrer le numérique à leurs procédés habituels. Cette incapacité à intégrer l’objet numérique dans leurs pratiques, mais, dans le même temps, à mettre des touches de numérique sans changer leurs habitudes nous fait nous interroger sur leur considération de l’objet numérique. Il semble que les villes soient soumises, obligées, comme le montre Hélène Bailleul, d’utiliser cet objet moderne pour paraître attractive à l’heure où la compétition entre les villes est internationale58 mais aussi pour s’adapter à une population de plus en plus équipée en outils numériques. Selon la thèse d’Hélène Bailleul, cette obligation d’usage des objets numériques aboutit à sa démocratisation et modifie les

56 Le bureau d’étude en charge du développement de l’objet numérique n’a d’ailleurs pas traité directement avec la collectivité mais avec l’urbaniste.

57 Vidéo de Claude Lanvers, sur la page du projet du site du développeur. La plate-forme numérique était tout de même disponible en mairie.

58 Bailleul, 2008 (1)

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pratiques de communication des villes et ainsi leur culture. L’exclusion actuelle des objets numériques dans les processus de participation est un gage de leur future intégration

3.3.2.2. L’intégration et l’assimilation, quelle passerelle entre numérique et politique ?

Dans les projets Gulliver-Maurepas et La Courrouze, l’objet numérique a bien été intégré au dispositif de participation. Pour ces deux projets, le processus de participation prend appui à la fois sur des moyens techniques physiques et numériques ; l’expérience est hybride.

Dans le cas du projet La Courrouze, l’objet numérique consiste en la représentation du projet par réalité augmentée lors de balades en groupe sur site accompagnées d’un guide-médiateur. L’interface entre les utilisateurs est donc double : l’objet numérique met tous les utilisateurs devant une même « réalité » et l’accompagnement du médiateur fait partager une perception commune de cette réalité projetée par l’objet numérique.

L’objet numérique du projet Gulliver-Maurepas est plus complexe : à la fois représentation 3D du projet et plate-forme numérique où peuvent interagir les utilisateurs par le biais de leur avatars. L’objet numérique est une interface complète permettant l’autonomie des utilisateurs dans leur interactivité (même s’il est, pour certains utilisateurs, difficilement appréhendable59). Malgré la possibilité de l’interaction numérique, le scénario d’usage a tout de même été hybridé, créant une double interface : celle permise par l’objet numérique et celle apportée par le médiateur. Le processus de participation fond ici deux dispositifs en un. La présence d’une double interface et d’un seul scénario d’usage prouve que le dispositif a bien été conçu en collaboration entre les développeurs et les porteurs du processus de participation.

Dans le cas du projet Bus Meister, l’objet numérique s’assimile au processus de participation. Le concepteur est clairement identifié comme le directeur du service stratégie des transports en commun de la ville de Vienne, Andrew Nash, qui s’est associé à deux bureaux d’étude dont un peut être identifié comme le développeur60. Cette association montre clairement que le processus de conception s’est fait de façon collaborative entre les trois partenaires. D’ailleurs, les remarques des utilisateurs sur l’objet numérique et son scénario d’usage, actuellement en version bêta, sont destinées à Andrew Nash, ce qui prouve son implication dans le processus de conception de l’objet numérique.

Il apparait que la personnalité du concepteur du processus de participation est le facteur déterminant de l’intégration ou l’assimilation des objets numériques au processus de participation. Dans les projets Gulliver-Maurepas et La Courrouze, tous deux sous l’autorité de la ville de Rennes, c’est le chargé de mission TIC pour la ville, Hugues Aubin, qui a fait le lien entre conception du processus de

59 Les personnes les plus âgées ayant plus de difficultés à manipuler l’objet numérique.60 Voir en annexe la fiche projet

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participation et des objets numériques. Il a également été médiateur lors des expérimentations. Ces personnalités par leur culture numérique jouent le rôle de passerelle entre les objets numériques et le processus participatif porté par l’entité politique pour laquelle elles travaillent. Elles ont une culture hybride et peuvent ainsi décrypter les problématiques urbaines et chercher à y répondre en mobilisant leur connaissance du monde numérique. Elles expérimentent des dispositifs sociaux innovants à la fois sur le terrain urbain et le terrain numérique.

Ces deux personnalités passerelle ne cherchent pourtant pas à atteindre les mêmes objectifs. Les dispositifs mis en place à Rennes prescrivent un dialogue et un rapprochement social entre les citoyens alors que le dispositif Bus Meister vise la co-conception des connaissances et des solutions pour le projet urbain et s’adresse à des internautes. Ces deux types de dispositifs semblent relever de deux idéaux portés tous deux par la culture numérique, l’un qui veut que les objets numériques augmentent l’information et la communication entre les individus, soit favorisent le lien social, l’autre qui veut que les objets numériques soient vecteurs de connaissances et d’intelligence collective.

3.3.3. La conception du dispositif, déterminant de la posture des participants

Le concepteur d’un dispositif socio-technique « propose un « script », un « scénario » qui se veut prédétermination des mises en scène que les utilisateurs sont appelles à imaginer à partir du dispositif technique et des pré-scriptions qui l’accompagnent »61. Dans les cas où le processus de conception du dispositif de participation a abouti à séparer les techniques et de participation numériques des techniques physiques en considérant le dispositif physique comme seul à être légitime, les utilisateurs du dispositif numérique ont une posture passive que l’on peut résumer de façon caricaturale par un clic-bouton seul devant son écran. De plus, il semble que dans ce cas les concepteurs des supports numériques de participation ne cherchent pas à évaluer la pertinence de l’objet et du scénario conçus, étant donné qu’ils ne sont que fournisseurs d’un objet et exclus du processus de participation62. Dans les cas où l’objet numérique est intégré ou assimilé au dispositif de participation, ce qui est également le cas de l’ensemble des dispositifs en contexte fictifs, l’utilisateur est actif. Selon les processus de conception des dispositifs de participation, le participant est actif dans le scénario d’usage mais peut aussi être actif par sa participation à la conception même du dispositif.

3.3.3.1. Intégrer les utilisateurs à la conception du dispositif pour une autodéfinition des modalités de leur participation ?

Quatre de nos cas d’étude ont mis en place un processus rendant actif les participants à la conception même du dispositif. Selon les processus, tous les participants ne sont pas inclus dans la conception. Pour les projets Participatory Chinatown et Hautepierre 3D, dispositifs d’expertise citoyenne, seuls quelques participants sont amenés à collaborer sur la conception du dispositif. Dans

61 Akrich, 199362 Erwan Mahé d’Artefacto, concepteur du dispositif numérique sur le processus de participation Berges de Seine,

nous a dit s’être vu refuser par son délégataire la mise en fonction des possibilités d’interaction entre les utilisateurs du support numérique.

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les deux cas, des jeunes du quartier dans lequel le processus de participation avait lieu ont été employés par les concepteurs pour l’élaboration du dispositif ou pour son animation. Une campagne de photographies du quartier a été confiée aux jeunes puis ils ont été associés à la conception de la maquette 3D. Les concepteurs du dispositif ont rémunéré les jeunes pour le travail effectué. Cette participation a même engendré des vocations, un jeune de Hautepierre a ensuite suivi une formation en jeu vidéo. Si ce moyen ne permet pas d’impliquer un grand nombre de participants, il peut avoir des effets indirects, les autres jeunes et proches de ces primo-participants connaîtront l’existence du dispositif et pourront avoir plus d’intérêt à y participer sachant qu’il a été élaboré par certains d’entre eux. Ce moyen peut également augmenter le sentiment d’appropriation du dispositif. Dans le cas de Participatory Chinatown, les jeunes ont également été impliqués dans l’animation du dispositif s’adressant pour une grande partie à des habitants d’origine chinoise. Les plus vieux ne parlant pas anglais, les jeunes ont été employés comme facilitateur-traducteur pour l’utilisation du dispositif. Ce moyen permet, en plus de ne pas exclure une partie de la population, d’étendre la participation par le réseau familial et de connaissances, les jeunes amenant leurs grands-parents à participer. L’objectif affiché des porteurs du projet est d’utiliser la phase de conception du dispositif pour former un certains nombres de jeunes63. Les participants sont bien actifs mais leur action est encadrée, étant considéré en formation ou employé, ils obéissent aux consignes. S’ils ne peuvent donc pas être considérés comme des co-concepteurs, leur participation au processus de conception est un moyen de diffuser l’information sur le processus de participation aux citoyens et de faciliter leur appropriation du processus.

Pour d’autres dispositifs, c’est l’ensemble des utilisateurs qui est associé à la conception du dispositif ou d’un de ses aspects. Le projet IP City associe l’ensemble des utilisateurs à la constitution d’une base de données qui servira ensuite à l’utilisation du dispositif. Toutefois, nous ne savons pas si les participants sont conscients de participer à l’élaboration du dispositif. En effet ils ne participent pas directement à la création de la base de données. Les concepteurs se basent sur les propos tenus par les participants lors d’entretiens individuels avec un ethnologue sur leur vision du site en projet pour ensuite générer une banque de données d’images utilisées pendant l’expérimentation de pour conception collaborative du projet urbain. Les participants sont actifs mais indirectement et leur participation ne concernent qu’un aspect de la conception du dispositif participatif et ils ne sont pas associés à la définition des modalités de leur participation.

Dans le cadre du projet Bus Meister, tous les utilisateurs sont potentiellement associés à la conception du dispositif, non pas dans sa conception initiale mais selon un processus itératif. Les concepteurs leur ont en effet demandé de leur faire un retour sur leur utilisation. Dans ce cas, les utilisateurs évaluent directement le dispositif. Même si les données qu’ils fournissent sont ensuite traitées et analysées par les concepteurs, l’utilisateur est actif. Ce dispositif est le seul qui permette de répondre au principe posé par l’IAP2 qui veut que les participants définissent eux-mêmes les modalités de leur participation.

D’autres dispositifs sont également évalués par l’utilisateur mais de manière indirecte. L’évaluation est réalisée par l’observation des utilisateurs et dans certains cas par des entretiens

63 Entretien du 13 mars 2011 avec Grégoire Zabé et Blog du projet Participatory Chinatown.

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individuels avec les utilisateurs. La posture passive de l’utilisateur peut être expliquée par la temporalité de l’expérimentation. Contrairement au projet Bus Meister qui a vocation à être utilisé de façon permanente, ces dispositifs ont un temps d’expérimentation court. Elle peut aussi être due à la nature des concepteurs. En effet parmi ces dispositifs évalués, quatre sont conçus par des chercheurs. Leur objectif n’est pas de concevoir un dispositif de participation pour un projet particulier mais d’expérimenter des dispositifs pour définir des critères et des moyens favorisant la participation citoyenne. L’évaluation ne sert donc pas le dispositif ni l’utilisateur de ce dispositif mais la recherche. Dans le cas du projet Gulliver-Maurepas, dont l’évaluation a été réalisée par des étudiants en Master 2 USETIC de l’Université de Rennes (à savoir une étude d’usage), il semble également que le concepteur du dispositif soit dans une posture de recherche de méthodes favorisant la participation et qu’il conçoive le processus de participation au projet Gulliver-Maurepas comme une expérimentation et non pas comme une fin64. Dans ces dispositifs, c’est le chercheur (de profession ou de vocation) qui tente de déterminer les modalités les plus adaptées pour la participation du public.

3.3.3.2. Favoriser la liberté et l’imagination des participants

Dans le cadre d’un dispositif visant au dialogue entre les différentes parties du projet urbain, les utilisateurs doivent être suffisamment encadrés pour partager l’objet et les outils du dialogue et suffisamment libre pour faire advenir le dialogue. Le dispositif doit permettre la liberté et l’imagination des participants alors même qu’il conditionne, par ses outils et sa scénarisation, les marges d’actions et d’expression des participants.

La nature des outils à manipuler a un effet sur la posture des participants et leur capacité d’expression. En effet, dans le cas d’un dialogue urbain tripartie, les préjugés et la relation d’autorité, voir de défiance, entre citoyens et autorités peut nuire à la liberté et l’imagination des participants. Le rôle du dispositif est de faire tomber ces barrières et les outils mobilisés peuvent servir ou desservir la liberté d’expression. IP City est le seul dispositif ayant mis en œuvre un dialogue tripartie. Le contexte fictif dans lequel a pris place le dispositif a peut-être aidé à créer une relation de confiance ou du moins d’écoute réciproque et favoriser une certaine liberté de parole, l’autorité politique n’ayant pas à craindre d’une réaction négative des citoyens sur le projet. Le fait aussi qu’il s’agisse de concevoir un projet et non pas de recevoir les avis sur un projet existant a peut être augmenté la neutralité politique sur le processus de participation. Toutefois, il semble que les outils de conception collaborative mobilisés aient été en grande partie un facteur de réussite du dialogue urbain et d’absence de tension entre autorités et citoyens. En effet, en phase de conception, les autorités techniques participantes auraient pu avoir un sentiment de légitimité à s’exprimer par rapport aux autres parties, le dispositif prescrivant la conception du projet urbain, mais en utilisant des outils qui ne relèvent pas du monde de la conception et donc appropriables par tous, l’ensemble des participants se retrouvait à égalité, ne pouvant se reposer sur aucun repère. La nature des outils à manipuler peut aboutir à favoriser une posture qui rompt avec la posture normale des participants, et favoriser ainsi le dialogue entre les participants. Dans le cas d’IP City, la posture des experts de la conception a été modifiée par les outils et le scénario d’usage qui en ont fait des concepteurs novices et ont ainsi permis de créer une égalité entre l’ensemble des participants.

64 D’ailleurs le dispositif Gulliver-Maurepas a récemment fait l’objet d’une version 2, preuve d’un processus itératif.

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3.3.4. Pourquoi les processus de participation « fictifs » sont-ils plus aboutis ?

Nous avons pu remarquer que les seuls dispositifs aboutissant au dialogue urbain sont conçus et mis en œuvre par des chercheurs et en contexte fictif. L’objectif des chercheurs, porteurs du processus de participation, contrairement aux élus, n’est pas la réalisation du projet urbain mais le dialogue urbain. Pour l’autorité politique porteuse d’un processus de participation, « l’enjeu réel est bien plus de signifier l’intention de faire participer que de faire participer réellement. […] Dans cette forme de “gouvernance performative”, la gestion des apparences, la maîtrise des impressions, en un mot la dramaturgie des échanges absorbent l’essentiel des efforts des organisateurs, au détriment de la relation elle-même et de ce qu’elle pourrait produire. Avant d’être un nouvel art de gouverner, la consultation pourrait n’être qu’un nouvel art de communiquer »65. Il apparait que les instances politiquesqui ont des difficultés à se positionner dans les processus de participation66 sont loin d’avoir intégré les principes de la participation citoyenne tels que les définit l’IA2P. En tant que garant de la participation, ils sont pourtant responsables de l’organisation du processus et de ses liens avec le projet urbain. A leur décharge, il est à noter que les techniques de dialogue urbain sont encore en phase d’expérimentation. Ainsi, les chercheurs sont encore à un stade de test pour définir des techniques de dialogue urbain et ne recherchent pas encore comment intégrer les résultats de la participation à la réalisation du projet urbain.

Les objets numériques dans les processus de participation peuvent se voir attribuer la remarque de Loïc Blondiaux à propos de la consultation : «Avant d’être un nouvel art de gouverner, [l’utilisation des objets numériques dans les processus de participation] pourrait n’être qu’un nouvel art de communiquer ». Il apparait en effet, que l’utilisation des objets numériques dans les processus de participation en contexte réel s’ajoute au processus de participation sans y être intégré. Le discours des élus, comme celui des professionnels de la concertation67, montre un intérêt à l’utilisation des objets numériques pour faciliter la compréhension du projet urbain et l’attractivité du processus de participation pour une partie de la population qui y est habituellement absente. Toutefois, ils semblent ne pas considérer que les objets numériques puissent être utilisés pour la participation active des citoyens, les objets numériques restent dans cette configuration un moyen moderne de communiquer à côté du processus de participation classique en salle, seul à pouvoir répondre aux objectifs de la participation. Nous avons pourtant observé des processus où l’utilisation des objets numériques favorise la participation active des citoyens et offrent des potentialités inédites pour rendre compte du projet urbain et de ses dynamiques. Dans le cas d’IP City, l’agencement social entre autorités techniques et citoyens a même été modifié par le scénario d’usage et les supports numériques employés, débouchant sur un nouvel ordre politique, même s’il n’a duré que le temps de l’expérimentation. Il appartient donc aux autorités politiques d’’intégrer les objets numériques dans les dispositifs de participation non pas

65 Blondiaux, 2010-p. 7466 La directrice du bureau d’étude Respublica lors de l’entretien du 26 mai 2011, souligne la difficulté pour les élus

à trouver leur place dans les procédures de consultation, à la fois pour définir l’objet du débat, mettre en œuvre une stratégie et une méthode mais aussi pour dialoguer avec les citoyens lors des réunions publiques.

67 Claude Lanvers, entretien avec la directrice de Respublica, et H. Bailleul, 2008 (1)

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comme des moyens innovants pour communiquer sur un projet urbain mais comme des moyens permettant de transformer la gouvernance urbaine.

3.4. Les conditions pour un dialogue effectif

Nous avons défini que la participation citoyenne prend la forme d’un dialogue, d’un échange qui lie les participants à la construction d’un objet commun. Participer prend le sens de prendre part à une action collective. A partir de cette définition, nous avons analysé les différents dispositifs qui se présentent comme participatifs et regardé les moyens qu’ils mettent en œuvre pour faire advenir la participation.

Il est apparu que la condition préalable à toute forme de dialogue est le partage du sens de l’information, que le dialogue soit direct ou indirect. L’échange ne peut advenir seulement si ce qui est échangé recouvre le même sens pour toutes les parties. Ce partage est loin d’être évident, chaque partie ayant ses propres références, ses intérêts et, en fonction d’eux, sa vision et son interprétation. Pour aboutir à une vision partagée, des dispositifs ont cherché à accompagner le processus d’échange soit avec des moyens physiques ou numériques. Cet accompagnement prend une forme pédagogique, visant à permettre l’appropriation des informations et faire naître un échange sur le sens de l’information, comme avec l’introduction du médiateur sur les scénarios des dispositifs Gulliver-Maurepas et La Courrouze. D’autres dispositifs ont donné la possibilité aux participants de créer un langage commun68 ou une expérience commune69.

L’interaction permise par le dispositif constitue l’essence du dialogue. Ainsi nous avons pu voir que certains dispositifs ont mis ou ont cherché à mettre les participants en situation d’interaction alors même que la finalité explicite du dispositif ne nécessitait pas le dialogue entre les participants et que le dialogue n’ait pas vocation à être exploité pour répondre aux objectifs fixés par les concepteurs du processus de participation70. Il apparait donc que dans certains dispositifs, l’interaction ne sert pas le processus de participation au projet urbain mais le rapprochement social des individus. Nous avons ainsi pu distinguer le dialogue urbain, qui vise une vision partagée et négociée du projet urbain, du dialogue social qui vise le partage entre citoyens en prenant appui ou comme prétexte le projet urbain.

Le dialogue urbain semble être conditionné par l’explicitation d’une problématique, objet du dialogue. Le dialogue urbain, s’il peut dépasser l’échelle du quartier71, ne semble pas pouvoir traiter de l’ensemble des aspects du projet. Cette condition va de paire avec une représentation des logiques urbaines et non pas des formes urbaines. Dialoguer de la ville ou du projet urbain avec des non-spécialistes suppose de leur rendre compréhensible l’objet du dialogue. Or les problématiques que pose le projet urbain sont liées aux interrelations entre éléments humains et non humains. Il s’agit de

68 Les mots-légendés d’IP City69 Les jeux de rôle de Bus Meister et Participatory Chinatown, et le scénario d’usage du projet Hub270 Les dispositifs d’expertise citoyenne, Hautepierre 3D et Participatory Chinatown visent à recueillir des savoirs

citoyens avec un dispositif qui fait que chaque participant livre son savoir, sa parole de façon individuel et pourtant les deux dispositifs ont mis les participants en position d’interagir.

71 Comme le montre le dispositif Bus Meister.

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rendre perceptible ces relations pour en comprendre les enjeux et être en capacité de prendre part au dialogue. Les technologies numériques apportent à ce titre des capacités inédites pour simuler les dynamiques à l’œuvre dans un projet urbain, qu’il s’agisse d’usages (Hub2 et Participatory Chinatown), d’ambiances (IP City), d’efficacité des infrastructures (Bus Meister) ou des conséquences écologiques du projet urbain (VEPs).

La capacité effective des citoyens pour prendre part au dialogue est donnée dans la compréhension des enjeux mais aussi dans les moyens de s’exprimer. L’analyse des dispositifs montre que la position active des participants dans l’utilisation du dispositif influe sur leur posture dans le dialogue. Certains dispositifs ont, semble-t-il, fondu position et posture, l’utilisation du dispositif étant constitutif du dialogue urbain. En effet dans les dispositifs IP City et Hub2, la construction partagée et négociée du projet émane directement de l’utilisation du dispositif par les participants.

Dans le cas des dispositifs aboutissant potentiellement au dialogue urbain72, il apparait que les résultats issus du dialogue ne sont pas exploités et traduit au projet urbain. Si le contexte fictif d’expérimentation justifie l’absence de suite au dialogue, la question de l’intégration du dialogue au processus de réalisation du projet urbain reste posée. La réponse à cette question semble pouvoir conditionner la mise en place d’un nouvel art de gouverner et non pas seulement un nouvel art de communiquer.

72 Seul IP City aboutit réellement au dialogue urbain tripartie, Hub2 n’ayant pas pu intégrer les autorités. Nous

n’avons pas suffisamment d’éléments sur les relations avec les autorités pour nous prononcer dans le cas de VEPs. Et concernant Bus Meister, l’expérimentation est en phase test. Le reste des dispositifs étudiés ne relèvent pas du dialogue urbain soit qu’ils n’ont pas permis le partage entre les parties soit qu’ils n’ont pas posé de problématique au dialogue.

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4. L’APPORT DES OBJETS NUMERIQUES AUX PROBLEMATIQUES DE LA PARTICIPATION CITOYENNE EN URBANISME

Après avoir analysé comment la conception des processus de participation présentant des objets numériques définissent, par l’agencement technique et le scénario d’usage, la nature de la participation, nous nous focaliserons sur le rôle joué par les objets numériques. Pour cela nous regarderons quel est l’apport des objets numériques face aux problématiques que pose la participation citoyenne en urbanisme. D’après nos entretiens73, la participation citoyenne au projet urbain doit prendre en compte trois dimensions particulières et problématiques : spatiale, symbolique et temporelle. Nous ajoutons à ces trois problématiques énoncées et partagées, l’accès à la participation, à la fois dans les conditions d’accès au processus74 et dans les moyens de participer75.

4.1. La 3D, technique indispensable mais à utiliser avec précaution

Aujourd’hui, il n’existe pas un projet urbain qui ne soit pas représenté en 3D. La démocratisation de la 3D est-elle un atout pour le dialogue urbain ? Certains porteurs de projet considèrent que la représentation en 3D du projet urbain est indispensable pour la compréhension des projets « complexes »76. Toutefois l’utilisation de la 3D pose de nombreuses questions déontologiques aux professionnels dont la crédibilité et la fiabilité des représentations77. Pour notre part, nous ne regarderons pas tant les problématiques d’ordre technique que pose la conception d’une représentation 3D aux professionnels, mais nous essaierons de définir si cette technique numérique permet d’apporter des réponses aux difficultés posées par la dimension spatiale et symbolique du dialogue urbain.

4.1.1. Une réponse partielle à la compréhension partagée du projet urbain

73 Hélène Bailleul, Jean-Jacques Terrin et Marie-Catherine Bernard, directrice du Bureau d’étude Respublica ont

tous trois énoncé ces trois dimensions.74 Bien que nos interlocuteurs n’aient pas mentionné, l’accès à la participation comme une dimension

problématique de la participation citoyenne en urbanisme, une des facettes de cette problématique, à savoir le taux de participation et la nature des participants, est un problème récurrent de tous les processus de participation citoyenne.

75 Nous considérons les moyens de participer, non pas seulement comme la compréhension à la fois du processus et de l’objet du débat mais également comme les moyens d’expression et d’action des participants dans le processus.

76 Claude Lanvers, présentant le projet Saint-Blaise 3D définit la complexité du projet en rapport avec la topologie du site du projet. Il s’agit finalement de refléter l’ambiance du projet urbain.

77 Charte d’éthique et de déontologie de la 3D.

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La représentation spatiale du projet urbain est l’objet de base du dialogue urbain. C’est la référence sur laquelle nos interlocuteurs prendront appui pour dialoguer. Il est donc nécessaire que la représentation spatiale soit compréhensible par tous. Par définition, la représentation n’est pas la réalité ; elle passe par une double interprétation : celle du concepteur qui sélectionne les objets à représenter et définie la façon de les représenter, celle du lecteur qui reçoit les informations « codées ». La représentation est toujours tronquée par rapport à la réalité et est perçue différemment selon notre posture.

Traditionnellement, la représentation spatiale d’un projet urbain passe par la carte ou le plan, outil de travail du technicien du projet urbain. Ce type de représentation en deux dimensions, souvent agrémentée d’une légende étoffée, est très éloigné de l’espace vécu. Très technique, cette représentation spatiale passe par des codes qui sont propres aux techniciens et peu compréhensibles pour le citoyen ordinaire. La lecture de l’espace représenté en deux dimensions nécessite un apprentissage, des connaissances qui sont en partie enseignées lors de l’éducation à la géographie. Or tous les citoyens n’ont pas le même niveau d’éducation et les participants les moins éduqués sont discriminés. Ces derniers n’ayant pas accès à l’objet de base du dialogue peuvent par conséquent difficilement participer activement au débat.

La représentation en trois dimensions rapproche l’espace représenté de l’espace vécu. Elle rend moins technique la lecture de l’espace projeté et donc plus facilement compréhensible par tous. Selon les modes de représentation en trois dimensions, la lecture peut être plus ou moins intuitive, le mode le plus intuitif est celui d’une vue à échelle d’homme. Toutefois, la compréhension d’un projet urbain doit être globale, ainsi une vue d’ensemble est également importante. Dans le cadre du projet VEPs, plusieurs modes de représentation du projet urbain ont été testés. Les conclusions des évaluateurs sont que la représentation 3D doit être couplée avec une carte en deux dimensions pour permettre aux participants de se situer facilement dans l’espace. Selon les projets et le type de participants, les modes de représentation peuvent différer. En effet si la participation implique les habitants du quartier, leur connaissance de l’espace leur permettra de se situer aisément dans la maquette 3D.

De plus, comme nous l’avons déjà souligné précédemment78, le projet urbain est généralement représenté de façon statique et avec une prédominance donnée aux formes architecturales plutôt qu’aux logiques urbaines. Ici, ce n’est pas la 3D qui est en cause mais l’usage qui est fait de cette technique de représentation. Nous avons en effet pu observer que la technique de représentation 3D pouvait être utilisée de façon dynamique et rendre compte des logiques à l’œuvre dans les projets urbains79. Il est apparu que le caractère dynamique ou statique de la représentation 3D est en partie lié à l’existence d’une problématique au processus de participation80. Si l’usage de la 3D est à notre connaissance le seul moyen de rendre compréhensible par tous les citoyens les dynamiques urbaines, il apparait que cette capacité est intrinsèquement liée à la conception du dispositif de participation.

78 Voir 2.3.1 Le concepteur du projet urbain détermine le dialogue sans y être impliqué79 Voir2.2.3.1 Dynamisme de la représentation et conséquence sur le processus de conception80 Voir 2.2.2.2 Démocratisation de l’expertise et égalité à prendre part au dialogue urbain

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La représentation en trois dimensions apparait une solution efficace pour mettre tous lesparticipants au même niveau de compréhension, toutefois même si l’objet du projet urbain est devenu, grâce à la 3D, compréhensible par tous, il n’est pas perçu de la même façon par tous. La technique de représentation 3D ne permet pas une compréhension partagée du projet urbain, ce partage nécessitant que l’ensemble des récepteurs aient la même interprétation et donc la même posture, posture qui peut être déterminée par le dispositif socio-technique à travers son scénario d’usage.

4.1.2. Un message identitaire à prendre en compte

La part identitaire de l’espace, c’est-à-dire l’identité portée à son territoire ou l’identification avec celui-ci, rend souvent difficile le dialogue entre citoyens et autorités technico-politiques. Celle-ci est souvent mal considérée par ces autorités qui se limitent généralement à évacuer la question en faisant appel à l’effet NIMBY81. La problématique identitaire ou symbolique de l’espace est pourtant une dimension à traiter et à intégrer pleinement dans le dispositif de participation au projet urbain. La représentation en 3D du projet urbain véhicule une identité au projet urbain82. Si aujourd’hui la représentation 3D est vue comme une solution pour la compréhension des citoyens au projet urbain, elle peut conditionner la posture d’opposition au projet urbain des participants. En effet, comme l’a mis en évidence Hélène Bailleul, l’espace vécu représente une part de l’identité des habitants83, particulièrement dans les quartiers populaires où les citoyens ont le plus besoin d’une représentation très intuitive et réaliste. Dans son étude sur la perception de la représentation 3D du projet urbain par les habitants d’un quartier populaire du Havre, la chercheuse tire de son analyse un sentiment d’exclusion en réaction au futur représenté de leur quartier où ils ne se reconnaissent pas. Ainsi ils ne peuvent que se positionner en opposition au projet en invoquant des arguments subjectifs et personnels loin d’une posture rationnelle exigée pour discuter de l’intérêt général. La représentation 3D très réaliste peut augmenter ce sentiment d’exclusion du projet où les habitants ne reconnaissent rien du quartier qui leur appartient. De plus, la représentation 3D est souvent réalisée sous un mode très sophistiqué qui peut augmenter la peur des habitants d’un quartier populaire de voir ce projet adressé à une population plus riche.

81 Acronyme pour « Not In My BackYard” faisant référence à l’opposition systématique des citoyens participant au

projet urbain s’intéressant seulement à leurs intérêt particulier. Ce fait établi par les chercheurs est convoqué par certaines autorités technico-politiques pour plaider l’inutilité des processus de participation citoyenne, ces derniers n’étant pas en mesure de discuter de l’intérêt général.

82 Part identitaire qui fait dire que les projets urbains se ressemblent tous puisque leurs représentations 3D sont réalisées avec les mêmes bases de données. « La plupart des représentations sont réalisées par les mêmes agences spécialisées dont on reconnaît la patte dans les jurys de consultation urbaine, ce qui introduit des confusions dans les projets : mêmes arbres, mêmes immeubles, dont on dispose dans les bibliothèques de projets des logiciels… cela tend à rendre les représentations très uniformes » (Masboungi et McClure, 2007, p. 40).

83 Bailleul, 2008 (2)

Représentation communiquée lors du processus de participation au projet « Berges de Seine » (Paris, 2010)

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La représentation 3D ne suffit donc pas seule à améliorer le processus de participation, elle doit être intégrée à un dispositif socio-technique plus large pour rester une réponse à l’augmentation de la participation citoyenne. A ce titre, le dispositif mis en place dans le cadre du processus de participation au projet de rénovation d’un quartier habité, Vision Lozells, est une réponse. Pour faciliter l’identification des habitants au projet, les concepteurs du processus de participation et de l’objet numérique ont rendu possible la construction par chaque habitant de leur future maison à l’intérieur de la maquette numérique 3D du projet. Ainsi les habitants ont pu prendre part au projet et en s’identifiant à l’espace futur. Ils auront plus d’intérêts prendre part au dialogue avec les autorités.

Toutefois, le risque de ce type de dispositif favorisant une forte implication des habitants est que les habitants considèrent la représentation comme une assurance du devenir du quartier. Ce type de dispositif peut augmenter le

risque de l’ « image contractuelle ». Des mesures

doivent donc être insérées dans le dispositif pour accompagner les citoyens dans une posture du possible et non pas de l’assurance. Cet accompagnement, quelque forme qu’il prenne, est indispensable pour deux raisons, l’une de perte de confiance des citoyens dans tout processus de participation et de rupture du dialogue urbain, l’autre de rassurance de l’autorité politique de porter crédit à la participation citoyenne sans risquer de perdre la confiance de ces citoyens et de se confronter aux injonctions citoyennes de voir le projet se réaliser exactement tel qu’il a pu être représenté.

Seule la représentation 3D n’est pas un moyen d’augmentation de la participation citoyenne en urbanisme, au contraire elle peut nuire au dialogue urbain. L’imagerie 3D doit servir à faciliter la lisibilité du projet et son appropriation par les citoyens, il serait donc plus juste de parler d’images reflexives que d’images représentatives du projet urbain.

4.2. Simulation du projet urbain et de ses dynamiques pour un dialogue urbain augmenté

Les techniques numériques offrent la possibilité de représenter les dynamiques d’un projet urbain, c'est-à-dire de représenter les logiques urbaines, les interactions entre les éléments qui composent le projet urbain. Un film en 3D ne constitue pas une représentation dynamique du projet

Les habitants d'un quartier en rénovation de Birmingham (Royaume-Uni) consultant le projet urbain.

Le projet urbain est représenté en 3D selon un mode survol. Différentes informations contextualisées peuvent être signalées.

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urbain ; en effet la simple mise en mouvement des éléments ne rend pas nécessairement compte des logiques urbaines à l’œuvre, des liens entre les différents éléments et de leur place dans l’écosystème du projet urbain. Parmi les dispositifs de notre panel, trois ont cherché par différents moyens et techniques (plate-forme de monde virtuel, techniques de réalité mixte et jeux sérieux) à rendre compte du projet urbain de façon dynamique84. Selon les techniques employées, les participants peuvent interagir avec le projet et devenir ainsi parties des éléments agissant sur l’écosystème urbain. Les techniques de mondes virtuels, contrairement aux jeux sérieux ou aux techniques de réalité mixte, permettent aux participants à la fois d’agir sur les éléments du projet et d’être eux-mêmes des éléments du projet. Si un jeu sérieux permettrait de répondre à ces deux fonctions, la programmation du jeu prescrit les conséquences des interactions entre les éléments. Ainsi, en plus de représenter un travail titanesque pour le programmateur, l’usage des jeux sérieux limite le possible des interactions et empêche la liberté des participants à simuler ce qui n’aurait pas été prévu par le programmateur. Nous pouvons néanmoins penser qu’au terme du déploiement des techniques de réalité mixte et de leur démocratisation, elles permettent aux participants, en plus d’agir sur les éléments du projet, de devenir des éléments dynamiques du projet et d’interagir dans le projet de façon encore plus naturelle que le permettent les plate-formes de mondes virtuels.

Les plate-formes de mondes virtuels ou les techniques de réalité mixte à terme, nous apparaissent plus pertinentes pour la simulation du projet urbain et le dialogue urbain que les jeux vidéo85. D’une part, elles permettent une interaction libre entre les participants eux-mêmes et entre les participants et les éléments du projet et, d’autre part, elles peuvent être utilisées pour traiter de l’ensemble des dynamiques à l’œuvre dans un projet urbain86. Les plate-formes de mondes virtuels et techniques de réalité mixte, permettant potentiellement de couvrir l’ensemble des aspects du projet urbain, nécessitent un encadrement des participants pour leur utilisation. Devant des possibilités infinies d’action, le participant risque de se limiter à observer la scène sans y prendre part, et le dynamisme du projet étant conditionné par l’action du participant, la représentation restera statique et l’utilisation des techniques numériques sans effet sur le dialogue urbain. Les techniques de plate-formes de mondes virtuels ou de techniques de réalité mixte peuvent donc devenir des plate-formes de dialogue urbain, permettant autant de simulations que d’interactions entre les participants et les éléments du projet. Toutefois leur utilisation nécessite un accompagnement physique pour inciter les participants à agir et simuler le projet. Cette hybridation n’est pas nécessaire dans le cadre d’un dispositif utilisant les jeux sérieux, les règles du jeu encadrant l’action des participants et explicitant la problématique du dialogue urbain. La simulation du projet urbain et de ses dynamiques, si elle n’est pas pensée seulement comme un vecteur de compréhension des logiques urbaines identifiées par les concepteurs mais comme plate-forme du dialogue urbain nécessite donc une hybridation.

84 Hub2, IP City, Bus Meister.85Nous considérons par jeux vidéo des plate-formes qui prescrivent une action et des moyens d’action

préprogrammés. 86 Bien que la simulation de l’ensemble des dynamiques urbaines rendrait difficile la lecture des informations, vu

leur nombre et leur complexité.

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4.3. Les effets du système de communication numérique sur le dialogue urbain

Les technologies numériques de l’information et de la communication ont ouvert la voie à de nouvelles formes de communication, diversifiant les moyens d’expression et transformant la relation entre les interlocuteurs. Nous regarderons ici en quoi le système de communication inhérent aux technologies numériques transforme le dialogue urbain à la fois dans l’accès à la participation, les moyens pour participer et la relation entre le processus de participation et le projet urbain.

4.3.1. L’hybridation, de l’individu connecté au collectif connecté

L’usage habituel et commun des technologies numériques individualise les relations et rend difficile la création d’un collectif public et apparait donc inadapté au processus de participation citoyenne visant l’émergence d’une parole collective. Pourtant l’usage de ces technologies dépend de la conception du dispositif. Aujourd’hui, les supports des technologies ne se limitent pas à l’écran individuel ni au clavier, certains supports sont conçus pour une utilisation collective. Nous pouvons citer par exemple :

la « table des couleurs » d’IP City, table numérique multi-utilisateurs et "l'Urban Sketcher", application qui associe la prise vidéo d'une scène réelle à plusieurs couches d'informations virtuelles élaborées par les participants,

l’interface multitouch développée par Muchomédia et l’application « strata » pour rendre compréhensible aux citoyens l’évolution des transports de la ville de Vitry-sur-Seine87.

Ces dispositifs conçus artisanalement par assemblage de technologies numériques restent encore peu développées du fait de leur coût. Néanmoins leur existence est une preuve que l’usage des technologies numériques peut être collectif et donc approprié au processus de participation citoyenne.

Le domaine d’utilisation des technologies numériques de communication est habituellement celui de la sphère privée. Même si l’utilisation a pour conséquence d’être connecté sur des réseaux publics, l’utilisateur n’est pas en relation de communication avec son environnement physique. Il est intéressant de remarquer que la technique du jeu est employée pour mettre les utilisateurs des technologies numériques en position de communiquer à la fois avec des éléments de leur environnement physique et numérique. Ainsi, le jeu Foursquare amène l’utilisateur à communiquer aux autres utilisateurs du monde numérique sur sa position dans son environnement physique, l’action de

87 Pour plus d’information sur ce dispositif, voir l’article Comprendre l'évolution des transports via une interface

multitouch, en ligne http://urbamediascope.posterous.com/comprendre-levolution-des-transports-a-vitry

Tente mobile abritant les technologies d’utilisation collective

Mur tactil multiutilisateur

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communiquer prescrivant une certaine posture dans le monde numérique en l’occurrence une meilleure place sociale. Toutefois, dans ce jeu, même si un lien est instauré entre l’environnement numérique et l’environnement physique, l’utilisateur communique sur son environnement physique et non pas avec lui. Un type de jeux de quête répandus au Japon88 prescrit, lui, des relations dans le monde physique entre les utilisateurs communiquant dans le monde numérique. Afin de gagner le jeu, ils doivent détenir des objets virtuels qui s’acquièrent par l’échange entre utilisateurs dans le monde physique. Toutefois, ici ce sont les machines qui sont connectées, et non pas les individus qui n’interagissent pas dans le monde physique. Néanmoins la position des individus dans le monde du jeu guide une action collective dans le monde physique qui se matérialise par des « rencontres de proximité » dans les espaces publics.

Le « sms wall » inverse la position de l’utilisateur des technologies numériques. Utilisateur de l’espace public il est mis en relation spontanée avec le monde numérique. Ces techniques d’implantation des technologies numériques de l’information et de la communication dans l’espace public ont un effet d’attraction et d’étonnement en produisant un changement du rapport des individus avec les technologies numériques puisque c’est la technologie qui vient aux utilisateurs. Employer la technique du « sms wall »89 ou encore celle employée par le dispositif Gulliver -Maurepas pour la communication des processus de participation assure une grande visibilité du fait de l’étonnement que produit l’inversement du rapport entre l’individu et la technologie. Ce type de techniques permet de répondre au principe posé par l’IAP2, « le processus de participation du public doit solliciter et faciliter activement la participation de toutes les personnes susceptibles d’être touchées ». En effet, ces techniques de communication ne se limitent pas à informer du processus de participation ; elles mettent les utilisateurs de l’espace public en posture de participant. Ce type de communication semble plus à même de susciter chez certains l’envie de participer que des campagnes de communication traditionnelles.

Si cet usage hors les murs est facteur d’attractivité et de diffusion du processus de participation à l’ensemble de la population, il n’est pas gage de leur participation effective. En effet, s’ajoute à la problématique du faible taux de participation des citoyens, le fait que sont majoritairement représentés des citoyens engagés soit politiquement soit civiquement. Il s’agit principalement de représentants associatifs, de groupes politiques bien souvent opposés au projet. On retrouve peu de personnes des milieux populaires ou de jeunes. Si une des raisons justifiant la participation est l’intérêt qu’on a à y participer, une autre peut être les moyens dont on dispose pour participer. En effet, de manière générale la participation passe soit par l’écriture soit par la prise de parole en public. Or les catégories

88 Nous tirons nos informations de la présentation de Christian Licoppe (Telecom ParisTech) : «Les espaces

publics urbains comme écologies hybrides : ‘rencontres de proximité’ entre joueurs du jeu mobile Dragonquest 9, en France et au Japon ». Rendre publique l’utilisation » lors du séminaire « Ville, Espaces publics, et Nouvelles Technologies » du 8 mars 2011.

89 Pour plus d’informations, consultez le site de l’association Bug, http://www.asso-bug.org/labo/sms-wall

Sms Wall des Trans Musicales 2010 à Rennes

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de la population avec un faible niveau d’éducation sont de fait handicapées, voire exclues du processus du fait d’un manque de maîtrise de ces moyens. La diversification des moyens de communication permise par les technologies numériques peut offrir à ces catégories de la population les moyens de s’exprimer mais aussi de comprendre, de s’approprier l’objet du débat. En effet, les technologies numériques n’ont pas seulement ouvert la voie à de nouvelles formes de communication mais également à de nouvelles modalités de communication. Le caractère atemporel de la communication permet au participant de recevoir les informations à son rythme puisque l’information est disponible en continu et de prendre le temps de construire son avis. Ainsi, ce n’est pas seulement une réponse à la difficulté que peut engendrer la prise de parole en public mais une réponse à la construction d’un avis. Le citoyen pourra alors utiliser une parole ou une image qui n’est pas la sienne mais qui reflète son avis. En plus de multiplier les formes d’expressions, les technologies numériques ont contribué à désacraliser l’expression écrite. Le langage « sms » en est l’exemple, et la participation via un « sms wall » en plus de pouvoir rendre attractif le processus de participation à une catégorie habituellement absente du dialogue, en l’occurrence les jeunes, peut permettre de libéraliser leur parole.

4.3.2. Capacitation90 et ludification

Une autre modalité de communication renforcée par les technologies numériques est le caractère ludique de la communication. Il est remarquable que, dans huit dispositifs sur les onze de notre panel, des techniques ou modalités ludiques ont été mise en œuvre. Cinq dispositifs ont eu recours à l’avatar, deux ont développé de véritables jeux vidéo et deux ont développé des moyens de participation qui peuvent être assimilés à des techniques de jeux vidéo ou ont intégré un jeu au sein du dispositif.

Les huit dispositifs qui ont mis en œuvre des modalités ludiquesBus Meister Jeu vidéoGulliver - Maurepas Avatar personnalisable par le participantHautepierre 3D Avatar personnalisable par le participant Insertion d’un jeu vidéoHub2 Avatar personnalisable par le participantParticipatory Chinatown Avatar personnalisé Jeu vidéoSt-Blaise 3D Avatar impliciteVEPs Technique de jeuVision Lozells Technique de jeu

Le caractère ludique présent dans ces dispositifs ne recouvre pas les mêmes objectifs et n’a pas les mêmes conséquences sur la participation. Néanmoins tous ces dispositifs mettent en œuvre de nouvelles modalités pour communiquer et excluent la forme habituellement principale de communication, à savoir le discours. Ces dispositifs transforment ainsi la position du participant en lui permettant de s’informer par lui-même du projet. Il n’est plus contraint par la forme et l’agencement du discours. Toutefois, tous ces dispositifs malgré leur apparence ludique ne font pas tous œuvre de

90 Ce néologisme traduit de l’anglais empowerment a été créé pour décrire la notion de mise en capacité des

individus.

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pédagogie91. De plus, bien que tous les dispositifs favorisent la lecture du projet urbain en donnant à voir le projet sous une forme plus intuitive et moins technique, certains vont plus loin au sens où ils sont conçus pour permettre aux participants de se construire une expertise ou de livrer leurs savoirs. Il est remarquable que, dans ces dispositifs de capacitation, la technique du jeu vidéo soit mobilisée.

Le caractère ludique des dispositifs peut également servir à renforcer la participation des citoyens en favorisant leur implication. Il s’agit quelque soit les techniques employées de permettre l’identification des participants au sein du projet. Parmi ces techniques, l’avatar apparait un moyen efficace de personnaliser la relation des participants au projet urbain. L’avatar, à condition qu’il soit personnalisé ou personnalisable par le participant, permet de modifier la posture des citoyens dans le processus de participation. Il n’est plus seulement spectateur du projet mais, de fait, il y est inclus par le biais de son avatar. Selon les dispositifs, il pourra même être acteur du projet urbain en agissant soit sur les éléments du projet, soit en interagissant avec ces éléments. L’utilisation d’un avatar personnalisé, c’est-à-dire dont les caractéristiques et les intérêts ne sont pas ceux du participant comme dans le cas de Participatory Chinatown, pourrait favoriser une posture des participants qui ne soit pas auto-référencée mais qui relèverait de l’intérêt général en les mettant face à la diversité des problématiques auxquelles doit répondre le projet urbain pour s’adapter à tous les citoyens.

4.3.3. Identification, participation et culture urbaine

Les technologies numériques peuvent personnaliser l’accès à la participation, mais elles peuvent aussi rendre anonyme la participation. L’anonymat peut faire peur aux élus, qui y voient un moyen pour des groupes d’opposition de diffuser leurs opinions en se faisant passer pour un citoyen lambda92. Si des techniques d’identification peuvent être utilisées, rien n’assure de l’identité réelle du participant. De plus, elle représente une contrainte pour le citoyen et peut le dissuader de participer. La modération est un autre moyen de filtrer le contenu de la participation mais limite la transparence de la participation et nécessite la mobilisation de ressources humaines importante. Il serait pourtant dommageable de ne pas laisser visible à tous les interventions des citoyens car, d’une part, cela freinerait la participation, les citoyens n’ayant aucune assurance que leur intervention soit entendue et car, d’autre part, cela limiterait la communication entre les participants. De plus, cela n’empêcherait pas la diffusion des critiques portées par l’opposition qui peut très bien utiliser d’autres canaux de diffusion comme les blogs ou les forums. Il semble que le seul moyen d’empêcher la prise de pouvoir par l’opposition, soit au contraire l’ouverture du dialogue. En effet, si l’objet du débat n’est pas de dire si l’on est d’accord ou l’on s’oppose mais de faire des propositions et de mettre les individus en situation de partage avec des règles affichées et suivies, la légitimité à s’exprimer s’établira alors en fonction de l’apport des interventions pour la construction collaborative du projet. L’identification de l’individu devient alors sans importance.

91 En effet, l’information disponible ne suffit pas à sa compréhension, certains dispositifs ont ainsi utilisé des

techniques pour accompagner l’appropriation des informations, cet accompagnement ne passant pas nécessairement par des techniques numériques. Voir 2.2.1.1 Le partage comme condition du dialogue.

92 Cette difficulté de gestion des systèmes de communication et d’identification nous a été rapportée par le chargé TIC de la ville d’Ivry-sur-Seine.

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Certains dispositifs de participation permettent de renverser la problématique de l’identification. Il ne s’agit plus d’identifier qui parle ou agit mais de permettre au participant de s’identifier à l’action collective. Ce processus d’identification peut s’établir dans un cadre hyperlocal ou extra-local. Selon le cadre, le rapport à l’identité est différent. Dans les processus de participation hyperlocaux, l’identité est attachée au territoire vécu et partagé alors que dans les processus de participation extra-locaux, l’identification doit portée sur les problématiques qui touchent les citadins, peu importe leur appartenance territoriale. Nous avons déjà souligné que dans les dispositifs de participation citoyenne en urbanisme, la mise en œuvre de la participation est toujours à l’échelle locale93. L’échelle locale de la participation quand il s’agit de projet d’urbanisme d’échelle extra-locale, en plus de rendre impossible le dialogue entre l’ensemble des participants, place les participants dans une posture identitaire attachée au territoire, le projet d’urbanisme venant bousculer leur territoire. Les technologies numériques permettent de supprimer les frontières et rendent possible le dialogue des participants peu importe la distance qui les séparent. L’échelle de la participation citoyenne devient alors l’échelle du projet d’urbanisme. Dans cette configuration, la posture identitaire des participants s’efface et fait place à une posture de culture urbaine. C’est ce qui expérimenté à travers le dispositif Bus Meister. Ce dispositif adaptable à tout territoire place les participants dans la position d’un gestionnaire de réseau de transport urbain. Le scénario d’usage apparait conditionner ses utilisateurs dans une posture de citoyen de culture urbaine et non pas d’habitants d’un quartier. Le dialogue peut ainsi porter sur les logiques urbaines à l’œuvre dans le projet d’urbanisme et faire émerger un véritable dialogue urbain.

A l’inverse, l’utilisation des technologies numériques dans un projet hyperlocal peut aboutir à renforcer l’appropriation du territoire par les habitants en leur transmettant une culture du territoire mais aussi des savoirs techniques mobilisés en urbanisme. C’est l’usage qui a été fait à Plouarzel pour réaliser une carte de la ville avec ses habitants94. Le dispositif a mis les habitants en position de géographe, relevant les informations géographiques et produisant la carte communale. L’utilisation des technologies numériques dans le cadre de ce dispositif a permis une appropriation sociale des données géographiques hyperlocales et, dans le même temps, la diffusion de savoirs techniques. Ce type de dispositif renforce ainsi autant l’identité territoriale qu’il est vecteur de culture urbaine.

Les technologies numériques apportent des possibilités inédites pour diffuser la culture urbaine et l’appropriation sociale de l’espace. L’intégration des technologies numériques dans un processus de participation permet à la fois de faciliter le débat sur le projet urbain, de créer un dialogue social simultanément à une appropriation du territoire et une diffusion des savoirs techniques, ainsi que de penser le dialogue urbain non plus en référence à l’identité attachée au territoire mais à la culture urbaine.

93 Voir 2.2.3.3 Dépasser l’échelle du quartier.94 Pour plus d’information sur le projet voir l’article Cartographie communale su Open Street Map. En ligne

http://urbamediascope.posterous.com/carte-ouverte-chimere

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4.3.4. Aide à la décision et participation continue

S’il est courant de considérer les technologies numériques comme des techniques de l’immédiateté de la communication, elles sont aussi des moyens de capitalisation des échanges. Couplées aux techniques de cartographie et de visualisation numériques, les informations échangées et capitalisées sont aussi contextualisées ou géolocalisées.

Les techniques numériques de cartographie et de visualisation de l’espace permettent de traiter un projet urbain à toutes les échelles. En effet, les technologies numériques, en plus d’enrichir les informations en nombres et en genre, offrent la possibilité de changer de façon immédiate l’échelle de visualisation de l’espace. Elles permettent ainsi de traiter d’un projet urbain à ses différentes échelles et de représenter sur une même interface des caractéristiques globales, les réseaux traversant le territoire par exemple, ou des caractères très ponctuels, comme l’ambiance d’une place ou d’une rue. Si des techniques physiques permettent également de produire des commentaires contextualisés, par exemple en utilisant des post-it sur différentes représentations du projet urbain95, le passage au numérique offre l’avantage d’enregistrer automatiquement ces avis.

L’enregistrement et la contextualisation des informations constituent une aide à la décision efficace en permettant la capitalisation des données à la fois selon un ordre de chronologique mais également en permettant de revenir sur une information à plusieurs reprises. Jean-Jacques Terrin, co-concepteur du dispositif IP City et animateur de l’expérimentation sur le site de Cergy-Pontoise, a permis de montrer l’apport des technologies comme aide à la décision dans les processus de conception collaborative. En effet, précédant l’expérimentation du dispositif utilisant les technologies numériques, les participants ont été amenés à travailler sans les technologies mais avec la même consigne. Il en ressort une réelle plus-value, en effet « l’usage des technologies permet de figer un travail à un moment T puis d’y revenir ; ce qui est très important quand on négocie sur une journée. »96. Si les technologies numériques ont un intérêt dans un processus de négociation d’une journée, elles en ont d’autant plus dans un processus de participation citoyenne de plusieurs mois. En effet, en plus de pouvoir figer le travail et le dialogue à un moment T, elles permettent d’actualiser l’information au fur et à mesure de l’évolution du projet et permettent ainsi de poursuivre la discussion avec les citoyens qui peuvent participer tout au long de la chaine de conception et de réalisation du projet. A ce titre, de nouveaux outils de maquettes numériques 3D, comme le logiciel URBAN97 bien qu’il n’est pas été conçu spécifiquement pour la participation citoyenne, apparaissent très adaptés pour le suivi de la conception du projet en permettant de rendre public la maquette du projet, de couvrir les différentes échelles du

95 Le calque numérique de cette technique physique de production de commentaires contextualisés a d’ailleurs

été mis au point par l’agence Slider Studio sous le nom de Sticky world. 96 Entretien du 20 mai 2011.97 Logiciel fonctionnant sur Territoire 3D, développé par l’IGN et Archividéo. Plus d’informations sur le site

d’Archividéo : http://www.archivideo.com/prod_urba.php

Vue enrichie de « points d’intérêt » sur URBAN

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projet, d’actualiser le projet et d’enregistrer des « points d’intérêt » qui peuvent contenir différents types de média.

En résumé, les technologies numériques offrent des potentialités inédites pour la communication sur le projet urbain et sur le processus de participation et entre les participants. Elles facilitent la mise en œuvre de la participation continue des citoyens de la phase de définition du projet à sa conception et sa réalisation en capitalisant les résultats de la participation et en actualisant le projet au fur et à mesure de son évolution. Toutefois, bien que les technologies numériques permettent d’augmenter l’implication des citoyens et de favoriser leur participation active en apportant de nouvelles formes et modalités de communication, leur participation effective reste conditionnée à la conception du dispositif et à la stratégie et la gestion politique du processus de participation citoyenne au projet urbain.

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5. CONCLUSION :REVISITER LES PRATIQUES PROFESSIONNELLES EN URBANISME POUR L’AUGMENTATION DE LA PARTICIPATION

Nous considérons qu’une des principales conditions d’exploitation des potentialités des technologies numériques pour l’augmentation de la participation citoyenne est de revisiter les pratiques professionnelles en urbanisme. En effet, actuellement les porteurs des processus de participation citoyenne se limitent généralement à ajouter les objets numériques au processus sans les intégrer. Or la plus-value d’usage des technologies numériques advient par leur hybridation (bien que certains processus de participation tirent leur force en s’appuyant sur des supports exclusivement numérique98). L’hybridation entre la scène physique et virtuelle est une condition pour l’accès de tous les citoyens (qui ne sont pas tous internautes) au processus de participation. L’hybridation doit être pensée dès la phase de conception du dispositif. L’autorité politique a alors un rôle clé en tant qu’organisateur-commanditaire : elle doit s’assurer que le lien entre techniques numériques et techniques physiques de participation soit effectif pour que ces techniques s’assemblent dans un même dispositif et qu’elles ne se juxtaposent pas au risque d’être face à deux processus parallèles de participation.

Il apparait que pour réussir cette hybridation, les concepteurs du dispositif doivent eux-mêmes être détenteurs d’une culture hybride, capable de décrypter les problématiques de la participation citoyenne en urbanisme et d’y répondre en mobilisant leurs connaissances du monde numérique. Or, à l’heure où les technologies numériques sont devenues un outil de communication incontournable dans notre société et que les autorités politiques cherchent à les utiliser pour communiquer, ces individus passerelles sont rares puisqu’il n’existe pas de titre professionnel et donc pas de formation en mesure de cultiver ces compétences hybrides99. Actuellement, au sein des collectivités territoriales seuls les chargés de mission TIC pourraient jouer ce rôle, mais leurs missions sont larges est ne se concentrent pas forcément sur la participation citoyenne. Parmi les professionnels de la concertation, il n’existe à notre connaissance pas un seul bureau d’étude en France100 qui soit à même de concevoir des dispositifs de participation hybride. Nous pouvons penser que dans les prochaines années à venir, avec la diffusion et la démocratisation des technologies numériques, la volonté des villes de s’en emparer ainsi que la montée en puissance de l’impératif participatif, une profession spécialisée dans la conception de dispositifs hybrides de participation citoyenne apparaitra.

98 C’est le cas de Bus Meister. Voir 2.3.2. Intégration et assimilation, quelle passerelle entre numérique et

politique ?99 A l’exception de deux parcours de l’université Paris I et de l’Institut Français d’Urbanisme délivrant chacun une

vingtaine d’heures consacrées à faire le lien entre technologies numériques et processus de participation citoyenne. 100 Il existe en Angleterre, un bureau d’étude, Slider Studio, qui conçoit des dispositifs numériques de participation

citoyenne et qui a d’ailleurs conçu le dispositif Vision Lozells.

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Il n’en reste pas moins qu’un long chemin reste à parcourir pour rendre effectif cette hybridation. En effet, il n’existe, à l’heure actuelle, aucune méthodologie, ni aucun référentiel pour la médiation d’usage d’un dispositif de participation hybride. La médiation apparait pourtant nécessaire pour faire émerger un véritable dialogue. Si les technologies numériques peuvent être utilisées pour faciliter l’expression des citoyens et l’échange entre les citoyens101, elles peuvent aussi nuire à la formation d’une parole collective. En effet, les participants peuvent dans des scénarios hybrides consacrer leur attention à l’utilisation de la technologie et ne pas participer au dialogue. Le scénario d’usage d’un dispositif hybride doit être conçu pour renforcer l’expérience collective et faciliter le dialogue. Si quelques recommandations peuvent être énoncées pour faciliter l’augmentation du dialogue via les technologies numériques, comme rendre collective l’utilisation des technologies numériques ou séparer le temps d’utilisation des technologies numériques pour la compréhension de l’objet du débat de façon individuelle et préparer le dialogue, elles ne constituent ni une méthode ni des principes valables pour tous les dispositifs de participation hybride.

A l’heure actuelle, l’intégration des technologies numériques dans les dispositifs de participation en urbanisme est encore en phase expérimentale. Leur conception et leur scénarisation demandent encore beaucoup de travail pour que ces dispositifs hybrides soient largement diffusés. Toutefois, il apparait qu’ils contribuent à augmenter tant en intensité qu’en étendue la participation citoyenne. En effet, en plus d’être un facteur d’attractivité pour des catégories de la population qui ne prennent habituellement pas part au dialogue, elles permettent de faciliter l’expression et la compréhension de tous en transformant les modalités de communication et multipliant les moyens de participation102. Il semble également qu’elles favorisent le partage du sens de ce qui est échangé, en permettant à chaque participant quelque soit sa distance et son éducation de vivre une expérience commune103. La posture active des participants à travers l’utilisation des technologies numériques et leur caractère ludique apparait un moyen de favoriser leur implication et leur ouverture au dialogue en même temps qu’elle les met en capacité de se construire une expertise sur les enjeux du dialogue104. Si des techniques autres que numériques pourraient aboutir aux mêmes effets, il apparait que seules les technologies numériques permettent de rendre compte des dynamiques urbaines et de simuler le projet urbain ou encore d’échanger et de capitaliser des informations contextualisées à différentes échelles du projet105. Ces possibilités ouvrent la voie à une nouvelle forme de conception et de gestion des projets urbains. Les citoyens sont mis en capacité de participer de la définition du projet à sa réalisation. Si la participation continue à la conception du projet urbain est grandement facilitée par les technologies numériques, ce sont l’ensemble des procédures de participation et d’élaboration du projet urbain qui sont à revisiter. Bien qu’il semble que ni les autorités techniques, ni les autorités politiques ne soient

101 Dans le cas d’interface multi-utilisateurs comme sur le dispositif IP City. Voir 3.3.1 L’hybridation, de l’individu

connecté au collectif connecté.102 Voir 3.1.1 Une réponse partielle à la compréhension partagée du projet urbain et 3.3.1 L’hybridation, de

l’individu connecté au collectif connecté.103 Voir 2.2.2.1. Dispositif, interface de dialogue et 2.2.3.3 Dépasser l’échelle du quartier.104 Voir 2.2.2.2. Démocratisation de l’expertise, et égalité des participants à prendre part au débat ; 3.1.2.Un

message identitaire à prendre en compte et 3.3.2. Capacitation et ludification.105 Voir 2.2.3.1.Dynamisme de la représentation et conséquence sur le processus de conception ; 3.2. Simulation

du projet urbain et de ses dynamiques pour un dialogue urbain augmenté et 3.3.4. Aide à la décision et participation continue.

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prêtes à effectivement intégrer le dialogue urbain dans la conception du projet, les nouvelles modalités de communication entraînées par les technologies numériques contribueront peut-être à créer de nouvelles modalités de gouverner et de concevoir la ville.

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SOURCES BIBLIOGRAPHIQUE

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1965, Françoise Choay, L’urbanisme, utopies et réalités, une anthologie, éditions du Seuil, p

LISTE DES ENTRETIENS

Entretiens avec des acteurs des projets étudiés

o Erwan Mahé, co-fondateur d’Artefacto, développeur de l’objet numérique sur le projet Berges de Seine (le 4 octobre 2011)

o Grégoire Zabé, artiste, développeur du dispositif Hautepierre 3D (le 13 mars 2011)

o Hugues Aubin, chargé TIC de la ville de Rennes et Rennes Métropole, concepteur, médiateur et évaluateur sur les projets Gulliver- Maurepas et La Courrouze (le 30 septembre 201)

o Jean-Jacques Terrin, concepteur et évaluateur sur le projet IP-City (Projet Européen) (le 20 mai 2011)

o Marie-Catherine Bernard, Directrice du bureau d’étude Respublica, en charge de la concertation sur le projet Berges de Seine (le 26 mai 2011)

Entretiens avec des chercheurs en sociologie de l’innovation et en urbanisme

o Hélène Bailleul, chercheur en sciences de l’Homme et de la Société à l’UMR CITERES, Politech’Tours. (le 14 juin 2011)

o Jérôme Denis, chercheur en sociologie de l’innovation à Télécom Paritech. (le 19 avril 2011)

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LISTE DES PROJETS ETUDIES

Berges de Seine (Ville de Paris, France) Bus Meister (Ville de Vienne, Autriche)

Gulliver-Maurepas (Ville de Rennes, France)

Hautepierre 3D (Association basée à Strasbourg, France)

HUB2 (Emerson College of Boston, Etats-Unis)

IP city (Projet de recherche européen, cas d’étude sur la ville de Cergy-Pontoise, France)

La Courrouze (Ville de Rennes, France)

Saint-Blaise 3D (Ville de Paris 20e arrondissement, France)

Participatory Chinatown (Emerson College of Boston, Etats-Unis)

Virtual Environnement Planning system (VEPs) (Projet européen, cas d’étude sur la ville de Stuttgart, Allemagne)

Vision Lozells (Ville de Birmingham, Angleterre)

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ANNEXE : FICHES PROJETBerges de Seine, Paris

2010, Concertation pour le projet d’aménagement des Berges de Seine

La nature de la représentation 3D Le type de représentation : schématique Le mode de déplacement : clic et zoom Le mode d’interactivité : question/réponse via formulaire Les fonctions : contributions sur des zones du projet La dynamique : aucune

Les protagonistes Le concepteur du dispositif numérique de participation : ARTEFACTO Le développeur de l’objet numérique : ARTEFACTO Le commanditaire de du dispositif : L’urbaniste mandaté par ville de Paris Le porteur du processus de participation sur le projet : Respublica, mandaté par Ville de

Paris Les médiateurs de la participation: aucun Le public concerné : habitants de paris et de l’Ile-de-France

La scène du dispositif Les lieux physiques et numériques de mise en œuvre du dispositif de participation : site

internet du projet Les objectifs assignés au dispositif de représentation 3D : non précisés La temporalité de l’utilisation du dispositif dans le processus de participation : pendant le

processus de concertation (27 septembre 2010 au 30 novembre 2010) et après Le scénario d’usage du dispositif: l’internaute peut consulter le projet modélise et

proposer une fonction a chaque zone du projet, il ne peut pas accéder aux contributions des autres

Outils numérique associé : forum répertoriant par thème et par popularité l'ensemble des propositions (anonymes mais soumises à modération), réseaux sociaux

Les relations entre le public, les médiateurs et les élus et techniciens du projet : aucune relation directe utilisant le dispositif de représentation 3D, rencontre lors de réunions publiques ou un film représente le projet urbain en trois dimensions sous un angle réaliste et marketing.

Les évaluations du dispositif de participation Les évaluateurs : aucun Les conclusions de l’évaluation : néant

Données disponibles La représentation 3D sur le Site internet du projet Le forum Le calendrier de la concertation Détail du processus de concertation Le bilan de la concertation publique (synthèse non argumentée)

Données de terrain Réunion publique du 5e arrondissement du 9

novembre 2010 Atelier thématique du 17 novembre 2010 Entretien avec la directrice du bureau d’étude,

Respublica, en charge de la conception et de l’animation du dispositif physique de participation, le 26 mai 2011

Entretien avec le développeur de l’objet numérique, Erwan Mahé, le 4 octobre 2011

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Bus Meister, Vienne, Autriche2010, projet de co-conception de solutions pour la planification des transports en commun

La nature de la représentation 3Do Le type de représentation : schématique o Le mode de déplacement : néanto Le mode d’interactivité : néanto Les fonctions : commande du réseau de transport par clics-bouton préprogrammés (ajout et

déplacement des éléments relatifs au réseau de transport)o La dynamique : impacts de l’efficacité du réseau selon les choix de programmation effectué

par le participant

Les protagonisteso Le concepteur du dispositif numérique de participation: Andrew Nash, directeur de la stratégie

des transports en commun de la ville de Vienne et Snizek, bureau d’étude spécialisé sur la planification des transports

o Le développeur de l’objet numérique : Platogo (entreprise de serious game) en relation avec Andrew Nash

o Le commanditaire du dispositif: Andrew Nash supporté par la ville de Vienneo Le porteur du processus de participation sur le projet : Andrew Nasho Les médiateurs de la participation: Néanto Le public concerné : citadins

La scène du dispositifo Les lieux physiques et numériques de mise en œuvre du dispositif numérique de participation:

sur interneto Les objectifs assignés au dispositif: faciliter la compréhension et la participation des citoyens

sur des propositions de planifications des transports publicso La temporalité de l’utilisation du dispositif dans le processus de participation : sans durée

déterminéeo Le scénario d’usage du dispositif : les participants deviennent planificateur –gestionnaire du

réseau de bus, ils doivent remplir des objectifs pour passer les 12 niveaux du jeu. Ils peuvent ensuite faire des propositions pour l’amélioration de l’efficacité du réseau via un forum et un wiki

o Outils numérique associé : wiki et réseaux sociaux

o Les relations entre le public, les médiateurs et les élus et techniciens du projet : les citadins et les concepteurs du dispositif via le wiki et les réseaux socio

Les évaluations du dispositif de participation o Les évaluateurs : néant o Les conclusions de l’évaluation : néant

Données disponibleso Le jeu et le forumo Le wikio La description du dispositif par Andrew Nash

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Gulliver-Maurepas, RennesConcertation préalable à la création de la ZAC

La nature de la représentation 3D Le type de représentation : projet schématique et existant réaliste Le mode de déplacement : immersif via un avatar géant Le mode d’interactivité : chat écrit et oral, communication gestuelle et question/réponse

via formulaire Les fonctions : description des fonctions du projet, informations sur panneaux

d’affichage, multiutilisateurs, salle de réunion virtuelle. La dynamique : sociale (discussion et rencontre), spatiale (mobilité de l’avatar)

Les protagonistes Le concepteur du dispositif numérique de participation : Hugues Aubin, chargé de

mission TIC de la ville de Rennes en relation avec Assembl’live Le développeur de l’objet numérique : Assemb’live Le commanditaire du dispositif : Mission TIC de la ville de Rennes et le service

Aménagement et Usages du Numérique de Rennes Le porteur du processus de participation : la ville de Rennes et le service Aménagement

et Usages du Numérique de Rennes Métropole Les médiateurs de la participation : Hugues Aubin, chargé de mission TIC de la ville de

Rennes Le public concerné : habitants du quartier et de la ville

La scène du dispositif Les lieux physiques et numériques de mise en œuvre du dispositif numérique de

participation : Site dédié d’accès à la plateforme, caravanes de quartiers de Maurepas Les objectifs assignés au dispositif : partager, expliquer, débattre du projet urbain,

donner à voir l’évolution par rapport à l’environnement existant connu, créer un outil de médiation ludique et accessible en 24/7, permettre des visites virtuelles

La temporalité de l’utilisation du dispositif dans le processus de participation : 2 jours en médiation physique par quartier, permanence sur le site web

Le scénario d’usage du dispositif : accompagner par un médiateur ou individuellement, les usagers et leurs avatars peuvent se déplacer de façon naturelle dans le quartier en

projet, accéder à de l’information naviguer et interagir virtuellement avec d’autres usagers. Outils numérique associé : aucun Les relations entre le public, les médiateurs et les élus et techniciens du projet : Une

rencontre physique entre le public et le médiateur, chargé de répondre aux questions des utilisateurs du dispositif sur le projet et les aider à manipuler la technologie. Un échange en ligne via le formulaire entre le public et les techniciens du projet.

Les évaluations du dispositif de participationo Les évaluateurs : étudiants en Master 2 USETIC de l’Université de Renneso Type d’évaluation : étude d’usageo Les conclusions de l’évaluation :

Données disponibleso La plateforme numériqueo Présentation du dispositifo Entretien avec Hugues Aubin, le 30

septembre 2011

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Hautepierre 3D, Strasbourg2009, Fête des 40 ans du quartier et PRU

La nature de la représentation 3Do Le type de représentation : mixte (volumétrie texturée de photos de l’existant pour les

bâtiments identitaires et de dessin pour les logements)o Le mode de déplacement : immersif via un avataro Le mode d’interactivité : tchat o Les fonctions : visualisation de vidéos, discussion avec les internautes, ajout de média

localisés (images, textes, vidéo)o La dynamique : spatiale (mobilité), temporelle (passage du réel au projet), sociale

(vidéos de témoignage d’habitants, sons)

Les protagonisteso Le concepteur du dispositif numérique de participation : Barbara Morovich,

anthropologue, et Marguerite Bobey, artiste et Grégoire Zabé, plasticien des médias électroniques

o Le développeur de l’objet numérique : Grégoire Zabéo Le commanditaire du dispositif : association Horizome sur financement de la ville de

Strasbourgo Le porteur du processus de participation: L’association Horizome o Les médiateurs de la participation : Grégoire Zabéo Le public concerné : habitants du quartier, artistes et étudiants et chercheurs

La scène du dispositifo Les lieux physiques et numériques de mise en œuvre du dispositif numérique de

participation : plateforme disponible en ligne, et en médiation physique dans le quartier via un vidéo projecteur

o Les objectifs assignés au dispositif : rendre compte de façon qualitative de la mémoire et des mutations du quartier formation des habitants du quartier aux outils de modélisation, prise de vue, etc. Créer une bibliothèque de la mémoire des lieux espace créatif faire émerger la voix des habitants

o La temporalité de l’utilisation du dispositif dans le processus de participation : ce type de projet indépendant du projet urbain et des instances institutionnelles permet le temps long.

o Le scénario d’usage du dispositif : médiation physique lors d’événement sur le quartier, workshop sur la plateforme et les fonctions de participation, prévision d’espace de jeu pour susciter l’attractivité

o Outils numérique associé : aucuno Les relations entre le public, les médiateurs et les élus et techniciens du projet : le

projet transdisciplinaire (architectural, artistique et anthropologique) a mis en place une co-conception de la modélisation et des contenus avec des quatre jeunes du quartier (stagiaire) via des entretiens, vidéo, prises de vues et de sons, en parallèle le projet s’appuie sur l’association via des expositions, conférences, etc. Relative autonomie des porteurs du dispos

Les évaluations du dispositif de participation o Les évaluateurs : l’association à terme o Type d’évaluation : non connuo Les conclusions de l’évaluation : néant

Données disponibleso Plateforme 3Do Site Web

Données de terraino Entretien avec Grégoire Zabé le 13 avril 2011

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HUB2, Boston

2008, projet d’aménagement d’un square

La nature de la représentation 3Do Le type de représentation : maquette schématique sur

SL à partir des propositions d’architecteso Le mode de déplacement : immersif via un avataro Le mode d’interactivité : entre les avatars, et par

l’action sur le projeto Les fonctions : modélisation par l’utilisateur et test du

projet via l’avatar, interaction des avatarso La dynamique : spatiale (mobilité), sociale (interaction

des avatars), architecturale et participative (action sur le projet)

Les protagonisteso Le concepteur du dispositif numérique de participation : Eric Gordon (Emerson College)

et Gene Koo (Harvard Law School)o Le développeur de l’objet numérique : outil existanto Le commanditaire du dispositif : Les partenaires du projet HUB2o Le porteur du processus de participation t : Eric Gordon o Les médiateurs de la participation : Eric Gordon et un professionnel de la conception

3D, o Le public concerné : habitants du quartier

La scène du dispositifo Les lieux physiques et numériques de mise en œuvre du dispositif numérique de

participation : une salle accueillant les participants auxquels on fournit un ordinateur connecté à SL

o Les objectifs assignés au dispositif : mise en pratique de la « délibération augmentée » pour la conception d'un projet urbain, soit favoriser le processus de communication par un dispositif physique et numérique, permettre l'expérience de groupe du projet urbain et capitaliser sur les débats et permettre leur suivi.

o La temporalité de l’utilisation de la 3D dans le processus de participation : Deux mois, de juillet à aout 2008 Le scénario d’usage du dispositif : en présentiel et via leur avatar, les participants regroupés en 8 groupes de travail de 15 personnes ont été amenés à délibérer sur des sessions de 90 mn. Après avoir exploré le projet urbain et exprimé au reste du groupe les

enjeux du projet identifiés comme prioritaires, les propositions faites étaient immédiatement réalisées dans Second Life par un professionnel de la conception et disposées dans l'espace par les participants qui en choisissaient la taille, la forme, etc. En fin de session, les participants étaient invités à commenter de façon individuelle les éléments du projet en disposant des drapeaux colorés de vert ou de rouge et des textes sur ce qu'ils appréciaient ou non. Le dispositif était également utilisable en ligne et l’a été par 75 personnes

o Outils numérique associé : aucuno Les relations entre le public, les médiateurs et les élus et techniciens du projet : Les

relations ont eu lieu entre le public et le médiateur, indépendant du projet urbain. Les architectes ont mal perçu le processus du fait qu’il risquait de remettre en cause leur projet et qu’ils n’y étaient pas associés.

Les évaluations du dispositif de participation o Les évaluateurs : Les porteurs du projet de recherche Hub2 o Type d’évaluation : observation des participants pendant les sessions et la passation de

35 entretiens de participants et des architectes du projet sur 120 participants présentso Les conclusions de l’évaluation : Augmentation de la participation et surtout celle de citoyens habituellement absent du

débat public (+ de 50% de – de 25 ans) mais risque de diminution de la participation des autres classe d’âges.

Augmentation de la capacité d'appréhension et de compréhension du projet et de l'implication des participants : sentiment d'un « retour sur investissement ».

Dépassement des intérêts particuliers et possibilité de partager une vision commune. Facilitation de suivi de concertation et de restitution des délibérations aux

responsables du projet (les conclusions étant enregistrées et mises en contexte) Difficulté d’intégration des propositions dans le projet et peur des architectes d’une

« prise de pouvoir par les citoyens » d’où la nécessité de faire participer les responsables et décideurs du projet.

Risque plus important d'un mécontentement si les propositions des participants ne sont pas appliquées et qu'aucune explication sur la décision in fine n'est communiquée.

Données disponibles : o Site Web du projet o Rapport d’évaluation

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IP City, Appel à projet européen "interaction et présence"2006 /2008, projets de renouvellement de l'hôpital Sainte-Anne à Paris, du Tribunal de Grande Instance de Paris et d'une ancienne caserne sur le territoire de Cergy-Pontoise

La nature de la représentation 3Do Le type de représentation : Réalité mixte (schématique pour le projet intégré dans le réel

par vidéo panoramique et plan)o Le mode de déplacement : néanto Le mode d’interactivité : conception des bases de données d'images et de sons avant de

manipuler les outils de représentation urbaine.o Les fonctions : intégration d’objets (bâtiments, rues,…), de sons, de flux piétons, cyclistes,

etc. sur la scène de représentation, manipulation des objets (volume, couleurs, textures,…) et des flux et des sons (intensité, volume)

o La dynamique : urbaine (intégration de flux, intégration d’ambiance sonore)

Les protagonisteso Le concepteur du dispositif numérique de participation : équipe d’IP City (6 laboratoires de

recherche sur les technologies de RM, une entreprise et 2 équipes de recherche urbaines)o Le développeur de l’objet numérique : chercheurs d’IP Cityo Le commanditaire de l’objet numérique: Programme Européen de rechercheo Le porteur du processus de participation : chercheurs d’IP Cityo Les médiateurs de la participation : chercheurs d’IP Cityo Le public concerné : élus, techniciens, citoyens-habitants-riverains-passants- usagers

La scène du dispositifo Les lieux physiques et numériques de mise en œuvre du dispositif numérique de

participation : tente mobile (à partir de 2008) ou dans l’enceinte du site en projeto Les objectifs assignés au dispositif : représenter une situation urbaine de façon dynamique ;

faciliter le débat entre les acteurs de la ville ; créer un outil d'aide à la construction d'une vision commune et négociée.

o La temporalité de l’utilisation du dispositif dans le processus de participation : phase conception du projet (Sainte-Anne) phase de réflexion sur le site (avant projet) (TGI) et phase amont du projet (esquisse des éléments programmatiques) (Cergy-Pontoise)

o Le scénario d’usage du dispositif : Principe de rencontre in situ à l’aide d’une tente mobile abritant le mobilier et de technologies spécialement conçus pour l'expérimentation. Sur deux journées pour chaque site, regroupant des participants de différentes natures (citoyens, élus et techniciens).

o Outils numérique associé : application de réalité mixte "Urban Express" , regroupant une table numérique multiutilisateurs, "la table des couleurs" et une application qui associe la prise vidéo d'une scène réelle (captées selon les demandes en temps réel via une caméra et diffusées en parallèle de la scène de représentation )à plusieurs couches d'informations virtuelles élaborées par les participants, "l'Urban Sketcher"

o Les relations entre le public, les médiateurs et les élus et techniciens du projet : discussion entre le public, construction d’un langage commun à travers des « mots légendés » et la représentation des ambiances qui rendent explicites les discours.

Les évaluations du dispositif de participation o Les évaluateurs : chercheurs d’IP Cityo Type d’évaluation : étude d’usageo Les conclusions de l’évaluation :

Limitation des conflits, objectivation des discours et créativité dans l’énoncé des projets du fait du dispositif de réflexion et non pas de représentation sur le projet

Données disponibles- Description du projet- Article de restitution sur le projet- Entretien avec Jean-Jacques Terrin, chercheurs de l’équipe projet, le 20 mai 2011.

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La Courrouze, RennesConcertation préalable à la création de la ZAC

La nature de la représentation 3Do Le type de représentation : réaliste à l’échelle 1 :1 (Tablet) schématique

(maquette)o Le mode de déplacement : immersif (Tablet et maquette) et vue aérienne

(maquette)o Le mode d’interactivité : aucune, o Les fonctions : Tablet : visite du quartier en construction ; maquette : requête

selon critère de zone et de fonction du projet, actualisation de la maquette o La dynamique : spatiale (mobilité), et dans le cas du Tablet, temporelle

(présent/futur) et cognitive (réel et virtuel)

Les protagonisteso Le concepteur du dispositif numérique de participation : Hugues Aubin,

chargé de mission TIC de la ville de Rennes, Territoire (le parcours de la balade)

o Le développeur de l’objet numérique : ARTEFACTOo Le commanditaire de l’objet numérique : Rennes Métropoleo Le porteur du processus de participation : Mission TIC de la ville de Rennes

et le service Aménagement et Usages du Numérique de Rennes Métropoleo Les médiateurs de la participation : guides dont Hugues Aubino Le public concerné : (futurs) habitants du quartier et de la ville, promoteurs,

décideurs du projet d’aménagement

La scène du dispositifo Les lieux physiques et numériques de mise en œuvre du dispositif de

participation : Tablet : Prêt au point info de la Courrouze (2 jours/semaine), maquette : sur le site web du projet

o Les objectifs assignés au dispositif : créer un outil d’aide à la décision (maquette)

o La temporalité de l’utilisation du dispositif dans le processus de participation : o Le scénario d’usage du dispositif: lors d’une balade sur le quartier, les

usagers accompagnés d’un médiateur, peuvent découvrir le projet in situ via des esquisses de bâtiments en réalité augmentée et dialoguer avec les autres usagers et les techniciens.

o Outils numérique associé : aucuno Les relations entre le public, les médiateurs et les élus et techniciens du

projet : Une rencontre physique entre le public et le médiateur, chargé de répondre aux questions des utilisateurs du dispositif sur le projet et les aider à manipuler la technologie. Un échange en ligne via le formulaire entre le public et les techniciens du projet.

Les évaluations du dispositif de participation o Les évaluateurs : néant

Données disponibleso Site web du projet et de la maquette 3Do Entretien avec Hugues Aubin, le 30 septembre 2011

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Participatory Chinatown, Boston (US)2010, planification urbaine du quartier

La nature de la représentation 3Do Le type de représentation : réalisteo Le mode de déplacement : immersif via un avataro Le mode d’interactivité : rencontre et discussion des avatarso Les fonctions : commentaires, propositionso La dynamique : spatiale (mobilité), sociale (progression de l’avatar)

Les protagonisteso Le concepteur du dispositif numérique de participation: Eric Gordon (Emerson College) et

Asian Community Development Corporationo Le développeur de l’objet numérique : l’équipe mise en place par Eric Gordon dont des

jeunes du quartiero Le commanditaire du projet : Metropolitan Area Planning Councilo Le porteur du processus de participation : Eric Gordon (Emerson College) et Asian

Community Development Corporationo Les médiateurs de la participation : équipe projet d’Emerson College et Asian Community

Development Corporationo Le public concerné : habitants du quartier

La scène du dispositifo Les lieux physiques et numériques de mise en œuvre du dispositif numérique de

participation: une salle accueillant les participants auxquels on fournit un ordinateur connecté au jeu et sur internet

o Les objectifs assignés au dispositif: faciliter la participation des habitants du quartier de Chinatown de Boston à l’élaboration du plan d’urbanisme

o La temporalité de l’utilisation du dispositif dans le processus de participation : mai 2010

o Le scénario d’usage du dispositif : jeu de rôle à partir de 15 personnages aux caractéristiques préétablies représentant des habitants de Chinatown. Le but du jeu est de remplir une mission assignée à chaque personnage : trouver un travail, une maison, un lieu de socialisation. Au cours du jeu les participants sont invités à commenter et proposer des aménagements. Toutes les contributions sont ensuite étudiées par les décideurs. Le dispositif en salle permet une interactivité plus grande et une aide personnalisée.

o Outils numérique associé : blogo Les relations entre le public, les médiateurs et les élus et techniciens du projet : les élus et

techniciens sont restés largement absents du dispositif du fait du portage du projet par des associations et des chercheurs. Des jeunes de la communauté ont participé à la réalisation et à la médiation du dispositif jouant aussi le rôle d’interprète

Les évaluations du dispositif de participation o Les évaluateurs : Emerson College et Asian Community Development Corporation o Type d’évaluation : non connuo Les conclusions de l’évaluation : à venir

Données disponibleso Site web du projet

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Saint-Blaise 3D, Paris XX2008, Grand Projet de Renouvellement Urbain

La nature de la représentation 3Do Le type de représentation : schématique pour le projet, réaliste pour l’existanto Le mode de déplacement : immersif via un avatar o Le mode d’interactivité : Question /réponse / contributions via un formulaire, accès aux

contributions des autres participantso Les fonctions : accès à l’informationo La dynamique : spatiale (mobilité),

Les protagonisteso Le concepteur du dispositif numérique de participation : inconnuo Le développeur de l’objet numérique : Ligne 2o Le commanditaire de l’objet numérique : SEMAESTo Le porteur du processus de participation sur le projet : Mairie du XX arrondissemento Les médiateurs de la participation : néanto Le public concerné : habitants du quartier

La scène du dispositifo Les lieux physiques et numériques de mise en œuvre du dispositif numérique de

participation : sur internet et par mise à disposition d’ordinateur lors de la concertation en mairie

o Les objectifs assignés au dispositif : donner à comprendre le projet urbaino La temporalité de l’utilisation du dispositif dans le processus de participation : pendant la

concertationo Le scénario d’usage du dispositif : naviguer dans le projet urbain et déposer son avis.o Outils numérique associé : aucuno Les relations entre le public, les médiateurs et les élus et techniciens du projet : Néant

Les évaluations du dispositif de participation o Les évaluateurs : aucun

Données disponibleso Site web du projeto Plateforme 3D

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VEPs (Virtual Environment Planning system), projet européen Interreg IIIB NWE pour le développement de technologies de concertation2005-2007, Royaume-Uni, France, Allemagne

3 outils de représentations 3D : 3D Comment (1), 3D Participation(2) et 3D Masterplan(3)La nature de la représentation 3D

o Le type de représentation : schématique sur photo aérienne o Le mode de déplacement : aérienne et zoom, repère sur plan 2D (1 et 2)o Le mode d’interactivité : commentaires localisés sur le projet (1 et 3), modification du projet

originel ou des propositions de projet faites par les participantso Les fonctions : visualisation des différentes variantes du projet et informations, commentaires

localisés sur le projet, modification du projet (position, apparence : 1) (ajout d’éléments préétablis ou créés : 3)

o La dynamique : impacts environnementaux visualisés selon les variantes des projets des techniciens et créés par les usagers

Les protagonisteso Le concepteur du dispositif numérique de participation : chercheurso Le développeur de l’objet numérique : chercheurso Le commanditaire de l’objet numérique : Interrego Le porteur du processus de participation : chercheurso Les médiateurs de la participation: chercheurso Le public concerné : élus, techniciens, citoyens

La scène du dispositif1 étude de cas à Stuttgart sur le projet d’extension et de rénovation urbaine de Rosensteinviertel

o Les lieux physiques et numériques de mise en œuvre du dispositif : sur interneto Les objectifs assignés au dispositif : faciliter la compréhension et la participation des citoyens

sur des propositions de planifications urbaines et environnementaleso La temporalité de l’utilisation du dispositif dans le processus de participation : o Le scénario d’usage : les usagers testent différents scenarios élaborés sur le principe du

« et si », ils choisissent le scenario qu’ils jugent préférable et leur choix et visible par tous afin d’arriver à un consensus

o Outils numérique associé : forum (2)

o Les relations entre le public, les médiateurs et les élus et techniciens du projet : néant

Les évaluations du dispositif de participation o Les évaluateurs : chercheurso Type d’évaluation : étude d’usageo Les conclusions de l’évaluation : - La représentation 3D permet à l’usager de comprendre des informations complexes sans

formation préalable car il peut visualiser les impacts environnementaux d’un projet - Importance de l'actualité et la qualité des données représentées pour la compréhension des

enjeux environnementaux et urbains et la confiance des usagers dans l'outil de représentation et du processus même de consultation

- Nécessité de l’'intégration d'une carte 2D et d'informations à la représentation pourpermettre aux citoyens de participer activement au projet en se situant l'espace vécu.

- Nuisance d’une représentation trop détaillée, facteur de perte de confiance dans le processus de participation, impression que les décisions sont arrêtées et que les contributions ne seront pas prise en compte

- Besoin d’expliquer aux participants le processus de participation et d’intégration des contributions au projet

Données disponibleso Rapport intermédiaire du projeto Article sur les outils de modélisation et de discussion du projet V

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Vision Lozells, Birmingham (Royaume-Uni)20090/2010, rénovation urbaine d’un quartier

La nature de la représentation 3Do Le type de représentation : réalisteo Le mode de déplacement : survolo Le mode d’interactivité : tchato Les fonctions : tchat, sondages, commentaires contextualisés, construction de sa propre

maison à partir d'une banque de données fournissant un large choix de modèles en fonction du budget et de ses goûts

o La dynamique : spatiale (mobilité), sociale (tchat) et architecturale et participative (commentaires et sondage, et action sur la maquette)

Les protagonisteso Le concepteur du dispositif numérique de participation : Slider Studioo Le développeur de l’objet numérique : Slider Studioo Le commanditaire de la représentation 3D : ville de Birmingham et Urban Livingo Le porteur du processus de participation sur le projet : ville de Birmingham o Les médiateurs de la participation: équipe projet Lozells assistée de Slider Studioo Le public concerné : habitants du quartier

La scène du dispositifo Les lieux physiques et numériques de mise en œuvre du dispositif

numérique de participation : sur logiciel (distribué pour utilisation par foyer) et sur le site de la maison du projet

o Les objectifs assignés au dispositif: "démocratiser la conception"

par la compréhension et la participation à la conception du projet urbaino La temporalité de l’utilisation du dispositif dans le processus de participation : o Le scénario d’usage du dispositif : le logiciel a été distribué à 2500 foyers sur CD, le logiciel

étant utilisable à la fois en ligne et hors ligne, la fonction hors ligne ne permet pas de rendre publiques les propositions réalisées, ni de participer aux sondages ou de communiquer son avis sur le projet à la ville de Birmingham.

o Outils numérique associé : néanto Les relations entre le public, les médiateurs et les élus et techniciens du projet : non

communiqué

Les évaluations du dispositif de participation o Les évaluateurs : aucun

Données disponibleso Site web du projeto Site web de l’outil YouCanPlan