86
Date de parution : 5 mai 2015 LA MOBILITÉ 2.0 Comment les startups issues de l’économie collaborative opérant sur le secteur du transport de passagers bousculent le marché des entreprises traditionnelles en France ? AUTEUR : GOUDÉ Robin TUTEUR DE MÉMOIRE : BOUCHER Ronald

La mobilité 2.0 - Mémoire de Recherche - Robin GOUDÉ

Embed Size (px)

Citation preview

Date de parution :

5 mai 2015

LA MOBILITÉ 2.0

Comment les startups issues de l’économie collaborative opérant sur le secteur du transport

de passagers bousculent le marché des entreprises traditionnelles en France ?

AUTEUR :

GOUDÉ Robin

TUTEUR DE MÉMOIRE :

BOUCHER Ronald

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 2

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 3

AUTEUR :

Robin GOUDÉ

REMERCIEMENTS :

Je remercie l’ISTEC, le corps professoral, mon tuteur de mémoire, M. BOUCHER Ronald ainsi

que M.FIMBEL pour l’encadrement pédagogique apporté. Je tiens à adresser tous mes

remerciements aux différents intervenants et professionnels pour leurs contributions. Enfin, un

remerciement tout à fait particulier à M. NEVEUX Fabienne, CEO Colunching, pour son apport

de connaissances et contacts. Tous ont participé d’une manière ou d’une autre dans

l’élaboration du mémoire de recherche.

RÉSUMÉ :

Les entreprises traditionnelles opérant sur le secteur de la mobilité sont bousculées par une

nouvelle forme de concurrence s’inscrivant dans le phénomène de l’économie collaborative.

Grâce à de nouvelles technologies, des startups ont renversé le monopole acquis par certains

acteurs pour transformer le paysage des transports mais elles sont aussi le symbole du

changement de paradigme et de l’évolution des mentalités des individus. Suite à des

recherches, nous démontrerons comment ces startups issues de l’économie collaborative ont

monté leur business modèle tout en remuant les certitudes des acteurs traditionnels qui,

inexorablement, sont obligés de s’adapter eux aussi à ces nouveaux modèles.

MOTS CLEFS :

Économie collaborative, économie du partage, autopartage, covoiturage, entreprises

traditionnelles, mobilité, transport, start-up, transport.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 4

AUTHOR:

Robin GOUDÉ

ABSTRACT :

Traditional businesses operating in the mobility sector is shaken by a new form of competition

arising within the phenomenon of collaborative economy. With new technologies, startups

overthrew the monopoly acquired by certain actors to transform the landscape of transport but

they are also the symbol of the paradigm shift and changing individual attitudes. After some

research, we will demonstrate how these startups from the collaborative economy started their

business model while stirring the certainties of traditional players who are inexorably forced to

adapt also to these new models.

KEYWORDS :

Collaborative economics, sharing economy, car-sharing, traditional business, mobility,

transport, start-up, transport.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 5

SOMMAIRE

REMERCIEMENTS .............................................................................................................. p.3

R�SUM� ............................................................................................................................... p.3

VOLUME 1�: M�MOIRE DE RECHERCHE …………………………………………………….. p.9

INTRODUCTION ................................................................................................................. p.10

PARTIE 1 : ÉTUDE DE L’ÉCONOMIE DU PARTAGE DANS LE SECTEUR DE LA

MOBILITÉ À TRAVERS LES SOURCES PROFESSIONNELLES ET ACADÉMIQUES ... p.14

Le transport à l’heure de l’économie collaborative ........................................................ p.14

A. Une société en complète transformation .................................................................... p.14

1. Le facteur de la crise de 2008 ......................................................................... p.14

2. La recherche du prix inférieur ......................................................................... p.16

3. Le développement du coût marginal zéro des nouvelles entreprises ……….. p.16

4. La démographie : vecteur de mobilité ............................................................. p.17

5. Changement de mentalité : vers une nouvelle conception du « way of life » . p.19

6. La mobilité au service des territoires et des français ...................................... p.20

7. La mobilité 2.0, la solution d’un monde en crise ............................................. p.21

B. L’avènement de la consommation collaborative dans le secteur de la mobilité ......... p.21

1. Les signes de transformations actuelles ......................................................... p.22

2. Un secteur en pleine expansion ...................................................................... p.24

3. Un marché à forte croissance ......................................................................... p.25

4. Nouveaux modes et usages des transports .................................................... p.27

5. L’essoufflement des entreprises traditionnelles : de l’oligopole à la scission

naturelle des marchés ..................................................................................... p.28

C. Les acteurs de la mobilité au service des individus .................................................... p.29

1. Des acteurs segmentés pour une mobilité optimale ....................................... p.29

2. Des offres en adéquation avec les attentes des individus .............................. p.32

3. Du pouvoir des entreprises à « l’empowerment » des consommateurs ......... p.32

4. La remise en question des acteurs traditionnels ............................................ p.34

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 6

D. Les fondements de l’économie collaborative dans le secteur de la mobilité ………… p.35

1. La recherche du gain financier ........................................................................ p.36

2. La confiance, assurance d’un nouveau mode de vie ..................................... p.37

3. La recherche d’humanisation des déplacements, nouvel eldorado ����.. p.38

4. Internet, l’outil virtuel au service de la mobilité ................................................ p.38

5. Le smartphone, l’une des principales innovations en matière de mobilité …... p.41

6. La notion de développement durable .............................................................. p.41

PARTIE 2 : ÉTUDE EMPIRIQUE AUPRÈS D’ACTEURS DE LA MOBILITÉ 2 .0 ……….. p.44

CHAPITRE 1�: Pr�sentation du dispositif empirique .������������� .. p.44

1. Modalités de déploiement retenues ................................................................ p.44

2. Justification de la méthodologie de la recherche ............................................ p.44

3. Forme des entretiens ...................................................................................... p.44

4. Echantillonnage .............................................................................................. p.45

5. Les thématiques abordées ............................................................................. p.45

CHAPITRE 2�: Les acteurs du transport collaboratif�: visions et opportunit�s .......... p.46

A. L’économie collaborative, un nouveau paradigme économique en plein essor dans le

secteur des transports ………………………………………………………………….………… p.46

1. Au départ, des constats simples ……………………………………………...….. p.46

2. Une opportunité business favorisée par le déclin des entreprises traditionnelles

du transport et de l’avènement de l’économie collaborative ………………….. p.48

3. Un vide législatif favorisant l’activité des startups …………………………….... p.50

4. Un schéma décentralisé pour un impact à grande échelle …………………… p.52

5. Une situation « Win-Win-Win », saint-graal de la mobilité 2.0 ……………….. p.53

B. La flexibilité des acteurs, pierre angulaire du secteur des transports collaboratifs ……. p.54

1. Une perméabilité permanente entre l’offre et la demande ………………….. p.54

2. Conjointement, une adéquation entre ressources et besoins ………………. P.56

3. Une adaptation aux nouvelles aspirations de la demande : sécurité, confiance et

proximité …………………………………………………………………………… p.57

4. La notion de temps réel et de fléxibilité des nouveaux acteurs ……………… p.58

5. La réponse à un besoin par une proposition de service à forte valeur ajoutée p.60

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 7

C. Une vision inédite du schéma entrepreneurial par le prisme du capital social …….…… p.61

1. Le capital social, une nouvelle composante indispensable …………………… p.61

2. Le profil de ses entrepreneurs sociaux : les acteurs du changement ………. p.64

3. Un rôle social à relativiser ………………………………………………………… p.66

PARTIE 3 : CONFRONTATION DES RÉSULTATS DES ENTRETIENS ET DE

L’INVESTIGATION DOCUMENTAIRE ……………………………………………………..…. p. 69

A. Le modèle économique du XXIem siècle ……………………………………………….…… p. 69

1. Les fondations de la nouvelle économie ………………………………………..… p. 69

2. Le modèle P2P : People-to-People ……………………………………………….. p.72

3. Des entrepreneurs axés sur une nouvelle conception des 4P …………………. P.74

4. La rentabilité économique des nouveaux modèles économiques ……………… p.76

B. L’apparition d’une nouvelle ère …………………………………………………………….… p.77

1. L’utilisation des ressources disponibles …………………………………………… p.77

2. Les valeurs fondamentales de l’économie du partage …………………………… p.77

3. La révolution numérique à l’âge de la troisième révolution industrielle ………... p. 78

CONCLUSION ………………………………………………………………………………….… p. 80

BIBLIOGRAPHIE ………………………………………………………………………………… p. 83

VOLUME 2�: ANNEXES OBLIGATOIRES ……………………………………………………. p.88

ANNEXE A : FICHES BIBLIOGRAPHIQUES ET BILIOMÉTRIQUES …………………….. p.89

ANNEXE B : FICHE DE TRAÇABILITÉ DES RECHERCHES DOCUMENTAIRES ….... p.173

ANNEXE C : TABLEAU CROISÉ DES CITATIONS …………………………….……….… p.178

ANNEXE D : IDENTIFICATION DES ENTREPRISES ET DES PERSONNES

RENCONTRÉES ……………………………………………………….………… p.179

RÉSULTAT BRUT DES ENTRETIENS ……………………………………………………… p. 183

VOLUME 3�: ANNEXES FACULTATIVES ……….………………………………………….. p.225

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 8

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 9

VOLUME 1 : MÉMOIRE DE RECHERCHE

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 10

La mobilité 2.0

Le capitalisme est resté figé dans une monotonie profitant à une élite affairiste. La crise de

2008 a entraîné la remise en question du capitalisme en l’état. Depuis son avènement au

XIXem siècle, c’est la première fois qu’un nouveau modèle économique se distingue :

l’économie collaborative. À l’heure de la co-révolution, c’est une toute nouvelle façon de vivre,

de consommer qui a fait son apparition. On ne parle plus de consommation de masse mais de

consommation collaborative, plus de management mais de management collaboratif, plus de

concurrence mais de coopétition, le tout dans une société civile et responsable. La société

collaborative redonne sens à nos actes, vers une société plus humaine et de partage.

La seconde révolution industrielle, fleuron de l’évolution technologique, fut une avancée

spectaculaire dans notre façon de vivre et consommer.

En 1916, il y avait aux Etats-Unis 3,4 millions de voitures immatriculées qui circulaient sur les

routes, c’était 23 millions en 19301. Rien qu’à lui, le secteur de l’automobile consommait :

« 20 % de l’acier, 12% de l’aluminium, 10 % du cuivre, 51 % du

plomb, 95 % du nickel, 35 % du zinc et 60 % du caoutchouc

utilisés aux État-Unis en 1933 »2.

La prolifération du nombre de voitures dans le monde fut spectaculaire. Aux Etats-Unis, le

financement de l’industrie automobile et des réseaux routiers a été pris en charge

majoritairement par le capital privé (Ford, General Motors et Chrysler). Cette révolution

industrielle a transformé l’économie de marché mais également l’organisation spatiale des

villes avec la création des banlieues. En réduisant le prix des biens et services et en

optimisant les chaînes de production durant le XXem siècle, ce système a permis le

développement de cette économie de transport, en faisant des gains d’efficacité et de

productivité. Au sommet de cette pyramide régnait une concentration de compagnies

pétrolières. Dans un temps où le monde était régi par le pétrole et la production en chaîne,

Ernest Bevin, homme d’État britannique, avait dit non sans humour :

« Le royaume des Cieux fonctionne peut-être à la vertu mais le

royaume de la terre fonctionne au pétrole ».

1 Daniel Yergin, Les Hommes du pétrole 2 Mowbray, Road to ruin, Philadelphie, 1969, p.15

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 11

Suite à l’industrialisation et l’électrification des territoires, de nombreuses entreprises se sont

accaparées des marchés cibles afin d’être seul représentant, ou à plusieurs, d’un produit pour

ne pas être concurrencé, en freinant les progrès technologiques. À l’image de cette démarche,

le cartel Phoebus, composé de Philips, General Electric, La Compagnie des Lampes, Osram,

Tungsram, Associated Electrical Industries, mis en place entre 1924 et 1939 a tenté de mettre

en place un oligopole sur la fabrication et la vente des lampes à incandescence. Alors qu’une

lampe pouvait fonctionner durant plusieurs années, le cartel a limité la durée de vie d’une

ampoule à 1000 heures. Le cartel Phoebus est, selon des experts, l’une des premières

tentatives en terme de recherche d’oligopole à grande échelle mais aussi le premier échec de

ce type. Cependant, le changement de paradigme entraîne une partielle transformation de

l’utilisation de ces ressources grâce aux différentes innovations constatées au tout début du

XXIem siècle.

Selon Kuhn, philosophe et historien des sciences, un paradigme est un système de croyances

et de postulats qui créent conjointement une vision du monde intégrée, unifiée, si

convaincante et impérieuse qu’on la confond avec la réalité même. Finalement, ce que l’on

tient comme vérité évidente ne peut être critiquée dans le sens où il paraît refléter l’ordre

naturel des choses, comme l’explique Jeremy Rifkin3. Nous nous sommes inscrits depuis

plusieurs décennies dans un modèle qui avait fait ses preuves et apporté abondance et

prospérité, que nous ne pouvions pas remettre en question étant donné sa réalité objective

dans nos vies. Son mécanisme est incrémenté dans nos comportements et notre vision du

monde, ainsi que dans l’économie mondiale, mais il fait face aujourd’hui à un nouveau

paradigme économique. Jeremy Rifkin explique que l’économie capitaliste est attaquée sur

deux fronts :

1. l’apparition du croisement de différentes données venant de différentes disciplines

(chimie, biologie, ingénierie, architecture, urbanisme, technologie de l’information

etc…) qui, contrairement au capitalisme, révèle de nouvelles lois ;

2. la propension de l’Internet des objets – l’Internet des objets ou IdO, qui représente

l’extension d’internet à des choses du monde physique.

Le socle du capitalisme reposait sur la richesse, la productivité, l’équilibre budgétaire et les

droits de propriété4. Dans la nouvelle conception de l’économie, le capital social devient tout

aussi important que le capital financier.

3 Jeremy Rifkin, La nouvelle société du coût marginal zéro, chap. I, p.22 4 J. Rifkin, La troisième révolution industrielle, chap. Capital financier contre capital social, p.309, l.11

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 12

La consommation collaborative, malgré ses déclinaisons multiples, se décrit en quelques

mots : l’usage plus que la propriété, « moins de biens plus de liens ». Elle est aujourd’hui une

réalité, pas encore appliquée par la majorité, mais reconnue mondialement. L’économie

collaborative prouve l’adaptation des individus à un contexte économique. Selon Jeremy

Rifkin :

« Nous entrons dans un monde partiellement au delà des marchés, où nous

apprenons à vivre ensemble, toujours plus interdépendants, sur un

communal collaboratif mondial.5 »

Quand on sait qu’une perçeuse ne sert que durant 12 minutes6 après son achat, et qu’une

voiture reste 92 % de son temps à l’arrêt, il est légitime de revoir notre façon de consommer et

d’acheter. On nous a appris à posséder, c’est une valeur in fine de la seconde révolution

industrielle. Mais aujourd’hui, le marché et la planète ont atteint leurs limites respectives. Il ne

s’agit plus de se poser la question si oui ou non l’économie collaborative sera le futur de

l’économie mais quelle sera l’alternative au capitalisme, même si l’économie collaborative a

fait un grand pas en avant.

Une définition unique de l’économie du partage est difficile à délimiter. Le magazine Forbes la

définit comme « tout système socio-économique reposant sur le partage d’actifs humains et

matériels » et estime le chiffre d’affaires de ce secteur à 3,5 milliards de dollars en 2014.

Quant à Rachel Botsman, celle-ci parle de « partage d’actifs sous-utilisés » et distingue 3

systèmes de consommation collaborative :

1. Système de service de produit (Product Service System) : avoir accès à un

produit sans en être le propriétaire (exemple : Zilok, location entre particuliers)

2. Marchés de redistribution (Redistribution markets) : la plateforme e-Bay en est le

meilleur exemple.

3. Styles de vie collaboratifs (Collaborative lifestyles) : avoir accès à un bien non

tangible ou service de particulier à particulier (couchsurfing, crowdfunding).

De nombreuses startups se sont créées sur ce modèle et elles ne sont pas toutes récentes.

Ebay s’inscrit dans ce modèle car elle part d’une intention simple, revendre entre particuliers

sur Internet, c’est ce que l’on nommera le pair à pair (peer to peer en anglais). Pour prendre

l’exemple le plus récent, Airbnb est un marché virtuel pour de la location d’espace de

particulier à particulier. Le concept provient d’un constat simple, l’inoccupation d’espaces 5 « La nouvelle société du coût marginal zéro », Jeremy Rifkin, LLL. 6 CNIID, nov 2011, Partager l’usage des objets et moins produire de déchets

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 13

libres. Alors que l’espace devient une denrée rare et chère pour les 7,2 milliards de personnes

vivants sur Terre, Airbnb a su mettre à profit l’espace inoccupé au service des individus.

Les startups sont le résultat d’idées ingénieuses d’une nouvelle génération impliquée dans les

problèmes que rencontrent les sociétés à ce jour. Ces startups sont l’essence d’une

alternative suite à un problème rencontré. Leur rôle, bien plus que rendre un service ou fournir

un produit, est de trouver une solution à un monde figé et voué à sa perte : retrouver l’équilibre

et assurer la pérennité des générations futures. C’est la recherche de la mutualisation des

risques et vers un renversement de la responsabilité que se tourne ce modèle.

L’observatoire Altimer Research a rédigé un constat simple en 2013, l’économie collaborative

modifie nos habitudes de consommations et bouleverse l’économie traditionnelle de manière

fondamentale.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 14

PARTIE 1 : ÉTUDE DE L’ÉCONOMIE DU PARTAGE DANS LE SECTEUR DE LA MOBILITÉ À TRAVERS LES SOURCES PROFESSIONNELLES ET ACADÉMIQUES

Le transport à l’heure de l’économie collaborative

Le monde actuel vit dans un nouveau paradigme économique auquel le marché doit répondre.

Cette mutation est en cours et transforme l’organisation de nos sociétés. La mobilité est

aujourd’hui devenue la valeur centrale qui structure le commerce et unifie nos échanges.

Selon l’essayiste américain, Jérémy Rifklin, nous sommes actuellement en train de passer de

la verticalité de l’ère charbon-pétrole à l’horizontalité de l’ère internet. À ce titre, il convient

d’examiner la conversion de nos sociétés face à l’émergence de l’économie collaborative (A).

Aujourd’hui, tous les secteurs d’activité sont touchés par ce nouveau modèle de partage,

notamment le secteur des transports. C’est dans ce domaine en particulier que l’économie

collaborative déploie une grande partie de ses ressources, remettant en cause tout un

système (B). Concrètement, ce mode de consommation, en pleine expansion dans le secteur

de la mobilité, nous amène à nous interroger sur l’identité de ces acteurs et leurs réelles

motivations dans ce nouveau schéma économique (C). Après avoir examiné ces multiples

bouleversements, il apparaît pertinent, en dernier lieu, de se pencher sur les principes et les

soubassements de cette économie particulière, dans le secteur des transports (D).

A. Une société en complète transformation

Nous sommes actuellement en train de vivre un bouleversement au sein de nos sociétés qui

se matérialise au niveau de nos modes de consommation. La consommation collaborative est

en train de concurrencer sérieusement le modèle capitalistique. Il convient de s’interroger sur

les origines et les manifestations de ce nouveau type d’économie.

1. La crise de 2008 : le point de rupture

Nos sociétés font face à des bouleversements, forts et nombreux, remettant en cause les

fondements traditionnels sur lesquels s’appuyaient les états et les sociétés, en matière

économique. La crise économique et financière de 2008 a été le principal déclencheur. La

crise des subprimes s'est déclenchée au deuxième semestre 2006 avec le krach des prêts

immobiliers (hypothécaires) à risque aux États-Unis (les subprimes), que les emprunteurs,

souvent de condition modeste, n'étaient plus capables de rembourser. La crise de 2008 est

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 15

venue amplifier une situation économique française déjà en perte, dans une économie en

manque de croissance et de réformes structurelles. Elle a entraîné l’apparition de nouvelles

formes de consommation où le facteur de solidarité est primordial. C’est surtout la crise de

confiance envers l’économie de marché qui a remis en cause ce système et la recherche de

nouvelles alternatives. Le socle sur lequel reposait l’économie capitaliste a vacillé : la

confiance a été perdue.

Les conséquences de la crise de 2008 sont encore présentes en France : stagnation de la

croissance totale, augmentation du nombre de chômeurs, dégradation des finances publiques,

augmentation de la dette publique, augmentation des impôts et prélèvements obligatoires

annuels… sans compter les différents crises politico-sociales (affaire Cahuzac etc…). 7 ans

après, les effets sont encore mesurables. Dans ce contexte, de nombreuse personnes ont

identifié ou proposé une nouvelle façon de consommer en dehors du champs d’application

des acteurs traditionnels.

C’est dans cette optique que Rachel Botsman7 met en relief l’ouverture des individus aux

nouveaux accès à la consommation : une consommation collaborative vouée à la recherche

du « prix prêt à payer » (plutôt que le prix imposé) et de lien social. Déçus par une économie

figée et élitiste, les individus se sont tournés vers une économie plus ouverte, plus

transparente et plus humaine. L’économie collaborative est un fait, elle pourrait être

considérée comme une suite logique au capitalisme et à la crise de 2008. De nombreux

experts et économistes convergent vers une même affirmation : la fin du consumérisme et le

changement de comportements.

Les monopoles du XXem siècles sont bousculés par une force incalculable, une économie

hybride, mi-marché, mi-communal : les communaux collaboratifs8. Le capitalisme a donné

depusi 2008 une image négative de son interprétation de la nature humaine, de sa politique,

de son économie et a entamé son lent déclin. Les différents États sont voués à une forte

coopération et une grande transparence, sous la pression d’un collectif organisé pour servir

l’intérêt général et non celle d’une élite.

Outre la crise économique et financière, il existe un autre facteur essentiel dans l’apparition de

la consommation collaborative.

7 Auteur du livre « What’s mine is yours ». 8 Communaux collaboratifs : nom traditionnel des terres gérées collectivement utilisé par Jeremy Rifkin pour définir les pratiques collaboratives actuelles du cyberespace.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 16

2. La recherche du prix inférieur ou du PPAP – prix prêt à payer.

Entre l’obsolescence programmée9 et les pratiques commerciales trompeuses qui induisent en

erreur le consommateur et le rende plus méfiant, son rapport à l’économie est devenu de plus

en plus méfiant. Selon l’observatoire Viavoice-BPCE10, à l’automne 2012, 57 % des français

estimaient que leur pouvoir d’achat allait baisser.

Suite à la crise de 2008, la première des conséquences a été la recherche du coût inférieur

avec le développement du low-cost (technique tarifaire consistant à décomposer tous les

éléments constitutifs du prix, pour les optimiser et les rendre optionnels pour le client11). Le

consommateur est de plus en plus soucieux de son avenir, de sa capacité de pouvoir subvenir

à ses besoins et à ceux de sa famille. La consommation collaborative et ses concepts ont su

apporter une réponse financière à cette inquiétude.

S’inscrivant dans le modèle de l’économie collaborative, les plateformes d’autopartage ont des

prix qui peuvent être jusqu’à 3 fois inférieurs au prix d’un billet de TGV pour le même trajet.

Les prix sont généralement inférieurs à ceux proposés par les acteurs traditionnels, les

acteurs de l’économie collaborative ayant moins de coûts fixes.

L’économie collaborative apporte donc des réponses à la baisse de pouvoir d’achat engendré

par la crise économique de 2008.

3. Le coût marginal zéro des nouvelles entreprises

Aujourd’hui, pas loin d’un tiers de l’humanité peut partager ses propres informations, vidéos,

textes, images, à un coût marginal proche de zéro. Avec l’Internet, nous avons eu accès à de

nombreuses opportunités. Internet a ainsi ouvert des portes dont l’accès était alors impossible.

Wikileaks, plateforme de partage pair à pair a pour objectif de divulguer des informations

confidentielles. Son but étant la transparence planétaire, il apporte des réponses ou du moins

des informations auxquelles nous n’aurions jamais eu accès auparavant.

La société du XXIem siècle tend vers une économie basée sur la recherche du coût zéro. Pour

exemple, alors que le troc était une pratique ancestrale, il revient de manière fondamentale

dans nos habitudes de consommation. À toujours produire plus, nous envahissons notre 9 Nom donné à l'ensemble des techniques visant à réduire la durée de vie ou d'utilisation d'un produit afin d'en augmenter le taux de remplacement 10 Baromètre Viavoice-BPCE 11 Dominique Beaulieu

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 17

espace personnel de biens que nous n’utilisons pas, nous les possédons seulement. Le troc

peut devenir un contre pouvoir à celui de l’argent.

Le coût marginal zéro entraîne une certaine gratuité dans l’acte d’achat. On peut citer

l’exemple de Kyle MacDonald qui a réussi à échanger une trombone rouge contre une maison

dans la ville de Kipling12. Il a utilisé les bases du commerce pour arriver à ses fins.

Les changements technologiques ou « innovations sismiques » comme les décrivent

Summers et Delong, réduisent considérablement les coûts marginaux. Ces transformations

vont être ce que l’électrification a été à la seconde révolution industrielle. Comme le dit J.

Rifkin, les entreprises qui sont inscrites dans un marché oligopolistique « ont tout intérêt à

bloquer le progrès pour protéger la valeur du capital investi dans une technologie dépassée. »

Les entreprises traditionnelles sont dépassées par les coûts auxquels elles font face.

Blablacar, premier concurrent de la SNCF, répertorie des coûts sensiblement plus faibles que

la SNCF pour une offre identique.

Comme l’a spécifié Jérémy Rifkin dans son livre La nouvelle société du coût marginal zéro :

« Comment une chaîne hôtelière gigantesque, avec ses coûts

fixes élevés, pourrait-elle concurrencer des millions d’espaces

privés partageables à des coûts marginaux faibles et même quasi

nuls ? ».

À l’image d’Airbnb, comment les grands constructeurs automobiles/loueurs de voitures, avec

leurs coûts fixes élevés, pourront-ils concurrencer des millions de voitures privées

partageables à des coûts marginaux faibles et même quasi nuls ? C’est ici toute la question de

l’économie collaborative.

4. La démographie : vecteur de mobilité

Nous sommes de plus en plus d’êtres humains à posséder une automobile à la recherche de

mobilité. Se déplacer est devenu depuis plusieurs décénies un élément fondamental dans la

vie d’un être humain. Hormis les pays très pauvres, les moyens de transports se sont

développés à une vitesse égale à celle de l ‘augmentation de la population afin de satisfaire

12 Le blog de Kyle MacDonald, One red paper clip, http://oneredpaperclip.blogspot.fr/

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 18

au mieux la demande en déplacements. La grande majorité des pays est équipée de moyens

de transport et d’infrastructures permettant de se déplacer. Aux Etats-Unis, on compte 770

voitures pour 1000 habitants13, soit environ 7 personnes sur 10 sont propriétaires d’une

voiture. En France, c’est 582 voitures pour 1000 habitants. En Chine, on compte 70 voitures

pour 1000 habitants.

La Chine, première puissance économique mondiale, est confrontée à l’augmentation rapide

de sa population, elle représente actuellement 19,2% de la population mondiale14. Aujourd’hui,

elle est confrontée à de nombreux problèmes quant aux déplacements de sa population et des

effets in fine : embouteillages géants15, niveau de pollution hautement élevé, saturation des

moyens de transport, sécurité routière, impact psychologique sur les automobilistes,

insuffisance de parkings. Le futur de la mobilité en Chine est un enjeu de taille. Avec l’éventuel

afflux de 100 millions de travailleurs ruraux vers les grandes villes en 2020, la Chine se doit

d’intégrer un système de transport intelligent et durable. Le futur de la mobilité en Chine est

déterminant. L’analyse de 7 facteurs constitutifs de la mobilité dont l’auto-partage apporte des

réponses aux problématiques que rencontrent de nombreux pays. Les véhicules électriques,

l’auto-partage et les applications liées aux transports vont connaissent une croissance

exponentielle16. Les nouvelles mobilités tel que le partage de vélos sont de nouvelles solutions

simples et efficaces.

En France, lors du séminaire de « La France en 2025 », Frédéric Cuvillier, Ministre délégué

aux Transports, a présenté son rapport qui mettait l’accent sur l’augmentation de la mobilité et

du trafic voyageur (1,7% par an17). Les besoins en mobilité dans les grandes métropoles ne

vont cesser d’augmenter d’ici les 12 prochaines années. La France, comme la plupart des

pays européens devront faire face à une recrudescence de la demande en déplacement. Cela

passera bien évidemment par la promotion des nouvelles technologies mais aussi par

l’ouverture à la concurrence. Différentes dispositions ont été mises en place à Paris par

exemple, le service d’autopartage Autolib’, défini comme une alternative à la voiture

individuelle et un service à forte valeur ajoutée de part les places de stationnement

disponibles et de ce service en trace direct18. Ce service de mobilité est initiateur, comme le

13 Étude réalisée par l’observatoire de Cetelem de l’Automobile. 14 Estimation de l'Institut national d'études démographiques 15 En 2010, un bouteillage géant de 100 km a contraint certains automobilistes a rester plus de 5 jours coincés sur l’autoroute (source : lemonde.fr) 16 PR Newswire, - Julie Zheng, Corporate Communication – China, Frost & Sullivan 17 Keolis, octobre 2013, La mobilité à l’heure du partage 18 Étude réalisé par ADEME pour Autolib disponible ici : http://6t.fr/download/AD_DossierPresse_140515.pdf

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 19

sont les Vélib’, du changement qu’opèrent les sociétés quant à la problématique de la mobilité

et de l’augmentation de la demande en déplacement.

Le 15 janvier 2015, le CEO de Blablacar, Frédéric Mazella a confirmé sur BFM Business son

intention de s’implanter en Inde après s’être implanté en Turquie en septembre 2014. En

raison de différents éléments : transports en commun saturés, augmentation du prix de

l’essence et surtout une population connectée, on constate que 75% des 15-34 ans sont

connectés. L’Inde est le deuxième pays le plus peuplé au monde avec 1,250 milliard

d’individus qui se déplacent et cherchent à optimiser leur déplacement. Frédéric Mazella s’est

exprimé sur le sujet :

« 23 millions de personnes se déplacent, chaque jour, en train en

Inde. Les transports sont chers et pas toujours disponibles. Il faut

s’y prendre à l’avance, sinon il n’y a plus de places »

La démographie est bien trop souvent un élément que l’on omet et pourtant, sa conséquence

sur la mobilité de demain sera le premier facteur des nouvelles innovations en terme de

mobilité 2.0.

5. Changement de mentalité : vers une nouvelle conception du « way of life »

Suite à la crise de 2008, le rêve de beaucoup d’américains19 s’est transformé en cauchemar.

Plusieurs millions de personnes ont perdu leur maison, leur travail, leur pouvoir d’achat, et par

la même occcasion, leur confiance en l’État. Thomas Friedman a écrit dans le New York

Times :

« 2008 fut le jour où nous nous écrasions contre le mur – quand la

mère nature et le marché ont dit ‘Vous n’irez pas plus loin’ »20

Rachel Botsman, affirme que nous sommes programmés pour partager et nous montre

comment des sites web tels que Zipcar ou Swaptree changent les règles du comportement

humain.

19 « American Dream » : est l'idée selon laquelle n'importe quelle personne vivant aux États-Unis, par son travail, son courage et sa détermination, peut devenir prospère. 20 « 2008 was when we hit the wall – when Mother Nature and the market both said : « No more » », traduction française, Robin Goudé.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 20

L’observatoire Cetelem21 a mis en avant une étude intéressante sur le rapport qu’entretiennent

les individus avec l’automobile. Un quart d’entre eux pense qu’une voiture sera la propriété de

plusieurs personnes et un autre quart pense que l’automobile ne sera plus un produit en soi,

mais un service que l’on rémunèrera à l’usage. Mais c’est 73 % de l’échantillon qui pense que

l’auto-partage ou covoiturage connaitra un véritable développement dans les prochaines

années.

Ce n’est pas qu’une simple vision subjective de la société mais une remise en cause du

monde dans lequel nous vivons et de notre comportement. Nous sommes les seules espèces

sur terre à payer pour vivre. Petit à petit, les individus sont de plus en plus nombreux à se

rendre compte du changement de paradigme. La réalité objective est en train d’être bousculée

par une nouvelle génération qui met en relief les nouvelles pratiques de consommation. Selon

Lauren Anderson, la consommation collaborative pourrait être au XXIem ce que la révolution

industrielle a été au XIXem siècle ; un changement profond. Reconnue à travers le monde, la

consommation collaborative est citée par le Time Magazine comme l’une des dix idées qui va

changer le monde et est désignée comme l’une des 12 tendances de consommation par

l’institut d’étude « Trendwatching ». Force est de constater que l’économie collaborative

répond à un besoin mais aussi à des enjeux environnementaux et sociétaux préoccupants.

6. La mobilité collaborative au service des territoires et des français

Le covoiturage, l’autopartage et autres pratiques de mobilité collaborative sont inscrits depuis

plusieurs années dans le paysage français mais son utilisation était restée géographiquement

limitée. De nombreuses communautés ou agglomérations ainsi que de nombreuses

entreprises ont mis en place un système de covoiturage. L’apparition des plateformes de

covoiturage sur internet a permis la mise en valeur de ces pratiques et surtout sa

popularisation auprès de particuliers.

La mobilité collaborative est prise au sérieux par le gouvernement car elle apparaît comme

une réponse aux problématiques de mobilité. Elle impulse un nouveau mode de transport qui

s’organise grâce à différents acteurs.

Ecolutis est une société « spécialiste du covoiturage en situation de mobilité pour les

collectivités et les entreprises ». Elle a notamment lancé la plateforme IDVROOM, le service

de covoiturage de proximité de la SNCF. De nombreux clients de la société, que ce soit des 21 Étude réalisée sur des individus : Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni et Turquie

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 21

communes, des universités, des agglomérations, des régions, des entreprises, des banques,

des lieux sportifs, des départements ou des aéroports ont fait appel à eux dans l’objectif de

développer une plateforme de covoiturage. On constate l’hétérogénéité des clients, ce qui

entraîne le développement de ce moyen de transport par et pour tout le monde.

De même, la communauté d’agglomération Sophia Antipolis, de Tours, de Castelroussine, de

Seine-Eure, la région de Charente maritime et l’Assemblée Nationale ont leur propre service

de covoiturage.

7. La mobilité 2.0, la solution d’un monde en crise : des transports à moindre

frais et sécurisé

L’avénement de ce que l’on nommera la mobilité 2.0 vient principalement du changement de

comportement suite à la crise de 2008. Les individus ont moins confiance en leur

gouvernement et porte un jugement dur face à leur capacité à régler les problèmes et

répondre aux besoins. Les nouvelles entreprises telles que Uber ou Blablacar proposent des

services qui répondent aux besoins des individus. Des services basés sur la confiance, une

confiance retranscrite à travers l’e-reputation. Ces nouvelles entreprises offrent un modèle qui

propose les mêmes services qu’une entreprise traditionnelle mais avec tous les avantages en

plus : rapidité, convivialité et prix intéressant.

L’économie du partage est la suite logique à un monde en crise. La perte de confiance subie

par les indidus obligent ceux-ci à se retourner vers un modèle alternatif. Hormis le fait que les

individus se tournent vers de nouvelles offres, ils y trouvent aussi un gain économique et

social auquel ne répondait plus le modèle traditionnel. Les prix des billets de trains sont

jusqu’à trois fois plus chers qu’une place dans une automobile partagée, d’où la désaffection

d’une partie des français les moins aisés pour les trains.

Le modèle de l’économie du partage a atteint une masse critique assez importante et a

apporté assez de preuves sociales22 pour prétendre être le renouveau de l’économie

d’aujourd’hui.

B. L’avènement de la consommation collaborative dans le secteur de la mobilité

22 « Social proofing » et « critic mass », 2 éléments crucials au développement d’une activité collaborative selon Rachel Botsman, chap 2 Groundswell, p.82, l.20.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 22

L’automobile était le cœur de la seconde révolution industrielle. Au tournant de la troisième

révolution industrielle, elle est encore au cœur des changements qui s’opèrent. L’automobile

rentre en ligne de mire des nouvelles préoccupations des individus : diminution de l’empreinte

carbone et économies d’énergie.

Une automobile reste la plupart du temps inactive. Au quotidien, elle sert à se déplacer d’un

point A à un point B puis du point B au point A. L’automobile, l’objet phare de la seconde

révolution industrielle est dans l’espace un moyen de transport qui a complètement modifié

notre façon de se déplacer : autonomie et flexibilité ont été le moteur du développement de

l’automobile. Il reste aujourd’hui le moyen de transport le plus utilisé au monde. Mais en terme

de temporalité, la façon d’utiliser l’automobile est remise en question à différents niveaux : les

coûts imputés (en moyenne, une voiture coûte de 400 à 500 euros par mois23 même

inutilisée), les enjeux environnementaux et la recherche de lien social.

La mobilité est la notion fondatrice de l‘économie du partage, c’est dans ce secteur que sont

apparues les premières pratiques collaboratives. Le covoiturage est une pratique qui existe

depuis plusieurs décennies mais qui trouve son avènement aujourd’hui.

1. Les signes de transformations actuelles

On assiste à la mise en valeur des communaux collaboratifs et de leur impact sur l’économie

traditionnelle. Comme l’a affirmé l’observatoire IPSOS24, les pratiques collaboratives ne sont

pas un phénomène de mode et sont amenées à se développer dans les années qui suivent de

manière exponentielle. La forte crise qui a touché l’économie mondiale a permis aux individus

de se retourner vers un outil pratique et parfois sans intermédiaire - Internet – pour partir à la

recherche de bons plans. La volonté des individus de s’écarter de la société de consommation

actuelle est forte et ne cesse de croître, les individus, tels que les locavores25, ont la volonté

de reprendre le contrôle de leur consommation. À cet égard, le collectif Oui Share s’est

construit sur cette volonté de partage, de collaboration et de contribution.

23 Vive la co-révolution, Pour une société collaborative, Anne-Sophie Novel et Stéphane Riot 24 IPSOS, Les français et les pratiques collaboratives, Janvier 2013 25 Individus prônant la consommation de nourrtiture produite dans un rayon allant de 100 à 250 km autour de son domicile

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 23

Dans le secteur du transport, selon l’observatoire Viavoice-BPCE 26 :

« 40 % des utilisateurs de voiture envisagent d’utiliser "de moins

en moins" leur voiture, 31 % des voyageurs en train de "moins"

prendre le train et 28 % des voyageurs aériens de "moins" prendre

l’avion. En revanche, 29 % des Français envisagent de "faire du

covoiturage pour des trajets longue distance avec des proches",

score singulièrement élevé en regard des intentions de restrictions

sur les transports traditionnels. »

Quand on sait que 400 millions de dollars ont été investis dans des start-ups de la

consommation collaborative en 2012 aux Etats-Unis, le mouvement n’est plus à ses débuts et

son impact n’est pas égal à zéro. Telle une fusion dite nucléaire, le mouvement se développe

dans les grandes capitales pour venir se greffer aux banlieues et dégager une forte énergie

jusque dans les provinces.

L’université du Michigan avait mis en relief une étude montrant le détachement des jeunes

générations à l’égard de la possession du permis de conduire ; entre 1983 et 2008, chez les

25-29 ans, la possession du permis de conduire a baissé de 10%.

Selon l’Observatoire Cetelem, l’automobile sera pour un quart d’entre nous un bien que l’on

possède à plusieurs et pour un autre quart, un service que l’on paie quand on en a besoin.

Cependant, elle restera tout de même un bien dont on restera l’unique propriétaire pour une

personne sur deux.

Alors qu’il y a 20 ans, l’automobile était majoritairement considérée comme un symbole

d’ascension et de réussite sociale, aujourd’hui, l’automobile est associée à la liberté,

l’indépendance et l’autonomie27 mais devient de plus en plus un lieu d’échanges et de lien

social.

Dans la tourmente que génère toute cette nouvelle économie, même Bill Ford, président

exécutif du géant de l’automobile Ford avait avoué dans un interview pour la CNN en 2009 :

26 Baromètre Viavoice-BPCE : Fêtes de fin d’année, transports : vers des réductions de dépenses et de nouveaux comportements économiques. 27 L’observatoire Cetelem

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 24

« L'avenir du transport sera un mélange de choses comme Zipcar,

les transports publics, et la propriété privée de la voiture. Non

seulement je ne crains pas cela, mais je pense que c’est une

grande opportunité pour nous de participer à la nature changeante

de la propriété de voiture28 ».

Dans ce contexte, on se rend compte de l’importance du phénomène auquel même les

constructeurs automobiles se sont soumis car, non ce n’est pas qu’une idée mais belle et bien

un service que de nombreux français utilise tous les jours.

2. Un secteur en pleine expansion

Suite à la crise pétrolière de 1973, aux Etats-Unis, beaucoup de travailleurs et étudiants ont

été encouragés à partager leur véhicule pour faire face à la crise. En Europe, ce sont dans les

années 1990 que le covoiturage s’est développé et provient de différentes mesures apportées

par les gouvernements pour augmenter le taux d’occupation des véhicules. En France, c’est

lors des grandes grèves en 1995 qui ont entrainé la paralysie des transports collectifs que la

propension d’individus utilisant le covoiturage est passée de 6 à 11%29.

Aux Etats-Unis, l’apparition d’entreprises d’autopartage n’en finit plus : City Wheels, Hourcar,

Philly Car Share, I-Go, City Car Share etc… La nouvelle mobilité s’installe, et ses réseaux à

but non lucratif permettent à des milliers d’usagers de se déplacer. Dans le monde, les

entreprises opérant sur le secteur du transport de passagers se développent : Communauto,

Transdev, LeCav, Suppershuttle, GoGet, Liftshare, Enterprise, Ouicar, Buzzcar, Drivy,

Koolicar, Zimride, Zipcar, WeCab (Taxi G7), Driver, Tripndrive, Allocab, Snapcar, Vadrouille-

covoiturage, Blablacar, covoiturage-libre, Djump, Heetch, Wayz Up, Lyft, Uber, Citygoo etc…

Toutes opèrent sur des marchés différents avec des offres différentes et certaines

particularités (cf benchmark des acteurs du transport de passager C.1.).

I-Go, aux Etats-Unis, propose même un service innovant avec la possibilité de réaliser un

trajet avec plusieurs moyens de transport en passant du train à la voiture et au vélo.

28 Phrase original : « The future of transportation will be blend of things like Zipcar, public transportation, and private car ownership. Not only do I not fear that, but I think it’s a great opportunity for us to participate in the changing nature of car ownership ». Brian Walsh, ‘Meet Dave, the man who never takes out the trash’, Time, 22 septembre 2008. 29 CERTU, Le covoiturage en France et en Europe, oct. 2007

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 25

Le covoiturage ou partage de trajet n’est pas un phénomène nouveau mais connaît son

apogée en cette période de crise économique, environnementale et sociale. Depuis 2008, le

covoiturage connait une croissance exponentielle. En 2013, 21 % des Français avaient déjà

eu recours au covoiturage et 41 % envisageaient d’y avoir recours30.

Preuve de l’intérêt des consommateurs pour le covoiturage, Blablacar, anciennement

covoiturage.fr, compte 10 millions de membres31. Son expansion est un phénomène mondial

(future implantation en Inde). Les pays comptant une forte hausse de leur population sont

confrontés à un véritable problème de mobilité. La mobilité 2.0 apporte une solution durable et

utile pour les pays en voie de développement.

L’expansion de la mobilité 2.0 n’en est qu’à ses débuts. Si l’on prend une étude récente, 46%

des conducteurs âgés de 18 à 24 ans ont déclaré qu’accéder à Internet était bien plus

important que posséder une voiture. Parmi les marques préférées par les jeunes, pas une

seule n’est une marque automobile. Les jeunes sont en train de changer la vision que l’on

avait auparavant de l’automobile.

Selon Keolis, 5,5 millions de personnes pourraient utiliser l’autopartage en Europe d’ici 2015.

3. Un marché à forte croissance

C’est 1,7 million de personnes qui aujourd’hui partagent des voitures dans 27 pays. Et selon

une étude de Frost and Sullivan, il y aura plus de 200 entreprises d’autopartage en Europe en

2020.

Dans un marché de crise économique, les nouvelles pratiques de consommation collaborative

s’amplifient. En France, c’est 21 % de la population qui a déjà eu recours au covoiturage selon

l’enquête IPSOS et CETELEM et 41 % des non pratiquants souhaitent y avoir recours.

L’économie collaborative a été plus financée que les réseaux sociaux tels que facebook,

twitter, linkedin, youtube et a atteint environ 11 milliards de dollars de financement contre

environ 6 milliards pour les réseaux sociaux.

30 IPSOS & Cetelem, enquête: « Partager sa voiture : une tendance mondiale », échantillon : 10 500 personnes (France, Allemagne, Belgique, Etats-Unis, Italie, Japon, Norvège, Suède, Grande Bretagne). 31 Blablacar.fr – Section blog

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 26

Uber est aujourd’hui valorisé à 40 milliards de dollars et est l’entreprise qui a été la plus

financée avec plus de 2 milliards de dollars (voir annexe 1 ci-dessous). Blablacar aussi

apparaît dans le panel des startups les plus financées. En 2014, de tous les secteurs, c’est le

transport qui a collecté le plus de fonds : 4 942 297 500 $ collectés32

Annexe 1 : Top 30 des startups de l’économie collaborative les plus financées

Dans une étude menée par l’Institut CSA en novembre 2014 pour Uber33,

« les Français font part de leur intérêt pour des offres de transport

complémentaires, à l’instar du transport partagé (54%) qui

consiste en un dispositif permettant aux particuliers de proposer

de transporter d’autres particuliers avec leur véhicule personnel

sur des trajets courts. Ce fort intérêt s’explique par les nombreux

avantages perçus, conjuguant économies, convivialité, souci de

l’environnement et diversité des dessertes. »

32 Ces données sont en accès libre sur Crunch base mais aussi via ce lien édité début janvier 2015 par Crowd Companies https://docs.google.com/a/mailistec.fr/spreadsheets/d/12xTPJNvdOZVzERueyA-dILGTtL_KWKTbmj6RyOg9XXs/edit#gid=1748340913 - 33 Institut CSA pour Uber, Les Français et le transport partagé, Nov 2014

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 27

Le transport partagé s’inscrit dans un mouvement de fond qui se traduit par l’appétence des

français en matière d’économie du partage :

« Une majorité de Français serait prête à proposer ce type de

services partagés (52%) principalement en matière de

covoiturage, de logement et de bricolage. »

Dans une autre mesure, et toujours de la même étude, ces moyens de transport affichent un

véritable intérêt financier pour les adhérents :

« Pour 83% des personnes interrogées (et 85% de ceux qui y ont

eu recours), le transport partagé améliore le pouvoir d’achat de

ceux qui l’utilise. 81% des sondés (90% chez les utilisateurs)

considèrent que c’est un moyen de se rendre dans des zones peu

ou pas desservies par les autres moyens de transport. 80% des

clients trouvent que c’est un mode de déplacement plus

pratique/flexible. »

Le marché de la mobilité 2.0 n’en est qu’à ses débuts, de nouvelles startups se montent tous

les jours sur des marchés de niches afin de répondre aux nouveaux usages et modes de

mobilité.

4. Nouveaux modes et usages de la mobilité

Les français ne confirment pas leur désamour pour l’automobile mais revendiquent une

utilisation différente de celle-ci. En effet, 7% des trajets en voiture ne sont pas réalisés dans

une voiture personnelle34.

Selon l'Observatoire des mobilités émergentes, les services de covoiturage feraient monter le

taux d’occupation moyen d’une voiture de 1,2 à 3,5. Un point positif quand on calcule le

nombre de places inoccupées dans une automobile à chaque trajet. Si chacun de nous roulait

à taux d’occupation complet, quand on sait qu’une voiture partagée enlève 7 voitures sur

l’autoroute, les problèmes liés aux goulots d’étranglements des réseaux routiers n’existeraient

plus et cela réduirait par la même occasion l’impact environnemental.

34 Chronos - Mobilité Cities - Enquête : les nouvelles mobilités, apanage des citadins

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 28

Le covoiturage ou partage de trajet n’est pas qu‘un effet de mode mais une réponse aux

problèmes de fond auxquels sont confrontés l’Homme. C’est pourquoi, inconsciemment,

l’usage que l’on fait de l’automobile diffère de celui des décennies précédentes.

La mobilité n’est plus simplement le déplacement d’un point A à un point B. C’est aujourd’hui

bien plus qu’un service mais un style de vie. Dans la recherche de rencontres réelles affichées

par les Français, la mobilité partagée est un moyen de rencontrer des personnes. Trouver la

mobilité qui nous convient est maintenant possible.

5. L’essoufflement des entreprises traditionnelles : de l’oligopole à la scission

naturelles des marchés

Les acteurs traditionnels voient s’abattre sur eux un tsunami de concurrence. L’impact de ses

nouveaux acteurs sur la scène du transport de passager est largement visible. À l’image des

taxis ou Avis, on constate que les individus tendent vers un réel rejet des acteurs

traditionnels : ces entreprises ne sont plus des lovemarks35 (cf annexe 2 ci-dessous). Les

acteurs traditionnels connaissent une véritable baisse de popularité. À l’inverse, les nouveaux

acteurs sont très appréciés par leur client car ils répondent aux aspirations de la demande.

Annexe 2 : « Love mark » entreprises traditionnelles VS startups issues de l’économie

collaborative

35 Lovemark, Concept publicitaire (Saatchi & Saatchi) selon lequel une marque doit commander le respect et une forte relation affective, en s’appuyant pour cela sur le mystère, la sensualité et l’intimité.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 29

L’utilisation des taxis était depuis longtemps l’une des principales fonction de la mobilité. Il

s’agissait des seuls acteurs présents sur le marché. Le taxi était à l’époque signe

d’affranchissement, d’ascension sociale et de richesse. Aujourd’hui, le taxi n’est plus une fin

en soi, nous convergeons vers un modèle plus collaboratif, où votre voisin vous conduira,

dans l’objecif de réduire tout trajet inutile.

La hausse des tarifs des transports en commun est inéluctable. Elle entraîne une fois de plus

l’abandon des individus pour ce genre de moyen de transport. Un classement, toute mobilité

confondue, a été réalisé par Mobilicities, le portail des transports publics et de la mobilité :

« Les transports en commun se retrouvent à l’avant-dernière place

du classement de satisfaction de toutes les formes de mobilité.

Les meilleures notes reviennent au covoiturage (7,8/7,9 selon que

l’on est conducteur ou covoitureur), à la voiture individuelle (7,6),

au deux-roues (7,4) et au VTC (7,3) qui dame le pion aux taxis (6),

dernier du classement. »

L’évolution technologique et le changement de mentalité opérés au sein des sociétés

entraînent la passage d’un modèle à un autre.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 30

C. Les acteurs de la mobilité au service des individus

Le match de l’économie collaborative contre les acteurs traditionnels bouleverse le paysage

des transports. Les acteurs de la mobilité 2.0 proposent des marchés plus spécifiques,

s’apparentant à des niches parfois.

1. Des acteurs segmentés pour une mobilité optimale

Des grands succès, tel que Blablacar, en passant par les services spécifiques comme Citygoo

jusqu’aux services locaux mis en place par les communautés, les acteurs de la mobilité 2.0

sont multiples.

Nous avons différencié 6 types de mobilité 2 .0 qui s’inscrivent dans l’économie du partage :

• Le covoiturage (Blablacar, covoiturage-libre.fr) ; en aucun cas les chauffeurs sont

des professionnels mais partagent leur trajet dans l’objectif d’augmenter le taux

d’occupation de leur automobile lors de trajet quotidien ;

• L’autopartage (Autolib’, Livop) : consiste à louer sa voiture ;

• Le taxi P2P (Uber, Lyft, Djump) ; il ne s’agit pas du cœur de métier des chauffeurs

mais une accréditation spécifique les lie à un contrat de travail ;

• La location de voiture de particuliers ;

• Le VTC ;

• La commande de taxi.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 31

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 32

2. Des offres en adéquation avec les attentes des individus

On dénombre 6 types de mobilité, à l’intérieur de chaque catégorie, chaque entreprise à sa

spécificité sur le marché. Par exemple, Wayzup propose du covoiturage domicile-travail,

Tripndrive du covoiturage aéroport-gare, Covoiturage-libre se différencie de par son offre en

stipulant être une plateforme complétement gratuite comparée à Blablacar. IDVROOM est une

plateforme développée par la société Ecolutis pour la SNCF afin de prendre le contre-pied à

Blablacar, elle opère sur des trajets domicile-gare. Cette offre de covoiturage est

« complémentaire de celle de la SNCF. Il s’agit de fluidifier le parcours client de bout en

bout », indique Barbara Dalibard, DG de SNCF Voyageurs. Le service de covoiturage courte

distance lancé en septembre 2014, est ciblé sur les trajets domicile-travail et permet,

notamment, de parcourir les derniers kilomètres qui séparent de la gare la plus proche. Les

services d’autopartage aussi se différencient sur leurs offres : Drivenow (Allemagne) est une

plateforme de location de voiture BMW, monautopartage.fr, seulement de voitures electriques,

enfin Driiveme est une plateforme d’autopartage pour le rapatriement de voiture de loueurs.

On constate que chaque service fonctionne autour d’un élément : aller d’un point A à un point

B. Tous proposent de converger d’un point A à un point B mais d’une certaine manière : avec

un chauffeur, en voiture seul, en passager avec un conducteur lambda…

Les innovations en terme d’offres de services sont multiples et ne cessent de se multiplier.

3. Du pouvoir des entreprises à l’« empowerment » des consommateurs

L’information est désormais partagée entre des millions de personnes qui ne se connaissent

même pas mais qui tendent vers un nouvel idéal. Twitter donne la possibilité de communiquer

rapidement et simplement auprès d’une large communauté ouverte et réceptive. Ces réseaux

confèrent aux consommateurs la possibilité de s’agréger à des groupes de plus en plus

importants et puissants face aux marques. Les réseaux donnent aussi la possibilté d’intervenir

directement avec la marque aux yeux de tous. L’implication sur les réseaux sociaux du

Président Obama lors de sa campagne en 2008 montre la propension prise par le numérique

aujourd’hui et met en relief l’impact que suppose internet sur les grandes décisions.

Marian Salzman, CEO chez Havas PR North America, considère que « les individus dirigent le

monde ». Un fait marquant comme lors des différentes immolations en Tunisie, notamment

celle d’un simple vendeur de fruit qui a changé le cours de l’histoire, symbolise ce pouvoir.

Ces nombreuses et tristes réalités ont été relayées par internet. Le Pape François lui-même

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 33

est sorti des conventions historiques pour écrire son premier tweet, un vrai bouleversement

dans sa relation aux fidèles via les nouvelles technologies mais une véritable avancée sociale.

Twitter est la caisse de résonnance de ses millions de voix qui peuvent s’exprimer à un coût

marginal très proche de zéro.

Les individus se sont forgés un pouvoir, le pouvoir d’exprimer leur opinion librement et

gratuitement, mais surtout de s’apercevoir qu’il partage parfois les mêmes besoins. Des

besoins qui ont été identifiés par les startups de la mobilité 2.0.

Du pouvoir des entreprises, on passe au pouvoir des consommateurs, car, finalement il n’y a

pas plus grand pouvoir que la masse, ces millions de gens qui achètent, consomment et

aiment les marques. Il y a plusieurs décennies, la demande se contentait de l’offre disponible,

aujourd’hui, l’offre s’adapte à la demande. Cette demande, changeante et de plus en plus

spécifique, pose de véritables problèmes aux entreprises traditionnelles, tels que les taxis.

L’offre des taxis est inadaptée. De la perception du métier (désagréable) à la satisfaction

client, le métier a pris 15 ans d’âge.

Aujourd’hui, le consommateur via son smartphone, première innovation dans la mobilité 2.0,

commande son chauffeur, connaît son temps d’attente et le prix à payer. Quand un taxi

traditionnel est introuvable, désagréable et cher, le chauffeur particulier est lui social,

géolocalisable et moins onéreux.

Quand le pouvoir d’une entreprise reposait sur son capital, le pouvoir d’une entreprise

collaborative repose sur son nombre de clients. Le rapport de la commission36 sur l’économie

immatérielle met bien en valeur les nouvelles priorités de l’économie du partage :

« Durant les Trente Glorieuses, le succès économique reposait

essentiellement sur la richesse en matières premières, sur les

industries manufacturières et sur le volume de capital matériel

dont disposait chaque Nation. Cela reste vrai, naturellement. Mais

de moins en moins. Aujourd’hui, la véritable richesse n’est pas

concrète, elle est abstraite. Elle n’est pas matérielle, elle est

immatérielle. C’est désormais la capacité à innover, à créer des

concepts et à produire des idées qui est devenu l’avantage

compétitif essentiel. Au capital matériel a succédé, dans les 36 Rapport de la commission sur l’économie immatérielle, L’économie immatérielle, la croissance de demain, Maurice Lévy et Jean Pierre Jouvet

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 34

critères essentiels de dynamisme économique, le capital

immatériel ou, pour le dire autrement, le capital des talents, de la

connaissance, du savoir. En fait, la vraie richesse d’un pays, ce

sont ses hommes et ses femmes. »

Le consommateur tend vers une nouvelle identité, celle du prosommateur et acquiert un

champs de décision non négligeable pour les entreprises.

4. La remise en question des acteurs traditionnels

La remise en question des acteurs tradtionnels est passée par une adaptation de leur propre

l’offre. Alors que les grands acteurs ont souvent freiné l’innovation pour capitaliser sur leur

marché, les nouvelles startups de la mobilité 2.0 ont bousculé leur business modèle par leurs

offres et leurs avancées technologiques.

Ainsi, Taxis G7 a développé une offre de taxi partagé ou privatisé pour les aéroports Roissy

CDG et Orly, Wecab :

« Avec WeCab, profitez d'un taxi Roissy CDG ou d'un taxi Orly à

prix fixe. Que ce soit en taxi partagé ou en taxi privatisé, vous

réservez en ligne et WeCab s'occupe de votre prise en charge et

de votre dépose en respectant les horaires définis. »

La SNCF a aussi fait appel à une entreprise spécialisée, Ecolutis, pour développer sa

plateforme de covoiturage du lieu de résidence à la gare la plus proche, IDVROOM.

IDVROOM n’est pas simplement un service de plus mais c’est tout une stratégie pour faire

face à son concurrent principal, Blablacar. Dans la continuité de cette stratégie, la SNCF a

aussi racheté 2 acteurs du covoiturage : easycovoiturage.com et 123envoiture.com.

Les nouvelles offres et comportements des acteurs traditionnels montrent bien qu’ils ont été

bousculés par ces nouveaux acteurs de la mobilité 2.0 (CQFD). Les acteurs de l’industrie de

l’automobile comme Peugeot ou Renault ont eux aussi mis en place leur propre système.

L’ancienne Responsable de la Recherche et du Développement et de la planification chez

General Motors avait affirmé que :

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 35

« Si l’on remplaçait les voitures personnelles par des voitures

partagées et coordonnées en réduisant d’environ 80% le nombre

de véhicules, on aurait le même niveau de mobilité, pour un

investissement moindre. »37

Malgré l’avancée des acteurs traditionnels dans l’économie du partage, la tentation

protectionniste des grands acteurs est toujours présente comme le sous-entend la Loi

Thévenoud, qui interdisait les VTC d’être repérés par les clients depuis leurs smartphones.

Aujourd’hui, confrontée à la réalité du marché, la loi est pleine de failles.

Cependant, les individus inscrits dans le paradigme capitaliste doivent laisser place à la

nouvelle génération. Thomas Paine, révolutionnaire américain a écrit :

« Chaque siècle, chaque génération doit avoir la même liberté

d’agir, dans tous les cas, que les siècles et générations qui l’ont

précédés ».

D. Les fondements de l’économie collaborative dans le secteur de la mobilité

La mobilité 2.0 repose sur différents éléments essentiels à son développement. La mobilité 2.0

est le fruit de nouvelles technologies, du conservatisme des acteurs traditionnels, de la

nouvelle demande, des nouveaux styles de vie et du changement de paradigme économique :

de l’éclipse du capitalisme à l’avènement de la consommation collaborative.

Le secteur du transport est le secteur le plus financé (cf : annexe 3), et son expansion n’est

pas prête de s‘arrêter. L’économie collaborative dans le secteur de la mobilité et dans la

plupart des autres secteurs aussi, repose sur un noyau dur que beaucoup d‘entreprises

traditionnelles n’ont pas évalué l’ampleur.

Annexe 3 : Le secteur du transport est le secteur le plus financé. Financement de l’économie

collaborative par industrie.

37 Janet Browne, Charles Darwin : The Power of place

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 36

1. La recherche de la réelle valeur du prix

Le covoiturage, le partage de trajet ou d’automobile engendrent des gains financiers pour les

utilisateurs. Partager une voiture c’est partager les dépenses liées à la maintenance, à la

consommation d’essence et aux assurances. Ces modèles s’inscrivent dans un cercle

vertueux de participation aux frais.

Dans une interview accordée par Frédéric Mazzella dans La tribune, celui-ci se questionne :

« Ne pensez-vous pas que la SNCF a perdu des clients à cause

de ses tarifs ? Regardez les prix des billets de trains, ils n'ont pas

cessé d'augmenter ces dernières années ! Qui aujourd'hui a

encore les moyens de prendre le train ? »

Et l’augmentation des prix n’est pas prête de s’arrêter : dans un article paru le 26 décembre

2014 dans l’Express, on parle d’une augmentation de 2,6 % des billets de train.

Les prosommateurs veulent retrouver le prix qu’ils sont prêts à payer et non pas le prix

imposé. Ils veulent estimer le prix de leur trajet, trouver l’adéquation entre temps, distance et

prix.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 37

2. La confiance entre inconnus, assurance d’un nouveau mode de vie

Comme vu précédemment, le socle sur lequel reposait l’économie capitaliste a vacillé, la

confiance a été perdue. Les individus se sont alors retournés vers une nouvelle forme de

confiance : la confiance entre inconnus d’une même communauté. Quoi de plus angoissant

que de faire confiance à un inconnu… et pourtant c’est sur quoi repose la consommation

collaborative.

On va acheter un produit sur e-Bay ou Le Bon Coin a un véritable inconnu. Pourtant, cet

inconnu est gage de confiance, il appartient à la même communauté que moi, c’est lui, c’est

moi, c’est l’autre qui n’est pas moi, c’est celui qui utilise les mêmes pratiques d’achat que moi

et qui donc fait partie de cette communauté qui partage les mêmes normes et croyances.

Cette personne est donc digne de confiance, si elle ne l’est pas, elle sera expulsée de la

communauté.

L’atout majeur de ces plateformes est donc l’e-reputation qui joue un rôle fondamental et qui

pourrait même à l’avenir apparaître sur nos futurs cartes d’identité. Chaque chauffeur

Snapcar, Djump, Heetch, Blablacar est noté et détient par conséquent une identité virtuelle.

Internet limite les intermédiaires, la confiance s’établit alors comme principe fondamental. Roo

Rogers, co-auteur de What’s mine is yours en est persuadé, la confiance est l’enjeu de taille

des entreprises collaboratives, il est évident que les individus veulent savoir avec qui ils vont

partager leur trajet, à qui ils vont louer leur voiture etc…38

En sachant que la SNCF fabrique ses TGV et construit les voies ferroviaires, comment est-il

possible que Blablacar, qui ne construit ni voiture, ni route, mais utilise les ressources de ces

membres, puisse être l’un des premiers concurrents de la SNCF ? Grande question qui

mériterait une étude approfondie, mais cela revient à la spécificité des biens communs et de

l’action collective. Elinor Ostrom, économiste et politologue américaine, « Prix Nobel »

d’économie en 2009, a dirigé ses travaux portant principalement sur la théorie de l'action

collective et la gestion des biens communs et des biens publics. L’étude a démontré que les

personnes qui utilisent un bien commun sont susceptibles de s’autogouverner à condition

qu’ils utilisent le bon outil pour coordonner des projets ou gérer de besoins spécifiques. Sur

les plateformes collaboratives, les notions de contrôle et d’intermédiaire s’effacent pour laisser

38 Article « Roo Rogers on what’s next in the sharing economy » 2011, fastcompany.com

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 38

place à la transparence et à la confiance entre les individus. Car, en soit, Blablacar, Uber, Lyft

ne sont simplement que des outils de mise en relation 2.0 pour un service donné.

3. La recherche d’humanisation dans les déplacements

Le socle sur lequel repose l’économie collaborative est indéniablemnt la recherche

d’humanisation. En sachant que mon voisin travaille au même endroit que moi, qu’il prend lui

aussi sa voiture pour se déplacer, pourquoi ne pas partager sa voiture ou la mienne afin de

n’utiliser qu’une seule voiture et faire sa connaissance ?

Les taxis sont malheureusement victimes de leur mauvaise image, peu locaces, parfois

désagréables, cette image a joué en leur défaveur. A l’inverse, la mobilité 2.0 permet de

rentrer quelque peu dans l’intimité du chauffeur ou « covoitureur » en connaissant son nom à

l’avance.

Mais c’est un phénomène sociétal auquel on assiste : le retour à l’humanisation des relations.

En premier lieu, Internet a tout d’abord été un moyen de partager et chercher des

informations. Puis avec l’ère 2.0, l’interactivité est apparue et Internet est devenu un media

d’interactions où les relations virtuelles se suffisaient à elles-même. Aujourd’hui, elle est

devenue un pont entre la relation virtuelle et la relation « In Real Life ». Blablacar met en

relation des « covoitureurs » avec des « covoiturés ». En fait, les plateformes tel que Blablacar

misent tout sur la recherche de lien social. Dans votre propre profil de « covoitureur », vous

pouvez informer si vous êtres locace, si vous acceptez les animaux, si vous voulez bien

écouter de la musique… Toutes ces informations renforcent la connaissance de l’autre et agit

comme un brise glace lors de la rencontre.

Ce besoin de « rencontre », par opposition au virtuel, s’inscrit donc dans une véritable

tendance de fond. Dans un cadre informel et sans enjeu prédéfini, les individus sont d’autant

plus ouverts et disposés à connaître l’autre.

4. Internet, l’outil virtuel au service de la mobilité

En 1999, on se connectait à l’ADSL pour la première fois via notre ordinateur pour une durée

limitée, aujourd’hui, nous sommes connectés 24H/24 et sur plusieurs objets à la fois

(téléphone, ordinateur, tablette, voiture…) et le tout en seulement 15 ans.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 39

Internet est sans aucun doute l’outil de la « troisième révolution industrielle39 ». Daniel Kaplan,

fondateur et délégué général de la FING (Fondation Internet Nouvelle Génération) nous

confirme que tous les secteurs d’activités ont implémenté le numérique dans leur modèle. Les

acteurs historiques ont bien inscrit le numérique dans leur business mais sans au fond

transformer leur modèle en profondeur. À l’inverse, les startups de l ‘économie collababorative

ont fondé leur modèle sur le numérique comme on peut le constater avec Uber où il est

indispensable de posséder un smartphone pour bénéficier des services proposés.

La montée en puissance des NTIC et des nouvelles formes de sociabilité, s’inscrivant sur le

modèle de Facebook ou Twitter, prouve l’évolution fondamentale des comportements des

individus - smartphones connectés, géolocalisation, paiement en ligne – amène les

entreprises à revoir leur modèle. Surfant sur ces évolutions, certaines entreprises ont compris

l’enjeu de l’utilisation de ces nouvelles technologies. La géolocalisation qui met en contact

chauffeur et client fut une révolution chez Uber, elle répondait à une problématique simple : le

temps d’attente d’un taxi. Bien plus que cela, Uber s’incrémente dans une nouvelle façon de

vivre s’alliant autour de 2 principes : la connectivité et la rapidité. Jeremy Rifkin souligne :

« Les nouveaux acteurs parviennent invariablement à percer en

introduisant des technologies révolutionnaires qui améliorent la

productivité et font baisser les prix de biens et de services

identiques ou substituables, et ils brisent la mainmise monopoliste

sur le marché »40

Pour se rendre compte de la validité de ses propos, il suffit de se prêter au jeu. Pour un même

trajet, le prix est 1,42 et jusqu’à 2 fois inférieurs entre l’utilisation du service Uber et un taxi41.

Avec Uber, on peut à la fois géolocaliser le client mais aussi le chauffeur, ce qui réduit les

coûts liés à la recherche d’un client. La connectivité est un atout majeur dans ce genre

d’entreprises où le modèle business repose essentiellement sur le numérique.

Il est vrai que la consommation collaborative n’aurait été possible sans l’Internet. Cette

économie de l’immatérielle a entrainé une évolution radicale dans les comportements, les

transactions et le mode d’achat des individus. Deux grands éléments ont été remis en

question suite à l’apparition de l’Internet : la notion d’espace et la notion de temps. 39 Titre du livre de Jeremy Rifkin, La troisième révolution industrielle, en référence au changement de paradigme : internet, internet des objets, énergies renouvables, consommation collaborative. 40 p.23 – l.3, La société nouvelle du coût marginal zéro 41 Expérience réalisée le 21 novembre 2014 / Trajet CDG/Houilles, même jour, même heure, même trajet : Coût du trajet UBER =19 euros – Coût du trajet Taxi = 27 euros.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 40

Aujourd’hui, Internet a quelque peu donné le don d’ubiquité aux acheteurs, car connectés,

ceux-ci peuvent être présents aux quatre coins du monde. Sur Internet, il est possible

d’acheter des produits en Pologne en faisant passer son adresse IP par la Grèce tout en

donnant une adresse de facturation en Allemagne et une adresse de livraison en France. La

notion d’espace est complètement modifiée par les nouvelles technologies. Enfin, l’Internet a

modifié l’espace temps, il est possible d’être en relation avec quelqu’un n’importe quand, et

n’importe où.

Mais en quoi Internet a-t-il servi dans la mobilité des individus ? Il existe 3 points essentiels

dans lequel le Web 2.0 est intervenu et a modifié certains comportements :

• Création de communautés : Internet a permis le regroupement d’individus autour d’un

centre d’intérêt ou problématique spécifique, créant ainsi des communautés. Internet a

donné le pouvoir à certaines communautés d’élargir leur influence et regrouper des

individus. Faire partie d’une communauté, c’est partager des normes et des croyances.

! Exemple : la communuté d’autostoppeurs a donné naissance au covoiturage.

• Géolocalisation : une technologie de pointe a apporté un renouveau dans l’économie,

la géolocalisation des individus. Se localiser ou géolocaliser est le corps de la mobilité

de demain.

• Information : Internet a donné accès à de nombreuses informations élargissant le

champs de connaissances des individus. Celui-ci souhaite en connaître davantage sur

la traçabilité des produits ou services auxquels il fait appel. Il n’est plus consommateur

mais prosommateur, il peut faire appel à un service de covoiturage et être lui-même

chauffeur le lendemain. Co-produire, co-créer, co-organiser, le prosommateur devient

acteur.

Dans une interview accordée par Frédéric Mazzella dans La tribune, celui-ci a dit :

« Je suis persuadé que si Internet était apparu en même temps

que la Ford T en 1908, nous ferions du covoiturage depuis 1909 !

Mais il fallait des réseaux connectés puissants, des téléphones

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 41

portables performants, car nous sommes dans la réactivité et la

mobilité.42 »

Internet est l’outil virtuel au service de la mobilité 2.0, il a été accompagné par la suite du

développement des téléphones intelligents ou smartphones qui régissent aujourd’hui le

secteur de la mobilité.

5. Le smartphone, l’une des principales innovations en matière de mobilité

Le smartphone est la deuxième innovation en matière de mobilité. Le smartphone est

l’élément clef de cette évolution technologique car toutes ces innovations sont dûes au

smartphone.

Le smartphone permet de :

• Localiser une borne de rechargement de voiture électrique (ChargeMap) ;

• Localiser une borne de rechargement d’un particulier de voiture électrique

(Plugshare) ;

• Réserver en ligne un service de location de voiture et se la faire livrer (Multicity) ;

• Louer la voiture d’un particulier à proximité ;

• Localiser un chauffeur à proximité (Uber) ;

• Localiser un client à proximité (Djump) ;

• Noter les membres et ainsi alimenter l’e-reputation ;

• Payer les trajets effectués.

Le smartphone est ce que la télécommande est à la télévision, le smartphone est la

télécommande de notre corps.

6. La notion de développement durable

Les pratiques écologiques ne concernent pas toutes les pratiques en matière de

consommation collaborative mais la mise en perspective de ce mode de vie conduit vers une

42 « Qui aujourd'hui a encore les moyens de prendre le train ? », La tribune, propos recueilli par Delphine Cuny.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 42

généralisation de ce concept qui ne demande pas nécessairement d’efforts supplémentaires

de la part de ses adeptes.

En 2009, une voiture partagée remplaçait 15 voitures sur les routes, et les personnes usant de

l’autopartage conduisait beaucoup moins. Le nombre moyen de voitures pour ces mêmes

personnes est passé de 0,47 à 0,2443.

Une réalité consciente ou inconsciente de l’économie du partage est son implication dans le

développement d’un écosystème. Nombreux seront les individus à se déplacer dans l’objectif

de maintenir la Terre comme une terre d’accueil pour les futures générations. On parle de

l’épuisement de certaines ressources naturelles qui rentrent dans la composition de la

construction des automobiles alors, l’autopartage n’est-il pas une pratique qui sera le futur de

nos déplacements ?

En France, l’ancien covoiturage.fr, renommé Blablacar, a estimé avoir économisé l’émission

de 180 000 tonnes de CO2 en 201044, un chiffre qui séduit intuitivement les adeptes mais

aussi les pouvoirs publics. En ce sens, cette nouvelle mobilité apporte des réponses et des

comportements qui visent à réduire l’émission de carbone.

Communauto, une entreprise du Québec, a annoncé avoir réduit de 13 000 tonnes les

émissions de CO2 grâce à son offre de service d’autopartage45.

Paul Hawken, entrepreneur, journaliste, et auteur, a estimé que pour 45 kilogrammes de

produit fabriqué cela créé 1450 kilogrammes de déchets produit. En sachant que 1 voiture sort

de l’usine toutes les minutes et pèse entre 500 kilos et 1 tonne, le calcul est rapidement

alarmant.

43 Ibid 44 Vive la co-révolution, Anne Sophie Novel, chap 1, p.80, l.9 45 A. Warren « If we don’t know how many building are out there, how can we plan cuts in emissions » Click Green.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 43

Synthèse de la première partie :

Dans un temps fait de diktats et de monopoles, la société est aujourd’hui en complète

transformation, elle converge vers un modèle qui semble apporter satisfaction à de

nombreux consommateurs. L’économie numérique et les nouvelles technologies ont

renversé les modèles économiques traditionnels. Hier, nous roulions dans notre

voiture, aujourd’hui, nous roulons dans la voiture d’un inconnu. Cette modification du

comportement des individus est la conséquence du changement de paradigme

économique que la société est en train de vivre.

Le XXem siècle fut le siècle de la révolution industrielle. Les grands acteurs de cette

révolution prônant comme Adam Smith la recherche de son intérêt personnel immédiat

sur le marché n’est aujourd’hui plus une réalité en soi. La théorie économique

développée à l’époque doit aujourd’hui se contraindre aux nouvelles obligations du

marché. L’automobile, emblème de cette révolution et de la propriété privée, devient un

espace de partage dont la possession n’est pas une mais multiple. Il est temps de

« mettre Adam Smith à la retraite ».

Pour résumer, voici ci-dessous une liste des facteurs auxquels s’attachent au mieux

l’agilité des modèles économiques des startups de la mobilité 2.0 et qui bousculent les

aspirations des acteurs traditionnels :

Changement de mentalité : le nouveau paradigme économique donne suite à un new

way of thinking commandité par la crise de 2008.

Confiance : la recherche de confiance.

Coût marginal zéro : nouvelle composition des coûts fixes liés à l’entreprise.

Crise économique : fracture économique et sociale entraînant la perte de confiance.

Démographie : phénomène entraînant la recrudescence de la mobilité des individus.

Développement durable : notion propre au nouveaux modes de déplacement.

Gain financier : les prix entre les nouveaux acteurs de la mobilité sont jusqu’à trois

fois moins chère que les acteurs traditionnels.

Humanisation des déplacements : offre combinant un service et l’opportunité de

créer du lien social.

Internet & Smartphone : nés avec la révolution numérique, Internet et les

smartphones révolutionnent la mobilié (connectivité, géolocalisation).

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 44

PARTIE 2 : ÉTUDE EMPIRIQUE AUPRÈS D’ACTEURS DE LA MOBILITÉ 2.0

CHAPITRE 1�: Pr�sentation du dispositif empirique

1. Modalit�s de d�ploiement retenues

Pour partir à la rencontre des différents intervenants, il fut important de mettre en place une

stratégie de prise de contact. L’identification des intervenants a été possible grâce à l’analyse

faite au préalable des acteurs de la mobilité 2.0. Une quarantaine d’acteurs ont été identifiés

pour une quarantaine de demandes d’interview. Linkedin, le réseau social professionnel, a été

l’outil principal de prise de contact. 8 interviews ont été réalisées dans un espace temps de 1,5

mois.

2. Justification de la méthodologie de la recherche

Après avoir dressé un portrait de l’économie collaborative dans le secteur de la mobilité et de

ses fondements à travers les études académiques et professionnelles, cette « enquête »

terrain doit permettre de collecter des données fiables auprès des professionnels du secteur.

Ces données permettront de dresser un portrait actualisé des facteurs de réussite des

entrepreneurs d’aujourd’hui dans ce secteur.

Ces recherches ont pour objectif de répondre à la question suivante : sur quoi repose le

business model de ces startups et quelle est leur véritable valeur ajoutée face aux acteurs

traditionnels ?

3. Formes des entretiens

L’étude repose sur des entretiens individuels semi-directifs, permettant de collecter des

données qualitatives. La problématique mise en exergue, cherche à comprendre de quelles

manières les startups de l’économie collaborative opérant sur le secteur du transport de

passager ont bousculé les acteurs traditionnels. Le guide d’entretien est conçu de manière à

collecter les appréciations et les avis argumentés des cibles interrogées. Les questions

ouvertes permettront aux interviewés d’exprimer leurs opinions personnelles, tandis que les

suggestions permettront de les confronter aux différentes hypothèses soulevées dans les

sources académiques et professionnelles. Le rôle des acteurs étant différent, le guide

d’entretien est modifié et adapté pour chaque intervenant.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 45

4. Echantillonnage

Afin de répondre précisément à la problématique de ce mémoire et y apporter une réponse

crédible, une rencontre avec les différents acteurs impliqués dans la mobilité 2.0 est

nécessaire. Ainsi, au cours de cette étape exploratoire, 8 experts de 8 entreprises ou

organisations distinctes ont été interrogés : le CEO de Heetch, l’ancien fondateur de Cityzen

Car racheté par Buzzcar, le fondateur et CEO de Citygoo, le service de covoiturage urbain, la

présidente de vadrouille-covoiturage...

Ces profils d’experts sont très variés, ils couvrent des secteurs du covoiturage mais aussi de

l’autopartage et apportent ainsi à cette étude une vraie richesse de points de vue.

Le dispositif empirique employé ne permet de généraliser les réponses apportées par les

professionnels. Cependant, il permet de discuter des théories académiques et éventuellement

apporter des éléments de réponses pertinents dans des secteurs d’activités précis.

5. Les th�matiques abord�es

Aux cours des entretiens, les thèmes abordées étaient les suivants : l’économie collaborative,

les acteurs traditionnels de la mobilité, la genèse de leurs projets, leurs constatations, leurs

stratégies, leurs modèles économiques, l’avenir de l’économie collaborative, leurs rôles etc.…

Les personnes interrogées :

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 46

CHAPITRE 2�: Les acteurs du transports collaboratifs, visions et opportunit�s

La lecture des différents entretiens révèle une véritable démocratisation de l’économie

collaborative dans le secteur des transports. L’essor de cette nouvelle économie est le résultat

d’entrepreneurs jeunes et dynamiques, soucieux d’apporter des valeurs communautaires

authentiques face la déliquescence programmée de l’économie traditionnelle. Un vent

nouveau souffle sur le secteur des transports ; l’économie de partage est en train de

révolutionner la mobilité, comme l’atteste les différents entrepreneurs interviewés.

A. L’économie collaborative, un nouveau paradigme économique en plein essor dans le

secteur des transports

La sharing economy a donné naissance à une vision objective des ressources et des besoins

de notre planète. Pourquoi ne pas voyager avec la voiture de mon voisin qui se déplace au

même endroit que moi ? Pourquoi ne pas louer la voiture de ma voisine qui ne l’utilise pas ?

L’utilisation des ressources est la problématique phare de l’économie collaborative, et cette

vision a permis le développement de nouveaux business model, renversant la vision

traditionnelle.

1. Au départ, des constats simples

La plupart des entreprises interrogées répondent à un besoin formulé personnellement mais

qui s’est vu être le besoin de milliers voire de millions de personnes. La mobilité traditionnelle

ne répondait pas à toutes les aspirations et est restée figée dans une offre unique et obsolète.

La logique oligopolistique des acteurs traditionnels a touché à sa fin quand l’économie

collaborative et ses acteurs ont mis en relief l’opportunité donnée par des millions de

personnes de partager leur automobile.

Dans la plupart des cas étudiés, l’histoire des startups est l’expression d’un besoin

personnelle et d’une problématique récurrente : comment puis-je me déplacer à moindre

coût ? Comment puis-je me déplacer d’un point A à un point B dans un cadre convivial, peu

onéreux et simple ?

Des prix trop élevés

Frédéric Mazella, dans cette logique, a développé son offre de covoiturage Blablacar. À

l’origine, il souhaitait se rendre en Normandie, compte tenu des prix pratiqués par le réseau

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 47

ferroviaire, il était impensable de faire appel à ce service surtout qu’il ne comprennait pas

pourquoi autant de gens circulaient seul dans leur automobile. Cet espace inoccupé était une

véritable perte, mais une véritable opportunité pour les entrepreneurs du XXIem siècle.

Les prix pratiqués par les acteurs traditionnels, que ce soit les taxis, les trains ou même les

loueurs de camping-car, ont été l’élément prescripteur de la recherche de ce que l’on

nommera le PPAP – prix prêt à payer – par les individus pour se déplacer. La plupart est

surpris par les prix pratiqués par les acteurs traditionnels de la mobilité, alors qu’il existe, peut-

être à côté de chez eux, une personne qui sera tout à fait prédisposée à louer son véhicule ou

un trajet à un tarif correct, le PPAP :

« J’ai été supris par les prix pratiqués qui sont de 200 à 300 euros

jours pour louer un camping-car en Grande-Bretagne, et je me

dis : il y a forcément un anglais qui serait content de louer son

véhicule s’il ne l’utilise pas, à un tarif correct ! »

Le PPAP – prix prêt à payer – est une formule qui met en perspective la prédisposition des

individus à payer un certain prix. Suite à la crise de confiance et les consommateurs ayant de

plus en plus conscience des dérivés orchestrés par les grandes firmes, le consommateur tend

vers une évaluation propre des biens qu’ils achètent ou consomment. Pour exemple, les

locavores comme vu précédemment, sont prêts à payer plus cher leur nourriture dans un

cadre spécifique : ils savent d’où viennent les produits qu’ils vont consommer. La notion de

PPAP s’exprime donc dans un sens ou dans un autre, c’est à dire un prix prêt à payer inférieur

ou supérieur au prix en vigueur. Ce constat est déterminant dans les nouveaux acteurs de la

mobilité 2.0.

Les embouteillages, bête noire des automobilistes

Logiquement, plus il y a de voitures, plus il y a de chances de créer des embouteillages, plus il

est probable de perdre du temps. Ces constatations, que l’on considère tous comme un

problème évident, certaines startups se sont construites autour de ce phénomène entre

autres :

« Ce phénomène d’embouteillage n’est pas l’objectif direct à court

terme mais c’est qu’il y ait moins de personnes qui soient coincées

dans les embouteillages toutes seules pour aller dans 80% des

cas, à la même destination… »

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 48

« Avez-vous déjà réussi à avoir un taxi la nuit sur Paris ? »,

Constation faite, Heetch se lance sur le créneau de la nuit et propose à des particuliers de

raccompagner des jeunes après leur soirée, car la nuit, l’offre de taxis est très limitée.

Les startups de la mobilité 2.0 répondent à des aspirations simples et récurrentes constatées

chez de nombreuses personnes : des espaces rentables inoccupés, des problèmes de la vie

quotidienne, des offres excessives, des observations, des constations etc…

Une vision réaliste des choses dans l’objectif de répondre à des problématiques ont permis

l’apparition de ces startups.

2. Une opportunité business favorisée par le déclin des entreprises traditionnelles

du transport et de l’avènement de la consommation collaborative

Les différentes actions menées par les acteurs traditionnels ne peuvent arrêter la déferlante

de nouveaux acteurs de la mobilité 2.0.

Pour répondre à la nouvelle concurrence exprimée par les nouveaux modes de déplacement,

iDTGV, filiale de SNCF, a mis en place la carte illimité, IDTGVMAX, permettant de prendre le

train en illimité à partir de 59,99 € par mois. Cependant, la carte illimité était limitée, et les

trajets ne pouvaient partir ou arriver seulement de la Gare de Lyon ou Montparnasse. De plus,

les 10 000 abonnées à la carte sont un nombre largement supérieur à l’offre de places

disponibles. Une offre qui ne fut pas en adéquation avec l’espérance des abonnés.

Pour beaucoup, le taxi semble être une disposition financière non négligeable ainsi qu’un

moyen de transport peu agréable et avec de nombreux problèmes : pas de paiement par carte

bancaire, tarifs excessifs, présence limitée…

« Au départ j’étais client UBER car il m’arrivait toujours des

mésaventures avec les taxis… »

De même, le car n’est pas le moyen de transport le plus utilisé, son offre de trajet étant limité

et peu convivial :

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 49

« Le car, il n’y en a pas beaucoup, c’est lent, et puis c’est pas

forcément l’expérience urbaine préférée. Il y a des gens qui

trouvent que le covoiturage est plus comfortable que le car.»

Les nouvelles entreprises de la mobilité 2.0 répondent à l’inefficacité des acteurs traditionnels

qui peuvent, à l’avenir, avoir un impact sur les transports en commun :

« Ça peut avoir, c’est un peu tôt pour le dire, un impact sur les

transports en communs surtout sur les réseaux d’autobus. Il y a

parfois des lignes de bus qui sont totalement vides, ou avec 1

personne à bord, c’est totalement inefficace, en terme de coûts et

de pollution. »

Aujourd’hui, les voitures partagées peuvent circuler sur les voies réservées aux bus et aux

taxis. Alors que le covoiturage est souvent vu comme un concurrent aus transports en

commun, il serait plus évident de la considérer comme complémentaire.

L’économie collaborative est une opportunité formidable pour les entrepreneurs de nos jours,

elle est ce à quoi les gens aspirent et comme le précise Teddy Pellerin :

« La seule chose que je sais, c’est que le monde a pris cette

direction là (du nouveau paradigme économique), c’est sûr et

certain. Je préfère y aller et voir comment ça se passe au lieu

d’être en dehors du jeu. »

L’opportunité offerte par l’économie collaborative répond à une nouvelle conception de l’offre

et de la demande par les ressources et les besoins. L’identification des nouveaux modes de

consommation, comme l’apparition du smartphone comme préalable à la mobilité 2.0, définit

de nouveaux modèles économiques basés avant tout sur les attentes des clients.

Les entreprises traditionnelles de la mobilité ont « beau crier et

faire des manifestations, elles ne pourront rien faire contre le

courant. Il va se passer la même chose pour les constructeurs

automobiles, il s’est passé la même chose pour la musique. »

À l’image de ce schéma (cf annexe 4) qui met en perspective la différence opérée par les

nouveaux acteurs :

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 50

Annexe 4 : « Something interesting is happening », infographie wetpaint.

De manière générale, les nouveaux modes de transports sont plus plébiscités par les individus

à la place des acteurs traditionnels tels que les taxis, les trains, les cars voire même les bus et

les transports en commun.

3. Un vide législatif favorisant l’activité des startups

Une constation univoque a pu être mis en relief. En effet, les différents acteurs de la mobilité

2.0 jouissent d’un vide législatif qui leur permet légalement d’opérer leurs activités. L’économie

collaborative est un concept nouveau qui n’a pas encore été encadré par des lois fixes et

claires. En témoigne les différents procès orchestrés contre Uber Pop.

Teddy Pellerin, CEO Heetch, a mis en relief 3 niveaux de légalité :

• Niveau 1 : comme le covoiturage ou l’échange de maisons qui sont l’utilisation normale

des ressources.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 51

• Niveau 2 : Heetch, Drivy, qui est la location d’un bien propre dans l’objectif de le

rembourser à une certaine hauteur.

• Niveau 3 : pour exemple, c’est comme si un particulier achetait 10 voitures et les

louaient sur une plateforme d’autopartage. C’est ici la limite de l’économie

collaborative : « c’est utiliser l’économie collaborative pour faire péter toutes les lois

sociales, tu travailles sans aucune loi. Il y a des lois qui permettent de réglementer le

marché du travail, notamment d’avoir la protection sociale ou d’avoir un certain

nombres de règles pour ne pas travailler 15h d’affilées, parce que ca peut être

dangereux. Il n’y a aucune règle, donc tu arrives et tu permets à quelqu'un de conduire

d’autres personnes, si possible pendant 24h d’affilées »

La plupart des acteurs du secteur des« taxis P2P » (Peer-to-Peer) respecte une limite de

rémunération des chauffeurs dans la limite du coût d’une voiture dans l’année. Cependant, les

limites imposées ne sont pas toujours vérifiables. La réglementation doit sans aucun doute

évoluer pour éviter les dérives que permettent l’économie collaborative. Cependant, le

problème n’est pas simplement politico-économique, il est aussi culturel. Dans d’autre pays,

les différentes formes de mobilité ont été réglementées :

« L’état pourrait taxer les chauffeurs. Aux États-Unis, c’est déjà le

cas avec Lyft, Uber, sur la feuille d’imposition à chaque fois que tu

fais une course, c’est déclaré. »

La réglementation est encore floue, il est ainsi plus facile pour les acteurs de la mobilité 2.0

d’exercer leurs activités. Le monde politique devrait s’emparer du sujet, inventer régulation et

fiscalité adaptées, et s’interroger sur les dispositions à prendre pour favoriser une

redistribution des revenus issus de l’économie du partage.

« Pour certains c’était devenu un métier à part entière sans

déclarer aucun revenu à l’état. Et ils s’en sortaient plutôt pas mal :

4500 euros par mois, hors commission. »

Dans ce contexte, la compagnie Uber a été condamnée par le tribunal correctionnel de Paris à

100 000 euros d’amende, les juges considérant que le service Uber Pop ne pouvait être

considéré comme du covoiturage car la tarification « ne correspond absolument pas à un

partage de frais mais s'apparente bien au paiement d'une course ».

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 52

Ces opportunités législatives, allant jusqu’à l’absence d’impôts sur les sociétés, sont un

moteur de l’économie collaborative. Le système législatif ne sait comment évaluer le bien privé

à une valeur commune. L’économie collaborative apporte une problématique de fond qui

pourrait peut-être remettre en question le système économique dans son ensemble.

4. Un schéma décentralisé pour un impact à grande échelle

La notion de schéma décentralisé est une des valeurs fondamentales de l’économie

collaborative. Car finalement, que possèdent-ils ? Que possèdent les nouveaux acteurs de la

mobilité 2.0 ? Quels sont leurs coûts de fonctionnement ? La réponse fait frissonner les

grands acteurs traditionnels.

La première partie de la réponse vient dans le fait que les acteurs de la mobilité 2.0 ne sont

pas prestataires mais mandataires. Et c’est de là que vient toute la différence avec les acteurs

traditionnels. Heetch, Blablacar, Je loue mon camping car, We drive, Buzzcar sont toutes des

plateformes web. Aucun d’entre eux ne possèdent des automobiles ou des concessions, ils

usent du numérique pour faire valoir leur service. Mais plus intéressant encore, aucun frais ne

sont engagés concernant l’entretien des véhicules car ce n’est par leur bien mais le nôtre :

« Les coûts d'achat, les efforts d'entretien des véhicules et les

tracas de recherche de places de stationnement sont

mutualisés. »

La mutualisation des ressources est un re-nouveau dans l’économie. Les acteurs traditionnels

usent de leurs mains d’œuvre, souvent coûteuses, pour arriver à leur fin : l’acte d’achat.

Temps imparti pour les commerciaux, coûts d’entretien du véhicule et réparations, tous ces

coûts sont calculés et amputés au chiffre d’affaires.

Prenons pour exemple la startup Je Loue Mon Calmping Car qui a levé, le 10 mars 2015, 550

000 euros auprès d’investisseurs privés dont Frédéric Mazzella, Stéphane Romanyszyn et

Arnaud Lecherf. Qui mieux que le propriétaire du camping-car peut réaliser la visite de sa

propre résidence secondaire ?

« Le propriétaire va faire l’état des lieux beaucoup mieux qu’un

professionnel, sans généraliser bien évidemment. La prise en

main dure en moyenne entre 1h et 2h chez nous, chez un loueur

pro, c’est de 30 minutes à 1 heure. Parce que chaque minute est

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 53

comptée chez un loueur donc il doit faire vite. En fait, l’expérience

utilisateur sera meilleure chez nous que chez un professionnel. »

La logique de décentralisation du schéma de fonctionnement des startups définit un nouveau

modèle économique qui met tout à la charge de l’intéressé. Celui-ci, ayant un lien de propriété

avec son automobile, tous les frais d’entretiens ou de réparations sont à sa charge. Quand les

acteurs traditionnels sont dans une logique de rentabilité de chaque trajet, les startups de la

mobilité 2.0 sont dans une logique de rentabilité de chaque client en étant simplement des

plateformes de mise en relation pour un besoin donné sans se préoccuper des charges

externes.

L’économie collaborative se base finalement sur ce que l’on possède déjà, sur ce que

l’économie traditionnelle nous a fourni. L’utilisation de nos ressources est la finalité des

nouveaux acteurs.

5. Une situation « Win-Win-Win », saint-graal de la mobilité 2.0

La mobilité 2.0 opère dans un cercle vertueux qui engage 3 entités. Tout d’abord, nous allons

avoir l’entité X qui cherche à se déplacer d’un point A à un point B, une deuxième entité Y qui

cherche à amortir le coût de son trajet et enfin une plateforme de mise en relation des 2

premières entités Z : l’équation est simple, X + Y = Z.

La situation « Win-Win » nous est expliqué par Patrick Robinson Clough, CEO Citygoo :

1. Permettre au passager de se déplacer à un prix convenable (PPAP);

2. Pour les conducteurs, offrir une indemnité financière réellement motivante.

Une des motivations principales de ce genre de réseau de transport est principalement

l’indemnité financière qui est perçue par les covoitureurs/chauffeurs.

La troisième composante du « Win-Win-Win » est en effet la startup en question qui se

satisfera d’une rentabilité financière suffisante. Chaque parti trouve son intérêt, qu’il soit

financier ou pratique. Il y a une synergie entre demandeur, offreur et mandataire.

En tant que mandataire d’une offre de service, les startups de la mobilité 2.0 sont des

plateformes de mise en relation. Les modèles économiques reposent généralement sur des

commissions prélevées sur chaque trajet à hauteur variable. Les commissions varient entre

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 54

10% à 30% du prix. Une startup de l’économie collaborative ne pourra être rentable que

lorsqu’elle atteindra la masse critique comme nous avions pu le voir dans la première partie.

La vraie problématique peut venir des commissions prélevées par les acteurs. Beaucoup de

startups ont évalué leurs commissions plus ou moins au même niveau mais d’autres ont des

commissions plus élevées :

« Au lancement de Uber pop, la rémunération au km était de 1,43

euro maintenant, elle n’est plus que de 0,93 euro (hors majoration

de prix). De ce fait, c’est moins rentable qu’avant mais on s’en sort

tout de même si les courses s’enchainent. Le seul bémol à cette

rémunération est sans doute la commission excessive de Uber :

26% »

À l’avenir, à l’image du prix psychologique, il sera peut-être intéressant d’étudier la

commission psychologique, nerf de la guerre entre les différents concurrents.

B. La flexibilité des acteurs, pierre angulaire du secteur des transports collaboratifs

Les transports collaboratifs se sont montés sur des modèles alliant une grande flexibilité à la

demande et à l’offre mais aussi aux ressources et besoins du marché. Cette synergie opérée

par les nouveaux acteurs propose une nouvelle façon d’appréhender le marché.

1. Une perméabilité permanente entre l’offre et la demande

Dans un monde régi par l’offre et la demande (la pierre angulaire de l’économie de marché),

les acteurs traditionnels se sont focalisés sur leur propre offre sans se soucier de l’évolution

de la demande. Inscrit dans une logique traditionnelle de réponse à un besoin de

déplacement, ils sont restés sourds aux évolutions du marché.

Dans ce contexte, on pouvait identifier des pics de demande en déplacement sans forcément

constater une offre pour y répondre. Heetch, le taxi P2P, s’est positionné sur le secteur de la

nuit, son offre est seulement disponible la nuit de 20 h à 6 h. Ayant observé des pics de

demande la nuit, notamment le week-end après les sorties de boîtes, il a focalisé son offre sur

cette cible pour aujourd’hui être un acteur à part entière :

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 55

« La demande varie beaucoup. Faible en semaine, des pics de

demande vont clairement exploser les soirs de WE. On se

retrouve alors avec quelques problèmes de répartition entre l’offre

et la demande. Ainsi, il y a des pics de demande qui ne sont pas

absorbés, tu as donc un effet d’aubaine. »

C’est la construction d’une économie intelligente autour d’effets d’aubaine visibles et

calculables auxquels les acteurs traditionnels ne répondent pas. Heetch répond à la

problématique d’adaptabilité de l’offre à la demande de déplacements la nuit, même si ces

pics de demande pourrait être contenus par l’ouverture des métros la nuit, le marché est très

réceptif à l’offre proposée.

La mobilité 2.0 est la réadaption de l’offre à la demande à l’image de Citygoo, acteur du

covoiturage urbain. Il étend son champs d’action au niveau des banlieues. Il s’attaque à un

double marché : l’offre de déplacement proposée par les banlieues qui est parfois limitée, et la

demande en déplacement, sachant qu’il est peu probable de mettre en place des transports

en commun dans des communes excentrées ou trop peu nombreuses. Citygoo envisage

d’apporter une solution viable :

« C’est impossible de proposer un service de transport en

commun satisfaisant en petite ou grande banlieue, d’où l’intérêt de

Citygoo, qui permet de répondre à ces contraintes et ces

absences de maillages transversaux notamment de banlieue à

banlieue »

Citygoo est une solution de transport qui apporte une réponse en partie aux usagers des

transports en communs sachant que les individus vont dans 80 % des cas dans la même

direction.

On constate que les nouveaux acteurs de la mobilité répondent à la demande que les acteurs

traditionnels ne canalisent pas, mais d’autre part, ils ont créé une offre qui renverse les lois

économiques. Ils donnent la possibilité aux demandeurs d’être eux mêmes des offreurs. Un

covoituré peut être un covoitureur et réciproquement, un covoitureur peut être un covoituré.

Selon leurs besoins, un individu peut être un offreur de trajet ou un demandeur de trajet, les

startups de la mobilité 2.0 ouvrent la demande à l’offre et l’offre à la demande. C’est un

schéma qui bouleverse les acteurs traditionnels, ceux-ci ayant une offre connue et une

demande variable. Les nouveaux acteurs ont une offre variable et une demande variable.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 56

Jouant sur la variabilité des deux indicateurs, ils opérent leurs activités et bousculent l’offre et

la demande.

2. Conjointement, une adéquation entre ressources et besoins

Hormis l’adaptabilité croisée de l’offre et de la demande exprimée par les nouveaux acteurs,

ils répondent à une utilisation combinée des ressources disponibles et besoins identifiés.

Selon Patrick Robinson Clough, il y aurait plus de 8 millions de trajets par jour en Ile-de-

France. Selon lui, c’est une ressource inexploitée d’autant plus que de nombreuses personnes

se plaignent aujourd’hui des transports en commun. Dans cette optique, Citygoo offre une

adéquation entre ressources et besoins en proposant un service de covoiturage en banlieue :

« Il y a plus de 8 millions de trajets quotidiens par jour en Ile-de-

France, en banlieues, qui sont effectués sans passagers à bord,

tous les jours : une ressource inexploitée »

L’opportunité offerte par cette ressource est d’autant plus grandissante quand on constate

que :

« 95 % des voitures n’ont aucun passager à bord dans les

grandes métropoles de France »

Ces startups de la mobilité 2.0 ne réfléchissent pas seulement en termes d’offre et de

demande, conjointement à ces données, elles allient ressources et besoins, deux données qui

font de leur service, un service qui répond à l’état du marché.

Offre Ressource Demande Besoin

- Transports en

commun

- Automobiles

- Autres

8 millions de trajets

par jour en Ile-de-

France

95% des

d’automobiles sont

sans passagers à

bord

Déplacement d’un

point A à un point B

Déplacement d’un

point A à un point B

Porte à porte

Rapidité, fluidité,

facilité de paiement

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 57

La ressource étant calculable et le besoin identifié, les startups de la mobilité 2.0 n’avaient

plus qu’à poser bagages et s’installer dans le paysage des transports.

3. Une adaptation aux nouvelles aspirations de la demande : sécurité,

confiance et proximité

Comme nous avons pu le voir dans la première partie, les habitudes de consommation ont

évolué. La mobilité est le secteur le plus financé dans l’économie collaborative et cet

indicateur est une constatation sans précédent de l’ampleur du phénomène. Consommer le

déplacement autrement, est-ce possible ? Les nouvelles aspirations des consommateurs ont-

elles joué un rôle dans l’évolution des habitudes de consommation ? On constate que le

consommateur tend vers de nouvelles priorités.

Aujourd’hui, le déplacement doit être plus précis, plus efficace, ce qui a été rendu possible

grâce à Internet et aux smartphones. Avant, on agitait le bras à la recherche d’un taxi.

Aujourd’hui on sort notre smartphone et on commande en quelques clics. Évidemment, la

révolution numérique a bouleversé nos habitudes de consommation mais d’autres facteurs

rentrent en jeu.

De crise économique en crise économique, les habitudes de consommation diffèrent. La crise

de 2008 a créé une perte de confiance notable en l’économie. Elle est à la croisée des

paradigmes économiques mais surtout aux changements de mentalité.

Le changement de mentalité a impliqué une nouvelle vision, une vision plus soucieuse et

craintive. Grâce à l’étude empirique, on constate que les nouveaux acteurs de la mobilité

répondent à un besoin : la recherche consciente ou inconsciente de sécurité.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 58

Sur n’importe laquelle des plateformes, une fiche d’identité

est consultable avant même d’avoir effectué son trajet. Ces

fiches profils sont des mines d’informations : prénom, âge,

voiture etc… Tout est disponible, il existe une véritable

transparence d’identité que ce soit pour le chauffeur que

pour le passager. Ainsi, on accède à ce que l’on nomme

communément l’e-reputation. Chaque chauffeur est noté et

évalué par ces précédents clients ce qui permet de définir la

qualité du service rendu. Un chauffeur mal noté sera exclu

de la communauté. Ci-joint, une fiche profil, relevé au

hasard, d’un covoitureur. Plusieurs informations sont

indiquées afin de laisser aux passagers la possibilité d’auto-

évaluer le conducteur.

Ces systèmes créent une relation de confiance par

anticipation entre chauffeur et passager qui n’existait pas

avant :

« Tu as l’impression que ton chauffeur te ressemble, alors que

dans un taxi, c’est l’’image de l’homme froid. Tu peux payer en

liquide, en carte, tu peux annuler, il n’y a pas de frais d’annulation.

Les drivers sont beaucoup plus permissifs. Ce chauffeur, c’est toi

en fait. »

Ce principe d’auto-évaluation et d’e-reputation permet aux consommateurs d’évaluer eux-

mêmes le taux de sécurité de leur trajet. Cette notion de sécurité est dans la continuité de la

recherche de confiance perdue. C’est un point essentiel dans la construction du nouveau

paradigme économique. Cet objectif de transparence est très plébicité par les nouveaux

acteurs.

« Je pense que tu as plus de sécurité sur des systèmes comme ça

de l’économie collaborative que sur d’autres systèmes. Tu sais où

tu mets les pieds, tu n’es pas dans la voiture d’un inconnu, tu es

dans la voiture d’une personne qui est clairement identifiée par

une plateforme où, nous, on a son permis, sa carte grise, son

assurance, on sait qui c’est, on voit ses trajets en temps réel, on

voit où il passe, tu sais à quelle heure, tu as tout, tu as toutes les

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 59

informations. De même pour un passager, tu connais sa

connexion sur facebook, tu as son numéro de téléphone, tu as sa

carte bancaire. Le risque de danger est très faible. »

On se pose alors la question : et si les taxis opéraient un tournant numérique et mettaient des

fiches profils consultables, deviendraient-ils un concurrent ?

« Bien sûr, il existe un faux débat à propos des taxis, considérant

Uber comme un conccurrent déloyal. Les taxis se trompent de

guerre, ils doivent se mettre à niveau pour répondre aux

aspirations de la demande. La demande a évolué, l’offre ne peut

rester la même. »

La système de covoiturage est une évolution de l’auto-stop. Objectivement, l’auto-stop pose

un problème de destination et subjectivement, il pose un problème quant à la personne que

nous allons emmener, qui est-elle ? Les startups de la mobilité 2.0 apportent une réponse

objective à ces élements : elles sécurisent le voyage.

« L’auto-stop pose un problème, c’est que les gens ils ne savent

pas où veut aller le passager, il y a des bonnes chances que vous

n’alliez pas dans la même direction. Surtout dans une métropole.

Et le deuxième aspect, les gens vont être inquiets de savoir qui est

cette personne qui fait du stop. Du coup, la nécessité de

sécuriser. »

Hormis la sécurité et la confiance retrouvées dans ce moyen de transport, la proximité

permise par la géolocalisation permet à ses acteurs 2.0 de proposer un service à forte valeur

ajoutée. La capacité à mettre en relation un chauffeur et un demandeur est quasiment

instantanée.

4. La notion de temps réel et de fléxibilité des nouveaux acteurs

Le prix reste l’élément principal de l’acquisition de clients. Cependant, une notion en

adéquation avec l’évolution numérique domine le secteur, il est quasiment toujours possible

d’avoir recours à un service des acteurs de la mobilité 2.0, ils sont pour la plupart disponibles

24h/24 7/7 :

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 60

« Le premier élément c’est le prix, deuxièmement c’est la fléxibilité,

parce qu’un loueur pro va louer du mardi au samedi au

éventuellement du lundi au vendredi. Jamais du mercredi jusqu’au

jeudi prochain. Nous, on dispose d’une énorme fléxibilité. »

La flexibilité opérée par les nouveaux acteurs n’a été possible que grâce à l’évolution

numérique. Elle bouscule de manière fondamentale les dispositions des acteurs traditionnels

et par la même définit le succès de ces plateformes collaboratives:

« La diversité d'utilisation, donc de besoins sur des créneaux

horaires différents selon les membres, est la clé du succès d'un tel

système. »

Dans l’espace temps, les acteurs de la mobilité 2.0 ont une infinie ressource qui les

avantagent. D’autres facettes importantes de cette nouvelle économie de la mobilité sont à

mettre en valeur :

- diffusion de l’information de façon anticipée: ils participent à la création d’un réseau

local ou global de transport par la diffusion à l’avance des informations concernant un

déplacement ou concernant la disponibilité d’un moyen de transport.

- création de lien par anticipation : la mise en ligne des profils crée un lien d’affection

de proximité post rencontre.

- notion de temps réel : avec les applications tels que Uber et Heetch, la notion de

temps réel est indispensable pour assurer la qualité de leur service. Ils opèrent leur

service en fonction de l’offre présente sur le marché, c’est-à-dire leur flotte de véhicule

qui est géolocalisable via un smartphone.

La notion de temps réel couplée à la flexibilité propose une nouvelle façon de se déplacer et

d’approcher la mobilité dans le temps.

5. La réponse à un besoin par une proposition de service à forte valeur

ajoutée

Dans la plupart des cas, chacun des acteurs souhaite répondre à un besoin par la mise en

place d’une véritable valeur ajoutée de leur service.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 61

« On se définit comme une appli qui permet aux jeunes de mieux

sortir la nuit, on ne se définit pas simplement comme un

transporteur, même pas du tout. On se définit comme une

application qui permet de mettre en relation des particuliers pour

partager des trajets la nuit »

Finalement, la façon de voir le transport non plus comme une commodité mais comme un

moment de partage est une véritble évolution des mentalités. Aujourd’hui, il est est clair que

nous considérons le temps de voyage comme une perte de temps. Et si ces nouveaux acteurs

opéraient un changement de mentalité et voyaient à travers le déplacement une composante

intégrante d’une sortie par la proposition d’un service à haute valeur ajoutée.

« Ça nous est déjà arrivé qu’il y ait des commentaires à la fin du

trajet, en mode « Trop cool, le meilleur moment de ma soirée, il

était dans la voiture ». C’est pas le but, mais on veut qu’il y ait ce

côté là pour s’intégrer dans la soirée et y contribuer. Pas voir le

transport comme une simple commodité, mais comme un des

moments qui est aussi important de la soirée. »

Dans un premier cas, l’indemnité financière proposée par les différentes plateformes est

intéressante et peut apparaître comme une source de revenu dans l’objectif de pallier aux

différentes dépenses émises par le fait de posséder une voiture. La valeur ajoutée de ce mode

de déplacement vient aussi du côté du covoitureur/chauffeur qui touche lui une indemnité

financière intéressante. On revient dans une certaine mesure à la situation de « Win-Win-

Win ».

C. Une vision inédite du schéma entrepreneurial par le prisme du capital social

L’optique de développement de ces startups ne passe pas simplement par une nouvelle

analyse des tendances mais aussi par l’application d’une vision propre au re-nouveau de

l’économie.

1. Le capital social, une nouvelle composante indispensable

Jeremy Rifkin parlait dans son livre, La société du coût marginal zéro, de capital financier

versus capital social qui pourrait faire référence plus généralement au capitalisme versus

l’économie collaborative. Le capital social est une nouvelle composante du schéma d’une

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 62

entreprise, on pourrait parler d’entreprise sociale. La génération d’Internet a défini une

nouvelle valeur : le droit d’être inclus. Cette notion a bousculé l’architecture des entreprises.

En effet, le capital social est la source de deux éléments :

- le renversement de la priorité hiérarchique,

- l’humain au centre des activités.

Renversement de la priorité hiérachique

C’est peut-être le renversement de priorité le plus notable entre les entreprises traditionnelles

et les startups de la mobilité 2.0. D’un modèle pyramidal qui préconisait le bien-être des

actionnaires, des salariés puis des clients, on s’interroge aujourd’hui avant tout de la

satisfaction des clients, celui des salariés, puis celui des actionnaires.

Prisme des priorités des acteurs traditionnels et des nouveaux acteurs :

Priorités des acteurs traditionnelles Priorités des acteurs 2.0

La priorité excercée par les nouveaux acteurs vient en complément des aspirations des

consommateurs : le sentiment d’être inclus et non exclus des activités de l’entreprise est

devenu primordial.

« Avoir le meilleur service, ok, le plus important maintenant c’est

comment tu traites tes clients, c’est très important. »

Cette inversion des priorités rentre dans la nouvelle conception du marché définie par

l’économie collaborative. Comme Laura Wagner nous le confie, les valeurs de Blablacar sont

primordiales, l’une d’elles reprend la notion du « client roi » :

Actionnaires+

Salariés+

Clients+

Clients+

Salariés+

Actionnaires+

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 63

« ‘Member is the boss’, les membres sont les boss, les clients sont

rois, pourquoi est-ce qu’on dit ça ? Parce qu’on écoute nos

membres, on a une équipe relation membre qui répond à 100 %

des messages de la communauté. On répond, c’est comme ça

qu’on améliore le concept. »

L’humain au centre des activités

Effectivement, la principale raison de l’utilisation du covoiturage ou de l’autopartage est la

recherche du gain financier comme l’ont prouvé les différentes études et interviews, mais il est

clair que beaucoup d’entre nous voulons développer une nouvelle façon de se déplacer.

Dans une certaine mesure, quand on sait que la recherche de sociabilité est le premier besoin

en tant qu’humain, on se rend compte que les startups de la mobilité 2.0 répondent à des

aspirations humaines fortes. La recherche de contact et de lien social seraient des

aspects/motivations que nous recherchons :

« Les barrières sociales tombent, et tu permets à des gens qui ne

se connaissent pas forcément de passer un bon moment

ensemble dans la voiture et de créer vraiment des liens. »

Certaines de ces startups ont pour ambition de remettre l’humain au centre des

préoccupations :

« C’est créer tout plein de choses humaines, du lien social. Des

discussions, de l’ouverture à l’autre, de l’optimisme, on a

beaucoup de feedback, ça redonne foi en l’humain. Ce côté

entraide etc… »

Les startups de la mobilité 2.0 ont un rôle social qu’ils usent ou pas dans leur communication

mais qui est existant :

« On a notamment beaucoup de conducteur de banlieues, et des

passagères du XVIeme pour le cliché. Et tu arrives à faire en sorte

que dans cette voiture ils parlent et ça se passent super bien, je

trouve ça super intéressant. On a un rôle social, et peut-être que

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 64

dans 5 ans, les gens se parleront dans le métro. On a un rôle

social si on devient gros. »

2. Le profil de ses entrepreneurs sociaux : les acteurs du changement

Au fil des interviews, force est de constater qu’un véritable mouvement de fond est en train de

naître. Il apparaît primordial de le mettre en valeur car il en est peut-être qu’à ses débuts mais

pourrait à l’avenir être un mouvement qui renversera bien plus que l’économie traditionnelle.

Ce mouvement est celui d’individus qui répondent à des désirs profonds.

La recherche d’impact positif sur la société

Dans une société figée et morose criblée d’évènements dramatiques, nombreux sont les

entrepreneurs à rechercher autre chose qu’un bureau et la sédentarité d’un poste

conventionnel. Beaucoup d’entre eux veulent s’inscrire dans une forme de mouvement qui a

pour but de changer les choses :

« J’ai toujours voulu que mon travail est un impact positif, et j’ai

toujours souhaité entreprendre. C’est les 2 conditions. Il est difficile

de travailler sur un projet qui ne nous plaît pas, c’est difficile à

accepter pour notre génération. »

Nous retrouvons une envie de faire bouger les choses et de renverser les règles dans l’espoir

de la concrétisation d’un mouvement positif et utile pour tous. En parallèle, ces personnes

s’attachent à un cadre de vie dans lequel ils y voient aussi leur propre épanouissement dans

un projet communautaire.

Rendre service

La plupart des startups de la mobilité 2.0 répondent à un besoin exprimé par des milliers voire

des millions de personnes. Le besoin en déplacement est, comme nous l’avons vu dans la

première partie, un besoin fondamental et en augmentation constante. Avec l’accès à Internet,

le déplacement 2.0 est en train de devenir ce que l’automobile était à la seconde révolution

industrielle ; le nouveau paradigme de la mobilité.

L’implantation en Inde de Blablacar est une expansion réfléchie qui va pouvoir rendre service

à des millions de gens. L’objectif étant in fine de donner la possibilité à des gens n’ayant soit

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 65

pas les moyens ou pas les infrastructures nécessaires pour se déplacer d’avoir accès à la

mobilité par des solutions simples et solidaires. Ces acteurs de la mobilité sont en train de

nouer des liens géographiques extraordinaires en créant un maillage de plus en plus

accessible. Rendre service reste l’une des motivations principales de ces entrepreneurs.

Tendre vers un monde meilleur grâce à l’économie collaborative

Dans une moindre mesure, l’économie collaborative donne accès à une façon plus saine et

intelligente de consommer nos ressources et nos biens. Car utiliser la voiture de son voisin,

c’est diviser par 2 l’émission de CO2 . Combinant ainsi l’utile à l’agréable par le partage social,

la finalité des projets, même si ce n’en est pas le but principal, permet d’une certaine manière

de tendre vers un monde meilleur.

« Et un moment le but est de rendre la société meilleure, et je

pense qu’elle est bien meilleure avec des plateformes

collaboratives. »

Valeurs communautaires et solidaires

Lorsque l’on sait que la plupart des startups sont la source de constatations personnelles, il

est légitime d’admettre que ces entreprepreneurs ont agi d’un point de vue personnel au

service du collectif. Ces valeurs communautaires et solidaires mises en relief par des individus

concernés ont permis de mettre en perspective des problématiques partagées afin de trouver

des solutions. Dans cet optique, beaucoup d’entre eux réfléchissent afin d’améliorer la vie

collective.

Entreprendre : un projet de vie

Entreprendre n’est pas une chose à prendre à la lègère, c’est une « expérience formidable et

pleine de rebondissement ». C’est savoir construire une équipe, qu’il y ait des gens qui croient

en un projet, qu’il y ait des gens qui soient motivés pour rejoindre un projet d’autant plus que

le changement de paradigme économique révèle des opportunités et des valeurs en

adéquation avec les aspirations des entrepreneurs :

« Le principe de la consommation collaborative me parle vraiment,

parce qu’on est en train de vivre un changement d’habitude de

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 66

consommation, ça part dans tous les sens et c’est super

passionnant d’être acteur de ce changement. »

Pour ces individus, entreprendre est un projet à forte valeur ajoutée, cela revèlerait presque

d’une nécessité dans leur développement personnel. La passion d’entreprendre est mise en

parallèle avec l’économie collaborative, permettant ainsi de laisser libre cours à leur

imagination.

3. Un rôle social à relativiser

En accusant d’une perspective plus large, on se rend compte aussi que le rôle social de ses

entreprises reste « limité à un échange monétaire ».

De manière globale, la majorité des acteurs « joue » du capital social ou rôle social comme

socle de la confiance entre les clients et eux pour limiter les freins que peuvent provoquer la

commande d’un service via Internet. En effet, celui-ci réduit les risques de refus et permet

d’instaurer un climat de confiance stable.

Dans la mesure où ces startups favorisent le lien social, il est évident qu’elles ont commencé

par « vendre » cette valeur ajoutée mais finalement, ce n’est pas l’argument principal de

vente. La principale motivation de l’utilisation de ces services de mobilité 2.0 est bien

évidemment le prix. Finalement, le rôle social est parfois une excuse, une façon « sympa » de

communiquer mais ce que recherche les gens réellement, c’est économiser sur le prix de

leurs déplacements.

« Mais il y a aussi l’image du covoiturage, avec des individus que

nous ne connaissons pas. Ca faisait partie de nos arguments

pour convaincre. Mais on ne misait pas tout là-dessus. C’est

aussi pour faire des économies, des gens le font parce qu’ils

n’ont pas envie de conduire la matin dans les bouchons. Il n’y a

pas de place à leur travail. La morale, l’enseignement, c’est que

c’est extrêment varié, les motivations sont extrêmement

variées. »

L’utilisation de cette nouvelle mobilité est avant tout faite pour faire des économies, elle

s’agrège d’une part de sociabilité qui met en valeur ce service.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 67

Synthèse de la deuxième partie :

Pour résumer, voici ci-dessous une liste de dispositions auxquelles s’attachent au

mieux l’agilité des modèles économiques des startups de la mobilité 2.0 :

Accessibilité : accès au service en quelques clics, sans déplacement.

Capital humain : image sur lequel repose les startups de la mobilité 2.0.

Capital social : communication à travers un engagement humain et solidaire.

Confiance : retranscrite par la transparence des parties, la confiance est le moteur de

ses nouvelles habitudes de déplacement.

Décentralisation : schéma du modèle économique définissant les acteurs comme

mandataires de service.

Flexibilité : faculté à proposer une offre indépendamment de la notion de temps.

Instantanéité : habilité à fournir une réponse à un besoin à un instant t.

Mutualisation : force du processus de l’économie collaborative, mise en commun des

ressources disponibles.

PPAP – Prix Prêt A Payer : prédisposition des individus a payer un certain prix.

Praticité : prise en main très rapide et intuitive.

Proximité : aptitude à offrir une offre de service la plus proche dans l’espace.

Transparence : capacité à fournir des informations précises et justes.

Temps réel : disposition à définir une offre de service en temps réel.

La synergie de tous ces éléments a créé une forme redoutable de service répondant

aux différentes évolutions du XXIèm siècle.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 68

PARTIE 3 : CONFRONTATION DES RÉSULTATS DE L’INVESTIGATION DOCUMENTAIRE

ET DES ENTRETIENS

Le secteur du transport est aujourd’hui en pleine refonte. La mobilité n’est plus l’affaire de

simples prestataires désireux d’apporter leur pierre à l’édifice à leur manière. En réalité, la

mobilité est devenue le nouvel axiome de la modernité, un modèle qui bouleverse de manière

considérable les entreprises traditionnelles du secteur.

Les diverses observations issues des entretiens sont des approfondissements pratiques des

données théoriques émises dans la première partie. La confrontation des deux parties a

permis de faire émerger l’existence de quelques divergences, voire contradictions entre les

données théoriques et empiriques mais elle a surtout mis en relief le modèle inédit sur lequel

repose les nouvelles entreprises de la mobilité issues de l’économie collaborative.

A. Le modèle économique du XXIeme siècle

Chaque chose a un temps, l’économie moderne est en train de modifier les fondations de

l’économie traditionnelle. Il s’agit d’une nouvelle conception de l’approche du modèle

économique. Le XXIeme siècle apporte son lot de révolutions et comme le dit Benoit Potier

Directeur Général d’Air Liquide, à propos d’Uber : « il se passe des choses actuellement qui

bouleversent l'environnement à une vitesse inégalée ».

1. Les fondations de la nouvelle économie

Les recherches effectuées ont permis d’étudier les différents facteurs qui ont bousculé les

acteurs traditionnels de la mobilité et de mettre en valeur les plus pertinents. Les conclusions

respectives de la première et seconde parties ont permis de mettre en évidence une analogie,

c’est à dire une similitude sur les critères de l’économie collaborative à l’aune de deux

approches différentes, théorique et pratique. Cette approche critique et sélective a permis de

synthétiser et conceptualiser les principaux facteurs illustrés par le graphique suivant :

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 69

Explication du graphique :

La zone verte foncée en arrière-plan représente le résultat des recherches effectuées lors de

l’investigation documentaire ; elle est constituée des éléments qui ont bousculé le modèle des

entreprises traditionnelles de mobilité. En effet, l’apparition d’Internet et des smartphones, par

exemple, ont fondamentalement transformé les business model. Chacun des 6 grands

facteurs est complété, dans la zone verte claire, par la composante/conséquence

fondamentale du premier critère. Ces composantes proviennent de l’analyse détaillée des

entretiens.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 70

Il convient à présent de revenir précisément sur chaque critère :

1. Internet : l’apparition d’Internet dans les années 90 a marqué un tournant dans

notre façon de vivre. C’est la création d’un immense maillage virtuel permettant

aux individus de se mettre en relation n’importe où et n’importe quand. Cet outil

conduit ainsi à une meilleure accessibilité.

2. Smartphone : les smartphones ont développé chez nous une nouvelle façon de

consommer mais aussi de nous percevoir dans le temps et dans l’espace. Les

réseaux 4G/3G et la géolocalisation permettent de localiser une personne en

temps réel. Ainsi, la proximité en temps réel devient le nerf des préoccupations.

Si je veux louer une voiture, je désire la louer le plus près de chez moi.

3. Confiance : la perte de confiance orchestrée par la crise de 2008 a développé un

sentiment de méfiance de la part des individus à l’égard du système économique

et financier. La transparence est une notion qui est devenue vitale dans le monde

de l’entreprise mais également chez les politiques. Instaurer ou restaurer la

confiance devient le crédo de chaque société.

4. Coût marginal zéro : Cette notion, développée par Jéremy Rifkin, est primordiale

pour les nouvelles startups car ces dernières, pour un même service, ont des

coûts inférieurs aux entreprises traditionnelles, du fait de la décentralisation des

coûts et de la mutualisation des ressources.

5. Crise économique : la crise économique de 2008 a entraîné une crise sociale

forte entraînant la méfiance des individus envers les marques, les États…

Aujourd’hui, de nombreuses entreprises misent sur leur capital social et humain

dans l’objectif d’humaniser l’entreprise, ce monstre froid pour paraphraser

Nietzsche.

6. Gain financier : la recherche de gain financier est, à coup sûr, la principale

motivation des individus. Dans cette optique, les startups de la mobilité 2.0

répondent avant tout au PPAP - Prix Prêt A Payer - par les individus pour un

service ou produit.

Le cercle met en valeur le conditionnement des nouveaux modèles économiques des startups

qui s’adaptent/usent des évolutions technologiques et s’ajustent aussi à la place de l’individu

dans le marché.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 71

La métaphore-graphique ci-dessous, représentant la partie émergée et imergée de l’iceberg,

permet de mettre en valeur les facteurs visibles et non-visibles du changement de paradigme

économique dans le secteur de la mobilité.

Ainsi, les modèles économiques nouvelles générations ne sont pas simplement qu’une

réponse à la crise de 2008 et à la perte de confiance mais un avancement en terme de

structure des coûts et de l’évolution des mentalités vis-à-vis des consommateurs. On

s’aperçoit que l’implication du client est une étape primordiale dans la construction d’une offre.

Dans le cas de la mobilité, l’utilisateur est acteur de sa demande défendue par le modèle

People-to-people.

2. Le modèle P2P : People-to-People

Comme l’a dit récemment Jeremiah Owiang : « Le B2B et le B2C n’existent plus. Ce qui

importe désormais, c’est le P2P, le people-to-people ». A l’aune de cette modernité naissante,

cette citation reprend les transformations que connaissent les sociétés aujourd’hui dans tous

les domaines. Dans le secteur de la mobilité, ce phénomène est encore plus présent et ne

cesse d’évoluer.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 72

Le modèle P2P reprend les fondamentaux de l’échange entre des individus. Cette relation

économique, fondée sur le lien social, est inédite et s’est développée de manière

exponentielle via l’utilisation des réseaux sociaux. En effet, la différence notable est la mise en

place d’un réseau virtuel permettant aux individus de rentrer en contact rapidement. Si l’on

devait schématiser la relation, voici ce que cela donnerait :

Les nouvelles startups ont adopté un schéma simple de mise en relation via une plateforme

web. Les individus se connectent alors entre eux directement sans passer par un

intermédiaire. Le modèle People-to-People est la nouvelle architecture des startups. Il est

caractéristique d’une nouvelle façon de consommer de la part des individus. La plateforme est

en effet un acteur quasi-transparent, facilitant la connection C2C. Internet a été un catalyseur

de ces nouvelles manières de se déplacer.

A l’époque où le marché capitaliste répondait à une demande par une offre, la perméabilité de

l’offre et de la demande à l’heure de l’économie du partage a offert un nouvel élan aux

sociétés. Alors qu’auparavant, l’offre et la demande demeuraient étanches l’une de l’autre,

cloisonnées dans des rôles précis, aujourd’’hui, on constate que ces deux réalités

économiques sont interchangeables. L’offre et la demande sont maintenant deux notions

complémentaires qui peuvent s’inverser : « je peux être l’offre (proposition de trajet) et je peux

être la demande (demandeur de trajet) ». Ce changement offre un nouvel horizon pour les

startups et multiplie leurs champs d’intervention. Ce mouvement a ébranlé durablement les

modèles traditionnels car il donne accès à un marché où l’offre est démultipliée.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 73

3. Des entrepreneurs focalisés sur une nouvelle conception des 4P

Les 4P – prix, place, produit, promotion – ont été complètement revisités par ces nouveaux

acteurs. La règle du marketing-mix connaît une véritable transformation et apparaît

pratiquement obsolète aujourd’hui.

Les 4P étaient jusque là utiles lorsque les marchés étaient en croissance, c’est à dire où

l’objectif était le développement et la mise en place d’une stratégie gagnante structurellement.

L’entreprise décidait quel produit allait être vendu, à quel prix, pour quel segment de

consommateur et par le biais de quel média. Ce cadre rigide a explosé avec l’avènement

d’internet. Le modèle paraît vétuste, sa limite est apparue avec et à cause d’Internet. Ce

dernier offre un espace de promotion beaucoup plus large et moins contrôlable que les

médias traditionnels. En outre, alors qu’auparavant, les entreprises se souciaient peu de la

satisfaction client, l’acte d’achat étant considéré comme valorisant et suffisant, on note

aujourd’hui que le contentement du consommateur doit perdurer dans la durée et Internet se

révèle à ce titre le vecteur central de revendication. Avec la saturation des marchés et des

nombreuses offres disponibles, la fidélisation du client est devenu le nerf de la guerre entre les

différents concurrents, c’est finalement le client qui décide de ce qui est bien pour lui ou non. Il

fonctionne par bouche-à-oreille. On revient alors au fonctionnement de la communication

People-to-People, sans intermédiaire.

Les 4P sont devenus obsolètes avec l’apparition de l’économie du partage, de l’économie

circulaire, de l’économie inclusive, de la co-création et des « makers » et également avec

l’avènement des communautés et des valeurs humaines. En conséquence, la confrontation

entre l’offre marketing et le marché, via ces nouvelles économies, a permis de faire émerger le

consommateur comme figure centrale de l’offre et la demande. Le consommateur est devenu

le process indispensable dans la construction d’une offre. Face à cette nouvelle réalité, les

professionnels de l’économie du partage doivent s’adapter quotidiennement afin de répondre

aux demandes et offres provenant directement du consommateur.

Ces nouveaux modèles ne sont finalement que des prestataires d’un service qui s’effectue

d’un individu à un autre individu, le People-to-People. De cette manière, on peut reprendre

l’analyse réalisée par Christian Dussart, auteur et professeur à HEC Montréal et HEC Paris, et

Jacques Nantel, professeur à HEC Montréal :

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 74

La prolifération de l’offre et de la demande ainsi que la suppression des goulots

d’étranglements montre la puissance du phénomène P2P. Comme il a été vu précédemment,

on constate un inversement des priorités, qui se voit aussi dans la prise de pouvoir des

acheteurs face aux distributeurs et aux fabricants. Le rapport de force n’est plus le même,

l’acheteur est celui qui décide.

La politique de prix orchestrée par les nouveaux acteurs tend vers un idéal du PPAP, le prix

étant sans doute l’élément le plus important dans la validation de l’acte d’achat. Ces acteurs

offrent des tarifs défiant toute concurrence et ce grâce à la décentralisation des coûts et la

mutualisation des ressources. L’acceptation du prix par le client est valorisée par le bénéfice

de l’offre. Le coup de maître revient aux acteurs de la mobilité 2.0 qui se désolidarisent

complètement de l’expérience réelle d’achat, celle-ci étant l’exercice de particuliers et non de

professionnels. En effet, l’état des lieux du véhicule sera réalisé par le propriétaire/

Les lois du marché évoluent et l’implication de la personne devient un point essentiel dans la

stratégie des entreprises. A cet égard, on peut parler des 3P : People – Planet – Profit,

expression développée par John Elkington en 1994. Il serait alors intéressant d’user de la

notion de partage, incrémentant alors un cinquième P.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 75

Finalement, les concepts et modèles économiques de construction d’un business model d’une

entreprise du XXem siècle s’adaptent difficilement à l’architecture des nouvelles startups qui se

construisent sur un idéal de consommation collaborative. Le changement de paradigme

entraîne avec lui la remise en question des principes de l’économie traditionnelle, et comme le

souligne Jeremy Rifkin, « il est temps de mettre Adam Smith à la retraite », la main invisible

autorégulatrice du marché commence à perdre de son efficacité.

4. La rentabilité économique des nouveaux modèles économiques

L’analogie faite entre les 2 parties permet aussi de mettre en valeur un business model plus

que rentable. Dans la presse, on voit apparaître, de plus en plus souvent, le terme

d’« ubérisation ». Ce néologisme est employé pour décrire les changements économiques

auxquels sont confrontés nos sociétés, en particulier dans le domaine de la mobilité, à travers

l’exemple topique de la société Uber.

Aujourd’hui, Uber est valorisé à plus de 40 milliards de dollars, c’est à dire la même

valorisation que Air Liquide, leader mondial des gaz, technologies et services pour l'industrie

et la santé. La différence entre ces 2 entités est notable : la première a mis 5 ans à être

estimée à cette valeur, et une centaine d’années pour la seconde.

La rentabilité fulgurante de ces nouveaux acteurs fait perdre pieds aux grands acteurs

traditionnels de la mobilité. Ce succès est d’autant plus impressionnant en sachant qu’il ne

s’agit au final que de mandataire de services :

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 76

La connexion People-to-People permet aux startups de s’affranchir de tous les coûts annexes

supportés par les entreprises traditionnelles : coût de l’automobile, coût de stockage des

automobiles, coût des commerciaux, frais d’entretien et de réparation par exemple. Le

business model est simple et revient donc à prélever une commission entre 10 à 30% du prix.

B. L’apparition d’une nouvelle ère

Apparemment, le monde s’est engagé dans une nouvelle voie qui repose sur les individus

avant tout. Ce mouvement apporte des modifications profondes construites autour de

problématiques générales et répondant à des besoins essentiels. Cette disruption met en jeu

une nouvelle vision des choses et des individus, en faveur d’un monde plus juste, grâce à une

utilisation intelligente des ressources disponibles.

1. L’utilisation mutualisée des ressources disponibles

Les prochaines générations voudront-elles posséder leur propre voiture en sachant qu’il

peuvent utiliser tous les modèles de voitures qu’ils souhaitent en louant une voiture différente

chaque jour ? Quel sera l’intérêt de posséder sa propre voiture ?

Aujourd’hui, dans certains états des Etats-Unis, il y a plus de voitures que d’habitants. Alors

au lieu de penser « fabrication d’un produit pour se déplacer », les nouvelles startups de

l’économie collaborative ont pensé « création d’un service pour se déplacer » par l’utilisation

des ressources disponibles. Chaque « client » use de ses ressources personnelles pour

proposer une offre et satisfaire une demande (dans le cas d’un covoitureur/chauffeur/loueur),

le client (passager non motorisé) ne dépend plus d’un prestataire. Le service est alors réalisé

par un particulier.

Alors que la propriété privée était, au XXeme siècle, signe de réussite sociale et le droit le plus

fondamental, le partage de la propriété au XXIeme siècle pourrait devenir la pierre angulaire de

l’économie, s’il ne l’est pas déjà.

2. La révolution numérique, mère de la troisième révolution industrielle

La révolution numérique met un point d’honneur à bouleverser les acteurs traditionnels. Le

phénomène d’accélération de la digitalisation de l’économie donne un coût d’arrêt aux

entreprises traditionnelles. La transition numérique est un tournant fondamental dans la vision

de l’économie mais aussi des sociétés en général. Les possibilités offertes par l’Internet

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 77

déterminent la nouvelle ère dans laquelle l’humanité s’inscrit. La dimension virtuelle

bouleverse les distances physiques, une carte géographique virtuelle est en train de se

construire établissant un maillage dense entre les individus.

La révolution numérique opère un changement capital instaurant la troisième révolution

industrielle.

3. Les valeurs, fondamentaux de l’économie du partage

L’économie du partage repose sur un ensemble de valeurs qui dépassent la sphère macro-

économique. Il s’agit d’une méthode inédite fondée non plus sur le simple échange marchand

mais sur la collaboration entre des individus en chair et en os. La notion de partage irrigue

ainsi l’ensemble de l’économie collaborative et en particulier, dans le secteur des transports.

La consommation collaborative est une révolution majeure au sens où elle redonne à

l’économie la part d’humanité qu’elle semblait avoir perdue avec l’avènement du capitalisme et

les crises financières récentes. Aujourd’hui, l’économie collaborative promet au consommateur

un véritable échange, un partage des responsabilité et une confiance aveugle. Ce sont autour

de ces notions - échange, confiance, interactivité – que s’articulent les entreprises de

transport.

Le résultat des entretiens effectués montrent que le capital social est une composante

indispensable aux startups. Le partage est capital dans ce nouvel modèle. L’usage plus que la

propriété est la philosophie de ces nouveaux modèles. Concrètement, l’individu partage ce

qu’il possède, en échange d’une contrepartie.

Mais ce modèle est loin d’être utopique et comporte des failles. En effet, les promesses de

l’économie collaborative ne doivent pas masquer les faiblesses de ce modèle.

Au vu des entretiens réalisés et des données analysées, il apparaît clairement que le modèle

imaginé se heurte à la réalité économique, sociale et humaine. Les valeurs prônées par

l’économie collaborative sont difficilement transposables, dans leur intégralité, au monde des

services.

A titre d’exemple, les startups, dans le domaine des transports, souhaitent mettre en valeur la

dimension écolo-responsable du partage des voitures. En vérité, cet argument se rapproche

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 78

davantage d’un discours marketing que d’une véritable volonté de l’entreprise. Pour ces

jeunes entrepreneurs, il s’agit souvent d’un argument commercial supplémentaire.

Ainsi, les services de la mobilité ne sont pas valorisables par le biais du développement

durable et de la préservation de l’écosystème. Dans un premier temps, ces services ont

valorisé cette cause, plébiscitée par les individus mais ce n’est pas la première raison de

l’utilisation de ce moyen de déplacement. Ce sont les earlys adopters qui, en premier, usaient

de cette distinction. Bien évidemment, le covoiturage offre la possibilité de réduire le nombre

de voitures sur les routes mais c’est une causalité peu valorisée. Le développement durable

n’est donc pas en soi un nouvel argument ce qui peut faire trembler les acteurs traditionnels.

En confrontant les données théoriques de la 1ere partie et les exemples concrets de la

deuxième partie, notamment les dérives possibles et actuelles concernant la réglementation

en particulier avec le droit du travail, certaines notions rentrent en contradiction avec les

valeurs prônées au départ :

• Confiance trop aveugle des utilisateurs ou bien la question de la sécurité ?

• La confiance semble innée mais qu’en est-il vraiment, est-ce une confiance de

façade ?

• Comment réagissent les entreprises lorsque surviennent des difficultés ?

D’une certaine manière, les plates-formes collaboratives commencent à ressembler aux

grandes entreprises. Le rachat de carpooling par Blablacar lui confère 90% du marché du

covoiturage. Les qualités du début (proximité, humain, partage) peuvent passer au second

plan car elles commencent à ressembler aux entreprises traditionnelles. Au-delà de ses

valeurs de partage mises en exergue par ces sociétés, ces dernières répondent avant tout et

surtout à une logique économique, comme le démontre leur rentabilité. Derrière l’économie

collaborative, se cache un souci avant tout capitalistique, gagner de l’argent par une

combinaison structurelle aussi vieille que la première révolution industrielle, un minimum de

coût pour un maximum de profit.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 79

CONCLUSION

Les nouveaux modèles de la mobilité s’inscrivent dans une logique de proximité,

d’instantanéité et de flexibilité plébiscité par les nouveaux consommateurs, tout en conjuguant

un modèle économique basé sur la décentralisation des coûts et la mutualisation des

ressources. L’émergence et la consolidation future de cette architecture inédite bouleversent

et remettent en cause le fonctionnement des entreprises traditionnelles dédiées au transport.

Les acteurs de la mobilité 2.0 représentent la figure moderne de ces entrepreneurs, décidés à

insuffler un nouvel élan à l’économie en place qui peut parfois apparaître comme sclérosée.

Mais cette révolution n’est pas limitée au seul domaine du transport. En effet, la conclusion de

cette étude est finalement applicable aux autres entités de l’économie collaborative. Le

transport de passagers est, comme on l’a vu, le secteur le plus financé de l’économie

collaborative et joue un rôle fondamental dans la fragilisation du rôle des acteurs traditionnels.

C’est pourquoi son étude apparaissait la plus pertinente car outre son rôle précurseur, le

secteur des transports est un exemple topique que l’on peut parfaitement transposer aux

autres domaines de l’économie collaborative tel que l’hôtellerie et Airbnb.

Ce mémoire de recherche a ainsi permis, à travers l’exemple des transports, d’avoir une

approche globale, critique et empirique de l’économie du partage. Cependant, il a fallu franchir

quelques obstacles.

La plus grande difficulté a été d’opérer une délimitation entre les 3 activités de la mobilité. En

effet, l’économie collaborative dans les transports ne repose pas sur un canevas unique. Au

contraire, elle se caractérise par sa multiplicité dans le choix des transports et le mode de

partage proposé. C’est ce qui fait sa richesse et sa complexité. L’analyse a donc du être

portée sur trois pratiques différentes les unes des autres, à savoir le covoiturage, l’autopartage

et les véhicules de tourisme avec chauffeurs. Au-delà des différences constatées et des

logiques propre à chacun, ces phénomènes ont permis d’illustrer la mobilité à l’heure actuelle.

La seconde difficulté réside dans le panel d’interviews réalisés. Malgré la qualité des

personnes interrogées, un nombre plus important d’entretiens aurait conforté les résultats. Il

faut savoir que les CEO d’une startup demeurent des cibles relativement difficile à obtenir.

Cependant, en tant qu’auteur-étudiant mais aussi jeune professionnel s’inscrivant dans

l’économie du partage dans la startup Colunching, les rencontres formelles et informelles ont

aussi permi le développement de ses constatations.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 80

Au-delà de ces pierres d’achoppement, l’intérêt de ce mémoire a été accru par son actualité

brûlante. En effet, l’économie de partage est un sujet d’actualité, dont les médias se sont

emparés avidement. L’exposition médiatique est d’autant plus grande qu’au-delà de son

caractère innovant et révolutionnaire, c’est un sujet qui touche au quotidien les français. A ce

titre, ce phénomène a été décrypté par les grands médias traditionnels, comme France 2.

C’est pourquoi je souhaite mettre à disposition deux articles, présents en annexe 1 et 2 du

volume 3. Ils retracent les deux grandes évolutions de la mobilité 2.0 : le changement

opératoire auquel doit faire face les anciens acteurs face à cette concurrence nouvelle et la

montée en puissance du covoiturage dans le monde. Le premier article est une étude de cas

de la Harvard Business Review (annexe 1) qui s’interroge sur la problématique suivante : « un

loueur automobile peut-il absorber sa start-up d’autopartage sans perdre de clients ? ». Le

second article du magazine Challenge est consacré à la start-up Blablacar (annexe 2).

L’économie est en train de changer de paradigme et la société n’est pas seulement

spectatrice mais actrice à part entière de ce changement en marche. Le livre de Jéremy

Rifkin, intitulé La nouvelle société du coût marginal zéro, l’internet des objets, l’émergence des

communaux collaboratifs et l’éclipse du capitalisme, constitue la bible de cette nouvelle

économie afin d’en comprendre tous les mécanismes et les subtilités.

La valeur de ce mémoire est d’avoir mis en relief les facteurs sur lesquels reposent les

modèles collaboratifs, à savoir la décentralisation des coûts et la mutualisation des

ressources. Plus encore, il semble intéressant d’étudier comment les acteurs traditionnels ont

répondu à cette concurrence. Par quelles stratégies ? Certains de ces grands acteurs ont lié

des partenariats avec ces jeunes enseignes, c’est le cas de Rent A Car avec Drivy, ou les ont

achetées. D’autres ont déployé leur propre système. On comprend alors qu’il est en train de

se passer quelque chose, le changement de paradigme est en train de s’opérer en adéquation

avec l’évolution numérique. Il est important de se rappeler que le numérique n’est apparu dans

nos vies que très récemment. Compte tenu des évolutions constatées aujourd’hui, quand

sera-t-il des évolutions de demain ? Les voitures électriques sans chauffeur remplaceront-

elles toutes formes de mobilité ? Nous sommes aux prémisses d’une nouvelle ère ; il est

important aujourd’hui de se projeter à court et moyen terme. Notre façon de vivre est impactée

par des modes et des usages qui n’ont de cesse de se modifier quotidiennement. �

Le changement n’est pas que fonctionnel, il est aussi humain. Les aspirations humaines

évoluent pour rendre le monde plus juste et équitable. Dans un monde régi par l’argent et le

pouvoir, la prolifération du People-to-People est la contradiction naissante du pouvoir de

l’argent. Le lien social, pilier de toute société, est en train de se renforcer par le biais

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 81

surprenant de l’économie. Alors que le marché a toujours été régi par l’idée de profit, dans une

logique purement capitalistique, l’économie collaborative tente d’y inscrire de l’humain et du

partage. En tout cas, c’est l’idée, sans doute, qui est proposée au départ de cette aventure. �

Enfin, l’économie collaborative dans le secteur des transports porte sur le devant de la scène

mondial les questions du développement durable et de la préservation de l’écosystème. Bien

que ces problématiques sur l’écologie ne soient pas ce qui fait le succès de ces modèles

auprès des individus, il le sera indéniablement pour celui des générations qui suivent, la

mienne en faisant partie46.

46 Lire p.425 à 433, Chapitre 13. La corne d’abondance durable, Une planète qui se réchauffe, Livre : « La nouvelle société du coût marginal zéro », Jeremy Rifkin.

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 82

BIBLIOGRAPHIE

1. ABC Premium News, Sydney taxi drivers call for NSW Government to stop UberX ride-

sharing app, EBSCO

2. Acedo Sébastien, Trois Européens sur quatre croient à la voiture partagée (sondage),

argusdelassurance.com

3. Acedo Sébastien, Economie collaborative : la Maif soutient OuiShare,

argusdelassurance.com

4. ADEME, Quelle politique pour le covoiturage en France?, EBSCO

5. Bailly Marion, Economie collaborative : adaptez votre modèle à cette nouvelle

économie du partage !, dynamique-mag.com

6. Bayart Bertille, Uber lance un service de partage de trajets pour casser les prix,

lefigaro.fr

7. Béchaux Stéphane, Le partage, c’est aussi du business, wk-rh.fr

8. Becuwe Maëlle, Tripndrive fait décoller l'autopartage dans les aéroports,

chefdentreprise.com

9. Beene Ryan, Audi tests car sharing for the wealthy, EBSCO

10. Bergé Frédéric, Blablacar et jestocke.com, deux fleurons de l'économie collaborative,

pro.01net.com

11. Botsman Rachel, A propos de la consommation collaborative, ted.com

12. Botsman Rachel, What's mine is yours

13. Bouleau Claire, Leboncoin.fr, Airbnb ou Blablacar: les Français sont accros à

l'échange, challenges.fr

14. Boulet-Gercourt Philippe, Airbnb, Uber, Lyft : de l'économie collaborative au business

du partage, nouvelobs.com

15. Bourguignon Clément, Panorama des acteurs du tourisme collaboratif,

voyagesurlenet.com

16. Bursaux Daniel, Quelles sont les attentes des voyageurs en France ?, EBSCO

17. Cailly Laurent, Benoît FEILDEL, Hélène BAILLEUL, Benjamin PRADEL, Luc

GWIAZDZINSKI, Marie-Christine FOURNY, Covoiturage et territoire : quelle(s)

proximité(s) dans la mobilité ?, EBSCO

18. Calixte Laurent, D'Uber à Airbnb, les perturbantes dérives de l'économie collaborative,

challenges.fr

19. Carle Louis, Les 9 startups Made In France qui font les VTC de demain, maddyness.fr

20. Carpooling, Why the world need to start carpooling ?, carpooling.com

21. Carry Dominique, Louer ou acheter l’usage, une interprétation écocitoyenne de l’offre

de service, EBSCO

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 83

22. Certu, Le covoiturage en France et en Europe, EBSCO

23. Chaffin Zeliha, Covoiturage.fr embarque 350.000 passagers par mois, capital.fr

24. CREDOC, Consommation 2014-2015 très ralentie : vers une extension

de la consommation collaborative

25. CSA, Les français et le transport partagé, Keolis

26. Dassier Arnaud, Uber: la France va-t-elle rater le virage de l'économie du partage?,

lexpress.fr

27. Debregeot Guillaume, Pourquoi Uber irrite tant ses concurrents, challenges.fr

28. Ferran Benjamin, Voiture, logement, services : le Net réinvente l'économie du partage,

lefigaro.fr

29. Fredouelle Aude, Uber valorisé 40 milliards de dollars, journaldunet

30. Frost & Sullivan, Car-sharing Market in North America 2014-2018, EBSCO

31. Frost & Sullivan, Strategic Assessment of European Corporate Carsharing Market,

EBSCO

32. Gansky Lisa, L'avenir des affaires est le maillage, ted.com

33. Genet Jean Pierre, Les Français aiment l'automobile...mais autrement, largus.fr

34. Geoffroy Anne-Cécile, Le consommateur est devenu un concurrent sévère du salarié,

wk-rh.fr

35. Guardian Brampton, Community CarShare offers alternative to high cost of car

ownership, EBSCO

36. Guernalec Florence, Enquête : les nouvelles mobilités, apanage des citadins,

mobilicities.com

37. Guillaud Hubert, La montée de la consommation collaborative, internetactu.net

38. Harel Camille, Vers une extension de la consommation collaborative, lsa-conso.fr

39. Harel Camille, Les freins et les leviers de la consommation collaborative, lsa-conso.fr

40. Havas Worldwide, The new consumer and the sharing economy, prosumer-report.com

41. Havas Worldwide, IKEA, H&M, AND VIRGIN: WHERE DOES COLLABORATIVE

CONSUMPTION LEAVE YOUR BRAND?, prosumer-report.com

42. Heurtebise Catherine, Les urbains et la consommation collaborative, e-marketing.fr

43. IFOP, Observatoire de l’Economie Collaborative des sites «A little», CSA

44. IPSOS, Les Français et les pratiques collaboratives Qui fait quoi ? Et pourquoi?,

IPSOS

45. Jacquot Guillaume, Ça roule pour le covoiturage, ledauphine.com

46. Jeusset Sélèna, Citygoo: le covoiturage urbain s'installe à Paris, lexpress.fr

47. Jung Marie, 6 millions d’euros pour Drivy, le service de location de voitures en peer-to-

peer, pro.01net.com

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 84

48. Kaganski Serge, Jeremy Rifkin : “Le capitalisme va laisser place à une économie de

l’échange et du partage, lesinrocks.com

49. Keolis, La mobilité à l'heure du partage des transports, de la mer et de la pêche

50. La fabrique écologique, L’économie collaborative au service des territoires, CREDOC

51. Lattitude / Life, connected, The new sharing economy, Lattitude / Life, connected

52. Lavaud Anne, Des « copratiques » à sécuriser, argusdelassurance.com

53. Léonard Antonin, La Consommation Collaborative en 10 Infographies,

consocollaborative.com

54. LEXPRESS.fr, 100 000 euros d'amende requis contre l'américain Uber, lexpress.fr

55. Malhotra Arvind et Marshall Van Alstyne, The Dark Side of the Sharing Economy …

and How to Lighten It, EBSCO

56. Marie Jean, Taxi collaboratif contre pro – la guerre est ouverte, consoglobe.com

57. Maudet Elsa & Tristant Charie, La mobilité durable, c'est quoi?, youphil.com

58. Mosca Marco, Blablacar se penche sur le profil type de ses covoitureurs, challenges.fr

59. Moynot Amélie, 3 tendances qui changent le monde... et l'entreprise, actionco.fr

60. Nebia Amelle et Magaud Christelle, La marque délègue, le consommateur agit !, e-

marketing.fr

61. Novel Anne-Sophie, Vive la co-révolution, pour une société collaborative

62. Owyang Jeremiah, LeWeb Deck: 2015 The Year of the Crowd, slideshare.com

63. Pialot Dominique, Emprunter la voiture du voisin, partager son bureau: la

consommation collaborative, lexpress.fr

64. Pike Thomas, Quand les marques misent sur la collaboration, e-marketing.fr

65. Portais Etienne, Snapcar annonce une levée de fonds et un nouveau positionnement

B2B, maddyness.fr

66. Portais Etienne, Le nombre de retraits d’activité des taxis parisiens en hausse depuis 1

an, maddyness.fr

67. PR Newswire, Car-sharing Market in Europe 2014-2018, EBSCO

68. Rapport au ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche, Pour un schéma

national de mobilité durable

69. Razemon Olivier, Grève des taxis et à la SNCF : le jeu des 7 différences,

blog.lemonde.fr

70. Razemon Olivier, Comment le covoiturage fait baisser le prix du train, blog.lemonde.fr

71. Lisa GANSKY , The Mesh: Why the Future of Business Is Sharing

72. Rifkin Jeremy, La nouvelle société du coût marginal zéro

73. Rifkin Jeremy, La troisième révolution industrielle

74. Salzman Marian, WHY PEOPLE RULE THE WORLD IN 2014, prosumer-report.com

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 85

75. Saulnier-Arrighi Edouard, L’Autorité de la concurrence donne raison aux VTC face aux

taxis, maddyness.fr

76. Saulnier-Arrighi Edouard, Taxis vs VTC : Comment en est-on arrivé là ?, maddyness.fr

77. Schepman Thibaut, La conso collaborative a 10 ans. Qu’a-t-elle changé pour vous ?,

terraeco.net

78. Sedouramane Hugo, La SNCF préfère les VTC aux taxis parisiens, lopinion.fr

79. Sivardière Jean, Quel avenir pour la grande vitesse ferroviaire en France ?, EBSCO

80. Soussan Carole, Foire de Paris démocratise l’économie collaborative, cbnews.fr

81. Thoin-Bousquié Julie, Comment le français Blablacar a réussi à lever 100 millions de

dollars, lexpress.fr

82. Young Marcia, Taxi companies begin national campaign against ride-sharing services,

EBSCO

83. Les Voyageurs Et L'économie Du Partage, easyvoyage.com

84. Le covoiturage, un bon plan pour rentabiliser votre voiture, capital.fr

85. Frédéric Mazzella, 37 ans, PDG de blablacar.fr : le numéro 1 européen du covoiturage,

capital.fr

86. Avion, train, covoiturage… Merci le low cost !, capital.fr

87. Taxis et VTC : les raisons de la guerre, eurecab.com

88. UberPop, Djump, Heetch vs. WeCab et SuperShuttle : le match de l’économie

collaborative contre l’économie traditionnelle, eurecab.com

89. Consommation collaborative, encycloecolo.fr

90. Le succès de Blablacar bouscule la SNCF, lesechos.fr

91. La SNCF entre en force sur le marché du covoiturage, lesechos.fr

92. La voiture,transport en commun du futur, observatoirecetelem.com

93. Le covoiturage à travers le monde, Ipsos/Cetelem

94. Levasseur Maïthé, Le transport par taxi arrive à une intersection, Veilletourisme.ca

95. Uber sonnera-t-il le glas du taxi ?, HACHEY ISABELLE

96. Tatataaaaala, quelle SNCF pour demain ? Novel Anne Sophie

97. Qui aujourd’hui a encore les moyens de prendre le train ? Cuny Delphine

98. Les français aiment l’automobile … mais autrement. Genet Jean pierre

99. Le succès de blablacar bouscule la SNCF STEINMANN LIONEL

100. Covoiturage, SNCF lance son site pour affronter Blablacar. Chicheportiche Olivier

101. Interview de Daniel Kaplan (Fing) : le numérique, entre démocratisation et pouvoir des

plateformes, KAPLAN Daniel

102. Caractérisation de service et usages de covoiturage en France : quels impact sur

l’environnement, quelles perspectives d’amélioration ? ATEMA

Mémoire de recherche – La mobilité 2.0 – GOUDÉ Robin – ISTEC - 2015 86

103. Les Français et les pratiques collaboratives Qui fait quoi ? Et pourquoi ? Oudghiri

Rémy

104. "Consommation 2014-2015 très ralentie : vers une extension de la consommation

collaborative, CREDOC

105. KUBISTA Marek, Les Français et le transport partagé

106. Aratani Lori, Another take on sharing the ride,

107. Indians Try Car-Sharing. And Driving Themselves, Siddharth Philip

108. Pour économiser, les voyageurs font appel à l’économie collaborative, COLAS Florian

109. Transportez-vous les uns les autres, Schultz Stéphane