114
Institut de Gestion Sociale Toulouse Année Universitaire 2011/2012 Mémoire de Recherche Appliquée en vue de l’obtention du titre de Responsable en Management et Direction des Ressources Humaines BAUDOIN Aline LE ROLE DU DRH DANS LES RESTRUCTURATIONS Tuteur du Mémoire : Monsieur Gérard DELAVALLE

Le rôle du drh dans les restructurations

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Mémoire réalisé par Aline BAUDOIN dans le cadre du Master 2 Management et développement des ressources humaines, en formation continue à l'Institut de Gestion Sociale de Toulouse. 17 octobre 2012

Citation preview

Page 1: Le rôle du drh dans les restructurations

Institut de Gestion Sociale Toulouse

Année Universitaire 2011/2012

Mémoire de Recherche Appliquée

en vue de l’obtention du titre de

Responsable en Management et Direction des Ressources Humaines

BAUDOIN Aline

LE ROLE DU DRH DANS LES RESTRUCTURATIONS

Tuteur du Mémoire : Monsieur Gérard DELAVALLE

Page 2: Le rôle du drh dans les restructurations

2

NOTICE ANALYTIQUE

AUTEUR NOM : BAUDOIN PRENOM : Aline

TITRE du

mémoire

LE ROLE DU DRH DANS LES RESTRUCTURATIONS

Ecole d’affiliation

IGS

Directeur du Mémoire :

Gérard DELAVALLE

COLLATION

Nb pages : 114 Nb annexes : 4 Nb réf.

Bibliographiques : 20

MOTS-CLES

Fermeture d’établissement, Refonte des processus, Externalisation,

Fusion-acquisition, Réorganisation, Licenciements économiques, Plan

de sauvegarde de l’emploi, Ressources Humaines, Capital humain

RESUME

La restructuration est devenue un outil permanent d’adaptation des entreprises face aux

risques et aux opportunités du marché. Elle prend différentes formes : réorganisation,

fusions-acquisitions, délocalisation, recentrage sur une activité, etc.

Nous avons analysé quel est le rôle stratégique du Directeur des ressources humaines (DRH)

dans les grandes étapes du processus de gestion des restructurations entraînant des

suppressions de postes et qui nécessitent un plan de sauvegarde de l’emploi.

Le DRH est face à deux enjeux majeurs : accompagner les salariés sortants dignement en

mettant tout en œuvre pour qu’ils retrouvent dans la sérénité un emploi rapidement et bâtir

une nouvelle organisation pérenne, structurée et qui offre des perspectives d’avenir aux

salariés restants.

Le DRH doit dépasser le stade de la maîtrise du processus social en bon gestionnaire. Il doit

apporter davantage aujourd’hui en matière de gestion des compétences clés, de mesure du

travail et d’équilibres des charges, de développement de l’employabilité des salariés, de

communication. Il devient un architecte de l’organisation optimale.

Page 3: Le rôle du drh dans les restructurations

3

REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier plus particulièrement notre tuteur de mémoire, Gérard

DELAVALLE, pour ses apports sur le sujet, son soutien et pour son aide dans la clarification

de nos axes de réflexion, tout au long de ce travail. Ainsi que Marie Noëlle BERTHON pour

ses conseils en méthodologie.

Nous remercions toute l’équipe ressources humaines d’Air France et plus particulièrement

Maria DENAGISCARDE, Responsable Ressources Humaines, qui a pris le temps de

répondre à toutes nos interrogations durant le stage.

Enfin, nous remercions tous les interlocuteurs qui ont accepté de nous faire partager leur

expérience et de nous faire progresser dans notre étude et particulièrement :

- Patrick ROUX, Directeur des Ressources Humaines Europe du sud de l’entreprise

FREESCALE Semiconductor et Président du club Management et Ressources

Humaines,

- Jean-Philippe NADAL, Directeur des Ressources Humaines du groupe ARCADIE

Sud-Ouest,

- François ROBARDET, membre CFDT du Comité central d’entreprise Air France et

Président de la commission Emploi et Formation du CCE.

Page 4: Le rôle du drh dans les restructurations

4

PREAMBULE

Avant de reprendre mes études de Master 2 « Management et Développement des Ressources

Humaines » à l’IGS, j’ai pu vivre et prendre en charge la gestion de plans de sauvegarde de

l’emploi dans ma fonction de Responsable Ressources Humaines.

Le groupe auquel j’appartenais m’a permis de vivre une fusion, une scission, des

réorganisations et un rachat. Au fil du temps ma fonction s’est largement consacrée à la

gestion de ces restructurations.

Aussi, ce n’est pas tant d’avoir perdu mon poste au cours d’un licenciement économique mais

bien plus parce que je suis convaincue que le DRH et la fonction RH ont aujourd’hui un rôle

important à jouer dans ce contexte, qui m’ont donné l’envie de traiter de ce sujet- là.

Et a fortiori lorsque j’ai intégré en stage Air France qui se lance dans une restructuration de

grande envergure.

Le raisonnement qui a été fait tout au long de cette étude est la résultante des théories qui ont

été développées sur le sujet mais également le fruit d’une réflexion et de constats personnels.

Page 5: Le rôle du drh dans les restructurations

5

SOMMAIRE

Notice analytique…………………………………………………………..………………….2

Remerciements………………………………………………………………………………..3

Préambule…………………………………………………………………..…………………4

Sommaire…………………………………………………………………...…………………5

Introduction générale…………………………………………………………………….…..6

Partie 1 : Le cadre d’analyse ……………………………………………….…………………9

Partie 2 : L’enquête de terrain……………………………………………………………….51

Partie 3 : Préconisations opérationnelles…………………………………...………………..70

Conclusion générale…………………………………………………………………………85

Bibliographie……………………………………………………………………….………..86

Glossaire…………………………………………………………………….……………….88

Annexes………………………………………………………………………...…………….89

Table des annexes…………………………………………………………………………..111

Table des tableaux………………………………………………………………….………112

Table des matières………………………………………………………………………….113

Page 6: Le rôle du drh dans les restructurations

6

INTRODUCTION

Les restructurations, d’un fait économique et social, sont devenues un fait de société. En plus

de 30 ans, nous sommes passés d’une vision « accidentelle » des restructurations à une vision

« structurelle». Selon FAYOLLE (2005) les restructurations sont « diffuses et permanentes ».

Ainsi, d’après une enquête menée auprès de 200 directeurs des ressources humaines

(MONSAVOIR, 2000), ces derniers considèrent désormais les restructurations comme une

étape récurrente de la vie des entreprises engagées dans des processus de changement

permanent. Elles ne sont plus seulement de « crise » et concernent aussi bien des entreprises

en difficulté que des entreprises bien portantes.

Aussi les faits nous montrent que les restructurations se sont étendues à tous les secteurs

d’activité depuis les années 1980, elles concernent également tous les salariés, toutes les

fonctions : ouvriers, employés, maîtrises et cadres. Comme le dit CORNOLTI (2001), c’est

un « phénomène universel ».

La restructuration est devenue un outil permanent d’adaptation des entreprises face aux

risques et aux opportunités du marché. Par ailleurs, elle est souvent pensée à une échelle

transnationale.

Les restructurations ont des formes variées : réorganisation, fusions-acquisitions,

délocalisation, recentrage sur une activité, etc.

La restructuration peut se traduire par la mise en cause de tout ou partie des activités de

l’entreprise et mener à des suppressions d'emplois. Je m’intéresserai donc plus

particulièrement à ces dernières en excluant de ce cadre d’analyse les cessations définitives

d’activité ainsi que les questions traitant directement des fusions acquisitions.

Les restructurations ont un impact négatif sur l’emploi et perturbent les collaborateurs qui les

vivent.

Ce projet de restructuration est un projet d’entreprise, mais pour la gestion du dispositif, ce

dossier est confié au Directeur des ressources humaines (DRH), expert en matière de droit

social et de gestion de l’humain.

Dans un processus de restructuration, le DRH rencontre de nombreuses difficultés.

Page 7: Le rôle du drh dans les restructurations

7

Les dirigeants sont soucieux d’aller vite pour des raisons financières, commerciales et pour

préserver l’image de l’entreprise. Est-ce que dans ce contexte, le DRH est associé à la prise de

décision ?

Aussi le DRH est tenu de respecter des contraintes juridiques chronophages. Il se doit d’éviter

une situation de blocage par le dialogue social qui prend aussi du temps.

Pourtant en tant que business partner et contraint de respecter des délais très courts, la

tentation est grande pour le DRH de céder à la précipitation. Comment le DRH jongle-t-il ?

Est-ce que le DRH a le temps et les moyens d’identifier et de prévenir des risques liés aux

ressources humaines ?

Une restructuration, au-delà d’être un problème opérationnel et social, est une affaire de

communication globale tant vers l'interne que vers l'ensemble des parties prenantes externes.

J’en veux pour preuve la liste des entreprises menacées de plan sociaux, qui ont fait l’objet

d’une surmédiatisation dès avril 2012, plans sociaux soit disant retardés pour cause d'élections

comme par exemple Air France. Ce qui peut amener les DRH à bousculer leurs habitudes de

dialogue social. Quelle stratégie de communication le DRH adopte-t-il ? Quelles cibles : les

salariés, les clients ?

La gestion des ressources humaines et des compétences s’inscrit nécessairement dans la

durée. Or un projet de restructuration interfère dans ce travail de longue haleine. Le DRH

peut-il s’afférer à négocier un plan social tout en continuant à développer une politique RH

susceptible de renforcer l’agilité de l’entreprise ?

Aussi, l’incompréhension du projet de restructuration, les rumeurs, génèrent de l’inquiétude

pour les salariés et des managers de proximité. On peut constater une dégradation du climat

social mais quelle en est l’ampleur ? Comment le DRH appréhende les enjeux humains d’un

tel projet ?

Lors d’une restructuration avec suppressions de postes, en quoi la stratégie du DRH lui

permet-elle de concilier les conflits de temporalités, la gestion des enjeux liés aux

ressources humaines pour redynamiser l’entreprise en difficulté ?

Page 8: Le rôle du drh dans les restructurations

8

Pour répondre à cette question, nous aborderons dans une première partie, la mise en place du

processus de restructurations avec suppressions d’emplois par le DRH. Nous porterons un

regard sur la place de celui-ci au moment de la décision, en amont et pendant la mise en place

du dispositif ainsi que sur les enjeux liés aux ressources humaines.

Après avoir mis en exergue les réussites et difficultés rencontrées par les DRH grâce à l’étude

terrain qui fera l’objet de la deuxième partie, nous élaborerons dans une troisième partie des

préconisations susceptibles de guider un DRH soucieux de sortir par le haut d’une

restructuration.

Page 9: Le rôle du drh dans les restructurations

9

Partie 1 :

Le cadre d’analyse :

La mise en place du dispositif de

restructuration avec suppressions d’emplois

Page 10: Le rôle du drh dans les restructurations

10

Au préalable, et avant toute analyse du rôle du directeur des ressources humaines (DRH) dans

les restructurations, nous nous attacherons à définir les contours du concept de restructuration,

les moteurs qui animent une direction d’entreprise à restructurer et les différentes formes de

restructurations.

Il sera alors intéressant de voir qu’en fonction de la situation, le DRH est associé ou non à la

décision et dans quelle mesure le DRH met à profit cette opportunité pour être un acteur

stratégique face à une contrainte de temps indéniable (I).

Par la suite, ayant dépassé la phase amont du projet, nous souhaitons analyser quelles sont les

prérogatives qui reviennent au DRH dans la mise en place d’un dispositif de restructuration

entraînant des suppressions de postes. Comment le DRH navigue-t-il parmi les différents

acteurs, interlocuteurs ? Quels leviers stratégiques actionne-t-il face aux risques et contraintes

d’un tel projet ? (II)

Enfin, une restructuration est mal vécue, la Direction au-delà de ses devoirs légaux a un rôle à

jouer et particulièrement la DRH dans la gestion de la dimension humaine (III).

I. La place du DRH dans le choix stratégique de l’entreprise de restructurer

1. Le concept de restructuration

Nous avons de réelles difficultés à clarifier ce concept tant il gravite autour un certain nombre

de termes qui désignent des actions de restructuration : fermeture d’établissement,

délocalisation, refonte des processus, externalisation, fusion-acquisition, filialisation, cession,

scission, réorganisation, redressement, liquidation, privatisation ou nationalisation…

Dans les faits, il arrive aussi que des entreprises adoptent les termes suivants : transformation,

adaptation, redéploiement, modernisation… comme si elles voulaient masquer la résonance

négative qui est associée au terme de restructuration.

Alors pour tenter de cerner les contours de ce concept, commençons par découvrir la

définition d’une restructuration d’entreprise donnée par le Larousse. C’est « l’action de

réorganiser quelque chose selon de nouveaux principes, avec de nouvelles structures ».

Page 11: Le rôle du drh dans les restructurations

11

Elle est très vague mais nous relevons qu’une restructuration est un processus global qui se

met en place marquant ainsi un changement au sein d’une organisation.

A présent, penchons-nous sur les nombreuses études scientifiques menées principalement aux

États-Unis sur le concept de restructuration. Ces études emploient le terme anglo-saxon de

downsizing. Elles s’accordent sur le fait que ce concept figure parmi les stratégies

managériales, et différents auteurs viennent clarifier ce qu’est une restructuration d’entreprise.

Ainsi les auteurs BOWMAN et SINGH (1993, p.5-14), considèrent que c’est une

transformation de structures, de l’organisation interne et de l’emploi, lesquelles s’opèrent par

des transactions.

◊ transformation de structures : acquisitions, fusions, filialisation par exemple

◊ transformation de l’organisation interne de travail : rapprochement de services,

suppression de niveaux hiérarchiques, redéfinition des tâches par exemple

◊ transformation de l’emploi : recomposition du capital humain en termes de

compétences, de qualifications, de statuts, réduction d’effectifs par exemple

Généralement, au moins deux des trois éléments ci-dessus sont concomitants. Par exemple,

une réduction d’effectifs implique une refonte de l’organisation du travail. Ces premières

données nous amènent à nous poser une première question, est ce qu’en pratique

l’organisation est-elle repensée systématiquement ? Ou bien est-ce les salariés, qui font face

aux changements générés par la restructuration, s’adaptent tant bien que mal pour servir au

mieux l’entreprise ? C’est la notion de régulation qui oppose le travail réel au travail prescrit.

A travers cette question, nous commençons à apercevoir quelle est la nature d’un des impacts

sur la population restante. D’autres auteurs vont revenir dessus et vont nous aider à

comprendre ultérieurement.

Pour cela, ces autres auteurs ne se contentent pas de lister les typologies de transformations

mais vont plus loin en considérant que le downsizing est une stratégie de réduction de la taille

de l’entreprise avec réduction des effectifs CASCIO (1993, p.95-104) et CAMERON (1994,

p. 189-211)) avec différents moteurs.

Page 12: Le rôle du drh dans les restructurations

12

En effet, selon les auteurs CAMERON, FREEMAN et MISHRA (1993), les restructurations

(downsizing) quelle que soit leur forme, ont les caractéristiques suivantes :

● elles ont un caractère intentionnel ou volontaire visant à améliorer la position

concurrentielle de l’entreprise, ce qui les distingue de la réaction à un processus de déclin

(perte de parts de marché, perte de revenu, etc.),

● elles visent à l’amélioration de l’efficience de l’organisation. Dans ce sens, elles impliquent

des mesures réactives ou proactives ayant pour objectif de minimiser les coûts, d’augmenter

les revenus ou de faire face à la concurrence,

● elles impliquent généralement une réduction de personnel. Celle-ci est obtenue par des

licenciements mais pas uniquement. Il existe également une série d’autres mesures mises en

œuvre (cession d’une activité à une autre entreprise par exemple).

● elles affectent les processus de travail, que cela soit voulu ou non. En cas de contraction du

volume de main-d’œuvre, un nombre restreint d’individus devra effectuer une quantité

inchangée de travail avec pour conséquence des changements sur la nature et les conditions de

travail. Idem en cas de cession d’activité lors de la redistribution du volume de travail entre

plusieurs entités.

De plus, selon l’étude menée par ces auteurs, il y a trois grands types de stratégies de

downsizing : numérique, fonctionnelle et stratégique qui répondent à des temporalités

différentes (voir tableau 1).

Page 13: Le rôle du drh dans les restructurations

13

Tableau 1 : Types de restructuration

Restructuration Stratégies Temporalité Caractéristiques

Numérique Réduction des effectifs Court terme Gel des engagements

Licenciements

Incitants financiers aux départs volontaires

Transferts ou outplacement

Incitation à la retraite

Fonctionnelle Restructuration des process

(reegineering)

Moyen terme Redéfinition des tâches

Réorganisation interne : élimination des niveaux

Fusion des services, unités

Suppression et reconversion des fonctions

Elimination de produits

Stratégique Reconfiguration de

l’organisation et de ses

périmètres

Long terme Recentrage sur le cœur de métier

Recomposition de la force de travail

Amélioration continue

Remise en question du système de valeurs et de

normes

Changement des responsabilités

Source : adapté de Cameron, Freeman et Mishra (1993)

Ce cadre d’analyse permet de noter que si une réduction des effectifs s’entreprend sur du

court terme, l’entreprise favorisera la refonte des processus de travail et une reconfiguration

de l’organisation que dans un second temps, à moyen ou long terme. Les solutions apportées

par la nouvelle organisation en place arriveront après une phase d’adaptation des salariés qui

manquent de repère. Il y a alors un conflit de temporalité pour les salariés restants (managers

et salariés) qui peut se traduire par une dégradation des conditions de travail. Aussi, ce n’est

sans doute pas un facteur favorisant la compréhension du projet. Le DRH a un rôle à jouer

dans ce domaine, cela fait partie de ses prérogatives.

Par ailleurs, quelles sont les formes des restructurations et leurs conséquences sur les

effectifs ?

En Europe, l’observatoire l’European Restructuring Monitor (ERM) recense les cas de

restructuration et leurs conséquences sur les effectifs dans chaque pays européens depuis

2002. L’ERM distingue cinq configurations de restructurations accompagnées de

suppressions d’emplois et/ ou créations d’emplois :

Page 14: Le rôle du drh dans les restructurations

14

◊ Les réorganisations internes (elles représentent 70% des suppressions d’emplois

et 5% des créations d’emplois)

◊ Les faillites et les fermetures (16% des suppressions d’emplois)

◊ L’expansion (>90% de création d’emploi)

◊ Les relocalisations/ délocalisations (7% des suppressions d’emplois)

◊ Les fusions-acquisition (7% des suppressions d’emplois)

Ainsi selon l’étude, les restructurations qui génèrent le plus de suppressions d’emplois sont

les réorganisations internes. Et si l’on applique le modèle théorique du tableau 1 ci-dessus, le

processus de réorganisation de la structure s’inscrit sur du moyen et/ou du long terme. Ainsi,

une direction d’entreprise et le DRH ne doivent pas considérer un projet de restructuration

comme un changement opéré à un instant t mais davantage comme un projet structurant de

longue haleine et qui aura des répercussions dans le temps pour tous les acteurs de

l’organisation.

Par ailleurs, quels sont les moteurs et les objectifs poursuivis par les entreprises ayant

recours à une restructuration avec suppressions d’emplois ?

Selon le code du travail art. L.1233-3, les licenciements économiques sont consécutifs

« notamment » à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Puis la

jurisprudence a défini d’autres causes comme la sauvegarde de la compétitivité et la cessation

d’activité.

Toutefois, selon les auteurs, le moteur d’une restructuration ne peut se résumer au motif

figurant dans l’argumentaire de la note économique du plan social. De plus, les études

scientifiques montrent que les justifications du projet de restructuration citent souvent des

causes exogènes à l’entreprise induisant un certain fatalisme qui s’imposerait à tous comme

une évidence. Par exemple :

- La crise économique

- Les évolutions technologiques, réglementaires, écologiques

Mais par exemple, quels sont les moteurs qui se cachent derrière la sauvegarde de la

compétitivité ? Nous avons donc extrait de la littérature les moteurs des restructurations plus

officieux :

Page 15: Le rôle du drh dans les restructurations

15

→ Une anticipation sur les attentes des marchés financiers

CAMERON (1994) a montré que l’annonce de suppressions d’emplois entraîne une hausse du

cours de l’action. A partir des années 1990, on commence à parler de « licenciements

boursiers » puisque ces restructurations entraînent des réductions d’emplois significatives

alors même que le contexte sectoriel tout comme la santé financière de l’entreprise

n’imposent pas des suppressions de postes ALLOUCHE (2006). Ainsi ces restructurations qui

anticipent pour la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise posent toujours un problème

éthique.

Pour comprendre, nous devons nous tourner vers l’évolution du mode de gouvernance des

grandes entreprises cotées en bourse. On observe un poids croissant des investisseurs

institutionnels et notamment des fonds de pension anglo-saxons dans l’actionnariat de ces

entreprises. Ces derniers cherchent à rentabiliser leur investissement sous la forme d’une plus-

value sur une courte période. Ainsi, les annonces de suppressions d’emplois, auraient pour but

d’envoyer des signaux positifs aux marchés financiers. Il s’agit pour la direction d’entreprise

de manifester sa volonté d’agir dans l’intérêt des actionnaires BOYER (2000).

Ces modes de gouvernance, influencent grandement les décisions des dirigeants qui veulent

se légitimer aux yeux des marchés pour ne pas risquer d’être révoqués et d’entacher l’horizon

de leur carrière.

De plus, en attribuant des stock-options aux dirigeants, le comité d’administration les incite à

agir à court terme et à privilégier les performances financières et surtout boursières à court

terme au détriment de la croissance et du développement à long terme de l’entreprise.

Cependant, les dirigeants ne sont pas tous soumis à ce mode de gouvernance et ne sont pas

tous sur des logiques de court terme comme on l’a vu à l’aide du tableau 1.

→ Un modèle de management pour être plus flexible

La stratégie de downsizing est généralement présentée comme un moyen d’améliorer

l’efficacité organisationnelle, la productivité et/ou de sauvegarder sa compétitivité.

Il est à noter que depuis les années 1990, les entreprises recherchent une compétitivité

économique et financière, sans impératif de survie économique à court et moyen terme. On

Page 16: Le rôle du drh dans les restructurations

16

parle alors de restructurations de « compétitivité ou offensives » par opposition aux

restructurations « de crise » ou « défensives » des années 1970.

De plus, les entreprises appliquent le modèle de management des années 1990 dans lequel on

trouve l’attention obsessionnelle à l’adaptation, au changement, à la flexibilité. Selon le centre

de perfectionnement aux affaires, les organisations « classiques » étant jugées trop

pyramidales, les entreprises mettent en place des organisations matricielles, des organisations

en mode projet, ou encore des organisations où les structures s’aplatissent. Les entreprises

veulent être agiles, réactives face à l’évolution de leur métiers et face aux exigences de leurs

clients. Ce qui a des effets sur l’emploi. Les entreprises chercheront à avoir en propre moins

de contrats à durée indéterminée en les remplaçant par des contrats à durée déterminée, de

l’intérim, de la sous-traitance. Cette flexibilité tend à précariser le marché de l’emploi.

Les auteurs AGGERI et PALLEZ (2005) considèrent que les restructurations actuelles sont

devenues un « outil permanent d’adaptation des entreprises à la recherche d’une compétitivité

croissante, souvent pensée à une échelle transnationale ».

Ces restructurations de « compétitivité » cherchent à anticiper sur les évolutions

technologiques et des marchés, tandis que les restructurations « de crise » renvoient plus à

une réaction face à une dégradation de l’activité ou des résultats de l’entreprise.

Dans la réalité, cela semble moins évident. Dans certains cas de restructuration, le contexte de

crise et la logique d’amélioration de la compétitivité se mêlent. D’ailleurs, selon la

jurisprudence, répond au critère de sauvegarde de la compétitivité, la réorganisation justifiée

par :

- Une importante dégradation continue du résultat d’exploitation d’une entreprise et par

une diminution des commandes (Cass. Soc., 17 décembre 2008),

- L’inadaptation du réseau commercial de l’entreprise aux changements du marché, afin

de prévenir des difficultés économiques (Cass. Soc. ; 27 janvier 2009)

Mais la jurisprudence actuelle ne reproche pas à une entreprise d’avoir anticipé des difficultés

économiques prévisibles et mis à profit une situation financière saine pour adapter sa

structure. Cependant, la source des difficultés futures doit être établie.

Page 17: Le rôle du drh dans les restructurations

17

Est-ce que la recherche d’efficacité, de gains de productivité, d’amélioration de la position

concurrentielle restent les seules motivations ?

Nous nous posons cette question surtout quand des enquêtes révèlent que dans 50% des cas

les entreprises déclarent que la productivité est restée inchangée ou s’est détériorée à la suite

d’une restructuration. Le downsizing n’apparaît pas comme une panacée qui engendrerait à

tous les coups la croissance de la productivité. C’est une pratique dont les résultats sur la

performance restent contingents. D’autres études montrent que les licenciements n’apportent

pas d’effets économiques positifs durables et apparaissent même dans certains cas comme

préjudiciables sur la performance future.

→ Autres motivations peu banales :

Un projet de restructuration peut avoir des motivations peu banales, comme par exemple, se

débarrasser de l’équipe actuelle pour changer les mentalités de l’entreprise. L’équipe en place

n’adhérant pas au projet, elle devient gênante. Par cette restructuration, la direction veut

changer les valeurs qui ont fait le passé de l’entreprise. Elle entend tout revisiter de la culture

d’entreprise aux relations avec les sous-traitants, fournisseurs. Elle veut redéfinir une

organisation sur de nouvelles bases.

→ Attitudes de mimétisme :

La direction de l’entreprise souhaite améliorer le résultat en diminuant l’un des coûts

« pilotables » : le coût du travail. L’emploi est alors considéré comme une charge fixe qui

peut grever les perspectives de rentabilité.

Le sureffectif est alors évalué grâce à des indicateurs de rentabilité, des ratios du type masse

salariale sur le chiffre d’affaires, et de plus en plus par la démarche de benchmark interne

entre site ou externe avec les concurrents. En effet, BOYER (2002) observe dans ses études

un lien mécanique entre l’évolution de certains ratios de gestion et les décisions de

licenciements.

Le biais c’est que malheureusement, les instruments comptables et financiers amènent à se

focaliser bien plus sur le coût du travail que sur sa valeur ajoutée. Outre le fait que cette

conception comptable des ressources humaines considère à tort que les compétences sont

égales par ailleurs et que les individus sont interchangeables, elle ne tient pas compte de

Page 18: Le rôle du drh dans les restructurations

18

l’importance qu’ont les compétences des individus et les collectifs de travail, les effets de

mémoire, etc. Dans ce cadre-là, le DRH doit intervenir.

Ce qui contribue à expliquer les résultats économiques mitigés, à moyen et long terme des

restructurations. Selon PEREZ (2003) cette approche technique de la décision pénalise en

réalité les chances de survie à long terme des organisations.

Toutefois, ces considérations n’ont pas d’écho dans certaines entreprises. Par exemple, les

entreprises familiales souhaitent une continuité et une stabilité de l’emploi plus solides que les

entreprises à gouvernance actionnariale. C’est d’ailleurs ce que remarque LEE (2006), en

période difficile, ces entreprises sont moins enclines à licencier leurs salariés.

Au sein de ce premier point, nous venons de voir que les restructurations ne se justifient pas

toujours par un contexte de crise, et touchent des entreprises bien portantes aux différentes

motivations. Elles revêtent des formes diverses, mais la réorganisation interne reste celle qui

génère le plus de suppressions d’emplois. Elles sont des outils d’adaptation permanente mais

avec des résultats sur la performance contingents. Enfin, les restructurations bouleversent les

collectifs de travail et la charge de travail du fait notamment de la non synchronisation entre

la réorganisation prévue à long terme et l’effet immédiat des suppressions de postes.

Le sachant, comment prend-t-on la décision de porter le projet d’une restructuration et plus

particulièrement une réorganisation interne accompagnée de suppressions d’emplois ?

Comment le DRH intervient-il dans ce processus de décision que les Dirigeants veulent

rapide ?

2. La prise de décision et le DRH

Nous cherchons à savoir si le DRH est associé à la prise de décision et quelle latitude a-t-il ?

Une étude réalisée par la DARES publiée en octobre 2006, révèle que le processus de

décision s’est de plus en plus centralisé au moins depuis les premières recherches menées

dans les années 1990. Dans les établissements dépendant d’un groupe, les restructurations

sont décidées le plus souvent au niveau du siège ou de la holding. Plus la structure est

complexe et plus la distance augmente entre le centre de décision et son lieu d’application.

Page 19: Le rôle du drh dans les restructurations

19

Nous pourrions en déduire qu’il y a une certaine volonté à vouloir dissocier les personnes

prenant la décision des acteurs locaux gérant les conséquences. Quoiqu’il en soit, une

entreprise de taille moyenne appartenant à un grand groupe multinational se trouve dans un

rapport de faiblesse par rapport aux décisions prises au niveau central, même si la négociation

peut porter ensuite sur les modalités de mise en œuvre locale de la restructuration.

Cependant, ce manque d’autonomie de gestion des directions locales n’a-t-il pas des effets

négatifs sur l’adhésion au projet ? Nous y reviendrons lors de l’étude terrain.

A l’inverse, la proximité peut être à double tranchant pour le dirigeant de PME qui doit mettre

en place un plan de réduction des effectifs et qui éprouve souvent une grande souffrance

compte tenu des liens étroits entretenus avec les salariés TORRES (2010).

Cette décision, centralisée ou pas, se prend en comité restreint puisqu’elle ne réunit que la

direction générale (DG), la direction financière et parfois la direction de la production et la

direction des ressources humaines (DRH) NOEL (2004, p.168).

Les modes de gouvernance, le rapport au temps, les valeurs des dirigeants et la taille des

organisations modifient le processus de décision. Tout dépend aussi du positionnement, du

leadership et de la crédibilité du DRH.

Enfin le tandem DG/DRH joue un rôle très important. Le rapport de confiance entre les deux

est indispensable. Le DRH en tant que business partner est proche du DG et mène sa

politique RH en fonction des besoins de ce dernier. Le DG attend de lui des conseils et un

esprit critique. Cependant, est-ce que l’entente entre les deux est-elle systématique ? Cela ne

va pas de soi. Si les deux protagonistes ont du mal à s’entendre à l’origine, lorsqu’il va falloir

mettre en œuvre le projet de restructuration, cette mésentente va être néfaste pour le projet qui

ne sera pas porté d’une seule voix. Et cette situation, dangereuse pour l’entreprise et ses

salariés, va se transformer en cauchemar pour le DG comme pour le DRH.

2.1 Comment sont faits les choix de suppressions de postes ?

La décision est centralisée et c’est à ce stade-là qu’est déterminée soit une cible d’effectifs

(par exemple, il faut supprimer X postes), soit une cible industrielle (par exemple, il faut

passer de X à X-1 unités de production), soit une cible d’activité (par exemple, il faut se

séparer de telle activité ou il faut sous-traiter telle activité).

Page 20: Le rôle du drh dans les restructurations

20

Ce n’est seulement que dans un second temps que va se poser la question de savoir comment

on va procéder en matière de gestion de l’emploi et que le DRH sera sollicité.

Cependant, une direction qui souhaite une suppression de 1000 postes par exemple et qui

souhaite faire appel à des départs volontaires, crée une situation dangereuse pour l’entreprise.

Les salariés de quel service vont partir ? Est-ce que le travail pourra continuer à se faire

correctement si les 2/3 des salariés du service partent ?

Lors de la détermination de la cible, les critères de déstructuration, de pyramide des âges, de

coordination des départs, de difficultés à faire face à des demandes, la perte de compétences,

etc. ne sont pas pris en compte.

Aussi la mesure de l’activité des individus, la mesure du travail réel n’a pas été réalisée en

amont. La valeur ajoutée du capital humain n’a pas pu être valorisée mais il faut reconnaître

que ces mesures demandent du temps et qu’il est plus rapide de faire parler des ratios de

gestion.

Malheureusement, la décision a été centralisée et tenue au secret. Les opérationnels et

responsables ressources humaines n’y ont pas été associés et ne pourront donc pas mesurer les

conséquences sur la continuité de l’activité.

2.2 Conséquences des décisions transnationales ?

Pour les grands groupes internationaux dont le centre de décision est à l’étranger, il est

fréquent que le DRH du site concerné ne soit pas associé à la prise de décision. Cette décision

va dans certains cas paraître déconnectée des enjeux locaux et ainsi augmenter

l’incompréhension du projet par les collaborateurs locaux.

De plus, la décision peut se heurter au fossé culturel. La France est en effet un cas très

atypique avec une législation sociale particulière qui s’est complexifiée et devenue

difficilement compréhensible par les groupes étrangers. Ils peuvent commettre des

maladresses qui engendrent des tensions sociales supplémentaires et peuvent ralentir le

processus en France. Comme par exemple, la direction d’une entreprise située au Texas

(Etats-Unis) qui a appelé la DRH du site de Toulouse un dimanche soir pour l’informer de la

filialisation d’une activité. La direction américaine lui précisait qu’elle allait communiquer

dès le lundi à la presse. La DRH en France a dû gérer les conséquences d’une telle annonce.

Page 21: Le rôle du drh dans les restructurations

21

A l’extrême, le manque d’association de la DRH au processus de décision, peut se traduire

par exemple par la découverte de la suppression de son poste de DRH seulement lors du

processus d’information consultation (situation vécue par un DRH).

2.3 Quelle latitude a le DRH ?

Les entreprises se trouvent confrontées à quatre grands risques, en particulier dans le cas de

plans sociaux : le risque juridique, les risques de conflit social, de déficit d’image

CAMPINOS-DUBERNET (2002), mais aussi des risques en termes de performance

économique. En effet, ces risques venant d’une incompréhension du projet, mais aussi d’un

manque de prise en compte des effets sur les individus, des processus de travail nécessitant

des compétences clés et des répercussions sur les conditions de travail.

Pour ces raisons, le DRH doit éclairer utilement la prise de décision des dirigeants. De cette

décision dépendra l’acceptation sociale du projet de restructuration et la validité juridique du

projet. De plus, un autre enjeu pour le DRH au cours de cette phase, est de bien s’assurer de la

légitimité et de l’objectivité du motif de restructuration, surtout dans le cas de restructurations

de compétitivité.

Les risques juridiques et sociaux liés aux opérations de restructuration renvoient à un risque

d’allongement des délais de leur mise en œuvre, tandis que justement l’entreprise cherche à

gérer au plus vite la situation de la restructuration. Face à ce choc de temporalités, le DRH

doit arbitrer entre d’un côté la recherche de performance économique et d’un autre côté, la

recherche de paix sociale et sociétale dans la mise en œuvre des restructurations.

Le DRH prépare alors quelques scenarii. A chaque hypothèse de travail, des simulations

financières et des calendriers sont associés.

Cela se passe dans un temps record, sans moyens supplémentaires et avec une équipe très

restreinte, du fait de la confidentialité des données.

Le DRH, en restant dans son champ de compétences, donne des éléments sur les points

suivants :

● le choix de garder une activité ou d’envisager une cession ?

● définir le pourcentage de sureffectif ou l’effectif cible en fonction de

l’organisation souhaitée (participe au choix des critères)

● les postes, les métiers, les sites impactés

Page 22: Le rôle du drh dans les restructurations

22

● intervient sur la redéfinition des processus de travail

● repère les points durs et des populations à risques

● évalue l’acceptation sociale du projet

● évalue la faisabilité d’une anticipation plus ou moins grande pour éviter la

casse sociale

Aussi c’est dans cette phase que le DRH va donner son conseil sur les modalités de

traitement du sureffectif.

L’une des premières solutions peut être le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) et ses

mesures d’accompagnement. Il ne concerne que les entreprises de plus de 50 salariés qui

envisagent plus de 10 licenciements sur une période de 30 jours. Ce PSE peut prévoir une

«restructuration douce » dans le sens où l’on fait appel au volontariat pour traiter un volume important

de suppressions d’emplois.

Cependant il ne concerne qu’environ 20 % des licenciements pour motif économique, alors d’autres

modalités de gestion du sureffectif peuvent être proposées par le DRH, en fonction du contexte et des

risques relevés :

● les licenciements pour motif économique sans plan social (ils s’opèrent dans des

entreprises de moins de 50 salariés, ou bien renvoient à la constitution de «petits

paquets »),

● le blocage des embauches et le non-renouvellement des départs,

● l’organisation simultanée de mobilités internes, associée à une gestion prévisionnelle

des compétences et parfois à des mobilités géographiques. Sauf que pour la réussite de

cette pratique, il est nécessaire de prendre du temps pour la reconversion des salariés

et des sites. Or d’un point de vue économique, il faut se dépêcher d’agir. Le

DRH doit gérer des temporalités différentes.

● la négociation individuelle de départs (transactions – prenant la forme de démissions

ou de licenciements pour motif individuel)

Dans cette seconde liste les pratiques de gestion des sureffectifs s’opèrent en toute discrétion.

Comme elles sont hors plan social, elles échappent aux statistiques et à l’autorité

Page 23: Le rôle du drh dans les restructurations

23

administrative. Elles traduisent une forme d’individualisation de la gestion des risques de

rupture d’emploi pour les salariés et sont bien plus nombreuses.

A l’issue de ces réflexions et propositions du DRH, le dirigeant donnera sa validation. Si la

direction entend et tient compte des conseils du DRH, l’équipe de direction fait bloc et est

convaincue du projet. Il n’y a plus de place pour un état de « dissonance cognitive ».

Cependant, si le DG et le DRH ne convergent pas vers le même point de vue, ou si tout

simplement l’avis du DRH n’a pas été sollicité, le déroulement du projet va être très difficile

par la suite. Comment le DRH pourra étayer l’argumentaire économique s’il n’est pas

convaincu de son bienfondé ?

Alors si le DRH n’adhérait pas au projet ? Doit-il faire bonne figure et continuer parce

qu’après tout, ça fait partie de son métier ? Ou considérant qu’il est aux antipodes de la

méthodologie souhaitée par la direction, son rôle est de partir ? Est-ce un abandon ou être en

phase avec ses idées. Son départ brutal va probablement déstabiliser le démarrage du projet et

entamer l’image d’entreprise responsable. Cette situation peut se produire. C’est pour cela que

des entreprises font appel à des DRH de transition pour mettre en œuvre le projet.

Nous venons de voir que si la prise de décision émane de la direction de l’entreprise alors plus

l’organisation de celle-ci est complexe et plus la prise de décision est centralisée souvent au

niveau du siège ou de la holding. Le DRH n’y est pas systématiquement associé. Toutefois, en

amont de l’annonce du projet, la direction vient solliciter le DRH pour son expertise en

matière d’anticipation des risques et des chiffrages sur différentes alternatives. C’est à ce

stade que le rôle stratégique du DRH démarre. Mais comment une entreprise et le DRH se

préparent à un tel projet ?

3. La préparation à froid

Le DRH et l’équipe de direction profitent de cette phase en amont pour se préparer à froid en

envisageant les aléas du projet et en mettant en place tous les facteurs de réussite.

Page 24: Le rôle du drh dans les restructurations

24

3.1 Définition d’un référentiel de mesures ressources humaines

Un projet de restructuration avec suppressions d’emploi nécessite de mettre en place une

politique de gestion des emplois très encadrée et homogénéisée. Le DRH doit avoir une vision

claire de tous les postes à pourvoir au sein du groupe et doit mettre en place un processus de

validation des recrutements centralisé répondant à des critères précis, voire de gel des

embauches sur certains métiers. Et cela dans le but de faciliter un rapide reclassement interne

des salariés.

Une communication à ce stade étant très délicate, il lui faut trouver le bon timing pour

l’annoncer.

3.2 Anticiper les points durs

Les risques peuvent venir de l’intérieur comme de l’extérieur. Le DRH pressé par le temps ne

peut pas perdre de vue certains risques qui pourraient entamer la réussite du projet :

→ Risque au niveau du management : c’est dans le champs de compétences du DRH d’alerter

sur la capacité et la volonté du management à porter le projet qui va remettre en question

l’organisation en place. Le DRH émettra ses préconisations d’accompagnement.

→ Se préparer à une situation de crise : le DRH doit se préparer et préparer les membres de la

direction à gérer une situation de crise comme par exemple une séquestration. Qui contacter,

comment se prémunir ? Comment réagir ?

→ En cas de risque de grève, le DRH doit contacter les huissiers de justice, avoir les contacts

des forces de police, du tribunal de grande instance en cas de manquement au droit.

→ Préparation en matière de communication : Le DRH et le dirigeant doivent définir les

modes de communication envisagés avec les équipes et avec l’extérieur (état, région, maire,

fournisseurs, clients, sous-traitants).

Le dirigeant et le DRH sont les deux membres de la direction habilités à porter le message

auprès des salariés. Ils forment une équipe solidaire. Dans un tel contexte, la communication

est sensible, et pour éviter tout risque de contentieux, le DRH est le mieux à même de valider

tous les contenus. Les supports et les modes de diffusion sont déterminés à l’avance afin

qu’aucun collaborateur ne souffre d’un manque d’information. La communication doit être

Page 25: Le rôle du drh dans les restructurations

25

pensée en amont, se réfugier derrière le prétexte du délit d’entrave est une source d’échec. Un

manque de préparation est le risque assuré de laisser la communication aux mains des

représentants du personnel et des contestataires du projet.

Une entreprise est un acteur majeur au sein de sa ville et en tant de crise, les restructurations

sont de plus en plus une affaire politique. Les institutionnels tels que le Maire, le Préfet mais

l’Etat veulent au titre de l’anticipation être informés des menaces de suppressions de postes à

venir sur leur territoire. Comment la direction peut-elle répondre à cette attente ?

C’est au DRH de trouver le bon timing pour informer tant les salariés que les institutionnels.

Là, il est face à un vrai problème compte tenu du délit d’entrave.

→ Evaluation des conséquences sur le business : l’équipe de direction (commercial,

production, finance, RH) réfléchit aux conséquences du projet sur la production, sur les

clients, fournisseurs et sous- traitants. L’équipe de direction veut prévenir ses plus gros clients

au plus vite afin qu’ils n’apprennent pas l’annonce de la restructuration dans les journaux,

puisque les faits ont montré que ce phénomène peut dégrader la relation de confiance et le

niveau des ventes futur.

Le DRH est alors pris en tension entre réserver la primeur de l’information sur la

restructuration aux représentants du personnel et de tout faire pour que ce projet ne conduise

pas l’organisation à un blocage qui affaiblirait sa situation commerciale.

A travers cette partie, alors que nous ne sommes qu’en amont du projet, le DRH est soumis à

la gestion de divers conflits de temporalités : dépasser le stade court termiste de la gestion du

sureffectif en anticipant sur la réorganisation de long terme, mettre en place rapidement un

référentiel de règles RH afin que ce projet se construise sur des bases favorables, choisir

d’anticiper ou pas sur la communication, etc…

A ce stade, ces choix stratégiques entrent dans le champ exclusif des instances de direction,

avec le maintien d’un secret qui entoure la préparation de la décision et une absence de mise

en débat des critères de la prise de décision BEAUJOLIN (1999).

Nous allons voir à présent quel rôle stratégique joue le DRH lors de la mise en œuvre du

projet de restructuration.

Page 26: Le rôle du drh dans les restructurations

26

II. La mise en œuvre d’une restructuration avec suppressions d’emplois

A l’origine, le « droit des restructurations » s’est orienté vers un contrôle a priori de

l’opportunité des licenciements, avec en particulier l’autorisation administrative de

licenciement pour motif économique jusqu’en 1986. Progressivement, l’encadrement

juridique s’est recentré sur un contrôle de légalité. Désormais, l’inspecteur du travail contrôle

le respect de la procédure de licenciement, et, le cas échéant, les mesures proposées dans le

Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) mais il n’y a plus d’autorisation préalable.

Au préalable, rappelons que les procédures légales de licenciement pour motif économique

diffèrent selon le nombre de licenciements et selon la taille de l’entreprise.

Il existe trois types de licenciements pour motif économique :

Tableau 2 Trois types de licenciements économiques

Licenciement individuel Licenciement de 2 à 9 salariés

sur une période de 30 jours

Les grands licenciements

économiques

s’apparente dans son processus au

licenciement pour motif personnel

(convocation à un entretien

préalable, entretien, notification du

licenciement, puis information à

l’inspection du travail)

il implique une procédure

d’information-consultation (une

réunion) du CE avant la

convocation des salariés concernés

auxquels sera proposée l’adhésion

à un contrat de sécurisation

professionnelle.

lorsqu’une entreprise de 50 salariés

et plus licencie pour motif

économique 10 salariés et plus sur

une période de 30 jours, cette

procédure donne lieu à un plan de

sauvegarde des emplois.

Dans notre cadre d’analyse, nous n’aborderons le rôle du DRH uniquement dans le domaine

des grands licenciements économiques.

Nous verrons successivement que le DRH a un rôle très important à jouer avec les

représentants du personnel (1), en matière de communication (2) et dans la gestion du risque

d’un conflit social (3).

Page 27: Le rôle du drh dans les restructurations

27

1. Le DRH et les représentants du personnel

Dès lors que le projet de l’entreprise s’accompagne d’une modification des structures de celle-

ci et d’une compression des effectifs (plus de 10 postes), il y a lieu de mettre en œuvre la

procédure de double consultation encadrée par la loi :

- Une consultation au titre des compétences générales du Comité d’Etablissement (CE)

(C. trav., art. L. 2323-6 et LL 2323-15) ;

- Puis une consultation dans le cadre de la procédure de licenciement économique (C.

trav., art. L.1233-1 et s.).

Le législateur, par la référence à la notion de « compression des effectifs », entend saisir

toutes les hypothèses où la restructuration conduit à des réductions d’effectifs, peu importe

que ces réductions se traduisent ou non par des licenciements économiques. Par exemple, les

départs volontaires.

Les représentants du personnel ne vont intervenir qu’à partir de l’enclenchement du processus

d’information consultation. Or, au moment de l’annonce du plan social, les jeux sont faits.

Nous comprenons ainsi que la réussite du projet tient à la stratégie de négociation qui va

démarrer. Un DRH moins procédurier et plus stratège ? Comment navigue-t-il au milieu des

obligations légales ?

1.1 De quelle manière et à quel moment les partenaires sociaux sont

impliqués dans le processus et pour quels objectifs ?

1.1.1 Implication des instances représentatives du personnel

Le CE sera l’interlocuteur obligatoire de la Direction au cours de la procédure

d’information/consultation qui se déroule en deux réunions ou trois (si un expert est nommé)

espacées de délais impartis cf. tableau 3.

Tableau 3 : Les délais entre chaque réunion d’information consultation

- 14 jours, lorsque le nombre de licenciements est inférieur à 100,

- 21 jours, lorsqu’il est compris entre 100 et 249,

- 28 jours lorsqu’il est au moins égal à 250.

Page 28: Le rôle du drh dans les restructurations

28

L’objet de la première réunion est de présenter :

- Le motif économique du projet de restructuration accompagné de suppression

d’emplois : l’employeur doit fournir un argumentaire accompagné des informations

nécessaires (Livre 2),

- Les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements (C. trav., art. L. 1233-5) (livre

1),

- Les mesures du PSE pour éviter les licenciements ou les limiter (livre 1).

Au cours de cette réunion, les membres du CE :

- Présentent leurs observations, leurs suggestions sur le projet,

- Peuvent décider de recourir à l’assistance d’un expert-comptable rémunéré par

l’entreprise (C. trav., art. L. 1234).

Dans les grands groupes, la décision est annoncée lors du comité de groupe, puis dans les

entreprises multi établissements la décision est annoncée lors du comité central d’entreprise et

ensuite lors des CE.

Le directeur général (DG) annonce le projet puis le DRH prend souvent le relais sur le volet

social (Livre 1) qu’il a bien souvent préalablement négocié avec les organisations syndicales.

L’explication par le DG des motifs de sa décision est incontournable pour construire son

caractère légal et, au-delà, son acceptabilité sociale. C’est particulièrement vrai quand une

telle décision intervient en dehors de situation de crise économique ou sectorielle et relève

d’une logique d’anticipation en vue de sauvegarder la compétitivité et la rentabilité de

l’entreprise.

La Direction ne peut pas mettre en œuvre le projet avant qu’une consultation complète du CE

soit terminée. Ainsi, une seconde réunion est organisée en respectant le délai.

Toutefois, si le CE a décidé de recourir à un expert, la seconde réunion doit avoir lieu entre le

20e et le 22

e jour suivant la date de la première réunion et une troisième réunion devra être

organisée.

Pendant ce laps de temps, le DRH est le facilitateur afin que les experts aient accès à tous les

documents souhaités et puissent rencontrer tous les acteurs de l’entreprise susceptibles de

pouvoir les renseigner dans le cadre de leur expertise.

Page 29: Le rôle du drh dans les restructurations

29

Au cours de la deuxième réunion, l’expert remettra son rapport et la direction répondra aux

observations et suggestions émises par les membres du comité. C’est le DRH qui coordonne

les actions pour recueillir les informations et centralise les réponses.

Enfin, au cours de la troisième réunion, l’employeur recueillera l’avis du CE.

L’opinion du CE en France est purement consultative et la Direction peut bien choisir de ne

pas en tenir compte. Les obligations de l’employeur sont strictes mais consistent à informer le

CE et à recueillir son opinion.

Les représentants du personnel peuvent céder rapidement au sentiment que tout est joué

d’avance dans la mesure où l’annonce de la restructuration ayant eu lieu, l’ensemble des

acteurs intègre d’emblée qu’elle est irréversible. En réponse à ce sentiment d’inéluctabilité, le

jeu de la consultation, pour les salariés et leurs représentants, vise à gagner du temps et à faire

monter les enchères, éventuellement sous la pression de conflits sociaux et juridiques.

Face à ce risque le DRH doit faire respecter le dialogue et renforcer la concertation.

C’est le rôle du DRH de faire en sorte que cette procédure mette le CE en position de

comprendre les raisons du projet de restructuration, de proposer des solutions alternatives et

de chercher les moyens d’éviter et/ou de réduire le nombre des licenciements.

Par ailleurs, le travail de discussion spécifique sur le motif économique (Livre 2, dont la

consultation est séparée du livre 1 traitant des conséquences sur les salariés) est

particulièrement nécessaire à l’enclenchement d’une dynamique de construction de solutions

individuelles et collectives. D’ailleurs des études ont montré que pour qu’un salarié soit en

mesure de se reclasser, il faut qu’on lui ait donné la possibilité d’avoir été acteur du

processus, d’avoir pu prendre position sur la décision de restructuration.

Cette procédure est très lourde, comporte des délais très précis à chaque étape, sans compter

qu’il faut que le DRH informe par ailleurs la DIRECCTE sur le projet et cela dès la première

réunion avec le CE et tout au long de la procédure. Il incombe au DRH et à ses équipes de

déterminer ce calendrier précis et d’éviter toute risque d’irrégularité de procédure.

La procédure est incontournable mais l’organisation de discussions sur la restructuration ne

porte pas que sur les motifs économiques mais aussi sur les modalités de mise en œuvre.

Aussi le DRH a besoin de créer une dynamique collective d’adhésion au projet. Il a aussi

Page 30: Le rôle du drh dans les restructurations

30

besoin de garanties pour éviter le risque d’un échec des discussions. Le DRH va alors se

tourner vers les organisations syndicales. Les discussions vont prendre la forme de véritables

négociations. C’est avec elles surtout que le DRH va enclencher la dynamique de dialogue

social.

1.1.2 Implication des organisations syndicales représentatives

Confronté à la difficulté de concilier le déroulement de la consultation du CE, de celle du

comité central d’entreprise et parfois de l’information du comité de groupe, la mesure de ces

risques peut d’ailleurs mener les DRH à chercher à sécuriser le processus d’un point de vue

juridique et social par la négociation d’accords dits de méthode.

L’accord de méthode a été pérennisé par la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005.

Il est négocié par le DRH avec les organisations syndicales représentatives. Ils

fixent notamment :

- les modalités de réunion et d’information du CE sur la situation économique et

financière de l’entreprise,

- les conditions dans lesquelles le CE peut formuler des propositions alternatives au

projet économique, et peut obtenir une réponse motivée de l’employeur à ses

propositions,

- il peut fixer les moyens supplémentaires alloués au CE et aux organisations syndicales

pendant le temps de la procédure et le temps des négociations.

Ces accords permettent également de négocier des dispositions dérogeant aux modalités

légales d’information et de consultation du CE. Ils permettent de mieux articuler les niveaux

de consultation en prévoyant le nombre de réunions, les délais qui les séparent, sans que ceux-

ci soient inférieurs au légal, de limiter en temps et en coût les interventions d’experts…

Ces accords peuvent déterminer les conditions dans lesquelles le plan de sauvegarde de

l’emploi fait l’objet d’un accord, mais également anticiper le contenu de celui-ci.

Ils peuvent permettre de sécuriser la procédure d’information-consultation en limitant a priori

les aléas judiciaires qui y sont liés.

Ces accords de méthode sont le symbole d’un renforcement du dialogue social et de la qualité

des informations dont disposent les représentants du personnel.

Page 31: Le rôle du drh dans les restructurations

31

1.2 Les mesures d’accompagnement d’un licenciement

économique : quelle latitude du DRH dans la négociation ?

La réalisation de licenciements collectifs pour motif économique implique la mise en œuvre

d’un PSE, qui doit comporter un plan de reclassement interne et externe, et qui est

accompagné d’une série d’actions listées ci-dessous. La liste n’est pas limitative, elle peut être

complétée par des dispositifs en fonction de l’ampleur du projet, de la taille et des moyens de

l’entreprise. La validité du plan s’apprécie par l’administration au regard des moyens de

l’entreprise.

Ainsi, il appartient au DRH de mettre en place un PSE innovant et si possible économe en

licenciements pour minimiser le risque d’un constat de carence de la part de l’administration.

Et il lui appartient de construire des solutions adaptées, soit dans le cadre d’une négociation

avec les organisations syndicales sur les différentes mesures, soit lors de l’information

consultation du CE sur le Livre 1.

Nous vous présentons la série d’actions que le DRH ne doit pas écarter :

→ Mesures de reclassement :

Le PSE prévoit obligatoirement des mesures visant au reclassement de salariés (C. trav., art.

L1233-61 et L1233-62). L’article présente quatre types de mesures :

● reclassement interne : les actions de reclassement interne ont pour but d’obliger le

DRH, avant de prononcer le licenciement, d’étudier toutes les solutions permettant le

reclassement des salariés dans l’entreprise. Les solutions sont recherchées au sein de

l’entreprise, ou les entreprises du groupe (C. trav., art. L1233-4).

La faisabilité va dépendre d’outils de gestion de l’emploi permettant d’identifier des

passerelles ou des mobilités possibles d’un emploi à un autre, puis de les organiser. C’est au

DRH de faire en sorte que des outils conçus et développés dans le cadre de la gestion

prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) soient utilisés et favorisent la

proposition de reclassement interne : cartographies des emplois, bourse de l’emploi interne,

entretiens de mobilité, cellule d’orientation, forums métiers, etc.

Par ailleurs, cette obligation de reclassement interne amène les entreprises de grands groupes

à proposer des postes à l’étranger, aux salariés dont l’emploi est menacé.

Page 32: Le rôle du drh dans les restructurations

32

● reclassement externe : c’est l’ensemble des aides mobilisées directement ou

indirectement au profit des salariés pour faciliter leur embauche par un autre employeur,

lorsque le reclassement interne n’a pas été possible. Il s’agit notamment des engagements de

proposer à chaque salarié une ou plusieurs offres valables d’emploi, de la mise en place

d’antennes emploi, de dispositifs d’allocations différentielles en cas de perte ultérieure de

salaire, d’aides à la mobilité professionnelle ou géographique, etc.

Ces aides vont varier en fonction de la taille de l’entreprise :

- les entreprises de moins de 1000 salariés : ne sont pas tenues de proposer un congé de

reclassement, elles doivent proposer à chaque salarié un contrat de sécurisation

professionnelle (CSP) depuis septembre 2011. Le salarié bénéficie d’un

accompagnement personnalisé mis en œuvre par Pôle emploi et d’une allocation de

sécurisation professionnelle.

- les entreprises de plus de 1000 salariés :

o les entreprises doivent proposer à chaque salarié un congé de reclassement

d’une durée de 4 à 9 mois. Le PSE peut ainsi valablement prévoir le recours à

une entreprise spécialisée dont la cellule de reclassement permet des

reclassements externes à l’entreprise. Le plan définit les missions exactes

confiées au cabinet de reclassement. C’est au DRH de mettre en concurrence

plusieurs cabinets et de sélectionner la meilleure offre de service. Les

représentants du personnel souhaitent être associés à ce choix.

La mise en œuvre de commissions paritaires de suivi a émergé au cours des

années 1990. Elles consistent en l’organisation de réunions avec les

responsables de la cellule de reclassement, des représentants du personnel, des

représentants de la direction (DRH entre autre) et parfois des représentants de

l'administration du travail. Elles sont un gage de la mise en œuvre effective des

modalités d’accompagnement des salariés définies dans le PSE ; elles font un

état précis et régulier des situations individuelles.

Le DRH a alors la possibilité d’intervenir envers le cabinet s’il dénote un

manque d’implication des acteurs et peut ainsi participer indirectement à la

maximisation des reclassements.

Page 33: Le rôle du drh dans les restructurations

33

o Les salariés peuvent bénéficier de mesures d’accompagnement, de formation et

de périodes de travail, dans ou en dehors de l’entreprise, dans le cadre d’un

congé de mobilité (C. trav., art. L1233-77). Sa mise en place requiert au

préalable un accord de GPEC.

Par ailleurs, les entreprises de 1000 salariés et plus, qui procèdent à un licenciement collectif

dont le préfet estime qu’il affecte l’équilibre du bassin d’emploi, sont tenues de contribuer à

la revitalisation du bassin d’emploi. (C. trav., art. L1233-84). L’obligation de l’entreprise

porte sur la création d’activités nouvelles et au développement des emplois ainsi qu’à

l’atténuation des effets des licenciements sur les autres entreprises du bassin d’emploi. Une

convention est signée entre l’Etat et l’entreprise. Le coût des mesures doit être d’au moins

deux à quatre fois le montant du smic mensuel multiplié par le nombre d’emplois supprimés.

Ainsi, le DRH et le DG doivent être en relation avec le Préfet pour négocier sur les

conséquences du projet sur le ou les départements.

● création d’activités nouvelles :

Il s’agit soit du développement d’activités nouvelles dans l’entreprise, soit de soutiens

financiers ou non à la création d’entreprise.

● formation, validation des acquis ou reconversion :

Pour permettre aux salariés une meilleure adaptation aux besoins du marché du travail

favorisant ainsi leur reclassement interne ou externe.

→ Les mesures d’âge :

Les préretraites ont longtemps été la mesure phare des plans sociaux dès les années 1960.

Elles écartent ainsi les salariés âgés du marché du travail en vue de réduire le chômage,

impliquant un engagement financier important de l’état. Cette mesure permettait d’assurer une

forme de paix sociale. Pour les salariés et leurs représentants, les préretraites constituaient une

forme de sécurisation de trajectoires professionnelles de salariés jugés « âges ».

Cependant, en 2012, il n’y a plus de financement public des préretraites et avec l’allongement

de la durée du travail, toute mesure de préretraite « maison » pousserait ces salariés âges dans

une situation très précaire et financièrement moins avantageuse. Désormais, les dispositions

Page 34: Le rôle du drh dans les restructurations

34

du PSE doivent s’orienter plutôt vers le reclassement, la formation, la validation des acquis,

etc.

→ Mesures de réduction ou d’aménagement de la durée du travail :

C’est une sorte de redistribution du travail au sein de l’entreprise qui nécessite un engagement

financier de l’entreprise. Il s’agit pour le DRH de tendre vers plus d’individualisation.

→ Allocation temporaire dégressive (ATD): un salarié peut demander à son entreprise de

signer une convention qui lui permette de compenser la perte de salaire subie lors de son

reclassement externe.

→ Indemnités supra conventionnelles :

Elle est versée en complément de l’indemnité légale de licenciement. Elle est le fruit de la

négociation collective et de la volonté de la direction d’octroyer une réparation

supplémentaire du préjudice subi par les salariés. Le DRH construit alors une grille pertinente

en fonction de l’ancienneté et l’âge des salariés.

Le biais que peut représenter ce « chèque valise » est de menacer la dynamique de

reclassement individuel. Les salariés sont « rassurés » par ce matelas de sécurité, plus le

montant sera important et plus ils retardent leur recherche d’emploi, ou font des achats dont

ils n’auraient pas eu l’occasion de faire en temps normal.

Toutefois, ces indemnités peuvent être le prix à payer pour clore les conflits sociaux.

→ Départs volontaires :

Pour les entreprises, la mise en œuvre d’un plan de départs volontaires peut être un moyen de

résoudre un problème de sureffectif. Ce dispositif est mieux perçu et est mieux vécu par les

salariés qui ne se sentent pas contraints.

Ces départs volontaires se concrétisent par une rupture amiable ou négociée.

Ils doivent s’inscrire dans le cadre d’un PSE. La cour de cassation est venue concrétiser le

droit au bénéfice des mesures du plan de sauvegarde de l’emploi. Les droits du salarié ne sont

pas ceux en principe attachés au licenciement, toutefois la nature économique de la cause de

ces ruptures est prise en considération.

Page 35: Le rôle du drh dans les restructurations

35

Ainsi les critères d’ordre des licenciements, les mesures de reclassement interne, la

notification d’un licenciement ne s’appliquent pas si le plan de départ volontaire ne comporte

aucun licenciement.

Par contre, les représentants du personnel sont informés et consultés sur le projet,

l’information à l’autorité administrative s’applique, les salariés bénéficient de mesures de

reclassement externes et de la priorité de réembauche.

Le biais des départs volontaires où la porte est « grande ouverte » est qu’il y ait plus de

volontaires que de postes supprimés, et de créer des mécontents parmi ceux qui restent.

De plus, ces départs peuvent entraîner une perte des compétences clé.

Ainsi, le DRH détaille et définit les catégories qui sont menacées par le PSE.

Mais ces départs souvent incités peuvent entraîner des vagues massives de départs qui

bouleversent les collectifs de travail et augmentent la charge de travail. Le bon timing et le

cadencement doivent être arbitrés.

Le DRH a le choix et s’emploie à définir des dispositifs de reclassement efficaces en termes

de retour à l’emploi pour les salariés concernés. C’est à ses choix qu’on évaluera le niveau de

responsabilité sociale de l’entreprise. Néanmoins, les obligations du PSE sont nombreuses et

ses choix vont être limités en fonction de l’enveloppe obtenue dans son mandat de

négociation. Ses marges de manœuvre sont assez réduites.

Si le DRH décide d’associer étroitement les partenaires sociaux aux conséquences de la

restructuration dans le cadre du dialogue social, il lui reste à négocier sur ses marges de

manœuvre.

Que dire par ailleurs de la négociation triennale sur la gestion prévisionnelle des emplois

et des compétences (GPEC) pour les entreprises de plus de 300 salariés ?

La GPEC et la réalisation d’un licenciement économique constituent deux dispositifs

différents. L’un cherche à prévoir les besoins de l’entreprise en termes d’effectifs et de

compétences par rapport à sa stratégie et vise à anticiper les écarts entre ces besoins et la

situation existante. Il s’étale dans le temps. L’autre traite d’une question de sureffectif ou

d’effectif mal adapté à un moment donné.

Néanmoins, GPEC et PSE partagent les mêmes objectifs : garantir l’accès (ou le retour) a

l’emploi, à court terme dans le cadre d’un PSE ; à moyen voire long terme dans le cadre de la

GPEC. C’est le développement même de cette employabilité de façon durable et régulière qui

Page 36: Le rôle du drh dans les restructurations

36

facilitera le retour à l’emploi à court terme en cas de suppressions d’emplois. En cela, GPEC

et PSE sont liés, tout en étant clairement dissociés dans leur mise en œuvre.

Certains auteurs considèrent que la GPEC entre dans les moyens de prévention que le DRH

doit mettre en place avant de procéder à un licenciement économique. Ce n’est pas un

préalable obligatoire.

D’autres auteurs considèrent qu’il vaut mieux que le DRH veille au traitement à froid de la

GPEC.

Rappelons aussi que dans le cadre d’un accord de GPEC, les ruptures de contrat de travail

sont prévues et peuvent être :

- Des ruptures négociées d’un commun accord,

- Des licenciements individuels pour motif économique, à la suite de refus de

modification de contrat,

- Des départs volontaires dans le cadre d’un PSE.

Dans tous les cas, la procédure d’information-consultation du CE sur un projet de

licenciement économique doit s’appliquer dès lors que plus de 10 licenciements sont prévus à

la suite d’un accord de GPEC.

Nous venons de voir à travers ce point que la procédure d’information consultation sur le PSE

est strictement encadrée par la loi et laisse peu de marge au DRH. Ces choix vont varier en

fonction des moyens de l’entreprise et de son ambition, il aura également le choix de négocier

ou pas le contenu du PSE. A présent, la communication peut commencer d’un point de vue

juridique. Mais nous allons voir que c’est loin d’être aussi simple pour le DRH.

2. Le DRH et la communication

L’employeur peut informer son personnel parallèlement aux représentants du personnel dès le

début de la procédure. Toutefois, cette communication ne doit pas méconnaître les droits du

comité d’entreprise. La nature du message délivré ne doit pas constituer un délit d’entrave

sanctionné par une amende et/ou un an d’emprisonnement (C. trav., art. L2316-1 et L2328-1).

Tel est le cas si le message fait référence à une décision et non à l’exposé d’un simple projet

susceptible d’évolution dans le cadre de la procédure de consultation qui va s’ouvrir.

Page 37: Le rôle du drh dans les restructurations

37

Il n’existe ni priorité, ni monopole du comité d’entreprise dans la communication du projet.

En contrepartie, en informant le personnel des grands axes du projet, l’employeur renonce à

obtenir des élus du CE qu’ils respectent l’obligation de confidentialité sur ces mêmes

informations.

Cependant le DRH est dans les faits confronté à une difficulté, le DG, le directeur commercial

veulent informer les clients, les partenaires, les fournisseurs le plus tôt possible afin qu’ils

n’apprennent pas la restructuration dans la presse ce qui risquerait de perturber la relation de

confiance et de faire chuter les ventes ou d’augmenter le coût des matières premières ou

encore de raccourcir les délais de paiement. Le DRH doit intervenir pour éviter toute

précipitation.

L’entreprise tient informé l’état, les élus et les acteurs locaux tels que le Préfet, le Maire, la

chambre du commerce. C’est souvent le Directeur général qui informe le préfet le plus tôt

possible. C’est le protocole. Les entreprises doivent avant tout éviter de prendre leurs

interlocuteurs par surprise et continuer de les informer tout au long de la procédure.

Le DRH se charge davantage de la communication à la DIRECCTE du siège ou du site.

Une restructuration est une affaire de communication globale, tant vers l’interne que vers

l’ensemble des parties prenantes externes. Il s’agit de s’assurer que l’information ne soit pas

relayée auprès du grand public de manière systématiquement négative par des personnes mal

intentionnées.

En effet, des études ont montré qu’un manque d’information claire et argumentée au

management et aux collaborateurs génère la propagation de rumeurs incontrôlées nées de

l’incompréhension et des inquiétudes des salariés.

La communication ne s’arrête pas à l’issue de la procédure légale d’information-consultation.

Elle continue, notamment par le biais de réunions d’information pour accompagner les

salariés qui partent dans le cadre du projet. Souvent le cabinet de reclassement intervient.

Cette stratégie de communication intense doit traduire une volonté qui n’est pas une simple

information descendante mais d’écoute et de dialogue.

Page 38: Le rôle du drh dans les restructurations

38

Si le DRH peut préserver l’entreprise des risques affectant l’image de l’entreprise et favoriser

la compréhension du projet grâce à la communication, qu’en est-il du risque d’un conflit

social ?

3. Le DRH intervient en matière de gestion du risque d’un conflit social

Une fois la décision prise d’une restructuration accompagnée de suppressions de postes, la

Direction souhaite que les opérations se déroulent le plus rapidement possible avec le moins

de vagues possible.

Cependant en France, l’annonce d’un PSE suscite la plupart du temps l’organisation d’actions

collectives par les salariés et leurs représentants.

Même si la décision n’est pas toujours une surprise, elle tombe comme un couperet. Les

représentants du personnel sont démunis, ils manquent de préparation et d’information. En

dehors d’un accord de méthode, la construction d’un rapport de force semble incontournable.

La menace d’un conflit social est sérieuse tout au long de la procédure. Le rapport de force se

traduit par exemple en :

- Contentieux sur la régularité de la procédure : un salarié ou le CE ou une organisation

syndicale peuvent contester la régularité de la procédure. L’irrégularité de la

procédure ne permet pas d’obtenir la nullité de la procédure mais la suspension de

celle-ci,

- Contentieux sur la validité du PSE : un salarié ou le CE ou une organisation syndicale

peuvent demander la nullité de la procédure de licenciement en cas d’absence de PSE

ou de nullité de celui-ci (Cass. Soc., 25 octobre 2006),

- Contentieux sur les critères pour fixer l’ordre des licenciements, sur l’application des

mesures du PSE, et sur la priorité de réembauchage,

- Grèves avec la volonté de perturber le fonctionnement de l’entreprise, une

interrogation de la légitimité des interlocuteurs managériaux, et la recherche de

soutiens politiques,

- Des actions sur l’image de l’entreprise par la médiatisation du plan social.

Non seulement la contestation du projet se traduit par des grèves, mais aussi par tout un « halo

de pratiques conflictuelles » GROUX et PERNOT (2008) pouvant dériver sur des actes

violents.

Page 39: Le rôle du drh dans les restructurations

39

Les syndicats sont partagés entre ancrer le rapport de force ou tenter une négociation pour

trouver des solutions. Ils tentent également de maintenir du collectif alors que les salariés

cèdent au découragement et à la résignation.

Les salariés et leurs représentants du personnel ont un moyen de pression sur l’entreprise :

l’allongement du calendrier par l’action judiciaire qui peut être très longue (parfois deux

ans) ou par la grève.

Cet allongement du calendrier leur permet de négocier une augmentation des primes supra

conventionnelles, une modification des critères d’ordre des licenciements, d’améliorer les

dispositifs de reclassement, d’infléchir le nombre de suppressions de postes, etc. Néanmoins,

ces actions viennent rarement remettre en question le projet initial de la direction.

Dans ce contexte, le DRH est en première ligne. Dans ses prérogatives, il doit tout mettre en

œuvre afin d’éviter un conflit social ou s’y préparer du mieux possible. Cependant, le risque

de grève est souvent incontournable.

Voici une liste non exhaustive de ses prérogatives :

- il sécurise la procédure de restructuration en s’aidant des conseils avisés des avocats,

- il met en place des dispositifs d’écoute et de veille sociale (indicateurs, personnes

« capteurs »),

- il recherche une solution négociée en signant un « accord de méthode »,

- il conçoit et met en œuvre un plan d’accompagnement approprié : communication,

formation aux principaux facteurs de risque et aux mesures de prévention si le

management n’est pas formé à la confrontation à un conflit social,

- enfin, comme nous l’avons vu précédemment, le DRH se tient prêt et tous ses contacts

sont prêts à intervenir : huissier, forces de police, tribunal.

Lorsque le conflit a éclaté, le DRH met sur pied une communication de crise.

Page 40: Le rôle du drh dans les restructurations

40

● En interne :

Il participe à une cellule de crise qui se réunit deux fois par jour. Il informe, de façon

soutenue, grévistes et non-grévistes sur :

– L’état des négociations

– Les actions pour poursuivre l’activité

– Les actions menées pour faire cesser les éventuels abus

– Les conséquences sur la situation économique

Par tous moyens :

– Prise de parole du Directeur Général

– Réunions par l’encadrement, la DRH

– Tracts, journal, lettres individuelles, blogs, etc.

● En externe :

Cibles :

– L’environnement direct et indirect (clients, fournisseurs, administration,

institutionnels…) : existence et raisons du conflit

La presse :

– Communiqués de presse

– Entretiens

– Formes et causes du conflit, activité de l’entreprise, témoignages, position de

la DG, conséquences du conflit au plan local, régional, national.

Et le DRH nourrit le dialogue pour que les discussions reprennent sur le PSE.

Nous venons de voir dans ce point II qu’une restructuration ne peut se mettre en place en

l’absence du respect d’une procédure très contraignante qui implique les représentants du

personnel et les organisations syndicales, et où le DRH a une marge de manœuvre très

limitée.

Les rapports de force sont quasiment incontournables : risques de contentieux et de grèves qui

allongent la procédure déjà complexe.

Page 41: Le rôle du drh dans les restructurations

41

Dans ce climat tendu, la direction mais en particulier le DRH pilote une stratégie de

communication intense et transparente qui a pour objectif la compréhension du projet pour les

diverses parties prenantes.

Cependant, cette épreuve de force à laquelle le DRH est confronté est loin d’être terminée

puisqu’une restructuration s’enveloppe d’une forte dimension humaine qu’il faut également

appréhender.

Page 42: Le rôle du drh dans les restructurations

42

III. Le DRH face à la dimension humaine du projet de restructuration

Si nous savons que la réussite d’un projet de restructuration repose sur son acceptabilité

sociale, nous devons étudier quels sont les impacts d’une restructuration sur les ressources

humaines (1), les effets pervers qui sont à l’origine d’un échec d’une restructuration (2).

Enfin, il y aura lieu de se pencher sur le management (3).

1. Les effets des restructurations sur les ressources humaines

Une restructuration entraîne un certains nombres de bouleversements sur les ressources

humaines : des collaborateurs sortants comme restants ainsi que sur les futurs collaborateurs

compte tenu de l’impact qu’a pu avoir la restructuration sur l’image de l’entreprise.

Puis nous avions soulevé en partie I la question des conséquences des restructurations du

point de vue du travail des salariés qui restent dans l’entreprise. En effet, les restructurations

s’accompagnent elles de reconfigurations des collectifs de travail, de changements

organisationnels, de redéfinitions des compétences clés en fonction des nouveaux processus

de travail ?

1.1 Les impacts sur les collaborateurs

L’annonce de restructuration et les signes précurseurs qui l’ont souvent précédée suscitent

d’emblée l’inquiétude des salariés quant à leur avenir et un sentiment d’insécurité.

Le contexte de restructurations devenues permanentes et le développement des mobilités

professionnelles qui y sont associées, souvent « subies » sont anxiogènes et induisent une

détresse psychologique chez les salariés et leurs familles, qui ne s’y sentent pas préparés et

doivent se reconstruire sur des bases incertaines CORDIER (2000).

D’ailleurs, les risques psychosociaux sont de plus en plus publiquement dénoncés dans les

situations de restructuration. Par exemple, chez France Telecom, la Poste.

Dans le rapport sur le bien-être et l’efficacité au travail de Lachmann, Larose et Penicaud

(2010), demandé par le Premier ministre, il apparaît que parmi les dix grandes « familles » de

facteurs de stress on compte la fréquence accrue des restructurations, la peur du chômage et

l’incertitude sur l’avenir.

De plus, le PSE place tous les acteurs de l’entreprise en situation de désarroi et son lot de

départs déstabilise les collectifs de travail BEAUJOLIN (1999).

Page 43: Le rôle du drh dans les restructurations

43

Par ailleurs, l’annonce d’une restructuration peut entamer la motivation des salariés et elle

peut être assimilée à un manquement au contrat psychologique qui lie le salarié à son

employeur FREESE (2007). Les salariés adoptent alors une attitude de retrait vis-à-vis de leur

travail, marquée notamment par une moindre ponctualité, plus d’absentéisme et les études

montrent un taux plus élevé de turnover PROBST (1998).

De plus, une restructuration peut entamer l’estime de soi et la confiance en sa propre

efficacité et perturbe la stabilité émotionnelle.

Ainsi, un processus de restructuration se soldant par des pertes d'emplois peut avoir des

conséquences préjudiciables sur la santé physique et mentale des personnes licenciées ou

transférées.

Cependant, peut-on considérer que les salariés restants sont épargnés ?

Non, en effet, on tient rarement compte de cet aspect mais il existe de plus en plus de données

sur ce que l’on appelle le « syndrome du survivant (ou du rescapé) des licenciements »

NOER (1997). Certains des salariés qui sont restés dans l'entreprise ressentent un sentiment

de culpabilité («Pourquoi cela est-il arrivé aux autres et pas à moi ? »), d’autres éprouvent

une incertitude permanente quant à l’orientation future de l’entreprise. Cela peut se manifester

par une perte de confiance LEE & TEO (2005) et un questionnement du type « Serai-je le

prochain sur la liste ? ».

La brutalité de l’annonce, l’absence de préparation, l’incompréhension, donnent aux salariés

parfois le sentiment d’avoir été trompés par leur employeur, qui les a poussés à s’investir

toujours plus.

De plus, des études considèrent l’insécurité de l'emploi comme un concept multidimensionnel

qui, outre la menace de la perte d'emploi, inclut une menace sur les caractéristiques même de

l’emploi. Comme par exemple les salariés craignent que leur position occupée au sein de

l’entreprise soit revue ou que les opportunités de carrière s’amenuisent KINNUNEN et al.

(1999), ASHFORD et BOBKO (1989).

Dans un contexte de restructuration, « ré-impliquer » le personnel peut s’avérer difficile en

raison de la nouvelle image de l’entreprise vue comme « peu sûre » en termes d’emploi. Dans

cette optique, l’entreprise doit gérer le paradoxe suivant : s’appuyer sur des collaborateurs

engagés et impliqués pour pouvoir dépasser cette traversée mouvementée, sachant que c’est

Page 44: Le rôle du drh dans les restructurations

44

précisément cette opération de restructuration qui amène des réactions négatives de

désimplication.

D’un point de vue humain, c’est un véritable enjeu auquel fait face le DRH.

Nous avons repris dans un tableau les principales conséquences sur l’individu et

l’organisation relevées dans la littérature :

Tableau 4 : Principales conséquences personnelles et organisationnelles du downsizing

Conséquences personnelles Conséquences organisationnelles

Autoprotection Absence d’innovation

Syndrome du survivant Absence de vision à long terme

Scepticisme et cynisme, sentiment

d’arbitraire, retrait

Conflits internes

Burnout Politisation de la prise de décision

Anxiété et appréhension, sentiment

d’incertitude

Eviter l’incertitude, aversion du risque

Perte d’implication Sabotage

Recherche du bouc émissaire Augmentation des coûts cachés, perte de

compétences irremplaçables, réengagements

Absence de coopération avec l’entreprise Destruction des réseaux informels

Réactions dépressives Bureaucratisation croissante

Source : WHETTEN et CAMERON (1994)

Néanmoins, il existe aussi des effets positifs sur le comportement des salariés restants, qui

peuvent prendre la forme d’un renforcement de la loyauté envers l’entreprise, d’une

amélioration de la productivité et d’une augmentation du niveau de motivation au travail.

Page 45: Le rôle du drh dans les restructurations

45

C’est particulièrement vrai chez les salariés ayant une faible estime de soi et qui craignent que

cette restructuration ne soit pas la dernière. Cette crainte accroît leur inquiétude qui renforce

leur motivation au travail BROCKNER (1993).

Particularités des impacts sur les salariés sortants :

Les salariés vont dans certains cas s’ancrer dans une posture de « demande de réparations » à

l’égard de leur employeur sous la forme de « surenchère indemnitaire » BRUGGEMAN

(2002), ou de « demande de mise en retrait », sous la forme de cessations anticipées

d’activité, parfois au détriment d’accompagnement dans le reclassement. Dans de telles

conditions, l’action de reclassement n’est possible qu’après un travail de deuil, comprenant

plusieurs étapes CORDIER (2000) : l’état de choc, le déni, la colère, la négociation avec la

réalité, puis l’acceptation ou la résignation.

Ce n’est qu’après qu’une véritable reconversion est possible. Cela prend du temps, et cela

nécessite un accompagnement individualisé et selon la préconisation d’O. MAZADE (2004),

un dispositif d’accompagnement et de tutorat dans l’entreprise. En effet, les salariés ne sont

pas tous armés de la même façon face aux risques liés à la perte d’emploi, pour des raisons

personnelles, professionnelles et géographiques. Nous constatons par exemple des différences

sensibles de taux de reclassement selon la catégorie professionnelle et surtout selon le niveau

de qualification des salariés concernés (études DARES, 2003). A ces différentes situations

s’ajoute une inégalité de traitement : qu’ils soient intégrés dans une procédure de PSE ou

non ; qu’ils soient dans une grande ou une petite entreprise ; qu’ils travaillent dans un bassin

d’emploi en croissance ou en crise ; mais aussi que les compétences des salariés aient été

antérieurement reconnues et valorisées ou non.

Ces effets sont contingents et dépendent de degré d’acceptabilité de la restructuration et du

processus de décision (transparence, dimension participative) et de la communication.

1.2 La remise en cause des équilibres en termes de compétences et de

savoirs

Une perte d’emploi imminente, les changements (mobilité géographique et changement des

perspectives de carrières) et la perte de confiance dans l’entreprise, peuvent conduire au

Page 46: Le rôle du drh dans les restructurations

46

départ volontaire de salariés aux compétences-clé utiles à l’entreprise : ceux qui ont les

meilleures chances sur le marché du travail, un grand nombre de cadres…

Par ailleurs, la restructuration a pour effet la perturbation des collectifs de travail. Si l’on

admet que l’organisation est un ensemble de réseaux au sein desquels les interrelations des

individus engendrent de l’apprentissage, le départ d’un seul individu peut avoir des

répercussions qui vont bien au-delà de ses compétences individuelles FISHER et WHITE

(2000).

De plus, une réduction d’effectifs rapide est susceptible d’avoir des effets négatifs sur la

capacité de mémoire, d’apprentissage et d’innovation de l’organisation MELLAHI et

WILKINSON (2009). Pour certains auteurs, on parle d’entreprise « désapprenante »

LITTLER et INNES (2003).

Enfin, la gestion du sureffectif s’achoppe avec une gestion qualitative de l’emploi et du

travail. Des déséquilibres dans la structure des qualifications et la pyramide des âges risquent,

à terme, de se manifester, ce qui peut engendrer nombre de tensions du point de vue de

l’activité de travail : problèmes de renouvellement des compétences, de transmission de

savoir-faire, de parcours professionnel, mais aussi de répartition des tâches et d’organisation

du travail.

1.3 Les risques sur les conditions de travail

En effet, même si les licenciements ont sécurisé l’avenir de l’entreprise, les rescapés devront

s’adapter aux nouvelles conditions de travail. Ils ont souvent le sentiment que des

modifications importantes sont intervenues au niveau de leur travail et ils ont l’impression

que les rôles sont de plus en plus ambigus TOMBAUGH et WHITE (1990), KIVIMAKI et

al. (2001).

Le plus souvent, une restructuration peut se traduire par une charge de travail accrue pour les

employés restants. En effet, dans la plupart des cas, les restructurations permettent de faire

faire réaliser la même quantité de travail par un personnel réduit. Cette rationalisation se fait

au prix d’une charge de travail accrue ou d’une intensification du travail.

Page 47: Le rôle du drh dans les restructurations

47

Cette intensification, notamment lorsqu’elle s’accompagne d’une moindre autonomie, est une

source majeure de stress, d’épuisement et d’autres menaces pour la santé mentale. La

régulation est finalement peu assurée par le management et la charge d’adaptation se trouve

fréquemment, de fait, reportée sur les salariés. Elle augmente également la fatigue physique.

Malheureusement, il est reconnu par ailleurs que la fatigue physique et la pression au travail

font partie des causes principales d’accidents du travail SMULDERS (2003). En effet, la

pression exercée par la charge de travail accrue engendre la précipitation et l’inattention, et

elle incite souvent les salariés à négliger les conditions de sécurité.

Les études montrent que les travailleurs qui parviennent à retrouver un emploi ont une

meilleure santé et moins de détresse psychologique que les salariés qui restent en poste

malgré la réduction d’effectifs. Les rescapés d’une réduction d’effectifs importante sont les

plus susceptibles de présenter une dégradation de leur santé KIVIMAKI et al. (2003).

1.4 Les incidences sur l’image de l’entreprise

D’autres études portant sur les restructurations ont déjà montré « l’importance accordée par

les directions d’entreprise à leur image » CAMPINOS-DUBERNET (2003). Particulièrement

concernant les entreprises en contact direct avec les consommateurs. Elles craignent à juste

titre le risque de produire une image d’entreprise en difficulté ou d’entreprise « socialement

peu responsable ». Exemple : l’affaire DANONE en 2001. Les consommateurs sont

susceptibles de sanctionner le groupe et l’ensemble de ses marques, et ce d’autant plus si la

médiatisation de la restructuration était en contradiction avec une image proche et humaine

construite grâce à de gros investissements marketing.

Aussi, trop de partenaires sont susceptibles d’interpréter la restructuration comme un signal

négatif : investisseurs, fournisseurs, distributeurs.

En quoi, le DRH doit-il se préoccuper de cette situation ? La dégradation de l’image de

l’entreprise va entraîner de la démotivation chez les rescapés alors que le dynamisme de

l’entreprise ne repose que sur eux. Par ailleurs, c’est l’attractivité de l’entreprise qui va être

remise en cause. Attirer de nouveaux collaborateurs va devenir un travail de longue haleine.

Page 48: Le rôle du drh dans les restructurations

48

Nous venons de voir que la restructuration a des conséquences préjudiciables sur la force vive

de l’entreprise et sur l’organisation. Le DRH en tant qu’acteur du changement ne peut pas

l’ignorer.

2. Des effets pervers qui remettent en cause la réussite de la restructuration

Ces effets pervers peuvent donc remettre en cause la légitimité et la réussite de la

restructuration. D’après une enquête menée auprès de 1000 entreprises américaines,

BOROSON et BURGESS (1992) constatent, en effet, que, dans près de 60 % des entreprises

enquêtées, les objectifs de productivité ne sont pas atteints ou que le niveau de productivité est en

baisse.

Les résultats obtenus en France par P. X. MESCHI en 1998 vont dans le même sens : les

restructurations les plus brutales, fondées sur des logiques mathématiques, sont les moins

performantes à terme, de sorte que la restructuration n’a permis d’accroître la performance

économique de façon durable que dans une minorité d’entreprises de l’échantillon étudié

(14%).

Le mode de préparation et de conduite de la restructuration déterminerait ainsi, en grande

partie, son acceptabilité sociale et sa réussite économique.

Il en découle une série d’études montrant que les échecs constatés sont dus à une

méconnaissance des conséquences humaines et organisationnelles des restructurations mais

qu’il y a des solutions si ces effets pervers sont connus.

3. Les restructurations et le management

Selon ROULEAU (2005), les managers de proximité sont interprètes et promoteurs du

changement stratégique induit par les restructurations. Ils doivent faire face à une

augmentation de la charge de travail, maintenir la qualité de l’activité au sein de leur équipe et

aider leurs collaborateurs à faire face au changement. Ces injonctions paradoxales peuvent

susciter une charge émotionnelle génératrice de stress, d’un sentiment d’insécurité au travail,

d’épuisement.

Page 49: Le rôle du drh dans les restructurations

49

Pour autant, ils ont un rôle crucial dans la gestion du changement. Ils construisent le sens et

transmettent le sens aux équipes. Cette mission est d’autant plus difficile qu’ils sont rarement

impliqués dans le processus de décision.

Malgré cela, certains managers locaux s’investissent pour proposer une alternative au projet

de restructuration initial parce qu’ils n’assument pas le projet tel qu’il est dès lors qu’ils ont

mesuré que ça ne pourra pas fonctionner.

Ainsi, nous venons de voir que le management subit également de fortes pressions, aussi lors

de la gestion du changement, il doit être fortement associé.

Page 50: Le rôle du drh dans les restructurations

50

Conclusion Partie 1 :

Une restructuration naît d’un processus très centralisé, et souvent la décision est prise dans un

pays étranger, ce qui ne permet pas d’associer le DRH concerné à la prise de décision. Il est

alors sollicité en urgence pour mesurer les risques et construire l’argumentaire économique et

quelquefois en sachant qu’il ne fera pas partie de la nouvelle organisation.

Il est rarement impliqué dans la définition de l’organisation cible alors même que nous avons

vu que les échecs des restructurations naissent notamment de la non synchronisation entre la

réorganisation prévue à moyen/ long terme et l’effet immédiat des suppressions de postes.

Le binôme DG/DRH lui permettra de bâtir un plan de sauvegarde de l’emploi « intelligent »

s’appuyant sur une bonne gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. C’est son

charisme et sa légitimité reconnus qui lui permettront de gagner du temps et d’être en mesure

de faire passer ses propositions.

Par ailleurs, il est malheureusement trop souvent accaparé à monter et gérer le processus

d’information consultation très complexe et chronophage. Car la direction lui reconnaît son

niveau d’expertise dans le dialogue social et veut ainsi éviter un certain nombre de

risques pourtant incontournables et qui allongent la procédure: contentieux, grève.

Alors que les actions toutes aussi fondamentales sont la communication pour veiller à la

bonne compréhension du projet, et à fédérer le personnel autour d’une organisation cible qui

fera l’objet d’une communication positive et transparente.

Mais pour cela, le DRH doit participer et s’investir dans la construction de nouveaux

processus de travail qui tiennent compte des bouleversements des collectifs de travail post

restructuration et des compétences nécessaires à cette nouvelle organisation cible. Car les

risques sur la santé des salariés restants, la démotivation, les départs et la dégradation de

l’image de l’entreprise expliquent des résultats contingents d’une restructuration sur la

performance de l’entreprise.

En partie 2, nous allons partir sur le terrain et analyser les restructurations menées au sein de

trois entreprises de secteur différent.

Page 51: Le rôle du drh dans les restructurations

51

Partie 2

L’enquête de terrain :

Présentation de trois études de cas

Page 52: Le rôle du drh dans les restructurations

52

En complément de la première partie, nous souhaitons mieux comprendre le phénomène des

restructurations et pour cela nous allons mener une enquête exploratoire pour mettre en avant

la réalité du terrain.

Nous présenterons dans un premier temps, la méthodologie utilisée pour mener à bien cette

enquête de terrain (I) puis nous présenterons les principaux résultats que nous confronterons

entre eux (II).

I. La méthodologie utilisée

Nous allons vous présenter les entreprises sur lesquelles nous nous sommes penchées (1) puis

nous vous exposerons les trois techniques de recueil d’informations que nous avons utilisées

(2).

1. Le choix des entreprises

Nous avons fait le choix de nous intéresser à trois entreprises de tailles et de secteurs

d’activités différents et à leurs motifs de restructuration également différents : Air France,

Freescale semiconductors et Arcadie Sud-Ouest pour appréhender le phénomène des

restructurations dans son ensemble.

Mon stage se déroulant au sein d’un établissement d’Air France, nous avons souhaité nous

pencher sur la restructuration qu’a vécu cette entreprise en 2010 au niveau de son personnel

au sol suite à l’identification d’un sureffectif de 1684 postes traité dans le cadre d’un plan de

départs volontaires (PDV) et nous intéresser également à celle qui est en train de se dérouler

actuellement sous le projet « Transform2015 » annonçant un sureffectif global de 5 122

postes se traduisant par des départs volontaires de 3 410 salariés d’ici décembre 2013 .

Air France est une grosse entreprise de 52 960 salariés en France et elle fait partie du groupe

Air France KLM qui compte 102 012 collaborateurs dans le monde au 31 décembre 2011. Air

France KLM est le leader du transport aérien européen. L’entreprise Air France a quatre

activités : le passage (compagnie aérienne transportant des passagers sur les courts, moyens et

longs courriers), le cargo (transport aérien de fret), la maintenance et autres.

Concernant son cadre conventionnel, Air France dissocie le personnel en trois catégories :

personnel au sol (PS), le personnel navigant commercial PNC (hôtesses, stewards), et le

personnel navigant technique PNT (pilotes).

Page 53: Le rôle du drh dans les restructurations

53

Nous nous sommes intéressés également à l’établissement toulousain de l’entreprise

Freescale semiconductor qui arrête son activité de fabrication de galettes de silicium le 10

août 2012 entraînant 821 suppressions de postes. C’est une entreprise américaine de 18 000

salariés dont le siège du groupe est à Austin au Texas. Son activité est la conception,

fabrication et vente de puces pour 3 grands marchés (l’automobile, le réseau (téléphone

mobile) et l’industrie).

Enfin, nous nous sommes intéressés au groupe Arcadie Sud-Ouest, groupe coopératif

agroalimentaire, leader régional sur le marché de la viande. Leurs activités se déclinent de

l'abattage à la distribution de la viande. C’est une entreprise multi-sites de 17 établissements

répartis sur le grand sud-ouest. Nous nous sommes penchés sur la fermeture en 2007/2008 de

l’atelier découpe d’un établissement entraînant la suppression de 55 postes sur 110 salariés.

2. Les techniques de recueil d’informations utilisées

Pour mener à bien cette enquête de terrain, nous avons utilisé trois techniques différentes de

recueil des informations : l’entretien semi-directif, le recueil de documents écrits et la

conversation terrain.

Nous n’avons pas pu utiliser l’observation directe au sens où nous n’avons pas observé au

quotidien la mise en place du dispositif de restructuration dans l’une de ces trois entreprises,

néanmoins nous avons pu vivre chez Air France les premières phases du projet

« Transform2015 » de l’annonce aux premières informations consultation et, nous avons

discuté avec des collaborateurs au sein de l’entreprise et pu sentir quels étaient les

comportements et les humeurs relatifs au projet.

2.1 L’entretien semi directif

2.1.1 Le choix des personnes sollicitées

Nous avons souhaité interroger des Directeurs des Ressources puisqu’ils sont les acteurs de la

mise en place le leur dispositif de restructuration. Ils sont donc le mieux à même de nous

décrire leur rôle dans un tel dispositif.

C’est pourquoi, nous avons rencontré le Directeur des Ressources Humaines Europe du sud

de l’entreprise Freescale Semiconductor basé à Toulouse ainsi que le Directeur des

Ressources Humaines du groupe Arcadie Sud-Ouest également basé à Toulouse.

Page 54: Le rôle du drh dans les restructurations

54

Malheureusement, concernant Air France, il ne nous était pas possible de rencontrer le

Directeur général des ressources humaines. Nous avons fait le choix de nous entretenir avec

plusieurs collaborateurs ayant pris part au projet :

La Responsable des ressources humaines de l’établissement de Toulouse qui est en charge de

la gestion de la population des fonctions supports et de l’informatique ;

Un élu CFDT au Comité d’établissement informatique, membre du Comité central

d’entreprise Air France (CCE) pour son troisième mandat et Président de la commission

Emploi et Formation du CCE ;

Un manager de statut cadre dans la fonction comptable ;

Et l’assistante sociale basée à Toulouse.

2.1.2 Présentation de la méthode utilisée

Nous avons choisi de procéder à des entretiens semi-structurés qui ont permis, dans un

rapport en face à face, aux acteurs de nous livrer leurs actions dans la mise en place du

dispositif de restructuration ou leur compréhension et vision de ce phénomène dans leur

entreprise.

Ces entretiens avec les acteurs directs ont été très riches et nous ont permis d’aller plus loin

que l’observation directe. Le processus de restructuration est tellement confidentiel qu’il ne

nous aurait jamais été permis d’observer des phases comme la prise de décision ou d’assister

aux réunions d’information-consultation du comité central d’entreprise.

Nous avons adapté la trame des entretiens à chaque interlocuteur en leur demandant de nous

livrer la perception du rôle du DRH autour de grands thèmes suivants : la prise de décision, le

dialogue social, la communication, le climat social, la politique RH, l’impact humain et

l’implication des managers.

Ces entretiens ont bien marché car les personnes se sont exprimées librement et leurs propos

denses recueillis nous ont permis de déceler les convergences mais aussi les nuances sur la

façon d’appréhender les restructurations.

Néanmoins, comme pour deux entreprises, nous nous intéressions à leur actualité, nous

pensons que leur discours faisait preuve de modération. Nous avons bien ressenti que tant

Page 55: Le rôle du drh dans les restructurations

55

qu’un projet de restructuration n’est pas mené à son terme, tous les risques sont

envisageables.

Mais nous devions tenter cette audace, car c’était intéressant de sentir à chaud les tensions qui

existent lors de la mise en place d’un tel dispositif.

2.2 Le recueil de documents écrits

Pour approfondir le processus de restructuration chez Air France, lors de notre stage nous

avons eu accès à un réservoir d’informations au travers de l’analyse des documents suivants :

- notes internes adressées aux RRH,

- des « flash actu » et journaux internes diffusés à l’ensemble du personnel,

- des tracts syndicaux,

- des plaquettes sur le dispositif de plan de départs volontaires adressées à l’ensemble

du personnel,

- à l’accord triennal de gestion prévisionnelle de l’emploi du personnel au sol 2009-

2012,

- de la version définitive du Plan de Départs Volontaires pour le personnel au sol de

2009.

2.3 La conversation terrain

Lors de notre stage chez Air France, nous avons discuté avec plusieurs des collaborateurs :

salariés des fonctions siège (comptabilité, recettes commerciales) et de l’informatique et avec

des managers de proximité.

Ce rapport moins solennel nous a permis de recueillir les opinions spontanées ressenties sur le

terrain.

Ces échanges nous ont permis de progresser et de recouper des observations avec celles des

documents recueillis et des entretiens. Ils nous ont permis de consolider et de relativiser les

informations obtenues par les deux autres moyens.

Nous avons mémorisé les parties importantes des discours puis retranscrit les propos dès qu’il

nous était possible de le faire.

Cependant, cette technique ne peut prétendre révéler une seule vérité.

Page 56: Le rôle du drh dans les restructurations

56

II. Présentation des résultats au sein des trois entreprises

Nous avons souhaité présenter en annexe de façon détaillée les études menées au sein des

trois entreprises citées.

Nous nous concentrerons sur la confrontation des résultats entre eux. Pour cela nous vous

présenterons une synthèse et analyse des convergences et divergences entre elles ainsi

qu’avec les études empiriques menées en première partie.

1. Le DRH est rapidement tenu informé de la décision de restructurer

C’est le conseil d’administration qui a demandé au dirigeant de prendre des mesures pour

résoudre le problème des pertes financières chez Air France comme chez Arcadie. Dans les

deux cas, nous sommes face à une restructuration qui répond au critère de sauvegarde de la

compétitivité et qui se justifie par une importante dégradation continue du résultat

d’exploitation. C’est une restructuration qui nécessite des actions de court terme qui se

traduiront par une stratégie numérique de suppressions de postes, cf tableau 1 en première

partie.

Au moment de la prise de décision, chez Air France, le résultat d’exploitation du 1er

trimestre

2009 est de -205M€, la Direction envisage 1684 départs volontaires.

Chez Arcadie, en trois ans, l’établissement de 110 salariés enregistre des pertes d’1 millions

d’euros, la Direction envisage l’arrêt de l’activité « découpe » qualifiée de non rentable et

supprime 55 postes.

Chez Freescale, nous sommes davantage sur une restructuration de sauvegarde de

la compétitivité « stratégique » qui s’inscrit davantage sur du moyen terme (3 ans).

L’entreprise réagit face aux avancées technologiques : « il faut produire du 12 pouces

désormais pour s’aligner sur un concurrent» et décide de réorganiser sa fabrication. Elle

décide d’arrêter la fabrication obsolète de puces 6 pouces sur Toulouse. Cela se traduit par

821 suppressions de postes.

La décision est transnationale, prise par le siège de l’entreprise aux Etats Unis. Néanmoins, le

caractère stratégique de cette restructuration a permis au Président et au DRH français d’être

impliqués rapidement dans la prise de décision en leur laissant par le biais d’âpres

négociations, le soin de définir l’échéance et les modalités de la gestion du projet en fonction

Page 57: Le rôle du drh dans les restructurations

57

des spécificités locales. Le DRH France souhaitait disposer de 3 ans afin d’éviter la casse

sociale et d’anticiper un maximum sur les reclassements, il a eu gain de cause.

Chez Freescale comme pour Arcadie, les DRH nous ont confié qu’ils avaient réalisé le

chiffrage de plusieurs hypothèses de travail pour aider au choix de la décision finale, et cela

dans un temps très court. Ce travail confidentiel est fait seulement par le DRH dans une petite

structure comme Arcadie, il a été aidé par le Directeur administratif et financier. Chez

Freescale ce travail a été fait par le DRH et son adjoint spécialiste des relations sociales.

Le chiffrage porte non seulement sur le coût de la restructuration mais également sur

l’évaluation du risque contentieux.

Comment déterminent-ils le volume de postes à supprimer ? Le DRH est-il associé ?

Cette question est intéressante pour voir dans quelle mesure le DRH et l’entreprise sont en

mesure de préserver les compétences clé.

En ce qui concerne l’arrêt d’un service tout entier, la question ne se pose pas. Par contre, chez

Air France on peut se le demander étant donné que l’objectif est de réduire un « sureffectif ».

Le risque étant de voir partir les salariés les plus motivés avec leurs compétences très

recherchées.

Dans l’argumentaire économique transmis au CCE du PDV de 2009, il est précisé que c’est la

présentation de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences du personnel au sol

en juillet 2009 qui a mis en évidence une situation de sureffectif de 1217 postes entre 2009 et

2012. Ceci malgré un développement et une estimation optimisée des mobilités internes.

De plus, les services de la Direction Générale des Ressources Humaines ont ciblé les secteurs

en sureffectif excluant les métiers en tension.

Enfin, les chiffres ont été affinés par chaque Direction. Selon le RRH interrogé, « le ciblage a

été fait par les managers qui devaient désigner les métiers dont ils pouvaient se passer.

Certains Directeurs ont ressorti des cartons des projets de réduction d’effectifs qui n’étaient

pas prioritaires à l’époque». Et le besoin final de départs volontaires s’est établi à 1684 sur

37 043 personnels au sol que comptait Air France à fin juin 2009.

Pour éviter ce problème, la DGRH a pris soin d’inscrire dans le projet PDV les salariés

exclus du dispositif. Par exemple : « les cadres de moins de 8 ans d’ancienneté, certains

personnels de la DGI, notamment ceux des activités moteurs et équipements ».

Page 58: Le rôle du drh dans les restructurations

58

2. Le DRH : leader de la négociation et du processus d’information-consultation

→ un accord de méthode dans les grandes entreprises :

Dans les deux grandes entreprises, Freescale et Air France, les DRH ont opté pour conclure

un accord de méthode. Cet accord a un objectif différent pour chaque entreprise.

Chez Air France, il porte sur les modalités de consultation du CCE et des CE.

Chez Freescale, ils étaient déjà dotés d’un accord de méthode qui leur permettait de réaliser

des restructurations permanentes dans la limite de 200 suppressions de postes par an. Cet

accord avait deux volets : encadrer le processus d’information-consultation et fixer les

indemnités de départs volontaires et non volontaires.

Pour ce projet, le DRH a souhaité que cet accord comporte trois volets distincts. « Nous avons

décidé de scinder ces négociations en trois réunions : l’une portant sur l’espace emploi,

l’autre sur la reconversion et une autre sur les indemnités car nos deux priorités étaient les

moyens et la reconversion ».

Ces négociations auront mobilisé le DRH sur 19 réunions.

→ un processus d’information-consultation long :

Le DRH rédige avec l’aide d’un avocat les livres I et II. Le DRH d’Arcadie nous a confié

combien il avait été vigilant sur la rédaction du motif économique.

Et puis suit un long processus d’information-consultation.

Chez Freescale, outre les réunions de négociation, les réunions d’information-consultation sur

le PSE (livres I et II) ont mobilisé le DRH de décembre 2009 à février 2010. Pour mémoire, la

première réunion d’information du CE sur le projet s’est tenue en avril 2009.

Chez Arcadie, le DRH ne s’est pas cantonné aux trois réunions légales avec la délégation

unique du personnel. Il en a fait plus, sans compter les réunions menées en parallèle avec une

délégation plus restreinte.

Chez Air France, bien qu’il y ait un accord de méthode, le CCE se réunira autant de fois que

nécessaire pour expliquer les conséquences de la crise en terme d’activités et d’emplois. Le

Page 59: Le rôle du drh dans les restructurations

59

CCE s’est d’ailleurs réuni 14 fois entre octobre 2008 et novembre 2009 date de la réunion de

consultation sur le PDV.

Le PDV était imbriqué à l’accord GPEC, les deux négociations et les informations-

consultation se sont déroulées d’avril au 19 novembre 2009.

Le PDV de 2009 a fait l’objet de nombreux échanges lors de la négociation de l’accord de

gestion prévisionnelle des emplois des personnels au sol entre avril et juillet 2009 date de sa

signature. Cet accord prévoit de gérer le sureffectif par un Plan de départ volontaire (PDV) et

il définit la procédure à respecter pour son élaboration et sa présentation.

Il est stipulé dans l’accord PSE que c’est le Directeur Général qui a reçu spécifiquement les

organisations syndicales représentatives en janvier et juillet 2009 pour parler de la possibilité

du PDV.

Nous avons été interpellés en découvrant que le DRH ne soit pas cité comme étant au cœur du

processus de négociation du PDV. Nous avons mieux compris quand le membre du CCE nous

a confié que « pendant le PDV 2009 nous avons changé de DGRH. C’est le nouveau qui s’est

chargé des négociations. Et l’ancien DGRH était au-dessus de lui. Ça s’est bien passé et ça

s’est fait dans la continuité car l’équipe en dessous de lui n’a pas changé (relations sociales

etc…) La DGRH était persuadée qu’il fallait faire le plan et ce ne sont pas des tueurs, ils

voulaient le faire sans casse sociale ».

Selon le membre du CCE, « le process d’information-consultation a été rapide pour une

société comme Air France. Les négociations sur les modalités du PDV ont duré 3 mois et se

sont terminées en novembre 2009. Air France mène bien le dialogue social.

Tout le processus s’est déroulé avec les deux commissions centrales emploi et économique. Je

me souviens que se fut très chargé. La dernière réunion du CCE de novembre 2009 qui devait

durer 1 jour en a finalement duré 3 et jusqu’à la nuit ! ».

Selon le RRH interrogé « le process a été très encadré par le central au niveau du CCE et

décliné en CE ». C’est-à-dire que la Direction générale des ressources humaines dotée d’un

service relations sociales, a encadré la rédaction des accords et des présentations pour les CE.

Selon le membre du CCE, « le mérite revient plutôt à une équipe à la DGRH, ce n’est pas

qu’un homme ».

Le conflit de temporalité soulevé en introduction est bien réel. Même s’il y a une nécessité

d’aller vite dans la mise en œuvre des premiers départs d’un point de vue du business, il n’en

reste pas moins que le processus de dialogue social a pris du temps aux DRH entre 2 mois et

10 mois.

Page 60: Le rôle du drh dans les restructurations

60

→ Des restructurations permanentes…

Deux ans après la fin du PDV précédent, Air France décide de restructurer à nouveau.

Le nouveau Président nommé en novembre 2011 et le DRH nommé en début d’année 2012,

tous deux venant de l’extérieur, se sont attelés dès leur nomination à lancer le processus de

restructuration pour « restaurer la compétitivité d’Air France».

La première annonce du projet Transform2015 s’est faite lors d’un CCE extraordinaire le 10

février 2012 et devrait se ponctuer par la consultation sur le PDV du personnel au sol par un

CCE le 19 septembre 2012. Les premiers départs volontaires interviendront fin novembre

2012. Cependant, pendant ce laps de temps, le DRH a renégocié des accords collectifs de

travail pour le personnel au sol qui doivent en outre apporter un gain de productivité de 20% à

la compagnie. Il a par ailleurs présenté au CCE l’accord de gestion prévisionnelle de l’emploi

et des compétences qui arrivait à échéance en juillet 2012.

Les avis sollicités chez Air France nous rendent compte que les gens vivent une situation sans

précédent, avec des changements radicaux, avec une rapidité et une certaine pression.

Conformément à ce que nous avons vu dans la partie théorique, c’est le Président qui annonce

les difficultés économiques.

3. Un DRH devant gérer une grève

Chez Air France, des mouvements de grève se déployaient dans les aéroports et sur des

établissements de province, menés par des syndicats minoritaires CGT et SUD. Mais ces

mouvements n’ont pas empêché un bon déroulement des négociations. Nous sommes étonnés

qu’un projet comme Transform2015 n’ait pas suscité davantage de blocage. Une des

explications est l’entrée en vigueur de la Loi Diard en mars 2012 qui instaure un préavis de

grève de 48H dans les transports aériens.

En revanche, chez Freescale, le DRH a dû gérer une grève de 5 semaines. Menés par les

syndicats minoritaires dont la CGT, les grévistes ont bloqué l’entrée.

L’objectif était d’empêcher le PSE en mettant la pagaille dans l’entreprise. La tension était

vive, le DRH a fait intervenir les CRS et la Préfecture.

Pourtant ce mouvement ne s’est pas généralisé, il n’y avait que 10% de grévistes. Il faut donc

relativiser ce phénomène.

Page 61: Le rôle du drh dans les restructurations

61

Chez Arcadie, il y a eu une grève d’une semaine, menée par la CGT. La situation était très

tendue avec des barrages à l’entrée, insultes ; dans l’objectif de faire monter l’indemnité supra

légale.

Le DRH a demandé l’intervention de l’inspecteur du travail comme médiateur, mais ça n’a

pas solutionné le problème. La situation s’est soldée par un constat d’huissier et la saisine du

tribunal de grande instance en référé. L’entreprise a eu gain de cause et chaque gréviste a été

condamné à lui payer 1 500 euros.

Conformément à ce que nous avons vu en première partie, les risques de grèves et de

contentieux sont incontournables mais dans nos trois cas, ils doivent être relativisés car ils ne

sont que l’expression d’une minorité (actions menées par des syndicats minoritaires). Le DRH

en profite-t-il pour davantage occuper le terrain ?

4. Le DRH et la communication : il occupe le terrain

Dans les trois entreprises, l’annonce du projet de restructuration a été faite par le Président ou

le Directeur général lors du CCE ou du CE.

Ensuite, les communications sur le terrain au plus près des équipes se sont faites par le

binôme Président et DRH chez Freescale.

Chez Air France, le Président a tenu à communiquer par web conférence dès la fin du 1er

CCE

sur le projet en s’adressant ainsi à l’ensemble des salariés.

Chez Arcadie, le DRH s’est rendu sur le site de Bordeaux qui fermait et occupait le terrain en

communiquant souvent afin que le motif économique ne fasse plus de débat.

Chaque DRH nous a dit avoir pris le leadership sur la communication en contrôlant tous les

communiqués. Pour un DRH « c’est nécessaire en temps normal, alors a fortiori lors de

restructuration ». Et cela même s’il y a un service communication.

Pour les trois entreprises l’information s’est voulue pédagogique. Elle était transparente,

abondante.

Chez Air France, les salariés reçoivent par mail des notes, les bulletins « RH actu ». Ils ont

accès à intranet qui diffuse en permanence les dernières informations sur le projet, les salariés

ont tous eu accès aux plaquettes expliquant les mesures d’accompagnement du PDV. Le

journal interne « concorde » diffuse régulièrement les informations transparentes du projet.

Page 62: Le rôle du drh dans les restructurations

62

Nous avons relevé durant le stage pour le projet « Transform2015 », la diffusion de douze

notes « flash actu » signées du Président entre le 1er

février et le 1er

juin pour tenir informés

les salariés des avancées des négociations sur la renégociation des accords collectifs comme

condition à la gestion du sureffectif sans départ contraint.

Par ailleurs, les cadres de l’entreprise étaient réunis régulièrement par le Président pour

revenir sur leur rôle pendant le PDV 2009. Ils ne devaient surtout pas forcer au départ les

salariés.

Chez Freescale, dès la fin d’une réunion du comité d’entreprise sur le projet ou d’une réunion

de négociation, c’est le Président et le DRH qui se chargeaient d’annoncer le projet à toutes

les équipes travaillant sur le site. « C’est une tradition le dialogue en permanence avec les

salariés ».

Les managers étaient tenus informés par le DRH des échanges et avancées au moment de la

sortie de la réunion, afin qu’ils n’apprennent rien de la bouche des syndicats.

Chez Arcadie, c’est en amont du projet, que le DRH a été confronté à l’inquiétude des

membres de la direction face aux répercussions de la restructuration. Il a entrepris un gros

travail de pédagogie sur les dirigeants, très chronophage (réunions, face à face le soir). Les

commerciaux étaient en demande par rapport à leurs clients.

« Il était vital pour le directeur commercial d’informer les clients du projet pour ne pas qu’ils

se détournent de l’entreprise ». Le DRH expliquait quand et comment ils étaient en mesure de

pouvoir le faire.

« J’ai fait des réunions avec l’encadrement aussi pour voir qui était en méfiance par rapport au

projet. Notamment le chef de centre l’était. Ce fut difficile que le manager du site se

désolidarise. Mais son comportement n’a surpris personne. Il a d’ailleurs été licencié plus tard

car il ne communiquait jamais et n’entretenait pas le dialogue avec les représentants du

personnel. Sa présence a été un handicap pendant le projet ».

Nous nous rendons compte combien le duo Président/ DRH est crucial comme nous l’avons

mis en exergue en partie I. Ainsi que l’information des managers qui doivent porter le projet

et donner du sens aux équipes. Un manager qui n’en a pas les capacités porte préjudice à

l’entreprise.

Page 63: Le rôle du drh dans les restructurations

63

Enfin, ce qui pose le plus de soucis aux DRH c’est la communication aux institutionnels (Etat,

Préfet, Maire, Directeur du travail) et acteurs extérieurs (clients, fournisseurs). Le risque de

délit d’entrave est bien mesuré, ils ont dû trouver le bon timing pour l’annoncer…

5. Le DRH face à l’impact humain

Pour le PDV 2009 d’Air France, il n’y a pas eu de dégât social. Les personnes interrogées

parlent « d’effet d’aubaine ». Ceux qui avaient envie de partir, notamment en départ anticipé à

la retraite sont partis. Il n’y a pas eu d’inquiétude car aucun salarié n’a été contraint de partir,

ni de démotivation. Les salariés restants parmi les fonctions supports n’ont pas ressenti une

dégradation de leurs conditions de travail puisqu’au même moment la baisse d’activité se

faisait ressentir.

Néanmoins, la situation a été plus délicate sur les services d’exploitation. Selon le membre du

CCE interrogé et l’assistante sociale, ils considèrent que les salariés étaient plus inquiets sur

le fonctionnement de leur équipe après un départ, car ils disaient : « je vais devoir travailler

davantage, ça va être plus pénible ».

« L’échec de la boîte a été de prévoir des incitations financières à partir vite, c’est-à-dire avant

juin 2010. Or, le pic d’activité est en juillet. Beaucoup de départs ont eu lieu avant juillet,

cette période a été très critique pour l’exploitation. Ça a été très mal géré et mal perçu par les

agents. D’ailleurs, le DGRH en octobre novembre 2009 disait que le plus difficile serait

d’assurer l’exploitation en intégrant tous ces départs ».

On relève en effet une prise de conscience de la part de la DRH mais il n’y a pas eu

d’anticipation malgré tout. L’objectif était de valider de nombreux départs volontaires. 1680

départs volontaires étaient prévus, 1800 salariés sont partis !

On constate en effet que la priorité a été donné aux départs et non à la gestion prévisionnelle

des emplois et des compétences alors même qu’en amont du projet une réflexion sur les

populations cibles avaient été menées. Cette réflexion n’a pas été menées jusqu’au bout pour

échelonner les départs dans le temps. Cette latitude était laissée aux managers.

Sur le projet Transform2015, nous n’en sommes pas à l’heure du bilan, mais le cabinet

d’expert Secafi a noté dans son rapport d’être vigilant quant à l’incidence du projet sur les

salariés, les équipes, les conditions de travail. Exemple, pour les managers qui vont être

sollicités, pour les équipes qui vont changer d’horaires etc…

Page 64: Le rôle du drh dans les restructurations

64

De plus, la structure en silo d’Air France que nous avons observé ne permet pas l’équité, et

seul le personnel au sol s’est engagé pour le moment dans la voie du redressement en signant

un nouveau cadre conventionnel alors que le personnel navigant n’a pas dit son dernier mot.

Malheureusement, la cohésion sociale tant souhaitée par Air France risque d’être mise à mal.

Lorsque nous évoquions en partie I qu’un référentiel de règles communes RH doit être établi

et nous paraît être fondamental dans la réussite du projet, il y a des grandes entreprises où

l’organisation ne permet pas l’homogénéité de traitement. Cependant, dans le cas d’Air

France, ce manque d’équité génère des frustrations et une démotivation du personnel au sol

du fait de l’incompréhension du projet d’entreprise et du manque d’adhésion.

Comme dans les deux autres entreprises, Freescale s’est montrée socialement responsable. Il y

a eu une réelle dynamique d’investigation et de communication sur les reclassements

externes. C’est le fruit du contrat passé avec le cabinet de reclassement Altédia dont

l’intervention s’est faite un mois après la première réunion du CE, et du suivi mensuel mené

par le DRH en présence de la DIRECCTE. Et c’est également le fruit du travail de l’équipe

RH, sur les passerelles possibles sur des postes des entreprises de la région comme le CHU,

Tisséo, Airbus, et sur la rédaction d’un catalogue des métiers en tension dans la région.

Cette dynamique plus soutenue encore chez Freescale s’explique peut-être par la pression de

la convention signée avec l’Etat pour la revitalisation du bassin d’emploi. L’entreprise

s’engage à recréer un emploi dès qu’un emploi est détruit, sinon elle paiera une amende.

Alors les objectifs de reclassement sont suivis avec beaucoup d’attention.

Sur les 821 postes supprimés :

- 264 salariés ont quitté l’entreprise avec un projet,

- 400 personnes ont bénéficié de formation en fonction de leur projet et sur des métiers

en tension. Sur les 400 : 200 sont partis et 200 sont revenus à leur poste,

- 40 personnes ont été reclassées en interne.

En ce qui concerne les équipes restantes, l’entreprise va poursuivre sa communication

positive à l’égard de l’équipe R&D qui revendique « un réel besoin de tourner une page, ils

demandent de sortir de l’empreinte du passé en modifiant la composition des bureaux par

exemple».

Enfin, le baromètre du bien être fait l’objet d’un suivi avec la médecine du travail, le comité

de prévention du stress et le DRH. « On a identifié 50 cas difficiles. Une cellule médico-

psychosociale se réunit toutes les semaines et fait des préconisations ».

Page 65: Le rôle du drh dans les restructurations

65

Nous relevons que dans les grandes entreprises comme Air France et Freescale dotées de

structures médico-sociales, la prévention des risques psycho-sociaux est bien menée.

Pour Arcadie, le DRH a également attaché beaucoup d’importance au suivi des reclassements

internes et externes. Il s’est même investi lui-même en appelant les entreprises aux alentours.

Sur 55 suppressions de postes, il y a eu 15 reclassements internes et sur le reste 50% de

reclassements externes et 50% de salariés ont bénéficié de la cellule de reclassement. Un an

après, 20% des salariés n’avaient pas retrouvé un emploi.

Le DRH était assez déçu de la prestation du cabinet qu’il considérait comme « industrielle »

et sans valeur ajoutée. Pour le PSE suivant, il a exigé dans le contrat que le cabinet

accompagne les salariés jusqu’à l’obtention d’un CDI.

L’impact humain il l’a vu. Installé provisoirement pendant deux mois au cœur de

l’établissement qui allait fermer, il a reçu tous les salariés individuellement pour les écouter et

répondre à leurs questions. Il a vu la phase du déni, de la colère. « Faut être capable d’accepter tout

ça pour faire ce métier ». Et son rôle était d’identifier les salariés à risque, en détresse

psychologique ou ceux déjà fragiles avant et en détresse financière ensuite (crédit de maison).

Il les a accompagnés, soutenus.

Quant au syndrome du survivant, il l’a constaté. Mais il n’a pas duré longtemps.

Dans une petite structure, le binôme du soutien entre la cellule de reclassement et le DRH est

essentiel. Afin de vouloir atténuer les effets sur l’homme, il est nécessaire qu’il y ait une

présence permanente et à l’écoute.

6. Des DRH innovent dans les mesures d’accompagnement

Il nous importe de répondre à la question soulevée en première partie, est ce que les DRH et

les partenaires sociaux font preuve d’originalité dans les mesures d’accompagnement alors

que le code du travail à l’article L 1233-62 liste les mesures qui peuvent se trouver dans le

PSE ?

L’une des premières mesures qui nous a interpellées, c’est chez Freescale. L’objectif choisi

par l’entreprise était de consacrer trois ans au reclassement des 821 salariés pour éviter la

casse sociale. Ainsi, le DRH a ouvert un premier volet de négociation sur l’ouverture d’un

espace projet emploi (EPE) dès la première information du CE sur le projet (avril 2009). Dès

le 8 mai 2009, l’EPE situé sur le site était en place, soit une équipe de 15 personnes du cabinet

Page 66: Le rôle du drh dans les restructurations

66

Altédia, pour accompagner les gens dans leur projet de formation et de recherche d’emploi,

sur la base du volontariat. Pendant plus de trois ans, cet espace a accompagné au quotidien les

salariés qui devaient quitter l’entreprise en août 2012.

Les salariés pouvaient se former dans le cadre de leur projet, ils bénéficiaient d’un maintien

de leur rémunération pendant un an ; et d’un retour à leur poste à l’issue.

Ce qui nous a interpellé également c’est l’habileté du DRH à scinder en trois réunions de

négociations les thèmes du PSE : EPE, mesures de reconversion, et indemnités supra légales.

La mésentente portant sur le montant des indemnités, le fait d’avoir dissocié les thèmes n’a

pas ralenti le process de négociation et n’a permis d’avoir un accord unilatéral que sur ce

thème. Les deux autres ayant été signés par la moitié ou plus des syndicats majoritaires.

Par ailleurs, c’est principalement sur le reclassement externe que les entreprises ne manquent

pas d’originalité, à condition que les moyens de l’entreprise le permettent.

→ Cabinet de reclassement :

Air France a depuis 1994 une filiale SODESI en charge des activités d'accompagnement, de la

mobilité professionnelle et de la reconversion des salariés ainsi que de la formation des

tuteurs et maîtres d'apprentissage. Cette filiale a eu pour mission pendant le PDV 2009

d’accompagner les salariés dans leur projet de création ou de reprise d’entreprise. Son activité

se développe en parallèle de l’accompagnement d’un cabinet extérieur.

La plupart du temps, les entreprises ne font appel qu’à un seul cabinet pour tout

l’accompagnement.

→ Départs en retraite :

Nous nous étions interrogés en première partie sur les mesures de départ en retraite étant

donné que les préretraites ne sont plus intéressantes. Dans le cadre du PDV d’Air France, en

ce qui concerne les retraités, ce n’est pas une mesure de préretraite qui est proposée mais des

mesures financières d’incitation pour ceux qui sont éligibles à un départ à la retraite à taux

plein entre 2012 et 2013. Ces mesures sont versées en plus de l’indemnité de départ à la

retraite (IDR) conventionnelle. Aussi une possibilité de rachat des trimestres manquants est

offerte ainsi qu’une majoration supplémentaire. Le cumul des deux indemnités ne peut

excéder au total 24 mois.

Page 67: Le rôle du drh dans les restructurations

67

→ Création d’entreprise ou reprise d’activité :

Par ailleurs, en vue d’inciter à créer son entreprise, Air France a été originale en proposant

une aide supplémentaire si le créateur embauche un salarié d’Air France. L’aide sera d’autant

plus importante si le salarié a plus de 55 ans.

→ Congé de reclassement :

L’entreprise peut également jouer sur la durée du congé de reclassement. Chez Air France il

est d’une durée de six mois et peut être augmenté de un à trois mois pour les salariés en

difficulté de reclassement.

L’entreprise peut jouer également sur l’indemnité perçue pendant ce congé. Chez Air France,

l’allocation était de 70% du salaire mensuel de référence brut.

→ Incitation financière au reclassement rapide :

D’autres entreprises prévoient dans le PSE une indemnité supplémentaire pour récompenser

l’effort de reclassement rapide. Chez Air France par exemple, elle ne pouvait pas excéder

trois mois de salaire.

→ Aides à la mobilité géographique :

Pour les entreprises multi sites, des aides à la mobilité sont prévues telles qu’un forfait

déménagement chez Air France ou une majoration de l’indemnité en fonction de la

composition familiale, en plus chez Arcadie.

→ Indemnités supra conventionnelles :

Les entreprises sont aux prises avec les organisations syndicales pour les montants des

indemnités supplémentaires et font en fonction des moyens à leur disposition.

Chez Freescale, la CGT souhaitait 300 000 euros en moyenne pour les salariés. L’entreprise a

octroyé 50 000 euros minimum et 192 000 euros maximun en fonction du statut et de

l’ancienneté des salariés.

Chez Arcadie, l’indemnité supplémentaire était de 2500 euros majorée de 250 euros par année

d’ancienneté.

Page 68: Le rôle du drh dans les restructurations

68

Enfin chez Air France, une indemnité d’incitation au départ volontaire de six mois maximum

a été versée en complément de l’indemnité conventionnelle. Le cumul des deux indemnités

ne pouvait excéder 24 mois de salaire.

Conclusion partie 2 :

Il ressort des études terrain que nous avons menées au sein d’entreprises ayant réalisé des

suppressions de postes dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, et de leur

confrontation à l’analyse de la théorie de la première partie, une convergence avec cette

dernière.

Le DRH est sollicité en amont mais intervient dans l’urgence pour proposer plusieurs

hypothèses de travail chiffrées car il lui est demandé d’aller vite quand il y a une dégradation

des résultats. Puis la mise en œuvre du processus d’information consultation se fait dans la

foulée à un rythme très soutenu pouvant prendre entre 2 et 10 mois.

Dans une entreprise disposant de moyens financiers et de temps inhérent au processus de

fabrication-distribution, le DRH a réussi à négocier un accompagnement des collaborateurs

sur trois ans pour éviter une casse sociale qui aurait été sans précédent sur Toulouse. Pour

cela, le tandem DG/DRH a été très important et a fonctionné.

Les restructurations sont bien un outil permanent d’adaptation, les trois entreprises y ont eu

recours deux ans après la fin de la précédente.

Le DRH est bien préparé aux risques de grèves inévitables mais qui pour les trois entreprises

n’est le fait que d’organisations syndicales minoritaires.

Dans les trois entreprises pourtant de taille différente, la communication a été abondante,

régulière et le DRH a occupé le terrain en restant à l’écoute des salariés.

Le DRH assure le suivi du baromètre du bien-être, les effets des restructurations semblent être

pris en compte surtout dans les grandes structures dotées de cellules médico-sociales.

Néanmoins, un point de divergence ressort par rapport aux travaux de la première partie.

Alors que l’on conçoit aisément que l’entreprise a besoin de confier la gestion du dispositif de

restructuration à un homme de confiance, qui a sa légitimité ; de grandes entreprises

Page 69: Le rôle du drh dans les restructurations

69

n’hésitent pas à changer de DRH au début de la restructuration. Ce fut le cas d’Air France à

deux reprises en 2009 et 2012.

Enfin, un point critique peut être fait sur la gestion des charges de travail. Le DRH n’anticipe

pas assez avec le management de proximité le cadencement des départs en fonction de

l’activité et de la nouvelle organisation. On remarque par exemple, les départs massifs incités

avant les pics d’activité ou encore la non collaboration entre équipes RH et managers sur le

transfert des savoirs, la gestion des compétences. Ce qui occasionne des tensions pour les

salariés restants qui n’adhérent pas au projet.

Compte tenu des points relevés en première partie confirmés lors de cette étude terrain et au

vue des points de divergences et écueils relevés, nous allons aborder à présent dans la

troisième partie nos préconisations.

Page 70: Le rôle du drh dans les restructurations

70

Partie 3

Préconisations opérationnelles

Page 71: Le rôle du drh dans les restructurations

71

Nous avons vu à travers la partie théorique et les études terrain que les risques auxquels le

DRH est confronté en matière de restructuration étaient :

- Le conflit social

- Les contentieux pendant et après la restructuration

- La perte de confiance et la démotivation des salariés restants

- Les départs volontaires non maîtrisés qui risquent de déstabiliser la pyramide des âges,

les collectifs de travail, la perte de compétences clés

- La charge de travail accrue du fait de la non synchronisation entre le départ des

salariés et la mise en place de la nouvelle organisation

Ces risques ont des conséquences négatives sur l’entreprise tant en terme de rentabilité que

sur son image.

Ainsi au travers des constats que nous avons faits lors des études terrain, nous sommes en

mesure de dresser quelques axes de recommandations pour mener une restructuration

socialement responsable. Bien entendu, ce travail n’est pas une liste exhaustive de « bonnes

pratiques » pouvant s’appliquer à n’importe quelle entreprise. En effet, il est bien entendu que

chaque restructuration s’inscrit dans un contexte différent dont il appartient aux DRH d’en

mesurer les contours et les conséquences.

Ainsi, nous verrons dans une première partie les grands axes de recommandations (I) et la

mutation de la fonction RH nécessaire (II).

I. Les axes de recommandations

Nous verrons que le développement de l’employabilité et l’anticipation doivent être

privilégiés et que pour se faire, le DRH doit lever certains freins (1) ; aussi les entreprises

doivent placer le dialogue social comme pivot central de la conduite des restructurations (2).

Le DRH doit s’organiser pour assurer une communication positive permanente et transparente

(3), enfin le DRH doit être sélectif sur les mesures d’accompagnement (4).

1. Privilégier l’anticipation à la précipitation

Page 72: Le rôle du drh dans les restructurations

72

1.1 Le développement de l’employabilité et l’anticipation de l’annonce

Les entreprises ont recours en permanence aux restructurations pour s’adapter et rester

compétitives. L’emploi à vie n’est plus assuré, ce qui est source de stress. Alors les différents

rapports français (AUBERT, 2002 ; et VIET, 2003) et européens sur les restructurations ont

plaidé depuis longtemps une meilleure anticipation des restructurations. C’est bien pour cela

qu’en France, la loi de cohésion sociale de 2005, a introduit dans les entreprises de plus de

300 salariés, une obligation de négocier tous les trois ans sur la GPEC.

Cette obligation légale a la vertu notamment de permettre une préparation à froid de mesures

d’accompagnement associées aux prévisions des besoins d’emplois et de compétences,

comme nous l’avons vu chez Air France.

A condition que la GPEC ne se cantonne pas qu’à une cartographie des compétences, mais à

une véritable politique d’ajustement responsable qui prévoit des formations pour aider les

salariés à préserver leurs compétences et à en acquérir de nouvelles et que les mobilités

verticales et horizontales soient encouragées.

L’employabilité des salariés est alors travaillée en permanence et les salariés sont mieux

préparés pour affronter des restructurations permanentes.

Le développement de l’employabilité est une nécessité surtout lorsque l’application des

critères d’ordre du PSE (les jeunes partant en premier) ont pour conséquence une perte des

compétences clés et une déstructuration de la pyramide des âges. Avoir des salariés qui ont

des formations qui suivent l’évolution du marché permet à l’entreprise de repositionner ces

salariés dans l’entreprise en fonction de besoins, sans avoir à partir sur une formation de

longue durée. Les mobilités internes sont alors plus simples et en cas de suppressions de

postes dans un contexte de restructuration permanente, à chaud ces salariés sont mieux armés

sur le marché de l’emploi.

De plus, un accord GPEC négocié à froid permet de coller à une organisation cible à la

condition que la mesure du travail, des activités soit faite et qu’en face de cette organisation

les acteurs de l’entreprise adaptent les processus de travail. Ce qui permettra de réduire le

risque de dégradation des conditions de travail.

Cependant, l’approche prévisionnelle rencontre quelques difficultés et a des conséquences à

double tranchant. En effet, les prévisions des évolutions du marché sont peu fiables. Les

Page 73: Le rôle du drh dans les restructurations

73

entreprises élaborent des scénarios, mais en l’absence de certitudes, rares sont les entreprises

qui décident de prendre des mesures.

Au contraire, d’autres entreprises, sous couvert des travaux de GPEC menés avec les

partenaires sociaux, mettent en œuvre une restructuration lourde afin d’anticiper une

dégradation ultérieure de la compétitivité.

Les représentants des salariés sont sceptiques quant à la GPEC, car souvent cette anticipation

se retourne contre les salariés et les obligent à être associés à la décision en matière de

conséquences sur l’emploi.

Aussi la GPEC n’est pas obligatoire dans toutes les entreprises et de nombreux salariés des

petites entreprises ne bénéficient ni d’un accompagnement sur l’employabilité ni de la

couverture d’un PSE en cas de licenciement.

Il faut donc dépasser le stade de la GPEC, et nous pensons que l’anticipation doit être

entendue davantage au sens d’une annonce précoce du projet. Cette anticipation pourrait ainsi

être développée au sein de toutes les entreprises et permettrait aux salariés et territoires de se

préparer aux suppressions de postes.

Un projet personnel ou de reconversion est nécessairement un projet de longue durée. Les

entreprises se donneraient du temps pour mieux préparer les salariés et les territoires avant la

phase des suppressions de postes. Cela passe notamment par le développement de formations

professionnelles et par tous les outils de développement de l’employabilité. La région, le

département peuvent aussi contribuer à cet accompagnement.

C’est ce qu’a choisi de faire Freescale, l’annonce a eu lieu 3 ans avant l’arrêt de l’activité de

fabrication. Ce qui a permis à un certains nombres de salariés de réfléchir à leur projet et de

se reclasser avant la date de notification.

Si cette approche a pour autres avantages de permettre à l’entreprise et ses managers de se

préparer au changement et de créer un rapport de confiance des salariés ;

Il n’en reste pas moins qu’un certain nombre de freins existent et empêchent les entreprises de

le faire.

Page 74: Le rôle du drh dans les restructurations

74

1.2 Le DRH doit lever ces freins

Les entreprises craignent les répercussions d’une annonce précoce :

- les entreprises craignent la réaction des salariés, les conflits sociaux, la démotivation,

qui viendraient perturber la sérénité de l’activité jusqu’à l’issue de la restructuration.

Or, chez Freescale, les salariés ont fait preuve de responsabilité et n’ont pas saboté

l’outil de travail grâce à la légitimité de la direction en place et au dialogue social.

- elles craignent que les représentants du personnel et les politiques locaux s’enferment

dans une stratégie d’opposition au projet de restructuration voire à un appel au boycott

des produits commercialisés. L’exemple que nous avons en tête est la restructuration

de LU France faite en 2004 annoncée en 2001.

- Crainte partagée par tous les acteurs d’accélérer le processus, de ne plus pouvoir

l’éviter,

- Crainte d’émettre des signaux négatifs qui pourraient affoler les clients, les

fournisseurs, et les banques et de ce fait, accélérer la chute ou nuire au projet lui-

même,

- Ce n’est pas dans l’esprit de nos dirigeants français de partager des réflexions sur

l’avenir de l’entreprise, ils considèrent être « les seuls juges ». Pourtant la motivation

des acteurs tels que les représentants du personnel et les politiques locaux ne réside

pas dans la volonté de se substituer à la clairvoyance managériale mais d’émettre des

propositions d’alternatives.

- Culpabilité des dirigeants des entreprises en difficultés (en particulier les PME qui ne

disposent que d’une très faible visibilité sur leurs carnets de commande),

- Culpabilité aussi des dirigeants d’établissements dont les lieux de prise de décision

stratégique sont éloignés et mouvants.

Page 75: Le rôle du drh dans les restructurations

75

Enfin le plus grand frein à l’anticipation est le manque de temps lié à la dégradation de la

situation financière. Freescale ne connaissait pas de difficultés financières sur Toulouse

lorsque la décision a été prise.

Cependant, l’anticipation semble être de plus en plus dans l’air du temps pour accompagner

les restructurations. J’en veux pour preuve Air France, qui a annoncé le projet Transform

2015 en janvier 2012, se traduisant par un accompagnement des salariés volontaires de

décembre 2012 à décembre 2013.

2. Prendre le temps du dialogue social

→ Prendre le temps de planifier

Nous avons vu en première partie que la procédure d’information-consultation est très

encadrée, par des délais entre chaque réunion. Et par ailleurs que d’un point de vue

économique, il faut se dépêcher d’agir, il y a urgence soit à restaurer une situation difficile,

soit à gagner en compétitivité ; dans certains cas, l’urgence est aussi en partie « créée », les

opérations rapides étant préférées à celles qui se prolongent. À contrario, d’un point de vue

social, il est généralement urgent de prendre son temps pour la reconversion des salariés et

des sites ; donc, de gagner du temps.

Tout d’abord, par rapport à la rigidité imposée par le cadre légal et en fonction du business

plan, le DRH doit se prémunir de toute erreur en élaborant un calendrier en amont, un rétro

planning qui remonte jusqu’à la date de la première réunion de consultation du comité de

groupe ou du comité central d’entreprise. Il tiendra compte des aléas tels que les grèves…et

veillera à se prendre une marge certaine.

En cas d’entreprises multi sites ou d’organisation complexe, le DRH ne doit pas manquer de

prévoir toutes les réunions avec les comités d’établissements et d’associer tous les

responsables ressources humaines lors de la planification.

Page 76: Le rôle du drh dans les restructurations

76

Plus l’entreprise a une organisation complexe et mieux vaut qu’un responsable des relations

sociales soient le chef de projet et coordonne tous les acteurs ressources humaines sur le

terrain.

Cette recommandation est un minimum pour éviter tout risque de contentieux.

→ Signer un accord de méthode

De plus, une autre préconisation pour développer un véritable dialogue avec les partenaires

sociaux, consiste à favoriser une contractualisation de la gestion des restructurations. C’est le

principe de l’accord de méthode conclu entre l’entreprise et les organisations syndicales de

l’entreprise. Cet accord n’a pas pour objectif d’aller vite, mais de sécuriser la procédure et

donc de prendre du temps pour le dialogue. En effet, il ne vient pas réduire les délais de la

procédure d’information-consultation, et parfois mêmes il les allonge.

En outre, cet accord permet aux représentants du personnel d’avoir des garanties sur

l’accompagnement des salariés, et en contrepartie la direction se prémunit d’un risque de

conflit social ou de contestation de la procédure. Il soutient l’efficacité du dialogue social par

la précision apportée aux échanges futurs d’informations, aux étapes à respecter, aux

nouveaux moyens dévolus aux syndicats, etc.

Sur les trois entreprises étudiées, deux d’entre elles ont fait le choix d’y recourir. Et d’ailleurs,

le dialogue social a toujours été maintenu avec les organisations syndicales majoritaires.

Quoiqu’il en soit cet accord n’empêche pas les organisations syndicales souvent minoritaires

de contester et de mener des actions (en justice ou de grève), néanmoins il a le mérite de créer

un climat de confiance dans lequel vont s’installer des échanges au travers de nombreuses

réunions de négociations en parallèle de la procédure classique afin de trouver des solutions

acceptables par tous.

→ S’entourer de spécialistes

Ce travail de concertation peut être facilité par l’intervention de consultants, côté direction,

McKinsey par exemple; et d’experts nommés par les représentants du personnel, par exemple

le cabinet Secafi (proche de la CGT). Le DRH ne doit pas les occulter et bien au contraire les

associer dans le processus de construction de solutions adaptées.

Page 77: Le rôle du drh dans les restructurations

77

→ Les limites au dialogue social

Cependant, nous nous demandons quelle est la place donnée aux partenaires sociaux et à la

direction de l’entreprise quand nous constatons l’interventionnisme de l’état lors des

annonces de restructurations après les élections présidentielles de 2012. En effet, le nouveau

Ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, ne semble pas aller vers plus

d’autonomie dans le dialogue social, en indiquant que « le gouvernement allait "ouvrir des

discussions tous azimuts" avec les dirigeants des entreprises qui menacent de fermer les

portes de certains de leurs sites en France » (Le Parisien.fr - 17 mai 2012). L’absence de

dialogue responsabilisant en amont est pénalisante, elle conduit au maintien des clivages

ancestraux et à la paupérisation de la représentation syndicale.

Par ailleurs, nous nous interrogeons sur le choix que certaines entreprises font de confier le

dialogue social à un DRH de transition. Le rapport de confiance nécessaire au dialogue

social nous paraît ainsi compromis. Nous observons une certaine défiance de la part des

représentants du personnel et des salariés. C’est ce qui s’est produit chez Moulinex, le DRH

est venu pour faire le « sale boulot ». Aussi, cela dénote un traitement à chaud, qui ne s’inscrit

pas dans un projet structurant pour l’entreprise. Néanmoins, nous considérons qu’il vaut

mieux cette option à celle de laisser un DRH non convaincu par le projet ou non reconnu au

sein de l’entreprise mener le dialogue social.

Un vrai dialogue social est nécessaire. Il ne s’agit pas seulement d’une communication

descendante mais d’un travail d’écoute, de concertation. Cependant, il ne portera pas

entièrement ses fruits si son contenu n’est pas partagé au sein de toute l’entreprise. C’est

pourquoi, le DRH doit se doter également d’une organisation qui lui permette de

communiquer sur les avancées des discussions.

3. Le DRH devient acteur de la communication

Pouvant être perçu comme le bourreau lors des restructurations à une certaine époque, le DRH

doit sortir de son bureau et aller au contact du terrain pour porter le projet de restructuration.

Pas toujours doté de talent de parfait orateur ou de moyens suffisants pour communiquer, le

DRH doit s’imposer un régime de communication positive, permanente et transparente avec

l’ensemble des salariés lors de réunions.

Page 78: Le rôle du drh dans les restructurations

78

Le DRH devra avant tout être sincère, dire la vérité tout en prenant en compte la charge

émotionnelle des mots utilisés pour réduire, autant que possible, le sentiment d’injustice.

Pour être efficace, et dans la mesure du possible, la stratégie de communication doit par

ailleurs reposer sur un groupe projet structuré qui rassemble les différents conseils de

l’entreprise : les avocats, la communication, le DRH. Et selon plusieurs DRH interrogés, c’est

au DRH de contrôler toute la communication déjà en temps normal et a fortiori pendant le

projet de restructuration pour éviter tout risque de contentieux juridique.

Il doit communiquer vite et en priorité aux managers qui pourront ainsi répondre aux

questions des salariés. Et c’est d’autant plus vrai à l’ère des SMS et des courriels, utilisés par

les représentants du personnel lors des réunions de comité d’entreprise et qui ont fortement

accéléré la vitesse de circulation de l’information pour prendre de court la direction. Il doit

donc trouver des techniques qui lui permettent de communiquer aux managers les avancées

des réunions, au moment de la sortie de celles-ci.

Sinon les salariés et managers sont informés en premier par des tracts, le DRH doit alors se

livrer à des contre communications. Si le DRH ne prend pas la main sur ce sujet-là, le doute

s’installe et les salariés perdent confiance dans le discours de la direction. La direction ne doit

pas laisser les syndicats occuper le terrain en matière de communication sur le projet dont elle

est convaincue. Il est donc nécessaire de ne pas s’arrêter à une conception trop restrictive du

délit d’entrave, qui fait trop souvent hésiter les entreprises.

De plus, un projet de restructuration ne doit pas faire de débat. Il doit être perçu par tous de la

même façon. Le DRH doit donc faire preuve de pédagogie. Il doit fournir des explications

abondantes sur les contraintes économiques et les changements stratégiques. Tous les moyens

sont bons (plaquettes, affichages, journal, courrier), la fréquence est également importante.

Ensemble, le dirigeant et le DRH ne pourront pas occuper le terrain à chaque nouvelle

avancée. Le DRH doit donc en amont s’être préoccupé des relais de communication qui

porteront à leur tour le projet et feront preuve de pédagogie.

Cela sous-entend, que des réunions, conférences téléphoniques soient organisées pour que les

responsables ressources humaines et les managers soient bien informés, préparés et

convaincus du projet, pour porter le projet et renseigner les salariés.

Page 79: Le rôle du drh dans les restructurations

79

Ce tour de force est indispensable, mais pas uniquement. La communication doit être positive

et se projeter dans l’avenir. Le DRH ne doit pas perdre de vue que les salariés restants vont

être la force de l’entreprise de demain. Pour effacer rapidement le syndrome du survivant

évoqué en première partie et fidéliser les salariés tout comme pour entretenir l’attractivité de

l’entreprise à l’extérieur, la communication doit être contrôlée, résolument intense de la part

de la direction des ressources humaines et surtout délivrer un message de dynamisme et

d’innovation.

L’entreprise ne doit pas se cacher à l’issue des négociations mais participer à des évènements

et faire connaître ses nouvelles ambitions par le biais des forums emploi, d’interventions dans

les écoles par exemple.

En effet, le modèle traditionnel fondé sur l'exclusivité de la relation avec les instances

représentatives du personnel ne fonctionne plus : en se réfugiant derrière le délit d’entrave

pour ne pas ou peu communiquer, les entreprises créent elles-mêmes des situations de

blocage. Or dans le cadre d’une restructuration, avoir l'initiative et être le premier à parler est

un atout essentiel, pour ne pas dire une des conditions majeures du succès.

Autre levier d’action : penser à associer les pouvoirs publics, les responsables politiques et

médias afin de s’assurer que l’information ne soit pas relayée auprès du grand public de

manière systématiquement négative. Aussi, la dynamique de partage de l’information est un

important vecteur pour développer les facultés d’anticipation des acteurs. Le diagnostic

s’enrichit progressivement des apports des différents partenaires pour devenir un exercice

d’anticipation partagé qui permet de définir des actions dans la durée. Il s’agit ainsi de mettre

en place un dispositif de construction et de confrontation des différentes sources

d’information (économiques, sociales, territoriales) souvent éparses concernant les

restructurations, tant au niveau de l’entreprise, que de secteurs et de territoires.

C’est donc un véritable plan de communication, régulier et transparent qui doit être mis en

œuvre, tant pour éviter la judiciarisation galopante des procédures de restructuration que la

dégradation de l’image de l’entreprise.

Toutefois ces préconisations sont incomplètes si le DRH ne prévoit pas des mesures

d’accompagnement des salariés adaptées au projet de restructuration.

Page 80: Le rôle du drh dans les restructurations

80

4. Le DRH doit être sélectif sur les mesures d’accompagnement

Nous avons vu en première partie que le plan social répond à des contraintes légales,

néanmoins il autorise des marges de manœuvre pour l’entreprise selon ses effectifs et ses

moyens financiers.

C’est au DRH de faire l’analyse de la population qui va faire l’objet de la restructuration et en

fonction d’adapter les mesures d’accompagnement. C’est d’autant plus vrai en cas de

restructurations permanentes. Appliquer toujours les mêmes recettes est une erreur.

→ Bien choisir son cabinet de reclassement

Il ressort que le premier point d’achoppement avec les partenaires sociaux lors des

négociations porte sur le choix du cabinet de reclassement.

Le temps de la sélection est crucial. Le DRH doit poser son cahier des charges. Par exemple,

moins l’employabilité des salariés aura été travaillée en amont par l’entreprise, au plus la

durée d’accompagnement devra être longue voire se terminer que lorsque le salarié aura

trouvé un CDI.

Aussi, il faudra bien définir ce qu’on attend des offres valables d’emploi. Et définir les

critères de l’offre. Par exemple, pour des salariés seniors, ces offres peuvent avoir des critères

spécifiques : rémunération plancher, périmètre géographique, etc.

Dans le cas d’une entreprise multi-sites où les suppressions de postes sont dispersées sur le

territoire, les antennes emploi ne seront pas pertinentes, il vaudrait mieux privilégier un

cabinet qui aurait des bureaux dans les villes des sites de l’entreprise.

Par ailleurs, les organisations syndicales aiment être conseillées sur les prestations de chaque

cabinet et leur laisser le sentiment d’avoir pu choisir sera un atout pour le reste de la

négociation.

→ Le DRH doit préférer s’investir dans le reclassement interne et externe que de

négocier de gros chèques valise

Essayer de compenser le préjudice subi par la rupture du contrat est crucial. Malheureusement

les exemples ont montré que de trop grosses indemnités sont alléchantes et aveuglent les

salariés qui préfèrent d’abord penser à l’appât du gain plutôt qu’à leur projet de recherche

d’emploi.

Ces indemnités exorbitantes atteignant parfois 3 ans de salaire, incitent au départ dans le cas

de mesures de volontariat et deux ans plus tard, les mêmes salariés sont toujours au chômage.

Page 81: Le rôle du drh dans les restructurations

81

Considérant ce revers de la médaille, et compte tenu de la validation du juge des mesures

d’accompagnement choisies, il est préférable que le DRH s’investisse davantage sur les

mesures d’aide au reclassement interne et externe.

→ Reclassement interne :

Chez Air France, pour favoriser la mobilité interne géographique et ainsi les reclassements,

les indemnités doivent être revues. Il n’y aucune indemnité de transfert, seules sont prévues la

prise en charge du déménagement et des indemnités de changement de résidence. Dans le

cadre d’un PSE, un accord de mobilité peut être adossé. Par exemple, chez DHL Express, des

primes étaient prévues en cas d’aggravation du temps de trajet, une prime de mobilité de 5000

euros, etc.

Par ailleurs, le DRH doit s’organiser pour que toutes les offres d’emploi disponibles au sein

de l’entreprise et du groupe soient connues. Par exemple, grâce à une bourse de l’emploi

disponible par affichage et sur intranet. Chez Air France, dans deux établissements où nous

avons réalisé le stage, nous n’avons pas constaté d’affichage des postes disponibles. Aussi,

dans le cadre de la GPEC, il ressort de la trentaine d’entretiens réalisés que les salariés en

mobilité ne se rendent pas sur le site intranet, mais ont eu l’information d’un poste qui se

libérait par le manager du service qui recrute ou par des communications push du RRH qui

informe des postes disponibles au sein de leur direction. Il semble que le process mobilité doit

être amélioré et surtout que les passerelles entre métier soient connues et plébiscitées par les

DRH de chaque direction. On note pour le moment un trop grand cloisonnement entre

direction et un manque d’information sur les métiers de la compagnie.

→ Reclassement externe :

Des aides financières peuvent être prévues à cet effet. Par exemple, plus le salarié se

reclassera rapidement après sa notification, plus la prime sera importante pouvant atteindre

par exemple 4000 euros.

Nous pouvons imaginer également des aides pour les entreprises recrutant nos salariés.

Cependant, ces aides sont virtuelles si les acteurs locaux ne sont pas sollicités.

Page 82: Le rôle du drh dans les restructurations

82

La DRH doit s’investir pour faire connaître à ses salariés le tissu économique, les passerelles

possibles avec les emplois des entreprises de secteur différent. Il peut par exemple organiser

des rencontres avec ces entreprises, envoyer les CV de ses salariés aux entreprises proches,

sans attendre que ce soit le cabinet de reclassement qui s’en charge.

L’établissement de province doit aussi contacter les acteurs locaux a fortiori s’il y a une

centralisation de la décision. Au-delà de l’obligation de revitalisation du bassin d’emploi pour

les entreprises de 1000 salariés et plus, ces contacts peuvent être bénéfiques pour un partage

d’informations qui va ouvrir des portes pour les salariés à reclasser. Il peut s’agir de solliciter

le conseil régional, le maire, etc. Ils savent quelles sont les évolutions des entreprises de leur

territoire et peuvent même proposer des dispositifs spécifiques qui contribuent à la

coordination d’actions et à la mutualisation de moyens pour le développement économique

des bassins d’emplois en difficulté.

Quoiqu’il en soit, le temps et l’anticipation sont les meilleurs alliés de la réussite pour les

reclassements. Cependant, cette démarche est contre nature pour les DRH. Œuvrer en vue de

reclasser ses salariés et favoriser l’employabilité en continu bouscule les théories classiques

de gestion des ressources humaines, fondées sur le triptyque : attirer, motiver, retenir.

Les DRH émettent un discours contradictoire entre la nécessité de favoriser l’employabilité

et la volonté de fidéliser. Certains d’entre eux sont réticents dans la mise en place de

dispositifs efficaces. Néanmoins, il faut rappeler que ces dispositifs peuvent conforter l’image

d’employeur responsable et renforcer l’attractivité de l’entreprise.

Ces préconisations renforcent l’idée que la fonction RH nécessite une mutation vers plus de

participation à la définition de l’organisation cible, de communication, de développement de

l’employabilité des salariés en permanence.

II. Une mutation de la fonction RH

Pour anticiper et soutenir les grandes évolutions de l’entreprise, notamment lors d’un projet

de restructuration, les prérogatives du DRH d’aujourd’hui doivent être renforcées en matière

de :

Page 83: Le rôle du drh dans les restructurations

83

- Communication tant en interne que vers l’extérieur,

- De gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, le DRH en tant que support

à la construction de l’organisation cible,

Pour cela il a besoin de se dégager du temps et recentrer ses activités.

Dans cette perspective d’efficacité, les compétences « traditionnelles » de gestion

administrative du personnel doivent être aujourd’hui automatisées. Elles sont indispensables

pour créer un bon climat de confiance mais désormais sans valeur ajoutée.

Des services RH en ligne font leur apparition pour décharger les équipes RH. Ces services

permettent de délivrer des attestations, de rédiger le contrat de travail, de poser les congés

payés, etc.

Le DRH peut aussi externaliser certaines fonctions comme la paie par exemple.

Les départements RH vont devenir de plus en plus petits. Certains

services RH vont être externalisés. En échange, il faut développer un

cadre plus lean, plus agile, plus focalisé sur les compétences d’un

ensemble de professionnels qui pensent et agissent business d’abord et

pour toujours. (Ulrich, 2005)

Par ailleurs, pour améliorer la communication et renforcer le dialogue social, le DRH doit

décentraliser la gestion des ressources humaines auprès de généralistes RH implantés en

province et proches des managers de proximité.

Alors que les projets de restructurations s’attaquent souvent à réduire la fonction RH, notre

préconisation est davantage de réduire les acteurs RH centraux pour privilégier la proximité

du terrain. Nous éviterons ainsi que les managers de proximité reprennent à la hâte des parties

de la fonction RH qui alourdit leur quotidien.

Aussi, le rôle fondamental du DRH est de s’imposer comme un architecte qui lors de la

restructuration doit préparer avec les managers la mesure du travail réel et les compétences de

demain, aider à la projection de l’organisation cible en équilibrant les charges de travail et

apporter son aide dans la redéfinition des processus de travail et l’allocation des moyens

(temps de travail par exemple) et compétences nécessaires à chaque activité.

Page 84: Le rôle du drh dans les restructurations

84

Aussi, nous préconisons pour cela que le dialogue social, très chronophage et qui l’empêche

de se concentrer sur les enjeux humains, soit confié à son adjoint spécialiste des relations

sociales.

Enfin, à l’issue d’une restructuration, le DRH doit faire davantage de développement pour

redynamiser l’entreprise. Il doit revoir la politique de rémunération et les critères d’évaluation

de la performance obsolètes qui ne répondent plus aux besoins de l’organisation et de la

stratégie.

Page 85: Le rôle du drh dans les restructurations

85

CONCLUSION

Dans une opération de restructuration avec suppressions d’emplois, le DRH est assigné d’une

mission « atteindre la cible dans des délais assez courts et sans vague ».

Et dans ce choc des temporalités, il lui faudra pourtant éviter la précipitation et favoriser

l’anticipation de l’annonce pour trouver des solutions satisfaisantes pour les différentes

parties prenantes. En effet, l’entreprise est face à deux enjeux majeurs : accompagner les

salariés sortants dignement en mettant tout en œuvre pour qu’ils retrouvent dans la sérénité un

emploi rapidement et bâtir une nouvelle organisation pérenne, structurée et qui offre des

perspectives d’avenir aux salariés restants.

Si aujourd’hui il semble que la gestion du processus d’information consultation des

représentants du personnel sur le plan de sauvegarde de l’emploi soit bien maîtrisée par des

DRH expérimentés, il n’en demeure pas moins que la fonction a besoin d’évoluer davantage

sur la valorisation du capital humain : employabilité, connaissance et mesures des activités,

répartition des charges, etc. En tant que business partner, ils doivent dépasser le stade de

l’évaluation du coût du travail pour valoriser la valeur ajoutée du capital humain, prendre en

compte les compétences individuelles et collectives disponibles, les acquis collectifs. En

somme, intégrer une logique d’organisation apprenante. Pour ainsi se tourner vers le modèle

stratégique qui repose sur « personnel = ressource = investissement », ce qui confèrerait à la

fonction ressources humaines un rôle plus stratégique qu’instrumental.

Le DRH devra contribuer à donner du sens à cette nouvelle organisation et allouer les

ressources humaines nécessaires.

Cela ne signifie pas que tout pourra être prévu et que les crises seront toujours évitées ; quelle

que soit la qualité de l’anticipation et de la communication, il subsistera des situations de

rupture, toujours douloureuses.

Il faut donc chercher à développer notre capacité à tirer parti d’une annonce anticipée,

notamment en renforçant notre aptitude au dialogue dans les entreprises et sur les territoires.

Page 86: Le rôle du drh dans les restructurations

86

BIBLIOGRAPHIE

ALLOUCHE José et FREICHE Janine, Restructurations d’entreprise : regards croisés,

Vuibert, Paris, 2007

BEAUJOLIN-BELLET Rachel, SCHMIDT Géraldine, Les restructurations d’entreprises, La

découverte, Paris, 2012

BERTIN Evelyne, Développer le capital humain de l’entreprise, Ems, Paris, 2004

BUFFARD Loïc, TOGNOLA Julien, « Anticiper les restructurations : incantation ou vrai

remède ? », Mémoire de science de gestion, Ecole des Mines de Paris, Paris, 2005, p.13-15

HUBAULT François, Activité, Travail, Ressources Humaines : parle-t-on de la même

chose ?, Octares, Paris, 2005, p 94-107

NOEL Florent, Les suppressions d’emplois-entre contraintes économiques et pressions

sociales, Vuibert, Paris, 2004, p. 168

PICHAULT François, WARNOTTE Gérard, WILKIN Luc, La fonction ressources humaines

face aux restructurations, l’Harmattan, Paris, 1998

PICHAULT François, RORIVE Brigitte, « Restructurations et nouveaux périmètres

organisationnels : le rôle de la fonction RH », Journée d’études, IAE de Paris, 2003, p.2-5

AGGERI Franck, PALLEZ Frédérique, Restructurations, délocalisations, les nouvelles

formes de l’action territoriale, IRES n°47, 2005, p.235-258

AUBERT Jean-Pierre, BEAUJOLIN-BELLET Rachel, « Les acteurs de l’entreprise face aux

restructurations : une délicate mutation », Travail et emploi n°100, Revues.org, Paris, 2004,

p.99 à 109

BEAUJOLIN-BELLET Rachel, BRUGGEMAN F., PAUCARD D., « Décisions de

restructuration et jeux d’acteurs : la construction de l’acceptabilité sociale des licenciements

accompagnés de plans sociaux », Management et avenir n°9, 2006, p.665-81

BEAUJOLIN-BELLET Rachel, CORNOLTI Christophe, KUHN Antony, MOULIN Yves,

« L’anticipation partagée des restructurations à l’épreuve des faits », Travail et emploi n°109,

Revues.org, Paris, 2007, p. 11-21

BEAUJOLIN-BELLET Rachel, CORNOLTI Christophe, KERBOUC’H Jean-Yves, KUHN

Antony, MOULIN Yves, « Anticipation et accompagnement des restructurations »,

Documents d’études n° 119, DARES, 2006, p.15-39

CAMERON K.S., « Strategies for successful organizational downsizing”, Human Resource

Management, vol. 33, n°2, 1994, p.189-211

Page 87: Le rôle du drh dans les restructurations

87

CAMPINOS-DUBERNET M., “Des restructurations discrètes : reconstruire l’emploi face à la

mondialisation », Travail et emploi n°95, 2003, p.41-57

DUBOULOY Maryse, FABRE Claude, « Les restructurations d’entreprises : de la rationalité

économique à la souffrance des hommes », Gérer et comprendre n°67, Paris, 2002, p. 43-55

FAYOLLE J., « Restructurations d’hier et d’aujourd’hui : les apports d’un séminaire », Revue

de l’Ires, vol.47, n°1, p.335-360

LEFRESNE Florence, SAUVIAT Catherine, « Restructurations. Mode de gouvernance et

régimes de restructuration », Travail et emploi n°117, Revues.org, Paris, 2009, p. 39-50

Relations sociales, « Restructurations et dialogue social : le changement c’est maintenant ! »,

TEDESCHI Xavier, 24 mai 2012

http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=782&langId=fr

Page 88: Le rôle du drh dans les restructurations

88

GLOSSAIRE

CCE Comité central d’entreprise

CE Comité d’entreprise

DIRECCTE Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la

consommation, du travail et de l’emploi

DRH Directeur des ressources humaines

GPEC Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences

PSE Plan de sauvegarde de l’emploi

R&D Recherche et développement

RRH Responsable ressources humaines

Page 89: Le rôle du drh dans les restructurations

89

ANNEXE 1

1. Le Plan de départs volontaires d’Air France de 2009/2010 et le

plan « Transform 2015»

1.1 Le contexte

La crise économique de 2008 a entraîné la baisse des chiffres d’affaires des activités passage

et cargo alors que dans un même temps le secteur souffre d’une surcapacité dans ces deux

activités imposant une forte pression sur les recettes unitaires. Les résultats d’exploitation

trimestriels de fin 2008 et premier trimestre 2009 sont négatifs de plusieurs centaines de

millions d’euros du fait de la baisse plus rapide du chiffre d’affaires que des charges

d’exploitation. Et l’endettement s’envole.

Dans ce contexte, Air France décide, au-delà des mesures déjà engagées au plan économique

(sur l’offre, les investissements, les achats…), d’adapter la structure de coûts pour restaurer sa

compétitivité, notamment par l’adaptation des effectifs.

1.2 La prise de décision : une GPEC révélatrice du sureffectif

Le conseil d’administration a demandé aux dirigeants d’assainir la rentabilité de l’entreprise

et de prendre des mesures.

Dans l’argumentaire économique transmis au CCE, il est précisé que c’est la présentation de

la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences du personnel au sol en juillet 2009

qui a mis en évidence une situation de sureffectif entre 2009 et 2012 de 1217 postes. Ceci

malgré un développement et une estimation optimisée des mobilités internes. Cet accord a été

négocié par le Directeur Général et le Directeur Général des Ressources Humaines.

Page 90: Le rôle du drh dans les restructurations

90

Dans un second temps, les chiffres des départs dans les secteurs en sureffectif ont été affinés

par les travaux menés par chaque Direction. Et le besoin final de départs volontaires s’est

établi à 1684 sur 37 043 personnels au sol que compte Air France à fin juin 2009. Selon le

RRH interrogé, « le ciblage a été fait par les managers qui devaient désigner les métiers dont

ils pouvaient se passer. Certains Directeurs ont ressorti des cartons des projets de réduction

d’effectifs qui n’étaient pas prioritaires à l’époque».

Le PDV indique la répartition des postes supprimés par catégorie professionnelle et par

champs d’activité. Il définit le périmètre des postes supprimés mais élargit la possibilité de

départ au-delà par permutation de solidarité.

Toutefois, l’entreprise a défini un périmètre exclu des mesures du plan de départ volontaire :

- Les cadres embauchés depuis moins de 8 ans au 1er

janvier 2010,

- Les médecins, infirmiers et laborantins,

- Les salariés ayant un double contrat AF/ KLM,

- Les personnels des activités entretien avion, véhicules et autre matériel,

- Les métiers sur lesquels des recrutements sont d’ores et déjà prévus et les métiers pour

lesquels, du fait des compétences spécifiques requises, les départs nécessiteraient des

embauches à l’industrie, l’informatique, au revenue management, pistes des DOM.

La fonction RH locale n’a pas été associée au ciblage des métiers impactés.

Le PDV prévoit uniquement des départs volontaires et repose sur le recours à des experts

extérieurs indépendants pour aider chaque salarié intéressé à construire individuellement sa

démarche.

Selon le membre du CCE interrogé « C’était une volonté, un engagement des syndicats et de

la Direction que l’objectif de ce plan soit de réduire les sureffectifs et de permettre à tous ceux

qui voulaient partir de pouvoir le faire. Ainsi sur 1650 départs prévus par la DRH, 1850

personnes sont réellement parties ».

Page 91: Le rôle du drh dans les restructurations

91

1.3 Le dialogue social : transparent et dense

Cette possibilité de recourir à un plan de départs volontaires est appuyée sur un PSE associé à

un accord de méthode portant sur les modalités de consultation des CCE et CE en une seule

réunion.

Pour autant ça n’excluait pas le fait que le CCE présidé par le Président d’Air France se

réunisse autant de fois que nécessaire pour expliquer les conséquences de la crise en termes

d’activité et d’emploi. Le CCE s’est d’ailleurs réuni 14 fois entre octobre 2008 et novembre

2009.

Il est stipulé dans l’accord PSE que c’est le Directeur Général qui a reçu spécifiquement les

organisations syndicales représentatives en janvier et juillet 2009 pour parler de la possibilité

du PDV.

Nous sommes surpris que le DRH ne soit pas cité comme étant au cœur du processus de

négociation du PDV. Par contre, conformément à ce que nous avons vu dans la partie

théorique, c’est le Président qui annonce les difficultés économiques.

Nous avons mieux compris quand le membre du CCE nous a confié que « pendant le PDV

2009 nous avons changé de DGRH. C’est le nouveau qui s’est chargé des négociations. Et

l’ancien DGRH était au-dessus de lui. Ça s’est bien passé et ça s’est fait dans la continuité car

l’équipe en dessous de lui n’a pas changé (relations sociales etc…) La DGRH était persuadée

qu’il fallait faire le plan et ce ne sont pas des tueurs, ils voulaient le faire sans casse sociale. »

Mais surtout le PDV a fait l’objet de nombreux échanges lors de la négociation de l’accord de

gestion prévisionnelle des emplois des personnels au sol entre avril et juillet 2009 date de sa

signature. Cet accord a été signé par les cinq organisations syndicales représentant 59% des

voix aux dernières élections. Il prévoit de gérer le sureffectif par un Plan de départ volontaire

(PDV) et il définit la procédure à respecter pour son élaboration et sa présentation.

Selon le membre du CCE, « le process d’information-consultation a été vite pour une société

comme Air France. Les négociations sur les modalités du PDV ont commencé en septembre

et se sont achevées en novembre 2009. Air France mène bien le dialogue social.

Tout le processus s’est déroulé avec les deux commissions centrales emploi et économique. Je

me souviens que se fut très chargé. La dernière réunion du CCE de novembre 2009 qui devait

durer 1 jour, a duré 3 jours finalement, jusqu’à la nuit !

Page 92: Le rôle du drh dans les restructurations

92

Selon le RRH interrogé « le process a été très encadré par le central au niveau du CCE et

décliné en CE ». C’est-à-dire que la Direction générale des ressources humaines dotée d’un

service relations sociales, a encadré la rédaction des accords et des présentations pour les CE.

Selon le membre du CCE, « c’est plutôt une équipe à la DGRH, ce n’est pas qu’un homme ».

De plus, les services de contrôle de gestion sociale étaient chargés de faire des reportings de

suivi. La fréquence était d’ailleurs pesante pour les RRH qui devaient sans cesse remonter des

données. Ca a été relevé comme une lourdeur pour le terrain.

Si globalement ça s’est bien passé, le PDV a eu un écueil relaté par le membre du CCE « à

cette époque, la boîte n’était pas adaptée, on a compris la leçon. Comme elle fonctionne en

silo, les passerelles étaient très difficiles », bloquant ainsi les mobilités.

1.4 La communication : claire et abondante

Chaque salarié avait accès aux communications de la DRH centrale (notes, RH actu).

De plus, une information spécifique a été réalisée auprès de l’encadrement pour qu’il soit le

garant du respect du volontariat.

Du point de vue unanime de tous les collaborateurs sollicités, le PDV 2009 a été réussi, car il

est venu au bon moment dans la tête des salariés. Il y avait une prise de conscience du

sureffectif et les salariés vivaient la baisse de charge.

La communication pilotée par le service communication en binôme avec les services de la

Direction générale des ressources humaines a été claire et transparente.

Selon la RRH, « la communication a été très importante dans la réussite de ce projet. Nous

avons eu toutes les informations sur la mobilité. Puis la DGRH a diffusé les plaquettes. Il y a

eu un large dispositif d’information. J’animais les réunions d’information du personnel par

service en petit groupe pour présenter le dispositif attractif. J’étais parfois accompagnée

d’experts du central. Il y avait un sentiment de transparence ».

1.5 Le climat social : calme

Socialement, ça n’a pas été chaud. Il y avait une réelle adhésion et compréhension du projet

par les salariés, syndicats et managers. Sauf la CGT qui était contre le principe du PDV. Mais

la CGT n’a pas été véhémente du fait de voir que de nombreux salariés des secteurs exclus du

PDV étaient déçus !

Page 93: Le rôle du drh dans les restructurations

93

Les organisations syndicales n’ont jamais attaqué l’entreprise sur le projet.

Selon le membre du CCE, élu CFDT « Tu ne peux avoir d’intersyndicale sur un gros sujet

comme ça. Car c’est là où tu vois les différences entre syndicats. L’intersyndicale pour quoi

faire ? La CGT traditionnellement va au front quitte à faire fermer une boîte ! Nous nous

préférons négocier. Par contre, il y a une intersyndicale pour les billets GP. »

Le contact avec les représentants du personnel en local a été très léger du fait que les réunions

du CE se font par les DRH de chaque direction. Ainsi, les RRH n’avaient pas à intervenir

dans le process.

De plus, le fait que les départs étaient non contraints, que le management n’a exercé aucune

pression sur les salariés et que toutes demandes de complément d’informations étaient

apportées par la fonction RH ou le cabinet extérieur, rassurait les salariés.

1.6 L’impact humain : pas de dégât humain

Les avis sont partagés.

Selon la RRH « Il n’y a pas eu de démotivation. Les gens étaient ravis de partir à la retraite.

Il n’y a pas eu de mesure du stress mais il n’a pas été ressenti de pics de stress. Les personnes

voyaient les personnes partir de manière cadencée. Par contre, les dates de départ étaient à la

main des managers en fonction des impératifs du service. S’il y avait besoin de la personne

jusqu’en décembre, c’était possible. Les départs se sont déroulés en douceur. Comme

l’activité n’a pas repris en 2010/2011, il n’y avait pas de charge de travail suite à ces départs

donc il n’y a pas eu de détérioration des conditions de travail ».

De plus, sur l’un des secteurs impactés par le projet, un nouveau système d’information a été

implémenté, ce qui a demandé une certaine mobilisation, ce projet était moteur pour les

salariés restants.

Et puis sur certains secteurs, l’activité n’a pas faibli, on a fait jouer la mobilité, donc on est

reparti sur une dynamique très vite. La phase d’immobilisme n’a pas duré longtemps.

On retrouve cet « effet d’aubaine » que représentait le PDV dans les discours des personnes

interrogées. Et que globalement, les gens n’étaient pas inquiets sur la boîte.

Page 94: Le rôle du drh dans les restructurations

94

Néanmoins, dans le discours du membre du CCE et de l’assistante sociale, ils considèrent que

les salariés étaient plus inquiets sur le fonctionnement de leur équipe après un départ, car ils

disaient : « je vais devoir travailler davantage, ça va être plus pénible ».

« L’échec de la boîte a été de prévoir des incitations financières à partir vite, c’est-à-dire avant

juin 2010. Or, le pic d’activité est en juillet. Beaucoup de départs ont eu lieu avant juillet,

cette période a été très critique pour l’exploitation. Ça a été très mal géré et mal perçu par les

agents. D’ailleurs, le DGRH en octobre novembre 2009 disait que le plus difficile serait

d’assurer l’exploitation en intégrant tous ces départs ».

On relève en effet une prise de conscience de la part de la DRH mais il n’y a pas eu

d’anticipation malgré tout. L’objectif était de valider de nombreux départs volontaires.

Enfin, il ressort de l’interview menée avec une personne de l’encadrement que la place du

RRH dans ce dispositif était pour finaliser les papiers avec le salarié partant car tout

l’accompagnement sur son nouveau projet a été fait par le cabinet extérieur.

1.7 L’implication des managers : forte

Selon le RRH « le message était clair, les managers devaient être proactifs. Ils ont bien

compris leur rôle. Ils ont porté le projet ».

2 ans après : le plan de redressement « Transform2015 »

Les résultats 2011 d’Air France (AF) se caractérisent par une perte d’exploitation pour la

troisième année consécutive : 1,8 Md d’euros de perte sur trois ans.

L’objectif financier fixé par le conseil d’administration est de réduire le désendettement de 2

milliards d’euros à fin 2014.

Alexandre de Juniac est nommé Président en novembre 2011. Et un nouveau DGRH ayant

travaillé à ses côtés précédemment est nommé en ce début d’année 2012.

Le Président annonce lors d’un CCE extraordinaire le 10 février 2012, la démarche souhaitée

du Plan Transform. Il présente le nouveau DGRH.

L’entreprise veut agir vite afin de simplifier les structures et retrouver la voie de la flexibilité,

par quatre moyens :

- Mesures conservatoires : gel des embauches, des salaires

Page 95: Le rôle du drh dans les restructurations

95

- Négociation sur l’accompagnement du projet de redressement Transform 2015

- Renégociation des accords d’entreprise – objectif : un gain de 20% d’efficacité

économique (avancements, promotions, temps de travail, prise de congés, composition

d'équipage, etc.)

- Plan de départ volontaire

Le constat est fait qu’aujourd’hui la masse salariale augmente très vite et représente une part

trop importante du chiffre d’affaires (32.5%). Les accords collectifs en vigueur ne servent

plus les intérêts économiques de l’entreprise et fragilisent la pérennité des emplois des

salariés. L’entreprise et les organisations syndicales doivent définir un nouveau cadre

conventionnel.

Quelques mois après sa nomination, le DGRH a un planning chargé par des réunions de

négociations avec les partenaires sociaux et des CCE.

Le DGRH a réussi à signer le 15/03/2012 avec les organisations syndicales à la majorité un

accord de cadrage et de méthodologie qui a fixé les objectifs et le planning de négociation.

Des mouvements de grève ont eu lieu mais n’ont pas bloqué les négociations.

L’entreprise a fait le choix d’imbriquer le projet Transform à la négociation du nouveau cadre

conventionnel. En ce sens où si les accords sur la redéfinition du cadre conventionnel sont

signés, la direction s’engage à ce qu’il n’y ait pas de départs contraints d’ici 2014.

Ainsi, en parallèle, le CCE est informé-consulté sur le projet du Plan Transform.

Un CCE extraordinaire s’est tenu le 30 mars pour faire un point d’étape sur le plan Transform

puis le 24 mai sur le rapport de l’expert, le cabinet Secafi.

Le 21 juin s’est tenu le CCE extraordinaire avec pour ordre du jour : « Informations

complémentaires sur le plan "TRANSFORM 2015" et informations sur le volume et les

modes de traitement envisagés des sureffectifs sur la période du plan. »

Et le 28 juin, la direction a présenté son projet d’accord sur le plan de redressement

Transform2015. L’avis du CCE a été recueilli : avec 7 voix contre en provenance de la CGT

et de FO alors que 8 voix s’abstenaient (CFDT, CFE-CGC, UNSA et UNAC).

Page 96: Le rôle du drh dans les restructurations

96

En parallèle, les négociations sociales sur le cadre conventionnel menées par le DGRH se sont

déroulées d’avril 2012 à juin 2012.

Les négociations ont porté sur les thèmes :

- Emplois et mutations (objectif : simplification de la classification des emplois et

réduction des filières métiers (projet "Passerelle") pour favoriser les mobilités

- Rémunération et carrière (avancements, promotions)

- Temps de travail et congés (réduire les jours de congés supplémentaires)

Elles ont abouti suite à l’avis du CCE à une signature le 6 juillet 2012 pour le personnel au sol

(accord signé par les organisations syndicales CFE-CGC, la CFDT, FO qui avaient recueilli

parmi les personnels au sol une audience de 46,5 % lors des dernières élections

professionnelles). Mais la CGT a fait opposition à l’accord qu’elle n’a pas signé.

Par contre, le DGRH n’a pas eu la signature du projet d’accord pour le PNC. Ainsi, il va

devoir poursuivre la dénonciation des accords et aura 15 mois pour renégocier. Néanmoins, il

ne garantit plus aux PNC des départs non contraints.

Quant aux PNT, il aura la décision sur une signature que mi-août.

Une session extraordinaire du CCE s’est tenue le 26 juillet sur la gestion prévisionnelle des

emplois et des compétences et sur le PDV des personnels au sol.

Le plan Transform prévoit notamment la suppression totale de 5 122 postes. Ce volume tient

compte des prévisions des départs naturels. Ce qui représente 3 410 départs volontaires d’ici

décembre 2013 dont 2767 départs chez le personnel au sol.

Le projet de PDV sera soumis à la consultation du CCE le 19 septembre prochain. Les

mesures d’accompagnement seront alors détaillées, puis, communiquées lors d’une campagne

d’information aux salariés qui débutera le 1er octobre 2012.

Compte tenu des contraintes légales, les premiers départs

n’interviendront qu’à partir de fin novembre 2012 et s’échelonneront jusqu’à fin septembre

2013.

Page 97: Le rôle du drh dans les restructurations

97

Les avis sont unanimes : Air France vit une situation sans précédent qui angoisse tous les

salariés jusqu’aux cadres. Cette restructuration est une lourde refonte des métiers et de

l’organisation et des acquis sociaux. Ce sera dur alors que le marché de l’emploi est en berne.

Où vont-ils trouver les volontaires sachant que les salariés de 60 ans et plus sont partis lors du

PDV 2010 et qu’entre temps il y a un allongement de la durée du temps de travail.

C’est un gros chantier pour l’équipe de la DGRH. Selon le membre du CCE « le PDG et le

nouveau DRH sont un peu seuls ! Car en dessous les équipes n’ont pas changé ». On ressent

en effet la réticence à un tel projet par les équipes en place et la pertinence de changer de tête

pour faire bouger une entreprise.

Selon le RRH « L’enjeu est de taille. C’est une vraie révolution, rendez-vous compte, tous les

accords RTT sont mis à plat ! » « L’entreprise est liée par des accords depuis des décennies,

un vrai millefeuille. Et puis elle est face à un corporatisme majeur (les navigants) ! »

Selon un salarié, maintenant que les accords sont signés, nous attendons que les RRH nous

expliquent ce qui va changer notre quotidien. « On a besoin de documents officiels ».

Nous avons observé que la communication a été très dense durant notre stage : dès la fin de la

première réunion du CCE du 10 février, une web conférence a été tenue par le Président en y

conviant tous les salariés.

Un site internet dédié au projet Transform a été ouvert début mars et alimenté régulièrement.

Douze « Flash actu » sont parus entre le 1er

février et le 1er

juin, informant les salariés des

avancées des négociations.

En parallèle, le journal du groupe Air France publiait tous les mois une information sur le

projet.

Ce qui nous a marqué c’est le rythme soutenu qui a été entrepris par le binôme Président,

DGRH dès leur nomination pour proposer un plan de redressement. En un semestre, un

nouveau cadre conventionnel a été signé pour le personnel au sol et un projet de départs

volontaires va être mis en place dès la fin 2012. Et sans conflit social bloquant toute

négociation. Selon le RRH sollicité, « c’est une nouveauté chez Air France », même si ce

binôme avait l’expérience de mener un projet de restructuration.

Par contre, la structure en silo d’Air France ne permet pas la cohésion d’équipe, et encore une

fois, seul le personnel au sol s’est engagé dans la voie du redressement en signant un nouveau

Page 98: Le rôle du drh dans les restructurations

98

cadre conventionnel alors que le personnel navigant n’a pas dit son dernier mot.

Malheureusement, c’est perçu comme un manque d’équité par le personnel au sol.

Page 99: Le rôle du drh dans les restructurations

99

ANNEXE 2

2. L’arrêt de la fabrication de puces chez Freescale à Toulouse

2.1 Le contexte

Le site de Toulouse est une unité de production de carte à puces construite dans les années

1980, où l’on produit des galettes de silicium de 6 pouces. Le marché est aujourd’hui sur du

12 pouces.

Le site compte 1300 salariés. Il y a trois activités :

- Développement de la recherche pour la téléphonie mobile (236 personnes)

- Fabrication de galettes de silicium (821 personnes)

- R&D (500 personnes)

En avril 2009, les Etats Unis ont décidé d’arrêter les 2 premières activités : soit 1057 emplois

supprimés. L’arrêt de l’activité Développement de la recherche pour la téléphonie mobile

s’est faite à courte échéance car c’était une activité où le développement était en baisse.

Et l’activité de fabrication de galettes de silicium (821 salariés) devait s’arrêter fin 2011,

début 2012. La fermeture a été repoussée le 10 août 2012 pour finir la production demandée.

Les deux raisons économiques du projet :

1/ Obsolescence des produits (technologie 6 pouces), il fallait convertir le site pour une

fabrication de 8 à 12 pouces (soit 8 à 10 milliards de dollars d’investissements). Ils ne

pouvaient pas investir étant donné que le chiffre d’affaires est de 4 milliards de dollars.

2/ il y a déjà 2 sites de fabrication aux Etats Unis de 8 pouces (qui pouvaient accueillir les

activités faites en France).

2.2 La prise de décision : à l’étranger mais marge de manœuvre locale

Page 100: Le rôle du drh dans les restructurations

100

Le siège aux Etats Unis (EU) a pris la décision d’arrêter la fabrication de puces à Toulouse.

Ils ont appelé le Président France et le DRH, pour les informer. Ils sont partis 5 jours aux EU.

Avant de partir, le DRH et son adjoint spécialiste en relations sociales, ont réalisé plusieurs

hypothèses de travail chiffrées, en un temps relativement court et en toute confidentialité.

Le Président et le DRH ont formulé leurs hypothèses et essayé qu’ils reviennent sur leur

décision. Le projet devant se faire, ils ont fixé leurs conditions : que la fermeture se fasse dans

3 ans pour éviter la casse sociale.

Selon le DRH, « ce sont plusieurs semaines d’âpres négociations. Les discussions ont duré un

mois et demi pour qu’enfin la corporation disent OK sur le plan et sur les montants ».

2.3 La communication : immédiate, la direction occupe le terrain

La communication est à la main du Président et du DRH. Et même s’il y a un service

communication, le DRH valide le contenu.

C’est le Président qui est porteur du projet opérationnel et le DRH ne le conçois pas autrement

« sinon ça ne peut pas marcher. Le DRH est là pour la partie support mais son rôle n’est pas

d’affirmer son leadership pour l’annonce du projet ».

Dès la fin d’une réunion du comité d’entreprise sur le projet ou d’une réunion de négociation,

c’est le Président et le DRH qui se chargent d’annoncer le projet à toutes les équipes

travaillant sur le site. « C’est une tradition le dialogue en permanence avec le salariés ».

Les managers étaient tenus informés par le DRH des échanges et avancées avant la sortie de

la réunion, afin qu’ils n’apprennent rien de la bouche des syndicats.

Ce qui leur a posé problème c’est de devoir respecter le silence avant l’annonce en comité

d’entreprise, toutefois, ils ont trouvé le bon timing pour que le Président annonce le projet aux

institutionnels (Etat, Préfet, Maire) afin qu’ils ne le découvrent pas dans la presse.

Les salariés n’ont pas été surpris par l’annonce, ils savaient qu’à terme cette activité

deviendrait obsolescente.

Page 101: Le rôle du drh dans les restructurations

101

2.4 Le dialogue social : stratégique et mouvementé

Toutes les négociations ont été menées par le DRH, aidé de son adjoint expert en relations

sociales.

Ils avaient un accord de méthode signé en 2007 qui leur permettait de faire des

restructurations dans la limite de 200 postes par an. Le DRH a entamé des négociations pour

revoir cet accord.

Selon le DRH, « nous avons décidé de scinder en trois réunions ces négociations : l’une

portant sur l’espace emploi, l’autre sur la reconversion et une autre sur les indemnités car nos

deux priorités étaient les moyens et la reconversion ».

→ Négociations sur l’espace projet emploi (EPE) (2 réunions) :

5 syndicats sur 6 majoritaires ont signé

Le DRH était satisfait que dès le 8 mai 2009, l’EPE était en place, soit une équipe de 15

personnes du cabinet Altédia, pour accompagner les gens volontaires dans leur projet de

formation et de recherche d’emploi.

Le DRH et son équipe RH se sont beaucoup investis aux côtés du cabinet Altédia pour

organiser des rencontres entre les employeurs de la région et les salariés (20 entreprises sont

venues).

→ Négociations sur la reconversion (14 réunions) :

Accord signé fin août 2009 par 3 syndicats sur 6 majoritaires

Le dispositif prévoyait :

- 14 000€ de frais pédagogiques,

- Le maintien de la rémunération totale pendant 1 an pendant la formation,

- Une rémunération dégressive au-delà

→ Négociations sur les indemnités (6 réunions) :

Ce sont les réunions qui ont été les plus difficiles. Une organisation syndicale (CGT)

demandait 300 000€ en moyenne par salarié. La Direction a marqué son désaccord.

Page 102: Le rôle du drh dans les restructurations

102

Ce syndicat a séquestré pendant 7 heures le DRH, son adjoint et le Président ainsi que les

syndicats majoritaires. Les membres de la direction ont dû faire intervenir la police.

Les négociations se sont interrompues. Une autre tentative de séquestration suivra à la reprise

des négociations.

Le DRH a été victime de menaces, et ils ont fait le choix de prendre des gardes du corps et de

faire intervenir les membres du GIN pour une vigilance sur le site. Selon le DRH

« heureusement, nous nous étions préparé à froid ».

Au bout de ces réunions de négociations, il n’y a pas eu d’accord.

La fourchette des indemnités va de 50 000€ à 192 000€.

Le DRH a mené les réunions d’information-consultation de décembre 2009 à février 2010.

Puis dans un tel climat, vient le temps des contentieux. Les syndicats minoritaires ont attaqué

en référé sur les raisons économiques du projet et le PSE. L’entreprise a gain de cause mais

elle a eu une remarque du juge sur les seniors. Il fallait revoir un article sur la prime de départ

anticipé. Les juges considéraient que les salariés allaient perdre 2 à 3 ans de salaires et les

avantages d’être salarié Freescale s’ils étaient volontaires au départ.

Ce qui a nécessité de revoir ce point et de renégocier.

Les grévistes attaquent l’entreprise sur le non-paiement des cinq semaines de grève.

L’entreprise a gain de cause.

2.5 Le climat social

Selon le DRH «au moment de l’annonce du projet, les syndicats se sont unis en intersyndical

mais au bout de 6 semaines ça a explosé en 2 groupes : les partisans d’une bataille pour

l’emploi (syndicats majoritaires (FO, CGC, UNSA)) et ceux qui se battent pour les

indemnités (minoritaires CGT) ».

Les syndicats minoritaires ont décidé de bloquer le site. La grève a duré cinq semaines.

L’objectif était d’empêcher le PSE et de mettre la pagaille. La tension était vive, le DRH a fait

intervenir les CRS et la Préfecture.

Ce mouvement ne s’est pas généralisé, il n’y avait que 10% de grévistes. Ce qui a permis au

DRH de relativiser.

Page 103: Le rôle du drh dans les restructurations

103

2.6 L’impact humain

● Le premier enjeu est de se préoccuper des reclassements :

Sur les 821 postes supprimés :

264 salariés ont quitté l’entreprise avec un projet,

400 personnes ont bénéficié de formation en fonction de leur projet et sur des métiers en

tension. Sur les 400 : 200 sont partis et 200 sont revenus à leur poste,

40 personnes ont été reclassées en interne.

L’entreprise s’est montrée socialement responsable :

Il y a eu une réelle dynamique d’investigation et de communication sur les

reclassements externes. C’est le fruit du contrat passé avec le cabinet de reclassement Altédia,

du suivi mensuel mené par le DRH en présence de la DIRECCTE, et du travail de l’équipe

RH, sur les passerelles possibles sur des postes des entreprises comme le CHU, Tisséo,

Airbus, et sur la rédaction d’un catalogue des métiers en tension dans la région et comment y

aller.

Sans doute aussi, sous la pression de la convention signée avec l’Etat pour la

revitalisation du bassin d’emploi, l’entreprise s’engage à recréer un emploi dès qu’un emploi

est détruit, sinon elle paiera une amende.

● L’autre enjeu de taille est de poursuivre la communication positive envers les équipes

restantes au sein de la R&D. Selon le DRH « ils expriment un réel besoin de tourner une page,

ils demandent de sortir de l’empreinte du passé en modifiant la composition des bureaux par

exemple».

Aussi, le DRH suit le taux d’absentéisme (4,5%) qu’il trouve normal. Il suit le baromètre du

bien être avec la médecine du travail et le comité de prévention du stress. « On a identifié 50

cas difficiles. Une cellule médico-psychosociale se réunit toutes les semaines et fait des

préconisations ».

Selon le DRH « c’est long 3 ans sur le plan humain. Mais c’est ce qu’il fallait faire pour les

salariés (certains ont 20 ans de boîte et sont rentrés avec un CAP) ».

Page 104: Le rôle du drh dans les restructurations

104

Même s’il est trop tôt pour faire le bilan, l’avis du DRH à ce stade est que «le RH doit être

crédible, avoir une confiance en amont du projet. Le binôme Président/ DRH doit bien

fonctionner. Nous sommes fiers d’avoir pu anticiper ».

Page 105: Le rôle du drh dans les restructurations

105

ANNEXE 3

3. L’arrêt d’activité chez Arcadie Sud-Ouest

3.1 Le contexte

Le site de Bordeaux qui compte 110 salariés est un site de découpe de porc qui n’a pas

d’activité d’abattage sur le même lieu. Il n’est pas compétitif. Il enregistre des pertes sur 3 ans

de 1 million d’euros.

3.2 La prise de décision : un DRH associé

En 2007, le conseil d’administration a demandé d’enrayer les pertes et le Président envisage

alors l’arrêt de l’atelier découpe, ce qui représente 55 postes supprimés.

Le Chef de centre niait les pertes et était remis en cause.

Le DRH est associé à la réflexion sur les modalités de cette restructuration. Il planche sur les

hypothèses de travail et les membres de la direction hésitent entre l’annoncer immédiatement

risquant de compromettre l’activité ou retarder l’échéance de 7 mois.

Ils ont pris la première option.

3.3 Le dialogue social

Le DRH se charge de la rédaction des livres III et IV et est très vigilant pour la rédaction du

motif économique. Pour cela, il fait appel aux conseils d’un avocat et il avait un bon

relationnel avec le directeur administratif et financier.

Page 106: Le rôle du drh dans les restructurations

106

Il informe le directeur général des risques contentieux en fournissant un chiffrage. Pour éviter

tout risque, le DRH voulait valider tous les documents, courriers qui allaient être produits.

Lors des réunions CE d’information-consultation, le DRH voulait systématiquement la

présence du DG.

C’est lors de la négociation sur le PSE que le dialogue s’est rompu. Il y a eu une semaine de

grève menée par la CGT, très tendue avec des barrages à l’entrée, insultes ; dans l’objectif de

faire monter l’indemnité supra légale.

Le DRH a même demandé l’intervention de l’inspecteur du travail comme médiateur, mais

sans résultat. La situation s’est soldée par un constat d’huissier et la saisine du TGI en référé.

L’entreprise a eu gain de cause et chaque gréviste a été condamné a payé 1500 €.

Ce que le DRH tenait à nous dire c’est qu’en parallèle de la procédure officielle, il y a une

procédure officieuse menée avec une délégation plus restreinte, plus proche pour faciliter les

négociations.

Nous retenons que le dialogue social n’a pas été facilité à cause de deux acteurs extérieurs.

Tout d’abord l’expert nommé SECAFI outrepassait son rôle en donnant des conseils sur la

durée de la grève, et les actions à mener devant les prud’hommes.

Ensuite, le cabinet de reclassement Altédia se permettait de donner des conseils juridiques.

3.4 La communication : pédagogie

Le DRH a fait accepter au DG qu’il contrôle toute la communication. Selon lui, c’est son rôle

même en temps normal.

En amont du projet, le DRH a été confronté à l’inquiétude des membres de la direction face

aux répercussions de la restructuration. Il a entrepris un gros travail de pédagogie des

dirigeants, très chronophage (réunions, face à face le soir). Les commerciaux étaient en

demande par rapport à leurs clients.

« Aussi il était vital d’informer les clients du projet pour ne pas qu’ils se détournent de

l’entreprise ».

Page 107: Le rôle du drh dans les restructurations

107

« J’ai fait des réunions avec l’encadrement aussi pour voir qui était en méfiance par rapport au

projet ». Notamment le chef de centre l’était. Ce fut difficile que le manager du site se

désolidarise. Mais son comportement n’a surpris personne. Il a d’ailleurs été licencié plus tard

car il ne communiquait jamais et n’entretenait pas le dialogue avec les représentants du

personnel. Sa présence a été un handicap pendant le projet.

Et puis « j’ai eu un rôle important sur la clarification du motif économique auprès des

salariés. L’enjeu est qu’il ne fasse de débat pour personne ».

« Je faisais également des notes internes à tous les responsables de site à chaque fin de

réunion. Tout le groupe était informé car on craignait l’effet boule de neige et que la grève

s’étende à d’autres sites. Mais la solidarité n’a pas eu lieu ».

Les institutionnels ont été également prévenus qu’un projet était en cours. Le DRH a prévenu

le Maire et le directeur du travail, le DG a prévenu le Préfet. Ils ont apprécié car dès le

premier jour de grève, les salariés étaient devant le bureau du maire.

Le DRH était très présent sur le site de Bordeaux. « Pendant 2 mois, je suis resté là-bas, je ne

rentrais que le weekend end. C’était du 5H30 21H. C’est indispensable d’être présent pour

éviter tout contentieux ».

« J’étais à l’écoute, j’ai martelé le discours pour mettre les salariés dans une dynamique de

recherche d’emploi. Sur le terrain on vit la phase du déni, de la colère. Faut être capable

d’accepter tout ça pour faire ce métier ».

« Pour cela, il faut bien se connaître. Quand on a une baisse de régime, il ne faut pas y aller, il

faut travailler sur les autres dossiers pour revenir gonflé à bloc. Car c’est une course contre la

montre. Je me tenais à mes objectifs, il faut se mettre des check point, c’était ma motivation,

mon moteur ».

3.5 L’impact humain

Le syndrome du survivant a été perçu. Il y a plusieurs phases : d’abord le soulagement que les

critères d’ordre ne vous désignent pas, et puis la culpabilité. Mais ça n’a pas duré longtemps.

Le rôle très important du DRH est d’identifier les salariés à risque, en détresse psychologique

ou déjà fragiles avant et en détresse financière après (crédit de maison).

Page 108: Le rôle du drh dans les restructurations

108

Pour cela, le DRH était présent et a fait des entretiens individuels pour ceux qui le

souhaitaient à l’issue des réunions d’information-consultation. Tous les salariés sont venus.

Le bilan, sur 55 suppressions de postes :

- 15 reclassements internes

- 50% reclassements externes (salariés sur poste avec technicité âgés de 45/48 ans Ex :

boucher). Le DRH a appelé les grossistes aux alentours,

- 50% ont bénéficié de la cellule de reclassement (salariés sans technicité,

administratifs)

Au bout d’un an, 20% restant n’avait pas retrouvé d’emploi.

C’est lors de la commission de suivi qui a duré 1 an, que le DRH s’est rendu compte

qu’Altédia était mauvais. « C’est l’usine chez eux au niveau des entretiens. Les débriefs sont

très légers ».

Le DRH a retenu que le choix du cabinet est très important.

Selon le DRH, son échec est d’avoir eu une grève d’une semaine et de ne pas avoir senti plus

tôt que la présence du chef de centre était une erreur. Le dialogue social est important dans

une phase de restructuration mais là le terrain n’était pas favorable, les élus n’étaient pas en

confiance. Il a le sentiment également qu’il aurait dû préparer plus en amont la négociation du

PSE avec une délégation restreinte.

Page 109: Le rôle du drh dans les restructurations

109

ANNEXE 4 : Trame des entretiens semi-directifs

Elle fut l’objet d’adaptation lors de chaque entretien.

1. DECISION

Comment avez-vous appris la décision du projet ?

Comment vous êtes-vous organisé suite à cette décision ?

Propositions de différentes modalités de gestion du sureffectif ?

2. CONFLIT SOCIAL

De quel nature était le conflit social (durée, suivi, TGI) ? difficultés ?

Quelles revendications syndicales (abandon projet, négociations d’indemnités ?)

Quel impact sur les salariés ? convaincus ?

3. MEDIATISATION et COMMUNICATION

Situation médiatisée, pour une entreprise bien ancrée sur son territoire, est ce que le dialogue

social a été bousculé par l’ingérence du Préfet ?

Qui s’est chargé de la communication interne comme externe?

Quel type de communication, quand et la cible ? quid des externes ?

Echec/ réussite

4. PSE

Process, négociations avec OS ? Accord de méthode ?

PSE à ce stade ?

Cette situation permet-elle vraiment d’être dans de l’anticipation ?

Quelles mesures ont été prises pour les salariés, les sous-traitants ? Quels freins ?

Quelles actions pour le bassin d’emploi ?

Avez-vous mis en place le gel des embauches pour favoriser le reclassement sur le R&D ?

Vous avez choisi l’accompagnement d’un cabinet ? est-ce qu’un PSE a été signé, que prévoit-

il ?

Page 110: Le rôle du drh dans les restructurations

110

4. POLITIQUE RH

Quelles mesures ont été prises pour les salariés, les sous-traitants ? Quels freins ? (Gel des

embauches ?)

Quelles actions pour le bassin d’emploi ?

Comment mener de front une restructuration et le développement du groupe ?

Quid des actions sur la diversité, les seniors, fidélisation des talents pendant ce temps ?

5. CLIMAT SOCIAL ET SANTE AU TRAVAIL

Ambiance, qualité de vie au travail, santé des salariés ?

Avez-vous remarqué le syndrome du survivant ?

Quelles actions ? sur les conditions du travail

6. IMPLICATION DES MANAGERS

Face au changement (accompagnement ?)

Actions RH

7. SUIVI

Y a-t-il eu un suivi ?

Page 111: Le rôle du drh dans les restructurations

111

TABLE DES ANNEXES

ANNEXE 1 : Etude des restructurations de 2009 et 2012 chez AIR France

ANNEXE 2 : Etude de la restructuration menée de 2009 à 2012 chez FREESCALE

ANNEXE 3 : Etude de l’arrêt d’une activité chez ARCADIE Sud-Ouest

ANNEXE 4 : Trame des entretiens semi-directifs

Page 112: Le rôle du drh dans les restructurations

112

TABLE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Types de restructuration

Tableau 2 : Trois types de licenciements économiques

Tableau 3 : Les délais entre chaque réunion d’information consultation

Tableau 4 : Principales conséquences personnelles et organisationnelles du downsizing

Page 113: Le rôle du drh dans les restructurations

113

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION…………………………………………………………………….……..6

PARTIE 1 : Le cadre d’analyse……………………………………………………….…….9

I. La place du DRH dans le choix stratégique de l’entreprise de restructurer…...…10

1. Le concept de restructuration………………………………………………….…….10

2. La prise de décision et le DRH……………………………………………...………18

2.1 Comment les choix de suppressions de postes sont faits ?....................................19

2.2 Conséquences des décisions transnationales………………………….……….…20

2.3 Quelle latitude a le DRH ?.....................................................................................21

3. La préparation à froid……………………………………………………………..…23

3.1 Définition d’un référentiel de mesures RH…………………………………..…..24

3.2 Anticiper les points durs………………………………………………..……..….24

II. La mise en œuvre d’une restructuration avec suppression d’emplois……....…..…26

1. Le DRH et les représentants du personnel………………………………………......27

1.1 De quelle manière et à quel moment les partenaires sociaux sont impliqués dans

le processus et pour quels objectifs?......................................................................27

1.1.1 Implication des instances représentatives du personnel………………..….27

1.1.2 Implication des organisations syndicales représentatives…………………30

1.2 Les mesures d’accompagnement d’un licenciement économique : quelle latitude

du DRH dans la négociation ?...............................................................................31

2. Le DRH et la communication……………………………………………………….36

3. Le DRH intervient en matière de gestion du risque d’un conflit social………….…38

III. Le DRH face à la dimension humaine du projet de restructuration………...…….42

1. Les effets des restructurations sur les ressources humaines…………….…………..42

1.1 L’impact sur les collaborateurs……………………………………………….….42

1.2 La remise en cause des équilibres en termes de compétences et de savoirs……..45

1.3 Les risques sur les conditions de travail…………………………………………46

1.4 Les incidences sur l’image de l’entreprise………………………………….……47

2. Des effets pervers qui remettent en cause la réussite de la restructuration…………48

3. Les restructurations et le management……………………………………………...48

Page 114: Le rôle du drh dans les restructurations

114

PARTIE 2 : L’enquête de terrain, présentation de trois études de cas…………………..51

I. La méthodologie utilisée…………………………………………………………..…..52

1. Le choix des entreprises…………………………………………………....…….….52

2. Les techniques de recueil d’informations utilisées……………………………….…53

2.1 L’entretien semi directif………………………………………………………….53

2.1.1 Le choix des personnes sollicitées………………………………..………53

2.1.2 Présentation de la méthode utilisée……………………………………....54

2.2 Le recueil de documents écrits…………………………………………………...55

2.3 La conversation terrain…………………………………………………….……..55

II. Présentation des résultats au sein des trois entreprises……………………….……56

1. Le DRH est très rapidement tenu informé de la décision de restructurer…………..56

2. Le DRH : leader de la négociation et du processus d’information-consultation…...58

3. Un DRH devant gérer une grève………………………………………………..…..60

4. Le DRH et la communication : il occupe le terrain…………………………...…….61

5. Le DRH face à l’impact humain…………………………………………………….63

6. Des DRH innovent dans les mesures d’accompagnement…………………………..65

PARTIE 3 : Préconisations opérationnelles…………………………………………….....70

I. Les axes de recommandations……………………………………………………....71

1. Privilégier l’anticipation à la précipitation……………………………………….…71

1.1 Le développement de l’employabilité et l’anticipation de l’annonce……………72

1.2 Le DRH doit lever ces freins………………………………………………….….74

2. Prendre le temps du dialogue social………………………………………..……….75

3. Le DRH devient acteur de la communication…………………………………….....77

4. Le DRH doit être sélectif sur les mesures d’accompagnement………………….….80

II. Une mutation de la fonction RH……………………………………………………82

CONCLUSION…………………………………………………...……………………...….85